jeudi 26 août 2010

lire Sigrid Undset


Elle recevait leurs cadeaux avec un sourire calme et radieux, sans leur rappeler jamais les sacirices et les privations que cela leur coûtait : elle comprenait trop bien que le fait de se priver pour lui faire plaisir constituait justement pour eux une consolation et une joie et leur faisait oublier momentanément qu’elle allait les quitter bientôt.

Cependant, la douleur de Rose était immense, et elle souffrait seule pendant de longues heures au bureau et de longue nuit quand sa mère dormait. Celle-ci avait la conviction mystique que son amour maternel, que ‘lamour qu’elle avait pour son enfant, serait plus fort que la mort. Quant à Tokild, son jeune amour saurait chercher nourriture et forces en toute chose, fût-ce dans le mystère de la mort et dans la cruelle séparation. Mais, pour la douleur d’un enfant qui pleure son père ou sa mère, il n’existe pas de consolation. Une mère peut conserver jusqu’à la fin de ses jours un amour vivant et inaltéré pour l’enfant qu’elle a perdu ; le cœur d‘un amant peut vivre pendant toute une longue existence du souvenir de son aimée que la mort lui a ravie. Car l’amour d’une mère et l’amour d’un amant ont connu un commencement ; ils ont conquis une place dans notre vie ; ils ont rivalisé de forces avec d’autres sentiments… Mais l’amour d‘un enfant pour ses parents a fait partie de son être, depuis toujours ; il l’a suivi tandis que l’enfant grandissait, sans jamais apporter à son esprit le bonheur de la nouveauté. Voilà pourquoi la douleur d‘un enfant à la mort de son père ou de sa mère est lamentable et sans consolation : elle est une partie de la vie même de l’enfant qui lui est arrachée. Quand le temps aura cicatrisé la plaie ou qu’un nouvel amour remplira le vide de son cœur, ce ne sera ps la consolation, ce sera l’oubli.

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Je sais que je pourrais aimer un homme d’une tout autre manière. Je sais que je pourrais ressentir quelque chose qui m’est encore inconnu. Et j’en ai hâte. J’ai hâte de rencontrer dans ma vie quelque chose qui me transfigure. J’ai toujours été la même. Toujours. Quand je suis avec toi, je ne change pas.



Sigrid UNDSET . Printemps (trad. Elsa Cornet pour Stock . Mai 1942 . 389 pages) pp. 89-90 & 105