mardi 12 janvier 2021

 

"Je suis entré dans ce fameux tunnel de la mort", miraculé de la Covid-19 Serge Reeg raconte

 


Quand il se rend chez son médecin début mars 2020 pour une simple "gripette" Serge Reeg ne sait pas qu'il sera plongé dans le coma une semaine plus tard et transféré à Nantes dans le premier TGV médicalisé en partance de Strasbourg. Une course contre la mort qu'il raconte dans un ouvrage.

Publié le 10/01/2021 à 16h34 • Mis à jour le 10/01/2021 à 17h55

Serge Reeg a passé trois semaines dans le coma au CHU de Nantes - Les photos et vidéos permettaient de garder le contact avec ses proches • © Document remis - S.Reeg

Alsace

"Ma cage thoracique se comprime. Respirer est une douleur" nous sommes le vendredi 13 mars 2020 et la vie de Serge Reeg, entrepreneur de 56 ans habitant Marlenheim, bascule. Ce jour-là, il n'arrive plus à respirer et finit par appeler le Samu. Son état s'était pourtant amélioré. Quelques jours plus tôt Serge Reeg s'est rendu chez son médecin traitant pour ce qu'il pensait être une simple "gripette". Quatre-cinq jours plus tard "j'allais mieux" me dit-il après avoir pris "des médicaments de base", mais les maux de tête persistaient et se sont même intensifiés.

Vendredi 13 mars, Serge Reeg n'arrive plus à respirer "ma cage thoracique était compressée", il appel donc le Samu sur conseil de son épouse Catherine. Il arrive au NHC de Strasbourg avant d'être transféré à Hautepierre et sera très vite plongé dans un coma artificiel pour ne plus souffrir. "Je ne m'en souviens plus mais visiblement j'ai moi-même demandé à être plongé dans le coma, j'avais tellement mal". Serge Reeg restera quelques jours à Hautepierre avant de partir pour Nantes avec le premier TGV médicalisé. Il restera dans le coma pendant trois semaines. Une histoire qu'il a eu besoin de coucher sur le papier. Un voyage aux portes de l'enfer qu'il raconte dans Mon voyage au bout du Covid-19 publié par BoD.

Le livre écrit sous la plume de Nicole Laugel est paru le 10 décembre 2020 • © J.Jung/France Télévisions

Au bout de ce tunnel, il n'y a plus qu'à franchir un portail (...) Mais ce n'était pas mon heure

Serge Reeg

De ce coma, il ne se souvient de rien si ce n'est de "ce fameux tunnel dont tout le monde parle". "Tout est flou autour de moi, mais au loin, une lumière apaisante m'attire irrésistiblement" peut-on lire dans l'ouvrage, "je flottais et toute ma famille était là. Au bout, je voyais une lumière et un portail où se trouvait mon médecin mais pas en blouse". Serge Reeg décide de ne pas ouvrir ce portail "ce n'était pas mon heure". Plus tard le personnel soignant lui racontera qu'il s'est débattu deux fois en arrachant tout son appareillage. Il apprendra aussi qu'il a fait un arrêt cardiaque, une embolie pulmonaire, des phlébites et une extension de la glotte qui a doublé de volume.

De longues semaines d'absence pendant lesquelles la famille a tenu bon à 900 kilomètres de là. Son épouse a dû apprendre à gérer l'entreprise de peinture, ses deux enfants Romain et Baptiste étaient présents aussi. "Si je suis là aujourd'hui c'est grâce à ma femme, mes enfants et mon club de coeur [ndlr le Basket club de Furdenheim] Mon ami Jean Koehler a tiré un feu d'artifices tous les dimanches soirs pour me soutenir" raconte Serge, encore très ému.

Je me disais aussi que personne n'a l'accent alsacien

Serge Reeg

 

Trois semaines après le coma, Serge Reeg se réveille. Un réveil qui nécessite beaucoup de temps. "Il m' a fallu trois jours avant de réaliser ce qui m'arrive. Je ne parlais pas beaucoup. J'étais encore intubé. Et là je me suis dit : les gens sont bizarres. Ils sont nantais mais moi je suis à Strasbourg" Quand Serge comprend qu'il est à Nantes et que le personnel soignant lui raconte son histoire "le ciel me tombe dessus".

Très vite Serge demande à pouvoir mettre ses chaussures pour se lever. "Je voulais sortir", impossible ! Il n'arrivait même pas à bouger ses doigts. Il a perdu 32 kilos et 56% de sa masse musculaire. Plus de cinq jours seront nécessaires pour réapprendre à s'asseoir. "Je suis tombé mille fois dans le lit". Il lui faudra 12 jours pour faire 10 mètres "j'étais comme un bébé (...) Tous les jours une ergothérapeute était là pour me faire travailler". Serge Reeg sera transféré à l'hopital Saint-Jacques de Nantes pour entamer sa rééducation, les centres alsaciens étant saturés à ce moment-là. Accompagné quotidiennement d'une ergothérapeute, d'un kiné et d'un coach sportif il va progresser pas à pas.

Une rééducation durant laquelle les proches ne le lâchent pas. Des appels par Skype sont organisés pour échanger avec la famille. Et pour reprendre des forces, le boucher de Marlenheim enverra six kilos de charcuterie à l'hôpital.

C'est carrément tout le village qui vous attend je crois. Vous entendez le bruit qu'ils font ?

L'ambulancière qui a ramené Serge Reeg chez lui

Après deux mois loin de chez lui, l'heure du retour a sonné.  Lundi 13 mai 2019, Serge Reeg revient à Marlenheim. De loin il entend des bruits de casseroles. Devant chez lui, la famille et les amis sont là, "c'était une tempête émotionnelle pour moi, je n'arrivais pas à sortir de l'ambulance".

A Marlenheim le soutien de la famille et des amis était permanent. Beaucoup de gens se sont déplacés pour l'accueillir à son retour le 13 mai 2020. • © S.Reeg

Le pire et le meilleur sont dans ce livre

Serge Reeg

De retour en Alsace, la rééducation se poursuivra à l'Ugecam d'Illkirch. "Aujourd'hui j'ai retrouvé la dextérité de mes doigts mais les orteils sont encore paralysés", il poursuit donc ses séances chez son kiné trois fois par semaine en espérant pouvoir reprendre son travail à plein temps dans les prochains mois. 

Des joies et des peines que Serge Reeg livre aujourd'hui. Une façon aussi de remercier tout le personnel soignant "qui est magique, toujours à l'écoute, toujours présent. Cela vaut tout !". Bien entendu, il voit la vie autrement d'autant plus que son épouse et ses deux enfants ont été malades aussi mais bien moins que lui. "J'ai le moral, j'ai repris mes kilos, je veux revivre" conclut-il en pensant qu'il aurait fallu "reconfiner le pays". 

 Judith Jung