jeudi 29 septembre 2016

de mon ami, Michel Martin-Roland


   Poser une question, de nos jours, passe uniquement par le recours au pronom interrogatif QUOI.
    Ecoutons-nous, écoutons aussi les poseurs de questions à la radio (à commencer par Léa Salamé) :
- Pour vous, la politique c’est QUOI ?
- Vous pensez QUOI de la déchéance de nationalité ?
- Vous avez QUOI dans la tête quand vous dites que vous êtes un frondeur ? 
- Ils font QUOI les députés la nuit ?
- La fermeture des frontières a eu QUOI comme conséquences pour les réfugiés syriens ?


L’inversion du sujet a disparu de notre langue parlée : Qu’est-ce que la politique selon vous ? Que pensez-vous de la déchéance de nationalité ? Que signifie pour vous l’appartenance aux frondeurs ? Que font les députés la nuit ? Quelles ont été pour les réfugiés syriens les conséquences de la fermeture des frontières ?

Tu fais QUOI aujourd’hui ? Que fais-tu aujourd’hui ?

Je dirais, parodiant Aragon (Un jour, un jour):
QUOI ! Toujours ce serait un français massacré
Des tournures ignorées et des règles bafouées
Et l’enfant détourné d’une syntaxe oubliée
Notre langue avilie par un sabir bâclé !

lundi 26 septembre 2016

vous serez réélu - suite . début de 16



Monsieur le Président de la République,

                                             de quelles institutions sommes-nous capables ? lesquelles nous faut-il ? que souhaitons-nous pour notre vie ensemble, pour décider, pour nous exprimer à nous-mêmes et aux autres ? Le savez-vous ? Pierre Mendès France en témoigne : « La démocratie, c’est beaucoup plus que des élections et le gouvernement de la majorité : c’est un type de mœurs, de vertu, de sens civique et de respect de l’adversaire. C’est un code moral » [1]


[1] - La vérité guidait leurs pas
Œuvres complètes, VI Une vision du monde, p. 237

vous serez réélu - suite 15




Dans ce désert, mental et physique, deux événements déclenchent en moi, soudainement, un mouvement qui n’a pas de précédent dans mon existence, jusques-là.

Un de mes élèves, fonctionnaire du commandement territorial qui appartient désormais à la jeune République, m’invite à passer vingt-quatre dans le campement émiral de sa tribu. Un des professeurs au lycée français, qui vient de quitter la Compagnie de Jésus, et publiera ensuite sur le pays d’une façon que j’ai jugé à première lecture tendancieuse, vient avec nous puisqu’il est seul à posséder une voiture : la 2 CV de l’époque. Ensablements divers mais arrivée quand même. Les tentes, les conversations interprétées par mon homme, qui a déjà dépassé la cinquantaine et que l’exercice scolaire doit, non seulement améliorer en présentation écrite de l’exercice de ses responsabilités, mais surtout rétribuer davantage s’il réussit au concours de sortie. Me séduire dans cette perspective fait également partie de l’équipée. Un des moments qui me convertit parce qu’il m’introduit à ce pays, pour ce qu’il est à lui-même et aux siens, se passe et dure à regarder la vie du puits, desservant le campement. Un âne, unique, une corde et un seau de cuir, peut-être cinquante mètres de corde, remonter ainsi l’eau en stimulant l’âne qui n’est pas rebelle. Une musique continue, étrange, s’entend : la corde sur un madrier posé à l’ouverture du puits, pas de poulie, le frottement d’un archet donc que manie l’âne en allant et revenant, le seau tendant la corde qui creuse le bois. Le bois est poli, dur de texture, doux au toucher, usé humainement, animalement. Anier et quelques femmes sont autour du puits, l’auge où le seau est déversé est à la disposition des animaux. Je suis là, étranger, à regarder. Et j’aime regarder, et j’aime cette vie que – très probablement – je ne pratiquerai jamais, mais je l’admire. Je ne sais évidemment pas le statut servile de cette main d’œuvre sinon qu’elle n’est pas salariée. Je suppose qu’aucune monnaie ne circule dans les tentes et entre elles. Je n’interroge pas, Ahmed Ould Eli El Kori, de statut guerrier, m’expose sommairement l’organisation sociale. Le fils de l’émir, pas dix ans, est là, nous parlons. Il y aura la prière, il y aura l’aube et encore la prière. J’apprends le zrig et des repas uniquement à la viande de méchoui, le beure liquide baraté dans des outres, écoeurant mais auquel m’habituer, tout sent le cuir, tout a le toucher du sable. Il n’y a pas de vent pendant cette initiation. Je rentre conquis sans me l’expliciter, mais enfin arrivé, débarrassé de la nostalgie d’où je viens, de la France, des miens, d’une « grande école » où je vais passer, de concours en concours, les prochaines années dema vie, où se clora mon adolescence sans forcément avoir mûri. Mûrit-on jamais chez nous, en France ? surtout si la hiérarchie administrative au plus ou moins bon et prestigieux endroit de laquelle nous serons affectés, criblera difficultés professionnelles et personnelles. Les corps à corps avec la vie seront surtout nos déceptions et nos ambitions de carrière, bien peu l’exercice de nos fonctions. Ce qu’il vient de se passer en quelques heures est brutal : j’aime ce pays, j’admire une beauté qui n’est pas tactile, pas visuelle, qui ne se raconte ni ne se décrit, qui tient sans doute à ce que la nature, ou presque l’absence de nature si celle-ci se définit par des êtres vivants, animaux, végétaux, humains, ne sont pas luxuriantes mais si simples qu’elles s’imposent. Boire, manger, dormir, sans murs, sans horaires que par nécessité. Faire et non vouloir. Tout est immédiat, et surtout une communion amicale, les deux Européens que nous sommes, Francis de Chassey et moi, cohabitant provisoirement avec deux autres Français, l’un ingénieur du génie rural, l’autre paysagiste et horticulteur. Claude Baerhel sillonne déjà toute la Mauritanie pour y aménager des barrages rudimentaires mais tellement féconds, tels quels, et Jean-Pierre Manya plante et arrose des eucalyptus de part et d’autre de l’avenue de l’Indépendance qui va du Marahaba où nous prenons nos repas jusqu’au recrutement d’Adama (linge et cuisine enfin assumés dans notre petit appartement au sol couvert de linoléum) à la présidence de la République, à peine plus volumineuse qu’un bâtiment fruste pour comité d’entreprise en France, en bordure d’une plage bretonne. Mais la pierre est d’Atar, d’un ocre magnifique, et devant, la drisse battant un mât métallique sans orgueil, flotte ou pend le drapeau vert du Prophète frappé d’un croissant de lune doré, à l’horizontal, et accueillant donc l’étoile qui importe.

Quand la porte m’est ouverte, que la salle sans décor ni aux murs blancs ni au plafond monacale se présente à mes yeux, je n’imagine rien de ce qu’il va se passer et décidera en partie de ma vie. Le président de la République me semble encore plus jeune que l’Etat qu’il est en train d’organiser, mais dont il reconnaît que ce sont bien les Français qui en ont eu le projet et l’ont, de fait, fondé. Il m’admet à son audience, sollicitée par la voie hiérarchique, le directeur – assistant technique français – de ce centre de formation administrative où j’enseigne de jeunes dactylographes ou des fonctionnaires proches de la retraite comme mon hôte de quelques semaines auparavant. Moktar Ould Daddah a le sourire déjà de l’amitié, au moins de la bienveillance dont il me gratifie d’emblée. Je saurai vite que c’est l’aisance d’âme, la confiance d’être compris, dans son dessein, dans ses explications, par un jeune homme diplômé selon les facultés et les maîtres qu’il a lui-même fréquentés, dix-douze ans auparavant. C’est une première conversation : je suis sous son charme. Nous allons désormais nous entretenir de son pays, de son travail de chef d’Etat, depuis cet instant d’Avril 1965 jusqu’en Mai 2003, où nous reverrons avec son épouse – française de naissance – le texte de ses mémoires. La rédaction originale est manuscrite, elle est de son écriture. Avec l’intense émotion que provoque la très belle surprise, je découvrirai à première lecture de la saisie numérique de son texte que ce politique, cet homme de dessein, de conviction, de foi dans la toute-puissance d’une dignité nationale ne concédant jamais en esprit, est un écrivain : son œuvre fondatrice d’une nation, et sans doute de davantage, tant la mise en commun des ressources et des espérances arabo-musulmanes et africaines lui doivent, a été exceptionnelle. Et avoir su, par lui-même, sans « nègre » donc,  en proposer la structure et la mémoire par écrit n’a pas d’équivalent en Afrique. Des dizaines de fois, parfois des jours entiers ou presque, moi prenant des notes assez aisément car mon éminent ami parle avec soin et lentement, ou enregistrant, tandis qu’il proteste de sa joie d’être intimement compris, nous travaillerons ensemble. Je ne distingue plus, ainsi à ses côtés, qui est étranger, qui est national, ce qu’est la France si vieille, si assurée dans son existence et sa légitimité, ou ce qu’est la Mauritanie contestée, convoitée, très ancienne de société, d’habitudes, d’imbrication de la religion et de la politique dite traditionnelle, et très jeune s’il s’agit d’organiser en terles contemporains et internationalement monnayables la mise en valeur économique et financière d’un sous-sol, d’une zone maritime considérables, mais cela sans expérience nationale propre, sans cadres en nombre. Assistance technique, investissements étrangers : aux débuts du pays, à son indépendance, tout le concours extérieur, ossature-même de l’administration sont de chez nous, de l’ancienne métropole, de la France donc. Quelques semaines auparavant, je ne ressentais pas mon pays comme une métropole, avec des avances sur autrui ou des possibilités à offrir ou à retirer. Je n’avais aucune imagination de ce qu’il est nécessaire d’implanter physiquement et mentalement pour que quelque chose se développe qui s’appellera un Etat. En version brute, voici donc le nationalisme, la fierté, la formation de cadres et d’experts, voici aussi la politique à définir et appliquer consensuellement faute qu’existent des alternatives au développement des extractions minières aussi vite que possible, et cela sera, faute aussi que l’indépendance supporte des formes diverses vis-à-vis des voisins, tous prétendent à une partie du territoire mauritanien dans ses frontières coloniales, et vis-à-vis de nous, de mon pays : la France.

Monsieur le Président de la République,

le soir de votre élection, vous vous êtes brièvement adressés à nous avant de partir vers la place de la République, vous parlez au balcon de Tulle. C’est la promesse, c’est l’intuition unanimement partagée d’un changement fondamental dans notre relation nationale avec nos partenaires africains, nos anciennes colonies, avec ces nationalités nouvelles que beaucoup en elles et en nous empêchent de s’équilibrer, de se vouloir et s’épanouir vraiment. Je courielle vos paroles à mes amis mauritaniens, près de cinquante ans – alors – après qu’ils m’aient accueillis [1].


Reniac, à ma table de travail
après-midi du lundi 26 septembre 2016,
16 heures 36 à 17 heures 40


Ce n’est pas leur cause que je me suis appropriée en répondant à leur confiance et en découvrant, aimant ce qu’ils sont, ce qu’ils font, c’est leur pays et sans doute l’essence de ce que peuvent être les nationalismes d’aujourd’hui quand ils ne sont que fierté et offre d’entr’aide en complète conscience de soi. Là-bas, tout autre que chez nous, je comprends en conclusion de mon adolescence et tandis que foire un premier amour, la contagion française. Rien ne se transpose ni ne s’imite, mais un esprit de confiance en soi, en la vie politique, en la vie internationale ne doit rien à la taille, à la masse, aux statistiques, même à l’ancienneté de formes étatiques ou d’indépendance. Il doit tout à des hommes, à des femmes, à leur cohésion, à leur foi et ce ciment-là est de même nature partout et en tous temps, en toute civilisation. Le patriotisme, le sens du bien commun, le partage continu de l’avenir à mesure qu’il se présente et qu’il faut absolument se l’approprier, le faire nôtre a la paix pour synonyme. La paix entre semblables, le dévouement à des intérêts qui ne sont pas de conquêtre mais de constitution. J’ai découvert cela en Mauritanie. Sans doute, est-ce faisable ailleurs et selon d’autres statuts qu’une coopération entre peuples de puissance et de moyens apparents fort différents, incarnée d’abord par de jeunes enseignants. Mais le fait est que cette jeunesse et cette mission sont immédiatement viables et féconds. Que de fois, vous ai-je recommandé l’établissement à nouveau d’un service national, militaire et civique, développé par tous les Européens et déployé principalement chez nos voisins africains : la démocratie, la France, l’Europe par contagion naturelle, sur place, tandis que la formation des cadres et la suite des études, voire les débuts d’expérience en entreprises se feraient par réciprocité chez nous puisque nous serions en nombre chez eux.

J’ai bénéficié d’une explication de texte et de fortes leçons de choses et de psychologie : le président Moktar Ould Daddah m’a fait ressentir que le placage, l’importation, dit-on en Afrique, de nos institutions surtout quand nous-mêmes les pratiquons si loin de leur esprit et de leur jurisprudence fondatrice, n’est pas la démocratie, n’est pas non plus féconde ni même acceptable. Ce que nous avons inventé à partir de 1981, selon des successions de mésestime, voire de haine, et que nous appelons l’alternance au pouvoir ne nous a pas été bénéfique et nous a fait perdre de pensée et d’ambition ce que tentait avec nous de Gaulle du 18 Juin 1940 au 27 Avril 1969 : le consensus national. L’Afrique peut d’autant moins attendre des alternances que les élections sont truquées. Il faut la participation de tous au pouvoir, c’est sans doute l’enjeu majeur de votre conversion et de votre réélection. C’est le développement pratique de ce thème que vous auriez arrêté pour votre campagne, et qui rappellerait celui – si heureux – de « la France unie » selon François Mitterrand : « la France fraternelle ».
Par ses militaires, que mobilisent quelques civils dissimulés et ambitieux, le père fondateur est là-bas renversé. Le président Giscard d’Estaing, loyal et même admiratif de son homologuee mauritanien, n’est pas mécontent que se termine là cette guerre au Sahara occidental : nos compatriotes, quelques-uns, enlevés du site minéralier, la Kedia d’Idjill dont ils encadrent l’exploitation, ont embarrassé la France officielle. Nous reconnaissons les putschistes, nous allons désormais toujours les reconnaître. Au début, en Juillet 1978 et jusqu’en Décembre 1984, les présidents de ces successifs comités règnent dans l’ordre exact où ils avaient été aide-de-camp de Moktar Ould Daddah. Sans doute, Valéry Giscard d’Estaing ne cède-t-il pas à la demande des nouveaux maîtres que leur soit renvoyé celui qu’ils ont évacué vers nous et nos hôpitaux militaires. Davantage, François Mitterrand qui a invité à Latché pour la dernière Saint-Sylvestre de sa vie d’opposant, propose-t-il – d’accord avec Hassan II du Maroc – de rétablir l’état des personnes et des choses tel qu’il était en 1978. Moktar Ould Daddah refuse de rentrer chez lui entre des baïonnettes françaises : c’est dit ainsi en aparte à l’Elysée lors d’un dîner pas vraiment officiel ni non plus seulement africain.

A force de dictature et d’années, les militaires finissent par se renverser autrement que tour à tour. Une « transition démocratique » s’esquisse à partir du 3 Août 2005 quand est déposé le colonel Maaouyia Ould Sid Ahmed Taya, en son absence du pays, comme il l’avait fait de son propre prédécesseur, le colonel Mohamed Khouna Ould Haïdalla, complice aussi du coup du 10 Juillet 1978. L’énoncé est peut-être compliqué, il le paraît encore pour les actualités maintenant de ce pays, mais  vingt ans de règne, souvent sanglant entre la Mauritanie et son voisin du sud, ou entre ethnies, celles originaires de la vallée du Fleuve soupçonnée de préparer des coups de force, s’achèvent à la satisfaction générale, même si Jacques Chirac qui s’est lié avec le dictateur et l’a même soutenu d’une visite officielle à quelques semaines d’une réélection boycottée par les opposants, regimbe. Observée par des centaines de témoins étrangers et un important dispositif procédurier et informatique fourni par l’Union européenne, à notre instigation, une élection présidentielle a lieu : pluralité de candidatures, deux tours de scrutin, un an de préparation technique, de confection des listes électorales et de délivrance des titres pour voter. Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi est élu au lieu d’Ahmed Ould Daddah, demi-frère du président Moktar et vétéran des candidatures contre les militaires, mais en vain puisque les élections de 1992 à 2007 n’en sont pas. Est-ce une première en Afrique ?  je le crois : les militaires ont accepté de passer la main, plus ou moins sincèrement. Des fautes vont être commises, des imprudences aussi, que relève une mission sur place de notre Conseil d’Etat : le chef de la garde prétorienne concentre trop de prérogatives, de fonctions et surtout d’armes. C’est lui qui renverse le président Sidi au motif que ce dernier ne met pas les formes pour le remplacer : le 6 Août 2008.

Il y a eu le discours qu’Henri Guaino a fait lire de confiance par votre prédécesseur à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, il y aura les soupçons de financement occulte par la Libye de la campagne présidentielle gagnante de 2007, mais le Quai d’Orsay, la « cellule diplomatique » de l’Elysée et son équipe spéciale pour l’Afrique au sud du Sahara tiennent à ce que nous refusions ce fait accompli. Les coups militaires sont trop fréquents, notre expertise est mise en cause par nos partenaires européens, la Côte d’Ivoire si longtemps modèle de notre décolonisation, nous coûte cher depuis la disparition de Félix Houphouët-Boigny, député à notre Assemblée nationale depuis 1945 jusqu’à l’établissement de notre Cinquième République. Nicolas Sarzkoy condamne donc le putsch, l’Union européenne suit de confiance, l’Union africaine plus fermement encore quoiqu’allant aux nouvelles sur place. Mais à propos de l’Afrique, et même de la Syrie, en sorte que Bachar El Assad a été invité à notre revue du 14 Juillet 2010 – celle que suivra de peu le discours inaugurant à Grenoble à propos des Roms et d’autres échauffourées, la stigmatisation des populations migrantes puis de tous les allogènes chez nous – votre prédécesseur doit beaucoup à un connaisseur, Robert Bourgi. L’introduction de celui-ci est achetée par les putschistes mauritaniens grâce à Karim Wade, fils du président sénégalais alors régnant. L’achat sera encore plus ciblé puisque Claude Guéant recevra en espèces le prix de la caution [2]qu’accorde dès la fin de Septembre la France au nouveau régime. Or, c’est notre semestre de présidence de l’Union européenne.

La Mauritanie, à mes vingt ans, m’avait appris ce qu’est le projet d’Etat et la ténacité de l’indépendance quand tout débute, et combien notre spiritualité publique peut soutenir des prises de conscience et une geste à qui elle a donné les instruments de son expression. Voici que la Mauritanie, foncièrement la même quoique sa population ait triplé et que les revenus tirés de la mer alimentent davantage le budget que les ventes de minerai de fer, m’introduit à mes soixante-cinq ans dans un débat interne au sommet de notre propre Etat, tel que pratiquant beaucoup de nos responsables politiques, honoraires ou au pouvoir, à commencer par les plus importants ministres de la gauche portée au pouvoir par François Mitterrand, je ne l’avais jamais soupçonné. Sauf en guerre de succession, notamment pendant la dernière du septennat interrompu de Georges Pompidou [3]. Deux cabinets ministériels traitant de l’Afrique et les propres conseillers diplomatiques du Président s’opposent à ce que l’interruption d’une rare tentative démocratique en Afrique au sud du Sahara, soit légitimée par nous. Claude Guéant l’emporte, les putschistes, interdits de visa pour l’Europe, sont reçus par lui, aux environs immédiats de l’Elysée, puis règulièment viennent en France, lever des fonds. Naturellement, ils gagnent l’élection organisées par eux et pour la montre, après que des négociations forcées entre légitimistes et militaires aient disposé du Président régulièrement élu deux ans plus tôt. Nicolas Sarkozy assure même en visite officielle au Niger avoir téléphoné à son homologue gardé à vue, dans les premières jours de sa déconfiture. Au nom de ce dernier, je suis amené à le démentir et fait bénéficier à la Mauritanie d’une rubrique nouvelle instituée à Libération [4]: la vérification des dires publics, ce que Le Monde, très heureusement a fait sien aussi avec ses « décodeurs ». Ma messagerie internet, mon ordinateur, puis celui de ma femme, ayant fait état à l’un de ses amis par téléphone, de ce qu’il m’arrive, sont attaqués, pillés. Aussitôt.

Que la corruption perdure ainsi, de France en Afrique (Balkany dans un avion kazakh se pose en Mauritanie et s’y emploie dès les premières semaines du régime illégal) et d’Afrique en France, n’est pas digne de nous. Sans doute, nos interventions à main armée en Afrique au sud du Sahara pendant votre premier mandat ont-elles eu du fond et de l’effet, mais nous n’avons pas su convaincre nos partenaires européens et notre compréhension de l’Afrique, de la démocratie sincère n’est plus du tout ce que nous pensons encore. J’ai écouté depuis quinze ans ceux qui se sont succédés dans le beau bureau qu’avait Jacques Foccart, au 2 rue de l’Elysée, je n’en ai rien retiré pour que changent nos relations avec les personnes et les intérêts d’Afrique. Au contraire, chaque succession au palais que vous habitez actuellement a renforcé nos tolérances puisque nous n’en contrarions aucune, qu’à dose homéopathique ou selon des nunances en protocole. Le discours prononcé par François Mitterrand à la Baule, parmi ses homologues africains, et qu’avait en grande partie inspiré de ton et de forme l’Abbé Pierre – qui me l’a confié quand je le veillais dans la tourmente l’ « affaire Garaudy » le perdait – est aujourd’hui de mémoire lointaine. Il n’est pas indifférent que l’appel à une insurrection de la générosité dans le terrible hiver de 1953-1954 [5] et l’établissement envisagé d’une proportionnalité entre nos appuis et concours à quelque régime que ce soit et son fonctionnement interne, aient le même inspirateur.

De Saint-Denis ces jours-ci et de Nouakchott depuis plusieurs décennies, je reçois donc, très précis, le reeflet de notre visage quand il suscite l’adoption, l’espérance de populations, d’hommes, de femmes, de jeunes gens, d’anciens qui ne sont pas directement de notre sang mais qui reconnaissent en notre esprit leur propre fonds. Notre nationalité est ainsi contagieuse, nous ne pouvons pas en jouer, la travestir, et rien qu’en prétendant le conserver sans le nourrir en chacune de nos générations, en chacun de nos principaux actes de toutes natures, à chaque endroit de notre sol – comment ne pas penser aux espaces ou bâtiments dits de rétention ou d’internement administratifs ? n’en avoir pas honte ? – nous ridons ce visage et peut-être approcherait-il, selon nos insuffisances, celui de notre mort à chacun.

Ibidem, 18 heures 15 à 19 heures 45


[1] - ----- Original Message -----
Sent: Sunday, May 06, 2012 9:59 PM
Subject: le message de Tulle - pour vous, mes chers amis mauritaniens

François Hollande a donc été élu à près de 52% des suffrages exprimés. C'est net, mais ce n'est pas énorme. Il surprendra et fidèlisera - je le crois - par son indépendance de jugement, sa ténacité, son ancrage à gauche. Il y aura donc bien plus avec lui à mesure de la fidélité et de la bonne marche. L'Europe y sera gagnée, certainement. Déjà ce soir, la réaction de Berlin.
De son premier discours - prononcé sur la place principale de "sa" ville de Tulle, celle de la cathédrale - je retiens pour vous, mes chers amis mauritaniens, pour tous les ex-"françafricains", pour moi donc aussi, ces quelques mots en fin de discours, qui me paraissent très précis, très vécus, très prometteurs.
citation - Nous ne sommes pas n’importe quel pays, nous sommes la France, la paix, la liberté, le respect, la capacité de donner aux peuples de s‘émanciper des dictatures et des règles illégitimes de la corruption. - fin de citation
Merci de tant continuer d'exiger de mon pays, si intime du vôtre, qu'il soit ce qu'il doit être avec vous et vis-à-vis de lui-même.
A bientôt.

----- Original Message -----
Sent: Monday, May 07, 2012 6:31 PM
Subject: Re : le message de Tulle - pour vous, mes chers amis mauritaniens

Cher ami  Bertrand
J'ai passé une très belle soirée car cette victoire de Mr Hollande, je l'ai tellement prétendue et défendue qu'aujourd’hui j'en suis fier. Je pense que son arrivée suscite beaucoup d'espoir pour nous mais pour vous également. C'est surtout la grandeur de la France qui nous manque.
Bonne chance pour tout le monde  

[2] - un million d’euros, dont la moitié se trouve encore au domicile de l’ancien secrétaire général de la présidence de la République, puis ministre de l’Intérieur, quand le juge d’instruction y fait perquisitionner
[3] - le barrage à la candidature de Jacques Chaban-Delmas qu’élèvent Pierre Juillet et Marie-France Garaud

[4] - que nourrit, entre autres, Cédric Mathiot
[5] -  développez circonstances et fait fondateur de cet élan

dimanche 25 septembre 2016

vous serez réélu - suite



Me porter fort de mon pays. Si souvent dans chacune de mes affectations diplomatiques, selon des fonctions théoriquement non politique et seulement d’application : notre commerce extérieur, ses prospections, ses offres, ses financements, ses contentieux, je l’ai fait sans instructions mais sans difficulté non plus. N’être que moi-même mais assuré intimement d’être dans le vrai en disant la disponibilité de la France à ce pays qui m’accueille et dont les responsables, me trouvant peut-être sympathique à eux, au leur, à leurs perplexités, se confie beaucoup à moi. Je rends compte à ceux auprès de qui la publication de mes opinions dans le plus influent de nos journaux, m’a accrédité. Raymond Barre, devenu pour quelques mois mon ministre, sans doute pour préparer Matignon et Rivoli ensemble, accueille le plaidoyer portugais sans précaution et sans le crible de notre ministère des Affaires Etrangères. Celui du Portugal est sis au palais des Nécessités… Je l’avertis aussi de la main mise probable de l’Allemagne (censément la nôtre, surtout avec Helmut Schmidt à la chancellerie) sur des gisements d’uranium importants. Plus tard, et en meilleure position hiérarchique et surtout en confiante amitié, je plaide aussi bien la levée d’un ostracisme méprisant pour l’Autriche, celui pesant sur Kurt Waldheim, son président fédéral, depuis des dénonciations et présomptions à propos de ce qu’il aurait perpétré à Thessalonique pendant la guerre hitlérienne, que l’accueil dans la Communauté européenne, d’un pays et d’un peuple qui en a envie, qui est capable en tout d’honorer sa signature, ce qui a toujours été rare de la première candidature britannique en Août 1961 à celles de toutes les anciennes colonies soviétiques d’Europe centrale et de l’est, qui surtout nous apporte, avant la « chute du mur » et l’implosion à Moscou, une connaissance, une capillarité avec cet ensemble qu’aucun pays occidental n’a à ce point.

Je crois bien qu’en parlant avec cette femme et en l’assurant que la mauvaise passe actuelle ne durera pas, que passeront aussi les suspicions et les simplismes manifestés par beaucoup de Français envers toute personne qui ne se costume pas à leur habitude ou envers une religion dont ils ont d’autant moins idée qu’ils ne savent même plus celle qui leur fut censément native ne sont pas le fond de notre caractère, je me porte encore davantage fort de nous qu’en fonction diplomatique, fort de cette nation que vous présidez actuellement, que vous avez voulu diriger. Je lui dis cette France à laquelle elle est attachée mais dont elle craint d’en être incomprise et repoussée.

Elle me dit alors son père arrivé d’Algérie à douze ans, il en a maintenant quatre-vingt-sept. Je ne calcule qu’en vous écrivant maintenant. Il est venu avec les armées de notre libération ou autrement, ce n’est pas à cause de la sienne et de la guerre du F.L.N. Elle est allée là-bas, elle ne peut dire qu’elle y est retournée, elle a été bien accueillie et depuis elle apprend, avec quelques amies mais ici, l’arabe, au moins pour lire les noms de rue à Alger. Elle veut remonter à ses origines, les connaître, elle dit le plus naturel : la double culture, alors même qu’elle ne sait pas parler la langue de ses grands-parents, de son père. Naturellement, au travail (elle est employée à la mairie de Clamart), elle n’est pas en mellafa, mais au dehors, dans la rue, ici, elle s’estime en droit de porter ce qu’elle porte. Elle est connue de ses collègues pour sa religion, elle a été parfois sinon moquée du moins mésestimée uniquement pour cette origine qui se voit pourtant si peu. Elle sourit, nous sommes vraiment à l’aise, je lui dis ne pas connaître l’Algérie quoique – juste avant les élections donnant peut-être le pouvoir démocratiquement au F.I. S. et dont le second tour fut empêché par l’armée [1] – j’allais y être invité par l’évêque d’Oran et aussi d’anciens élèves en faculté de droit,  dont j’encadrais les travaux dirigés juste après les « événements de Mai », mais je suis familier d’un pays proche, la Mauritanie, où j’ai atterri à mes vingt-et-un ans. Quand la porte du consultant s’ouvre inopinément, l’appelle – d’un nom français, m’a-t-il semblé – je n’ai pas le réflexe que j’ai à toute rencontre, le plus fréquemment, c’est dans les transports publics, de lui demande son adresse internet, elle me sourit encore, je la perds mais elle demeure. Je suis certain que nous pouvions aller plus loin, moi pas dans l’assurance d’une paix française, consensuelle entre toutes nos diversités d’origine et même de mœurs : cela n’était pas à redire, mais sera à vivre, mais elle dans une introduction qui me fait encore défaut. Sa vie de famille et de couple en ce qu’elle identifie une des composantes de notre nation maintenant, l’éducation des enfants, la pratique religieuse et, à ce propos, ce qu’elle entend par islam, ce qu’elle s’approprie : est-ce identitaire ? est-ce sa vie spirituelle ? si elle ne parle pas l’arabe, ne sait pas lire la toponymie algérienne, comment lit-elle le Coran ? dans le plus concret de la lecture, de la méditation, de la prière, surtout si elle est alors seule à chercher Dieu, à s’entretenir avec Celui-ci, y a-t-il analogie avec ce que je vis, pratique en chrétien ? Je voudrais qu’elle m’aide à vivre par elle ce qu’est vivre en France quand on est une femme de religion musulmane, d’ascendance algérienne. Je ne le sais pas, mais je crois bien que nous avons à nous entr’aider entre compatriotes pour nous connaître mutuellement, pour vouloir nous connaître ainsi. Ne pas cohabiter, mais être ensemble. Ce n’est pas affaire d’expertise, de veille sécuritaire face à de possibles « radicalisation », pas non plus de police de proximité ou de médiation, surtout pas une géographie de répartitions ethniques.

Quand je sors d’un DC4 pour aller monter dans un DC3, que la carcasse en bois du hangar de Mermoz n’est pas loin, qu’il fait froid quoique nous venions d’atterrir au Sahara mais au bord de l’océan, sans que se discerne au sol par quelques lumières une ville, puis de la piste que ne borde aucun bâtiment, ne s’aperçoive un minimum d’urbanisme, je ne sais rien de là où je vais vivre au moins un an. Service encore dit militaire, coopération pour les appelés diplômés de l’enseignement supérieur. Reçus par concours à l’Ecole nationale d’administration, nous formons à nous seuls une compagnie, au 5ème régiment d’infanterie, stationné au camp de Frileuse, des bouleaux, des baraquements en bois, j’imagine le « repaire du loup »  en Prusse orientale, puis la rue Monsieur (le secrétariat d’Etat à la Coopération) nous dispose selon nos premiers ou seconds choix dans les Etats de l’éphémère Communauté française : les E.N.A. qui s’y instituent sous des dénominations diverses ont besoin d’enseignants à tout donner. Je voulais Madagascar pour me distancer des miens, pour commencer je ne sais quoi de la vie. M’interrogeant sur une vocation religieuse, j’avais accueilli avec tristesse mon succès à ce concours réputé difficile et que je n’avais préparé qu’en lectures de ma fantaisie (idées politiques nous décrivant ou nous ayant enfantés, politique économique allemande, celle de l’ordo-libéralisme, Roepke notamment, mis en œuvre par Ludwig Erhard) : je me croyais appelé à une autre vie. Chance, nous avions à composer sur «  dirigisme et libéralisme en France depuis 1945 » – ce qui demeure d’actualité – et j’avais servi de l’Allemagne en comparaison sinon en modèle. Madagascar a déjà été promis à plus recommandé que moi, les grandes capitales ne me tentent pas, je préfère être le seul « énarque » là où j’aurai à me produire. Donc la Mauritanie. Je ne réalise qu’alors combien tout m’y convient, notre parenté avec l’ermite de Tamanrasset et la cure de désert, au sens spirituel, que me recommande un moine de Solesmes avec lequel je suis en train de me lier [2].

Reniac, à ma table de travail
après-midi du dimanche 25 septembre 2016,
17 heures 48 à 19 heures 35



L’inconnu, l’étrangeté, ce vont être le pays non les hommes quoique ceux-ci soient si différents de moi. Le pays, d’abord, ne m’accueille pas, les hommes au contraire m’entourent, m’écoutent, me sourient : je suis leur enseignant, ils sont contents, heureux que je les enseigne, continuellement je leur demande des exemples selon eux de ce que j’essaye de leur apprendre, et très vite je perçois que je ne vais leur être utile que si je leur apprends – avec mes outils d’étudiant de Sciences-Po. et de futur élève à l’E.N.A. française – leur propre pays. L’outil principal que je leur propose, est la curiosité, une curiosité bâtisseuse, cherchant les structures dans le vague ou l’imperfection, les tâtonnements, même la nudité apparente : les institutions et l’économie d’une République Islamique de Mauritanie qui commence tout juste la cinquième année de son indépendance. Je leur apporte comment connaître et comment assimiler, rendre productif ce qu’en résumant, en grossissant, en expliquant ils savent déjà et découvrent à présent de leur pays neuf. Je les encourage à en être fiers. Eux, simplement, me font confiance. Je suis chez eux. Physiquement, affectivement, je ne peux vivre sans leur aide, sans eux. Ce que je comprends de ce qu’il commence d’être courant, d’appeler leur « construction nationale », m’intéresse très vite. Tout est si squelettiques dans un pays qui n’a pas un million d’habitants, dont la capitale n’en a pas dix mille, où tout est sable rouge, silence et lenteur, les pantalons et chemises n’étant qu’européens – on ne dit d’ailleurs pas : français, mais européens – que regarder, penser en termes de structures, d’ingrédients, de matériaux s’impose à l’évidence. Ce m’est bien plus sensible que me situer en Afrique et parmi des musulmans. Je ne vois que des peaux bronzées ou noires, des vêtements amples et ouverts au vent comme des voiles, je ne ressens qu’une bonne volonté générale. Le plus immature de tous, c’est moi, pleurant les miens, mes parents, et bientôt la verdure, le climat de France. J’avais commencé, peu avant le concours, de tenir un journal, de grands cahiers manuscrits, y consignant mes lectures et les allers-retours d’une décision qui ne venait pas : celle d’ « entrer dans les ordres », plus un amour frigide, sans texte ni gestes. Le premier mois ne s’enregistra qu’en références bibliques, j’enseignais, allais à la messe, une des pièces d’une des villas-patios des cadres expatriés faisant chapelle, jouxtant la chambre à coucher d’un spiritain sans grade, je déjeunais et dînais au restaurant du plus représentatif des deux hôtels de la capitale. Pas de trottoirs, pas d’ascenseur. Et le centre de formation administive s’abritait sous le hangar où avait d’abord travaillé et délibéré, notamment sur l’autonomie interne puis l’indépendance une assemblée terrioriale, élue sous le régime colonial et devenue nationale : pas cinquante députés, tous en sandales, boubous et haouli, sentant le cuir, pacifiques au possible, naturellement francophones. Je vivais, jour après jour, machinalement, dormant dans l’hôtel réservé aux députés, mais où le gouvernement, accueillant ma coopération et mon savoir, honorait son engagement de me loger, sa contrepartie. L’eau, une heure par jour, puisqu’elle arrivait par camions-citernes du fleuve Sénégal faisant la frontière méridionale, à deux cent kilomètres de là. L’ampoule au plafond supposait le vissage d’un plomb au commutateur, il fallait l’apporter et l’emporter avec soi. Existence sans attente, journées et nuits simplement quotidiennes, j’étais machinal, sans sentiments et désormais sans question. J’étais étranger à l’étranger, mais ma langue était courante partout où j’avais à me trouver : classes et restaurant. Le paysage n’était pas même étrange puisqu’il n’y avait aucun point de vue sur l’ensemble de ce qui n’était qu’une possible agglomération, rien n’avait plus de deux étages, aucun relief qu’un imperceptible moutonnement, le sable figé mais qu’avait modelé le vent d’une saison précédente. Le ciel n’était ni bas ni haut, luminescent, grisâtre. Il fallait vraiment être né là pour y vivre, mais – paradoxalement – personne ou presque de cette petite agglomération pour cadres d’un Etat commençant, n’était né à Nouakchott. Moi, j’allais naître à une conception de la politique au sens créatif, la race et la religion – quoique, là, ce n’étaient pas du tout les miennes – je n’aurai à les considérer comme différenciantes, voire belligènes que dans notre France de maintenant, celle à qui allez demander votre réélection. Car il n’y pas trois ans que l’islamophobie est devenue une dimension du mal-être français quand on croyait que seul le chômage l’était vraiment, que la méfiance entre ethnies appelait quelques-uns à une guerre civile préventive ou à des expulsions massives, quand on avait cru si longtemps que seule la lutte des classes faisait l’Histoire.



ibidem, le soir du même dimanche 25 septembre 2016,
21 heures à 21 heures 40


[1] - date et circonstances en 1992
[2] - Dom Jacques Meugniot 1927-2011 . expert au concile Vatican II de son Abbé, supérieur majeur : la congrégation bénédictine de Solesmes : il choisit la Mauritanie selon ce que je lui en ai rapporté pour vivre en ermite. Il se sent perturbateur de sa communauté (il y est entré à la fin de 1943) s’il y demeure, en ayant eu une forte influence sur beaucoup de ses cadets, en philosophie notamment. De 1975 à 2005, il est donc là-bas tandis que je n’y vais plus jusqu’en 2001

vous serez réélu - suite




Ecrivant ainsi, qui est décisif, pour qualifier nos relations avec le répété étranger ou celui que nous considérons comme étranger, je perçois combien le vocabulaire nous manque pour caractériser des relations, des situations et finalement le for intime de personnes avec lesquelles nous travaillons, vivons ou que nous avons à accueillir ou qui nous choisissent à raison d’habitudes, de relations, rapports hérités. Et pour nous, comment devons-nous nous dire, nous considérer nous-mêmes ? Français de souche ? n’allons-nous pas vers ces hideuses définitions génétiques ou généalogiques nous ayant régi quelque temps sous une occupation étrangère : parents, grands-parents juifs, à combien de degrés ou selon quels géniteurs est-on éligible pour les chambres à gaz ? Ma chère mère n’aimait ni son nez ni sa voix, pas de photographie de profil et pas d’enregistrement. Par téléphone, je lui apprends une de mes trouvailles généalogiques aux archives départementales d’un de nos séjours ou passages familiaux : une cantinière Lévy épouse un officier supérieur du régiment qui a garnison Carcassonne, on est sous Louis-Philippe. Elle a, et moi avec elle, avec mes sœurs et frères, nous sommes neuf, un seizième ou un trente-deuxième de sang juif. Bien utile quand, dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, je reçois la parole que je demande au VIème congrès international humaniste juif. Elisabeth et Robert Badinter sont là, Dominique Schnapper aussi et le précieux Elie Barnavi. J’ai tenté d’expliquer au Vatican puis à ceux de nos évêques que je pouvais atteindre par circulaire postale ce que vivait et faisait vivre l’Abbé Pierre, tombé dans «  l’affaire Garaudy », un livre révisionniste qu’il n’avait pas lu, qu’un Dominicain de son entourage avait trouvé très bien, alors qu’il ne soutenait qu’un ami perdu de vue, converti d’ailleurs à l’Islam après avoir été un des héros de 1968 en réprouvant l’intervention soviétique contre Dubcek et Otta Sik, en Tchécoslovaquie. Il me faut faire de même devant ce parterre, à juste titre éveillé et susceptible. Mon aïeule est la première pièce que j’avance, je suis écouté à tel point que plus de dix ans ensuite Robert Badinter me félicite d’une conférence en Sorbonne sur l’antisémitisme et la shoah… les prismes déformants. J’apprends deux choses que je conserve aujourd’hui comme lignes d’influence et de compréhension pour le Proche-Orient, et aussi pour le risque que nous continuons de courir d’une fragmentation nationale en communauté, admise avec légèreté malgré beaucoup de dénégations par tous ceux qui se pressent au dîner annuel du C.R.I.F. La première : est Juif celui qui se considère, se reçoit tel. Ce n’est ni ethnique ni religieux. Le chrétien ne s’en souvient pas mais les textes qui le fondent distinguent les Juifs, adversaires du Christ, et celui-ci ainsi que ses disciples et sympathisants, tout autant juifs que les Pharisiens, Sadducéens, et autres. La deuxième : la France qui, en ses cœur, chair et histoire, est forte de la deuxième « diaspora » juive au monde (après celle des Etats-Unis), peut et doit utiliser celle-ci pour contribuer à régler la question de Palestine, qui pèse tant sur l’Europe et contribue à motiver une bonne part de la prétention des Etats-Unis à l’hégémonie. Nos compatriotes juifs, surtout quand ils sont notoires, doivent faire entendre raison et avenir à leurs frères de religion ou de race revenus ou venant en Palestine au titre de l’Etat s’appelant Israël. L’avenir n’est pas la communautarisation ni en société, chez nous, ni en géographie là-bas.

J’étends cette conviction et cette prise de conscience à d’autres parmi nous et à nous avec d’autres, chez nous. La beauté d’une demande de naturalisation est le choix, la profession de foi de celui qui l’articule. Italien de naissance mais discerné et formé par Richelieu, Mazarin, un de nos plus grands hommes d’Etat : mon parler n’est pas français, mais mon cœur l’est bien. Et faut-il des papiers : sans doute dans un Etat de droit et pour travailler quelque part, rien que payer des impôts et utiliser, souvent nativement, notre langue, devrait procurer aussitôt ces papiers. Et sommes-nous conséquents ? quand a pu se dessiner la perspective d’une indépendance pour une bonne part de nos parents d’Amérique – le talent ? non, l’émancipation et la totale empathie avec un peuple qui, presque en son entier, a fait haie de part et d’autre du légendaire Chemin du roy, entre Québec et Montréal… le suspense au balcon quand par une chance providentielle il suffit de brancher une sonorisation imprévue par le protocole mais laissée sur place de la veille… vive… vive le Québec… vive le Québec… libre ! – quand se fait alors la détente, que se reprend la respiration après deux siècles de patience et d’attente, comment ? pourquoi ? n’avoir pas convenu, et encore aujourd’hui, Monsieur le Président de la République, ne pas convenir d’une nationalité commune ? tout y est, des fameux Gaulois au droit du sol et aux arbres généalogiques. Commune, ensemble. A l’inverse, la pureté de la race et des ascendances ? nos rois, systématiquement, n’épousaient-ils pas des étrangères, par arrangement de leurs géniteurs respectifs et des ministres que ceux-ci mandataient pour signer les dots et agrandissements territoriaux ? et ces mariages, ces accueils royaux n’étaient-ils pas gages de paix ? les princes otages de l’Antiquité gréco-romaine, nos reines et impératrices quand s’implantèrent ou se succédèrent nos dynasties (on a dit jusqu’à Napoléon et à Louis XVIII nos races, comme, longtemps, on appela langue ce qui allait devenir nation : c’était on ne peut plus pratique, concret). Alors, aujourd’hui comment dire ? Français de souche ? Français d’adoption ? nouveaux-venus ? je ne sais, mais au comportement, au regard, à l’accueil, au désir d’être considéré, au naturel avec lequel il est répondu à mon entrée en conversation, parfois en communion : ce couloir d’attente de la consultation médicale dans un de nos plus grands hôpitaux franciliens, cet arrêt de tramway en grande banlieue, l’échange d’« un signe de paix » à la messe paroissiale… Plus largement encore, ces affinités que je découvre, que je ressens avec ce ministre, grand juriste soviétique, qui a charge de la Justice dans cette République nouvellement indépendante, et qui manifestement entre dans ce partage. Le lieu commun, ce qui nous fait nous découvrir d’âme et de réactions, d’instinct communs, est l’amour de son pays, de son peuple, de son histoire, ce Kazakhstan où je représente la France, selon la volonté et la signature de François Mitterrand à la demande insistante de Pierre Bérégovoy, malgré le Quai d’Orsay, et sans doute aussi les Finances, ce pays auquel je m’attache puisque de toutes mes forces je veux le comprendre, le découvrir et l’amener à lui faire apprécier le mien comme compagnon sûr en ce monde.


Reniac, à ma table de travail
après-midi du dimanche 25 septembre 2016,
15 heures 55 à 16 heures 45

jeudi 22 septembre 2016

ébauche du plan de ma lettre ouverte à François Hollande, président de la République




Introduction
… mes chers compatriotes
… Monsieur le Président de la République

I – Vous et nous
(portraits de François Hollande et des Français)

II – La France contagieuse
(à partir d’expériences : une journée à Saint-Denis, une arrivée à Nouakchott, et des rencontres multiples depuis mon enfance)

III – Le patriotisme européen
(solidarités, nouvelles institutions à partir des peuples et non plus des gouveernements, à partir du social et non plus de l’économie)

IV – L’argent contre les Etats
(la bataille en cours depuis ?la politique économique et sociale, la transparence et la visibilité, le consensus possible, le plan)

V – La morale refondatrice
(politique étrangère développant II et III – le refus des dictatures nationalistes et des régimes de façade – le critère des droits de l’homme en relation bilatérale – l’autorité morale)

VI – L’air libre de la République
(nous = la démocratie concrète, les changements de pratique de nos institutions, le retour à de Gaulle et l’invention du présent et de demain : les mûes de la société, la génération Y, l’amnésie et la curiosité, la formation de soi par soi, la révolution par l’information circulée, le service militaire et civique, l’éducation nationale, la « démocratie participative »)

VII – Etre le roi
(vous = la fonction n’est pas celle que vous croyez, mais celle dont nous ressentons le besoin
vos prédécesseurs, eux et nous, nous et eux)

Conclusion
… mes chers compatriotes
… Monsieur le Président de la République
… un puis plusieurs tribuns du peuple

Annexes
* propositions d’améliorations de notre vie quotidienne
id° de notre vie publique
* principales lettres adressées à François Hollande
* lettres à de Gaulle, Valéry Giscard d’Estaing, Nicolas Sarkozy, François Mitterrand,
et à Mikhail Gorbatchev, Angela Merkel & des réponses

Photos
BFF et : sa mère – femme et fille – pape JP II – François Mitterrand – Abbé Pierre – Michel Jobert        22 IX 16

lundi 19 septembre 2016

vous serez réélu - suite = chapitre 2 ... la France contagieuse







Pas l’étranger, l’inconnu. La station du métro parisien : Montrouge, ou celle de Saint-Denis basilique. Surgir entre des bâtiments à la destination incertaine, au béton monocolore, une façon de ruelle introduisant une avenue vers la banlieue au sud de la capitale qui va vers des successions de plus en plus spacieuses de maisons individuelles à jardinets, ou une place immense, déserte, au nord de celle-ci.

Reniac, à ma table de travail
 samedi 17 septembre 2016, 18 heures 23 à …

C’est la nuit… il fait nuit… mais ce qui surgit n’est pas moi. La basilique, à double façade. Le premier plan, presque blanc, couleur plâtre. Et un second plan, ne laissant voir que le convexe du toit, légèrement en recul : il est gris, à peine distinct du ciel sans étoiles, noir. Il n’y a pas de lune. Je dois trouver l’hôtel où j’ai retenu. L’université Paris VIII est indiquée. Familiarité de l’institution, où j’ai enseigné pendant cinq ans, au jour le jour d’une actualité très propice, le fonctionnement des organes européens selon leur genèse : entre 2003 et 2008, la Convention Dehaene-Giscard d’Estaing, si intelligemment menée, tellement en relation avec toutes les contributions possibles, aucune ne devant être institutionnelle ou gouvernementale mais toutes personnelles, ainsi des étudiants à pied d’égalité avec des ministres des Affaires étrangères régnant sur tant de services. Et puis les relations extérieures de l’Union européenne. Entrant à cette université en simple contractuel – j’ai été refusé quatre fois aux agrégations de droit public et de science politique, deux en 1972-1974, la première en polémique donnée dans le Monde avec Pierre Joxe sur les prétentions constitutionnelles du Programme commun de gouvernement, les seules que je contestais, et deux autres en 2004 et 2006… et je n’ai pas non plus été admis en professeur associé – j’avais proposé comme premier thème, le partenariat euro-méditerranéen, ce que l’on appela vite le « processus de Barcelone » h – tellement ignoré malgré sa fécondité, ou plutôt à cause d’une fécondité dont les gouvernements ne se mêlaient pas, déléguant tout aux échanges entre hauts fonctionnaires (belle époque de la télécopie qui laisse quelques archives automatiquement au contraire du téléphone ou de l’internet…) tellement ignoré que Nicolas Sarkozy le proposa dès son élection et qu’il fallut la commission ad hoc de l’Assemblée nationale pour donner de l’habit neuf à ce qui avait déjà l’âge de raison. Dans ces locaux bon marché, s’est maintenue à peu prèss l’une des idées d’Edgar Faure : les « katangais » à Vincennes, déménagés de l’illustre fort et du chêne de saint Louis, aux abords de la basilique autour de laquelle se fonda spirituellement la capitale française parce que nécropole royale avec encore saint Louis et ses commandes de gisants si semblables à ceux des galeries de rois aux façades de nos cathédrales franciliennes.

Lire et débattre à mesure les textes relevés dans les sites européens, avancer selon leur esprit et non la rétractation des gouvernants et l’amnésie des commentateurs. Le plaisir aussi d’enseigner en découvrant ou de découvrir en enseignant, en faisant découvrir la vie et l’apparition des propositions et de leurs agencements. J’apprenais la timide novation, à l’automne de 2007, des contestations et explications en Sorbonne ou à l’Odéon du printemps de 1968. Votre prédécesseur prétendait fonder l’autonomie des universités et faisait signer Valérie Pécresse. La loi d’orientation défendue par Edgar Faure – nommé à l’Education nationale par l’intuition du dernier Premier ministre du général de Gaulle, intuition du même aux Affaires étrangères pour confier quatre ans plus tôt au même la reprise d’une relation franco-chinoise – cette loi fut votée à l’unanimité, véritable phénomène encore plus spirituel que politique sans précédent et sans réédition dans toute l’histoire de nos Républiques. Ce fut dans des amphithéâtres, juste pleins, la même approximation des votes et des possibilités de parler, mais il manquait tout, l’élan, la verve et l’enjeu. Autonomie telle qu’il fut impossible à l’Institut qui m’avait recruté d’obtenir mon prolongement au-delà des soixante-cinq ans constaté par mon acte de naissance.

A lire les contributions, puis les textes arrêtés, qui durent beaucoup à mon camarade de promotion à l’E.N.A., Alain Lamassoure qui, m’encensant en réunion et commissions des ambassadeurs à l’automne de 1994, ne savait pas plus que moi qu’il chantait mon oraison funèbre car il n’en disait sur aucun autre de mes homologues – je comprenais combien un texte peut être fécond ou tout empêcher. Le traité de Lisbonne – prétentieux, puisqu’il a abrigé et remplacé tout ce qui l’avait précédé depuis Mai 1950 compris, et bâclé au point que la sécession d’un Etat-membre fut traité d’avance à la discrétion de celui-ci : c’est à la Grande-Bretagne depuis son referendum sur le brexit d’initier les palabres sur les conditions de so,n départ. J’avais vu dans ce projet de Constitution pour l’Europe la disposition décisive : désormais, les textes européens se réviseraient, s’amenderaient selon leurs propres dispositions, et non selon la négociation entre gouvernements. Absente du texte de Lisbonne, c’est cette disposition qui à terme aurait tranquillement digéré ce qui perd l’entreprise européenne depuis Maastricht : la gestion seulement intergouvernementale de l’identité du Vieux Monde. Y a-t-il identité ? expression quand il n’y a pas la voix ? une voix unique, la voix. En bonne pédagogie, une classe de la trentaine d’élèves n’est pas vraiment dynamique ni porteuse de tous, surtout quand il y a des différences de niveau et de capacité. De même, nous le savons, vous le savez, un gouvernement de près de quarante membres aux responsabilités et moyens très disparates ne peut être collégial, c’est une énième chambre d’enregistrement de la parole ou des bons mots de celui qui le préside, les haines, contestations ou complicités se font au regard, mais il ne peut en sortir une pensée commune, plus ferme et innovante, plus vraie que l’addition de trois dizaines d’avis et opinions. Une pensée qui opère.

J’appris aussi que « mes » étudiants, pour la plupart travaillaient afin de se loger, de se nourrir. A mon époque, il y cinquante-six ans, Sciences-Po – Paris, rue Saint-Guillaume – ne coûtait qu’à peine plus que les cotisations sociales, mais quand il s’est  agi d’évaluer la contribution de Descoings à une compétition hors sujet avec des universités d’outre-Atlantique alors que nous cherchons les cades aujourd’hui de la République comme en 1875 on avait trouvé à les formerl’excellence de la formation, ne découvrit-on pas que les frais de scolarité – là – tournait autour de 14.000 euros et sans qu’au conseil d’administration soient admis s’informer et à délibérer quelques représentants des scolarisés ! J’ai supplié Pierre-René Lemas que l’on réfléchit à une réorientation dont seul une personnalité, non héritière du système, serait capable. Les cadres de la République, les animateurs du service public. Vainement. Je constate d’ailleurs dans la version actuelle du collège des Pères Jésuites à Paris – l’école saint Louis de Gonzague dont les plus importants bâtiments jouxtent l’immeuble où vivait et écrivait Georges Clemenceau, réputé anti-clérical, mais excellent voisin – c’est aussi le miroir aux alouettes » de l’excellence, c’est-à-dire de l’abandon de ce qui nous a plusieurs fois fait renaître. Nous n’imitons pas bien, nous savons inventer, c’est une science qui ne se transmet mais qui exige un réceptacle et une ambiance : la liberté et la prise de conscience d’une nécessité vitale. Une très jolie de mes élèves, tous les soirs et jusqu’après minuit, servait ainsi dans un bar au Quartier Latin, bien des autres, filles et garçons, dormaient peu, pas du tout par dissipation mais en gagne-pain nocturne. Comme ils étaient pauvres et que je le suis devenu, nous comprenions ce qu’il faut changer.

Et vous, Monsieur le Président de la République, avez-vous enseigné dans le plein-air d’une université de banlieue, avec beaucoup d’étrangers, certes à peu près francophones mais mieux que Français, voulant recevoir de nous quelque entrée dans le monde du souhaitable. Les sujets d’Europe dont je m’étais chargé, qui n’avaient pas de programme par arrêté ministériel, ni manuel leur correspondant classiquement, m’ont alors paru le souhaitable. Je n’avais pas toujours placé l’Europe en fin autant qu’en moyen de la pensée, de l’action et de toute dialectique politique ou économique. Tant que la France paraissait se tenir, et j’avais quinze ans quand le miracle recommença de s’opérer, la coopération européenne, le poids des possibles divergences ou timidités de nos partenaires m’avaient paru encombrants, mais depuis qu’il s’est avéré que la France, par des gouvernants de moins en moins indépendants et inventifs mentalement, tournait à la nostalgie ou la simple image dans le regard d’autres, j’ai pensé que l’Europe nous offrait, si nous la saisissions, de revenir à nos plus fortes ambitions, aux plus fondées.

Tandis que se tait, semble-t-il pour moi seul, cette façade en deux plans, en deux épaisseurs, aux lumières révélant bien la différence des matériaux, des destinations, je suis fasciné par une nudité sans apprêt, sans sculptures faisant par elles-mêmes monument. Du mur valant par sa luminescence, par son coutour, les lignes plus simples, du crayon sur papier, à la règle et c’est debout. L’Université, l’enseignement magistral, l’apostrophe des étudiants, leurs questions ; leurs réponses, les mise aux voix se fondent dans la question de m’orienter sans le moindre souvenir. En cinq ans, je ne suis pas même retourné à la basilique, encore moins suis-je allé en ville. Celle-ci commence par cette place où les passants, minuscules en proportion de la surface désertique, sans arbres, sont rares. Et je commence à apprendre.

Quand, l’an dernier, au milieu de 2015, vous êtes, avec les édiles, vous informer sur les projets et les avancements de restaurations, de travaux, certaines imaginations mêmes, où êtes vous allé : pendant votre visite, puis ensuite et d’où veniez-vous ? J’arrive, cette nuit, de la Bretagne océane et du premier chapitre de cet essai de livre qui vous est destiné. Sans mandat, sans modestie, sans orgueil, simplement parce que j’ai mon âge et mes amours, celui de mes aimées, épouse et petite fille, celui de notre pays, il me semble tout porter de nos héritages, de notre vieillesse à tant de moments si rayonnante et forte, d’une jeunesse que je sens pour demain, y compris la mienne retrouvée si cet écrit aboutit, et si l’ordalie que je souhaite pour la fin de mon existence formelle ici-bas. Et vous quand la portière arrière de votre voiture s’ouvre – la prochaine, celle de votre campagne, bien imprudemment exposée devant le siège de votre famille politique d’origine, une Volkswagen, a des portières coulissantes pour que, a-t-on expliqué, vous puissiez être « extrait » plus aisément, plus rapidement – vous donc, quand vous arrivez, que des garde-à-vous font haie et qu’il vous faut affecter le bonheur de vous trouver, de corps ? mais d’esprit ? là où l’on vous accueille, à quoi pensez-vous ? quelles associations faites-vous en vous-mêmes. Avez-vous marché dans les rues de Saint-Denis, la nuit, seul ? Le mot de Jean-Pierre Chevènement – si malheureux et n’exprimant aucune véritable expérience, sinon lamentablement tronquée – juste après sa montée sur scène pour inventer ou pacifier ce qui ne peut s’appeler, de l’extérieur, un Islam, ou l’Islam de France, ne me revient pas ce soir. Je demande mon chemin, un compatriote d’origine subsaharienne ?  me répond, me sourit, c’est clair, je pars, je tire une petite valise carénée, noire à roulettes. De plus en plus, je me sens dans deux pays à la fois, et qui me sont étrangers, bien plus que deux même. Des pays-villes alors que depuis vingt ans je vis entouré d’arbres, naturellement là depuis peut-être un siècle, ou que j’ai plantés, il y a aussi des rosiers, des ronces, plusieurs prés, chacun partant vers un des méandres du ria, non loin duquel, et de la mer aussi, nos longères ont été bâties il y a cent cinquante ans, et reconstruites par moi, il y en a vingt. Je suis éclairé par la lune ou j’entends autant mon cœur que des hullulements. Nos chiens dorment avant nous. Ce n’est pas la ville, cela n’a ni nom ni qualificatif. Géographiquement, c’est en France, selon les acceptions actuelles. Où que j’ai vécu quand c’était davantage que quelques heures et que l’appropriation faisait son alliance, puis sa combinaison entre les lieux et la conscience, les sensations d’y être, je crois bien que j’ai été la France. Il m’a donc été toujours aisé de la représenter quand j’en étais formellement chargé, mais aussi quand je ne l’étais pas. De même que professionnellement, il me fut aussitôt naturel de représenter l’intérêt commun en réunion ou en négociations. C’est d’ailleurs dans cette situation qu’apparaissait évidemment l’Europe. Les pays à Saint-Denis sont donc la ville, mais aussi les gens, l’absence de gens, l’allure et l’ethnicité des gens. Je ne parle ce soir qu’à celui qui s’est arrêté à mon interpellation et m’a renseigné. Je continue, il y a autant d’Africains, de ce nord-ouest africain que j’ai connu à mes vingt ans, qu’il y en a, la nuit tombée, à Saint-Louis, au pourtour de Dakar. On parle la nuit, assis, sans rien mangern ni boire, c’était avant. L’essentiel et qui se consomme, c’est la nuit et d’être ensemble. Or Saint-Denis est une ville française. Les moeurs, les vêtements, suis-je l’étranger ? avec ma valise, ses roulettes, et mon inquiétude d’arriver enfin tandis que ceux me faisant entourage, haie, et qui sont tranquilles, ne vivent-ils pas ici : chez eux ?

Cour intérieure, ni pavement ni goudron, du lisse sans couleurs, pas d’arbre ni même quelquesbacs à verdure, quatre étages, plus de cent alvéoles distribuées le long de coursives  à la façon des bateaux pour voyageurs à bas prix, l’hôtel ressemble à une prison. C’est pis que de la peur, c’est un autre monde. Les repères d’un urbanisme habituel soit dans la capitale soit dans ses banlieues ont disparu. Je n’ai rien. La chambre me rappelle justement un mauvais souvenir des environs de Dakar où je devais attendre le milieu du matin suivant de mon arrivée nocturne, la jeune fille qui intensément me tenait lieu de premier amour, elle avait été déjà mon premier baiser, elle devenait mon premier chagrin, car auparavant tout avait été avec la seule précédente tellement peu existant, vivant, chaleureux que j’avais cru au baiser et à un encensement mutuel. L’almour après l’indifférence ou l’impossibilité. Il me reste ce soir que le souvenir d’une solitude jumelle, d’une fatigue jumelle, le lit a quasiment les dimensions de la pièce. J’ai dormi facilement, car la suite – contrôle médical à subir vite – importait.

Ce qui commence, ce matin, n’a aucun précédent dans ma vie. Chacune de mes arrivées dans un pays nouveau, généralement celui d’une affectation suivant une autre que j’ai quittée à grand regret, était une obligation de m’initier, de comprendre et de rapidement structurer une mentalité, une construction nationale, des habitudes, c’était statistique et ensuite surgiraient des gens, et des gens quelques personnes, des mentors, grands politiques ou chefs économiques, des amours aussi. Les rapports à rédiger, les entrées à découvrir puis maintenir pour les donner à nos entreprises, à nos idées, à vos prédécesseurs, Monsieur le Président de la République, me forçaient enfin à considérer et posséder cet espace schématisé sur les cartes et mappemondes, comme mien.

Ce matin en quelques minutes, je vais vivre tout le contraire.
 
Direction ? je ne la retiens pas, mais l’arrêt auquel descendre pour atteindre ce centre de radiologie : théâtre Gérard Philipe. Fanfan la tulipe, Louis XV et les retournements du front en noir et blanc, mieux que les Indiens et les cow-boys, pas de cris, peu de chevaux. La Comédie-Française, cette obscure clarté qui tombe des éoiles… nous partîmes cinq-cent, nous étions trois mille en arrivant au port… l’entier de la scène, l’acteur … ce n’est pas de l’éclat, ce n’est pas de la lumière, ce n’est pas du texte, ce n’est pas même de la présence, c’est une totalité sans nom ni son, nous sommes parterre, poulailler et loges – quel âge ai-je ? peu importe – tous le même chef d’œuvre, le même Gérard Philipe, bien plus que le temps d’un soupir, l’immortalité doit être là pour que nous soyons ainsi, ne respirant pas, tellement nous existons. Le civisme des rues, des avenues des lieux en banlieue.

Lignes parallèles, les quatre rails, les trottoirs, les abris, tout est impeccable. Il ne pleut pas, tout à l’heure, il pleuvra. Pas un papier qui traîne, pas un Français, une Française habituels, les robes du Maghreb, de l’Indochine, de l’Afrique noire, la couleur, les peaux, les regards, les hommes sont de tous âges, la jeunesse est moins belle que la maturité, pas de jeunes filles. Comme je me sens heureux et à l’aise, parmi ces quelques tous. Je ne me sens pas différent. J’ai ma petite valise à roulettes comme hier soir, chemise sans dessous, une veste façon tyrolienne, mes cheveux sont blancs, mon teint est tantôt pâle, tantôt rouge. Je ne me porte pas toujours très bien, mes jambes sont souvent lourdes. C’est une ville qui est d’abord une succession d’espace au moins depuis cette place du Marché que longe la rue ou l’avenue Gabriel Péri ; D’ailleurs, par le métro on arrive en étapes successives, toutes contemporaines dans notre regard et par l’uniformité de l’alphabet R.A.T.P., en histoire de France. Il y a la déclaration de Saint-Ouen il y a les martyrs de l’Occupation, il y a des saints et des écrivains. C’est très sensible, plus qu’à pied, et a fortiori en voiture où l’on n’entrevoit que les voisins de côté, de devant, de derrière seulement. Chaque station a son nom mis en valeur par les intervalles de tunnel et par la répétition aux murs incurvés, au-dessus des affichages ou entre eux, c’est plus qu’une date, plus qu’un personnage, c’est nous avant nous. Guy Môquet et saint Denis. A ma gauche, une femme sans âge, teint bistre, enveloppée et capuchonnée d’orange à ramages, elle lit un petit livre, c’est de l’arabe, ce doit être religieux, ou de la poésie, mais quoi de plus poétique si la poésie choisit d’être véhémente pour me prendre ? je dis tranquillement à la dame que son petit livre est bien beau, il est usé, c’est du papier fort, c’est son livre, exactement comme depuis un an, chaque fois que je suis au volant, l’habitude me saisit de cette récitation. Je m’étais engagé à une neuvaine dont il fallait répartir en jours, en personnes, et en thèmes les centaines de Je vous salue, Marie ! et leurs encadrements en Notre Père ! Je ne compte pas, quelque temps j’ai mémorisé sur mes doigts et leurs intervalles, maintenant au bout d’un temps ou selon le ressac d’une imprégnation indistincte mais qui me fait découvrir beaucoup dans ce si peu de mots, je décrète le Gloire au Père !, et puis je passe à la suite. Elle me regarde et acquiesce, me remercie. Du français : parfait. Elle est bilingue, sereine, heureuse que je l’ai remarqué, son livre, pas tellement elle, quoiqu’elle soit bien le livre, nous n’insistons pas. Si à cet arrêt du tramway, je la revois – quand ? – je lui dirai qu’il y eut ce moment et que je voulais lui demander le sens, non de ce qu’elle faisait, mais de ce qu’elle lisait.

Il y a peut-être ? déjà dix ans. Le T.G.V. de Paris à Quimper. Pas grand monde dans le wagon, c’est un début de matinée. Une dizaine de jeunes gens, que des garçons. Sautent et dialoguent d’un fauteuil à l’autre. Vocabulaire incompréhensible, mais grammaire française. Du beur, surtout l’accent, les intonations, une indolence véhémente. Il semble s’agir du baccalauréat. Cela dure, ce n’est pas monotone, je commence à comprendre, cela dure bien une heure, ils se fatiguent, se taisent, font du silence et leur chef, selon toute apparence, vient s’asseoir près de moi. Je lui dis que j’admire la richesse du vocabulaire, l’inventivité du vocabulaire. L’allemand, version dialectale en Alsace, garde sa grammaire, certes, mais tout le vocabulaire, le visuel et la senteur du quotidien, les plantes et les ustensiles, les nuances aussi de l’affection par tant de diminutifs qui font grelots ou clochettes ne sont qu’alsaciens, un plein-air qui ne peut être clos mais qui a tellement de racines, et vit encore tellement même si les existences et les références ont changé et changeront plus encore, que c’est un univers complet à soi-seul. Cette langue, dite beur, est aussi une dérive de la vie dans la structure mentale française : la grammaire. L’identité, c’est la structure, l’ossature, pas l’habillement ni la confection. Oui, j’admire cette contagion française dans un milieu et un genre de vie qui, de naissance, sont tout autres que nos habituelles arborescences.

Voici qu’il me répond, un français de Sorbonne. Il est bilingue, beur et agrégation de lettres. Oui, c’est bien de bac. qu’ils s’entretenaient, de l’histoire qu’on leur fait passer et subir. Il est autant français que moi, d’esprit et de langue, mais il voudrait que soit mis autant d’application, autant d’art pour transmettre son histoire particulière et celle de ses compagnons, ou d’autres villages dans nos banlieues, ou d’autres groupes. Il ajoute même que ces histoires particulières, quoique de relents nationaux, de nationalité qui ne sont pas la nôtre, je veux dire la mienne, ou celle qu’il a adoptée et apprécie, manifestement, valent d’être enseignées, de faire partie de nos enseignements parce qu’elles sont un apport, exactement comme leurs locuteurs apportent une force et un nombre, une population de plus. Et voici qu’il m’apprend, qu’au moment-même des massacres de Sétif [1], il y en eut d’aussi horribles, fortuits ou ordonnés, à Gorée. L’île-escale-base de départ pour les esclaves d’une terre dite française à une autre, tout autant française… L’enseigner autant que les Gaulois. Même si c’est consacrer, mémoriser ce qui salit notre âme, fait tache.

J’acquiesce et lui répond qu’il tombe bien. Ayant alors – encore pendant aujourd’hui, mais reporté comme tant d’autres de mes projets d’écriture – l’idée de documenter un essai sur cinq Français et l’Allemagne [2], j’ai compilé le dossier du procès de jspeh Caillaux en Haute Cour, procès en pacifisme férocement diligenté par une rare mais très efficace entente de Poincaré avec Clemenceau, on fut en 1917. Et dans les cartons, j’ai lu l’histoire d’un rgeoupe important numériquement de Russes « blancs » qui refusèrent de marcher au combat sous un uniforme étranger, par exemple la Légion, et qui voulaient se battre sous notre uniforme. Ce refus fut considéré par la justice militaire comme une mûtinerie, exécutions donc. Or, le Conseil d’Etat saisi par qui ? et selon quels moyens ? condamna l’Etat français, ses hiérarchies, ses références et ces… condamnations. Sans lui faire sentir que j’avais beau jeu et tenais un exemple solide, je dis à mon homme que ces silences de l’Histoire n’ont rien à voir avec le racisme, c’est tout bonnement une conception éthérée des événements. Cette conception ne sert personne, il faut certainement en sortir, ces Russes, ces tirailleurs sénégalais ont été des héros, sans eux peut-être nous n’aurions pas été en nombre ou suffisants pour vaincre la grande Allemagne.                       

Le train continua, ils descendraient plus loin que moi, groupe de « rapeurs » archi-connus, accueillis peu auparavant par Ardisson, ils commençaient une nouvelle tournée. A la station Marché du tramway, une femme noire, des yeux très grands, fendus et doux, un bébé sur la poitrne, ils sont à ma droite, l’enfant me regarde, m’examine, je demande son âge, il se prénomme Mattéo, deux T mais pas d’H. Je félicite, le tramway arrive. Je me sens très bien. Personne de race, si une arrivante qui court, personne sauf elle, et moi, mais toute la rame française, vivant ici et parlant ici, la langue d’ici et qui n’a rien de banlieue.       

Monsieur le Président de la République, je me suis dit que la France est contagieuse pour tellement passer dans la langue et donc l’esprit des gens. Mais de nous, les anciens en extraits de naissance et ascendance – vous êtes du XVIIème siècle, et votre prédécesseur ainsi que l’actuel de vos Premiers ministres sont de la seconde moitié du XXème – oui, de nous, quelles que soient les générations et leur nombre dont nous sommes issus, doivent arriver quelque chose, un geste, une réciprocité, soudre une mise en commun. L’adoption doit être mutuelle, chacun ajoutant à l’autre. Je commence à théoriser ainsi quand c’est déjà la station suivante : une école communale fait l’angle de l’avenue Paul Eluard avec la rue Jules Vallès. Fronton cassant l’angle : « l’instruction est la grandeur d’une nation . MDCCCLXXV ». La République débat encore les lois constitutionnelles, mais déjà c’est cela qui se grave et va se faire. L’heure est aux rentrées en classe, Babel, arche de Noé, tous quartiers ? peut-être, mais les comportements sont de toujours, les poussettes, les enfants sont analogues, je passe, je suis croisé, davantage de mamans que de papas. Rue Elsa Triolet. Le Parti communiste, encadrement ou ossature, la « ceinture rouge » de Paris ou le peuple qui habite et qu’Haussmann a mis hors les murs, que la Commune a tenté de remettre en possession de la ville, et puis…  La rue est nouvelle pour moi, ce sont des immeubles nets, de hauteur parisienne, mais de dessin, de facture autres. Il y a certainement un héritage ici autant qu’ailleurs et moins commun qu’ailleurs, un héritage pas de monuments de la puissance ou de la statuaire, encore que les écoles, un gymnase Maurice Baquet et surtout le théâtre Gérard Philipe en fin de l’avenue Carnot, soient de pierre de taille ou de matériau XXème siècle Pompidou ou Malraux. Oui, il y a un patrimoine dans nos banlieues, et celles-ci ne sont pas de la non-ville, de la non-capitale, ce sont des agglomérations, des centres d’existences, de rencontres et de traditions multiples. Il y a un mois, montant de Monrouge vers Plessis-Robinson et de niveaux en niveaux de vie, je vivais aussi d’autres déclinaisons de notre goût de ba^tir et d’habiter aussi respectables et parfois plus chaleureux, plus intimistes, secrets même que les avenues ou les cotoiements de parc où mon enfance a marché, duré : la Muette et son jardin du Ranelagh, la rue de Passy, le Trocadéro puis l’avenue Hoche, la rue de Courcelles, le parc Monceau. Et aujourd’hui, comme j’aimerai quelques combles, mais avec ascenseur pour mes années octante à si bientôt venir, qui ne soient pas loin du jardin du Luxembourg et de …  c’est être Parisien sans doute, mais il n’y a pas que Paris, qui soit la France. Combien la « province », les provinces nous l’ont reproché. Parachuté, inéligible sauf parrains et militants sur ordre, tout nouveau venu, et pourtant comme elle se brise aisément la glace. Je l’ai vécu dans le Haut-Doubs, mais… pas là où je vis, habite, femme, enfants, chiens, chèvres, poissons rouges, en Bretagne du sud, le long de la mer. Nouveau venu, dépendant, j’ai pu être aimé. Propriétaire, des hectares, l’interdiction que nous opposons, ma femme et moi, aux chasseurs : je ne suis pas accepté, depuis vingt-cinq ans, sauf un sexennat municipal parce qu’il fallait empêcher un autre, natif de plusieurs siècles, pas aimé, alors je fus élu à dix contre un, je crus à un choix, j’avais été un outil. Mais oui, c’est notre pays.

Reniac, à ma table de travail
lundi 19 septembre 2016, 17 heures 35 à 20 heures 58


[1] -

[2] - titre et schéma qui ont été, avec bonheur, ceux de Jean Lacouture, notamment pour raconter, par des portraits, notre décolonisation, en fait des estimes mutuelles mais déchirantes