lundi 20 décembre 2010

sexualité ? érotisme ? observations, réflexions : suite

E... et moi éveillés autour de quatre heures, migraine récurrente de ma chère femme, sa main prenant un instant la mienne, et moi ensuite posant parfois les doigts au nu de son flanc. Degré zéro de la sexualité et de l’érotisme. Montage au théâtre du livre de Fernandez, ingéniosité des homosexuels pour se proclamer et tenter la propagation, Le Caravage dont on sait peu, sinon la vie courte, ravagée par son goût de la beauté mais tout autant par ses analyses contestataires de la société : jolis garçons, mendiants et prostitués sont ses principaux acteurs et modèles. Inquisition, procès, prisons, tableaux refuisés : procès-verbaux comme seul matériau biographique à l'appui de ce qui peut se déduire de l'oeuvre plastique...
La jeune commentatrice assimile sexualité à subversion. Les faits divers à la prédation, au viol et au meurtre. Je l’ai toujours vêcue – étant d’ailleurs passé sans transition de l’ignorance totale et de l’absence de toute conscience de quelque désir de sexe ou de nudité que ce soit, à l’expérience de l’inconnu (qui par le suspense de l’accomplissement se renouvelle à chaque étreinte) et de la communion, donc de la liturgie, d’une contemplation possible seulement à deux. Je ne suis pas sûr que le plus que deux soit un de mes fantasmes et l’homosexualité me parut aussitôt une chaîne, aussi dangereuse et liberticide qu’un enfant non attendu. Encore ce dernier appelle beaucoup de questions, et quand il me les posa, je ne sus que fuir et me mentir. – Ne parler et écrire que d’expérience (l’intuition en étant une) : Fernandez est cité dans le montage théatral au Lucernaire : oublié comme un chien. C’est n’avoir jamais « eu » un chien, n’avoir jamais vêcu avec un chien (les autres animaux, je ne sais pas, je suppose), qu’écrire cela : le chien est inoubliable, l’écart de longévité entre le chien et l’homme donne à ce dernier l’expérience de la séparation et la mort de chaque chien est souvent une culpabilité encore plus que le simple chagrin et regret d’une présence devenue tout autre.

samedi 13 novembre 2010

écrire sur le sexe... peut-être, vais-je l'entreprendre pour un livre-réflexion que je n'ai pas lu ailleurs

Samedi 13 Novembre 2010


Songé ces heures-ci, en écho à de multiples songeries à ce propos, et depuis longtemps… trente-cinq ans… : écrire quelque chose de fondamental et que je n’ai pas lu ailleurs qu’en moi, ou pas assez. L’âme du sexe que j’avais entrepris d’écrire-décrire-conceptualiser à Baldusweg, sans doute au meilleur de notre entente sexuelle, Gh. et moi, avec les photos. d’ « atelier ». Aujourd’hui que je suis sur l’autre pente – sans doute – développer autrement : les étapes, le secrewt non désiré en fait l’absence de sexe… la révélation du sexe, l’initiation, le début des facilités et des habirtudes mais avec les moments d’acmée, les conquêtes, le Don Juanisme, le nombre, la collection… l’âme du sexe… la peur du sexe qu’est la vieillesse, en fait une école de soi de la découverte, forcément par soi-même, aux triomphes et aux facilités pour aller à la peur de soi, à la hantise de l’échec. Terminer par l’autre soleil, un autre soleil et de la disseration sur des concepts fondamentaux en l’espèce : beauté, désir, sensation… avec les inscriptions de l’imprévisible et du rythme. Mémoire des âges du sexe.

Janos Ber - une dernière fois à son exposition " Faire face ", chateau de Kerguehennec

après-midi du samedi 13 Novembre 2010


. . . château de Kerguehennec, exposition « Faire face » de Janos BER 16 heures 30 à 18 heures +
Ce qui m’intéresse c’est la forme… et l’idée de forme est proche de l’idée de moi. Chateau habitable et familier, série de pièces, souvent pas grandes avec les portes d’appartemenrs hausmannien, les portes qu’on ne peut passer qu’à un. Off, la voix de l’artiste sourde mais ferme, un débit qui n’est pas monotone, qui est celui d’une forte rivière. – Je suis dans la plus petite des salles, six toiles qui ont du relief physiquement et qui sont, chacune presque monochromes, deux se font face, d’assez grandes tailles, cloquées, l’une les cloques en creux clair, des traits comme le changement de brosse ou celui d’un arrêt pour l’inspiration, des mimites données, rien n’est droit mais rien n’est courbe non plus, les surfaces claires, non peintes sont les plus claires, pas dispersées, des archipels, qui se répondent, qui bougent. Je me suis approché pour vérifier si le clair est peint, il l’est : ocre, mais le coloré est de la toile à sac collée. On devine la main qui a étalé et qui a choisi de ménager ou de respecter les trous, des trous, partout sauf à l’angle gauche en bas. Faisant face, format rectangulaire, vertical, cinq amas insulaires, de la toile ou un autre matériau étalé, collé, reposé, laissé, chacun des deux groupes de cinq n’est qu’un bord, une allée nue que souligne un motif à peine suggéré qu’on peut croire le hasard du regard qui reformerait la toile, ferait le tableau. Un carré mordoré, pas grand, 80 cms x 80 cems, peut-être, deux lignes l’une verticale l’autre horizonatel se croisent, elles ne sont pas insistantes. On perçoit comme le damier des reprises et des commencements du toucher. J’avais été subjugué par SOULAGES, il y a vingt-cinq ans, les toiles apparemment noires. Plus tard, tout autres, du même, les vitraux de Conques du dedans et surtout du dehors. Deux autres toiles moins faciles à regarder, qui ne se laissent pas même décrire, elles sont chacune noire, comme des essais, la peinture est lourdee, elle semble résiduelle.

Ici, l’enfance de la vieillesse ou cette maturité dont soudain l’enfance prendrait conscience au moment où elle va, peut-être finir. Des toiles à fond blanc peint, des comme des collages, c’est la couleur qui domine, impressionne, invite, attache, alors même que la décoration, les formes sont à la fois très précises, nécessaires, ce sont d’ailleurs des superpositions qui s’accompagnent sans vraiment se disputer, le premier plan par rapport à celui/celle qui regarde, est une pliure grise, puis un second ruban vertr lavé, rouge rose, et l’une des toiles a aussi du bleu presque gris. Deux des tableaux ferment presque le motif, le troisième dont les rubans deviennent presque des traits joue des mêmes couleurs mais devient aérien. Maintenant, ce sont deux toiles, de dimension inégales, l’une presque carrée, l’autre vraiment, des taches composées, mais rares sur la toile, le principe est le même que pour les rubans-pliures-essais, composition à dominante grise et beige avec un mouvement de brosse propre à chaque surface colorée. La seconbde toile de ce genre présente seulement deux taches, le jaune fait le thème commun et l’une s’orne en marron, l’autre en bleu. L’ensemble danse, fait danser. Pourquoi ? sensation que je ressens de légèreté et de netteté, un chorégraphie réussie offre certes cela, précision et envol. Il y a peut-être plus : une perspective, le déplacement est d’avant en arrière, en profondeur pas en surface tandis que les toiles à taches, au contraire de celles aux pliures, se meuvent, dérivent horizontalement à plat, même si l’accrochage est physiquement verticale. Le sens du repère est donné, vérifié.

Là, le thème est la croix catalane ou les combinaisons des drapeaux basque ou britannique. La couleur est déployée, elle moutonne au toucher.L’une évoque des coupes, mais pas l’autre. Les couleurs dominent la forme, elles sont elles-mêmes la forme. L’une est rouge surtout avec des traités, lignes brisées jaunes et noires qui ne se croisent pas, elles ont leure épaisseur, une vie que n’a pas la surface. L’autre, la verte a ses lignages ssymétriques, du bleu d’orage, du rouge sang séché sombre, c’est le moutonnement, le relief, les chemins du colorage vert qui retient, attire. Mais le bonheur arrive par deux toiles jumelles, thème commun, la combinaison d’un bleu ciel et d’un vert, ce ne sont presque des traits gros mais souples, des lignes se voient, comme si le tableau était aassemblage de colorages. Peut-être… j’écris d’ambiance et de portance, décrivant que je vois, ni catalogue, ni commentaire, ni interprétation. Un ensemble, quelque chose m’est proposé qui m’enchante et me plaît pour la troisième fois sinon la qqutrième, et que je suis venu revoir – cette fois pour en vivre explicitement, me laisser prendre, recevoir : hospitalité de la peinture, d’une œuvre quand elle a sa chronologie, ses essais et ses multiplications. Je ne cherche pas à définir ni à expliquer, ce soir, plus tard … peut-être ! Autonome par sa dimension, dans la même salle, un tableau grand traits brisés jaune clair, surfaces brisées marron-carmin et moindrement rose mat, quelques traits noirs discontinus parce que coupés, s’il y a eu coupe. La sensation d’invite à la profondeur mais le frémissement de surface, deux déplacements, deux invites, deux possibles mouvementss de l’esprit qui voit et comme toutes les formes, les surfaces, les traits ont leur logique et leur géométrie, c’est une proposition d’ensemble pour un univers dont la vie, le son, la motricité tiennent à la forme. C’est une peinture qui a des surfaces, du champ, mais pas de cadre ni de limitess, elle se concentre et apparît d’elle-même, se résume en toute indépendance. Ainsi les deux toiles bleues et vertes, ainsi celle rose et marron, la toile n’est pas toute ocuupée, le blanc résiduel donc originel rappelle qu’il y a eu création puisque limite, mais la limitation a été autonome, ce fut l’œuvre.

Ici, redondance ? ou précédent, pas de traits, que des surfaces, les formes ont des bords qui ne font pas traits et qui sont de même consistance et couleur que le rempli. Il semble qu’a été cherché une disposition, presqu’une disposition des lieux, comment placer les formes, les surfaces, étant posé que les couleurs s’harmonisent, s’introduisent, se soulignent, camailleux de rose, de marron venant du rose, moments de gris. Deux toiles annoncent ce que j’ai déjà vu et qui semble l’état actuel de la vie du peintre. Les trois ou quatre formes découpées dans un colorage moiré rouge-marron-carmin, sont elles-mêmes sur un fond joyeux de traits oranages, verts, jaunes, des serpentins qui ont de la largeur et qui semblent ne casser nulle part quoiqu’ils soient discontinus. – Je vais à la « bergerie » pour les grandes toiles contemporaines. Le chemin a cinquante ans, vivre chaque détail ou revenir depuis l’arrivée, revenir en mémoire.

Laissé au château ces trois toiles, les deux noires comme faites de la paume, de la main à plat mais le matériau ou l’idée de peindre est fait de fils ténus, comme ceux de l’araignée. Ces deux toiles sont sans doute décisives dans leur isolement pour que l’artiste soit passé d’une période à une autre, d’une façon – même – à une autre. Supposition ? je l’interrogerai. La troisième très petite, presque de format cahier d’écolier, est un traitement de ce thème si cher, en tout cas fréquent (fréquence n’est ni familiarité ni compagnonnage heureux, j’y vois davantage problème posé parce qu’encore conflictuel) chez notre petite fille, le cœur a même posture, un peu renversé, le haut-le-cœur ou la disposition au baiser… le colorage est quelconque, bleu et vert, sans éclat. Je n’écris cela que de mémoire visuelle, et les sentiments dictés ou venant sont certainement différents de ceux que j’aurai essayé de transcrire en regardant, en restant présent.

Maintenant, les écuries et non la bergerie. En enfilade de deux salles aux murs de pierres à longères, celles des Bretons et du sol dur, pierres chaulées, au fond deux toiles jumelles ou deux accolées pour n’e faire physiquement et visuellement qu’une seule. Regardons, contemplons. Les deux vantaux, les deux parts en verticale, de la toile sont différents et de couleur et de leur possible superposition, l’inclinaison légère de gauche vers la droite est la même, les deux parties ne se continuent pas l’une l’autre, elles ne dialoguent pas non plus, elles sont apparemment distinctes et pourtant elles se répliquent, se commandent. En commun, deux forces de couleur, la couleur appliquée en traits sur fond restant blanc, une plus forte, plus accusée que l’autre, noir et violet pour les traits du vantail de gauche, rouge et vert sombre pour celui de droite. J’évoque la mer, l’indicible, le très difficile à décrire de ces surfaces qu’hérisse doucement un vent continua qui déplace sans cesse les motifs. Qu’évoquè-je encore, guidé par ce qu’a retenu l’artiste ? très cérébralement, un laisser-aller, comme le laisser-filer d’un cordage, ce n’est pas à tout va, c’est précis, retenu, sans doute parce que c’est tronqué. Pourquoi l’est-ce ? parce que le mouvement qui semblait de droite à gauche, qui n’avait pas de lointain, qui n’avait de relief qu’en surface n’est qu’un fragment, deux fragments, ou deux versions du même fragment ? et de quoi ? sinon d’une profondeur dont ils sont détachés, dont ils témoignent, ce sont des revenants et des invitants.

Je retourne ma chaise, même double toile, vantail gauche rouge plus bordeaux ou carmin, vantail droit plus vermillon. Du sentiment ? ou de la sensation ? parce que le rouge ? le mouvement est plus vif, pourtant pas davantage de traits, et la même illusion d’une superposition possible des deux parts. Trois toiles tombent en panneau, de la toile sans structures, tombant avec leur drapé, des traits tous noirs, sans trace de la brosse. Un des arts de toucher est sans doute la netteté du bord. Ces traits sont serviteurs et servis. Ils ont dominé l’artiste, sa pensée, son projet, sa main. Ils dominent. Ils donnent une lecture, une idée du temps, ils sont forts, ily a de la force en eux, ils en dégagent pour nous. Ils sont à ma droite, en flanc-garde de la double toile aux deux rouges, aux deux parts ! aux deux moitiés ? je ne dirai pas cela même si les dimensions de chacune des surfaces jumelles le suggèrent fortement.

Le plus curieux est maintenant à ma gauche, succession… de papiers ? taches au charbon ? à la craie de charbon, je ne sais le terme technique. Aventure non continuée ? de l’artiste, ou début de quelque chose que par devers moi et l’exposition il travaille en ce moment. A première rencontre, on croit voir les calligrammes, les essais, les dépôts chinois ou japonais, je ne peux aller loin dans le parallèle ni dans la comparaison car je connais peu ces peintures – mais est-ce que je connais la peinture, et qui la connaît ? sans la réduire ? la réduire à des techniques, à des explications et peut-être à de l’usage : marchés de l’art, décoration d’intérieur, sensualité complexe du collectionneur ou du voyeur d’habitude quand rien n’est figuratif mais que tout est possible. Donc, du noir, frotté ou laissé mais sans ordre ni fini. La netteté, les bords ne sont plus, mais la danse a repris, de l’envol même. Premier papier, trois papillons dont la structure est soulignée finement, de l’intérieur de la forme, la forme à des densités de noir passagères, au moins trois nuances, dans le frottis, dans le laissé. Second papier, aucune ligne qui ferait nervure ou qui tiendrait l’alentour. Formes vraiments nues mais qui ne suggère rien, qui appelle à ne rien voir que ce que l’on voit, sans imaginer. Ces œuvres, ce parcours ne sont pas l’élaboration de supports. Sans doute, sont-ils, sont-elles décoratifs, habillant l’espace, le réduisant, le mettant à notre portée pour en faire de la surface, pour en happer la surface. Troisième papier…

. . . retour à Reniac, 19 heures 21 + Premiers tours de roue… est-ce que cela me plaît ? est-ce que c’est beau ? manifestement, les réponses ne seraient pas adéquatres. Cette peinture n’interroge pas, elle est chemin atant pour l’artiste ? que pour moi ! mais elle ne n’emmène pas, elle pose. Elle me situe. Me situe non par raapport à elle ou à d’autres sujets, concepts, repères, elle me situe tout simplement et bonnement. J’y gagne… elle m’a fait regarder, penser, réfléchir, analyser, elle a appelé davantage le plaisir d’être que la joie, le lucre d’avoir, de posséder, de savoir. Bien entendu, il faut quelque préalable qu’elle sait faire oublier, les préalables de la mesure, de la ssérénité, en fait d’un certain effacement et de l’œuvre et du peintre. Une peinture de compagnie ? une empathie avec… Un apport et l’envie de davantage de cette peinture, de cette itinéraire, de cette disposition-proposition de vie, de vivre.

jeudi 26 août 2010

lire Sigrid Undset


Elle recevait leurs cadeaux avec un sourire calme et radieux, sans leur rappeler jamais les sacirices et les privations que cela leur coûtait : elle comprenait trop bien que le fait de se priver pour lui faire plaisir constituait justement pour eux une consolation et une joie et leur faisait oublier momentanément qu’elle allait les quitter bientôt.

Cependant, la douleur de Rose était immense, et elle souffrait seule pendant de longues heures au bureau et de longue nuit quand sa mère dormait. Celle-ci avait la conviction mystique que son amour maternel, que ‘lamour qu’elle avait pour son enfant, serait plus fort que la mort. Quant à Tokild, son jeune amour saurait chercher nourriture et forces en toute chose, fût-ce dans le mystère de la mort et dans la cruelle séparation. Mais, pour la douleur d’un enfant qui pleure son père ou sa mère, il n’existe pas de consolation. Une mère peut conserver jusqu’à la fin de ses jours un amour vivant et inaltéré pour l’enfant qu’elle a perdu ; le cœur d‘un amant peut vivre pendant toute une longue existence du souvenir de son aimée que la mort lui a ravie. Car l’amour d’une mère et l’amour d’un amant ont connu un commencement ; ils ont conquis une place dans notre vie ; ils ont rivalisé de forces avec d’autres sentiments… Mais l’amour d‘un enfant pour ses parents a fait partie de son être, depuis toujours ; il l’a suivi tandis que l’enfant grandissait, sans jamais apporter à son esprit le bonheur de la nouveauté. Voilà pourquoi la douleur d‘un enfant à la mort de son père ou de sa mère est lamentable et sans consolation : elle est une partie de la vie même de l’enfant qui lui est arrachée. Quand le temps aura cicatrisé la plaie ou qu’un nouvel amour remplira le vide de son cœur, ce ne sera ps la consolation, ce sera l’oubli.

. . .

Je sais que je pourrais aimer un homme d’une tout autre manière. Je sais que je pourrais ressentir quelque chose qui m’est encore inconnu. Et j’en ai hâte. J’ai hâte de rencontrer dans ma vie quelque chose qui me transfigure. J’ai toujours été la même. Toujours. Quand je suis avec toi, je ne change pas.



Sigrid UNDSET . Printemps (trad. Elsa Cornet pour Stock . Mai 1942 . 389 pages) pp. 89-90 & 105

vendredi 21 mai 2010

en forêt de Compiègne, Toussaint 1964

Dimanche 1er Novembre 1964


carrefour du Capitaine. dans une tente – nuit noire au dehors.

Pour la première fois, je ressens concrètement le fait que j’ai quitté la Troupe. Déjà hier soir, en allant prendre la tente CT au local, je ne me suis pas senti « chez moi » comme je le sentais pendant les trois dernières années. Les garçons que j’ai rencontrés : Olivier, Hubert, Patrick, Pascal ont été gentils, et loquaces, mais quelque chose avait changé entre nous. C’est peut-être maintenant que l’amitié pourrait naître, alors que nous n’avons plus à nous voir mais que nous pouvons nous voir. Il faut reconnaître que dans la plupart des cas, cette amitié n’existera pas. Nos rapports s’établiront plutôt – au plan plus vrai, plus efficace, mais moins sensible, moins chargé de chaleur humaine et de consolation, de la Communion des Saints. Je les porterai dans mon souvenir, dans ma prière, dans mon cœur, comme je l’ai d’ailleurs fait de plus en plus tandis que j’étais leur chef. Feront-ils de même ? Pourquoi me le demander d’ailleurs.

J’ai assisté à Saint-Jean-aux-Bois, à une messe de deux troupes scoutes à 17 heures 30. Il y a juste deux ans, la troupe campait au carrefour du Capitaine où je suis à présent (ma tente était placée au même endroit), et nous avions dit la Messe au même endroit. Nostalgie assez poignante pendant cette messe, et en entrant dans ma tente, ce soir, cette tente que n’entourent plus quatre ou cinq tentes de patrouille, cette tente d’où je n’ai plus la sensation physique de veiller sur une trentaine de garçons. A la recherche du temps perdu ? non, car je suis convaincu que des jours plus grands m’attendent, que le bonheur m’est promis, et que je suis heureux, détendu en ce moment. Je ne regrette pas, je me rappelle avec émotion.

La forêt ne m’a pas particulièrement rendu joyeux, et méditatif, cet après-midi. Et pourtant la paix et la joie sont là. Mais c’est plus profond, moins sensible, moins sentimental. J’ai le sentiment d’avoir raison d’être là. Je ne me sens absolument pas seul. Mais pas d’enthousiasme, pas de joie débordante. Simplement, l’impression d’être moi-même et en équilibre stable. Tout va bien. Je suis au calme. Au fond, on peut prier Dieu, beaucoup plus simplement qu’on ne le croit, et on peut être joyeux, beaucoup plus gravement et beaucoup moins sensiblement qu’on le croit. Ce qui m’a frappé, cet après-midi, ce ne sont pas les couleurs, les arbres, auxquels je m’attendais un peu, c’est l’ôdeur. L’ôdeur de la terre, indescriptible. L’ôdeur des feuilles. On peut – je crois – se souvenir d’une image (en en formant une pareille). Mais je crois impossible se de rappeler ou d’imaginer une ôdeur. C’est par l’odorat que al forêt s’est imposée à moi. Qu’elle est devenue réelle, et non plus imaginaire. Et il m’a fallu un chemin, pour le comprendre. Car la route goudronnée qui m’a semblé longue , et que j’ai suivie pendant deux heures, ne sentait rien.

Ciel blafard et mou. Pas de lumière. Un ciel laiteux. Mais les couleurs sont elles-mêmes. Aucune clarté. Aucune brillance ne les rehausse. Elles sont couleurs. Le rouge est rouge. L’orange est l’orange. La jaune est jaune. Tout est mat. Guère d’ombre. Pas de refets. Mais des superpositions, des additions, des tons sur tons, des plans divers, des éloignements, des perspectives. Parce que tout est immobilité. Parfois, quelque arbuste secoue ses feuilles. Et l’on entend ce bruit, comme s’il était le seul de la forêt. Ce soir, ce sont d’autres bruits qui se font entendre, avec la nuit. Comme s’ils n’attendaient que l’obscurité pour surgir, ou comme s’il fallait la nuit pour les entendre.

Que d’expériences curieuses, on fait la nuit. En revenant de Saint-Jean-aux-Bois (car j’y suis retourné après la messe pour prendre quelques poses de l’intérieur illuminé), je en voyais pas mon épaule. Tout était noir d’encre. Le seul moyen de me diriger était de sentir le chemin sous mes pieds, et les feuilles qui jonchent la fûtaie à droite et à gauche, étaient mes alliées qui grinçaient sous mes pas, dès que je perdais le chemin. Puis, tout est devenu clair, et j’ai pu arriver au carrefour. Pour retrouver ma tente, je me suis d’abord complètement perdu ou plutôt, je n’en ai pas eu l’impression. Mais ne trouvant pas, je me suis soudain vu déboucher sur un chemin. Pendant quelques secondes, je ne l’ai pas reconnu. En fait, je venais de ce chemin. C’est au fond, pendant les instants où tel ou tel obhjet très familier nous reste inconnu, qu’on le voit le mieux, car on le voit tel qu’il est. J’ai vu le chemin tel qu’il était : deux bandes de sable plus clair qui se distinguaient dans la nuit. Alors que mon chemin n’existait que charnellement, il existe en tant, comme menant de ma tente au carrefour.

Peut-être en est-il ainsi des êtres ? Ainsi, hier soir, Papa, qui m’a tenu de si beaux propos. La beauté et l’amour qui seuls comptent. C’était bouleversant. Mais je ne pouvais le comprenbdre et le goûter qu’en faisant abstraction de toute la nervosité et l’égoisme que j’ai souvent à l’égard de mon père, et qu’en essayant de découvrir un ami, un inconnu, un être très proche, très semblable, et aimé de Dieu et qui – s’appelle pourtant : Papa !
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Ce matin, à la Trinité, pendant la messe, et n’ayant pas de missel, j’ai soudain réalisé que la fête de la Toussaint était la fête de tout le monde, que c’est la fête de la Communion des saints. Et que cette communion, qui est la plus grande réalité qui soit, après celle de Dieu, et qui vient de Dieu-même, était composée des âmes du ciel, du purgatoire et des âmes militant sur cette terre. C’était aussi un peu notre fête. J’ai d’autant plus regretté de ne pouvoir communier. Surtout à la seconde messe : celle de ce soir, avec les deux troupes. J’ai d’abord eu le désir humain de m’associer à eux. Et puis aussi, j’ai réalisé à quel point une messe n’a pas de sens si on n’y communie pas.

Il est frappant de se rendre compte que le dailogue, que tout dialogue est superficiel, et que le silence à deux, le regard, ou même l’apparente indifférence sont plus chargés d’amour et de communication. Ainsi, jeudi soir, en rentrant de Chassillé, il y a quinze jours, dans l’auto., j’étais plus près que jamais d’André, lorsque nous ne parlions pas. Et les dialogues que j’ai, ces trois derniers jours, étaient beaucoup plus significatifs par la convergence de nos pensées, par le courant d’affection qui nous portait que par les paroles échangées. Mme C., Père Lamande, Papa.

Ce matin, j’ai fait le trajet Paris-Chantilly avec Bernadette S. Nous nous sommes mutuellement inspirés confiance et tout de suite, avons parlé de façon détendue, profonde et vraie. Comme c’est intéressant, et comme c’est enrichissant, pour l’un et pour l’autre.

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Merci, Seigneur, de cette journée, de la joie que tu ne m’as pas fait éprouver pour qu’elle soit plus vraie. Merci de tes arbres, de ta forêt, merci de ta bonté qui me rend ma solitude légère, alors qu’elle pourrait être insupportable. Merci du calme que tu me donnes, alors que ce pourrait être la tempête et le désespoir. Sans Toi, rien de ce qui est, ne serait. Seigneur, Tu es vivant. Seigneur, Tu es vivant, ressuscité et vivant, vivant et éternel. Et le bonheur que tu me donnes, et que tu me donneras, n’aura pas de fin. Et le regret, et la nostalgie, et la non-compréhension n’existeront plus. Et le dialogue ne signifiera plus rien puisqu’il y aura communion. Et que nous serons tous unis dans Ton père, unis dans sa lumière. Lumières reflétant sa lumière. Sources nous alimentant à la source. Et nous boirons le même vin, et nous serons une même vigne. Et ce sera la Toussaint tous les jours. Et il n’y aura plus de nuit, car le jour aura le mystère et la profondeur de la nuit, et la nuit la clarté du jour, du crépuscule à l’aurore.

Aurora lucis rutilat.

Seigneur, merci.





Lundi 2 Novembre 1964


carrefour du Capitaine, 16 heures 30

Mon sac est bouclé. Je viens de plier ma tente. Déjà, le soir tombe. Mais les couleurs n’ont jamais été si belles. A quelques mètres de moi, sur ma droite., chaque feuille a sa teinte et nulle autre ne lui ressemble. Un chêne dessine des nœuds sur le fond blanc du ciel, que tache un résineux. Tout est silence. Quelque part, pépie un oiseau. Je ne sais son nom. Il y a quelques heures, un rendez-vous de chasse encombrait le carrefour. Je revenais de Saint-Jean, et j’ai quelque temps pensé suivre la chasse. Je l’ai vite perdue sitôt que les chiens ont trouvé la piste. Toute une journée de flânerie dans la forêt. Mais pas de rêverie. Quand on regarde, quand on sent, quand on écoute, comment peut-on rêver ? alors que tout est présent, et que notre être sent si bien qu’il a sa place au milieu de tant de beauté ?

Peut-être va-t-il pleuvoir. En tout cas, dans une heure, j’espère être à Compiègne pour le train. Tout à l’heure, à l’étang de l’Etot, assis sur un tronc tombé dans l’eau, et dont seule une petite section repose au sec, j’ai vêcu la minute pour laquelle – je crois – j’étais venu en forêt. J’en ai eu la sensation si précise, que j’ai eu l’impression d’être arrivé, que cela faisait très longtemps que j’étais là, et que je resterai là bien volontiers si j’en avais le loisir.

Des feuilles de peuplier tombaient dans l’eau, avec un petit bruit sec et mat en touchant la surface. A leur rencontre montaient sur le miroir du lac, leur reflet, et j’ai pensé que c’était là un peu notre vie. Ne faire qu’un avec sa course, comme l’écrit Brasillach et, au moment où la vie s’achève, coincider avec cette image de soi-même, que Dieu a voulu de toute éternité. Devenir soi-même. Etre soi-même. C’est une curieuse convergence de toutes les philosophies que je connaisse. Mais il faut que le Christ vienne sur terre pour que nous puissions être fils de Dieu, pour que nous sachions que nous sommes faits à l’image de Dieu : alors que sans la Révélation, nous sommes prêts à penser que Dieu est fait à notre image.

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Je regarde à nouveau sur ma droite. Je m’imprègne de ces couleurs qui sont couleurs pour mon seul regard. Et je suis seul au milieu de ce carrefour, adossé au poteau blanc, et autour de moi, comme les rayons d’une roue, à partir du moyeu, les chemins s’en vont Dieu sait où, et la roue est infinie qui a sa circonférence à Pierrefonds, Compiègne, Morienval, ou encore bien loin au nord, bien loin au sud, bien loin à l’ouest, bien loin à l’est. Et je suis au centre, car Dieu a voulu que l’image de lui-même soit comme le promeneur attardé au milieu de la Création. Dieu vit que cela était bon. Seigneur, je vois que cela est bon. Seigneur, merci de cette journée, de la nuit qui tombe, lentement, de la fraîcheur, merci de ce jour d’existence.

dialogue sur écrire

mercredi 24 mars 2010

" brève rencontre " - film de David Lean . 1946

nuit du mardi 23 au mercredi 24 mars 2010

france 2


0 heure 40 + Brève rencontre. David LEAN… censure en Irlande, interdit aux Pays-Bas, grand prix du premier festival de Cannes, après la guerre, 1946 … Celia JOHNSON et Trevor HOWARD. Photos de l’arrivée du train (à vapeur), photo. du couple, de son silence, le visage de la femme à la disparition rapide de l’homme, le geste esquissé de celui-ci à l’épaule, à la nuque de la femme ; décor, l’emmerdeuse … Description des sentiments par la mine que l’on vous trouve. Le martyre imposé par le non-sens et la non-sensibilité des autres, méchanceté de la bouche de l’autre, gros trait. Je dois me contrôler. Je veux me rappeler tous les jours de ma vie. Finesse de la situation, le carcan du mariage n’est pas d’amour mais d’abus de droit sur l’autre. Récit muet, inaudible qu’elle se fait devant le mari aux mots croisés… naturel de l’histoire, d’aboird dite par l’amoureuse, puis dialoguée et vêcue quand ils s’adressent vraiment la parole et sont à éjeuner ensemble. Lui le premier à demander si elle est mariée. La journée ensemble, l’aisance, la description du conjoint par chacun. Il ka séui en lui parlant avec enthousiasle de son métier, en termes de vocation. Chacun tait son émotion, pourtant visible. Et elle sent, sur le quai où elle l’avu disparaître qu’elle est en danger car il ne parlera pas à sa femme, d’elle, de leur rencontre, de leur journée. Mais, elle, elle parle à son mari qui s’en f… ce qui la met presque en hystérie, non pour déjà « tromper » mais parce qu’elle réalise qu’elle n’est pas aimée ni même entendue. Et l’accident auquel échappe de justesse son fils, lui paraît punition, heureusement vénielle. Nouveau jeudi, la rencontre erxtrêmement courte se fait en courant, ce devieNt un jeu, ils s’attendaient l’un l’autre. Ils voient le film-titre « Les flammes de la passion ». elle jouit de tout dans la troisème après-midi, du cinéma ils passent à la promebade en barque. Vous savez ce qu’il nous arrive ? Je sais. Et vous … nous devons oublier. Non pas encore. C’est elle qui dit, nous ne sommes pas libres, trop d’obstacles. J’aurais dû être honteuse, j’étais heureuse, c’était vrai. Tout le film repose sur un visage pas vraiment beau mais transparent aux sentiments, transparent pour le confudent qu’est le spectateur, mais les partenaires dans la vie ne voient rien. Elle ment ; puis arrange ses alibis, puis fait le pied de grue devant son hôpital. et se fait piquer par deux copines endant qu’ils déjeunent. C’est épouvantable ! Oubliez cela. Collés l’un à l’autre au bord de l’eau, c’est vrai pour vous ? comme c’est vrai pour moi. Le fond de piano constamment et juste. Le baiser, le tunnel, le train, photogénie de la vapeur, génie de la photo. de mouvement. A soin tour, l’amant est découvert par le collègue, l’écharpe, la course sous la pluie, et elle téléphone pour mentir, avec un alibi à construire. Elle s’assied sur un banc public, fume et se fait apostropher par un policier : je suis une criminelle ! elle veut lui écrire, il la retrouve, elle lui dit de partir et de la quitter … oui, si vous m’aimez. Pourquoi : pas tout de suite ? Soyons très prudents, une rupture trop soudaine… la scène, très contrastée de lumière où il lui apprend qu’il choisit de partir en famille à Johannesbourg. Le piano en commentaire, en soulignement. Bonsoir … rebdez-vous le jeudi suivant. Visage de profil, pathétique de pureté puis de chagrin. Ils marchent comme à un enterrement, visages résolus. Musique symphonique faisant se fermer le linceul. Lez visage sur fond entièrement noir devient magnifique de quasi-irréalité, la douleur ? la pureté de ne pouvoir s’exprimer. Quand tout est su de l’autre. Les yeux fixes soudainement, de la mort. Passage du train sur son visage. Les enfants la retiennent du suicide, ne plus être malheureuse, elle rentre comme une pauvre, les traits devinennent de bois, le relief du visage se perd, visage de la gare et du fauteuil au salon, elle est muette, désormais. Le mari comprend : tu étais partie très loin, merci d’être revenue. – 02 heures 10

Des acteurs excellents ne jouant que leur rôle, présence égale du décor et de la musique, des seconds rôles. Le scenario est rédigé et noué comme une tragédie antique, mieux que du théâtre, c’est le parcours modélisé de la passion à laquelle renoncer par devoir, et qui – suprême douleur – ne tue (même) pas. Regarder la critique de l’époque et la place du film dans l’histoire du cinéma. Supériorité du noir-et-blanc. Joliesse de la mode : très près du corps pour les hommes, tous un peu engoncés et par conséquent plus « athlétiques », l’époque du chapeau pour tous, coupé de la jupe mettant en valeur sans ostentation mais avec tranquillité les jambes de la femme. Talents et façon d’écrire un film, de tenir une caméra à rapprocher d’Amélie Poulain, hier soir.