Vous n’êtes pas – si vous
l’avez jamais été – en situation de décider correctement et encore moins de
nous faire adhérer à ce que vous décidez. Et cela se ressent ? sans qu’il
y ait à faire profession d’expert en communication ou état d’une longue observation
de la geste politique comparée de nos présidents successifs. Encore moins que
votre prédécesseur qui se croyait en communion avec une opinion publique bridée
par les tabous et les habitudes qu’il avait donc pour devoir d’éradiquer, vous
prenez le temps de la pensée et celui de vous poser devant deux
références : l’Histoire immédiate et celle de notre pays, la confiance que
nous vous faisons, notre attente de vous [1].
Nicolas Sarkozy fonctionnait à l’automatisme, il était mû. Vous assurez, au
début de votre discours suivant l’horreur que le pays et surtout les victimes
et leurs proches viennent de vivre, le 13 Novembre 2015, au Bataclan de Paris,
avoir beaucoup réfléchi. En début de votre campagne présidentielle, au temps où
se débat votre investiture par des convaincus et les sympathisants du
socialisme à la française, vous répétez que vous êtes beaucoup préparé. Mais
jamais vous ne faites mentalement – encore moins explicitement – appel à nous.
Vous ne vous appuyez pas sur la confiance que nous vous faisons, que nous vous
faisions, qu’il va vous falloir à nouveau mériter et maintenant en connaissance
de cause, notre connaissance de vous dans l’exercice de votre fonction
présidentielle. Or, cette confiance populaire, cette communion entre les gens –
comme vous l’avez dit au Bourget à l’acmée de votre quête de nos voix – et
vous, le président de notre République, sont la force principale de tout chef,
la source-même de votre liberté intérieure au regard des circonstances et de
tout ce qui vous contraint, nous contraint.
L’analyse, devenue commune [2],
de la procédure référendaire depuis le scrutin négatif du 27 ( ?) Mai 2005
à propos du projet de Constitution pour l’Europe, atrophie l’action politique
chez nous. Jacques Chirac a multiplié les abandons et les rejets des
jurisprudences que nous avait léguées le général de Gaulle. La plus décisive de
celles-ci avait été son départ à compter du 28 Avril 1969 à midi. S’engageant à
fond, dans toute consultation nationale, l’homme du 18-Juin ne nous a jamais
conduits selon une légitimité acquise. Constamment, il voulait vérifier combien
il répondait ou pas à notre attente. Son acte fondateur et de notre résistance
au désastre de l’été de 1940 et de sa propre emprise sur nos esprits et nos
comportements de combattants et de citoyens, ne le dispensait pas de nous
consulter. Pas pour parfaire politiquement et légalement une décision, mais
pour que nous la partagions avec lui, la fassions nôtre, l’intégrions dans le
patrimoine de nos victoires sur nous-mêmes (l’indépendance d’une Algérie qui
nous fut et qui devrait nous redevenir si intime) ou de nos réorganisations les
plus structurantes (la Constitution de 1958 et ses ajustements de 1962 et de
1969). De surcroît, en refusant tous la procédure référendaire au motif que le
résultat ne serait pas acquis d’avance, serait systématiquement hasardeux
puisque nous ne voterions pas sur le sujet mis aux voix, mais sur celui ou
celle qui nous le propose. Aveu en fait que vous tous – nos personnels
politiques, gestionnaires et candidats – vous avez conscience d’avoir failli,
de faillir et par conséquent de n’avoir pas notre confiance. Vous admettez avec
une humilité et une sincérité que vous gagneriez à publier, que vous ne méritez
pas notre confiance, ne travaillez pas assez à la mériter. Se mettre « en
marche » pour nous connaître et apprendre ce que nous pensons et jugeons,
aller sur « le terrain », c’est-à-dire arpenter des lieux publics,
quelques jours de congés et de marchés, entourés de photographes et de perches
avec micro à leur haut, n’est pas du tout une communion. Vos harangues, et
celles de vos prédécesseurs ne sont presque jamais en plein air, et nos villes
sont en état de siège pour que soit sauvegardée la sécurité de l’orateur, même
à huis clos, quand il est le président de la République. Vous, Nicolas Sarkozy,
Jacques Chirac… en plein air, même quand vous n’êtes pas au centre de la scène
et que le scenario n’a rien d’une communication publique, qu’il s’agit des jeux
de notre époque, le ballon rond, le stade de France, vous êtes hués.
[1] - textes donnant la
conception qu’avait le général de Gaulle de sa responsabilité, de son devoir
[2] -
citations des livres de campagne pour 2007 de Nicolas Sarkozy et de François
Fillon – votre propre conception telle qu’exprimée salle Wagram le 5 Septembre
2016, au colloque sur la démocratie face au terrorisme
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