lundi 26 septembre 2016

vous serez réélu - suite 15




Dans ce désert, mental et physique, deux événements déclenchent en moi, soudainement, un mouvement qui n’a pas de précédent dans mon existence, jusques-là.

Un de mes élèves, fonctionnaire du commandement territorial qui appartient désormais à la jeune République, m’invite à passer vingt-quatre dans le campement émiral de sa tribu. Un des professeurs au lycée français, qui vient de quitter la Compagnie de Jésus, et publiera ensuite sur le pays d’une façon que j’ai jugé à première lecture tendancieuse, vient avec nous puisqu’il est seul à posséder une voiture : la 2 CV de l’époque. Ensablements divers mais arrivée quand même. Les tentes, les conversations interprétées par mon homme, qui a déjà dépassé la cinquantaine et que l’exercice scolaire doit, non seulement améliorer en présentation écrite de l’exercice de ses responsabilités, mais surtout rétribuer davantage s’il réussit au concours de sortie. Me séduire dans cette perspective fait également partie de l’équipée. Un des moments qui me convertit parce qu’il m’introduit à ce pays, pour ce qu’il est à lui-même et aux siens, se passe et dure à regarder la vie du puits, desservant le campement. Un âne, unique, une corde et un seau de cuir, peut-être cinquante mètres de corde, remonter ainsi l’eau en stimulant l’âne qui n’est pas rebelle. Une musique continue, étrange, s’entend : la corde sur un madrier posé à l’ouverture du puits, pas de poulie, le frottement d’un archet donc que manie l’âne en allant et revenant, le seau tendant la corde qui creuse le bois. Le bois est poli, dur de texture, doux au toucher, usé humainement, animalement. Anier et quelques femmes sont autour du puits, l’auge où le seau est déversé est à la disposition des animaux. Je suis là, étranger, à regarder. Et j’aime regarder, et j’aime cette vie que – très probablement – je ne pratiquerai jamais, mais je l’admire. Je ne sais évidemment pas le statut servile de cette main d’œuvre sinon qu’elle n’est pas salariée. Je suppose qu’aucune monnaie ne circule dans les tentes et entre elles. Je n’interroge pas, Ahmed Ould Eli El Kori, de statut guerrier, m’expose sommairement l’organisation sociale. Le fils de l’émir, pas dix ans, est là, nous parlons. Il y aura la prière, il y aura l’aube et encore la prière. J’apprends le zrig et des repas uniquement à la viande de méchoui, le beure liquide baraté dans des outres, écoeurant mais auquel m’habituer, tout sent le cuir, tout a le toucher du sable. Il n’y a pas de vent pendant cette initiation. Je rentre conquis sans me l’expliciter, mais enfin arrivé, débarrassé de la nostalgie d’où je viens, de la France, des miens, d’une « grande école » où je vais passer, de concours en concours, les prochaines années dema vie, où se clora mon adolescence sans forcément avoir mûri. Mûrit-on jamais chez nous, en France ? surtout si la hiérarchie administrative au plus ou moins bon et prestigieux endroit de laquelle nous serons affectés, criblera difficultés professionnelles et personnelles. Les corps à corps avec la vie seront surtout nos déceptions et nos ambitions de carrière, bien peu l’exercice de nos fonctions. Ce qu’il vient de se passer en quelques heures est brutal : j’aime ce pays, j’admire une beauté qui n’est pas tactile, pas visuelle, qui ne se raconte ni ne se décrit, qui tient sans doute à ce que la nature, ou presque l’absence de nature si celle-ci se définit par des êtres vivants, animaux, végétaux, humains, ne sont pas luxuriantes mais si simples qu’elles s’imposent. Boire, manger, dormir, sans murs, sans horaires que par nécessité. Faire et non vouloir. Tout est immédiat, et surtout une communion amicale, les deux Européens que nous sommes, Francis de Chassey et moi, cohabitant provisoirement avec deux autres Français, l’un ingénieur du génie rural, l’autre paysagiste et horticulteur. Claude Baerhel sillonne déjà toute la Mauritanie pour y aménager des barrages rudimentaires mais tellement féconds, tels quels, et Jean-Pierre Manya plante et arrose des eucalyptus de part et d’autre de l’avenue de l’Indépendance qui va du Marahaba où nous prenons nos repas jusqu’au recrutement d’Adama (linge et cuisine enfin assumés dans notre petit appartement au sol couvert de linoléum) à la présidence de la République, à peine plus volumineuse qu’un bâtiment fruste pour comité d’entreprise en France, en bordure d’une plage bretonne. Mais la pierre est d’Atar, d’un ocre magnifique, et devant, la drisse battant un mât métallique sans orgueil, flotte ou pend le drapeau vert du Prophète frappé d’un croissant de lune doré, à l’horizontal, et accueillant donc l’étoile qui importe.

Quand la porte m’est ouverte, que la salle sans décor ni aux murs blancs ni au plafond monacale se présente à mes yeux, je n’imagine rien de ce qu’il va se passer et décidera en partie de ma vie. Le président de la République me semble encore plus jeune que l’Etat qu’il est en train d’organiser, mais dont il reconnaît que ce sont bien les Français qui en ont eu le projet et l’ont, de fait, fondé. Il m’admet à son audience, sollicitée par la voie hiérarchique, le directeur – assistant technique français – de ce centre de formation administrative où j’enseigne de jeunes dactylographes ou des fonctionnaires proches de la retraite comme mon hôte de quelques semaines auparavant. Moktar Ould Daddah a le sourire déjà de l’amitié, au moins de la bienveillance dont il me gratifie d’emblée. Je saurai vite que c’est l’aisance d’âme, la confiance d’être compris, dans son dessein, dans ses explications, par un jeune homme diplômé selon les facultés et les maîtres qu’il a lui-même fréquentés, dix-douze ans auparavant. C’est une première conversation : je suis sous son charme. Nous allons désormais nous entretenir de son pays, de son travail de chef d’Etat, depuis cet instant d’Avril 1965 jusqu’en Mai 2003, où nous reverrons avec son épouse – française de naissance – le texte de ses mémoires. La rédaction originale est manuscrite, elle est de son écriture. Avec l’intense émotion que provoque la très belle surprise, je découvrirai à première lecture de la saisie numérique de son texte que ce politique, cet homme de dessein, de conviction, de foi dans la toute-puissance d’une dignité nationale ne concédant jamais en esprit, est un écrivain : son œuvre fondatrice d’une nation, et sans doute de davantage, tant la mise en commun des ressources et des espérances arabo-musulmanes et africaines lui doivent, a été exceptionnelle. Et avoir su, par lui-même, sans « nègre » donc,  en proposer la structure et la mémoire par écrit n’a pas d’équivalent en Afrique. Des dizaines de fois, parfois des jours entiers ou presque, moi prenant des notes assez aisément car mon éminent ami parle avec soin et lentement, ou enregistrant, tandis qu’il proteste de sa joie d’être intimement compris, nous travaillerons ensemble. Je ne distingue plus, ainsi à ses côtés, qui est étranger, qui est national, ce qu’est la France si vieille, si assurée dans son existence et sa légitimité, ou ce qu’est la Mauritanie contestée, convoitée, très ancienne de société, d’habitudes, d’imbrication de la religion et de la politique dite traditionnelle, et très jeune s’il s’agit d’organiser en terles contemporains et internationalement monnayables la mise en valeur économique et financière d’un sous-sol, d’une zone maritime considérables, mais cela sans expérience nationale propre, sans cadres en nombre. Assistance technique, investissements étrangers : aux débuts du pays, à son indépendance, tout le concours extérieur, ossature-même de l’administration sont de chez nous, de l’ancienne métropole, de la France donc. Quelques semaines auparavant, je ne ressentais pas mon pays comme une métropole, avec des avances sur autrui ou des possibilités à offrir ou à retirer. Je n’avais aucune imagination de ce qu’il est nécessaire d’implanter physiquement et mentalement pour que quelque chose se développe qui s’appellera un Etat. En version brute, voici donc le nationalisme, la fierté, la formation de cadres et d’experts, voici aussi la politique à définir et appliquer consensuellement faute qu’existent des alternatives au développement des extractions minières aussi vite que possible, et cela sera, faute aussi que l’indépendance supporte des formes diverses vis-à-vis des voisins, tous prétendent à une partie du territoire mauritanien dans ses frontières coloniales, et vis-à-vis de nous, de mon pays : la France.

Monsieur le Président de la République,

le soir de votre élection, vous vous êtes brièvement adressés à nous avant de partir vers la place de la République, vous parlez au balcon de Tulle. C’est la promesse, c’est l’intuition unanimement partagée d’un changement fondamental dans notre relation nationale avec nos partenaires africains, nos anciennes colonies, avec ces nationalités nouvelles que beaucoup en elles et en nous empêchent de s’équilibrer, de se vouloir et s’épanouir vraiment. Je courielle vos paroles à mes amis mauritaniens, près de cinquante ans – alors – après qu’ils m’aient accueillis [1].


Reniac, à ma table de travail
après-midi du lundi 26 septembre 2016,
16 heures 36 à 17 heures 40


Ce n’est pas leur cause que je me suis appropriée en répondant à leur confiance et en découvrant, aimant ce qu’ils sont, ce qu’ils font, c’est leur pays et sans doute l’essence de ce que peuvent être les nationalismes d’aujourd’hui quand ils ne sont que fierté et offre d’entr’aide en complète conscience de soi. Là-bas, tout autre que chez nous, je comprends en conclusion de mon adolescence et tandis que foire un premier amour, la contagion française. Rien ne se transpose ni ne s’imite, mais un esprit de confiance en soi, en la vie politique, en la vie internationale ne doit rien à la taille, à la masse, aux statistiques, même à l’ancienneté de formes étatiques ou d’indépendance. Il doit tout à des hommes, à des femmes, à leur cohésion, à leur foi et ce ciment-là est de même nature partout et en tous temps, en toute civilisation. Le patriotisme, le sens du bien commun, le partage continu de l’avenir à mesure qu’il se présente et qu’il faut absolument se l’approprier, le faire nôtre a la paix pour synonyme. La paix entre semblables, le dévouement à des intérêts qui ne sont pas de conquêtre mais de constitution. J’ai découvert cela en Mauritanie. Sans doute, est-ce faisable ailleurs et selon d’autres statuts qu’une coopération entre peuples de puissance et de moyens apparents fort différents, incarnée d’abord par de jeunes enseignants. Mais le fait est que cette jeunesse et cette mission sont immédiatement viables et féconds. Que de fois, vous ai-je recommandé l’établissement à nouveau d’un service national, militaire et civique, développé par tous les Européens et déployé principalement chez nos voisins africains : la démocratie, la France, l’Europe par contagion naturelle, sur place, tandis que la formation des cadres et la suite des études, voire les débuts d’expérience en entreprises se feraient par réciprocité chez nous puisque nous serions en nombre chez eux.

J’ai bénéficié d’une explication de texte et de fortes leçons de choses et de psychologie : le président Moktar Ould Daddah m’a fait ressentir que le placage, l’importation, dit-on en Afrique, de nos institutions surtout quand nous-mêmes les pratiquons si loin de leur esprit et de leur jurisprudence fondatrice, n’est pas la démocratie, n’est pas non plus féconde ni même acceptable. Ce que nous avons inventé à partir de 1981, selon des successions de mésestime, voire de haine, et que nous appelons l’alternance au pouvoir ne nous a pas été bénéfique et nous a fait perdre de pensée et d’ambition ce que tentait avec nous de Gaulle du 18 Juin 1940 au 27 Avril 1969 : le consensus national. L’Afrique peut d’autant moins attendre des alternances que les élections sont truquées. Il faut la participation de tous au pouvoir, c’est sans doute l’enjeu majeur de votre conversion et de votre réélection. C’est le développement pratique de ce thème que vous auriez arrêté pour votre campagne, et qui rappellerait celui – si heureux – de « la France unie » selon François Mitterrand : « la France fraternelle ».
Par ses militaires, que mobilisent quelques civils dissimulés et ambitieux, le père fondateur est là-bas renversé. Le président Giscard d’Estaing, loyal et même admiratif de son homologuee mauritanien, n’est pas mécontent que se termine là cette guerre au Sahara occidental : nos compatriotes, quelques-uns, enlevés du site minéralier, la Kedia d’Idjill dont ils encadrent l’exploitation, ont embarrassé la France officielle. Nous reconnaissons les putschistes, nous allons désormais toujours les reconnaître. Au début, en Juillet 1978 et jusqu’en Décembre 1984, les présidents de ces successifs comités règnent dans l’ordre exact où ils avaient été aide-de-camp de Moktar Ould Daddah. Sans doute, Valéry Giscard d’Estaing ne cède-t-il pas à la demande des nouveaux maîtres que leur soit renvoyé celui qu’ils ont évacué vers nous et nos hôpitaux militaires. Davantage, François Mitterrand qui a invité à Latché pour la dernière Saint-Sylvestre de sa vie d’opposant, propose-t-il – d’accord avec Hassan II du Maroc – de rétablir l’état des personnes et des choses tel qu’il était en 1978. Moktar Ould Daddah refuse de rentrer chez lui entre des baïonnettes françaises : c’est dit ainsi en aparte à l’Elysée lors d’un dîner pas vraiment officiel ni non plus seulement africain.

A force de dictature et d’années, les militaires finissent par se renverser autrement que tour à tour. Une « transition démocratique » s’esquisse à partir du 3 Août 2005 quand est déposé le colonel Maaouyia Ould Sid Ahmed Taya, en son absence du pays, comme il l’avait fait de son propre prédécesseur, le colonel Mohamed Khouna Ould Haïdalla, complice aussi du coup du 10 Juillet 1978. L’énoncé est peut-être compliqué, il le paraît encore pour les actualités maintenant de ce pays, mais  vingt ans de règne, souvent sanglant entre la Mauritanie et son voisin du sud, ou entre ethnies, celles originaires de la vallée du Fleuve soupçonnée de préparer des coups de force, s’achèvent à la satisfaction générale, même si Jacques Chirac qui s’est lié avec le dictateur et l’a même soutenu d’une visite officielle à quelques semaines d’une réélection boycottée par les opposants, regimbe. Observée par des centaines de témoins étrangers et un important dispositif procédurier et informatique fourni par l’Union européenne, à notre instigation, une élection présidentielle a lieu : pluralité de candidatures, deux tours de scrutin, un an de préparation technique, de confection des listes électorales et de délivrance des titres pour voter. Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi est élu au lieu d’Ahmed Ould Daddah, demi-frère du président Moktar et vétéran des candidatures contre les militaires, mais en vain puisque les élections de 1992 à 2007 n’en sont pas. Est-ce une première en Afrique ?  je le crois : les militaires ont accepté de passer la main, plus ou moins sincèrement. Des fautes vont être commises, des imprudences aussi, que relève une mission sur place de notre Conseil d’Etat : le chef de la garde prétorienne concentre trop de prérogatives, de fonctions et surtout d’armes. C’est lui qui renverse le président Sidi au motif que ce dernier ne met pas les formes pour le remplacer : le 6 Août 2008.

Il y a eu le discours qu’Henri Guaino a fait lire de confiance par votre prédécesseur à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, il y aura les soupçons de financement occulte par la Libye de la campagne présidentielle gagnante de 2007, mais le Quai d’Orsay, la « cellule diplomatique » de l’Elysée et son équipe spéciale pour l’Afrique au sud du Sahara tiennent à ce que nous refusions ce fait accompli. Les coups militaires sont trop fréquents, notre expertise est mise en cause par nos partenaires européens, la Côte d’Ivoire si longtemps modèle de notre décolonisation, nous coûte cher depuis la disparition de Félix Houphouët-Boigny, député à notre Assemblée nationale depuis 1945 jusqu’à l’établissement de notre Cinquième République. Nicolas Sarzkoy condamne donc le putsch, l’Union européenne suit de confiance, l’Union africaine plus fermement encore quoiqu’allant aux nouvelles sur place. Mais à propos de l’Afrique, et même de la Syrie, en sorte que Bachar El Assad a été invité à notre revue du 14 Juillet 2010 – celle que suivra de peu le discours inaugurant à Grenoble à propos des Roms et d’autres échauffourées, la stigmatisation des populations migrantes puis de tous les allogènes chez nous – votre prédécesseur doit beaucoup à un connaisseur, Robert Bourgi. L’introduction de celui-ci est achetée par les putschistes mauritaniens grâce à Karim Wade, fils du président sénégalais alors régnant. L’achat sera encore plus ciblé puisque Claude Guéant recevra en espèces le prix de la caution [2]qu’accorde dès la fin de Septembre la France au nouveau régime. Or, c’est notre semestre de présidence de l’Union européenne.

La Mauritanie, à mes vingt ans, m’avait appris ce qu’est le projet d’Etat et la ténacité de l’indépendance quand tout débute, et combien notre spiritualité publique peut soutenir des prises de conscience et une geste à qui elle a donné les instruments de son expression. Voici que la Mauritanie, foncièrement la même quoique sa population ait triplé et que les revenus tirés de la mer alimentent davantage le budget que les ventes de minerai de fer, m’introduit à mes soixante-cinq ans dans un débat interne au sommet de notre propre Etat, tel que pratiquant beaucoup de nos responsables politiques, honoraires ou au pouvoir, à commencer par les plus importants ministres de la gauche portée au pouvoir par François Mitterrand, je ne l’avais jamais soupçonné. Sauf en guerre de succession, notamment pendant la dernière du septennat interrompu de Georges Pompidou [3]. Deux cabinets ministériels traitant de l’Afrique et les propres conseillers diplomatiques du Président s’opposent à ce que l’interruption d’une rare tentative démocratique en Afrique au sud du Sahara, soit légitimée par nous. Claude Guéant l’emporte, les putschistes, interdits de visa pour l’Europe, sont reçus par lui, aux environs immédiats de l’Elysée, puis règulièment viennent en France, lever des fonds. Naturellement, ils gagnent l’élection organisées par eux et pour la montre, après que des négociations forcées entre légitimistes et militaires aient disposé du Président régulièrement élu deux ans plus tôt. Nicolas Sarkozy assure même en visite officielle au Niger avoir téléphoné à son homologue gardé à vue, dans les premières jours de sa déconfiture. Au nom de ce dernier, je suis amené à le démentir et fait bénéficier à la Mauritanie d’une rubrique nouvelle instituée à Libération [4]: la vérification des dires publics, ce que Le Monde, très heureusement a fait sien aussi avec ses « décodeurs ». Ma messagerie internet, mon ordinateur, puis celui de ma femme, ayant fait état à l’un de ses amis par téléphone, de ce qu’il m’arrive, sont attaqués, pillés. Aussitôt.

Que la corruption perdure ainsi, de France en Afrique (Balkany dans un avion kazakh se pose en Mauritanie et s’y emploie dès les premières semaines du régime illégal) et d’Afrique en France, n’est pas digne de nous. Sans doute, nos interventions à main armée en Afrique au sud du Sahara pendant votre premier mandat ont-elles eu du fond et de l’effet, mais nous n’avons pas su convaincre nos partenaires européens et notre compréhension de l’Afrique, de la démocratie sincère n’est plus du tout ce que nous pensons encore. J’ai écouté depuis quinze ans ceux qui se sont succédés dans le beau bureau qu’avait Jacques Foccart, au 2 rue de l’Elysée, je n’en ai rien retiré pour que changent nos relations avec les personnes et les intérêts d’Afrique. Au contraire, chaque succession au palais que vous habitez actuellement a renforcé nos tolérances puisque nous n’en contrarions aucune, qu’à dose homéopathique ou selon des nunances en protocole. Le discours prononcé par François Mitterrand à la Baule, parmi ses homologues africains, et qu’avait en grande partie inspiré de ton et de forme l’Abbé Pierre – qui me l’a confié quand je le veillais dans la tourmente l’ « affaire Garaudy » le perdait – est aujourd’hui de mémoire lointaine. Il n’est pas indifférent que l’appel à une insurrection de la générosité dans le terrible hiver de 1953-1954 [5] et l’établissement envisagé d’une proportionnalité entre nos appuis et concours à quelque régime que ce soit et son fonctionnement interne, aient le même inspirateur.

De Saint-Denis ces jours-ci et de Nouakchott depuis plusieurs décennies, je reçois donc, très précis, le reeflet de notre visage quand il suscite l’adoption, l’espérance de populations, d’hommes, de femmes, de jeunes gens, d’anciens qui ne sont pas directement de notre sang mais qui reconnaissent en notre esprit leur propre fonds. Notre nationalité est ainsi contagieuse, nous ne pouvons pas en jouer, la travestir, et rien qu’en prétendant le conserver sans le nourrir en chacune de nos générations, en chacun de nos principaux actes de toutes natures, à chaque endroit de notre sol – comment ne pas penser aux espaces ou bâtiments dits de rétention ou d’internement administratifs ? n’en avoir pas honte ? – nous ridons ce visage et peut-être approcherait-il, selon nos insuffisances, celui de notre mort à chacun.

Ibidem, 18 heures 15 à 19 heures 45


[1] - ----- Original Message -----
Sent: Sunday, May 06, 2012 9:59 PM
Subject: le message de Tulle - pour vous, mes chers amis mauritaniens

François Hollande a donc été élu à près de 52% des suffrages exprimés. C'est net, mais ce n'est pas énorme. Il surprendra et fidèlisera - je le crois - par son indépendance de jugement, sa ténacité, son ancrage à gauche. Il y aura donc bien plus avec lui à mesure de la fidélité et de la bonne marche. L'Europe y sera gagnée, certainement. Déjà ce soir, la réaction de Berlin.
De son premier discours - prononcé sur la place principale de "sa" ville de Tulle, celle de la cathédrale - je retiens pour vous, mes chers amis mauritaniens, pour tous les ex-"françafricains", pour moi donc aussi, ces quelques mots en fin de discours, qui me paraissent très précis, très vécus, très prometteurs.
citation - Nous ne sommes pas n’importe quel pays, nous sommes la France, la paix, la liberté, le respect, la capacité de donner aux peuples de s‘émanciper des dictatures et des règles illégitimes de la corruption. - fin de citation
Merci de tant continuer d'exiger de mon pays, si intime du vôtre, qu'il soit ce qu'il doit être avec vous et vis-à-vis de lui-même.
A bientôt.

----- Original Message -----
Sent: Monday, May 07, 2012 6:31 PM
Subject: Re : le message de Tulle - pour vous, mes chers amis mauritaniens

Cher ami  Bertrand
J'ai passé une très belle soirée car cette victoire de Mr Hollande, je l'ai tellement prétendue et défendue qu'aujourd’hui j'en suis fier. Je pense que son arrivée suscite beaucoup d'espoir pour nous mais pour vous également. C'est surtout la grandeur de la France qui nous manque.
Bonne chance pour tout le monde  

[2] - un million d’euros, dont la moitié se trouve encore au domicile de l’ancien secrétaire général de la présidence de la République, puis ministre de l’Intérieur, quand le juge d’instruction y fait perquisitionner
[3] - le barrage à la candidature de Jacques Chaban-Delmas qu’élèvent Pierre Juillet et Marie-France Garaud

[4] - que nourrit, entre autres, Cédric Mathiot
[5] -  développez circonstances et fait fondateur de cet élan

Aucun commentaire: