Monsieur le Président de la
République
vous serez réélu,
mais par défaut
et sans vous être converti
lettre ouverte à François
Hollande
qui ne nous écoute pas
premier jet
– sans relecture ni notes en bas de page ni
vérifications diverses
Mes chers compatriotes,
souvent relations, amitiés
de rencontre en transports publics, en hasard de rues, en correspondances
internet, en regards échangés, sourires ou soutiens, beauté de nos visages,
quand nous faisons attention les uns aux autres, depuis des décennies…
je suis candidat maintenant à
l’élection présidentielle prochaine.
Question de démocratie,
question de bon sens, question d’honneur national, question d’urgence
européenne, question de vous et de nous.
Non pour être élu mais pour
avoir mandat de vous – en nombre conséquent – au soir du premier tour, afin de
rappeler tout au long du prochain quinquennat ce que nous voulons, ce pour quoi
nous votons depuis des décennies sans que ce soit réalisé. Le rappeler fort de
vos voix. Question de démocratie : elle n’est plus sincèrement pratiquée.
Question de bon sens : la plupart des défis économiques, la braderie de
notre patrimoine industriel et technologique, l’improvisation de soi-disant
réformes sont un défi à chacun de nous car ensemble nous avons des solutions.
Elles sont toutes nationales : la planification qui nous avait si bien
réussi de la Libération à 1997, déjà un gouvernement de gauche pour remplacer
cet outil de concertation entre tous acteurs sociaux, financiers et économiques
par un conseil soi-disant d’analyse économique auprès du Premier ministre. La
nationalisation du crédit, seules les banques d’affaires resteraient en libre
entreprise. Le financement de nos déficits par l’emprunt civique chez nous ou
dans l’ensemble européen, les remboursements s’opérant au choix soit en
numéraire à la valeur faciale, soit en actions des entreprises nationalisées
parce qu’elles étaient défaillantes ou que leurs dirigeants trahissaient
l’intérêt national et européen, et qui redresssées en orientation plus encore
qu’en finance, seraient rendues au marché. Etc… la dynamique de la démocratie,
ce n’est pas seulement le peiuple à la décision, c’est le sens commun du bien
commun. Ces propositions et ces expériences – les vôtres, les miennes – les
porter pendant les cinq ans à venir.
Votre propre expérience, en
recevoir la communication par tous moyens, sans étiquette que votre valeur et
votre expression personnelles. La mienne … celle d’un adolescent en 1958 au
retour de la France dans le grand soleil ré-apporté par le général de Gaulle, …
celle d’un énarque entrant dans l’administration des Finances et du Commerce
extérieur quand l’homme du 18 Juin et de la participation est désavoué par
referendum, et se tient pour obligé de partir – sens de la démocratie qu’aucune
de ses successeurs n’a eu après lui –, … celle d’un observateur critique et
positif de notre actualité nationale et de ses personnages de moins en moins
beaux à partir du referendum de 1972 mettant aux voix d’un autre referendum
l’entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commun (on disait alors ainsi) [1],
… celle d’un diplomate chargé dans nos ambassades d’introduire, financer et
garantir nos entreprises à l’exportation mais prenant en charge sans autre
instruction que de se croire responsable de l’image de notre pays et des
relations nécessaires à nouer ou maintenir sans précaution avec nos partenaires
en toute confiance, en vraie connaissance de leurs causes, … enfin celle d’un
ambassadeur ami et confident en tête-à-tête notamment de François Mitterrand,
Pierre Bérégovoy et Roland Dumas, ouvrant notre représentation en Asie
centrale, commençant aussi les relations entre la plus stratégique des
anciennes Républiques fédérées soviétiques, le Kazakhstan (Baïkonour et la
conquête spatiale russe, Semipalatinsk et les essais nucléaires faisant
l’équilibre de la « guerre froide ») et le Vatican, s’entretenant
alors seul à seul avec Jean Paul II, … celle aussi d’un exclu quoique mon
rappel d’Almaty sans poste ensuite ait été sanctionné par le Conseil d’Etat [2]
se portant défenseur de l’Abbé Pierre lâché par tous dans le
« maelström » de l’affaire Garaudy en 1996, … celle depuis 1969 d’un
chercheur de notre vérité et de notre authenticité nationale, selon de grands
exemples contemporains, les principaux collaborateurs du fondateur de notre
Cinquième République, la constellation de Gaulle dont je suis en train de
mettre au net les entretiens signalant chacune de ses étoiles, et
principalement Maurice Couve de Murville, notre ministre des Affaires
Etrangères pendant dix ans [3],
Jean-Marcel Jeanneney, la grande intelligence du social et de la démocratie
pratique. D’autres, bien sûr, car il y a des époques, où nous sommes très
riches en personnalités et même en saints de la politique.
Il y a urgence à ce que
votre expérience, la mienne aussi parmi celles de tous, irriguent enfin la
réflexion des dirigeants, la législation qui nous encadrent et nous est
opposable, l’entreprise européenne conduite si loin des peuples et des opinions
et des nécessités les plus quotidiennes. Ma candidature est celle d’une voix à
maintenir pendant cinq ans, à multiplier pendant le prochain quinquennat et
dont il nous faudra organiser audience et contagion. Je ne durerai pas, je
serai un outil, seulement, pour les premiers temps, la mise en branle. En
route.
Il y a urgence car
l’alternance au pouvoir n’est pas la démocratie, c’est l’exercice du pouvoir
qui doit l’être et qui ne l’est plus. L’alternance au pouvoir n’est pas même un
changement d’orientation, d’ambiance. Nous le vivons depuis deux décennies au
moins, et pour le pire. Car à force de pédagogie et d’exploitation de notre
individualisme natif, nous avons été engourdis, à commencer par le cœur de
toute action et de toute vie commune : l’espérance.
J’écris parce que je n’ai
aucun autre outil, et j’écris au président de notre République parce que c’est
le destinataire le plus précis et le mieux placé, dans notre vie nationale,
pour « faire quelque chose ». Je lui écris puisqu’il ne me reçois
pas, je suis en demande de vos voix pour être recevable. Je veux dissoudre la
persistance de son silence, envers vous autant qu’envers moi, citoyen parmi
d’auttres, parmi vous. Y parvenir grâce à vos voix, grâce aux cautions et
signatures me permettant de vous solliciter directement, grâce à à cette
éphémère mais décisive possibilité de parler à égalité avec lui pendant les
quelques semaines de la campagne officielle pour le premier tour. Lui poser des
questions, l’engager à sa conversion et recevoir de vous la légitimité de me
répéter, de nous répéter pendant les cinq ans suivant sa réélection. Si
d’aventure, ce n’est pas lui l’élu du second tour, le sujet ne changeant pas –
c’est de notre avenir national, de notre avenir à tous qu’il s’agit – il sera
encore plus aisé d’écrire sur la page blanche, car des autres candidats, nous
ne savons rien, alors que de François Hollande, futur président de la
République pendant les cinq prochaines années, nous savons tout, puisqu’il a
déjà exercé la fonction : la page n’est pas blanche, il faut presque tout
raturer. Mais dans les deux hypothèses, je crois bien que nous voulons écrire
la même chose. Nous n’avons, nous n’aurons – ensemble – pas d’autre but que ce
soit fait enfin. Vingt ans au moins de retard pour la France, pour l’Europe.
Monsieur le Président de la
République,
avec une majorité des
Français, je vous ai choisi en 2012. Vous nous avez déçus, vous n’avez autant
dire rien fait de ce que nous espérions, attendions de vous. Et c’est pourtant
à vous que je m’adresse pour l’avenir, pour l’exercice du prochain mandat
quinquennat. Je m’adresse à vous pour deux raisons. La première : vous
représenter est une question d’honneur. La seule sanction de vos actes, de la
déception que vous nous avez infligée, des erreurs ou des décisions que vous
avez prises ou commises et qui nous sont dommageables, est que vous ne soyez
pas réélu. Cette sanction est la seule à notre disposition. Le Parlement est au
silence pour celle des deux chambres qui peut contrôler votre gouvernement et
par là vous censurer, vous obliger à le changer, à vous changer. Au temps de
votre prédécesseur, la majorité de l’Assemblée nationale élue selon lui
craignait le changement des électeurs mais ne constatait pas le sien, au
contraire : personne ne se sentait trahi. Depuis votre élection et celle
de l’actuelle Assemblée nationale selon vous, la déception des électeurs se
double de la sensation de vos élus, de vos militants, des adhérents de votre
parti de naissance politique, d’être trahis. Et pourtant, pas de révolte, pas de
censure, au plus de la « fronde ». Ce qui est gamin, ne vous a pas
gêné, et encore moins n’a contribué à votre réflexion et à votre conversion.
Beaucoup plus nombreux, les « frondeurs » auraient pu s’imposer à
vous en majorité de rechange, ils n’ont pas été suivis et les candidats dis de
gauche qui s’opposeront à vous ne seront qu’eux-mêmes. Plusieurs ont été de vos
ministres mais aucun n’a manifesté au gouvernement une énergie contagieuse pour
peser sur vos décisions ou en présenter l’alternative. Puisque vous avez
gouverné, à défaut de présider – fonction arbitrale qui, à l’usage de nos
institutions depuis vingt ans, depuis la fin des mandats de François
Mitterrand, nous manque – vous devez répondre de vos actes. Ne pas vous
représenter serait la fuite, serait un parjure [4].
Et je crois bien que vous serez réélu. D’un ami, très haut fonctionnaire avec
qui s’est nouée l’amitié par un combat ensemble contre notre politique
africaine – c’était au temps de votre prédécesseur, mais vous n’avez pas
vraiment changé ni les mœurs de nos compatriotes quand ils démarchent au sud du
Sahara dans nos anciennes possessions, ni la tolérance aux dictatures locales
au motif qu’elles nous aident à garder la main et aussi que certaines achètent
notre caution internationale – de cet ami, j’ai reçu, presqu’aussitôt après
avoir posé la question d’honneur, le compte-rendu lapidaire d’un nouveau souper
de Beaucaire [5] . Il
confirme mon intuition. Les Français, dans une situation incertaine où aucun
politique ni vous-même ne leur donnez de repère, sauf à faire considérer que la
République et la démocratie sont en danger, mais par qui ? ne prendront
pas le risque supplémentaire de placer le Front national au second tour.
D’autant que Marine Le Pen s’avère incapable de se déguiser en véritable
postulante, présentant un véritable programme de gouvernement. N’incarner que
le souhait d’une bascule totale de la scène poltiique, ne suffit pas à répondre
du changement et du retour à nos équilibres mentaux, institutionnels,
politiques et économiques. Alain Juppé est apparemment populaire mais sa
manière quand il était à l’hôtel de Matignon, au début du premier mandat de
Jacques Chirac, a été telle qu’elle a provoqué, en Novembre-Décembre 1995, une
quasi-réplique des événements de Mai 1968, au moins pour l’économie et le
mouvement social, à défaut de la poésie et des barricades d’antan. Vous allez
donc être réélu, même si aucune des conditions que vous avez mises à votre
candidature n’est remplie.
Nous, les Français, après
avoir tout subi de mauvais gouvernements depuis une grande vingtaine d’années,
y compris ceux que vous avez formés depuis 2012, nous allons finalement voter
pour vous en 2017… pas du tout pour que continuent vos mauvaises manières
envers l’Etat, envers notre patrimoine, envers l’entreprise européenne, envers
nous, mais pour que vous conduisiez enfin nos affaires tout autrement et avec
nous, jusque dans le détail. Nous allons voter votre conversion, et nous allons
essayer – nous-même revenus à la tradition nationale de la révolte et de
l’imagination, donc à l’efficacité, à l’inspiration populaires – de vous y
forcer. Les autres, même si l’un ou l’une d’eux gagnaient, sont insaisissables
dans ce qu’ils nous feraient vivre s’ils arrivent à ce que l’on appelle encore
le pouvoir, et que vous, particulièrement, avez tellement démantelé,
amoindri : la prise sur les événements, sur les choses, sur nous pour nous
porter au meilleur de nous-mêmes.
Monsieur le Président de la
République,
c’est donc bien à vous
qu’après m’être présenté à nos compatriotes, je dois maintenant m’adresser.
Vous me connaissez,
peut-être me lisez-vous ? quoiqu’en cinq ans vous ne m’en ayez rien fait
savoir.
Oui, je vous écris, de façon
pressante depuis des années, par la poste ou par courriel aux bons soins de vos
secrétaires généraux successifs [6].
Sans réponse de vous ou donnée en votre nom. Je m’y reprends maintenant.
Permettez-le moi. Si ma proposition d’être un des éléments de votre conversion
– ou de toute autre personne que finalement les Français choisiraient pour vous
succéder, au lieu de vous-même, car aucune dans l’état actuel des candidatures
et des ambitions ne laisse prévoir une présidence telle que la réclament les
circonstances, nos besoins nationaux, la panne européenne et notre honneur, à
chacun – agrée cinq cent des personnalités qualifiées par la Constitution pour
soutenir une candidature à l’Elysée, puis mobilise au premier tour de notre
prochain scrutin assez de nos compatriotes, alors il n’existera pas du tout un
compétiteur de plus ou quelque acteur de la scène politique trop habituelle et
tellement décalée par rapport à notre époque, il existera une sorte de tribun
du peuple pouvant en remontrer à qui de droit. J’en aurai reçu la légitimité,
et dès le sillage perceptible, dès le sillon commencé, je passerai la main à
d’autres. Naguère, il y avait le fou du roi, il y avait surtout – gage à terme
du consensus nationale – la conscience du roi. La sanction de la responsabilité
existait puisqu’en chaque esprit, au royaume millénaire de France, il y avait
cette certitude que le roi ne pourrait mentir et ses peuples et à Dieu. Et cela
quiconque pouvait le rappeler au pouvoir politique d’alors.
J’ambitionne de vous
rappeler au devoir, au possible, au souhaitable. Nous tous, fou du roi. Mais
comment ? en appeler à votre conscience ? au bon sens ? à vos
convictions supposées natives ? Je m’y suis essayé. Vainement. Il faut
donc la force, des voix.
Monsieur le Président de la
République,
je vous avais quelquefois
écrit avant que vous soyez investi par votre parti politique de carrière, le
Parti socialiste. C’était sans enjeu, vous écrire à vous et à d’autres. Je n’ai
pas voté pour vous à la primaire. Au premier tour, Ségolène Royal que j’eusse
aimé notre présidente, en jupe blanche, dès Mai 2007 : elle était au mieux
de ses propositions, vous étiez apparemment son compagnon et certainement le
secrétaire général du parti qui aurait dominé le quinquennat – pardonnez-moi et
surtout que François Mitterrand m’en excuse, car la formule convient :
premier secrétaire. Pendant le vôtre, le premier, celui qui s’achève et nous
donne à vous juger en pratique, elle a décliné. Vous avez eu ce charme étrange
et maléfique de rendre médiocre celles et ceux qui ne l’étaient pas quand ils
exerçaient quelque fonction ne vous devant rien : Michel Sapin, impeccable
successeur rue de Bercy à Pierre Bérégovoy, devenu (si tard, trop tard) Premier
ministre, puis censeur précis et constant des politiques budgétaires depuis
1993 qui avoue à son homologue grec que la France qu’il représente pour
stranguler Athéna et ses épigones, que la France n’est plus ce que le monde
croyait… Ségolène Royal, avec qui je corresponds en 2007, que je regarde et
entends au Zénit de Nantes en
campagne, introduite par Robert Badinter et Jean-Marc Ayrault, si ressemblant
alors à François Miterrand, est devenue au sein de vos gouvernements si
médiocre, calant en réunion avec les
transporteurs routiers, ne sachant décider pour Fessenheim, n’arbitrant pas
pour notre avenir les coopérations aventurées d’Areva et d’E.D.F. avec la
Chine… Jean-Marc Ayrault, si loyal envers vous à l’Hôtel de Matignon même s’il
décevait en procédure parlementaire qu’il eût dû connaître à fond puisqu’il
avait longtemps présidé le groupe parlementaire socialiste, est médiocre au
Quai d’Orsay, sans doute l’avez-vous satisfait à bas prix pour qu’il ne soit
pas la tête et la référence des « frondeurs » ? Au second tour
des primaires socialistes de l’automne de 2011, Martine Aubry, les lois Auroux,
de la présence et de la bonne tenue gouvernementale « sous » Lionel
Jospin. Je n’avais donc pas voté pour vous.
Je ne vous ai aperçu que
trois fois, jusqu’à présent. Devant le siège provisoire du Parti socialiste,
rue de Vaugirard, à l’angle avec la rue de Rennes, tandis que se préparait le
10 de la rue de Solférino, faisant face au 5 où chaque mercredi arrivait de
Gaulle pour occuper sa « traversée du désert ». Vous êtiez entouré de
trois ou quatre personnes que je n’ai pas identifiés, tous et vous avec eux,
habillés de gris et portant des chapeaux assortis. Cela évoquait les années
1950 et plutôt du « politburo » pour pays dits de l’Est. C’était
aussi sans parole. Peut-être était-on en 2000 ? A vérifier. Je ne suis pas
allé vers vous. Je vous ai écrit et couriellé, quelques fois, jusqu’à l’été de
2011, pendant dix ans donc. Quelques réponses, mais pas de rencontre. La voici
quand avec d’autres, dont ses enfants, je participe, dans une des salles de
l’Assemblée nationale (l’immeuble Jacques Chaban-Delmas), à un colloque en
l’honneur de Jean-Marcel Jeanneney, l’un des ministres de la confiance du
général de Gaulle. J’y témoigne d’une relation tête-à-tête du printemps de 1972
à sa mort, l’été de 2010. Presque centenaire, l’économiste, disciple de Charles
Rist et critique de Keynes, analyste des forces et faiblesses de l’économie
française, fondateur de l’Observatoire
français des conjonctures économiques, est autant pour moi, un informateur
qu’un formateur. Pendant près de quarante ans, de mes débuts dans
l’administration à ma jachère et à ma retraite provinciale, nous avons dialogué
le départ du général de Gaulle et les évolutions françaises. Vous voici, invité
à conclure des propos auxquels vous n’avez pas assisté et à marquer de votre
présence pendant quelques minutes le bilan d’une vie longue, studieuse et
engagée. Vous parlez et ne dites rien, l’important est votre présence. Je
parviens, sans présentation ni réelle approche, à vous rappeler ma lettre la
plus récente, tandis que les papiers d’intervenants se ramassent et que
quelques exemplaires d’un recueil des articles de celui que nous honorons sont
distribués. Nous sommes à dix mètres l’un de l’autre, assis, debout, ne prenant
pas garde à ce dialogue tronqué, des participants encore là. Oui, vous me
reconnaissez, me siuez, m’avez lu et vous allez me téléphoner un prochain soir.
Je suis content, nous commençons. Et la troisième fois où je vous vois a lieu à
Ludwigsbourg : le cinquantenaire de l’adresse du général de Gaulle à la
jeunesse allemande. Grande, immense cour, tables pour une fête de la bière,
barrières séparant le public des officialités. De Gaulle, par cœur, en
allemand, sur grand écran, en noir et blanc, réapplaudi cinquante ans après.
Angela Merkel, puis vous. Nous sommes venus en famille, ma femme, notre fille
alors de huit ans, et moi, à l’invitation avec tous ceux qui l’acceptaient, de
la Fondation Charles de Gaulle. Je suis parvenu à faire passer Marguerite de
l’autre côté des barrières. Elle vous approche de très près quand, au coude à
coude avec Angela Merkel, vous prenez congé. Rien d’historique, ni bon enfant
ni foule. De l’arrangé pour consommer des budgets et de la bande d’actualité.
Même formule deux ans avant, David Cameron, son teint rose et sa cravate
bleu-ciel et Nicolas Sarkozy pas plus petit que lui, tous deux indifférents à
nos petites foules, aux anciens combattants, aux décorés et à la chorale
adolescente pour le chant des partisans :
c’était à Chelsea, pour le soixante-dixième anniversaire de l’Appel (du
18-Juin) mais j’y étais seul, aller-retour par l’euro-star, c’est la gare
d’arrivée outre-Manche et les chiens reniflant d’éventuels explosifs qui
m’avaient le plus frappé. L’Anglais avait insisté sur notre fraternité d’armes
en Afghanistan. Votre prédécesseur n’avait fait aucune saillie. Les centenaires
de la Grande Guerre vous ont chargé d’une liturgie répétée, vous n’avez eu
qu’un même texte, peu de gestes, mais je ne vous ai plus vu depuis Novembre
2011 et Septembre 2012 qu’à la télévision.
J’ai pris des notes, le
texte, votre maintien. Même le site de l’Elysée m’a lassé mais je vous suis
assez fidèle en conférences de presse. De lecture, je ne suis pas exhaustif.
Combien de Français le sont ? Ce n’est pas vous rencontrer. Vous ne m’avez
pas rappelé au téléphone. Je vous ai récrit, et dès votre installation au
palais de l’Elysée, j’ai repris mes observations et suggestions par courriel
adressé à votre secrétaire général. De commun entre nous que la France, que ce
qui nous concerne comme pays. Il me semble que, sans trêve, réagissant
davantage selon des sensations, des prolongations de ces bribes qui tiennent
lieu d’informations, de plus en plus polluées par de pesants commentaires
initiatiques, je suis à lire une histoire triste et sans fin. Notre pays glisse
vers une façon de néant, de silence car il n’y a aucune révolte, aucune
analyse, aucune explication. Si je vous imagine, de votre côté, ce qui est
rare, tellement vous me semblez loin des vrais sujets : le pays et notre
mobilisation pour le pays, le partage avec nous de vos réflexions sur notre
actualité et sur l’avenir, je vous crois enfermé par l’agenda. Nous apprenons,
presque en début de votre quinquennat, que vous avez une double vie, menée avec
ridicule, et qui nous vaut un document exceptionnel sur la psychologie d’un
homme de pouvoir [7], et
maintenant que s’achève votre premier mandat, nous avons soudainement le
décompte des heures que vous avez données à des journalistes, pour deux par
deux vous entretenir et vous publier : c’est démesuré. Non seulement, vous
ne considérez pas ceux qui – à l’instar de cette militante vous accueillant sur
place pour célébrer le centenaire de Jean Jaurès – crient ou pensent :
« vous nous avez volé le socialisme ! », mais vous ne faites
donc aucun cas de vos ministres. Certains l’ont publiquement signifié.
Vous avez le don d’enlever
toutes arrêtes aux événements, tout rythme aux éphémérides. Il n’y a pas de
couleurs ni de voix. Tout se répète selon quelques modèles dont, dès votre
première année de mandat, vous nous avez donné la panoplie. C’est apparemment
notre sortie de l’Histoire et votre sortie de la politique. Il ne ressort plus
que des caricatures : les parjures puis les extravagances d’un ministre du
Budget qui vous a donné le change et auquel aujourd’hui vous ne répliquez pas
même [8],
les petits rôles du teneur de votre plume avide du luxe d’avoir ses chaussures
cirées par un domestique [9]
puis de votre coiffeur à temps plein aux extravagants émoluments [10].
Ou bien, copiés-collés, des scenarii à l’identique : annonce inopinée de
fermetures de site, inacceptable la liquidation de Ciroën à Aulnay, en Juillet
2012… inacceptable la fin des activités d’Alstom à Belfort en Septembre 2016…
Et en ce genre, vous empruntez beaucoup à votre prédécesseur : la vaine
convocation du Congrès du Parlement pour que le président de la République,
habilité par la révision constitutionnelle de Juillet 2008, délivre une adresse
historique, le « grand emprunt » selon Nicolas Sarkozy, les mesures
propres à combattre le terrorisme selon vous. Lui avant vous, mais vous sans
doute en plus grand, commencez une dilapidation nouvelle de notre
patrimoine : il ne s’agit plus de l’industriel, de l’intellectuel, de
l’agricole mais du juridique. Des jurisprudences arrêtées, une ossature de plus
en plus affirmée de ce qu’est l’Etat de droit et de ce qui le transgresse ou le
transgresserait, sont regardées comme révocables. Lui et vous, vous n’avez pas
une connaissance personnelle de nos acquis. Nicolas Sarkozy intervenait
publiquement dans des affaires à peine ouvertes, pas commencées d’être
instruites : il improvisait selon ce qu’il croyait l’opinion publique et
son haro. Vous ignorez tout de la déchéance de nationalité, vous croyez
qu’existe en droit positif français la double nationalité et sans vous faire
relire – nous apprendrons que ce ne sera débattu qu’en déjeuner de famille, vos
fils et leur mère qui est aussi une de vos ministres – vous l’administrez aux
parlementaires, aux commentateurs et aux jurisconsultes. C‘est le
désaveu : ni majorité pour voter un tel texte, ni assise juridique pour
cette rédaction. Moins visiblement, votre prédécesseur avait vu rogner une de
ses grandes ambitions dans le domaine judiciaire : la suppression du juge
d’instruction. Vous avez aussi en commun de nous faire abandonner
progressivement, subrepticement, sans jamais donner de quoi mesurer ces
évolutions et les condamner éventuellement ce qui étaient nos grands acquis en
société, en économie, en droit. Pour
Nicolas Sarkozy, les tabous nous étouffaient, par conséquent et en tant que
tels, quels qu’ils soient, étaient à contester, attaquer. L’iconoclaste se
targuait de mettre en œuvre le bon sens le plus partagé. Pour vous, il n’y a
pas d’exposé des motifs, il y a la soudaineté et l’urgence d’avoir à remplacer
ce qui existe et ce qui fonctionne. Votre prédécesseur jouait la bonne foi
désarmante, vous êtes autre, n’exposant qu’une détermination à faire aboutir un
projet dont vous ne dites pas la genèse. Le débat est encore plus fermé que
pendant le quinquennat précédent : les nouvelles régions, l’article 2 de
la loi dite loi travail, sans génitif, sans véritable intitulé sont déclarés
intangibles dès l’instant où ils sont publiés.
Nicolas Sarkozy choquait en
tant que président de la République et a introduit des normes nouvelles dans
les thématiques de notre vie publique, banalisant et accentuant même les
simplismes du Front national sans pourtant réintégrer ni ce parti ni ses
électeurs dans une respectabilité convenue entre les autres familles
politiques. Vous troublez parce que la source de vos inspirations en matières
sociales et économiques nous est inconnue. Vous aviez fait croire, en campagne,
que Keynes et le New Deal étaient vos lectures et votre méditation. Vous
semblez n’avoir aucune référence, et ne donnez pas même une clé de votre
comportement intellectuel. Votre prédécesseur voulait marquer, plus solidement
vous voulez n’être que là où vous êtes parvenu. Avec vous deux, la France –
plutôt les Français perdent conscience de ce qu’ils sont en tant que tels.
C’est d’autant plus émollient, tristement efficace que cette perversion n’est
évidemment pas concertée et que notre assoupissement léthal est veillé par deux
personnalités apparemment différentes l’une de l’autre, et politiquement
opposées.
Votre prédécesseur ne
communiquait pas, mais affichait unilatéralement, seul et même dans des espaces
interdits, des intrasigeances, des logiques, des novations finalement sans
conséquence. Vous-même prédisez, analysez, expliquez non le réel mais le
comportement de partenaires supposés et pas caractérisés : la négociation
sociale, la compétitivité, la démocratie en forme de vœux. Mais ensemble, par
votre succession-même, par une continuité sans faille dans le mépris de nos
habitudes, de nos expériences ataviques, et plus encore dans le déni des
ambitions qui avaient fondé notre reconstruction nationale en 1945 et en 1958,
qui avaient fait entreprendre la construction européenne depuis 1950 et
jusqu’encore en 1992, vous avez cassé tout ressort qui nous soit propre, que
nous ayons à bander selon notre génie.
Nicolas Sarkozy obéissait et
continue d’obéir au commandement intime de revanches à prendre. Vous-même
semblez imposer une ambiance dont vous n’êtes pas l’auteur et que rien ne
faisait attendre selon votre passé d’opposant
et selon votre propre campagne présidentielle. Nous vivons depuis vingt
ans un présent sans perspective, sans avenir. Et la politique s’est adaptée à
cette « fin de l’Histoire », elle n’est plus que rite. Nous ne
comprenons plus le monde, les bonimenteurs chez nous et les dictatures dans le
monde actuel tiennent donc le haut du pavé, par défaut de nous.
Vous avez cependant posé des
actes – précis et datés – des actes personnels et manifesté certaines de nos
lacunes propres, qui nous limitent en un moment où au contraire, il nous
faudrait avoir libre cours et surtout mettre en œuvre nos véritables
forces.
[1] -
c’est à compter de cette tentative de travesti du « gaullisme » que
le Monde puis la Croix m’ouvrent leurs colonnes, souvent plusieurs fois par
semaine et à leur une… pendant dix ans (1982) pour le prestigieux quotidien du
soir, soit jusqu’au départ de Jacques Fauvet, puis jusqu’en 1997 (les JMJ de
Jean Paul II à Paris) pour le quotidien catholique
[2] - ce qui est sans
précédent pour une décision dite « à la discrétion du gouvernement »
selon la jurisprudence de la haute juridiction
[3] - le précédent remonte à
Vergennes, ministre de Louis XVI de l’avènement de ce dernier jusqu’à 1787
[4] -
courriel à l’Elysée, le 7 Septembre 2016 à 14 heures 23 : à la réflexion
: le Président a davantage gouverné que présidé, pas vraiment collégialement et
souvent sans consulter le pays. Il s'est donc conduit seul et en conscience,
mais devant l'Histoire et devant les Français. Il n'est pas possible qu'il ne
se présente pas à la prochaine élection présidentielle. François Hollande doit
encourir la seule sanction de la responsabilité qui existe actuellement pour
l'exercice de sa fonction et du mandat reçu en 2012 : n'être pas réélu. Mais il
est tout à fait possible - et j'ai de plus en plus tendance à le croire - que
le peuple français lui donne quitus, et se confie à lui pour un nouveau mandat
: meilleur, plus délibératif, plus audacieux, plus identifié. Il ne
s'agit en rien du résultat des gestions de ce quinquennat, c'est une question
d'honneur.
[5] - Bonaparte prenant le contrôle de Beaucaire après que
Marseille ait été reprise aux contre-réveolutionnaires et aux Anglais, soupe,
le 28 Juillet 1793 avec deux marchands. Il rend compte des propos tenus et son
texte est le tableau des opinions et perspectives d’alors : on est en
pleine Terreur, c’est la dictature de Maximilien de Robespierre, à qui son
frère fait lire la rédaction d’un très jeune militaire. – Mon ami me
courielle : Cher
Bertrand, Diner avec quelques énarques
parisiens. Pronostics de Lutèce (qui valent ce qu'ils valent J
- victoire de Sarko aux primaires (dont personne pourtant ne veut - ils iront
voter contre lui à la primaire ) - candidature de Bayrou qui réduit de 10% le
score de Sarko au 1er tour et suspens de candidature de Macron -
ralliement de Macron avant le 1er tour à Hollande pour créer une mini-dynamique
- victoire de Hollande dans le trou de souris et nomination de Macron comme PM
. Amitiés
[6] - à
paraître, une compilation en deux volumes des I – adresses à Nicolas Sarkozy
2007-2012, & II – adresses à vous-même depuis 2011 . mes destinataires ont
été successivement Christian Frémont, que je connaissais depuis qu’il
inspectait les stagiaires E.N.A. dans les ambassades auxquelles j’étais
affecté, et qui a dirigé le cabinet de Nicolas Sarkozy, puis, au titre du
mandat présidentiel actuel, Pierre-René Lemas, rencontré à la direction des
Journaux officiels où je documentais des travaux sur nos institutions et sur
Maurice Couve de Murville, et enfin Jean-Pierre Jouyet que j’avais mis au fait
de la dissolution insolite d’une société de gestion animée par ma femme, avant
que lui-même préside l’Autorité des marchés financiers
[7] - le récit talentueux,
pudique et pourtant précis de Valérie Trierweiler – compléter par toutes
références
[8] -
[9] - l’auteur de votre discours au Bourget :
« je n’aime pas l’argent, j’aime les gens », passé depuis au service
d’Arnaud Montebourg
[10] -
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