lundi 12 septembre 2016

re-commencement d'une écriture nécessaire - à suivre











Monsieur le Président de la République

vous serez réélu,

mais par défaut
et sans vous être converti






lettre ouverte à François Hollande
qui ne nous écoute pas





premier jet
– sans relecture ni notes en bas de page ni vérifications diverses










Mes chers compatriotes,

souvent relations, amitiés de rencontre en transports publics, en hasard de rues, en correspondances internet, en regards échangés, sourires ou soutiens, beauté de nos visages, quand nous faisons attention les uns aux autres, depuis des décennies…

je suis candidat maintenant à l’élection présidentielle prochaine.

Question de démocratie, question de bon sens, question d’honneur national, question d’urgence européenne, question de vous et de nous.

Non pour être élu mais pour avoir mandat de vous – en nombre conséquent – au soir du premier tour, afin de rappeler tout au long du prochain quinquennat ce que nous voulons, ce pour quoi nous votons depuis des décennies sans que ce soit réalisé. Le rappeler fort de vos voix. Question de démocratie : elle n’est plus sincèrement pratiquée. Question de bon sens : la plupart des défis économiques, la braderie de notre patrimoine industriel et technologique, l’improvisation de soi-disant réformes sont un défi à chacun de nous car ensemble nous avons des solutions. Elles sont toutes nationales : la planification qui nous avait si bien réussi de la Libération à 1997, déjà un gouvernement de gauche pour remplacer cet outil de concertation entre tous acteurs sociaux, financiers et économiques par un conseil soi-disant d’analyse économique auprès du Premier ministre. La nationalisation du crédit, seules les banques d’affaires resteraient en libre entreprise. Le financement de nos déficits par l’emprunt civique chez nous ou dans l’ensemble européen, les remboursements s’opérant au choix soit en numéraire à la valeur faciale, soit en actions des entreprises nationalisées parce qu’elles étaient défaillantes ou que leurs dirigeants trahissaient l’intérêt national et européen, et qui redresssées en orientation plus encore qu’en finance, seraient rendues au marché. Etc… la dynamique de la démocratie, ce n’est pas seulement le peiuple à la décision, c’est le sens commun du bien commun. Ces propositions et ces expériences – les vôtres, les miennes – les porter pendant les cinq ans à venir.

Votre propre expérience, en recevoir la communication par tous moyens, sans étiquette que votre valeur et votre expression personnelles. La mienne … celle d’un adolescent en 1958 au retour de la France dans le grand soleil ré-apporté par le général de Gaulle, … celle d’un énarque entrant dans l’administration des Finances et du Commerce extérieur quand l’homme du 18 Juin et de la participation est désavoué par referendum, et se tient pour obligé de partir – sens de la démocratie qu’aucune de ses successeurs n’a eu après lui –, … celle d’un observateur critique et positif de notre actualité nationale et de ses personnages de moins en moins beaux à partir du referendum de 1972 mettant aux voix d’un autre referendum l’entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commun (on disait alors ainsi) [1], … celle d’un diplomate chargé dans nos ambassades d’introduire, financer et garantir nos entreprises à l’exportation mais prenant en charge sans autre instruction que de se croire responsable de l’image de notre pays et des relations nécessaires à nouer ou maintenir sans précaution avec nos partenaires en toute confiance, en vraie connaissance de leurs causes, … enfin celle d’un ambassadeur ami et confident en tête-à-tête notamment de François Mitterrand, Pierre Bérégovoy et Roland Dumas, ouvrant notre représentation en Asie centrale, commençant aussi les relations entre la plus stratégique des anciennes Républiques fédérées soviétiques, le Kazakhstan (Baïkonour et la conquête spatiale russe, Semipalatinsk et les essais nucléaires faisant l’équilibre de la « guerre froide ») et le Vatican, s’entretenant alors seul à seul avec Jean Paul II, … celle aussi d’un exclu quoique mon rappel d’Almaty sans poste ensuite ait été sanctionné par le Conseil d’Etat [2] se portant défenseur de l’Abbé Pierre lâché par tous dans le « maelström » de l’affaire Garaudy en 1996, … celle depuis 1969 d’un chercheur de notre vérité et de notre authenticité nationale, selon de grands exemples contemporains, les principaux collaborateurs du fondateur de notre Cinquième République, la constellation de Gaulle dont je suis en train de mettre au net les entretiens signalant chacune de ses étoiles, et principalement Maurice Couve de Murville, notre ministre des Affaires Etrangères pendant dix ans [3], Jean-Marcel Jeanneney, la grande intelligence du social et de la démocratie pratique. D’autres, bien sûr, car il y a des époques, où nous sommes très riches en personnalités et même en saints de la politique.

Il y a urgence à ce que votre expérience, la mienne aussi parmi celles de tous, irriguent enfin la réflexion des dirigeants, la législation qui nous encadrent et nous est opposable, l’entreprise européenne conduite si loin des peuples et des opinions et des nécessités les plus quotidiennes. Ma candidature est celle d’une voix à maintenir pendant cinq ans, à multiplier pendant le prochain quinquennat et dont il nous faudra organiser audience et contagion. Je ne durerai pas, je serai un outil, seulement, pour les premiers temps, la mise en branle. En route.

Il y a urgence car l’alternance au pouvoir n’est pas la démocratie, c’est l’exercice du pouvoir qui doit l’être et qui ne l’est plus. L’alternance au pouvoir n’est pas même un changement d’orientation, d’ambiance. Nous le vivons depuis deux décennies au moins, et pour le pire. Car à force de pédagogie et d’exploitation de notre individualisme natif, nous avons été engourdis, à commencer par le cœur de toute action et de toute vie commune : l’espérance.

J’écris parce que je n’ai aucun autre outil, et j’écris au président de notre République parce que c’est le destinataire le plus précis et le mieux placé, dans notre vie nationale, pour « faire quelque chose ». Je lui écris puisqu’il ne me reçois pas, je suis en demande de vos voix pour être recevable. Je veux dissoudre la persistance de son silence, envers vous autant qu’envers moi, citoyen parmi d’auttres, parmi vous. Y parvenir grâce à vos voix, grâce aux cautions et signatures me permettant de vous solliciter directement, grâce à à cette éphémère mais décisive possibilité de parler à égalité avec lui pendant les quelques semaines de la campagne officielle pour le premier tour. Lui poser des questions, l’engager à sa conversion et recevoir de vous la légitimité de me répéter, de nous répéter pendant les cinq ans suivant sa réélection. Si d’aventure, ce n’est pas lui l’élu du second tour, le sujet ne changeant pas – c’est de notre avenir national, de notre avenir à tous qu’il s’agit – il sera encore plus aisé d’écrire sur la page blanche, car des autres candidats, nous ne savons rien, alors que de François Hollande, futur président de la République pendant les cinq prochaines années, nous savons tout, puisqu’il a déjà exercé la fonction : la page n’est pas blanche, il faut presque tout raturer. Mais dans les deux hypothèses, je crois bien que nous voulons écrire la même chose. Nous n’avons, nous n’aurons – ensemble – pas d’autre but que ce soit fait enfin. Vingt ans au moins de retard pour la France, pour l’Europe.



Monsieur le Président de la République,

avec une majorité des Français, je vous ai choisi en 2012. Vous nous avez déçus, vous n’avez autant dire rien fait de ce que nous espérions, attendions de vous. Et c’est pourtant à vous que je m’adresse pour l’avenir, pour l’exercice du prochain mandat quinquennat. Je m’adresse à vous pour deux raisons. La première : vous représenter est une question d’honneur. La seule sanction de vos actes, de la déception que vous nous avez infligée, des erreurs ou des décisions que vous avez prises ou commises et qui nous sont dommageables, est que vous ne soyez pas réélu. Cette sanction est la seule à notre disposition. Le Parlement est au silence pour celle des deux chambres qui peut contrôler votre gouvernement et par là vous censurer, vous obliger à le changer, à vous changer. Au temps de votre prédécesseur, la majorité de l’Assemblée nationale élue selon lui craignait le changement des électeurs mais ne constatait pas le sien, au contraire : personne ne se sentait trahi. Depuis votre élection et celle de l’actuelle Assemblée nationale selon vous, la déception des électeurs se double de la sensation de vos élus, de vos militants, des adhérents de votre parti de naissance politique, d’être trahis. Et pourtant, pas de révolte, pas de censure, au plus de la « fronde ». Ce qui est gamin, ne vous a pas gêné, et encore moins n’a contribué à votre réflexion et à votre conversion. Beaucoup plus nombreux, les « frondeurs » auraient pu s’imposer à vous en majorité de rechange, ils n’ont pas été suivis et les candidats dis de gauche qui s’opposeront à vous ne seront qu’eux-mêmes. Plusieurs ont été de vos ministres mais aucun n’a manifesté au gouvernement une énergie contagieuse pour peser sur vos décisions ou en présenter l’alternative. Puisque vous avez gouverné, à défaut de présider – fonction arbitrale qui, à l’usage de nos institutions depuis vingt ans, depuis la fin des mandats de François Mitterrand, nous manque – vous devez répondre de vos actes. Ne pas vous représenter serait la fuite, serait un parjure [4]. Et je crois bien que vous serez réélu. D’un ami, très haut fonctionnaire avec qui s’est nouée l’amitié par un combat ensemble contre notre politique africaine – c’était au temps de votre prédécesseur, mais vous n’avez pas vraiment changé ni les mœurs de nos compatriotes quand ils démarchent au sud du Sahara dans nos anciennes possessions, ni la tolérance aux dictatures locales au motif qu’elles nous aident à garder la main et aussi que certaines achètent notre caution internationale – de cet ami, j’ai reçu, presqu’aussitôt après avoir posé la question d’honneur, le compte-rendu lapidaire d’un nouveau souper de Beaucaire [5] . Il confirme mon intuition. Les Français, dans une situation incertaine où aucun politique ni vous-même ne leur donnez de repère, sauf à faire considérer que la République et la démocratie sont en danger, mais par qui ? ne prendront pas le risque supplémentaire de placer le Front national au second tour. D’autant que Marine Le Pen s’avère incapable de se déguiser en véritable postulante, présentant un véritable programme de gouvernement. N’incarner que le souhait d’une bascule totale de la scène poltiique, ne suffit pas à répondre du changement et du retour à nos équilibres mentaux, institutionnels, politiques et économiques. Alain Juppé est apparemment populaire mais sa manière quand il était à l’hôtel de Matignon, au début du premier mandat de Jacques Chirac, a été telle qu’elle a provoqué, en Novembre-Décembre 1995, une quasi-réplique des événements de Mai 1968, au moins pour l’économie et le mouvement social, à défaut de la poésie et des barricades d’antan. Vous allez donc être réélu, même si aucune des conditions que vous avez mises à votre candidature n’est remplie.

Nous, les Français, après avoir tout subi de mauvais gouvernements depuis une grande vingtaine d’années, y compris ceux que vous avez formés depuis 2012, nous allons finalement voter pour vous en 2017… pas du tout pour que continuent vos mauvaises manières envers l’Etat, envers notre patrimoine, envers l’entreprise européenne, envers nous, mais pour que vous conduisiez enfin nos affaires tout autrement et avec nous, jusque dans le détail. Nous allons voter votre conversion, et nous allons essayer – nous-même revenus à la tradition nationale de la révolte et de l’imagination, donc à l’efficacité, à l’inspiration populaires – de vous y forcer. Les autres, même si l’un ou l’une d’eux gagnaient, sont insaisissables dans ce qu’ils nous feraient vivre s’ils arrivent à ce que l’on appelle encore le pouvoir, et que vous, particulièrement, avez tellement démantelé, amoindri : la prise sur les événements, sur les choses, sur nous pour nous porter au meilleur de nous-mêmes.



Monsieur le Président de la République,

c’est donc bien à vous qu’après m’être présenté à nos compatriotes, je dois maintenant m’adresser.

Vous me connaissez, peut-être me lisez-vous ? quoiqu’en cinq ans vous ne m’en ayez rien fait savoir.

Oui, je vous écris, de façon pressante depuis des années, par la poste ou par courriel aux bons soins de vos secrétaires généraux successifs [6]. Sans réponse de vous ou donnée en votre nom. Je m’y reprends maintenant. Permettez-le moi. Si ma proposition d’être un des éléments de votre conversion – ou de toute autre personne que finalement les Français choisiraient pour vous succéder, au lieu de vous-même, car aucune dans l’état actuel des candidatures et des ambitions ne laisse prévoir une présidence telle que la réclament les circonstances, nos besoins nationaux, la panne européenne et notre honneur, à chacun – agrée cinq cent des personnalités qualifiées par la Constitution pour soutenir une candidature à l’Elysée, puis mobilise au premier tour de notre prochain scrutin assez de nos compatriotes, alors il n’existera pas du tout un compétiteur de plus ou quelque acteur de la scène politique trop habituelle et tellement décalée par rapport à notre époque, il existera une sorte de tribun du peuple pouvant en remontrer à qui de droit. J’en aurai reçu la légitimité, et dès le sillage perceptible, dès le sillon commencé, je passerai la main à d’autres. Naguère, il y avait le fou du roi, il y avait surtout – gage à terme du consensus nationale – la conscience du roi. La sanction de la responsabilité existait puisqu’en chaque esprit, au royaume millénaire de France, il y avait cette certitude que le roi ne pourrait mentir et ses peuples et à Dieu. Et cela quiconque pouvait le rappeler au pouvoir politique d’alors.

J’ambitionne de vous rappeler au devoir, au possible, au souhaitable. Nous tous, fou du roi. Mais comment ? en appeler à votre conscience ? au bon sens ? à vos convictions supposées natives ? Je m’y suis essayé. Vainement. Il faut donc la force, des voix.



Monsieur le Président de la République,

je vous avais quelquefois écrit avant que vous soyez investi par votre parti politique de carrière, le Parti socialiste. C’était sans enjeu, vous écrire à vous et à d’autres. Je n’ai pas voté pour vous à la primaire. Au premier tour, Ségolène Royal que j’eusse aimé notre présidente, en jupe blanche, dès Mai 2007 : elle était au mieux de ses propositions, vous étiez apparemment son compagnon et certainement le secrétaire général du parti qui aurait dominé le quinquennat – pardonnez-moi et surtout que François Mitterrand m’en excuse, car la formule convient : premier secrétaire. Pendant le vôtre, le premier, celui qui s’achève et nous donne à vous juger en pratique, elle a décliné. Vous avez eu ce charme étrange et maléfique de rendre médiocre celles et ceux qui ne l’étaient pas quand ils exerçaient quelque fonction ne vous devant rien : Michel Sapin, impeccable successeur rue de Bercy à Pierre Bérégovoy, devenu (si tard, trop tard) Premier ministre, puis censeur précis et constant des politiques budgétaires depuis 1993 qui avoue à son homologue grec que la France qu’il représente pour stranguler Athéna et ses épigones, que la France n’est plus ce que le monde croyait… Ségolène Royal, avec qui je corresponds en 2007, que je regarde et entends au Zénit de Nantes en campagne, introduite par Robert Badinter et Jean-Marc Ayrault, si ressemblant alors à François Miterrand, est devenue au sein de vos gouvernements si médiocre,  calant en réunion avec les transporteurs routiers, ne sachant décider pour Fessenheim, n’arbitrant pas pour notre avenir les coopérations aventurées d’Areva et d’E.D.F. avec la Chine… Jean-Marc Ayrault, si loyal envers vous à l’Hôtel de Matignon même s’il décevait en procédure parlementaire qu’il eût dû connaître à fond puisqu’il avait longtemps présidé le groupe parlementaire socialiste, est médiocre au Quai d’Orsay, sans doute l’avez-vous satisfait à bas prix pour qu’il ne soit pas la tête et la référence des « frondeurs » ? Au second tour des primaires socialistes de l’automne de 2011, Martine Aubry, les lois Auroux, de la présence et de la bonne tenue gouvernementale « sous » Lionel Jospin. Je n’avais donc pas voté pour vous.

Je ne vous ai aperçu que trois fois, jusqu’à présent. Devant le siège provisoire du Parti socialiste, rue de Vaugirard, à l’angle avec la rue de Rennes, tandis que se préparait le 10 de la rue de Solférino, faisant face au 5 où chaque mercredi arrivait de Gaulle pour occuper sa « traversée du désert ». Vous êtiez entouré de trois ou quatre personnes que je n’ai pas identifiés, tous et vous avec eux, habillés de gris et portant des chapeaux assortis. Cela évoquait les années 1950 et plutôt du « politburo » pour pays dits de l’Est. C’était aussi sans parole. Peut-être était-on en 2000 ? A vérifier. Je ne suis pas allé vers vous. Je vous ai écrit et couriellé, quelques fois, jusqu’à l’été de 2011, pendant dix ans donc. Quelques réponses, mais pas de rencontre. La voici quand avec d’autres, dont ses enfants, je participe, dans une des salles de l’Assemblée nationale (l’immeuble Jacques Chaban-Delmas), à un colloque en l’honneur de Jean-Marcel Jeanneney, l’un des ministres de la confiance du général de Gaulle. J’y témoigne d’une relation tête-à-tête du printemps de 1972 à sa mort, l’été de 2010. Presque centenaire, l’économiste, disciple de Charles Rist et critique de Keynes, analyste des forces et faiblesses de l’économie française, fondateur de l’Observatoire français des conjonctures économiques, est autant pour moi, un informateur qu’un formateur. Pendant près de quarante ans, de mes débuts dans l’administration à ma jachère et à ma retraite provinciale, nous avons dialogué le départ du général de Gaulle et les évolutions françaises. Vous voici, invité à conclure des propos auxquels vous n’avez pas assisté et à marquer de votre présence pendant quelques minutes le bilan d’une vie longue, studieuse et engagée. Vous parlez et ne dites rien, l’important est votre présence. Je parviens, sans présentation ni réelle approche, à vous rappeler ma lettre la plus récente, tandis que les papiers d’intervenants se ramassent et que quelques exemplaires d’un recueil des articles de celui que nous honorons sont distribués. Nous sommes à dix mètres l’un de l’autre, assis, debout, ne prenant pas garde à ce dialogue tronqué, des participants encore là. Oui, vous me reconnaissez, me siuez, m’avez lu et vous allez me téléphoner un prochain soir. Je suis content, nous commençons. Et la troisième fois où je vous vois a lieu à Ludwigsbourg : le cinquantenaire de l’adresse du général de Gaulle à la jeunesse allemande. Grande, immense cour, tables pour une fête de la bière, barrières séparant le public des officialités. De Gaulle, par cœur, en allemand, sur grand écran, en noir et blanc, réapplaudi cinquante ans après. Angela Merkel, puis vous. Nous sommes venus en famille, ma femme, notre fille alors de huit ans, et moi, à l’invitation avec tous ceux qui l’acceptaient, de la Fondation Charles de Gaulle. Je suis parvenu à faire passer Marguerite de l’autre côté des barrières. Elle vous approche de très près quand, au coude à coude avec Angela Merkel, vous prenez congé. Rien d’historique, ni bon enfant ni foule. De l’arrangé pour consommer des budgets et de la bande d’actualité. Même formule deux ans avant, David Cameron, son teint rose et sa cravate bleu-ciel et Nicolas Sarkozy pas plus petit que lui, tous deux indifférents à nos petites foules, aux anciens combattants, aux décorés et à la chorale adolescente pour le chant des partisans : c’était à Chelsea, pour le soixante-dixième anniversaire de l’Appel (du 18-Juin) mais j’y étais seul, aller-retour par l’euro-star, c’est la gare d’arrivée outre-Manche et les chiens reniflant d’éventuels explosifs qui m’avaient le plus frappé. L’Anglais avait insisté sur notre fraternité d’armes en Afghanistan. Votre prédécesseur n’avait fait aucune saillie. Les centenaires de la Grande Guerre vous ont chargé d’une liturgie répétée, vous n’avez eu qu’un même texte, peu de gestes, mais je ne vous ai plus vu depuis Novembre 2011 et Septembre 2012 qu’à la télévision.

J’ai pris des notes, le texte, votre maintien. Même le site de l’Elysée m’a lassé mais je vous suis assez fidèle en conférences de presse. De lecture, je ne suis pas exhaustif. Combien de Français le sont ? Ce n’est pas vous rencontrer. Vous ne m’avez pas rappelé au téléphone. Je vous ai récrit, et dès votre installation au palais de l’Elysée, j’ai repris mes observations et suggestions par courriel adressé à votre secrétaire général. De commun entre nous que la France, que ce qui nous concerne comme pays. Il me semble que, sans trêve, réagissant davantage selon des sensations, des prolongations de ces bribes qui tiennent lieu d’informations, de plus en plus polluées par de pesants commentaires initiatiques, je suis à lire une histoire triste et sans fin. Notre pays glisse vers une façon de néant, de silence car il n’y a aucune révolte, aucune analyse, aucune explication. Si je vous imagine, de votre côté, ce qui est rare, tellement vous me semblez loin des vrais sujets : le pays et notre mobilisation pour le pays, le partage avec nous de vos réflexions sur notre actualité et sur l’avenir, je vous crois enfermé par l’agenda. Nous apprenons, presque en début de votre quinquennat, que vous avez une double vie, menée avec ridicule, et qui nous vaut un document exceptionnel sur la psychologie d’un homme de pouvoir [7], et maintenant que s’achève votre premier mandat, nous avons soudainement le décompte des heures que vous avez données à des journalistes, pour deux par deux vous entretenir et vous publier : c’est démesuré. Non seulement, vous ne considérez pas ceux qui – à l’instar de cette militante vous accueillant sur place pour célébrer le centenaire de Jean Jaurès – crient ou pensent : « vous nous avez volé le socialisme ! », mais vous ne faites donc aucun cas de vos ministres. Certains l’ont publiquement signifié.

Vous avez le don d’enlever toutes arrêtes aux événements, tout rythme aux éphémérides. Il n’y a pas de couleurs ni de voix. Tout se répète selon quelques modèles dont, dès votre première année de mandat, vous nous avez donné la panoplie. C’est apparemment notre sortie de l’Histoire et votre sortie de la politique. Il ne ressort plus que des caricatures : les parjures puis les extravagances d’un ministre du Budget qui vous a donné le change et auquel aujourd’hui vous ne répliquez pas même [8], les petits rôles du teneur de votre plume avide du luxe d’avoir ses chaussures cirées par un domestique [9] puis de votre coiffeur à temps plein aux extravagants émoluments [10]. Ou bien, copiés-collés, des scenarii à l’identique : annonce inopinée de fermetures de site, inacceptable la liquidation de Ciroën à Aulnay, en Juillet 2012… inacceptable la fin des activités d’Alstom à Belfort en Septembre 2016… Et en ce genre, vous empruntez beaucoup à votre prédécesseur : la vaine convocation du Congrès du Parlement pour que le président de la République, habilité par la révision constitutionnelle de Juillet 2008, délivre une adresse historique, le « grand emprunt » selon Nicolas Sarkozy, les mesures propres à combattre le terrorisme selon vous. Lui avant vous, mais vous sans doute en plus grand, commencez une dilapidation nouvelle de notre patrimoine : il ne s’agit plus de l’industriel, de l’intellectuel, de l’agricole mais du juridique. Des jurisprudences arrêtées, une ossature de plus en plus affirmée de ce qu’est l’Etat de droit et de ce qui le transgresse ou le transgresserait, sont regardées comme révocables. Lui et vous, vous n’avez pas une connaissance personnelle de nos acquis. Nicolas Sarkozy intervenait publiquement dans des affaires à peine ouvertes, pas commencées d’être instruites : il improvisait selon ce qu’il croyait l’opinion publique et son haro. Vous ignorez tout de la déchéance de nationalité, vous croyez qu’existe en droit positif français la double nationalité et sans vous faire relire – nous apprendrons que ce ne sera débattu qu’en déjeuner de famille, vos fils et leur mère qui est aussi une de vos ministres – vous l’administrez aux parlementaires, aux commentateurs et aux jurisconsultes. C‘est le désaveu : ni majorité pour voter un tel texte, ni assise juridique pour cette rédaction. Moins visiblement, votre prédécesseur avait vu rogner une de ses grandes ambitions dans le domaine judiciaire : la suppression du juge d’instruction. Vous avez aussi en commun de nous faire abandonner progressivement, subrepticement, sans jamais donner de quoi mesurer ces évolutions et les condamner éventuellement ce qui étaient nos grands acquis en société, en économie, en droit.  Pour Nicolas Sarkozy, les tabous nous étouffaient, par conséquent et en tant que tels, quels qu’ils soient, étaient à contester, attaquer. L’iconoclaste se targuait de mettre en œuvre le bon sens le plus partagé. Pour vous, il n’y a pas d’exposé des motifs, il y a la soudaineté et l’urgence d’avoir à remplacer ce qui existe et ce qui fonctionne. Votre prédécesseur jouait la bonne foi désarmante, vous êtes autre, n’exposant qu’une détermination à faire aboutir un projet dont vous ne dites pas la genèse. Le débat est encore plus fermé que pendant le quinquennat précédent : les nouvelles régions, l’article 2 de la loi dite loi travail, sans génitif, sans véritable intitulé sont déclarés intangibles dès l’instant où ils sont publiés.

Nicolas Sarkozy choquait en tant que président de la République et a introduit des normes nouvelles dans les thématiques de notre vie publique, banalisant et accentuant même les simplismes du Front national sans pourtant réintégrer ni ce parti ni ses électeurs dans une respectabilité convenue entre les autres familles politiques. Vous troublez parce que la source de vos inspirations en matières sociales et économiques nous est inconnue. Vous aviez fait croire, en campagne, que Keynes et le New Deal étaient vos lectures et votre méditation. Vous semblez n’avoir aucune référence, et ne donnez pas même une clé de votre comportement intellectuel. Votre prédécesseur voulait marquer, plus solidement vous voulez n’être que là où vous êtes parvenu. Avec vous deux, la France – plutôt les Français perdent conscience de ce qu’ils sont en tant que tels. C’est d’autant plus émollient, tristement efficace que cette perversion n’est évidemment pas concertée et que notre assoupissement léthal est veillé par deux personnalités apparemment différentes l’une de l’autre, et politiquement opposées.

Votre prédécesseur ne communiquait pas, mais affichait unilatéralement, seul et même dans des espaces interdits, des intrasigeances, des logiques, des novations finalement sans conséquence. Vous-même prédisez, analysez, expliquez non le réel mais le comportement de partenaires supposés et pas caractérisés : la négociation sociale, la compétitivité, la démocratie en forme de vœux. Mais ensemble, par votre succession-même, par une continuité sans faille dans le mépris de nos habitudes, de nos expériences ataviques, et plus encore dans le déni des ambitions qui avaient fondé notre reconstruction nationale en 1945 et en 1958, qui avaient fait entreprendre la construction européenne depuis 1950 et jusqu’encore en 1992, vous avez cassé tout ressort qui nous soit propre, que nous ayons à bander selon notre génie.

Nicolas Sarkozy obéissait et continue d’obéir au commandement intime de revanches à prendre. Vous-même semblez imposer une ambiance dont vous n’êtes pas l’auteur et que rien ne faisait attendre selon votre passé d’opposant  et selon votre propre campagne présidentielle. Nous vivons depuis vingt ans un présent sans perspective, sans avenir. Et la politique s’est adaptée à cette « fin de l’Histoire », elle n’est plus que rite. Nous ne comprenons plus le monde, les bonimenteurs chez nous et les dictatures dans le monde actuel tiennent donc le haut du pavé, par défaut de nous.

Vous avez cependant posé des actes – précis et datés – des actes personnels et manifesté certaines de nos lacunes propres, qui nous limitent en un moment où au contraire, il nous faudrait avoir libre cours et surtout mettre en œuvre nos véritables forces. 





[1] - c’est à compter de cette tentative de travesti du « gaullisme » que le Monde puis la Croix m’ouvrent leurs colonnes, souvent plusieurs fois par semaine et à leur une… pendant dix ans (1982) pour le prestigieux quotidien du soir, soit jusqu’au départ de Jacques Fauvet, puis jusqu’en 1997 (les JMJ de Jean Paul II à Paris) pour le quotidien catholique

[2] - ce qui est sans précédent pour une décision dite « à la discrétion du gouvernement » selon la jurisprudence de la haute juridiction
[3] - le précédent remonte à Vergennes, ministre de Louis XVI de l’avènement de ce dernier jusqu’à 1787

[4] - courriel à l’Elysée, le 7 Septembre 2016 à 14 heures 23 : à la réflexion : le Président a davantage gouverné que présidé, pas vraiment collégialement et souvent sans consulter le pays. Il s'est donc conduit seul et en conscience, mais devant l'Histoire et devant les Français. Il n'est pas possible qu'il ne se présente pas à la prochaine élection présidentielle. François Hollande doit encourir la seule sanction de la responsabilité qui existe actuellement pour l'exercice de sa fonction et du mandat reçu en 2012 : n'être pas réélu. Mais il est tout à fait possible - et j'ai de plus en plus tendance à le croire - que le peuple français lui donne quitus, et se confie à lui pour un nouveau mandat : meilleur, plus délibératif, plus audacieux, plus identifié. Il  ne s'agit en rien du résultat des gestions de ce quinquennat, c'est une question d'honneur.

[5] - Bonaparte prenant le contrôle de Beaucaire après que Marseille ait été reprise aux contre-réveolutionnaires et aux Anglais, soupe, le 28 Juillet 1793 avec deux marchands. Il rend compte des propos tenus et son texte est le tableau des opinions et perspectives d’alors : on est en pleine Terreur, c’est la dictature de Maximilien de Robespierre, à qui son frère fait lire la rédaction d’un très jeune militaire. – Mon ami me courielle : Cher Bertrand,  Diner avec quelques énarques parisiens. Pronostics de Lutèce (qui valent ce qu'ils valent J  - victoire de Sarko aux primaires (dont personne pourtant ne veut - ils iront voter contre lui à la primaire ) - candidature de Bayrou qui réduit de 10% le score de Sarko au 1er tour et suspens de candidature de Macron - ralliement de Macron avant le  1er  tour à Hollande pour créer une mini-dynamique - victoire de Hollande dans le trou de souris et nomination de Macron comme PM . Amitiés
 
[6] - à paraître, une compilation en deux volumes des I – adresses à Nicolas Sarkozy 2007-2012, & II – adresses à vous-même depuis 2011 . mes destinataires ont été successivement Christian Frémont, que je connaissais depuis qu’il inspectait les stagiaires E.N.A. dans les ambassades auxquelles j’étais affecté, et qui a dirigé le cabinet de Nicolas Sarkozy, puis, au titre du mandat présidentiel actuel, Pierre-René Lemas, rencontré à la direction des Journaux officiels où je documentais des travaux sur nos institutions et sur Maurice Couve de Murville, et enfin Jean-Pierre Jouyet que j’avais mis au fait de la dissolution insolite d’une société de gestion animée par ma femme, avant que lui-même préside l’Autorité des marchés financiers
[7] - le récit talentueux, pudique et pourtant précis de Valérie Trierweiler – compléter par toutes références

[8] -

[9] -  l’auteur de votre discours au Bourget : «  je n’aime pas l’argent, j’aime les gens », passé depuis au service d’Arnaud Montebourg

[10] -

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