Monsieur le Président de la
République,
C’est de nous qu’il faut
tirer parti pour le présent et pour toutes suites. Et la confiance rétablie,
retrouvée, réinventée car elle devra forcément, elle sera forcément tout autre
que celle, somme toute banale, qui existe le soir d’un scrutin victorieux entre
l’élu et la nation. L’Histoire manquée de vos cinq ans, l’expérience intense de
vos insuffisances et de vos lacunes par mauvais emploi et de vous-même, et de
votre fonction, et de vos prérogatives (qui ne sont pas celles d’un gouvernant
et assez peu celles d’un « décideur ») formeront une confiance
inédite, dynamique, par notre résolution commune : trouver notre chance et
notre retour à nos pleines capacités en vous reprenant à notre tête, mais cette
fois avec la bride courte et en restant sur le siège du cocher.
Florange est exemplaire par
ce qui a été manqué, incompris, pas exploré à ce moment-là. Premièrement, ce
cas n’était pas nouveau. Celui d’Alstom ne l’est pas non plus. En ce sens que
l’un et l’autre se laissaient prévoir, que des essais divers avaient été
administrés mais sans opérer. Deuxièmement, il ne s’agissait pas du tout de
volontarisme gouvernemental (ou présidentiel) ni d’imposer quoi que ce soit. Il
fallait changer la donne pour mieux exploiter l’existant et d’abord les deux
ressources décisives – véritables questions de cours en gestion et en
mercatique – la main d’œuvre très qualifiée et des marchés tout à fait
identifiés, disponibles selon des prospections plus avisées. La nationalisation
d’un outil industriel et du capital qui l’a créé n’est ni une panacée ni en soi
un objectif de puissance étatique, gouvernementale. C’est une manière de faire,
de rendre à la pleine santé un acquis français pour le rendre ensuite au
marché, soit selon les bourses de valeur, soit – plus positivement, plus
civiquement et nationalement – à des actionnaires nouveaux ou anciens mais d’un
esprit différent de celui qui avait coupé la respiration de l’entreprise, quand
elle se trouva en difficultés et que les pouvoirs publics furent appelés – le
plus souvent très tard – à la rescousse. C’est tout une chaîne, une séquence,
ce sont des étapes à organisern et qui, d’ailleurs, pourraient faire l’objet
d’une loi-cadre. Le processus serait connu et ferait autant dissuasion qu’assurance
pour les moments où de grands groupes industriels et financiers ont à se
déterminer, à trahir leur passé et leur salariat ou à désespérer. La tierce
voie existe. Ce fut, en toutes matières : sociales, économiques,
diplomatiques, l’intense crédibilité du général de Gaulle, fondant à nouveau
chez nous la République. Nationaliser. L’indemnisation est financée par
emprunt. L’emprunt est directement dirigé par l’Etat, par votre gouvernement vers
nous, vers le peuple – ce qui suppose, précisément, que lui et vous ayez la
confiance du public, des personnes physiques, de la nation encore plus que des
investisseurs institutionnels (les zinzin dans le jargon et les abréviations de
la rue de Rivoli, délocalisée rue de Bercy par Pierre Bérégovoy – que j’ai connu,
aimé et qui m’a estimé, je vous en écris plus loin. C’est un emprunt de
confiance nationale. La France s’est financée dans l’entre-deux-guerres ainsi.
Il y avait pour la trésorerie les avances de la Banque de France, moyennant
contrôle parlementaire à la suite d’un débat et d’un vote qui développait
publiquement la politique financière du pays et imposait le diagnostic sur sa
santé et sur sa capacité d’endettement. P&riode qui succédait celle
d’avant-guerre (la Grande Guerre) où notre épargne nationale avait payé la
dette d’une guerre perdue, puis avait rayonné la France dans beaucoup de pays,
dont même l’Allemagne, censément notre ennemi. L’emprunt entre nous, c’est ce
que fait le Japon, le ratio de sa dettepublique est l’un des plus élevés du
monde, mais le pays reste indépendant car les titres d’emprunt sont entre ses
ressortissants, et l’Histoire a montré leur civisme. La nationalisation ne met
pas à la tête de l’entreprise des hauts fonctionnaires, missionnés ou se
préparant une gratifante présidence quand le retour au marché sera possible,
donc, elle faut monter aux commandes des cadres de cette entreprise, attachés à
vie à son succès, à son histoire. Ils connaissent à fond ses possibilités et
ses faiblesses, ses marchés, ses approvsionnements, ses nécessités en brevets
et en ressources humaines. Les comités d’entreprise devraient déjà être bien
davantage pris en considération. Leur objet n’est pas d’entériner les mauvaises
nouvelles et les plans sociaux, mais bien de conseiller une direction au jour
le jour et plus encore, avec l’autorité de l’expérience la plus concrète,
pratique, de prendre le relais, celui de l’imagination, quand les vents sont
contraires. L’affaire Lip est exemplaire d’une tentative mais aussi des façons
dont un gouvernement peut l’encourager ou l’étouffer. Une forme de l’économie
peut se trouver. Les gestions, les mentalités ayant changé par ce temps de
nationalisation, l’entreprise serait remise dans le grand bain, sans les outils
ou perfusions des médications et des réapprentissages qu’avait nécessité sa
quasi-faillitej au jugement de ses dirigeants précédents. L’emprunt serait
remboursé en numéraire, l’Etat en faisant l’avance à l’entreprise, mais plus
logiquement il serait remboursé aux porteurs par des actions de l’entreprise
restaurée et revenue à la vie, au profit, aux équilibres et à l’investissement
auto-financé… ce circuit suppose la confiance des investisseurs, pas tant dans
l’entreprise que dans l’Etat qui va, quelque temps, en répondre. Il a un effet
considérable. L’économie, dans sa part productive, reste capitaliste mais le
capital a changé de nature, il est national, personnel. Il retrouve ses
origines familiales, ses affectations concrètes. Il est de nouveau identifié.
L’entreprise et le pays entier y retrouvent leur indépendance. Le gouvernement
est serviteur et instrument de l’économie nationale, il remplit une fonction
qu’ont abandonnée les banques, il pourvoit au financement de l’entreprise à
rénover en lui faisant rencontrer de nouveaux investisseurs valant plus par
leur nombre, et bientôt leur attachement, que par leur taille.
Florange était le test d’une
nouvelle économie. Et, dès l’entrée dans votre bureau, du difficile partenaire
qu’est M. Mittal, vous disposiez d’un atout-maître : l’alternative totale
aux propositions et aux projets du grand patron, si vous ne vous entendiez pas
pour la pérennité et du site et de la sidérurgie française. M. Mittal sait les
rapports de force, vous auriez gagné. Mais vous n’avez pas établi, d’entrée, ce
rapport de forces. Alors même que vous aviez la confiance du pays, mieux :
vous bénéficiiez de son attente, qui était évidente et que savait votre
interlocuteur. Que vous ne vous en serviez pas a dû l’ébahir et le convaincre
que les cartes, c’est lui qui les avait. Toutes.
Reniac, sur notre lit
tandis que ma chère femme enseigne par skype
un jeune Medhi : management et mercatique mecredi 14 septembre 2016, 09
heures 37 à 10 heures 12
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