mercredi 7 septembre 2011

toi : la mer, et moi - plage de Bétahon

Devant la mer,
dans l’existence,
leurs bruits, pas une rumeur,
mais une continuité de sons,
chacun évoquant des masses et des renversements,
des lignes et des heurts.
La répétition fait cette immobilité
qui est sans arrêt.

Si je lève les yeux, c’est-à-dire : tête et visage,
et que je m’offre au ciel,
le vent change de caresse,
le bruit devient ambiance,
l’image dissipe la distinction que
je faisais des sons.

Ici à contre-jour,
à contre-soleil, à contre-mer,
à contre-reflet, à contre cette absence
de couleur qu’est le gris et sa luisance,
ses moires, ses lignes, ses ondulations,
ses déplacements,
tout est silhouette.
Des cris d’enfants, des mots en fragments,
des pleurs ou des ordres
ne dessinent aucun texte, n’élèvent aucun décor.
La mer ne dépose ni écran ni écume,
elle se retire et avance de très peu,
elle n’est que présence et mouvement.

Devant elle, corps semi-plié en position assise,
je suis plus matérielle, minéral, lourd
que les eaux de toujours,
bien plus disjoint, bien moins cohérent
que cette masse de mer, d’océan
qui n’ont ni frontière ni limite,
qui occupent tout ce qui est à leur niveau.

Mer d’ici, mer de là-bas,
mer d’hier et de maintenant,
tu as presque l’éternité devant toi
et derrière toi.
Les dimensions n’existent pas,
tu enveloppes planète et vie,
toi et ton frère le vent,
seuls à bruisser en permanence.
Je suis lourd, compact.
Je meurs si l’on me fend ou l’on me perce.
A toi, c’est indifférent,
mon visage et mon corps s’affaissent,
les couleurs de mon enveloppe de peau
changent peu,
les tiennes sont multiples, tu es chacune,
tu te ressembles, mais ce que tu répètes,
murmures, à ton rythme si léché,
est l’écho d’un moment,
à l’arrête de la laisse de mer
ton insistance à produire, reproduire,
continuer, revenir.

Je ne cesse, tu cesses,
cela se voit de moi,
cela se sait de toi,
dans ce moment de notre face à face
Je jouis de toi
que tu m’occupes si totalement
à te regarder.

Serais-tu suprême, ô mer d’ici,
de là-bas, d’autrefois, de demain
sans doute,
refuge depuis le rivage,
je t’ai peu pratiquée.

Je ne sais pas ce qui envoûte,
ce que je comprends, entends, lis
mais qui se dit de moins en moins.
Les défis ont remplacé les marins,
le plaisir et les guerres ont remplacé
avec du métal ce qui t’était confié
en bois,
les bateaux de mon enfance
sur papier à petits carreaux,
ne sont jamais devenus mon métier.

Je ne te connais pas : mer,
je ne te connais qu’en tableau
tabdis qu’un goëland longe ton épousaille du sable,
il glise mieux en l’air ou sur terre,
il te suit en largeur,
l’horizon est la longueur,
est-il toujours à la même distance
ou, dans tes versions de mer autrefois
qui pour toi ne change rien,
était-il – l’horizon – aussi proche
devinant ce qu’après, au-delà,
on verrait du vide
de quoi ?

Quel versant me révèles-tu ?

Le soleil reste d’argent
flamboyant avec un centre d’acier
et du poudroiement raide de sa couronne.
Tu en prends le reflet,
tu l’apprivoises, tu le roules à ma portée,
tu l’étales sur tout,
il devient avec toi un chemin du sable
à un cap.
Tu as su laisser une marque,
ajouter une traverse d’ombre mate.


Il me semble que la frontière proposée par toi
et le camailleu de sons,
tu t’y répands avec plus de variances,
tu es déserte mais tu parles,
sans doute avec une grande lenteur
pour qu’aucun mot ni verbe
qu’une phrase immense éperdue
dont je ne devine pas le commencement
ni le final,
ne me heurte.

Tu ne t’adresses à moi ni à personne,
tu n’enveloppes même pas,
tu n’es que présence.

plage de Bétahon, fin de l’après-midi du mercredi 7 septembre 2011

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