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les tics et ls tocs des écrivains - L'Express
Dossier www.lexpress.fr
Les tics et les tocs des écrivains
Par Marie
Gobin (Lire) (Lire), publié le 01/02/2004
L'un n'écrit qu'à l'encre bleue, l'autre enfile de grosses chaussettes, un troisième récite son chapelet, un autre s'entoure de grigris... on ne se lance pas sans appréhension dans l'écriture. C'est pourquoi les auteurs mettent en place toutes sortes de rituels et de manies censés favoriser l'inspiration et la chance.
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Tics et manies,
obsessions et phobies, rituels et pensées magiques... L'écrivain est un homme
comme les autres. A ceci près: il écrit. Sur papier ou sur ordinateur. Dans un
lieu précis ou n'importe où. Le jour ou la nuit. Dans un
capharnaüm sans nom ou dans un ordonnancement monacal. Rarement les deux
ensemble, mon capitaine.
Comment démarrer? A
chacun sa béquille psychique. Pour lutter contre l'angoisse de la page blanche,
Colette n'écrivait que sur du papier bleu. La romancière Camille
Laurens, elle, se jette à l'eau en écrivant toujours les deux
dernières pages du livre. Mais comment continuer? Avec la mise en oeuvre d'un
dispositif le plus souvent immuable bordant le temps de l'écriture. Et cela
vaut s'il n'a pas l'apparence d'un rituel: l'absence de dispositif est le
dispositif lui-même.
Parmi ceux - une minorité
au sein des écrivains interrogés - qui réfutent cette idée de rituel: Régis
Jauffret. L'auteur d'Univers, univers (Verticales) n'avoue aucune
superstition - "ce dieu minable qui n'a jamais aidé personne" selon
ses termes - et ne cède à aucun diktat: "Je n'ai besoin de rien par nécessité.
Et le rituel suppose une vie bien réglée." Il poursuit de sa voix grave et
mesurée: "C'est une vision romantique qui laisse penser que l'écriture est
une activité ésotérique et non une activité humaine." Marie Darrieussecq
est de cet avis. Si l'auteur de Truismes (P.O.L) a eu tôt dans sa vie
d'écrivain quelques manies - écrire avec le même stylo, le matin et dans le
silence - être passée sur le divan les a évacuées. "Mon analyse m'a permis
de faire de l'écriture un métier. Non plus une conduite névrotique",
dit-elle. Grâce à ce travail libérateur, elle peut envisager aujourd'hui, sans
trouble, de prendre sa retraite d'écrivain, de cesser d'écrire: "Comme
Faulkner le fit à cinquante-trois ans, toutes proportions gardées,
naturellement."
Hormis ces deux rétifs au
rituel, la plupart des romanciers interrogés confie avoir besoin d'un
dispositif spécifique. Ainsi, Thierry Hesse, auteur du Cimetière américain (Champ
Vallon), magnifique premier roman: "Si on veut écrire, il faut, dans la
vie ordinaire, instaurer un temps qui n'est plus tout à fait celui de la vie
ordinaire", explique celui qui, avant de commencer son travail à quatre
heures du matin, se met en
voix en lisant un quart d'heure durant des "pages énergétiques"
(Faulkner, Homère ou encore Shakespeare). Pour trouver la voie, se mettre en voix.
Ou en chaussettes de
laine, trop petites et toujours du même modèle pour Edmonde Charles-Roux qui
confie tenir cette extravagance de Salvador Dalí.
Dominique Fabre, auteur
de Pour une femme de son âge (Fayard), confie ne pouvoir écrire chez
lui. Sa famille n'y est pour rien mais il lui faut un lieu anonyme, "un
atelier, une chambre de bonne, la maison d'une collègue partie en
vacances". Tout sauf son domicile. Lydie Salvayre pousse plus loin le bouchon
du nomadisme: "J'écris n'importe où. Plus c'est n'importe où, mieux
c'est", explique l'auteur de Passage à l'ennemie (Seuil), qui
peut coucher quelques lignes dans la salle d'attente d'un dentiste. Son seul
bagage est sa mémoire: "J'ai tout mon livre en tête. C'est un texte
portatif", continue-t-elle. Unique exigence de cette itinérante: "Je
dois avoir le sentiment de solitude."
Pour certains de ses
frères en littérature, écrire à découvert est inimaginable. Philippe Besson est
de ceux-là. Il interdit à quiconque de pénétrer dans sa tanière sans son
autorisation. Délivrée exceptionnellement et réservée à quelques rares proches
privilégiés, dont la femme de ménage, cette autorisation est rigoureusement
assujettie à la présence de l'auteur d'Un garçon d'Italie (Julliard)
dans les lieux: "J'accompagne le visiteur, je le suis et le
surveille" confie-t-il, dans un sourire qui trahit à peine l'angoisse de
l'effraction du huis clos. Interdiction d'entrer et de regarder ses papiers. Un
coup d'oeil - fût-il furtif ou bien intentionné - attire les foudres de son
propriétaire. Le pétillant romancier ne supporte pas l'idée que l'on puisse
avoir accès à ses corrections, ses ratures, ses repentirs. Les généticiens
littéraires n'auront rien à se mettre sous la dent: Philippe Besson jette
brouillons et essais infructueux de peur que l'on puisse lire ce qu'il n'a pas
voulu garder. Pas une coquetterie d'auteur mais l'indice d'un désir de
contrôler, qu'il ne peut exercer ailleurs, dans sa vie hors du temps de
l'écriture: "Je perds toujours tout." De la même manière, il ne dit
rien du livre en cours. Par superstition et crainte de la fausse couche:
"C'est comme une grossesse. Tant que le livre n'est pas fini, je refuse
d'en parler."
Si Nathalie Rheims est
aussi terrifiée que l'on lise son grand cahier - à carreaux, perforé - c'est
par crainte que l'on y découvre... ses fautes d'orthographe. Réminiscence
cuisante de sa vie de petite fille à la scolarité lamentable, la peur que l'on
lise ses mots réduits à leur plus simple appareil - "Honnêtement, j'ai un
niveau d'élève de cinquième", évalue-t-elle - la conduit à dicter chaque
samedi ses pages à son éditeur, Léo
Scheer. Et c'est une manie familiale: pour les mêmes raisons, son père,
Maurice Rheims, académicien de son état, confiait lui aussi sa prose à son
dictaphone qui chaque matin était recueillie par les mains expertes de la secrétaire. Mais
les Rheims ne sont pas une tribu à part. Dans Vivre pour la raconter
(Grasset), le Prix Nobel Gabriel García Márquez confie combien il était humilié
de devoir rendre un manuscrit truffé de fautes. Et à part cette manie? La
romancière ne voit pas, consciente toutefois de son image de Mylène Farmer de
la littérature: "On pense que je dors dans un cercueil",
s'amuse-t-elle. Certes, ses livres - Lumière invisible à mes yeux (Léo
Scheer), Les fleurs du silence ou encore Lettre d'une amoureuse
morte (Flammarion) ont tous à voir avec la disparition mais elle n'en est
pas morbide pour autant. Ainsi, à partir de la Toussaint, chaque matin, le jour
à peine naissant, le réveil la surprend dans son désir d'écrire et sa chemise
de nuit de grand-père. Et rituellement, jusqu'en avril: "J'achève mon
livre avec l'arrivée du printemps."
Claire Castillon a aussi
son horloge interne. Depuis Le grenier (Anne Carrière), son premier
roman, chaque 20 décembre sonne l'heure de la remise de manuscrit. Au départ,
symbolique - l'envoi par la
Poste du Grenier coïncida avec le départ en vacances
d'un amoureux - l'attachement à ce jour est aujourd'hui prosaïque: "C'est
devenu mon échéance. Cela veut dire qu'écrire, c'est un travail, et donc, que
je ne dois pas plaisanter avec ça", explique-t-elle, charmante.
La remise de copie est
souvent un moment difficile pour l'écrivain. A la différence d'un Roger
Caratini ou d'un Jean-Pierre
Angremy, alias Pierre-Jean Rémy, qui engendrent plusieurs livres par an (et
pas des pamphlets ni des libelles, des pavés) et pour qui cet exercice, s'il
est toujours délicat, est sans doute rarement périlleux, Sébastien Japrisot ne
pouvait s'y résoudre. L'auteur d'Un long dimanche de fiançailles
(Gallimard) ne savait poser de point final. Du moins, le mot "fin"
attendait des années. A étape difficile, ses stratagèmes psychiques.
Météorologiques chez Serge Joncour, auteur de Vu et de UV
(Dilettante) qui suit de près les évolutions du temps avant de se rendre chez
son éditeur: "Un régime anticylonique est favorable à la livraison de mon
manuscrit. Un temps pourri la retarde", précise-t-il. L'équation est
simple: le beau temps rend les gens heureux. Et indulgents. Marotte d'auteur?
Plutôt l'indice d'un tempérament anxieux et d'un "manque de confiance dans
le manuscrit lui-même". Même incertitude chez Philippe Besson qui exige de
son éditeur qu'il lui livre son verdict sous vingt-quatre heures: "Passé
ce délai, je m'effondre." Fragilisé par le doute, Philippe Besson pourrait
aller jusqu'à ne pas supporter qu'un tiers lui lise son horoscope, si celui-ci
était un peu tendancieux. A la différence d'un Dominique Fabre qui, lui, lit
tous ceux qui lui tombent sous la
main. Sans que leur lecture prenne une importance démesurée
mais toutefois demeure l'épine dans le pied. Après tout, on ne sait jamais...
Auteur de Paysage et portrait en pied-de-poule (Fayard), Thierry
Beinstingel avoue "se confier à l'irrationnel". Chaque séance de
travail sur ordinateur se termine par une partie de cartes, un solitaire (toujours
sur son écran). Cherchant dans les combinaisons aléatoires des réponses à ses
questions: "Ce livre va-t-il plaire à mon éditeur? Au lecteur?" Très
superstitieux, l'auteur, qui décrivit au plus près dans Composants
(Fayard) la mécanique déshumanisante de l'usine, croise les doigts quand il va
chez son éditeur - selon un itinéraire précis (au passage piétons près). Et
croit très fort en sa capacité à reconnaître les individus nuisibles, ceux qui
portent la poisse.
Peu invalidants, ces
derniers rituels procèdent le plus souvent de la pensée magique, "mode de
pensée existant notamment chez l'obsessionnel et caractérisé par le mécanisme
suivant: "Si je pense, fais ou dis cela, il va arriver ceci"",
selon la définition du docteur Franck
Lamagnère, dans Manies, peurs et idées fixes (Retz). Une croyance
psychique associée le plus souvent à des troubles obsessifs compulsifs (les
TOC). Ces derniers peuvent être les symptômes d'une affection neurologique,
comme le syndrome de Gilles de la Tourette. Selon l'Association française du
syndrome de Gilles de la Tourette, André Malraux - dont le visage semblait
mangé de soubresauts - souffrait probablement de cette affection. Quelle que
soit leur origine, les idées compulsives peuvent investir un champ tout à fait
inattendu. La compulsion mathématique d'Emile Zola le poussait à compter sans
cesse dans la rue les becs de gaz et à additionner les numéros de portes et de
fiacres. "Longtemps, les multiples de trois lui parurent favorables. Puis
ce furent les sept" peut-on lire dans Le livre des bizarres de
Guy Bechtel et Jean-Claude Carrière (Bouquins Laffont). Tout aussi irrationnel,
le comportement de Francis Bacon qui s'évanouissait à chaque éclipse de lune.
La fièvre d'Erasme à la vue de n'importe quel poisson, la frayeur mêlée de
dégoût d'Alfred de Musset devant une anguille. Ou encore, cette
curieuse habitude de Pierre Corneille qui s'enroulait dans des couvertures de
bure et se roulait sur le sol dans une pièce chauffée afin de suer et
seulement, ainsi délivré de ses humeurs, pouvait-il se mettre à écrire.
Mais il arrive que
certains écrivains, sans doute rongés par l'anxiété, soient en proie à des
obsessions plus handicapantes. Comme Mario Vargas Llosa dont les Cahiers de
L'Herne révèlent qu'il souffrait d'une peur panique de l'avion qu'il a
toutefois pu guérir en lisant en vol des chefs-d'oeuvre de la littérature. Comme Serge
Joncour dont le premier roman, Vu, s'ouvrait sur un accident aérien et
qui ne peut pas prendre l'avion, atteint d'une phobie qui le mena, malgré les
sauf-conduits usuels (décontractants et alcool), à rester par trois fois dans
la salle d'embarquement. Son aversion est pour partie liée au fait de devoir
demeurer assis. Cette contrainte lui est tout aussi insupportable chez un
dentiste ou même chez un coiffeur. Se définissant comme parfaitement
inconséquent, l'écriture lui "permet de ne pas être dans la dilution
permanente". C'est pour cette raison qu'il suppose que l'agoraphobie dont
il souffre de manière fluctuante et qui se manifeste par la peur de la foule et
du voyage en métro est un mécanisme autocréé: "C'est un mal pour un bien. Cela
m'oblige à rester chez moi et à écrire", confesse celui qui, en période
d'écriture, arrête de manger de la viande crue par crainte d'être trop excité.
Pierre Mérot, auteur de Mammifères (Flammarion), couronné du prix de
Flore, est, lui aussi, agoraphobe. Avec attaques de panique. Sans doute est-ce
pour cela que le romancier préfère demeurer chez lui, loin des yeux du monde,
dans le "foutoir organique" de son bureau, bordel monstrueux dans
lequel il se roule "comme un cochon dans sa fange". Dans les rais de
lumière rougeoyants de l'heure entre chien et loup, et qui donnent à son verre
de bière un aspect incandescent.
Le psychiatre Christophe
André, auteur de Petites angoisses et grosses phobies (Seuil), édifie
un pont entre création et phobies: "Ce sont des pathologies de
l'hypersensibilité", explique-t-il. Avant de poursuivre: "Le fait
d'écrire est alors à la fois un échec et une réussite. Echec de l'adaptation
par l'action. Réussite parce que c'est un compromis qui signifie que finalement
cela ne se passe pas trop mal."
Les écrivains paient
parfois leur hypersensibilité au prix fort. La crainte de la maladie tourmente
Joris-Karl Huysmans, dont les ouvrages portent l'empreinte de sa peur de la
souillure qui révèlerait la porosité de son corps. Collectionneur d'odeurs
comme son personnage d'A rebours, Des Esseintes, agoraphobe, livrant
dans sa littérature ses idées fixes impulsives - à travers les tics de scrupule
du père Emonot dans L'oblat ou les pensées sacrilèges de Durtal dans Là-bas
- l'écrivain n'a d'autre choix, à la fin de sa vie, que de choisir la réclusion
et la
solitude. Comme Raymond Roussel, l'auteur d'Impressions
d'Afrique, ami des surréalistes, qui prenait ses repas, toujours seul
et... à la suite: on lui servait, nous dit-on dans Le livre des bizarres,
ses quatre repas, l'un après l'autre, cinq heures durant.
La ritualisation de
l'écriture, les tics de l'écrivain soulignent bien la nécessité d'un filet
psychique. "Il y a d'autant plus de rituels qu'il y a d'incertitude",
analyse le psychiatre Christophe André. Le doute, souvent indissociable de
l'acte de créer, suscite des conduites allant du seul désir d'agencer son
univers (ne pas travailler dans le désordre) à l'extravagance la plus folle:
Nerval promenant dans Paris un homard vivant au bout d'un ruban bleu. "Il
faut organiser son intérieur", se commandait Huysmans pour se border. Et,
à chaque auteur, son ordonnancement: Catherine Cusset, auteur de Confessions
d'une radine (Gallimard), fait table rase dans sa psyché avant de
commencer un nouveau livre en nettoyant son "appartement de façon maniaque
et dans tous les recoins". Alors, tout de même, comme l'écrivait Balzac:
"Quel opéra qu'une cervelle d'homme!"
En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/culture/livre/les-tics-et-les-tocs-des-ecrivains_808798.html#kTk1VTt6oPlUaJXi.99
être écrivain aujourd'hui - Rue89
www.rue89.nouvelobs.com
22/03/2014 à 18h37
Etre écrivain aujourd’hui : « J’ai désactivé mon compte Facebook »
Imanol
Corcostegui | Journaliste
L'auteur
Imanol Corcostegui n'a pas rempli sa bio- Ces années où le rap a quitté la cité pour parler bières, baise et suicide
- Il rend gay, catho, anorexique... Tant de délires autour du dernier Disney
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- 2 000 euros d’amende pour un message contre le cancer : l’aberration du foot espagnol
« J’écris d’un pays qui n’existe pas. […] Quand j’écris, je ne suis pas ici. Je ne suis pas non plus ailleurs. Je suis dans ce que j’écris, ou plutôt je suis ce que j’écris. »
C’est beau, hein ? Allez donc expliquer ça aux écrivains persuadés que rien de bon ne sortira de leur cerveau sans leurs rituels.
Bret Easton Ellis n’y arrive plus
Des lieux – Balzac ne travaillait que dans son lit, Rostand dans sa baignoire –, des moments – toute sa vie, Kant s’est fait réveiller par un domestique à 4h55 et écrivait jusqu’à 12h45 pétantes –, des objets – « H.G. Wells possédait deux stylos, l’un pour les mots courts, l’autre pour les mots longs », rappelle le magazine Sciences Humaines.Ces rituels n’ont qu’un seul but : provoquer et maintenir la concentration. Mais comment la préserver au XXIe siècle ? Quand on reçoit cent mails par jour, que « les réseaux sociaux ôtent toute profondeur au temps » écrivait Mona Chollet sur Rue89, que l’époque est au zapping, que tout doit aller vite et qu’on ne prend le temps de rien.
Dans un entretien aux Inrocks, Bret Easton Ellis décrit son incapacité à se remettre à l’écriture d’un roman :
« Je ne sais pas si ça a un rapport avec la concentration, avec le rythme imposé par Internet mais je n’y arrive plus. »
« Je n’ai jamais voulu écrire »
Au Salon du livre de Paris, nous avons demandé à des romanciers comment ils parviennent à se concentrer à l’ère du numérique. Il y a ceux pour qui la question n’a pas de sens, qui n’ont aucun rituel, parlent d’écriture comme d’une pratique que la vie leur impose.Comme l’académicien Dany Laferrière, qui vient de publier « L’Art presque perdu de ne rien faire » :
« A tout moment, on peut sortir de ce monde suractivé pour trouver sa concentration. Moi, je n’ai jamais voulu écrire, je ne cherche pas à écrire. »
Et il y en a d’autres.
1
« Je pense que je vais carrément débrancher ma box »
Philippe Jaenada
Philippe Jaenada sur le plateau de l’émission « Au Field
de la nuit » sur TF1, le 7 février 2009 (GINIES/SIPA)
Pour Philippe Jaenada, le wifi est vraiment une sale invention. Pendant
l’écriture de son dernier roman, « Sulak »,
toutes les soirées commençaient de la même manière : « J’enlevais le fil qui reliait mon ordinateur à mon modem et j’allais le mettre sous l’oreiller à côté de ma femme qui dormait. Je travaillais alors toute la nuit avec la certitude que mon ordinateur était une boîte hermétique.
Maintenant, mon ordinateur est en wifi. Je pense que je vais carrément débrancher la box. Mais je ne suis pas sûr que mon fils de 13 ans va être très content. »
Pour écrire, le romancier a besoin d’avoir « la sensation d’être dans une forteresse d’où [il] ne peut pas sortir et où personne ne peut entrer ». Ça date de l’époque de son premier roman, dont il a commencé par écrire 60 pages en trois ans et demi :
« Je me suis dit que je n’y arriverai jamais. A l’époque, je me suis enfermé dans une maison dans un village de Normandie, en plein hiver. J’ai écrit 800 pages en trois mois. »
Sur Facebook : « Je reviendrai le 14 février 2015 »
Depuis, Jaenada travaille à heure fixe, « comme un guichetier à La Poste ». Avant, c’était de minuit à 6 heures du matin ; depuis qu’il a une vie de famille, il écrit en journée dans les conditions de la nuit, volets tirés, à la bougie, overdose de café. Personne n’a le droit d’entrer.Internet est un aimant à perte de temps. Alors qu’il attaque l’écriture d’un nouveau livre, le romancier a pris une décision radicale quant à son compte Facebook, où il pouvait passer trois ou quatre heures par jour à répondre aux messages de fans :
« J’ai commencé à écrire mon livre le 14 février. J’ai posté un statut pour dire que je reviendrai le 14 février 2015. Et j’ai désactivé mon compte. Plein de gens m’ont dit : “Tu es fou, tu n’y arriveras jamais”, comme si j’allais m’installer sur la Lune pendant un an… »
Pour le reste, l’écrivain trouve que les réseaux sociaux sont une bénédiction. Pour « Sulak », qui s’inspire de l’histoire vraie d’un ancien braqueur, il a consulté des tas de sites et d’archives de journaux en ligne :
« Et Facebook m’a été très utile. Je n’ai pas de portable. Plutôt que de passer par l’éditeur qui ralentit parfois un peu les choses, beaucoup de libraires, de médiathèques, de médias me contactent sur Facebook. »
2
« L’époque a rendu mon écriture plus ramassée »
Philippe Besson
Philippe Besson sur le plateau de l’émission « Au Field de
la nuit » de TF1, le 12 décembre 2013 (GINIES/SIPA)
Philippe
Besson assure qu’il est incapable d’écrire en France. Trop de
sollicitations, trop de tentations, trop de temps perdu notamment sur les
réseaux sociaux : « A Paris, je suis en colère en permanence. J’utilise beaucoup Facebook et en quatre jours, j’ai, par exemple, dû faire dix posts sur Sarkozy, tellement cette histoire m’énerve. Je ne peux pas écrire dans ces conditions. »
Alors, le romancier part quelques mois par an à Los Angeles, « la ville du vide absolu », à neuf heures de décalage horaire. Il débranche, ne suit pas l’actualité française. Une connexion internet quand même, « juste pour appeler ma mère sur Skype ».
Le romancier n’associe pas l’écriture à des rituels, c’est « une obsession très heureuse » qui le pousse à travailler jusqu’à épuisement. Pas de problème de concentration, donc. Quand il n’avance pas assez vite à son goût, il change juste de lieu :
« Il y a le Joyce Café, près de Santa Monica Boulevard. Je m’y sens très bien. Dans un café parisien, je ne peux pas écrire mais là, le brouhaha me stimule, il est dans une langue qui n’est pas la mienne. »
« On a perdu le goût de la lenteur »
Il y a quelques années, Philippe Besson pouvait écrire six ou sept heures par jour. Aujourd’hui, il se lasse au bout de trois mais écrit ses livres plus vite qu’avant. C’est sans doute lié à l’époque « qui est poreuse », dit-il :« Tout est devenu plus rapide dans la vie. On n’accepte plus de consacrer autant de temps qu’avant, à quoi que ce soit, tout doit être accessible tout de suite. On a perdu le goût de la lenteur. »
Il dit être le premier à ne plus supporter la lenteur. Et il estime que son style a changé :
« Mon écriture, qui était déployée, est devenue plus ramassée, plus courte. J’écris autrement, plus tranché, plus vif. Et je pense qu’il y a une part de responsabilité de l’époque. »
3
« La culture numérique, c’est le contraire de la dispersion »
Maylis de Kerangal
Maylis de Kerangal au Salon du livre à Paris, le 13 mars
2012 (BALTEL/LAMACHERE AURELIE/SIPA)
Pour Maylis de Kerangal, dont le
dernier livre « Réparer les vivants » a reçu une pluie de
récompenses, la société numérique n’a presque que des avantages : « La culture numérique enrichit mon travail. Ce n’est pas du tout une perte de temps mais un atout, le contraire de la dispersion. On va plus vite sur les recherches.
Pendant l’écriture de mon dernier livre, j’avais un système de signets dont j’avais besoin : le site de l’agence de biomédecine, un site de carte topo, un site de surf pour les matériaux… »
La romancière dit qu’elle ne « croit pas à l’inspiration » mais que tout tient à la concentration. Et elle estime être plutôt douée pour la maintenir le plus longtemps possible.
« Cliquer sur les robes de stars sur le tapis rouge »
Elle travaille dans une chambre de bonne, de 9 heures à 18 heures, un cadre régulé par quelques rituels : jamais de nourriture à portée de main, beaucoup de cafés crèmes, une sieste de vingt minutes la tête posée sur le clavier, de la musique pendant les phases de réflexion mais pas pendant la rédaction.Chaque journée commence par un temps de mise en route, une façon de préparer l’écriture tout en la retardant :
« J’allume l’ordinateur, je traîne sur les sites d’info, je m’attaque aux mails qui demandent une réponse rapide. Il y a beaucoup de café et de cigarettes. Je relis ce que j’ai fait la veille.
Je peux baguenauder sur Internet, cliquer sur les robes des stars sur le tapis rouge mais comme je suis impatiente de m’y mettre, le piétinement ne dure pas. »
« Le “gling” du mail qui tombe »
Maylis de Kerangal n’a pas de compte sur Facebook ni sur Twitter, ce serait une menace pour son temps. Déjà que la gestion des e-mails est une prise de tête :« Tenir ma correspondance électronique, faire en sorte qu’il n’y ait pas des couches de mails qui fassent une espèce de sédimentation préhistorique, ça prend du temps sur l’écriture.
Au moment de “Naissance d’un pont”, je consultais mes mails à heure fixe. J’arrivais à m’y tenir en baissant le son. Ce qui est perturbant, c’est le “gling” du mail qui tombe. »
La romancière est satisfaite d’avoir su conserver « la culture du bloc, du temps long ». De parvenir à regarder la télé pendant quatre ou cinq heures d’affilée plutôt que de zapper sans cesse. Grâce à cette culture, sa concentration ne flanche presque jamais.
4
« J’ai supprimé mon compte Twitter et mon Tumblr »
Aurélien ManyaAurélien Manya, 33 ans, fait face au grand défi des jeunes écrivains : il vient d’entamer la rédaction de son deuxième roman. Le moment où l’on comprend que c’est un métier, qu’il faut s’organiser, se discipliner :
« Je n’ai pas envie de mettre à nouveau cinq ans pour écrire un livre. Alors, j’aménage mon temps : je me force à écrire au moins trois heures par jour. Je lutte énormément pour rester concentré. J’ai supprimé mon compte Twitter et mon Tumblr. C’était une pollution de temps. »
L’auteur du « Temps d’arriver » est en train de se construire des rituels. Chaque jour, deux heures de marche et un film. Et une solution pour guérir l’angoisse de la page blanche : un journal intime dans lequel il écrit, en dernier recours, quand il n’a pas assez d’inspiration pour son livre.
« Les séries vont à l’encontre de la vitesse du numérique »
Monteur pour le cinéma, il est très inspiré par les nouvelles technologies. Les blogs de photo qu’il découvre sur Facebook, le Tumblr This isn’t happiness qu’il adore, les séries, comme « True Detective » ou « Top of the Lake », qu’il dévore, même si elles sont chronophages :« Ça se rapproche beaucoup plus du roman que du cinéma. Ces séries sont des histoires qui durent douze heures, vingt heures : il y a une profondeur des personnages qu’on ne trouve souvent pas dans les films.
Les séries ont réinstallé un culte de la lenteur, elles vont à l’encontre de la vitesse du numérique. Un peu comme le succès des “mooks”, alors que les textes courts l’emportent sur le Net. La randonnée aussi marche de plus en plus. Plus on a une culture du zapping, plus rejaillit un besoin de lenteur. »
dimanche 23 mars 2014
samedi 22 mars 2014
jeudi 20 mars 2014
mercredi 19 mars 2014
mardi 18 mars 2014
lundi 17 mars 2014
samedi 15 mars 2014
vendredi 14 mars 2014
jeudi 13 mars 2014
mercredi 12 mars 2014
mardi 11 mars 2014
lundi 10 mars 2014
dimanche 9 mars 2014
samedi 8 mars 2014
vendredi 7 mars 2014
jeudi 6 mars 2014
mercredi 5 mars 2014
mardi 4 mars 2014
Changement de signe - 1er registre - la fiction politique ... schéma
Changement de signe – 1er
registre – la fiction politique
le
calendrier du Président
Vendredi 18 = intervention à la suite de la rediffusion du
Dictateur de Charles Chaplin ; entretien avec le Premier ministre
Samedi 19 = déjeuner avec Mohamed Ould Abdel Aziz, la
« françafrique » ; 2ème entretien : avec le
Premier ministre (Commissariat au Plan, Europe et délocalisations, ouverture
excessive du marché commun, nouvelles négociations commerciales)
Dimanche 20 = instructions au Premier ministre pour la refonte
du gouvernement ; pélerinage nocturne à Colombey ; Jean-Marc Ayrault
à Berlin ; 3ème entretien : perspectives européennes,
dettes souveraines : avec Michel Sapin
Lundi 21 = visite de Kaunitz, chancelier fédéral autrichien
et promenade en vallée de Chevreuse ; lettre aux homologues
européens ; Mounir couche à l’Elysée (la prière de Salomon)
Mardi 22 = concentration du gouvernement ; 4ème
entretien : économie et société gouvernés par le civisme (impôt citoyen,
service national universel garçons et fillesà deux volets militaire
coopération, enseignement) – perspective de conférence de presse et adresse à
la nation
Mercredi 23 = pèlerinage et entretiens de Jérusalem (entente
israëlo-palestinienne, Poutine, pape François) ; 5ème entretien
en vol retour à bord de l’Air Sarko one
Jeudi 24 = réception des représentants de confessions
religieuses, concertations monétaires, premier conseil du nouveau
gouveernement, conférence de
presse Louis Gallois (min. Entreprises natiuonalisées et
Services publics), conférence de presse Pascal Canfin (min. Relations
extérieures) ; 6ème entretien : avec Christiane Taubira,
confection des lois, dualité de juridictions, la bioéthique laissée au
juge ; Merkel se propose d’accompagner FH dans sa tournée
européenne ; dîner rue Bénouville chez Valéry Giscard d’Estaing
Vendredi 25 = le patronat, la nationalisation de Peugeot (la
retraite chapeau) et Renault, pas d’étatisation de l’économie française ;
7ème entretien : avec les présidents de groupes parlementaires,
la révision constitutionnelle (la République sincère, vote blanc, retour devant
les électeurs pour celui qui veut récupérer son siège parlementaire après avoir
quitté le gouvernement, vote obligatoire)
Samedi 26 . Dimanche 27 . Lundi 28 = tournée européenne
jusqu’en début de soirée ; 8ème entretien, le patriotisme
européen
Mardi 29 = conseil européen extraordinaire ; 9ème
entretien, de la reprise européenne au nouvel élan français
Mercredi 30 = conseil des ministres & réunion du congrès
du Parlement à Versailles ; adresse à la nation
Jeudi 31 = huis-clos gouvernemental ; démission
Dimanche 3 = rencontre avec l’épistolier
Lundi 4 = conférence de presse
. . . soir de la réélection
soit quinze chapitres
lundi 3 mars 2014
l'imagination - 7 février 2005
L’imagination
n’est pas la production intime de fiction, autant de compensations à une
réalité limitée ou décevante, autant de refuges délicieux et putatifs.
Non ! c’est un moteur de recherche, une manière d’évaluer soi et le monde,
un chemin de conviction. L’utopie est créatrice de réalité si elle est artiste,
elle suppose donc un projet.
L’imagination
n’est pas non plus l’inventaire d’un contenu inaccessible sauf par la
rêverie ; elle est au contraire une conduite délibérée, elle est active.
La passivité est le premier consentement à la médiocrité de la réalité. L’imagination
est le premier pas pour tirer parti de la réalité, en analyser les
potentialités, la beauté possible, les implications. Elle prolonge des données,
elle aide à les analyser.
L’imagination
ne crée pas de l’imaginaire, elle n’est pas indépendante de l’histoire ni du
regard que le sujet porte sur lui-même et sur le monde, elle est tributaire des
structures intimes d’une personnalité, d’une société, d’une civilisation. Elle
suscite, éveille une réalité alternative, elle est une critique et une
proposition.En cela, elle est l’expression la plus vive de ce à quoi tiennent
personnalité, société et civilisation ; elle exprime une vision du monde,
une place du vivant, elle est une philosophie même si elle est contingente, et
elle est précisément contingente.
L’imagination
est la forme la plus élevée de la prière et de la foi, elle convoque des sujets
et des êtres, elle nourrit des intuitions et des certitudes inenvisageables
autrement. Elle y fait entrer de plain-pied comme le poème
Elle se
distingue des activités mentales et artistiques par la manière dont elle
s’exerce. Elle peut s’appuyer sur l’ensemble des facultés humaines comme
ignorer la plupart. Elle
peut ne pas s’exprimer, ne pas même venir à une conscience explicite ;
elle est cependant constitutive de la personnalité puisqu’elle dépasse le rêve
activement, puisqu’elle prolonge et utilise la mémoire, fait feu de toute
culture, agence pour une œuvre qui peut n’être jamais communiquée ni montrée
l’expérience entière d’une vie ou à l’inverse la totalité des souhaits d’une
personnalité en train de se faire.
L’imagination
distingue moins les êtres car elle n’est pas subjective ; au contraire,
elle les relie à des structures psychologiques et spirituelles faisant une
époque, un temps de l’histoire, une étape dans l’évolution du vivant. Elle
n’est pas individualiste.
L’imagination
est la forme humaine de cette activité divine souveraine qu’est la création. Elle
n’est ni anticipation, ni nostalgie, elle est la recherche du chemin le plus
court, le plus pratique et le plus efficace entre une conception de l’esprit,
un souhait d’âme (ou une peur, une défiance) et une impossible concrétisation.
Elle est sans mesure, c’est ce qui distingue sa production de la réalité. Elle est
donc incomparable en activité comme en résultat, elle récite et décrit ce
qu’elle voit et entend. Dieu l’achève qui est seul à pouvoir réaliser tous les
rêves et à inspirer l’infinité des possibles.
Par l’imagination, l’être
humain se sait déjà éternel ; c’est pourtant la seule faculté que périme
l’au-delà puisque l’éternité est la plénitude du réel et le don fait à la
créature de comprendre le tout de la création en contemplant, d’égal à égal,
enfin, le créateur. L’imagination est l’espérance, l’attente de la réalité
totale. 7 II 05
dimanche 2 mars 2014
samedi 1 mars 2014
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