Charles Maurras
Données clés
Auteur
Œuvres principales
-
Enquête sur la monarchie
(1900)
-
Anthinéa (1901)
-
Kiel et Tanger (1910)
-
Mes idées politiques
(1937)
-
L'ordre et le désordre
(1948)
-
Œuvres capitales (en 4 volumes, 1954)
Compléments
Majoral du Félibrige
de 1941 à 1945.
Charles Maurras,
né le 20
avril 1868
à Martigues
et mort le 16
novembre
19521
à Saint-Symphorien-lès-Tours2,3,
est un journaliste,
essayiste, homme
politique et poète
français,
membre de l'Académie
française. Théoricien du nationalisme
intégral, il a été l'un des principaux animateurs de
l'Action
française.
Écrivain provençal
appartenant au Félibrige
et agnostique dans sa jeunesse, il se rapproche ensuite des milieux
catholiques et antidreyfusards.
Autour de Léon
Daudet, Jacques
Bainville, et Maurice
Pujo, il dirige le journal L'Action
française, fer de lance de
l'Action
française, formation royaliste,
nationaliste,
contre-révolutionnaire
et antidémocratique, qui devient le principal mouvement
intellectuel et politique d'extrême
droite sous la Troisième
République. Sa doctrine, définie par Maurras, prône une
monarchie
héréditaire, tout en se revendiquant antisémite,
antiprotestante,
antimaçonnique
et xénophobe.
Son
talent littéraire donne à ses ouvrages théoriques une grande
influence dans les milieux conservateurs cultivés de France, et
ses qualités de polémiste
lui assurent une réelle audience dans d'autres, comme l'Académie
française à laquelle il est élu le 9
juin 1938.
Outre Léon
Daudet et Jacques
Bainville, Maurras compte parmi ses soutiens des intellectuels
comme Georges
Bernanos, Jacques
Maritain, Thierry
Maulnier, Philippe
Ariès, Raoul
Girardet et le mouvement littéraire des hussards
en est proche4.
Avec plus de dix mille articles publiés entre 1886
et 1952, il
demeure le journaliste politique et littéraire le plus prolifique
de son siècle5.
Bien que
germanophobe,
Maurras soutient dès 1940 le régime
de Vichy et le maréchal
Pétain, s'enthousiasmant pour la fin de la démocratie et de
la République ainsi que pour l'instauration d'une législation
antisémite et la création de la Milice.
Poursuivant la publication de L'Action
française sous l'occupation
allemande, avec l'accord de l'occupant, il y réclame notamment
l'exécution des résistants
qu'il dénonce comme « terroristes » et
« révolutionnaires »6.
Arrêté à la Libération
de la France, ses articles lui valent d'être condamné pour
intelligence avec l'ennemi et haute trahison, à la réclusion
criminelle à perpétuité et à la dégradation
nationale, le 28 janvier 1945. De cette dernière condamnation
découle son exclusion automatique de l'Académie
française (qui attend cependant sa mort pour procéder à son
remplacement) ainsi que du Félibrige.
Son activité à la
tête de son mouvement politique éclipse aujourd'hui son œuvre de
littérateur bohème lié aux avant-gardes7.
Biographie
Enfance et adolescence (1868-1886)
Charles Maurras en 1877.
Bastide
du Chemin de Paradis, demeure de Charles Maurras à
Martigues,
Bouches-du-Rhône,
Provence.
En
1868, le 20
avril, naît à
Martigues,
au 13 quai Saint-Sébastien, Charles Marie Photius Maurras
8,
en
Provence. Il
est le second fils de Jean Aristide Maurras (1811-1874), percepteur,
ayant des convictions libérales, et de Marie-Pélagie Garnier
(1836-1922)
9,
profondément catholique. Ce couple de condition assez modeste se
fait apprécier par les aides qu'il prodigue aux plus pauvres
10.
Quelques mois avant la naissance de Charles, ils ont perdu leur
premier fils, Romain, âgé de deux ans.
En
1872, la
naissance de François Joseph Émile permet d'agrandir la famille. La
famille Maurras s'est installée à Martigues au XVIIe siècle ;
elle était originaire du pays
gavot (Haut-Var), au sud de
Gréoulx, près de
Saint-Julien-le-Montagnier11.
En
1873, Charles est
mis à l'école communale : sa famille est étonnée par sa
vivacité, ses dons et sa capacité à réciter l'histoire sainte et
l'histoire romaine mais il est réprimandé quand il rapporte du
provençal à la maison
12.
Charles Maurras écrira que s'il lui était donné de revivre une
période de sa vie, ce serait sa petite enfance
13.
Le 3 janvier
1874,
il devient orphelin de père
12.
À six ans, Charles part vivre avec sa mère et son petit frère à
Aix-en-Provence.
En octobre
1876,
Charles entre en classe de huitième au collège catholique, à
Aix-en-Provence,
rue Lacépède. À la fin de la septième, il obtient onze prix et
pendant quatre ans, il remporte le premier prix de latin
14.
En
1879, promu
« élève d'honneur », il reçoit le premier prix
d'instruction religieuse mais ce n'est pas un élève sage et il a
souvent des sautes d'humeur
15.
Malhabile en mathématiques et en anglais, le latin et le grec le
ravissent
16.
Au collège, il se lie avec
Xavier
de Magallon, auquel le lie une passion pour la
poésie
et
Alfred de
Musset, puis il s'enthousiasme pour
Frédéric
Mistral17.
À quatorze ans, il est, soudain, atteint de
surditén
1, cela dégrade aussi ses capacités vocales. Désespéré, le
jeune Charles voit s'effondrer tous ses projets, dont celui d'entrer
à l'
École
navale comme le père de sa mère
19.
L'abbé
Jean-Baptiste
Penon, futur évêque de Moulins et premier latiniste et
helléniste du
diocèse,
propose à M
me Maurras d'aider son fils et celui-ci dira
que cette offre spontanée fut la grande bénédiction de sa vie
20.
L'abbé Penon donne des cours particuliers au jeune Charles, ce qui
lui permet de revenir parfois au
collège
pour des cours de
rhétorique
et
philosophie21.
Alors que Maurras est en révolte contre sa surdité, la lecture de
Pascal,
qu'il assimile au dolorisme
n
2, contribue à lui faire perdre la
foi22.
La perte de la foi et sa surdité le désespèrent et le conduisent à
une
tentative
de suicide qui échouera
23
et n'est connue que par des témoignages indirects
24.
En
1884, il se
raccroche progressivement à la vie et est désigné par ses maîtres,
avec quelques-uns de ses amis et condisciples, pour donner des
conférences organisées au collège du Sacré-Cœur : Charles
Maurras y prononce sa première conférence, qui est aussi son
premier texte publié, sur
Thomas
d'Aquin étudiant et lecteur de l'université à Paris
25.
La même année, il est reçu — avec mention — à son
premier baccalauréat, en
1884,
où il excelle en latin et en grec
26.
Il approfondit alors ses lectures philosophiques, s'intéresse à
Hippolyte
Taine et
Ernest
Renan qui, pourtant éloignés des milieux cléricaux, remettent
en cause l'héritage révolutionnaire et les vagues d'idéalisme qui
ont conduit plusieurs fois la
France
à la défaite et à la
Terreur
depuis la
Révolution26.
En 1885, après un échec au second baccalauréat en juillet du fait
d'une copie de philosophie jugée trop
thomiste,
Charles Maurras est admis en novembre de la même année avec la
mention Bien : il est reçu en premier en
sciences
et en philosophie
27.
L’abbé Penon incite Charles Maurras à monter à Paris car il
souhaite l’introduire dans les revues et journaux qu’il connaît,
ce qui amène la famille Maurras à quitter Martigues et à
s'installer à Paris le 2 décembre 1885
27.
Période de formation avant l'Action française (1886-1898)
Avant la création de l'Action française, Charles Maurras
approfondit ses questionnements métaphysiques, s'implique dans la
vie littéraire et enrichit sa réflexion politique tout en se
lançant dans le journalisme.
Réflexion philosophique
Charles Maurras, vers 1888.
Charles s’inscrit en histoire à la
faculté
des lettres de Paris, rencontre l’historien
orléaniste
Paul
Thureau-Dangin mais ne peut suivre les cours du fait de son
infirmité. En revanche, il se montre un bourreau de travail :
lectures innombrables à la
bibliothèque
Sainte-Geneviève, à l’
Arsenal,
à la
Sorbonne,
annotations et rédactions d’articles, perfectionnement de son
latin, notamment pour éviter les traductions de
Lucrèce
en alexandrins qui lui « font mal à force de le faire
rire
28 ».
Maurras écrit
dans
La Réforme sociale, revue conduite par le sociologue
Frédéric
Le Play, qui développe une analyse de la société moderne
critiquant l
’individualisme
et prônant des idées
corporatistes
et familiales dans l’esprit des
encycliques
papales ; il écrit également pendant cinq ans dans les
Annales
de philosophie chrétienne, revue dont l’ambition est de
combiner la théologie du
Docteur
Angélique et les idées modernes issues de
Lamennais29.
Entre 1886 et 1888, il collabore au
Polybiblion littéraire
pour des comptes-rendus d’ouvrages
sociologiques ;
à partir de l'automne 1886, il rédige aussi le feuilleton
bibliographique (« Les livres de la semaine ») de
L’Instruction publique, revue de l’enseignement supérieur
d’inspiration
conservatrice
et
libérale
jusqu’en 1890
30.
La tournure de sa pensée est encouragée
par l’atmosphère intellectuelle du temps qui oscille entre le
déterminisme
kantien et
le pessimisme de
Schopenhauer.
Il affirme : « Le nœud de tous les doutes peut être
tranché en un point : en résolvant les problèmes de
causalité. […] L’unique mobile de ma vie est l’espoir de
rencontrer la vérité
31. »
Entre
1886 et
1889,
son questionnement philosophique s'amplifie comme le dialogue
épistolaire entre le jeune homme et l’abbé Penon qui tente de le
guider vers l’
aperception
de l’origine divine de la
causalité
première mais Maurras bute sur la substitution des témoignages de
la tradition chrétienne aux preuves
rationnelles32.
Il reconnaît être troublé par la philosophie kantienne de la
connaissance ; tout en admirant la méthode « géométrique »
de saint Thomas, il qualifie d’« enfantine » la théorie
scolastique
de la connaissance
32.
Charles Maurras dialogue avec l’abbé Huvelin, vicaire de l’
église
Saint-Augustin, « animal convertisseur » selon
l’expression de
Pierre
Boutang, avec des amis
séminaristes,
avec des philosophes catholiques comme
Maurice
Blondel et
Léon
Ollé-Laprune qui ont apprécié ses articles ; mais son
exigence de la certitude scientifique empêche Maurras de rencontrer
la foi : tiraillé entre le travail de la raison et le désir de
certitude religieuse, son
agnosticisme
se renforce
33.
Ne trouvant pas la foi, Charles Maurras trouve la paix intellectuelle
dans la distraction de la
littérature
car la
poésie
l’éblouit et dans la méthode
positiviste
car l’histoire et la
philosophie
le passionnent
34.
Activité littéraire
En
1886,
Maurras découvre Mistral dans le texte ; il rêve de constituer
une anthologie de poésie et de prose provençales et commence un
travail de documentation dans ce but
35.
En
1887,
se définissant comme « un pur contemplatif et un solitaire
dans le goût sinon de l'école de
Spinoza »
et s'investit dans
La Réforme sociale avec pas moins de cent
soixante-dix articles jusqu'en juin 1891
36.
Le 23 décembre 1887, il entre au quotidien catholique
L’Observateur
français dont il deviendra secrétaire de rédaction en octobre
1888 et auquel donnera cent-soixante quatorze articles mais cette
grande activité ne fait pas refluer son amour et sa nostalgie de la
Provence. Très vite, le jeune homme rencontre des
félibres
comme
Paul
Arène et
Albert
Tournier37.
En
1888,
il obtient le prix du Félibrige pour un éloge du poète provençal
Théodore
Aubanel38 ;
il devient membre de cette académie qui s’est fixé comme objectif
la restauration de la
langue
et de la
culture
d’oc. Durant l’été de la même année, il fait la
connaissance de son compatriote
Frédéric
Mistral, puis, en décembre, du
Lorrain
Maurice
Barrès. À l'âge de vingt ans, il est un des membres les plus
influents du
Félibrige39.
Pétri de culture classique (
Virgile,
Lucrèce,
Racine) et
moderne (Musset,
Lamartine,
Mistral), le jeune Maurras éprouve aussi un amour infini pour sa
Provence natale.
En
1889,
il rencontre
Frédéric
Amouretti lors des Fêtes félibréennes de
Sceaux
et devient le secrétaire du Félibrige de Paris. Il publie son
premier ouvrage, consacré à Aubanel et devient journaliste
littéraire
40.
En
1890, il
rencontre
Jean
Moréas et devient le théoricien de l'
École
romane, fondée par le poète du Pèlerin passionné, prônant un
néo-classicisme peu enclin à l'académisme
41.
Maurras cherchera à rapprocher félibres et poètes romans
42.
La même année, il ébauche un vaste chant épique de trois mille
alexandrins, rassemblés sous le titre de
Théocléa et
inspiré par la figure de
Pythagore
en qui il voit le plus grand moraliste de l'Antiquité
43.
Il se lie d'amitié à
Anatole
France44,
ce qui contribue au renforcement de son agnosticisme. Il travaille
avec ses amis à faire connaître les poètes provençaux au public
parisien et à établir des ponts entre symbolisme et provençalisme,
notamment en travaillant à un numéro spécial de
La Plume42.
En
1891,
il consacre son deuxième essai critique au poète Jean Moréas, le
chef de file de l’École romane, qui lui a été présenté l’année
précédente. Il prépare également un court traité visant à
établir une doctrine de vivre et de mourir,
La Merveille du
monde, qui ramasse la recherche philosophique du jeune Maurras
mais ne l'achève pas
43.
Au début de
1892,
il rédige la déclaration des Jeunes Félibres fédéralistes qui,
soutenue par Mistral, est lue par
Frédéric
Amouretti. Il ne s’agit plus seulement de défendre
culturellement la
Provence,
mais d’engager une politique de haute lutte qui vise à donner un
destin à cette terre et à son peuple.
En
1894, Maurras
publie
Le Chemin de paradis, mythes et fabliaux.
Jusqu'en
1898, c'est
dans la
Revue
encyclopédique que Maurras livre la plupart de ses articles
littéraires
45 :
il chronique ainsi les œuvres de
Paul
Bourget,
Jules
Lemaître,
Jean
Psichari,
Willy,
Jules Tellier,
Gabriele
D'Annunzio,
Paul
Adam,
Tristan
Bernard,
Marcel
Schwob,
Frédéric
Plessis,
Jean
de Tinan,
Remy
de Gourmont,
Stuart
Merrill,
Jean
Moréas,
Hugues
Rebell,
Pierre
Louÿs,
Marcel
Proust,
Henri
de Régnier,
Pierre
Quillard… Dans un article du 1
er janvier 1895 de la
Revue encyclopédique, le jeune Martégal, qui a lu et analysé
l'œuvre de Verlaine, décèle dans les écrits de l’ancien
décadent un retour vers le
classicisme
qu’il salue et contextualise
n
3. Vers la même époque (seconde moitié des années 1890), il
fait passer quelques articles dans
La
Libre Parole avant de rejoindre
Le
Soleil46.
Évolution politique
Avant sa conversion au
monarchisme
en 1896, la réflexion politique de Charles Maurras se développe
progressivement. De 1885 à 1889, Charles Maurras ne s'intéresse
qu'à la philosophie mais le centenaire de la Révolution et le
boulangisme
qu'il soutient du bout des lèvres ainsi que des recherches
historiques en Provence le conduisent à centrer sa réflexion sur la
politique.
En
1889, lors du
centenaire de la Révolution française, une ébullition historique
et philosophique contraste avec la célébration officielle ;
des penseurs de différentes tendances, monarchistes, libéraux,
conservateurs, catholiques,
positivistes
mènent une réflexion critique sur les principes revendiqués par la
République et qui selon eux menacent le destin français
47 :
Ernest Renan
affirme que « le jour où la France a coupé la tête de son
roi, elle a commis un suicide »,
Edmond
Schérer analyse les limites de la
démocratie,
Émile
Montégut parle de la « banqueroute de la Révolution ».
Colloques, publications, débats dans la presse marquent
l'anticentenaire intellectuel auquel Maurras participe en suggérant
aux « hommes les plus intelligents après les cris de triomphe
officiels, de douloureux examens de conscience
48 ».
Charles Maurras, ancien rédacteur de
La Réforme sociale,
fonde sa critique de la Révolution en suivant les développements de
l'école de
Frédéric
Le Play : elle dresse un bilan négatif de la Révolution en
défendant un programme fondé sur la famille, la hiérarchie
sociale, la commune, la participation des citoyens à leur
administration, l'indépendance du gouvernement par rapport aux
divisions de l'opinion
49.
De
fait, s'il est hostile à la Révolution, il est encore républicain
et concède que la République est « le meilleur gouvernement
pour la France
50. »
Il fonde alors sa critique de la philosophie politique de
Jean-Jacques
Rousseau sur les analyses de
Pierre
Laffitte qui en soulignent les contradictions plus que sur les
théories de
Louis
de Bonald et de
Joseph
de Maistre49.
Cependant, il est fondamentalement attaché à la
décentralisation :
en août
1889, se
rendant aux archives de Martigues pour une analyse des documents
remontant à cent ans en arrière, il découvre les systèmes
coutumiers et empiriques, des mécanismes de protection sociale et de
solidarité, servant de relais et de protection entre l'individu et
l'État central, certains obsolètes mais d'autres utiles et
vivaces
51.
Pour Maurras, avec la
centralisation,
la République n'a pas fait des Français des citoyens mais des
administrés
52.
Il développe à l'opposé de l'image de l'
historiographie
révolutionnaire d'un roi au pouvoir illimité, une image paternelle
nourrie de bienveillance et de savoir-faire au sommet d'un État fort
mais limité
53.
En
1894, se
rapproche du
nationalisme
en collaborant au journal
La
Cocarde de
Maurice
Barrès.
En
1895, Maurras
amorce sa conversion au principe monarchique, suivant une démarche
intellectuelle se combinant avec le respect pour la personne du
comte
de Paris54,
n
4. Jusque-là il s'est accommodé d'un sentiment politique
conservateur, acceptant volontiers de travailler avec des
démocrates
et des
socialistes.
Son
patriotisme
est viscéral, mais cela ne constitue pas une originalité, la gauche
de l'époque articulant généralement le discours sur la
justice
sociale avec l'impératif patriotique et les austères
valeurs
républicaines54.
L'échec de la décentralisation dans le cadre républicain,
l'inefficacité du
régime
parlementaire dans le domaine primordial de la politique
étrangère face au danger allemand, l'admiration qu'il porte comme
homme d'ordre et de tradition pour le système britannique qui a
établi l'équilibre politique et social du peuple de
Grande-Bretagne,
la lecture de
Démosthène
et du rôle de la démocratie dans l'effondrement de la
Grèce,
constituent autant de thèmes de réflexion qui l'inclinent au
royalisme en 1895
55.
Il accepte alors de collaborer au journal royaliste
Le
Soleil56.
Du 8 avril au 3 mai
1896,
La
Gazette de France le charge de couvrir comme reporter les
premiers
jeux
Olympiques modernes, à
Athènes.
Se basant sur les exemples allemands et anglais, il en revient
convaincu que le régime monarchique rend plus fortes les nations qui
l'adoptent
57.
Naissance de l'Action française (1898-1914)
Le
café
de Flore vers 1900, lieu de réunion habituel des fondateurs de
l'Action française en 1898 et durant les premières années du
XXe siècle.
En avril
1898,
Henri
Vaugeois et
Maurice
Pujo fondent un « Comité d'Action française », qui
ne compte aucun royaliste et vise en prévision des élections à
ranimer l'esprit de 1875 en instaurant une
République
patriote conforme au nationalisme originel de la Révolution
58,
59 ;
républicains, ils avaient participé à l'union pour l'Action morale
de
Paul
Desjardins, groupement d'inspiration kantienne, attaché à faire
triompher la
morale
et la
vertu dans
les affaires publiques ; Vaugeois se veut l'héritier
consciencieux du républicanisme révolutionnaire, auquel le relie la
mémoire de son grand-oncle conventionnel
58.
Maurras rejoint ce petit groupe qui se réunit habituellement au
café
de Flore60,
même s'il aurait préféré le nom « d'intérêt commun »
à celui « d'Action française », moins poignant mais
plus précis
61.
Cliquez sur une
vignette pour l’agrandir.
Antidreyfusisme
En septembre
1898,
l'
antisémitisme
de Maurras le range dans le camp des
antidreyfusards.
Il s'oppose ainsi à la demande de révision du procès du
capitaine
Alfred
Dreyfus, alors relancée à la suite des aveux et du suicide
d'
Hubert Henry,
officier qui avait fabriqué plusieurs
faux
pour faire croire à la culpabilité du capitaine
63.
Maurras rédige l'éloge d'Henry. Revenant sur l'affaire Dreyfus en
1930, Maurras dira : « Je ne veux pas rentrer dans le
vieux débat, innocent ou coupable. Mon premier avis là-dessus avait
été que, si Dreyfus était innocent, il fallait le nommer maréchal
de France, mais fusiller une douzaine de ses principaux défenseurs
pour le triple tort qu'ils faisaient à la France, à la paix et à
la raison
41. »
Il avait écrit en décembre 1898 à
Maurice
Barrès : « Le parti de Dreyfus mériterait qu'on le
fusillât tout entier comme insurgé »
64.
Léon de
Montesquiou rappellera le rôle crucial de l'affaire Dreyfus dans la
naissance de l'Action française qui s'était fixé comme objectif de
lutter contre la
trahison,
« non pas tant la trahison de Dreyfus que celle des
dreyfusards
65 ».
Il s'agit pour l'Action française de défendre l'
armée
comme première condition de vie du pays et des hommes qui la
composent contre une justice qui lui porterait tort
66.
Pour Maurras, l'affaire et la mise en
cause de l'armée nuisent à la préparation d'une guerre inévitable,
où il s'agit de retrouver des provinces perdues ; cette
polémique ferait perdre de vue au pays le réalisme politique dans
un contexte international menaçant. Maurras prétend ainsi défendre
la
raison
d'État en soutenant l'armée coûte que coûte pour éviter le
désastre d'une nouvelle guerre perdue contre l'Allemagne. Il affirme
les lois d'un réalisme politique fondé sur un mélange de
machiavélisme raisonné et de froide prudence car, selon lui, la
confusion entre morale et politique peut engendrer des tragédies
pires que les injustices qu'elle prétend corriger
67.
Stéphane
Giocanti estime que Maurras combat moins le capitaine Dreyfus
comme personne que le dreyfusisme comme courant d'opinion qui
fragiliserait un pays entouré de « grands carnassiers
68 ».
Toutefois,
Laurent
Joly rappelle que
L'Action
française persiste à publier des réquisitoires contre la
personne d'Alfred Dreyfus plusieurs années après la fin de
l'
affaire :
« de 1908 à 1914, la rubrique « Échos » et le
« Calendrier de l'affaire Dreyfus » du quotidien
L'Action
française comportent des menaces à peine voilées à l’encontre
d'Alfred Dreyfus, dont les déplacements sont notés au jour le
jour
69. »
Le capitaine Dreyfus intente plusieurs
procès au journal et y fait publier des lettres sur décision de
justice. Le 29 janvier 1912, Charles Maurras présente ces textes
« dans une formulation qui sonne comme une condamnation à
mort », observe
Olivier
Dard : le chef de l'Action française qualifie Dreyfus de
« traître juif » [qui] « entrevoi[t] en
frissonnant (…) [les] douze balles [qui] lui apprendront enfin
l'art de ne plus trahir et de ne plus troubler l'ordre de ce pays qui
l'hospitalise
70. »
Fondation de l'Action française
En janvier
1899,
Maurras rencontre ce groupe
59
puis rejoint la
Revue
d'Action française, fondée par
Maurice
Pujo et
Henri
Vaugeois ; en novembre 1899, sa stratégie et son ambition
prennent corps : convertir au royalisme tous les nationalistes
français à l'heure où le nationalisme est associé au nom de
Déroulède
et
Barrès71 ;
il devient l'inspirateur de la mouvance gravitant autour de la revue
qu'il convertit du nationalisme républicain au nationalisme
royaliste et au milieu de
1901,
la revue est en passe de devenir monarchiste
72.
En revanche, le débat tourne court avec les
antisémites
de
La
Libre Parole qui refusent la royauté et préfèrent rester
républicains
73,
n
5.
Charles Maurras, vers 1908.
En
1905,
il fonde la
Ligue
d'Action française — dont
Henri
Vaugeois est le président et
Léon
de Montesquiou le secrétaire général — pour lever des
fonds en faveur de
L'Action
française, devenue l'organe de presse du mouvement. Maurras
publie
L’Avenir de l’intelligence, qui met en garde contre
le règne de l’argent et son emprise sur les intellectuels.
Jules
Monnerot,
François
Huguenin,
Élisabeth
Lévy ont placé haut ce livre, préparé par quinze ans de
fréquentation des milieux littéraires et politiques, manifeste pour
la liberté de l'esprit, précurseur d'
Orwell
et
Bernanos,
voire de la critique
situationniste68.
Duel à l'épée entre Charles Maurras et
Paul
de Cassagnac (1912).
En
1906,
l’Institut d’action française voit le jour et, en mars 1908,
paraît le premier numéro du quotidien
L’Action française,
né de la transformation de la revue mensuelle du même nom créée
neuf ans plus tôt.
En
1909, Maurras
publie, ensuite, une deuxième édition de sa célèbre
Enquête
sur la monarchie, dans laquelle il se prononce en faveur d’« une
monarchie traditionnelle, héréditaire, antiparlementaire et
décentralisée ».
En
1911, il
préside le
Cercle
Proudhon, lancé par de jeunes monarchistes hostiles au
capitalisme libéral et appelant à l’union avec le courant
syndicaliste
révolutionnaire inspiré par
Georges
Sorel. Il reste, cependant, davantage influencé par les
conceptions corporatistes et associationnistes du
catholique
social René
de La Tour du Pin.
La campagne de l'Action française contre l'
Allemagne
commence tôt, dès avant la guerre : en
1911,
à l'occasion de la
crise
d'Agadir,
Léon
Daudet lance des accusations contre les firmes traitant avec
l'Allemagne (les laiteries
Maggi-Kub
par exemple) et mène des campagnes de boycottage.
L'Action
française ne souhaite pas la guerre, mais elle veut, si elle
intervient, contribuer à l'unité des Français dans la lutte ;
elle dénonce les
antimilitaristes
dont l'action concrète se traduit selon elle par un affaiblissement
de la France, au risque d'une hécatombe de la jeunesse française en
cas probable de guerre.
La Première Guerre mondiale (1914-1918)
Charles Maurras, avant 1909.
Dans
l'immédiat avant-guerre, Maurras pointe avec angoisse les effets de
la politique de ses adversaires ; selon lui, les campagnes
dreyfusardes ont occasionné l'affaiblissement de l'armée, notamment
par le
démembrement
du Deuxième Bureau, ce qui participerait selon lui à
l'impréparation de la France et fait que l'Allemagne sait qu'elle
combattra un ennemi borgne. Dans
Kiel et Tanger, il vitupère
un régime qui ne sait contrer ni les aléas de l'opinion et qui vit
de ses divisions, forcément néfaste pour tout pays cerné
d'ennemis : « Au bas mot, en termes concrets, la faiblesse
du régime doit nous représenter 500 000 jeunes Français
couchés froids et sanglants, sur leur terre mal défendue
74. »
En 1913, il écrit : « La République nous a mis en retard
sur l'Europe entière : nous en sommes à percevoir l'utilité
d'une armée forte et d'une marine puissante […] à l'heure où les
organisations ennemies sont prêtes
75. »
Maurras note au contraire la rapidité
des directions impériales allemandes où l'aristocratie et
l'institution monarchique jouent comme des forces génératrices de
compétence et de production ; il souligne la supériorité
institutionnelle de l'Allemagne : « Nous avons perdu
quarante ans à entrechoquer les syndicats patronaux et les syndicats
ouvriers dans la fumée d'une
lutte
des classes singulièrement favorable au concurrent et à
l'ennemi germanique ; pendant ce temps,
Guillaume
II négociait entre ses socialistes, ses armateurs et ses
financiers, dont les forces uniques, se faisant notre parasite,
fructifiaient à nos dépens
76. »
Il soutient alors toutes les
initiatives permettant selon lui le renforcement de la France et
Louis Barthou
dira à Pujo à propos de la loi des trois ans de service militaire :
« sans vos
Camelots
du roi, je n'aurais jamais pu la faire passer. »
Inversement, Maurras dénonce les campagnes antimilitaristes des
socialistes contre « la folie des armements » qui
n'auront selon lui pour conséquence que de conduire au massacre de
la jeunesse française : comme Tardieu et Poincaré, il s'oppose
aux conséquences concrètes de l'utopisme pacifiste et de
l'irréalisme des internationalistes et dénonce la faiblesse des
budgets militaires
77.
En
1914, il s'insurge contre l'idée répandue par certains de ses
adversaires que
Raoul
Villain, l'assassin d'extrême droite de
Jean
Jaurès, serait d'Action française, alors qu'il fut membre du
Sillon puis de la
Ligue
des jeunes amis de l'Alsace-Lorraine, et aussi un déséquilibré
77.
Il critique ce qu'il appelle le manque de réalisme des socialistes
qui avaient selon lui conçu « l'avenir suivant un
développement unilinéaire […], les faits nationaux devant se
décomposer
78. »
Dès la déclaration de guerre, il
appelle ses partisans à l'union nationale et renonce à la lutte
systématique contre le régime républicain comme y invite le duc
d'Orléans dans un appel solennel dans
L'Écho de Paris du 23
avril 1914. Comme preuve de sa bonne volonté, Maurras supprime le
chiffre 444 en une du journal, qui renvoyait au décret qui avait
innocenté Dreyfus
79.
Il soutient le gouvernement radical de Viviani et même Aristide
Briand, bête noire de l'Action française ou Albert Thomas ancien
rédacteur de
L'Humanité et ministre des armements.
L'Action française dénonce des industriels traitant selon
elle avec l'
Allemagne,
accusant souvent sans preuve. Il en résulte de nombreux procès en
diffamation, dont un conduit à la confiscation du quotidien pendant
une semaine. Des descentes de police dans les locaux du journal ont
lieu de même que des perquisitions chez Charles Maurras,
Marius
Plateau ou encore
Maxime
Real del Sarte. En octobre 1917, au cours de l'une de ces
perquisitions, diverses armes sont saisies. Le journal de l'Action
française tourne alors en dérision ce « complot des
panoplies », le gouvernement recule et, en novembre 1917,
Clemenceau remplacera Painlevé mis en minorité avec l'appui de
l'Action française.
En avril
1917,
L'Action française lance une campagne en faveur des soldats
et de leurs familles
80 ;
Maurras défend la création d'une caisse de primes militaires qui
associera le combattant aux produits de la Victoire ; ce projet
reçoit le soutien de Poincaré et l'État autorisera en juin 1918 la
souscription lancée par l'Action française. De même, Maurras se
met à la disposition de Poincaré pour combattre l'influence
germanique en Espagne, en particulier dans les milieux catalans
81.
C'est avec l'appui de l'Action
française qu'en novembre 1917
Georges
Clemenceau est nommé à la tête du gouvernement en dépit de la
réticence de Maurras pour ce jacobin anticlérical qui a refusé
l'offre de paix séparée proposée par l'impératrice Zita ;
néanmoins, Clemenceau cherche l'appui moral de l'Action française
via l'entremise du député royaliste Jules Delahaye
82.
L'entre-deux-guerres (1918-1939)
Le renforcement du prestige de Maurras
Charles Maurras durant les années 1920.
La Grande Guerre est pour Charles
Maurras une période de développement de l'audience de son journal
et de sa pensée. En 1917, le journal voit son nombre d'abonnés
augmenter de 7 500. Le journal comptait 1 500 lecteurs en
1908, 22 000 en 1912, 30 000 en 1913, et tire à
156 000 exemplaires en 1918
83.
Les souscriptions augmentent également, ce qui permet en 1917 à
L'Action française de quitter son local de la
Chaussée
d'Antin dans lequel elle avait emménagé en 1908 pour la
rue
de Rome. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, Charles
Maurras et son mouvement bénéficient d'un grand prestige dans une
partie de l'opinion publique, bien au-delà de son courant politique
y compris dans l’élite politique républicain.
D'après
Bainville,
dans les milieux républicains et radicaux, on dit alors que Maurras,
en restaurant la grande discussion politique en France a rendu un
immense service à la République elle-même en l'obligeant à faire
son examen de conscience
84.
Poincaré se justifie de sa politique auprès en écrivant à Maurras
et le félicite de délicieuse préface de
Trois aspects du
président Wilson, « elle aussi chargée de pensée et
illuminée de raison française
85. »
Le 1
er mars 1925, élu « Prince des écrivains »
par les membres de « La plume », succédant ainsi à
Anatole France
86.
Cette popularité de l'Action française
au lendemain de la Grande Guerre se traduit par l'élection de Léon
Daudet comme député de Paris à la
Chambre
bleu horizon ou par la publication par Henri Massis dans
Le
Figaro du 19 juillet 1919 d'un manifeste «
Pour
un parti de l'intelligence » signé par cinquante-quatre
personnalités dont Daniel Halévy, Francis Jammes, Jacques
Maritain
87.
Cependant, un grand nombre des espoirs militants et dirigeants de
l'Action française sont tombés et Maurras leur rendra hommage dans
Tombeaux en 1921 : Henry Cellerier,
André
du Fresnois,
Pierre
Gilbert,
Léon
de Montesquiou,
Lionel
des Rieux,
Jean-Marc
Bernard, Albert Bertrand-Mistral, vingt-et-un rédacteurs de la
Revue critique comme
Joachim
Gasquet,
Octave
de Barral, Henry Lagrange,
Augustin
Cochin.
L'assassinat
de
Marius
Plateau en 1923, celui d'
Ernest
Berger en 1925 et d'autres attentats commis contre l'Action
française contribuent aussi à créer un élan de solidarité autour
de Charles Maurras
88,
dont témoignent les paroles de Jacques Maritain : « L'idée
des dangers que vous courez, rend encore plus cher au cœur de tous
ceux qui aiment la France et l'intelligence
89. »
Critique
de la paix de Versailles
Les
Camelots
du Roi au Palais : Charles Maurras (à gauche) et
Maxime
Real del Sarte en 1923.
Pour Maurras, la république répare mal
la guerre, ne peut la gagner qu'en renonçant à elle-même et assure
mal la paix ; reprenant la formule de l'historien socialiste
Alphonse
Aulard, la guerre a été gagnée par des procédés de dictature
monarchique qui ont permis de rattraper les erreurs de l'avant-guerre
mais au prix de la mort d'un million cinq cent mille Français, trois
fois plus qu'annoncé dans
Kiel et Tanger90.
En
1918,
Maurras réclame donc une paix française qui serve le mieux les
intérêts de la nation : la division de l'
Allemagne,
l'annexion du Landau et de la
Sarre,
un protectorat français sur la
Rhénanie.
L'Action française se prononce contre l'application sans
discernement du
droit
des peuples à disposer d'eux-mêmes. S'il salue la visite de
Wilson au Pape, ses «
quatorze
points » le scandalisent par leur naïveté utopique car
« nulle revanche du droit n'est sérieuse sans un équilibre du
fait
91 ».
Là où les politiques parlent de droit, de morale, de générosité,
l'école de l'Action française réaffirme la nécessité du réalisme
pour parvenir aux équilibres internationaux.
Maurras affirme que si on ne démembre pas l'Allemagne, celle-ci
réclamera le couloir de Danzig ; il prétend que la crainte du
bolchevisme
n'est pas une raison suffisante pour permettre à l'Allemagne de se
réorganiser. Maurras est favorable aux indemnités de guerre qui
permettent de remettre la France à flot tout en affaiblissant
l'Allemagne. En effet, selon l'analyse de
Jacques
Bainville, l'Allemagne et la Russie soviétique sont les ennemis
de la France, et son seul allié possible est l'Italie. La paix doit
affaiblir l'
Allemagne
au point de permettre à la
France
de s'appuyer sur des troupes régulières accomplissant un temps de
service long et de ne plus recourir à la conscription. L'immédiat
après-guerre est marqué par des appels renouvelés à la vigilance
face à l'Allemagne.
Le 6 février 1934 et ses conséquences
Lors de la
crise
du 6 février 1934, Maurras se trouve
rue
du Boccador avec
Marie
de Roux : pour lui la manifestation contre la corruption du
régime, dont deux morts sur trois seront royalistes, ne peut
déboucher sur le coup de force car les nationalistes non royalistes
ne suivraient pas l'Action française et le préalable au
renversement du régime est absent : l’armée, la police,
l’administration n’ont pas été infiltrées, ce qui aurait
nécessité des mois de préparation et un personnel spécifique dont
l’Action française était dépourvue ; de plus, la
perspective d'une guerre civile lui répugne
92.
Après le 6 février 1934, si
L'Action française gagne dix mille abonnés de plus
92,
Maurras perd le magistère de la rébellion contre le régime auprès
de certains des militants qui la quittent alors comme Pierre de
Bénouville,
Jacques
Renouvin, Michel de Camaret. Le « comte de Paris »
est également déçu et le 6 février le déterminera à
s'émanciper.
De plus, si les années 1930 voient éclore une nouvelle
génération de nouveaux jeunes penseurs maurrassiens comme
Thierry
Maulnier,
Jean-Pierre
Maxence,
Jean
de Fabrègues, ceux-ci n’hésiteront pas à prendre du recul
par rapport au vieux maître, critiquant notamment son nationalisme
— vu par eux comme étroit — et son évolution
conservatrice – qu’ils estiment inadaptée aux nouveaux enjeux
sociaux. L'échec du 6 février les confortera dans cette prise de
distance.
Emprisonnement
Le 13 février 1936,
Léon
Blum,
Georges
Monnet et son épouse Germaine Monnet passent en automobile à
proximité du cortège qui assiste aux funérailles de l'historien
Jacques
Bainville, boulevard Saint-Germain, à Paris. Reconnu, le
dirigeant de la
SFIO,
alors âgé de 63 ans, est violemment attaqué : roué de coups,
il saigne abondamment en raison d'une blessure à la veine temporale.
L'enquête montrera que « la plupart des agresseurs portaient
des brassards et insignes d'Action française », et le chapeau
de Blum sera retrouvé dans les locaux du mouvement royaliste. Léon
Andurand, Édouard Aragon, architecte de 50 ans, et Louis Courtois,
38 ans, employé dans une compagnie d’assurances, sont condamnés à
des peines de 15 jours à trois mois de prison en avril 1936 par le
Tribunal correctionnel de Paris
93,
94,
95.
Les historiens Louis Bodin et
Jean
Touchard observent que «
L'Action
française ne revendique pas ce coup d'éclat ; au
contraire, le récit qu'elle en fait [le 14 février 1936] inverse
singulièrement les rôles » en attribuant « toute la
responsabilité de l'incident » à un Blum soi-disant
provocateur et insolent, et le beau rôle aux
ligueurs
et
camelots
du roi qui auraient protégé le député socialiste de « la
fureur du public
96,
97. »
Le 16 février, le quotidien royaliste affiche en
une :
« Arrêtez les assassins du Front populaire
98 ! »,
ce qui conduit
Le
Canard enchaîné à publier le 19 février cette manchette
ironique : « L'odieux attentat de M. Léon Blum contre M.
Charles Maurras a piteusement échoué
97. »
L'historien
Frédéric
Monier relève également que des « journaux d'extrême
droite évoquent « l'incident Blum » et cherchent à en
minorer la violence, voire à en justifier l'éclatement. (…)
L'inversion de la culpabilité se retrouve dans plusieurs journaux de
droite, qui rejettent la faute de l'agression sur les victimes
99. »
Aux yeux des contemporains, la tentative de
lynchage
commise contre Léon Blum le 13 février 1936 représente
l'aboutissement des campagnes violentes menées par le journal
L'Action française, et en particulier l'appel au meurtre du
député
socialiste, formulé préalablement par Maurras le 9 avril 1935 :
« C'est un monstre de la République démocratique. C’est un
hircocerf de la dialectique heimatlos. Détritus humain à traiter
comme tel… L'heure est assez tragique pour comporter la réunion
d'une cour martiale qui ne pourrait fléchir. M. Reibel demande la
peine de mort contre les espions. Est-elle imméritée pour les
traîtres ? Vous me direz qu'un traître doit être de notre
pays : M. Blum en est-il ? Il suffit qu'il ait usurpé
notre nationalité pour la décomposer et la démembrer. Cet acte de
volonté, pire qu'un acte de naissance aggrave son cas. C’est un
homme à fusiller, mais dans le dos
100,
101,
102. »
Ce « cycle de violences initié par l'extrême droite
103 »
avait suscité en réaction une menace de mort lancée, dans
Le
Populaire du 1
er novembre 1935, par
Anatole
Sixte-Quenin (sous le pseudonyme de « Jarjaille »
104)
contre
Henri
Béraud et Maurras lui-même
105,
n
6. Malgré les brutalités subies par Léon Blum le 13 février
1936, « les désirs de vengeance ou de réplique violente »
n'en demeurent pas moins « très minoritaires du côté des
organisations d'autodéfense socialiste », souligne Frédéric
Monier
109.
Carte postale éditée par la « Propagande nationale »
en soutien à Maurras incarcéré à la prison de la Santé.
L'agression de février 1936 pousse le gouvernement intérimaire,
dirigé par le
radical
Albert
Sarraut, à dissoudre la Ligue d’Action française, les
camelots et la Fédération nationale des étudiants d'Action
française. Fulminant dans ses articles contre ces mesures et les
députés favorables aux sanctions contre l’Italie risquant de
pousser celle-ci à une alliance avec l'Allemagne aux conséquences
qu'il prévoit désastreuses pour la France, Maurras est condamné à
quatre mois de prison ferme. Le 15 mai 1936, le chef de l'Action
française réitère ses menaces de mort contre Léon Blum :
« C'est en tant que Juif qu'il faut voir, concevoir, entendre,
combattre et
abattre le Blum. Ce dernier verbe paraîtra un
peu fort de café : je me hâte d'ajouter qu'il ne faudra
abattre physiquement Blum que le jour où sa politique nous
aura amené la guerre impie qu'il rêve contre nos compagnons d'armes
italiens. Ce jour-là, il est vrai, il ne faudra pas le manquer. (…)
Si, par chance, un État régulier a pu être substitué au
démocratique Couteau de cuisine, il conviendra que M. Blum soit
guillotiné dans le rite des parricides : un voile noir tendu
sur ses traits de chameau
110,
103. »
Le
18
février
1936 une instruction
judiciaire est ouverte contre lui pour provocation directe au
meurtre. Il est condamné le
21
mars 1936
à huit mois de prison et emprisonné à la
prison
de la Santé du 20 octobre 1936 au 6 juillet 1937
111.
Il reçoit de très nombreux témoignages de soutien, dont celui du
pape
Pie XI et de
mère
Agnès, sœur aînée de sainte
Thérèse
de Lisieux et supérieure du Carmel
112 ;
de cent députés et sénateurs alsaciens signeront une
protestation
113.
Le 8 juillet 1937, entre quarante à soixante mille personnes,
viennent rendre hommage à Maurras à l’occasion de sa libération
au
Vélodrome
d'Hiver en présence de la maréchale Joffre
114.
Pendant sa captivité, Charles Maurras
écrit chaque jour son article politique pour
l’Action française
ainsi que plusieurs ouvrages :
Les Vergers sur la mer,
Dans Arles aux temps des fées,
Devant l’Allemagne
éternelle,
la Dentelle du rempart et
Mes idées
politiquesn
7.
Entrée à l'Académie française
Réception de Charles Maurras à l'
Académie
française le 8 juin 1939.
Entretemps, Maurras a été élu à
l’Académie française au fauteuil de l’avocat Henri-Robert.
Après un premier échec en 1923 contre
Charles
Jonnart, il est élu à l’
Académie
française le
9
juin 1938
au
fauteuil
16, succédant à
Henri-Robert,
par 20 voix contre 12 à
Fernand
Gregh ; il fut reçu le 8 juin de l’année suivante par
Henry
Bordeaux115,
mais le président
Albert
Lebrun refuse de le recevoir comme le voulait l'usage.
Face à l'hitlérisme
Affiche de l'Action française associant le
régime
républicain au danger représenté par Hitler.
Dès
1922, Maurras a
des informations précises sur
Hitler
en provenance d'un agent secret à
Munich
par le président Raymond Poincaré
116.
Dès lors, s'il dénonce le
pangermanisme
de la classe politique allemande de la
république
de Weimar, comme celui de
Stresemann
favorable à l'
Anschluss117,
il attire régulièrement l'attention de ses lecteurs sur les dangers
propres du national-socialisme : ainsi, en
1924,
il dénonce la déroute des
Wittelsbach
au profit du « racisme antisémite » du NSDAP et le
« rapide accroissement du bloc dit raciste sorti de terre en
quelques mois et fondé ou échafaudé sur de vieilles imaginations
périmées avec sa philosophie abracadabrante de la Race et du
Sang
118. »
Le général
Adolphe
Guillaumat avec le drapeau français, devant la porte du
Deutschhaus,
le 30 juin 1930.
En
1930, Maurras
dénonce l’
abandon
de Mayence par l’armée française et titre « Le crime
contre la Patrie » là où
Léon
Blum écrit « la paix est faite
119 ».
La même année,
L’Action française publie une série
d'articles sur le parti national-socialiste allemand, présenté
comme « un des plus grands dangers pour la France
120 »,
alors que le 1
er janvier 1933,
Le Populaire annonce
sa prochaine disparition
121.
L'obsession de la menace hitlérienne se traduit par l'ouverture du
journal à des officiers d’État-major signant parfois sous
pseudonyme : comme chroniqueurs militaires, ils suivront
l’évolution du budget militaire allemand avec une inquiétude
croissante jusqu’au désastre
122.
En
1932, le général
Weygand,
proche de l'
Action
française, dénonce dans ses rapports secrets la politique de
désarmement menée par la gauche : « L’armée française
est descendue au plus bas niveau que permette la sécurité de la
France
123 »
mais son légalisme l'empêche d'exprimer publiquement sa proximité
avec Maurras
124.
En
1933, Maurras
écrit : « Quoi que fassent ces barbares, il suffit
d’appartenir au monde officiel, au monde de la gauche française,
pour incliner à leur offrir de l’encens, le pain, le sel et la
génuflexion
125. »
Maurras voit dans l’arrivée d’Hitler au pouvoir la confirmation
de ses pronostics
126
et dénonce le prohitlérisme : « Le halo du prohitlérisme
joue autour de ces brigandages, les défend et les auréole, ce qui
permet aux forces de Hitler un rapide, puissant et formidable
accroissement continu. Nous aurons laissé dépouiller et envahir nos
amis
127. »
En
1934, après la
nuit
des Longs Couteaux, il dénonce l’« abattoir hitlérien »
et félicite la presse britannique énergique dans sa condamnation et
annonce le
Pacte
germano-soviétique : « Je le répète : il n’y
a pas de plus grand danger que l’hitlérisme et le soviétisme. À
égalité ! Et ces égaux-là sont faits pour s’entendre. La
carte le confirme. L’avenir le vérifiera
128. »
Pour Maurras, il n’y a pas de ménagement possible avec Hitler :
l’invasion progressive du centre et de l’est européen entraînera
celui de la Belgique et donc la soumission de la France à un géant
écrasant le continent de sa puissance. Selon Stéphane Giocanti,
Maurras, Bainville et Daudet rivalisent de démonstrations et
d’accents polémiques pour que la France s'arme suffisamment pour
se défendre et éventuellement attaquer préventivement
129.
La menace allemande constitue le fil rouge de ses préoccupations :
dans ses écrits, les débats intérieurs lui sont subordonnés :
la politique étrangère qu’il défend consiste à ménager les
puissances secondaires d’Europe, celles que menacent l’URSS et le
Reich allemand : Pologne, Hongrie, Tchécoslovaquie. Il exalte
l’union des pays latins France, Italie, Espagne, Roumanie avec la
Grande-Bretagne,
la
Hongrie, la
Pologne130.
En
1936, Maurras
écrit la préface de l'ouvrage contre le nazisme de la comtesse
Joachim de Dreux-Brézé, qui sera sa maîtresse
131 ;
il y déplore l'assassinat de
Dollfuss
par les nationaux-socialistes
132.
Par contre, le 15 mars 1936, il écrit dans
L'Action française,
alors que le Troisième Reich réoccupe la
Rhénanie :
« S’attaquer à Hitler, ce serait une croisade juive
133. »
En
1937, il
publie
Devant l’Allemagne éternelle, sous-titré
« Chronique d’une résistance » ; il rassemble
quarante ans d’écrits sur l’
Allemagne,
le
pangermanisme
et l’influence allemande en
France.
Maurras essaie de détourner
Mussolini
de l'alliance avec Hitler : la « supériorité génétique »
qu’invoque l’hitlérisme se formule « par rapport à ce que
l’on appelle les races latines et (comme il n’y a pas de race
latine) sur ce qu’il faut appeler l’esprit latin. Mussolini doit
savoir cela aussi bien que nous, il l’oublie, il veut l’oublier.
Mais l’oubli se paie cher
130. »
Pour Maurras, le tort italien est déterminé par la conduite de
Londres et Paris, qui par leurs sanctions contre l’Italie ont
poussé cette dernière à fauter
134 ;
pour Maurras, le Front populaire, en plaçant l’antifascisme avant
la politique équilibre, contribue à renforcer l’Allemagne et à
préparer des lendemains douloureux au pays : il attaque
violemment
Léon
Blum et ceux qui ont mené des campagnes de désarmement lorsque
la France était plus puissante que l’Allemagne et veulent
désormais engager une guerre incertaine pour des raisons
idéologiques alors que la France n’a plus les moyens de la
victoire
130,
n
8. En
1938, il
défend les
accords
de Munich (29 et 30 septembre 1938), convaincu qu'ils
n'empêcheront pas la guerre mais qu'ils la retarderont et que la
France aura comblé son retard militaire face à l'Allemagne.
Pourtant le 27 septembre 1938,
L'Action française titre « À
BAS LA GUERRE ! » Le 29 septembre, elle titre :
« HONNEUR À CHAMBERLAIN » et publie cette parodie de
L'Internationale :
- « S'ils s'obstinent, ces cannibales,
-
À faire de nous des héros,
-
Il faut que nos premières balles
-
Soient pour Mandel, Blum et
Reynaud135 ! »
Selon François Huguenin, Maurras n’est pas devenu favorable à un
rapprochement avec l’
Allemagne,
mais il estime que la France n’est pas prête militairement et
court à la défaite ; il accepte les accords comme une défaite
sanctionnant les erreurs de la politique étrangère de la
République, tout en appelant au réarmement
136.
Il s'agit d'éviter de déclencher prématurément une guerre pour
des raisons de doctrine et de préparer la France à l'affronter avec
de vraies chances de succès : cette position se veut le
contraire d'une position germanophile, il s'agit d'appliquer le
si
vis pacem, para bellum136,
de ne pas lâcher la
Pologne
mais de sauver d'abord la France pour sauver l'avenir polonais
137.
Toutefois,
L'Action française donne des raisons plus
idéologiques à ce refus : « La paix ! La paix !
Les Français ne veulent se battre, ni pour les Juifs, ni pour les
Russes, ni pour les francs-maçons de Prague. » (28 septembre
1938)
138.
Deux jours plus tôt, le même journal écrivait : « L’affaire
tchécoslovaque ne nous regarde en rien, ne nous intéresse en
rien
139. »
En
1939, Maurras
titre « La mort d’un peuple » quand les Allemands
envahissent la
Tchécoslovaquie
dont il a admiré la renaissance littéraire et se lamente que l'on
n'ait pas écouté vingt ans de mises en garde
140.
Il ne veut pas la guerre car il croit que la France a toutes les
chances de la perdre, comme l'écrit le colonel Gauché du Deuxième
Bureau : « Jamais, à aucune période de son histoire, la
France ne s'est engagée dans une guerre dans des conditions aussi
défavorables
141. »
Mais il affirme que si elle advient, elle devra être menée avec
détermination
142.
Inquiet, il prend diverses initiatives pour renforcer les chances de
la France :
-
il
lance une campagne de souscription en faveur de l’aviation
militaire : vingt quotidiens parisiens, cinquante journaux de
province le rejoignent mais Daladier s’y oppose
143 ;
-
il écrit à
Franco
afin de le convaincre de détourner l’
Italie
de l’alliance avec l’
Allemagne.
Maurras a salué la victoire militaire du dictateur Franco, selon
lui gage de sécurité contre le communisme et les persécutions
contre les catholiques et dont il pense qu’elle ne peut être que
l’ennemie de l’Allemagne
144,
n
9. L'obsession allemande a d'ailleurs influé sur la position de
Maurras quant à la guerre civile espagnole : il a soutenu les
insurgés mais, à l'arrivée du Front populaire, il défend une
neutralité de principe pour éviter une entrée en guerre
officielle de l'Allemagne aux côtés de
Franco,
qui satelliserait l'Espagne et ruinerait la politique
méditerranéenne de la France
146.
La victoire acquise et ce danger écarté, le pari stratégique de
Maurras sera confirmé dans les faits :
Franco
refusera la possibilité à
Hitler
de traverser le territoire espagnol pour envahir l'
Afrique
du Nord, ce qui aura un impact important sur l'issue de la
guerre
136 ;
-
en liaison avec des intellectuels britanniques, il prône l’alliance
avec l’Angleterre jusqu’à l’extrême limite du
possible
147,
148,
n
10 ;
-
il soutient le gouvernement républicain d'Édouard
Daladier dans sa volonté d'interdire le parti communiste, dont
quelques militants ont participé à des opérations de sabotage de
l'effort de guerre.
Article détaillé :
Parti
communiste français pendant la drôle de guerre#Opposition à
l'effort de guerre français.
En
1940,
un message en caractères énormes ouvre le journal : « Le
chien enragé de l’Europe, les hordes allemandes envahissent la
Hollande, la
Belgique, le
Luxembourg. »
Maurras écrit : « Nous avons devant nous une horde
bestiale et, menant cette horde, l’individu qui en est la plus
complète expression. Nous avons affaire à ce que l’
Allemagne
a de plus sauvagement barbare, c’est-à-dire une cupidité sans
mesure et des ambitions que rien ne peut modérer. […] Nul avenir
ne nous est permis que dans le bonheur des armes
149. »
La Seconde Guerre mondiale (1939-1945)
Dès que la
guerre est déclarée, le 3 septembre
1939,
Charles Maurras reprend les accents bellicistes de l’
Union
sacrée. Jusqu’aux derniers combats de juin 1940, il apporte un
soutien sans faille à l’effort de guerre, mais il approuve
l’armistice comme la majorité des Français. Maurras est regardé
comme un adversaire par les autorités d'occupation qui font piller
par la
Gestapo
les bureaux de l'Action française et placent certains livres de
Maurras sur la
liste
Otto des livres interdits (du fait de leur caractère
anti-allemand) ; en 1943, le haut responsable des forces
d'occupation en France, le conseiller Schleier, place Maurras parmi
les personnes à arrêter en cas de débarquement
150,
151.
En mai de la même année, en dépit de
sa franche hostilité à
Pierre
Laval, il reçoit des mains de Pétain la
Francisque
n
o 2068
152.
Nature et formes du soutien au maréchal Pétain
La victoire allemande sur la France
désespère Maurras et il dira au moment de l'arrivée de soldats
allemands en Provence voir réalisé le « cauchemar de son
existence
153 ».
La raison principale de ce soutien serait la recherche de l'unité
française comme condition du redressement et donc de la revanche
contre l'Allemagne, indépendamment de toute considération
idéologique
[réf. nécessaire].
Maurras affirme lui-même que le soutien au gouvernement Pétain est
de même nature que celui apporté aux gouvernements républicains de
la
Première
guerre mondiale ; à
Pierre
Gaxotte, il déclare
154 :
« Je soutiens Pétain comme j’ai soutenu tous les
gouvernements pendant la guerre de 1914-1918 » ; ce
soutien procède de la volonté de sauver l'unité française coûte
que coûte car elle est la « condition de l'Espérance
155 ».
À
Pierre
Boutang, il affirme que l'unité française est « un outil
de revanche
156 ».
Pour Maurras, le vainqueur de
Verdun
ne peut que défendre les intérêts du peuple français et toute
dissidence affaiblit la France et compromet son rétablissement. Le
soutien à Pétain est en 1940 très répandu : il était
notamment estimé sous le Front populaire, par exemple par
Pierre
Cot157,
à cause de sa réputation de soldat républicain, contrairement à
Weygand ou
Lyautey,
jugés monarchistes
154.
Dans cette optique, le soutien à
Vichy
ne serait donc pas originellement un choix idéologique, ni tactique,
mais une donnée, posée au-dessus de toute référence, par
l'exigence de l'unité du pays
158.
Ce soutien se veut de même nature que celui que Maurras a apporté à
la
Troisième
République pendant la
Première
Guerre mondiale contre les monarchies traditionnelles allemande
et autrichienne, il s'agit de faire le choix de l'Union sacrée qui
passe par le soutien à l'État
159.
Dans les deux cas, c'est le souci de l'unité française qui prime
mais, autant après 1918, ce soutien au gouvernement français aura
été profitable au prestige et l'influence de l'Action française,
autant après 1945, il aura des conséquences désastreuses sur
l'aura de Maurras
160,
« en ruinant le crédit d'un demi-siècle d'aventure
intellectuelle, en occultant tout un mouvement varié de pensée que
l'on ne peut réduire par amalgame au régime de Vichy
161 ».
L'historien
Jacques
Prévotat analyse que Maurras, sous l'
Occupation,
« s'enferme dans un schématisme abstrait, détaché du réel
concret, mais dont l'orientation, systématiquement favorable au
régime
de Vichy et hostile à la cause
alliée,
tourne à une complicité de fait avec l'occupant. Les contemporains
ne sont pas dupes. De Londres, où il écrit dans
La France libre,
Raymond Aron
porte, six mois à peine après l'installation du nouveau régime,
cette appréciation sur le chef de l'Action française : « M.
Maurras, promu doctrinaire officiel du nouveau régime, n'en écrit
pas plus aujourd'hui sur la III
e République qu'il n'en
écrivait depuis trente ans. La seule différence est qu'il est
désormais gouvernemental et conformiste, qu'il trouve une sorte de
jouissance morose dans les malheurs qui accablent notre patrie, parce
qu'ils ont liquidé le régime détesté et permis cette « merveille
d'État national » que le maréchal Pétain est en train de
construire (15 décembre 1940). » »
162
Pour Maurras, la France demeure et n'a besoin ni de l'Angleterre,
ni de l'Allemagne pour être ; ceux qui le croient et rejoignent
ce qu'il appelle le « clan des yes » et le « clan
de ja », deviennent des agents de l'étranger : ce thème
est celui de la France seule. À l'été 1940, malgré les conseils
de
Pierre
Gaxotte, Maurras fait reparaître
L'Action
française à Lyon, avec en tête le slogan « La France
seule ».
Maurras apprécie également l'idée d'une remise en cause des idées
démocratiques et la défaite « a eu le bon résultat de nous
débarrasser de nos démocrates
163 ».
En effet, pour Maurras, l'invasion et l'occupation du territoire
français sont le résultat de l'application de la politique
révolutionnaire et de la rupture avec la sagesse de la politique
étrangère de l'Ancien Régime, en 1940 comme en 1814, 1815, 1870.
Maurras a d'ailleurs déclaré au préfet de la Vienne : « Que
voulez-vous, monsieur le Préfet, soixante-dix ans de démocratie, ça
se paie ! » La « divine surprise » n'est pas
la victoire de l'Allemagne comme certains ont cherché à le faire
croire à la
Libération164
mais l'accession au pouvoir du
Maréchal
Pétain et le sabordage de la République par le vote majoritaire
des Parlementaires républicains eux-mêmes
165,
166.
En effet, sur certains plans, des convergences peuvent être
détectées entre les thèmes de la Révolution nationale et ceux de
l'Action française. En septembre 1940, lorsque le
maréchal
Pétain lui demande sa conception de la Révolution nationale, il
répond « un bon corps d'officiers et un bon clergé »
167,
une position qu'il appelle : « défendre l'héritage en
l'absence d'héritier »
168.
Il parle d'une « divine surprise »
169
à propos de l'accession au pouvoir du Maréchal Pétain
170.
Il soutient le
régime
de Vichy, non la politique de
collaboration171
car il est un nationaliste profondément
germanophobe
mais certains aspects du discours de la
Révolution
nationale172.
Il félicite successivement le régime de Vichy pour la
loi
portant statut des Juifs et pour l'abolition du
décret
Crémieux (9 octobre 1940) qui avait accordé la nationalité
française aux Juifs algériens
173.
Mais ce soutien va surtout à la personne du Maréchal Pétain et non
à tous les dirigeants ou toute la politique de Vichy : Maurras
fête le renvoi de
Laval
dans les locaux de
L'Action française160.
Maurras cherche à user de son influence auprès des dirigeants de
Vichy comme il le fit auprès de
Raymond
Poincaré pour contrer les mesures qui lui semblaient mauvaises.
Au cours des mois de juillet et août 1940, il joue de ses relations
auprès du maréchal Pétain qu’il rencontre le 27 juillet pour
faire échec au projet de parti unique lancé par
Marcel
Déat. Il écrit que de toute évidence, Marcel Déat est égaré
par l’exemple de l’Allemagne et de l’Italie
174.
À un journaliste japonais, Marcel Déat confiera qu’il s’est
heurté par-dessus tout dans son projet d'État totalitaire et de
nouvel ordre européen à la résistance de l’Action française
175.
Maurras s'oppose à toute orientation germanophile ; il voit
dans les partisans de la collaboration les continuateurs de Jaurès
et Briand et note comme l’un des hauts responsables nazis en
France, Schleier, que « la grande majorité des partisans de la
politique de collaboration vient de la gauche française : Déat,
Doriot, Pucheu, Marion, Laval, une grande partie de l’ancien
personnel briandiste
176. »
La question de l'influence de la pensée de Maurras sur l'idéologie
et la politique de Vichy est débattue par l'historiographie :
pour Loubet del Bayle, Vichy se situe à l'intersection des idées du
technocratisme planiste, d'Action française, du catholicisme social,
du personnalisme
177.
L'influence propre de l'Action française est difficile à identifier
et isoler ; certains nient l'influence de la pensée de Maurras
comme
Limore
Yagil ; d'autres, comme
François
Huguenin, voient dans Vichy l'héritière de l'esprit des années
1930 et d'abord de ses rejets, rejets dont certains se retrouvent
aussi dans la Résistance : antiparlementarisme,
anticapitalisme, anti-individualisme, anticommunisme
178.
Simon Epstein
rappelle que Vichy n'attend pas longtemps pour se délester d'une
bonne partie de ses maurrassiens
179 :
dès 1941,
Raphaël
Alibert, ministre de la Justice,
Paul
Baudouin, ministre des Affaires étrangères en 1941,
Georges
Groussard, ancien cagoulard qui commande les groupes de
protection de Vichy et qui procéda à l'arrestation de Laval trop
favorable à l'Allemagne et s'orienta vers la Résistance, quittent
Vichy. Ceux qui ne sont pas partis quitteront le gouvernement lors du
retour de Laval en 1942 :
Pierre
Caziot,
Serge
Huard,
Yves
Bouthillier,
René
Gillouin,
Henry
du Moulin de Labarthète,
Xavier
Vallat, c'est-à-dire avant l'entrée des partisans d'une franche
collaboration avec l'Allemagne nationale-socialiste. Ces maurrassiens
étaient mal vus des amis de
Pierre
Laval qui les accusent d'avoir favorisé son renvoi, des
Allemands qui n'apprécient pas leur hostilité à la collaboration,
des collaborationnistes qui les accusent d'être réactionnaires à
l'intérieur et germanophobes à l'extérieur
180.
Les Dreyfusards collaborateurs tels
Armand
Charpentier et
René
de la Marmande attaquèrent régulièrement ses positions
181.
Les pacifistes des années 1920 reprochaient à Maurras d'être
hostile au rapprochement franco-allemand. Devenus collaborateurs,
certains de ces pacifistes témoigneront de ténacité idéologique
et constance argumentaire, puisqu'ils lui feront le même reproche
sous l'Occupation
182.
Après la
Seconde
Guerre mondiale, Charles Maurras nie avoir exercé une influence
sur
Philippe
Pétain : après avoir rappelé qu'ils se voyaient à peine
avant 1939, il proteste contre « la fable intéressée qui fait
de moi une espèce d'inspirateur ou d'Éminence grise du Maréchal.
Sa doctrine est sa doctrine. Elle reste républicaine. La mienne est
restée royaliste. Elles ont des contacts parce qu'elles tendent à
réformer les mêmes situations vicieuses et à remédier aux mêmes
faiblesses de l'État. […] L'identité des problèmes ainsi posée
rend compte de la parenté des solutions. L'épouvantable détresse
des temps ne pouvait étouffer l'espérance que me donnait le
remplacement du pouvoir civil impersonnel et irresponsable, par un
pouvoir personnel, nominatif, unitaire et militaire
183,
n
11 ».
Division
des partisans de Maurras
Pendant
l'
Occupation,
les membres et anciens proches de l'Action française se divisèrent
en trois groupes opposés : celui des maurrassiens orthodoxes,
anti-allemands mais soutenant le
régime
de Vichy conduit par le maréchal Pétain, celui des
collaborationnistes
et ouvertement pro-nazis, tels
Robert
Brasillach,
Charles
Lesca,
Louis
Darquier de Pellepoix ou
Joseph
Darnand, et celui des résistants contre les occupants allemands,
tels
Honoré
d'Estienne d'Orves,
Michel
de Camaret,
Henri
d'Astier de La Vigerie,
Gilbert
Renault,
Pierre
de Bénouville,
Daniel
Cordier ou
Jacques
Renouvin184,
185.
Il n'y a pas de statistiques sur la répartition de ces trois groupes
mais, à l'époque, l'idée que les dirigeants suivent Maurras dans
son soutien à Pétain mais qu'une majorité des sympathisants
maurrassiens soutient la Résistance contre l'avis de Maurras est
répandue
186.
Pierre
Mendès France soutiendra cette position
187 :
« L’Action française, sous l’influence directe de Maurras,
suit Vichy, mais là encore, la principale partie des troupes a
abandonné les chefs. Comme la plupart des anciens
Croix-de-Feu,
les militants de l’Action française, surtout les éléments
jeunes, sont aujourd’hui antiallemands et absolument hostiles à la
soumission à l’occupant ». Le
colonel
Rémy dira que sa décision de résister résulta de son
imprégnation de la pensée de Maurras : « Le réflexe qui
m'a fait partir pour l'Angleterre le 18 juin 1940 trouvait son
origine dans l'enseignement que, depuis vingt ans, je recevais
quotidiennement sous sa signature
188 ».
Si des maurrassiens résistants affirment parfois comme le colonel
Rémy que leur engagement dans la résistance résulte d'une
application de la pensée de Maurras, certains de ceux qui ont
rejoint le
collaborationnisme
disent qu'ils ont rompu avec l'essence de sa pensée. C'est le cas de
Lucien Rebatet
qui se déchaînera contre Maurras dans de nombreux écrits ou de
Robert
Brasillach que Maurras refusera de revoir.
[réf. nécessaire]
La diversité des parcours posés entre
1940 et 1945 relève parfois du tempérament, voire du hasard des
événements : la grille idéologique ne permet souvent pas
d'expliquer seule tant de prises de positions différentes, ni
d'analyser des choix
189.
Hostilité envers les ultras de la Collaboration
L'écrivain
Jean
Grenier note au sujet de l'
agence
de presse Inter-France que Charles Maurras est tout à fait
opposé au groupe de journalistes « qui a fondé l'agence de
presse Inter-France germanophile »
190.
L'anglophobie de Maurras ne compensait pas aux yeux des Allemands sa
germanophobie virulente, ce qui lui valut en
1942
d'être mis au rang des incorrigibles ennemis de l'Allemagne aux
côtés de Massis, Claudel et Mauriac par le docteur Payr, dirigeant
de l'
Amt Schrifttum, dépendant de l'Office Rosenberg, quand
il rend compte de la littérature française
191.
Le conseiller Schleier dénonce dans une note au ministre
Ribbentrop
son « comportement fondamental d'antiallemand
192 ».
Maurras rompt avec Brasillach, en
1941,
quand celui-ci envisage de refaire paraître
Je suis partout à
Paris : « Je ne reverrai jamais les gens qui admettent de
faire des tractations avec les Allemands
160. »
Les collaborationnistes
Marcel
Déat,
Robert
Brasillach,
Lucien
Rebatet se déchaîneront en attaques contre Maurras ;
Rebatet écrit que « Maurras est de tous les Français celui
qui détestait le plus profondément l'
Allemagne »,
s'insurge contre les propos de Maurras qui qualifie le Führer de
« possédé », condamne la « germanophobie aveugle
et maniaque » de
L'Action française193.
Le collaborationniste
Pierre-Antoine
Cousteau dira après la guerre : « Maurras m’inspirait
une horreur sacrée, uniquement parce qu’il faisait de la pérennité
des guerres franco-allemandes la base de son système et que j’étais
déjà convaincu (c’est le seul point sur lequel je n’ai jamais
varié) que l’Europe ne serait jamais viable sans entente
franco-allemande, que c’était le premier de tous les problèmes,
le seul vraiment important, celui dont dépendait la guerre et la
paix, la vie et la mort
194. »
Dénonciation de la Résistance
Maurras se proclame « antigaulliste »
et qualifie les résistants de « terroristes », appelant
à la répression la plus violente contre eux : il exige « des
otages et des exécutions », il recommande « la mise à
mort des gaullistes faits prisonniers », sans autre forme de
procès, il déclare que si « la peine de mort n'était pas
suffisante pour mettre un terme aux activités des gaullistes, il
fallait se saisir des membres de leur famille comme otages et
exécuter ceux-ci »
195.
Maurras
écrit en 1944 que « si les Anglo-Américains devaient gagner,
cela signifierait le retour des francs-maçons, des Juifs et de tout
le personnel politique éliminé en 1940 », et que soutenir les
Alliés
serait prendre parti « du mauvais côté »
196.
Dans une lettre à
Jean
Arfel en 1948, Maurras affirme qu'il y avait une part de feinte
destinée à tromper les Allemands dans son hostilité aux gaullistes
et aux maquisards et le souci d'éviter une guerre civile en France :
« Mon escrime quotidienne contre les collaborationnistes et
philoboches était toujours accompagnée, comme sa feinte
protectrice, d'une pointe contre le Gaullisme et les maquisards,
feinte qui a toujours trompé les Allemands à leur grand détriment
[…]. Je voulais tout tenter, à tout prix, pour épargner à la
France le malheur de redevenir un champ de bataille et pour obtenir
qu'elle fût libérée autrement [que par la guerre sur le territoire
national]
197. »
Yves
Chiron et
François
Huguenin affirment que le jeu de la censure allemande fait qu'il
est imprudent d'interpréter la pensée de Maurras et d'avoir une
idée juste de ses réactions en se référant à ses écrits pendant
la guerre
198,
199.
La Libération (1944)
Maurras durant son procès en 1945.
En 1944,
Charles Maurras maintient sa méfiance pour la France libre qu'il
pense manipulée par Moscou
203.
Le débarquement de Normandie le déconcerte à cause de la
destruction des villes françaises par des bombardements massifs ;
en revanche, celui de Provence le réjouit car il obéit à une
progression inoffensive pour les populations
204.
Après le débarquement, il préconise de ne rien faire pour aggraver
les maux publics, car il craint plus que tout la guerre civile :
cette position attentiste est scandaleuse, selon les
collaborationnistes
205,
mais elle ne satisfait pas non plus les résistants ; Maurras ne
veut rien faire pour empêcher que la libération puisse se faire et
laisser au Maréchal Pétain la possibilité de négocier avec les
libérateurs, illusion qu’il partage avec l’
amiral
Auphan en tractation secrète avec les Américains
206.
Maurras exulte lorsqu’il apprend la libération de Paris ; le
3 septembre 1944, il arrose l’événement chez son ami Henri
Rambaud, ivre de joie et de vin ; mais les communistes saccagent
ses bureaux le 6 septembre et le 9 septembre, il est arrêté à
l'instigation d'
Yves
Farge, lui-même proche du parti : il faudra deux mois pour
que Maurras prenne connaissance de son inculpation pour
« intelligences avec l’ennemi » et son procès
commencera le 24 janvier 1945
207,
208,
209.
Pendant son procès, au cours duquel
sera mise en avant sa critique de la résistance gaulliste et
communiste, Charles Maurras met en avant son
antigermanisme.
Des résistants comme
Georges
Gaudy ou le capitaine Darcel témoignent en sa faveur
n
12.
Maurras durant son procès.
Concernant l'antisémitisme
n
13, il affirme qu'il ignorait qu'en février 1944, « désigner
un Juif à l'attention publique, c'était le désigner lui ou sa
famille aux représailles de l'occupant, à la spoliation et aux
camps de concentration, peut-être à la torture ou à la mort
216 ».
Il dira également que ses invectives étaient des menaces et ne
résultaient pas d'une volonté de nuire physiquement
217,
n
14.
Or
Laurent
Joly rappelle que Maurras porte de manière certaine la
« responsabilité indirecte, morale » du meurtre de
Pierre Worms commis par la
Milice
le 6 février 1944, quatre jours après la publication de l'article
antisémite « Menaces juives » dans
L'Action
française du 2 février
219.
Alors que la
Milice
perpétrait ses exactions dans une France
occupée
et ayant basculé dans la guerre civile, le chef de l'Action
française réclamait la loi du talion et dénonçait, « de
manière contournée mais néanmoins précise », le jeune
résistant juif
Roger
Worms et sa famille
220.
Le
28
janvier
1945221,
la cour de justice de Lyon déclare Charles Maurras coupable de
haute
trahison et d'
intelligence
avec l'ennemi et le condamne à la réclusion criminelle à
perpétuité et à la
dégradation
nationale.
Maurras commenta sa condamnation par une exclamation célèbre :
« C'est la revanche de
Dreyfus ! »
184
Selon l'historien américain
Eugen
Weber, le procès qui dura seulement trois jours fut un procès
politique : les jurés ont été choisis sur une liste établie
par des ennemis politiques de Maurras, les vices de forme et les
trucages ont été nombreux, le motif choisi est le plus infamant et
le plus contradictoire avec le sens de sa vie. Pour ses partisans, le
régime condamne celui qui n'a cessé de le mettre en face de ses
responsabilités et lui fait payer le prix de ses propres
erreurs
222,
223.
De sa
condamnation
(article 21 de l'
ordonnance
du 26 décembre 1944), découle son exclusion
n
15 automatique de l'Académie française
221,
224
(l'ordonnance prévoit l'exclusion de l'
Institut).
Conformément à la loi
221,
l'Académie déclare vacant le siège de Maurras lors de la séance
du 1
er février 1945
221,
224
mais, selon la décision du secrétaire perpétuel
Georges
Duhamel, ne procède pas au vote de radiation
221.
L’Académie décida de ne procéder à l'élection du remplaçant
de Maurras qu'après son décès, ce qui ne sera pas le cas pour les
académiciens collaborationnistes comme
Abel
Bonnard et
Abel
Hermant, remplacés de leur vivant
221,
224,
n
16.
L'après-Seconde Guerre mondiale (1945-1952)
Tête de Charles Maurras dans son jardin de
Martigues,
22, chemin du Paradis,
Bouches-du-Rhône,
Provence.
Entre 1945 et 1952, Charles Maurras publia quelques-uns de ses textes
les plus importants
225.
Bien qu'affaibli, il collabore sous le pseudonyme d'« Octave
Martin » à
Aspects
de la France, journal fondé par des maurrassiens en 1947, à
la suite de l'interdiction de
l'Action française. Il dénonce
l'épuration et s'en prend particulièrement à
François
de Menthon, pour avoir été le ministre de la Justice du
Gouvernement
provisoire de la République française226.
Il fait 7 mois à
Riom1,
condamné à la
dégradation
civique et à la prison
227.
Ses dernières années, passées en grande partie à la
prison
de Clairvaux, furent aussi l'occasion d'une introspection sur la
question de la Résistance ou du traitement infligé aux Juifs
pendant la guerre. Ainsi, en
1948,
il fait part de son admiration pour l'épopée Leclerc et pour les
« belles pages » du maquis et reconnaît une erreur dont
il a conscience et tente d'excuser : il n'a pas su distinguer
dans l'ensemble de la Résistance et son incapacité à voir clair
découlerait alors de l'obsession de la mort de la France, crispation
défensive qui lui fit ignorer les perspectives — minces au
début, puis plus larges — d'une victoire possible
228.
Tout en continuant d'affirmer la nécessité d'un antisémitisme
d'État du fait que les Juifs posséderaient une nationalité propre
qu'il reconnaît glorieuse, mais différente de la française
229,
il s'oppose à
Maurice
Bardèche sur le drame de la déportation : « Français
ou non, bons ou mauvais habitants de la France, les Juifs déportés
par l'Allemagne étaient pourtant sujets ou hôtes de l'État
français, et l'Allemagne ne pouvait pas toucher à eux sans nous
toucher ; la fierté, la justice, la souveraineté de la France
devaient étendre sur eux une main protectrice »
230,
231.
Le 10 août
1951,
Charles Maurras est transféré à l’hôtel-Dieu de
Troyes.
Il publie peu après plusieurs ouvrages :
Jarres de Biot
— où il redit sa fidélité au fédéralisme, revendiquant
même la qualité de « plus ancien fédéraliste de France » —,
À mes vieux oliviers et
Tragi-comédie de ma surdité.
Le 21 mars
1952232,
bénéficiant d'une grâce médicale
233
accordée par le président de la République
Vincent
Auriol232,
grâce réclamée maintes fois par l'écrivain
Henry
Bordeaux, auprès du président, par divers courriers, Charles
Maurras est transféré à la clinique Saint-Grégoire
3
de
Saint-Symphorien-lès-Tours2.
Quelques mois avant sa mort, Maurras écrivait qu’il « n’avait
pas fait un pas dans la direction des choses éternelles » ;
les théologiens qui l’entouraient ne cessaient d’espérer un
signe de
conversion,
mais Maurras était las de cet empressement et « souhaitait
qu’on mît fin à cette volonté obstinée de « donner à
boire à un âne qui n’a plus soif » »
234.
Cependant, il meurt le 16 novembre 1952
1,
après avoir reçu les
derniers
sacrements et plusieurs témoins ont attesté de la profondeur de
sa conversion à l'article de la mort
235,
236,
237.
Idées politiques
Article détaillé :
Nationalisme
intégral.
La
principale originalité de Maurras réside dans le fait qu’il a
réalisé avec toutes les apparences de la rigueur la plus absolue,
l’amalgame de deux tendances jusqu’alors bien distinctes :
le traditionalisme contre-révolutionnaire et le
nationalisme238.
Ses travaux ont particulièrement marqué la droite française,
incluant l'extrême droite, succès dû au fait qu'il parvint à
théoriser un très grand nombre des idées politiques défendues par
les différentes familles politiques de droite en une seule et unique
doctrine cohérente en apparence. Trois autres raisons sont mises en
avant pour expliquer le rayonnement du nationalisme intégral
239 :
-
Le
nationalisme
intégral se revendique comme un ensemble cohérent ;
d'après l'historien
Alain-Gérard
Slama, l'efficacité de Maurras tiendrait dans le rassemblement
intellectuellement ordonné d'idées provenant de divers courants de
droite alors que les familles politiques de droite étaient
jusqu'alors caractérisées par leur seule opposition à la gauche ;
-
Le nationalisme intégral est défendu par des revues se
voulant de qualité sur le plan intellectuel ; la qualité
littéraire de L'Action française, son intérêt apporté au
cinéma, la densité, la liberté de ton et de goût de ses pages
critiques, la confiance faite à de très jeunes gens comme Boutang,
Maulnier, Brasillach contribuent au succès d'un quotidien dont
Marcel Proust
disait en 1920 qu’il lui était impossible d’en lire un
autre[réf. nécessaire].
La politique
naturelle
Charles Maurras est le fondateur du nationalisme positiviste. Au
sentimentalisme barrésien s'oppose le
positivisme
maurrassien. Maurras considère la politique comme une science. Sa
« politique naturelle » se veut une politique
scientifique, fondée sur le réel, objectivement observable et
descriptible, c'est-à-dire une politique fondée sur la
biologie
et sur l'
histoire.
Pour Maurras comme pour tous les théoriciens de la
Contre-Révolution,
Burke,
Maistre,
Hippolyte
Taine, la nature se confond avec l'histoire. Lorsqu'il écrit que
les sociétés sont « des faits de nature et de nécessité »,
il veut dire qu'il faut se conformer aux leçons de l'histoire :
« Notre maîtresse en politique c'est l'expérience. »
De telles affirmations ne sont pas neuves mais ce qui distingue
Maurras de Maistre et des théocrates sur ce plan, c'est le recours à
la biologie ; ici se manifeste l'influence du
comtisme
et du
darwinisme.
Un des développements de
Mes idées politiques est intitulé
« De la biologie à la politique ». Si Maurras préconise
le recours à la monarchie, ce n'est nullement parce qu'il croit au
« droit divin des rois ». Il ne prend pas en compte cet
argument théologique et prétend ne recourir qu'à des arguments
scientifiques : la biologie moderne a découvert la
sélection
naturelle, c'est donc que la démocratie égalitaire est
condamnée par la science ; les théories transformistes mettent
au premier plan le principe de continuité : quel régime mieux
que la monarchie peut incarner la continuité nationale ?
Pour
Maurras, l'État est menacé de perdre l'indépendance de son pouvoir
de décision et de son arbitrage ; il lui manque d'être
ab-solutus, sans lien de dépendance avec des partis qui
tendent à compromettre le service qu'il doit rendre à l'ensemble de
la nation et non à l'une ou l'autre de ses composantes
240.
Sa conception du bien commun et de la raison d'État doit aussi à
une certaine lecture de saint Thomas d'Aquin et de l'encyclique
diuturnum que ses maîtres d'Aix avaient publié dans
La
Semaine religieuse et ainsi commentée : « une société
ne peut exister ni être conçue sans qu'il y ait quelqu'un pour
modérer les volontés de chacun de façon à ramener la pluralité à
une sorte d'unité, et pour leur donner l'impulsion, selon le droit
et l'ordre, vers le bien commun
241 ».
D'où la position centrale du
nationalisme
intégral dans ses idées politiques. Celles-ci sont les bases de
son soutien tant au
royalisme
français qu'à l'
Église
catholique et au
Vatican.
Cependant, il n'avait aucune loyauté personnelle envers la maison
d'Orléans, et était un
agnostique
convaincu, jusqu'au retour au
catholicisme
à la fin de sa vie
235,
237,
236.
L'empirisme organisateur
Article détaillé :
Empirisme
organisateur.
Inégalité, justice et démocratie
Dans l'avant-propos de son ouvrage
Mes idées politiques,
Charles Maurras entend définir le domaine au sein duquel la notion
de justice a un sens car pour lui de nombreuses erreurs politiques
procèdent d'une extension abusive de ce domaine : « L'erreur
est de parler justice qui est vertu ou discipline des volontés, à
propos de ces arrangements qui sont supérieurs (ou inférieurs) à
toute convention volontaire des hommes. Quand le portefaix de la
chanson marseillaise se plaint de n'être pas sorti des braies d'un
négociant ou d'un baron, sur qui va peser son reproche ? À qui
peut aller son grief ? Dieu est trop haut, et la Nature
indifférente. Le même garçon aurait raison de se plaindre de
n'avoir pas reçu le dû de son travail ou de subir quelque loi qui
l'en dépouille ou qui l'empêche de le gagner. Telle est la zone où
ce grand nom de justice a un sens. »
Pour Maurras, l'inégalité peut être bienfaisante en ce qu'elle
permet une répartition protectrice des rôles et il doit s'agir pour
l'État non soumis à la démagogie de les organiser au bénéfice de
tous ; il est vain de vouloir supprimer les inégalités, cela
est même dangereux du fait des effets secondaires pires que le mal
que l'on prétend résoudre : « Les iniquités à
poursuivre, à châtier, à réprimer, sont fabriquées par la main
de l'homme, et c'est sur elles que s'exerce le rôle normal d'un État
politique dans une société qu'il veut juste. Et, bien qu'il ait,
certes, lui, État, à observer les devoirs de la justice dans
l'exercice de chacune de ses fonctions, ce n'est point par justice,
mais en raison d'autres obligations qu'il doit viser, dans la faible
mesure de ses pouvoirs, à modérer et à régler le jeu des forces
individuelles ou collectives qui lui sont confiées. Mais il ne peut
gérer l'intérêt public qu'à la condition d'utiliser avec une
passion lucide les ressorts variés de la nature sociale, tels qu'ils
sont, tels qu'ils jouent, tels qu'ils rendent service. L'État doit
se garder de prétendre à la tâche impossible de les réviser et de
les changer ; c'est un mauvais prétexte que la « justice
sociale » : elle est le petit nom de l'égalité. L'État
politique doit éviter de s'attaquer aux infrastructures de l'état
social qu'il ne peut pas atteindre et qu'il n'atteindra pas, mais
contre lesquelles ses entreprises imbéciles peuvent causer de
généreuses blessures à ses sujets et à lui-même. Les griefs
imaginaires élevés, au nom de l'égalité, contre une Nature des
choses parfaitement irresponsable ont l'effet régulier de faire
perdre de vue les torts, réels ceux-là, de responsables criminels :
pillards, escrocs et flibustiers, qui sont les profiteurs de toutes
les révolutions. […] Quant aux biens imaginaires attendus de
l'Égalité, ils feront souffrir tout le monde. La démocratie, en
les promettant, ne parvient qu'à priver injustement le corps social
des biens réels qui sortiraient, je ne dis pas du libre jeu, mais du
bon usage des inégalités naturelles pour le profit et pour le
progrès de chacun. »
Maurras voit
dans la république démocratique un régime démesuré où la
démagogie égalitaire inspirée par une fausse conception de la
justice fragilise les murailles de la cité et finit par emporter les
degrés de la civilisation
242.
Dans la démocratie, Maurras discerne un régime entropique
d’élimination de la
polis à laquelle se substitue une
société amorphe d'individus égaux et épars, point sur lequel il
rejoint
Tocqueville.
« Prise en fait la démocratie c'est le mal, la démocratie
c'est la mort. Le gouvernement du nombre tend à la désorganisation
du pays. Il détruit par nécessité tout ce qui le tempère, tout ce
qui diffère de soi : religion, famille, tradition, classes,
organisation de tout genre. Toute démocratie isole et étiole
l'individu, développe l’État au-delà de la sphère qui est
propre à l’État. Mais dans la Sphère où l’État devrait être
roi, elle lui enlève le ressort, l'énergie, même l’existence.
[…] Nous n'avons plus d’État, nous n'avons que des
administrations
243. »
Maurras ne
rejette pas le suffrage universel, il invite ses lecteurs à ne pas
être des émigrés de l'intérieur et à jouer le rôle des
institutions et du suffrage universel qu’il s’agit non de
supprimer mais de le rendre exact et utile en en changeant la
compétence : ne pas diriger la nation mais la représenter.
Abolir la République au sommet de l’État et l’établir où elle
n’est pas, dans les états professionnels, municipaux et
régionaux
244.
Maurras demande à ses lecteurs de jouer au maximum le jeu des
institutions, il faut voter à toutes les élections : le mot
d'ordre est celui du moindre mal
245.
Le
nationalisme maurrassien
Le nationalisme maurrassien se veut contre-révolutionnaire,
rationnel, réaliste, germanophobe, non ethniciste et conforme à la
conception française de la nation.
Le nationalisme de Charles Maurras,
contrairement à celui de
Péguy
qui assume l'ensemble de la tradition française, ou à celui de
Barrès
qui ne récuse pas l'héritage de la Révolution, rejette l'héritage
de 1789. Son
nationalisme
intégral rejetait tout principe démocratique qu'il jugeait
contraire à l’« inégalité protectrice », et
critiquait les conséquences de la
Révolution
française : il prônait le retour à une
monarchie
traditionnelle, héréditaire, antiparlementaire et décentralisée.
Le nationalisme de Maurras se veut intégral en ce que la monarchie
fait partie selon lui de l'essence de la nation et de la tradition
françaises. Maurras rejette le nationalisme de
Paul
Déroulède et son égalitarisme mystique, ancré sur les images
de l'
An II et
1848
246.
Le royalisme est le nationalisme intégral car sans roi, tout ce que
veulent conserver les nationalistes s'affaiblira d'abord et périra
ensuite.
En contraste également avec
Maurice
Barrès, théoricien d'une sorte de nationalisme romantique basé
sur l'
ego, Maurras
prétendait baser sa conception du nationalisme sur la
raison
plus que sur les sentiments, sur la loyauté et sur la foi. Mais
Maurras exaltera la pensée de
Maurice
Barrès en ce que celle-ci est le fruit d'une évolution
profonde ; partant des doutes et des confusions du moi, elle
prit peu à peu conscience de la nation, de la tradition et de la
sociabilité, qui la déterminent et l'élèvent : le culte du
moi aboutit à une piété du nous
247.
La nation est pour Maurras une réalité
avant d'être une idée ; il s'agit de dissocier le mot nation
de son acception révolutionnaire : « L'idée de nation
n'est pas une nuée ; elle est la représentation en termes
abstrait d'une forte réalité. La nation est le plus vaste des
cercles communautaires qui soient (au temporel) solides et complets.
Brisez-le et vous dénudez l'individu. Il perdra toute sa défense,
tous ses appuis tous ses concours
248. »
Le nationalisme de Charles Maurras est fondamentalement
germanophobe ; Maurras, comme Fustel de Coulanges, était très
hostile à l'idée de l'origine franque de la noblesse française et
à la tendance à écrire l'histoire de France selon la méthode
allemande
249.
La méfiance à l'égard de l'Allemagne se traduit par une vigilance
sur la politique de ce pays ;
Walter
Benjamin note à cet égard que « l’orientation de
l’Action française lui semble finalement la seule qui permette
sans s’abêtir, de scruter les détails de la politique
allemande »
250.
Cette hostilité à l'Allemagne
induit une méfiance à l'égard de tout ce qui peut détourner la
France de la Revanche ; en particulier, Maurras est opposé aux
conquêtes coloniales de la Troisième République ; le
nationalisme maurrassien n'est pas impérialiste et Maurras se
décrira à Barrès, comme un « vieil adversaire de la
politique coloniale
71. »
Par ailleurs, le nationalisme maurrassien n'est pas antibritannique ;
Maurras s'inquiète ainsi de l'antibritannisme qui pourrait détourner
de la Revanche
71.
Maurras admire l'élan vital de l'
Angleterre
qui concilie sagement le cosmopolitisme et le « mieux défendu
des nationalismes ». Il rappelle son goût ancien et très vif
pour
Shakespeare
qu'en
1890, il avait
nommé un « grand Italien », tant son œuvre est selon
lui mue par la tradition latine et par Machiavel. Le peuple anglais
lui apporte une image de ce que les Français ne sont plus, fiers
dans leur roi d'être ce qu'ils sont
251 :
« C'est qu'en Angleterre les choses sont à leur place
252. »
La
théorie nationale de Maurras rejette le messianisme et l'ethnicisme
que l'on retrouve chez les nationalistes allemands héritiers de
Fichte
71.
La nation qu'il décrit correspond à l'acception politique et
historique de
Renan
dans
Qu'est-ce qu'une nation ?, aux hiérarchies vivantes
que
Taine
décrit dans
Les Origines de la France contemporaine, aux
amitiés décrites par Bossuet
253.
Le nationalisme maurrassien se veut un
réalisme opposé aux « idéalismes naïfs » et « utopies
internationalistes » qui par leur irréalisme sont des
pourvoyeurs de cimetières
254.
Le nationalisme d'Action française est
à la fois militariste, c'est-à-dire pour le renforcement permanent
de l'armée afin que dans l'éventualité d'une guerre, la nation
soit victorieuse et souffre le moins possible, mais pacifiste,
c'est-à-dire qu'économe du sang français, elle ne prône la guerre
que si la France est en position de l'emporter et pour éviter un
péril grave pour elle. L'Action française ne sera pas favorable au
déclenchement des hostilités, ni en 1914, ni en 1939, la France
n'étant pas prête pour gagner selon elle ; en revanche, elle
prônera une intervention militaire en 1936 contre l'Allemagne afin
d'empêcher qu'elle ne devienne dangereuse et conquérante. Pour
l'Action française, ce ne sont pas les nationalismes qui sont
fauteurs de guerre mais les impérialismes
255.
Le
royalisme maurrassien
Maurras
entend dépasser le nationalisme, doctrine rendue nécessaire par les
temps, en l'ouvrant à ce qui théoriquement ne procède pas d'un
parti, à ce qui seul peut décrire l'unité politique d'une nation,
au-dessus des opinions : le principe royal. On ne restaure la
monarchie non pour elle-même mais pour ce qu'elle peut apporter à
la nation
256.
La conclusion de Maurras est le
nationalisme
intégral, c’est-à-dire la
monarchie :
sans la monarchie, la nation périra. Le fameux « politique
d’abord » ne signifie pas que l’économie a moins
d’importance que la politique, mais qu’il faut commencer par
réformer les institutions : « Ne pas se tromper sur le
sens de « politique d’abord ». L’économie est plus
importante que la politique. Elle doit donc venir après la
politique, comme la fin vient après le moyen. » La monarchie
selon Maurras est traditionnelle, héréditaire,
antiparlementaire
et
décentralisée.
À propos de ces quatre critères, les maurrassiens parlent de
« quadrilatère »
257.
-
Les
deux caractères, traditionnelle et héréditaire, résultent
immédiatement de la « politique naturelle ».
« Tradition veut dire transmission », transmission d’un
héritage. Maurras parle du « devoir d’héritier »
ainsi que du « devoir de léguer et de tester ». Il
souligne les bienfaits de l’institution parentale : « Les
seuls gouvernements qui vivent longuement, écrit-il dans la préface
de
Mes idées politiques, les seuls qui soient prospères,
sont, toujours et partout, publiquement fondés sur la forte
prépondérance déférée à l’institution parentale. » Il
est partisan d’une noblesse héréditaire, il conseille aux fils
de diplomates d’être diplomate, aux fils de commerçants d’être
commerçant, etc. La mobilité sociale lui paraît provoquer une
déperdition du « rendement humain », expression dont il
se sert dans
L’Enquête sur la Monarchie. Pour Maurras, le
gouvernement légitime, le bon gouvernement c’est celui qui fait
ce qu’il a à faire, celui qui fait le bien, celui qui réussit
l’œuvre du bien public. Sa légitimité se vérifie à son
utilité. Or, le souci vigilant de l’intérêt public est selon
lui cruellement dispersé dans la démocratie alors qu'en monarchie
il est rassemblé dans la personne du souverain : « Ce
que le prince aura de cœur et d’âme, ce qu’aura d’esprit,
grand, petit ou moyen, offrira un point de concentration à la
conscience publique : le mélange d’égoïsme innocent et
d’altruisme spontané inhérent aux réactions d’une conscience
de roi, ce que Bossuet nomme son patriotisme inné, se confondra
psychologiquement avec l’exercice moral de des devoirs d’État :
le possesseur de la couronne héréditaire en est aussi le serf, il
y est attaché comme à une glèbe sublime qu’il lui faut labourer
pour vivre et pour durer
258. »
La nation a intérêt à être dirigé par un dirigeant dont les
intérêts coïncident avec les siens et dont l'égoïsme privé
devient une vertu publique. L'égoïsme des politiciens tend à
s'identifier avec celui des partis, celui du Roi tend à
s'identifier avec celui de la Patrie.
-
La
doctrine de Maurras est antidémocratique et antiparlementaire. Sur
ce thème, il affirme que l'histoire prouve qu’une république
fondée sur les aléas de la démocratie parlementaire est incapable
d’avoir une politique étrangère cohérente dans la durée ou du
moins d’avoir les moyens de sa politique : les intérêts à
court terme des partis passent avant les intérêts à long terme de
la patrie. Il s’en prend au respect du nombre et au mythe de
l’
égalité
devant la loi (l’inégalité est pour lui naturelle et
bienfaisante), au principe de l’
élection
(contrairement à ce que croient les démocrates, « le
suffrage universel est conservateur »), au culte de
l’
individualisme.
Il dénonce le « panjurisme » démocratique, qui ne
tient aucun compte des réalités. Il attaque avec une particulière
violence les instituteurs, les Juifs, les démocrates chrétiens. Il
affirme qu’il n’y a pas un Progrès mais des progrès, pas une
Liberté mais des libertés : « Qu’est-ce donc qu’une
liberté ? - Un pouvoir. » D’autre part Maurras déteste
le « règne de l’argent », non pas les financiers et
les capitalistes en tant que tels, mais l'influence illégitime
qu'ils peuvent chercher à exercer sur l'État. Il souligne les
liens entre
démocratie
et
capitalisme ;
son traditionalisme est opposé au pouvoir exclusif de la
bourgeoisie ; sur ce point, il est d’accord avec Péguy
259
et sa doctrine est en harmonie avec les sentiments des hobereaux
plus ou moins ruinés qui constituaient souvent les cadres locaux de
L’Action
française.
-
Maurras est un adversaire de la centralisation
napoléonienne. Il estime en effet que cette centralisation, qui a
pour conséquence l’étatisme
et la bureaucratie
(rejoignant ainsi les idées de Proudhon), est inhérente au régime
démocratique. Il affirme que les républiques
ne durent que par la centralisation, seules les monarchies étant
assez fortes pour décentraliser.
Maurras dénonce l'utilisation insidieuse du mot décentralisation
par l'État, qui lui permet de déconcentrer son pouvoir tout en se
donnant un prestige de liberté : à quoi bon créer des
universités en province si l'État central les commande
entièrement260.
Comme Maurice Barrès, Charles Maurras exalte la vie locale comme la
condition même du fait politique et du civisme, annihilée ou
atrophiée par la centralisation : c'est par le biais
décentralisateur et fédéraliste, par la défense des traditions
locales que doit s'effectuer le passage d'un nationalisme jacobin,
égalitaire et étatiste, à un nationalisme historique et
patrimonial appuyé sur les diversités de la nation française,
hostile à l'emprise de l'État central : « Il n'est
guère enviable d'être mené comme un troupeau, à coup de
règlements généraux, de circulaires contradictoires, ni d'être
une organisation toute militaire261. »
Pour Maurras, il faut refonder l'État, un État véritable :
« l'État redevenu la Fédération des régions autonomes, la
région, la province redevenues une Fédération de communes ;
et le commune, enfin, premier centre et berceau de la vie sociale ».
Pour Maurras, il ne s'agit pas de faire revivre les anciennes
provinces de l'Ancien Régime car leur découpage a varié d'un
siècle par l'effet des traités, des donations, des mariages, des
coutumes du droit féodal à l'autre mais de réfléchir au projet
de création régions épousant les désirs de la nature, ses vœux,
ses tendances262.
Décentralisation territoriale sans doute, mais aussi et surtout
décentralisation professionnelle, c’est-à-dire corporatisme :
il faut redonner une vie nouvelle aux corps de métier, à toutes
ces communautés naturelles dont l’ensemble forme une nation.
Charles Maurras est hostile à
l'influence politique sur le royalisme du
romantisme
dans lequel il voit une manifestation d'un esprit incompatible avec
le génie gréco-latin, avec l'esprit d'ordre et de clarté qui doit
selon lui animer l'esprit français. Il s'en prend en particulier à
Chateaubriand
dont la pensée ne constitue pas pour les royalistes français un
appui solide ; il ne méconnaît pas le génie littéraire de
l'homme mais il perçoit que Chateaubriand n'aime la monarchie qu'au
passé : « Chateaubriand n'a jamais cherché dans la mort
et dans le passé, le transmissible, le fécond, le traditionnel,
l'éternel : mais le passé, comme passé, et la mort, comme
mort, furent ses uniques plaisirs. » Il a habitué ses lecteurs
à l'idée que la monarchie aussi belle qu'elle soit, n'était au
fond qu'un beau souvenir, sans voir ce qu'elle pourrait apporter dans
le futur
263.
Critique de la Révolution française et de ses sources
Charles Maurras était hanté par l'idée de «
décadence »,
partiellement inspirée par ses lectures d'
Hippolyte
Taine et d'
Ernest
Renan. Comme ces derniers, il pensait ainsi que la décadence de
la France trouvait son origine dans la Révolution de 1789 ; la
Révolution française, écrivait-il dans
L’Observateur,
était objectivement négative et destructive par les massacres, les
guerres, la terreur, l'instabilité politique, le désordre
international, la destruction du patrimoine artistique et culturel
dont elle fut la cause.
L'origine de la Révolution se trouve selon lui dans les
Lumières
et à la
Réforme ;
il décrivait la source du mal comme étant « des idées
suisses », une référence à la nation adoptive de
Calvin
et la patrie de
Jean-Jacques
Rousseau. Ce dernier incarnait la rupture avec le
classicisme
que Maurras considérait comme l'expression du génie grec et latin,
ce qui se ressent nettement dans ses recueils de poèmes, notamment
La
Musique intérieure et
La
Balance intérieure. La critique du protestantisme est thème
récurrent de ses écrits : ainsi quand il définit la notion de
Civilisation et son principe dans ses
Œuvres capitales,
il affirme que la Réforme a eu pour effet le recul de la
Civilisation
264.
Il ajoutait que « la Révolution
n'était que l'œuvre
de la Réforme » en ce que l'« esprit protestant »
symbolise selon lui l'individualisme exacerbé, destructeur du lien
social et politique, tel qu'
Auguste
Comte le décrit et le condamne
265.
Il y aura toutefois une composante protestante à l'Action française
dont Jacques Delebecque et Henri Boegner sont les plus connus
265.
Maurras tempèrera son antiprotestantisme par la suite et se livrera
à la mort du géographe protestant
Onésime
Reclus à son panégyrique, regrettant sa rencontre manquée avec
lui
266.
Pour Maurras, la Révolution française
avait contribué à instaurer le règne de l'étranger et de
l'«
Anti-France »,
qu'il définissait comme « les quatre États confédérés des
Protestants, Juifs,
Francs-maçons,
et
métèques »
267.
En effet, pour lui, Protestants, Juifs et Francs-maçons étaient
comme des « étrangers internes » dont les intérêts en
tant que communautés influentes ne coïncidaient pas avec ceux de la
France.
La pensée de Maurras est également
caractérisée par un militantisme
antimaçonnique.
À propos de la
franc-maçonnerie,
il écrit dans son
Dictionnaire politique et critique :
« Si la franc-maçonnerie était jadis un esprit, d’ailleurs
absurde, une pensée, d’ailleurs erronée, une propagande,
d’ailleurs funeste, pour un corps d’idées désintéressées ;
n’est aujourd'hui plus animé ni soutenu que par la communauté des
ambitions grégaires et des appétits individuels. »
268
Maurras pensait ainsi que la Réforme,
les
Lumières, et la Révolution française ont eu pour effet
l'invasion de la
philosophie
individualiste dans la cité française
n
17 Les citoyens la composant se préoccupant, d'après Maurras,
avant tout de leur sort personnel avant de s'émouvoir de l'intérêt
commun, celui de la nation. Il croyait alors que cette préoccupation
individualiste et antinationale était la cause d'effets indésirables
sur la France ; la démocratie et le libéralisme ne faisant
qu'empirer les choses.
Différences avec les traditions orléaniste et légitimiste
Même si Maurras prônait un retour à
la monarchie, par bien des aspects son royalisme ne correspondait pas
à la tradition monarchiste française orléaniste, ou à la critique
de la Révolution de type légitimiste. Son antiparlementarisme
l'éloignait de l'
orléanisme
et son soutien à la monarchie et au catholicisme étaient
explicitement pragmatiques et non fondés sur une conception
providentialiste ou religieuse caractéristique du
légitimisme.
L'hostilité de Maurras à la Révolution se combinait avec une
admiration pour le philosophe positiviste
Auguste
Comte dans laquelle il trouvait une contre-balance à l'
idéalisme
allemand et qui l'éloignait de la tradition légitimiste. Du
comtisme, Maurras ne retient ni la théorie des trois âges, ni la
religion du Grand Être, ni la filiation avec l'athéisme
philosophique mais l'idée que l’Église catholique a joué un rôle
bénéfique pour la civilisation, la société et l'Homme
indépendamment de l'affirmation personnelle de foi
270.
Contrairement au royalisme légitimiste qui met en avant la
providence divine, Maurras se borne à vouloir chercher les lois de
l'évolution des sociétés et non ses causes premières qu'il ne
prétend pas identifier.
Certaines intuitions de Maurras à
propos du langage annoncent le
structuralisme
et se détachent de toute recherche métaphysique : « Ce
qui pense en nous, avant nous, c'est le langage humain, qui est, non
notre œuvre personnelle, mais l'œuvre de l'humanité, c'est aussi
la raison humaine, qui nous a précédés, qui nous entoure et nous
devance
271. »
D'autres influences incluant
Frédéric
Le Play lui permirent d'associer
rationalisme
et
empirisme,
pour aboutir au concept d'« empirisme organisateur »,
principe politique monarchique permettant de sauvegarder ce qu'il y a
de meilleur dans le passé
272.
Alors que les légitimistes rechignaient à s'engager vraiment
dans l'action politique, se retranchant dans un conservatisme
catholique intransigeant et une indifférence à l'égard du monde
moderne considéré comme mauvais du fait de sa contamination par
l'esprit révolutionnaire, Maurras était préparé à s'engager
entièrement dans l'action politique, par des manières autant
orthodoxes que non orthodoxes (les
Camelots
du roi de l'
Action
française étaient fréquemment impliqués dans des bagarres de
rue contre des opposants de gauche, tout comme les membres du
Sillon
de
Marc
Sangnier). Sa devise était « politique d'abord ».
Politique sociale
En
dépit de l'appui mesuré et prudent qu'il donna au
Cercle
Proudhon, cercle d'intellectuels lancé par de jeunes
monarchistes hostiles au capitalisme libéral et appelant à l’union
avec le courant syndicaliste révolutionnaire inspiré par
Georges
Sorel273
Charles Maurras défendit une politique sociale plus proche de celle
de
René
de La Tour du Pin ; Maurras ne fait pas comme
Georges
Sorel et
Édouard
Berth le procès systématique de la bourgeoisie où il voit un
appui possible
274.
À la
lutte
des classes, Maurras préfère opposer comme en
Angleterre,
une forme de solidarité nationale dont le roi peut constituer la
clef de voûte.
À l'opposé d'une politique de masse,
il aspire à l'épanouissement de corps intermédiaires librement
organisés et non étatiques, l'égoïsme de chacun tournant au
bénéfice de tous. Les thèmes sociaux que traite Charles Maurras
sont en concordance avec le catholicisme social et avec le magistère
de l’Église tout en relevant également d'une stratégie politique
pour arracher à la gauche son emprise sur la classe ouvrière
275.
Comme
l'Action française, le Cercle Proudhon est décentralisateur et
fédéraliste, et insiste sur le rôle de la raison et de
l'empirisme ; il se trouve loin de l'irrationalisme, du jeunisme
du populisme, de l'intégration des masses dans la vie nationale qui
caractériseront par exemple les ambitions du fascisme italien,
gonflé par les conséquences sociales de la guerre
274.
Charles Maurras veilla cependant à ce que le Cercle Proudhon ne soit
pas intégré à l'
Action
française : il rejetait en effet le juridisme
contractualiste de Proudhon, qui représente pour lui un point de
départ plutôt qu'une conclusion : « Je ne dirai jamais :
lisez Proudhon à qui a débuté par la doctrine réaliste et
traditionnelle, mais je n'hésiterai pas à donner ce conseil à
quiconque ayant connu les nuées de l'économie libérale ou
collectiviste, ayant posé en termes juridiques ou métaphysiques le
problème de la structure sociale, a besoin de retrouver les choses
vivantes sous les signes sophistiqués ou sophistiqueurs ! Il y
a dans Proudhon un fort goût des réalités qui peut éclairer bien
des hommes
276. »
Antisémitisme
Charles Maurras forge sa doctrine antisémite en s'inspirant
notamment des écrits de son « maître à penser »
René
de La Tour du Pin, l'un des chefs de la droite catholique. Dans
son « programme social » de 1889, La Tour du Pin envisage
de « dénationaliser » les juifs français, puis il
précise sa pensée en 1898, durant l'
affaire
Dreyfus : les juifs seraient mis sur le « même pied
que les indigènes de nos colonies » ; leur nouveau statut
de « sujets français », inférieur à celui des citoyens
de « souche française », leur garantirait la protection
des autorités tout en leur interdisant l'accès aux fonctions
publiques
277.
À son tour, Maurras va prôner pour les Juifs un statut personnel
les excluant des fonctions publiques
249.
Entre 1904 et 1906
278,
Charles Maurras élabore sa théorie des « quatre États
confédérés
n
18 » soi-disant constitutifs de « l'
anti-France278. »
Le théoricien du nationalisme intégral cible ainsi les juifs, la
franc-maçonnerie et les protestants, conformément à la théorie du
complot
judéo-maçonnique dont « il va élargir encore le champ »
en y ajoutant les «
métèques »,
explique
Pierre-André
Taguieff278.
Maurras accuse ces quatre « États confédérés » de
défendre leur intérêt et non celui de la nation, tout en
soumettant l'État à leur influence :
« Contre l'hérédité
de sang juif, il faut l'hérédité de naissance française, et
ramassée, concentrée, signifiée dans une race, la plus vieille, la
plus glorieuse et la plus active possible. […] Décentralisée
contre le métèque, antiparlementaire contre le maçon,
traditionnelle contre les influences protestantes, héréditaire
enfin contre la race juive, la monarchie se définit, on le voit
bien, par les besoins du pays. Nous nous sommes formés en carré
parce qu’on attaquait la patrie de quatre côtés279. »
Toutefois, Maurras priorise « la
formule antijuive », selon l'expression utilisée par
Maurice
Barrès dans un « article-programme » publié dans
Le
Figaro en février 1890
280.
Dans
L'Action française du 28 mars 1911, le chef de l'
Action
française admet que :
« Tout paraît
impossible, ou affreusement difficile, sans cette providence de
l'antisémitisme. Par elle tout s'arrange, s'aplanit et se
simplifie281. »
« C'était
là reconnaître le caractère instrumental de l'antisémitisme dans
la perspective de l'élaboration d'une identité française
substantielle, émondée de ses ennemis de l’intérieur (Juifs,
francs-maçons, protestants et « métèques ») »,
observe Taguieff
278.
Maurras affirme que dans un régime fédéraliste, la France peut
être une « fédération de peuples autonomes » dans le
cadre des provinces mais il ne peut en être de même pour les Juifs
qui n'auraient pas de sol à eux en France car ils en possèderaient
de droit un hors de France, en
Palestine282.
Maurras conçoit l'antisémitisme comme un instrument, un ressort
dialectique et insurrectionnel, une idée à la fois
contre-révolutionnaire et naturaliste
283,
un levier qui permettrait de mobiliser les énergies contre
l'installation de la démocratie libérale. Selon
François
Huguenin, Maurras partagerait cette vision avec des syndicalistes
révolutionnaires de l'extrême gauche engagés dans la lutte
insurrectionnelle
284,
285.
Rappelant que le discours antisémite n'est pas l'apanage des
courants de pensée réactionnaires ou nationalistes au moment de la
naissance de l'Action française, le même auteur affirme que
Jaurès
et
Clemenceau
ont contre les Juifs des formules que « jamais Maurras
n'osera
286. »
Huguenin soutient également qu'il n'y a pas chez Maurras, ni dans
l'ensemble de la rédaction de
L'Action française, une plus
grande hostilité à la communauté juive qu'aux protestants, et qui
sous-tendrait un racisme fondamental
287.
Or l'historien
Laurent
Joly objecte que François Huguenin et
Stéphane
Giocanti, « plus ou moins des admirateurs, des disciples de
Maurras », tentent de présenter ainsi « un Maurras
« light », aseptisé (…) [en] minor[ant] son
antisémitisme. Celui-ci est au fondement de l'Action française, née
en 1899, en pleine
affaire
Dreyfus. Maurras importe dans les milieux royalistes le
nationalisme antisémite qui s'est cristallisé autour de
Drumont.
Il incarne à cet égard une ligne dure, prônant la dénaturalisation
de tous les juifs français et le renvoi des étrangers. Or que nous
dit-on ? Que tout le monde était antisémite à l'époque…
Mais c'est faux ! L'antisémitisme de Maurras était perçu
comme transgressif, et d’une violence insupportable. Par deux fois,
il a été condamné pour incitation au meurtre contre des hommes
politiques juifs. Et il ne sera pas moins virulent sous l’Occupation,
ce qui est impardonnable
288. »
Laurent Joly précise également que « chez Charles Maurras, la
haine du Juif occupe une place prépondérante tant dans son univers
mental que dans la construction politique qu’il a élaborée. Et il
est exagéré de mettre, comme on le fait souvent, son antisémitisme
sur le même plan que ses sentiments à l’égard des protestants et
des francs-maçons, et de ne le considérer que comme une conséquence
de son idéologie antilibérale et monarchiste. Habituellement
virulent contre ses adversaires politiques, Maurras peut modérer son
point de vue vis-à-vis des protestants, comme les
Monod
par exemple. Il ne manifestera jamais la même clémence à l’égard
d’un Juif. Ce dernier peut rendre des services à la nation, il ne
sera jamais un vrai Français. » Laurent Joly s'appuie en
particulier sur deux citations de Maurras. L'une à propos des
protestants : « Nous n’attaquons pas les protestants ;
nous nous défendons contre eux, ce qui n’est pas la même chose.
Nous n’avons jamais demandé d’exclure les protestants de l’unité
française, nous ne leur avons jamais promis le statut des Juifs. »
L'autre à propos des francs-maçons et des protestants à la fois :
« Nous en avons à leur gouvernement et à leur tyrannie, non à
leur existence [contrairement aux Juifs]
289. »
S. Giocanti argue que Charles Maurras eut des propos positifs sur des
politiciens juifs comme
Benjamin
Disraeli56,
mais Disraeli s'était converti au christianisme.
Déclaration signée en 1936 par les adhérents à
la
Ligue
d'Action française. Ce serment revendique le nationalisme et
l'antisémitisme.
Lors de la création de la
Ligue
d'Action française au printemps 1905, « la lutte antijuive
est au cœur du combat contre la République. Jusque-là, l'
AF
était une association d'intellectuels qui se réunissaient au
café
de Flore et lançaient leurs mots d'ordre dans une revue
paraissant tous les quinze jours. Dorénavant, le mouvement dispose
de troupes préparées à l'agitation et au coup de poing. La
doctrine est fixée, la stratégie également : ces combats
prendront pour cible privilégiée les Juifs », souligne
Laurent Joly
290.
Ainsi, chaque ligueur de l'Action française doit prêter un serment
qui affirme notamment : « Seule, la Monarchie assure le
salut public et, répondant de l’ordre, prévient les maux publics
que l’antisémitisme et le nationalisme dénoncent
290. »
Bien que Maurras ne fasse pas de la
race « le facteur central de l'histoire et de la géopolitique
de l'Europe »,
Carole
Reynaud-Paligot note que les « représentations
essentialistes » imprègnent sa vision d'une « race
française » (qu'il dote de « fondements biologiques »),
de même que sa
germanophobie.
Le dirigeant de l'Action française déploie un argumentaire
consistant à dénier le caractère raciste de son « antisémitisme
d'État », qu'il prend soin de distinguer d'un « antisémitisme
de peau » qui relèverait soi-disant d'une « tradition de
brutalité » inhérente aux Allemands. Son antigermanisme
« renforc[e] sa volonté de se démarquer d'approches trop
biologisantes » : ainsi, lorsqu'il reprend dans son
Dictionnaire politique et critique le texte de son article
paru le 26 mai 1895 dans
La
Gazette de la France, il en supprime le passage « Et
moi aussi je suis raciste. ». Or
l'historienne
souligne que « Laurent Joly a pourtant montré que Maurras et
ses compagnons de l'Action française adhèrent pleinement à une
conception naturalisante de la judéité et qu'ils soutiennent que
l'hérédité raciale, en assurant la transmission des caractères
intellectuels et moraux, rend le Juif inassimilable. Cette
déclaration de Maurras au début de l'Occupation en témoigne :
« J'ai vu ce que devient un milieu juif, d'abord patriote et
même nationaliste, quand la passion de ses intérêts proprement
juifs y jaillit tout à coup : alors, à coup presque sûr, tout
change, tout se transforme, et les habitudes de cœur et d'esprit
acquises en une ou deux générations se trouvent bousculées par le
réveil des facteurs naturels beaucoup plus profonds, ceux qui
viennent de l'être juif »
291. »
Hommage rendu à
Édouard
Drumont dans l’
Almanach de l'Action française en 1918 :
« Tout le mouvement d'antisémitisme auquel l’
Action
française entre autres doit une partie de ses origines, est issu
de l'essor de Drumont. »
Par conséquent, en dépit des tentatives de Maurras visant à
distinguer son antisémitisme d'État de « l'antisémitisme de
peau », autrement dit l'antisémitisme biologique
n
19, cette différence demeure théorique, analyse
Ralph
Schor : « dans la pratique, le maître à penser de
l'Action française ne différait guère des autres antisémites
296. »
Le maurrassien Stéphane Giocanti soutient que cet antisémitisme se
veut moins grossier que d'autres : par sa condamnation des
théories pseudo-scientifiques et son rejet de la haine ordurière
que l'on trouve chez
Édouard
Drumont, il se présenterait comme une construction plus
rationnelle et apte à séduire un public bourgeois, sensible à la
bonne conscience
297.
Cependant, en 1907, l'Action française tente de racheter
La
Libre Parole, journal de Drumont, car le mouvement royaliste
« ambitionne de se poser en successeur légitime du
père
de La France juive298. »
En 1911, Maurras qualifie Drumont de « maître génial »
et de « grand Français » qui a posé « la
difficile question » de « l'antisémitisme d'État. »
Maurras ajoute : « Le Juif d’Algérie, le Juif d’Alsace,
le Juif de Roumanie sont des microbes sociaux. Le Juif de France est
microbe d'État : ce n’est pas le crasseux individu à
houppelande prêtant à la petite semaine, portant ses exactions sur
les pauvres gens du village ; le Juif d’ici opère en grand et
en secret
299. »
Selon
Jean
Touchard et Louis Bodin, l'antisémitisme de Charles Maurras, de
L'Action française en général, et de quelques autres
auteurs d'extrême droite atteint « en 1936 un degré de
violence qui fait paraître modérés les écrits d'Édouard
Drumont
300. »
Lors de la
Première
Guerre mondiale, Maurras déclare respecter l'
Union
sacrée en honorant les « héros juifs » tombés au
champ d'honneur
n
20, tout en réaffirmant son antisémitisme dont les « principes
[posés] avant cette guerre » consistent à se lamenter « de
voir les Juifs gouverner la France
302. »
Les historiens
Léon
Poliakov303
et
Michel
Dreyfus résument cette position ainsi : « pour
L'Action française de Maurras un bon Juif est d'abord un Juif
mort au combat
304. »
Du reste, cela n'empêche pas
Léon
Daudet de rééditer en 1915, sous le titre
L'avant-guerre,
son ouvrage antisémite publié initialement en 1912,
L'espionnage
juif allemand en France305.
Dénonçant les influences allemandes sur le tsar
Nicolas
II et
son
épouse, Maurras évoque « le danger juif allemand »
en 1916. Néanmoins,
L'Action française ne fait pas allusion
aux Juifs lors de la
révolution
russe de 1917. C'est à partir de 1919 que Maurras reprend à son
compte le thème du « bolchevisme juif », qu'il qualifie
de « judéo-germano-
wilsonien »
306.
La
théorie
du complot juif permet également à
L'Action française
d'« expliquer » l'abandon de la France par ses anciens
alliés anglo-saxons, leitmotiv exploité dans l'ouvrage
Le règne
d'Israël chez les Anglo-Saxons (1921) par le maurrassien
Roger
Lambelin, auteur de la préface française des
Protocoles
des Sages de Sion307.
Maurras n'écrit pas de livre spécifique sur la « question
juive » mais dénonce régulièrement « l'influence
juive » en recourant à la violence verbale allant jusqu'à la
menace de mort explicite. Dans son quotidien
L'Action
française, Maurras publie ainsi une lettre ouverte à
Abraham
Schrameck,
ministre
de l'Intérieur, en 1925 (après l'assassinat de plusieurs
dirigeants de l'Action française comme
Marius
Plateau) :
« De vous, rien
n'est connu. Mais vous êtes le Juif. Vous êtes l'Étranger. Vous
êtes le produit du régime et de ses mystères. Vous venez des
bas-fonds de la police, des loges
et, votre nom semble l'indiquer, des ghettos
rhénans.
Vous nous apparaissez comme directeur des services pénitentiaires
vers 1908 ou 1909. Là, vous faites martyriser Maxime
Real del Sarte et ses compagnons coupables d'avoir milité pour
la fête de Jeanne d'Arc. Vos premiers actes connus établissent
votre fidélité à la consigne ethnique donnée par votre congénère
Alfred Dreyfus
le jour de sa dégradation :
Ma race se vengera sur la vôtre. Votre race, une race juive
dégénérée, car il y a des Juifs bien nés qui en éprouvent de la
honte, la race des Trotsky
et des Krassine,
des Kurt Eisner
et des Bela
Kuhn, vous a chargé maintenant, d'organiser la révolution dans
notre patrie. (…) C'est sans haine comme sans crainte que je
donnerai l'ordre de verser votre sang de chien s'il vous arrive
d'abuser de la force publique pour ouvrir les écluses de sang
français sous les balles et les poignards de vos chers bandits de
Moscou108. »
Léon
Blum est la cible de plusieurs articles antisémites de Maurras.
Cet article lui vaut d'être condamné pour menace de mort. Il
récidive en 1935 et 1936 contre
Léon
Blum, avant comme après la nomination de celui-ci à la
présidence du Conseil :
« Ce Juif allemand naturalisé, ou fils de naturalisé [la
famille Blum était française de plein droit depuis 1791], qui
disait aux Français, en pleine Chambre, qu’il les haïssait
[Blum n'a jamais dit cela308],
n’est pas à traiter comme une personne naturelle. C'est un monstre
de la République démocratique. Et c’est un hircocerf de la
dialectique heimatlos. Détritus humain à traiter comme tel. (…)
L’heure est assez tragique pour comporter la réunion d'une cour
martiale qui ne saurait fléchir.
M. Reibel demande la peine de
mort contre les espions. Est-elle imméritée des traîtres ?
Vous
me direz qu'un traître doit être de notre pays : M. Blum en
est-il ?
Il suffit qu’il ait usurpé notre nationalité
pour la décomposer et la démembrer. Cet acte de volonté, pire
qu'un acte de naissance, aggrave son cas.
C'est un homme à
fusiller, mais dans le dos100. »
« C'est en tant
que Juif qu'il faut voir, concevoir, entendre, combattre et abattre
le Blum.
Ce dernier verbe paraîtra un peu fort de café :
je me hâte d'ajouter qu'il ne faudra abattre physiquement
Blum que le jour où sa politique nous aura amené la guerre impie
qu'il rêve contre nos compagnons d'armes italiens. Ce jour-là, il
est vrai, il ne faudra pas le manquer. (…) Si, par chance, un État
régulier a pu être substitué au démocratique Couteau de cuisine,
il conviendra que M. Blum soit guillotiné dans le rite des
parricides : un voile noir tendu sur ses traits de chameau110. »
Certes, Maurras ne réservait pas, dans le deuxième cas, sa menace
au seul Léon Blum mais contre l'ensemble des parlementaires
partisans de sanction contre l'Italie fasciste, qui avait envahi
l'Éthiopie, en violation de la charte de la
Société
des Nationsn
21 ; mais, outre que seul Léon Blum fut victime d'une
agression physique par des maurrassiens (en février 1936), du 6 au
21 juin 1936, au moins sept manchettes de
L'Action française
sont des attaques antisémites visant le gouvernement du
Front
populaire300.
De même, après l'attaque verbale de
Xavier
Vallat contre Léon Blum, ce fut essentiellement la presse
d'Action française, Maurras en tête, qui fit de la surenchère
antisémite
309.
Déjà, en 1911, la plupart des articles publiés par Maurras cette
année-là contenaient des attaques antisémites et une vingtaine
étaient spécifiquement consacrés à « la question
juive
310. »
En 1938, l'antisémitisme de Maurras
franchit un palier lorsqu'il écrit : « Le Juif veut votre
peau. Vous ne la lui donnerez pas ! Mais nous l’engageons à
prendre garde à la sienne, s’il lui arrive de nous faire accéder
au massacre universel
311. »
Charles
Maurras reçut des témoignages de fidélité de juifs français,
comme celui du sergent Pierre David que Maurras nommera le héros
juif d'Action française
312.
D'autres juifs deviendront des ligueurs d'Action française comme
Marc Boasson, Georges et Pierre-Marius Zadoc, Raoul-Charles Lehman,
le professeur René Riquier, les écrivains
Louis
Latzarus et
René
Groos301.
Certains
maurrassiens théorisent l'antisémitisme ; ainsi, Octave
Tauxier, pour qui l'antisémitisme, en manifestant que les
communautés d'intérêt existent, agissent et vivent pour leur
compte, ruine par les faits la théorie révolutionnaire jacobine
refusant l'homme de chair mais concevant un homme abstrait comme une
unité raisonnable forçant sa nature rebelle aux groupements que
seule la tradition rend stable
313.
Léon de Montesquiou déclare : « Le Juif est l'agent
destructeur de notre foi et de la patrie. Nous sommes prêts à
sacrifier nos existences pour débarrasser la France des Juifs. »
Léon Daudet ajoute : « La guerre est déclarée comme en
1870. […] C’est une guerre franco-juive. Une première bataille a
été livrée, elle a été gagnée ; il s’agit de
continuer
314. »
Daudet écrit aussi, dans le contexte du Front populaire :
« Du fait de la République,
régime de l’étranger, nous subissons actuellement trois
invasions : la russe, l’allemande, et notamment la juive
allemande, l’espagnole. La crapule de ces trois nations s’infiltre
et s’installe chez nous. Elle y pille, elle y corrompt et elle y
assassine. Ce mouvement immonde, et qui va en accélérant, annonce
la guerre. Il date de loin, de l’affaire du traître Dreyfus. La
domination d’un Juif rabbinique, Léon Blum, totalement étranger à
nos mœurs, coutumes et façons de comprendre et de ressentir,
multiplie actuellement le danger par dix
315. »
D’autres maurrassiens seraient indifférents à ce thème
287,
n
22.
Maurras et les dictatures de l'Axe
Maurras et
le fascisme
Dès le début de la dictature fasciste en Italie, l'Action française
fait partie du courant qui « approuve non seulement les
objectifs du fascisme, mais encore ses méthodes »
317.
Le 13 octobre 1935, hostile aux sanctions de la
SDN
contre l'Italie qui vient
d'attaquer
l'Éthiopie, Maurras appelle à « couper le cou » à
« ceux qui poussent à la guerre »
318.
Selon
François
Huguenin, comprendre la position de Maurras face au fascisme
nécessite de prendre en compte trois ordres de préoccupation
autonomes parfois confondus : celui de la politique extérieure,
celui de l'idéologie, celui de la réussite révolutionnaire
319.
Sur le plan de la
technique de la prise de pouvoir, les maurrassiens seront
impressionnés par la capacité du fascisme à mettre fin au
« désordre démocratique libéral »
319.
Sur le plan de la politique extérieure, Maurras ne cessera de prôner
face au péril allemand une union latine englobant la France,
l'Italie, l'Espagne et le Portugal
320.
En 1935, Maurras s'opposera aux sanctions contre le régime fasciste
pour empêcher de pousser Mussolini à s'allier avec Hitler
320,
alors que
Mussolini
souhaitait initialement contrer l'expansion du national-socialisme en
liaison avec les alliés de l'Italie pendant la Première Guerre
mondiale comme la France. L'idéologie ne dicte par cette volonté
d'alliance orientée contre l'Allemagne qui explique la discrétion
des critiques de Maurras contre le fascisme italien, critiques
pourtant contenues dans l'anti-étatisme de Maurras.
Sur le plan idéologique, Maurras met en garde contre une trop grande
admiration de Mussolini et sa position évolue avec l'évolution du
fascisme ; au tout début du fascisme, avant le développement
de l'étatisme et la théorisation par le fascisme du
totalitarisme,
Maurras souligne la parenté entre certaines de ses idées et celles
du mouvement de Mussolini
321 ;
mais dès
1928, il
écrit
322 :
« C'est la naïveté courante. Ceux qui la formulent et la
propagent innocemment ne se rendent pas compte qu'une action d'ordre
et de progrès comme celle du fascisme italien suppose une base
solide et stable, que la Monarchie fournit et qu'un certain degré
d'aristocratie, ou, si l'on veut, d'antidémocratie doit encore la
soutenir. » Comme Massis, Maurras s'inquiétera des lois
scolaires du fascisme
323.
Quand en 1932, Mussolini déclare qu'« en dehors de l'État,
rien de ce qui est humain ou spirituel n'a une valeur quelconque »,
Maurras dénonce une conception aux antipodes de sa pensée :
rappelant le double impératif de « fortifier l'État »
et d'« assurer la liberté des groupes sociaux
intermédiaires », il réaffirme combien les partisans du
nationalisme intégral ne sont pas étatistes
324.
Le souci de ménager l'Italie pour
éviter qu'elle ne s'engage militairement avec l'Allemagne et
l'admiration de la réussite d'un coup de force tranchant avec
l'impuissance des nationalistes français expliqueraient la faible
insistance à souligner les divergences importantes avec le fascisme
italien
325.
Charles Maurras, dans sa réflexion centrée sur la France, n'a
jamais pris la peine de réfuter les expériences politiques
étrangères, ce qui vaut pour le marxisme comme pour le fascisme et
l'Action française s’accommodera pour l'étranger de régimes dont
elle ne voudrait pas pour la France
326.
C'est à un de ses disciples, Thierry Maulnier, que reviendra de
dénoncer le fascisme, comme si l'attraction fasciste était plus
sensible pour un homme de sa génération que pour un homme comme
Maurras ; Thierry Maulnier multipliera dans le quotidien de
Maurras ou dans d'autres publications les écrits contre le fascisme,
« ce collectivisme autoritaire, religieux, total et désolant »
et la « civilisation française »
327.
De façon générale, nombre de maurrassiens ont affirmé que la
pensée de Maurras les avaient prémunis de l'attraction du
fascisme ; dans les années 1990,
Raoul
Girardet dira : « Même ébréchée, la doctrine
maurrassienne constituait à cet égard une barrière solide :
la conception totalitaire de l'État et de la société lui était
complètement étrangère
328. »
Maurras
et le national-socialisme
La condamnation du national-socialisme se fonde sur une série
d'arguments se situant à différents niveaux d'analyse.
Maurras dénonce le racisme depuis le début de son activité
politique : « Nous ne pouvions manquer, ici d’être
particulièrement sensibles : le racisme est notre vieil ennemi
intellectuel ; dès 1900, ses maîtres français et anglais,
Gobineau,
Vacher
de Lapouge,
Houston
Chamberlain, avaient été fortement signalés par nous à la
défiance des esprits sérieux et des nationalistes sincères
329. »
Charles Maurras écrit en 1933 : « Nous ne croyons pas aux
nigauderies du racisme
330. »
Maurras traite de « basses sottises » les idées de
Joseph de
Gobineau et de
Georges
Vacher de Lapouge et rappelle : « J'ai, pour mon
compte, toujours pris garde de séparer les réflexions sur
l'hérédité politique et économique d'avec les généralisations
vagues, aventureuses et captieuses sur la stricte hérédité
physiologique
331 ».
Pour Maurras : « Nous sommes des nationalistes. Nous ne
sommes pas des nationalistes allemands. Nous n'avons aucune doctrine
qui nous soit commune avec eux. Toutes les falsifications, tous les
abus de textes peuvent être tentés : on ne fera pas de nous
des racistes ou des
gobinistes332 ».
Maurras écrit à propos du nazisme : « l’entreprise
raciste est certainement une folie pure et sans issue
333 ».
Maurras précise sa critique métaphysique du nazisme en soulignant
ses fondements fichtéens : il dénonce l’image de l’homme
allemand défini par
Fichte,
initiateur du narcissisme originel et fondamental où Hitler se
retrouve ; Maurras insiste sur l'horreur fichtéenne d'Hitler
pour le fédéralisme, sa démagogie métaphysique, son déisme à la
Robespierre
334.
Maurras est un des rares à souligner la dimension et l’inversion
théologique du nazisme, son imitation caricaturale et perverse
d’Israël et comme
Alain
Besançon, il voit le national-socialisme procéder à une
contrefaçon fichtéenne de la notion de peuple élu
335.
Dès le début des
années
1930, Maurras et l'Action française mettent en garde contre le
messianisme du nationalisme allemand dont le national-socialisme est
l'expression qui accomplira jusqu'à la folie la logique
dominatrice
336.
Le nationalisme de Maurras est héritier
de
Fustel
de Coulanges et de
Renan,
historique et politique, on n'y trouve « ni linguisticisme, ni
racisme : politique d’abord ! […] Entre tous, l’élément
biologique est le plus faiblement considéré et le moins
sérieusement déterminé. Dès lors, ces déterminations vagues
d’une part, ces faibles déterminations d’autre part, ne peuvent
porter qu’un effet : l’exaltation des fanatismes d’où
sortent les exagérations que le Vatican dénonçait l’autre jour,
et l’encouragement aux méprises et aux malentendus
337. »
Sa critique du national-socialisme est
aussi fondée sur le fait que celui-ci est selon lui un aboutissement
logique du rousseauisme et de la démagogie démocratique : dans
De Demos à César, il analyse l’évolution des régimes
contemporains et discerne les liens de continuité entre la société
démocratique et les tyrannies bolcheviques ou nazies, le
prolongement que le despote moderne fournit au moi rousseauiste, en
absorbant l’individu dans la collectivité
338.
Bien
qu'agnostique Maurras défend la civilisation catholique et il
perçoit dans le nazisme un ennemi du catholicisme et de ses
valeurs : lorsque le pape
Pie
XI promulgue
Mit
brennender Sorge, le 25 mars 1937, Maurras approuve avec
enthousiasme et précise sa position : « Tous les esprits
impartiaux qui ont étudié le nationalisme français, même
intégral, surtout intégral, savent combien il est profondément
hostile à ce que l'Encyclique d'hier appelle « la théorie du
sol et du sang », théorie métaphysique, bien entendu, qui
substitue aux relations normales et objectives des hommes, au jeu
naturel des apports collectifs nationaux et professionnels, une
distribution toute subjective fondée sur les races et sur les
climats, dérivée du principe que l'Homme allemand («
all-mann »)
est l'Homme par excellence, le tout de l'Homme, et de ce que Luther
incarna cet Homme dans l'histoire politique et dans l'histoire des
religions
339 ».
Les maurrassiens dénonceront le national-socialisme à la lumière
d'une critique plus générale de l'esprit allemand
340.
Sa critique
du national-socialisme est aussi une critique implicite du
totalitarisme.
C’est la nation que Maurras défend et pas l’idolâtrie de son
État : « un nationalisme n’est pas un nationalisme
exagéré ni mal compris quand il exclut naturellement
l’étatisme
341 ».
Il discerne dans le
totalitarisme
une usurpation de l’État sur la société : « Quand
l’autorité de l’État est substituée à celle du foyer, à
l’autorité domestique, quand elle usurpe les autorités qui
président naturellement à la vie locale, quand elle envahit les
régulateurs autonomes de la vie des métiers et des professions,
quand l’État tue ou blesse, ou paralyse les fonctions provinciales
indispensables à la vie et au bon ordre du pays, quand il se mêle
des affaires de la conscience religieuse et qu’il empiète sur
l’Église, alors ce débordement d’un État centralisé et
centralisateur nous inspire une horreur véritable : nous ne
concevons pas de pire ennemi
342. »
Maurras s’inquiète de ce que certains pourraient voir dans
l’Allemagne un rempart contre le communisme, il y voit un piège
politique : « Les cornichons conservateurs […] qui
prendraient Hitler pour un sauveur de l’ordre — de l’ordre
français — sont certainement coupables d’un crime devant
l’esprit au moins égal à celui de nos moscoutaires
343. »
Il note même que « l’intrigue hitlérienne est plus
dangereuse que celle des
Soviets344. »
En avril
1936,
Maurras dénonce le péril national-socialiste et le déclare même
pire pour la France que le péril communiste : « Hitler
est encore notre ennemi numéro 1. Moscou est bien moins
dangereux
136. »
Maurras dénonce Hitler qu'il appelait le « chien enragé de
l'Europe »
345
car son idéologie est porteuse de barbarie ; il s’en prend à
la presse qui « travaille à créer pour cette gloire de
primate, un cercle de respect béant et d’inhibition ahurie à
l’égard du dictateur walkyrien
131. »
Face à la barbarie nazie, Maurras écrit : « Ce ne peut
être en vain que la France a été pendant des siècles la
civilisatrice et l’institutrice du monde. Elle a le devoir de ne
pas renoncer à ce rôle
346. »
Hitler prépare la « barbarisation méthodique » de
l'Europe
344.
Il alerte les Français sur l'
eugénisme :
« Le 1
er janvier 1934, une certaine loi sur la
stérilisation est entrée en vigueur ; si elle joue contre
l’indigène du Reich, croit-on que l’étranger s’en défendra
facilement
347,
n
23 ? » Afin de mettre en garde les Français sur ce
qui les attend, il réclame une traduction non expurgée de
Mein
Kampf, dont certains passages laissant prévoir les ambitions
hitlériennes avaient été censurés dans la version française
336.
Toutefois, il écrit dans
L'Action française du 28 août
1942 : « Avec toute la France, les prisonniers
heureusement libérés remercient M. Hitler. »
Maurras
et la colonisation
Maurras est hostile à l'expansion coloniale impulsée par les
gouvernements républicains qui détourne de la Revanche contre
l'Allemagne et disperse ses forces ; de plus, il est hostile à
la politique jacobine et républicaine d'assimilation qui vise à
imposer la culture française à des peuples ayant leur propre
culture. Comme Lyautey, il pense qu'il faut faire aimer la France et
non imposer la culture française au nom d'un universalisme
abstrait
348.
Cette dernière conception attire à lui des faveurs dans les élites
des peuples colonisés ; ainsi,
Ferhat
Abbas, est d’abord un Algérien maurrassien : il est le
fondateur de
L’Action algérienne, organe se réclamant du
nationalisme intégral
349
et se battant pour l’adoption de propositions concrètes :
toutes vont dans le sens de la démocratie locale et organisée, la
seule forme de démocratie pour laquelle Maurras militait, parce que
d’après lui, elle est la seule vraiment réelle : autonomie
des corporations indigènes locales et régionales, autonomie en
matière de réglementation sociale et économique, suffrage
universel dans les élections municipales, large représentation de
corporations, des communes, des notables et chefs indigènes,
constituant une assemblée auprès du gouvernement français :
« En 1920, écrit Abbas, les hommes de ma génération avaient
vingt ans, personnellement je me mis à penser que l’Algérie
ressemblait à la France d’ancien régime à la veille de 1789. Il
n’y a rien dans le Livre saint qui puisse empêcher un Algérien
musulman d’être nationalement un Français […] au cœur loyal
conscient de sa solidarité nationale
350. »
Parmi l’élite musulmane d’Algérie, Ferhat Abbas n'est pas le
seul soutien de l’Action française : on compte parmi eux
Hachemi Cherief, qui sera plus tard le conseiller juridique de
Mohammed
V et l’avocat de
Ben
Bella, ainsi que des Kabyles, gênés par la prépondérance
arabe et attirés par la vision décentralisatrice de Charles
Maurras
349.
S'il fut hostile à l'expansion coloniale, Maurras fut ensuite
hostile à la liquidation brutale de l'empire colonial français
après la
Seconde
Guerre mondiale, préjudiciable selon lui autant aux intérêts
de la France qu'à ceux des peuples colonisés.
Maurras
et le catholicisme
Les rapports de Charles Maurras avec le
catholicisme
et avec l'Église catholique ont évolué avec le temps.
Jeunesse
Dans son enfance et jusqu'à son adolescence, il reçoit une
éducation religieuse marquée par la foi de sa mère qu'il partage.
Lors de son adolescence, sa surdité et la révolte qu'elle génère
puis la difficulté à consolider sa foi par des arguments rationnels
en plus de témoignages de la tradition chrétienne contribuent à la
lui faire perdre.
Lors de ses
premières années à Paris, désireux de préciser sa position sur
le plan religieux, il noue un dialogue avec des théologiens, des
philosophes, des prêtres, des séminaristes qui cherchent à le
convertir mais n'y parviennent pas. Dans la dernière décennie du
XIXe siècle, la déception qui en découle conjugué à une
hostilité croissante à l'esprit et l'influence hébraïques le
conduisent à publier des textes empreints d'hostilité au
christianisme au sein duquel il prétend distinguer ce qui relève de
l'esprit juif et ce qui relève de l'esprit gréco-latin. Il ne croit
pas aux dogmes de l'Église, ni aux Évangiles, écrits, selon son
expression, « par quatre obscurs juifs »
351.
Cependant, il persiste à admirer et aimer l'Église catholique pour
être parvenue à concilier bien des « dangereux
apprentissages » de la
Bible
dont il soupçonnait qu'ils avaient conduit à l'émergence des
erreurs révolutionnaires en France et en Europe. L'interprétation
de Maurras à propos de la
Bible
fut alors critiquée fermement par bien des membres du
clergé.
Dans
Le chemin de Paradis, il guerroie contre la version la
plus révolutionnaire du christianisme. Maurras s'avouant alors
impuissant à croire affirmait néanmoins respecter la croyance
religieuse : « Je n'ai pas été « dédaigneux de la
foi » ! On ne dédaigne pas ce qu'on a tant cherché. On
ne traite pas sans respect la faculté de croire quand on l'estime
aussi naturelle à l'homme et plus nécessaire que la raison
352. »
Naissance de l'Action française
Dans les
années
1900, sans retrouver la foi, Maurras se rapproche du
catholicisme
et renforce son soutien à l'Église catholique.
Il subit tout d'abord sous l'influence de
Léon
de Montesquiou, de
Louis
Dimier, de prêtres comme le bénédictin
Dom
Besse et de l'abbé de Pascal, tous désireux de le rapprocher du
catholicisme voire de faire renaître en lui la foi.
Il s'appuie sur
Auguste
Comte qui lui permet d'étudier la réalité sociale, de penser
la politique en l'absence de foi, tout en admirant le catholicisme.
Il n'y a alors plus sous sa plume d'attaques indirectes contre le
christianisme, d'autant que sa mère très croyante lit tout ce qu'il
écrit ; il perçoit dans la morphologie historique du
catholicisme un principe de paix et de civilisation
353.
Maurras voit dans l'Église le grand principe d'ordre qui arrache
l'homme à l'individualisme, qui discipline les intelligences et les
sensibilités. Maurras, amenant des Français de toutes origines à
raisonner ainsi, en a conduit plusieurs à considérer le
catholicisme comme un bien pour la France, voire à retrouver la foi.
Il s'appuie sur le lien
historique entre le catholicisme, la tradition et l'identité
françaises ; n'ayant jamais cessé de soutenir l'influence et
le prestige de l'Église catholique comme composante politique, parce
qu'elle était intimement liée à l'Histoire de France et que sa
structure hiérarchique, et son élite cléricale reflétaient
l'image qu'il se faisait de la société idéale. Il considérait que
l'Église devait être le mortier chargé d'unir la France, et la
chaîne chargée de lier tous les Français. L'Action française se
veut ouverte à tous : croyants, positivistes, sceptiques ;
mais elle affirmait clairement que tout Français patriote se devait
de défendre le catholicisme comme religion historique du peuple
français
354.
Il s'engage fougueusement
et sincèrement aux côtés de l'Église chaque fois que celle-ci se
sent persécutée :
affaire
des fiches, interdiction aux religieux d'enseigner, Inventaires,
interventions de l'armée dans les monastères, exil de milliers de
moines et de religieux, prescription aux instituteurs de dénigrer le
christianisme renvoyé avec la monarchie dans les ténèbres de
l'histoire de France
353.
Il s'en prend au
laïcisme,
qui n'est pas une pure neutralité, mais procède d'une métaphysique
d'État intolérante, véritable théologie « d'autant plus
ardente, fanatique, féroce, qu'elle évite de prononcer le nom de
Dieu
353. »
Il laisse voir dans ses
écrits que son silence sur la foi et le surnaturel est suspensif et
qu'il respecte la foi en autrui : « La libre pensée ne
consiste qu'à délier l'individu, elle dit : de ses chaînes ;
nous disons : de ses points d'appui, de ses aides et de ses
contreforts
354. »
Ces prises de position firent
que Maurras fut suivi par bien des monarchistes : à la suite
des inventaires, deux officiers chassés de l'armée,
Bernard
de Vesins et
Robert
de Boisfleury rejoignent l'Action française comme le jeune
Bernanos qui assimile les
Camelots
du roi à une nouvelle chevalerie chrétienne
355.
Beaucoup d'ecclésiastiques, dont des
assomptionnistes,
sont séduits par le mouvement.
En dépit de différences essentielles, il y a une coïncidence
entre la métaphysique de l'Ordre chez Maurras et celle de saint
Thomas. Ce soutien de milieux catholiques joua un rôle important
dans le rayonnement de l'Action française et attira vers Maurras des
théologiens comme
Jacques
Maritain. Dès sa naissance, l'Action française est apparue
comme l'alliée du catholicisme antimoderne et du renouveau thomiste
et comme un recours face à l'
anticléricalisme
croissant des républicains. L'Action française est nourrie par le
catholicisme social d'
Albert
de Mun et de
René
de La Tour du Pin et Charles Maurras loua le Syllabus, catalogue
des erreurs modernes établi en1864 par le pape
Pie
IX.
Rapport avec
le Sillon
En 1904, Maurras regarda avec
sympathie la création par trois anciens du
collège
Stanislas à Paris, dont
Marc
Sangnier, du mouvement du Sillon afin de former des groupes pour
faire rayonner les forces morales et sociales du catholicisme. Un
rapprochement entre le
Sillon
et l'
Action
française eut alors lieu : pour Firmin Braconnier, les deux
organisations ont le même but : le perfectionnement moral,
intellectuel et social de la personnalité humaine rejetées ensemble
par la gauche
355.
Mais en dépit d'échanges de haut niveau et au début fort aimables,
les deux hommes ne s'entendirent pas, Marc Sangnier voulant opposer
le
positivisme
et le
christianisme
social, ce que Maurras percevait comme un faux dilemme car :
-
retrouver les lois naturelles
par l'observation des faits et par l'expérience historique ne
saurait contredire les justifications métaphysiques qui en
constituent pour les chrétiens le vrai fondement ; car le
positivisme, pour l'Action française, n'était nullement une
doctrine d'explication mais seulement une méthode de constatation ;
c'est en constatant que la monarchie héréditaire était le régime
le plus conforme aux conditions naturelles, historiques,
géographiques, psychologiques de la France que Maurras était
devenu monarchiste : « Les lois naturelles existent,
écrivait-il ; un croyant doit donc considérer l'oubli de ces
lois comme une négligence impie. Il les respecte d'autant plus
qu'il les nomme l'ouvrage d'une Providence et d'une bonté
éternelles. » ;
-
le christianisme
social se retrouve davantage dans l'Action française que dans
le Sillon : s'il y a de nombreux chrétiens sociaux dans les
rangs de l'Action française, c'est précisément car les chrétiens
sociaux ont toujours préconisé « l'organisation
d'institutions permanentes, capables de secourir la faiblesse des
hommes » ; or, pour Maurras, Marc Sangnier croyait qu'il
fallait d'abord donner à l'individu une âme de saint avant de
vouloir modifier les institutions. Dans cette optique Marc Sangnier
est « le continuateur du préjugé individualiste » qui
avait engendré la question sociale et contre lequel les catholiques
sociaux, de Villeneuve-Bargemont à Albert de Mun et au marquis de
La Tour du Pin avaient toujours réagi.
Le fondateur du Sillon s'expliqua sur sa conception de la
démocratie, régime qui doit « porter au maximum la conscience
et la responsabilité de chacun ». Il se défendait d'avoir
voulu se fonder sur une unanimité de saints, une minorité lui
suffisait : « Les forces sociales sont en général
orientées vers des intérêts particuliers, dès lors,
nécessairement contradictoires et tendant à se neutraliser […] Il
suffit donc que quelques forces affranchies du déterminisme brutal
de l'intérêt particulier soient orientées vers l'intérêt général
pour que la résultante de ces forces, bien que numériquement
inférieure à la somme de toutes les autres forces, soit pourtant
supérieure à leur résultat mécanique. » Et quel sera le
centre d'attraction ? « Le Christ est pour nous cette
force, la seule que nous sachions victorieusement capable
d'identifier l'intérêt général et l'intérêt particulier. »
Et d'expliquer : « plus il y aura de citoyens conscients
et responsables, mieux sera réalisé l'idéal démocratique. »
Cet optimisme suscita les objections renouvelées de Maurras, pour
qui :
-
Rêver, en oubliant le péché
originel, d'un État dont le fondement serait la vertu est
irréaliste. Si la vertu est nécessaire et si la chrétienté a
suscité de grands élans d'héroïsme et de sainteté, ce fut dans
le respect de la « vénérable sagesse de l'Église »,
laquelle, sachant que la seule prédication du bien ne saurait
suffire à transformer une société, a toujours voulu multiplier,
pour encadrer l'individu, les habitudes, les institutions, les
communautés qui le portaient à surmonter ses penchants égoïstes ;
pour Maurras, s'il faut des élites morales, il faut aussi des chefs
capables, eux, par la place qu'ils occupent, de savoir exactement en
quoi consiste l'intérêt général car sinon les efforts de l'élite
de saints risquent d'être vains ;
-
« Être sublime à jet continu, héroïque à
perpétuité, tendre et bander son cœur sans repos et dans la
multitude des ouvrages inférieurs qui, tout en exigeant de la
conscience et du désintéressement veulent surtout la clairvoyance,
l'habileté, la compétence, la grande habitude technique,
s'interdire tous les mobiles naturels et s'imposer d'être toujours
surnaturel, nous savons que cela n'est pas au pouvoir des
meilleurs ». Maurras voit dans la démocratie de Sangnier une
autre forme de celle de Rousseau, qui pensaient que le
perfectionnement moral par l'accroissement de la liberté
individuelle rendrait les hommes de plus en plus aptes au seul
régime démocratique : « Si la république réclame
beaucoup de vertu de la part des républicains, cela tient à ce
qu'elle est un gouvernement faible et grossier […] et que sa
pauvreté naturelle ne saurait être compensée que par la bonté
des individus. »
Ainsi, si
Charles Maurras et
Marc
Sangnier cherchèrent à surmonter leurs différends, la
tentative échoua. Les partisans du Sillon verront dans la
condamnation de leur mouvement par le Pape
Pie
X, qui l'accusait de « convoyer la Révolution l'œil fixé
sur une chimère », le résultat de l'influence de théologiens
proches de l'Action française
356.
À leur tour les maurrassiens prétendront que les hommes du Sillon
se vengèrent en cherchant à faire condamner l'Action française.
L'essentiel de ses échanges entre les deux hommes fut publié dans
Le
Dilemme de Marc Sangnier357.
Rapport avec la papauté : la condamnation de l'Action française
et sa levée
Sous
Léon
XIII, et en dépit du ralliement de
1893,
essentiellement tactique, l'Église catholique continuait de se
méfier de la République française, régime né de la Terreur, dont
les soutiens travaillaient à l'extirpation de la religion de la
sphère sociale et politique
16.
La doctrine politique de
Léon
XIII n'excluait pas la monarchie comme forme possible de régime,
conformément à la théologie de
saint
Thomas d'Aquin qui la recommande et sur laquelle s'appuie
largement le magistère de l'Église
16.
En 1901, Maurras fut frappé par une encyclique de ce pape suggérant
qu'une monarchie pouvait sous certaines conditions correspondre aux
exigences de la démocratie chrétienne au sens où ce texte
l'entend : une société organisée mais tournée vers Dieu
354.
Sous
Pie
X, les relations avec la papauté se développèrent. Louis
Dimier fut reçu par le Pape
Pie
X et ce voyage fut reçu par Maurras et ses amis comme un
encouragement exaltant
353.
Pie X s'opposa à
ceux qui voulait condamner globalement Maurras à cause de certains
écrits témoignant de son agnosticisme et d'une métaphysique non
chrétienne.
Sous
Pie XI,
son agnosticisme suscita l'inquiétude d'une part de la hiérarchie
catholique et en 1926, le pape
Pie
XI classa certains écrits de Maurras dans la catégorie des
« Livres Interdits » et condamna la lecture du journal
L'Action française. Cette condamnation du pape fut un grand
choc pour bon nombre de ses partisans, qui comprenaient un nombre
considérable de membres du clergé français, et causa un grand
préjudice à l'Action française. Elle fut levée cependant par
Pie
XII en 1939, un an après que Maurras fut élu à l'
Académie
française.
Plusieurs raisons ont été avancées pour expliquer la condamnation
de l'Action française par Pie XI puis sa réhabilitation par Pie
XII. La pensée de Maurras ayant peu évolué pendant le quart de
siècle pendant lequel l'Action française ne fit l'objet d'aucun
blâme, des raisons liées au contexte politique et géopolitique ont
été mises en avant. En
1921,
la République a rétabli les relations diplomatiques avec le
Saint-Siège et Pie XI préconise une politique d’apaisement
systématique avec l’Allemagne : il approuve les accords de
Locarno et l’entrée de l’Allemagne à la SDN, contrairement à
Maurras qui les dénonce avec virulence car pouvant contribuer au
renforcement et donc aux possibilités de revanche de l'Allemagne.
L'Action française entre en opposition avec les objectifs de la
diplomatie papale. En plus du contexte, un élément déclencheur
provoque l'inquiétude de certains ecclésiastiques face à une
influence jugée grandissante : dans une enquête de Louvain,
les jeunes catholiques disent être fidèles à la
Bible
et à Maurras comme s’il était possible de les mettre sur le même
plan ; mais une part du haut clergé français, des
associations, des ordres religieux quelques-uns des principaux
théologiens soutiennent Maurras en dépit des réserves qu’ils
témoignent vis-à-vis de certains aspects de sa pensée
358.
Pie XI entend
néanmoins balancer l’influence prépondérante détenue au sein de
l’Église par l’épiscopat nommé du temps de
Pie
X et de la réaction antimoderniste et son désir d’avoir les
mains libres pour développer des mouvements d’action catholique du
type de la JOC et de la JAC est fort
359.
Le Pape chargea alors le cardinal Andrieu de mettre en garde les
fidèles contre l'Action française : celui-ci, qui avait
chaleureusement remercié Maurras en 1915 pour l'envoi de
L'Étang
de Berre, qualifié de « monument de piété tendre »,
lui disant qu'il défendait l'Église « avec autant de courage
que de talent
360 »,
prétendait désormais percevoir chez lui l'athéisme,
l'agnosticisme, l'antichristianisme, un antimoralisme individuel et
social ; ces accusations publiées dans
La Semaine religieuse
d'août 1926 furent perçue comme excessives. Maurras et les siens
furent rassurés par les soutiens dont ils bénéficièrent ;
cependant, loin d'adopter une attitude soumise et humble, Maurras fit
bruyamment savoir que si la soumission à l’autorité romaine doit
être totale sur le plan spirituel, si celle-ci intervient dans le
domaine politique de manière critiquable, alors la résistance
s’impose sur le terrain
361.
Réagissant à une allocution papale mettant indirectement en garde
contre l'influence de l'Action française en décembre 1926,
conseillés par plusieurs théologiens, les dirigeants catholiques de
l’Action française publièrent une déclaration maladroite
intitulée «
Non possumus » qui fit d’eux des
rebelles alors qu'ils s'y identifiaient aux premiers martyrs
chrétiens
361.
La condamnation fut publiée par décret de la Congrégation du
Saint-Office tombe le 29 décembre 1926 : elle touchait
Le
Chemin de Paradis,
Anthinéa,
Les Amants de Venise,
Trois idées politiques,
L'Avenir de l'Intelligence,
ouvrages présentant un caractère naturaliste au sens métaphysique
et dont certains aspects peuvent être qualifiés de philo-païens,
ainsi que le quotidien.
Appliquée par les évêques et les prêtres, la condamnation fut
ressentie comme une blessure, une injustice et un drame par de
nombreux croyants, y compris au plus haut niveau de l'Église :
pour le cardinal Billot, la condamnation fut « une heure de la
puissance des ténèbres
362 ».
Le 19 décembre 1927, il remit au pape sa pourpre cardinalice et se
retire dans un monastère
363.
Paradoxalement, elle ramena à l'Action française plusieurs
catholiques comme Georges Bernanos qui, dans
Comœdia et
La
Vie catholique, en prit la défense
358.
La condamnation papale ne portait ni sur le royalisme, ni sur le
nationalisme
364.
Bien que de nombreux catholiques firent le choix de rester à
l'Action française, la condamnation affaiblit le mouvement.
Charles
Maurras contesta avoir fait de l'adhésion à tous ses écrits une
condition d'adhésion à l’Action française : jamais son
positivisme et son naturalisme, d'ailleurs partiels, n’ont
constitué des articles de foi pour les militants. Il ne fondait pas
sa doctrine politique sur des conceptions philosophiques morales ou
religieuses. On pouvait critiquer tel ou tel point de sa pensée mais
non la rejeter en bloc. En
1919,
dans la nouvelle version d’
Anthinéa,
il n’avait pas hésité à supprimer un chapitre entier pour ne pas
heurter les catholiques. Il rappela que l'Action française avait
contribué à ramener à la foi de nombreux français : dès
1913,
Bernard
de Vesins avait établi une liste de militants et abonnés entrés
dans les ordres
365,
tel André Sortais qui devint abbé général des cisterciens
réformés
366,
afin d'illustrer le fait que le mouvement maurrassien fut une
pépinière pour l’église.
Sous
Pie
XII, la condamnation sera levée ; il fut sans doute pris en
compte que si Maurras avait été véritablement pleinement païen,
sa rébellion eût été plus totale et sa vindicte antichrétienne
eût trouvé de quoi se nourrir
363.
Les tractations avaient commencé sous Pie XI qui ne rejeta pas
Maurras et qui lui écrira même lorsqu'il fut emprisonné.
Liens
avec le carmel de Lisieux
La pensée
de Maurras quant à la religion et sa philosophie ne fut jamais une
chose figée et homogène ; ses doutes n'ont pas éteint en lui
l'espérance de la foi ; dans une lettre non envoyée au père
Doncœur, il expliquera avoir volontairement tu les doutes et
tourments liés à la question de la foi et gardé dans « le
tête-à-tête solitaire de sa conscience et de sa pensée »
ses doutes, rechutes et angoisses philosophiques ou religieuses
367.
Maurras eût eu tout intérêt à se convertir et donc à feindre la
conversion ; les gains pour lui ou son mouvement eussent été
énormes mais il ne le fit pas et en cela il est l'homme intègre
décrit par ses opposants catholiques comme Marc Sangnier
368.
Comme Maritain le lui prédit, la condamnation fit renaître en lui
le désir de retrouver la foi.
De fait, nombreux furent ceux qui prièrent pour sa conversion. En
1926, à l’heure
de la condamnation, une jeune fille dont Maurras avait connu la mère
entra au Carmel de
Lisieux
en offrant sa vie pour la conversion de Maurras. En
1936,
lorsque cette carmélite mourut, mère Agnès, sœur aînée de
sainte
Thérèse de Lisieux et supérieure du Carmel, écrivit une
lettre à Maurras pour lui révéler le sens de cette mort et pour
lui promettre d’intervenir auprès de
Pie
XI au sujet de la condamnation ; il s'ensuivra une
correspondance suivie
112.
De fait,
Pie XI
écrivit à Maurras pour lui apporter son soutien quand il fut
emprisonné en 1937
112.
Et Maurras lui répondit qu'à sa libération il irait se recueillir
à
Lisieux sur le
tombeau de « celle dont les Sœurs et les Filles m’ont
entrouvert un monde de beauté et de charité toujours en fleur,
comme le mystique rosier de la petite et grande sainte Thérèse de
l’Enfant Jésus
369 ».
Après la seconde guerre mondiale, les liens avec le
Carmel
de Lisieux se poursuivirent : il correspondit avec sœur
Marie-Madeleine de Saint-Joseph. En 1948, le carmel lui envoie une
image de sainte Thérèse avec une prière de Mère Agnès : « Ô
Thérèse, Illuminez votre pèlerin et sanctifiez le dans la
vérité
370. »
Le carmel lui envoie également les dix volumes de
L’Année
liturgique de
Dom
Guéranger371.
Mort
Tombe de Charles Maurras au cimetière de
Roquevaire,
Bouches-du-Rhône,
Provence.
Dans ses
dernières années, Maurras confia à des prêtres comme l’abbé
Van Den Hout, fondateur de
La Revue catholique des idées et des
faits en
Belgique,
la souffrance qu’il ressent dans la perte de la foi. Son
agnosticisme est un agnosticisme insatisfait. Ceci transparaît dans
ses dernières œuvres poétiques où il exprime l'idée que la
miséricorde de Dieu dépasse sa justice, autrement dit le symbole de
la justice divine n’est pas la balance mais le don infini
372 :
« Chère Âme, croyez-vous aux célestes balances ? Cet
instrument d’airain n’est rêvé que d’en bas ; Du très
Haut, du très Bon, du Très Beau ne s’élance Que l’or du bien
parfait qu’il ne mesure pas
373. »
Tous les témoignages attestent que les derniers mois de Maurras ont
été marqués par le désir de croire et le 13 novembre 1952, il
fait demander l’extrême onction
237.
La question du retour de Maurras à la foi a longtemps constitué le
fil directeur de la critique maurrassienne. Ivan Barko, en 1961,
trouva plus intéressant d’imaginer un Maurras agnostique jusqu’à
la fin, ne conservant de l'extrême onction que la ritualité. Selon
Stéphane Giocanti, une telle interprétation ne tient pas compte de
l’extrême probité de l’homme à l’égard d’une foi qu’il
mit toute sa vie à vouloir retrouver intacte, ayant la défiance de
la moindre simulation
237.
Certains démocrates-chrétiens
ont cherché à accréditer la thèse de la conversion inventée
rétrospectivement, mais le témoignage et les commentaires de
Gustave Thibon
attestent la réalité de l'expérience mystique finale de Maurras :
« Je n'en finirais pas d'évoquer ce que fut pour moi le
contact avec Maurras : je l'ai vu deux fois à Tours et je
l'entends encore me parler de Dieu et de la vie éternelle avec cette
plénitude irréfutable qui jaillit de l'expérience intérieure.
J'ai rencontré beaucoup de théologiens dans ma vie : aucun
d'eux ne m'a donné, en fait de nourriture spirituelle, le quart de
ce que j'ai reçu de cet « athée » ! Toute la
différence entre le géographe et l'explorateur, Lui qui préfère
l’athée qui cherche Dieu au croyant installé dans les apparences
de la foi
236. »
Maurras parvint à suivre la cérémonie
de l'extrême-onction avec attention et il récita le
confiteor.
Vers 23 h 30, le 15 novembre, il demanda son chapelet et selon ses
proches, ses dernières paroles furent un alexandrin : « Pour
la première fois, j’entends quelqu’un venir
374. »
Il meurt le matin du 16 novembre 1952.
L’abbé Giraud confiera au
poète ardéchois Charles Forot sa réaction devant la mort de
Maurras : « Je revois, très souvent, mon inoubliable
entretien avec le grand protégé de la Petite Thérèse. Sa fin
chrétienne si édifiante ne m’a point surpris… Je l’attendais
avec la plus totale confiance. […] Lisieux ne l’oublie pas non
plus, et son souvenir est souvent évoqué dans mon courrier par sœur
Madeleine de Saint-Joseph, qui fut pour lui, l’ange gardien
visible
235. »
L’influence de Charles Maurras
En France
Influence sur les intellectuels français
En tant que penseur, Charles Maurras exerça une très grande
influence sur la vie intellectuelle de la France : il fut à
l'origine de nombreuses aventures intellectuelles et littéraires. De
nombreux auteurs ou hommes politiques ont subi l'influence de Maurras
sans nécessairement se réclamer de lui.
En 1908, année de la fondation du quotidien
L'Action
française, les jeunes intellectuels maurrassiens se regroupaient
autour de la
Revue
critique des idées et des livres, qui fut jusqu'en 1914 la
grande rivale de la
NRF
d'
André
Gide. La revue défendait l'idée d'un « classicisme
moderne », s'ouvrait aux théories nouvelles (
Henri
Bergson,
Georges
Sorel…) et formait une nouvelle génération de critiques et
d'historiens. Pendant l'entre-deux-guerres, l'expérience de la
Revue
Critique se poursuivit dans un grand nombre de revues :
Revue
universelle,
Latinité,
Réaction
pour l'ordre,
La
Revue du siècle…
Le démocrate-chrétien
Jacques
Maritain était aussi proche de Maurras avant la condamnation du
pape, et critiqua la démocratie dans l'un de ses premiers écrits,
Une opinion sur Charles Maurras ou Le Devoir des Catholiques.
Chez les psychanalystes,
Élisabeth
Roudinesco a montré que Maurras a constitué une étape dans la
genèse de la pensée de
Jacques
Lacan : ce dernier rencontra personnellement Maurras et
participa à des réunions d’Action française ; Lacan trouva
chez son aîné un certain héritage positiviste, l’idée que la
société se composait plus de familles que d’individus,
l’insistance sur la longue durée au détriment de l’événementiel,
l’inanité des convulsions révolutionnaires et l’importance
primordiale du langage
375 :
« Partant de Maurras, il arrivait ainsi à Freud, pour rappeler
[…] combien la tradition, malgré les apparences, pouvait favoriser
le progrès
376. »
Il faut également citer
Édouard
Pichon, le maître de
Françoise
Dolto, qui dans les années 1930 fera de la pensée maurrassienne
l’axe de son combat pour la constitution d’un freudisme
français
377.
Chez les libéraux,
Daniel
Halévy ou
Pierre
Lasserre ont subi le pouvoir d'attraction politique et
philosophique du Maurrassisme alors qu'
a priori leur héritage
politique ne les prédisposait pas à être séduit par un penseur
contre-révolutionnaire
378.
Dans les milieux littéraires, le climat patriotique de la première
guerre mondiale, le prestige de Maurras et la qualité de son
quotidien font que
Henri
Ghéon, Alfred Drouin,
Marcel
Proust,
André
Gide,
Augustin
Cochin,
Auguste
Rodin,
Guillaume
Apollinaire lisent tous
L'Action française82.
Anna de
Noailles prie Maurras de croire à ses sentiments de profonde
admiration
379.
Les années 1920 correspondent à l'apogée littéraire de Maurras
avec une force d'attraction dont
Jean
Paulhan témoigne : « Maurras ne nous laisse pas le
droit en politique d'être médiocres ou simplement moyens
380. »
L'apogée littéraire se traduit par le portrait que publie
Albert
Thibaudet dans la série « Trente ans de vie française »
à la NRF, où
Les Idées de Charles Maurras précèdent
La
Vie de Maurice Barrès et
Le bergsonisme. Cette
monographie est un livre important puisqu'en formulant objections et
réserves, il éclaire la partie supérieure de la pensée et de
l'œuvre de Maurras, celle qui sort du poids du quotidien et échappe
au discours partisan et polémique.
Après la première guerre mondiale, il reçoit en abondance des
lettres pleines de respect et d'admiration d'
Arnold
van Gennep,
Gabriel
Marcel,
René
Grousset,
Colette,
Marguerite
Yourcenar,
Henry
de Montherlant,
Charles
Ferdinand Ramuz,
Paul
Valéry381 ;
le jeune Malraux a écrit une notice pour la réédition de
Mademoiselle Monck et exprime son envie de rencontrer
Maurras
382,
n
24.
Charles
Maurras eut une forte influence parmi les étudiants et la jeunesse
intellectuelle de l'entre-deux-guerres : quand Jean-Baptiste
Biaggi, futur compagnon de De Gaulle accueille Maurras au nom des
étudiants en droit de Paris, il a autour de lui
Pierre
Messmer,
Edgar
Faure,
Edmond
Michelet et parmi les Camelots du Roi, on compte
François
Périer et
Michel
Déon ; Maurras reçoit Des témoignages d'admiration de
Pierre Fresnay
et
Elvire
Popesco et est entouré par les jeunes
Raoul
Girardet,
François
Léger,
François
Sentein,
Roland
Laudenbach,
Philippe
Ariès383 ;
Maurras aime s'entourer de jeunes dont il pressent le talent et il
prend pour secrétaires particuliers
Pierre
Gaxotte et
Georges
Dumézil, l'un le jour l’autre la nuit
384.
Maurras et De
Gaulle
Avant la Seconde Guerre mondiale, il
semble que Charles de Gaulle, dont le père lisait
L'Action
française et se qualifiait de « monarchiste de regret »
et qui discuta avec le comte de Paris de la possibilité d'une
restauration de la royauté, ait été influencé par l'
Action
française et que cette dernière l'ait considéré avant la
France libre avec sympathie
385.
En
1924,
Charles de Gaulle dédicaça
La
Discorde chez l'ennemi à Maurras en lui témoignant ses
« respectueux hommages »
386.
Au printemps
1934,
sous l'égide du Cercle
Fustel
de Coulanges, une vitrine de l’
Action
française, Charles de Gaulle prononça une série de conférences
à la
Sorbonne387.
De Gaulle savait qu’il avait dans l’Action française un allié
attentif ; le 1
er juin 1934, l'Action française
consacra un article élogieux à
Vers l’armée de métier
qui défendait le principe d’une armée professionnelle très
compétente et mobile se superposant à l’armée conscrite ;
Le Populaire et
Léon
Blum suspectèrent le danger d’un coup d’État et c’est
dans
L’Action française que l’ouvrage fit l’objet du
seul encadré publicitaire auquel il eut droit
388.
De Gaulle écrira à Hubert de Lagarde, chroniqueur militaire de
L'Action française : « Monsieur Charles Maurras
apporte son puissant concours à l'Armée de métier. Au vrai, il y a
longtemps qu'il le fait par le corps de ses doctrines. Voulez-vous me
dire s'il a lu mon livre que j'ai eu l'honneur de lui adresser au
mois de mai
389 ? »
Maurras avait découvert de Gaulle en lisant un article de
La
Revue hebdomadaire et s'était exclamé : « Quelle
confirmation de nos idées les plus générales sur l'armée
390 ! »
En
1940, la
nomination au grade de général de Charles de Gaulle provoqua la
jubilation de Charles Maurras dans
L'Action française des 1
er
et 3 juin 1940 ; Maurras y qualifia de Gaulle de « pénétrant
philosophe militaire » et affirmait avoir voulu rester discret
à son endroit pour ne pas le gêner notamment : « Sa
thèse nous paraissait suffisamment contraire à la bêtise
démocratique pour ne pas ajouter à ces tares intrinsèques, la tare
extrinsèque de notre appui. Mieux valait ne pas compromettre
quelqu'un que, déjà, ses idées compromettaient toutes seules. »
Paul
Reynaud, qui rencontra en captivité en Allemagne la sœur du
général de Gaulle, Marie-Agnès Caillau, affirme que selon elle le
chef de la France libre serait resté maurrassien jusqu'aux accords
de Munich, soit seulement un an avant le déclenchement de la Seconde
Guerre mondiale
391 :
« Très franche, intelligente et bonne, [elle] nous raconte que
Charles était monarchiste, qu'il défendait Maurras contre son frère
Pierre jusqu'à en avoir les larmes aux yeux dans une discussion.
Mais au moment de Munich, il a désapprouvé entièrement l'attitude
de Maurras. »
Christian
Pineau dira à
André
Gillois « que le général avait reconnu devant lui qu’il
avait été inscrit à l’Action française et qu’il s’était
rallié à la République pour ne pas aller contre le sentiment des
Français »
392.
De Gaulle dit à
Claude
Guy qu'il n'aimait pas la Révolution française
393 :
« À entendre les républicains, la France a commencé à
retentir en 1789 ! Incroyable dérision : c'est au
contraire depuis 1789 que nous n'avons cessé de décliner. »
Il confia également à
Alain
Peyrefitte son peu d'enthousiasme pour la république : « Je
n'aime pas la république pour la république. Mais comme les
Français y sont attachés, j'ai toujours pensé qu'il n'y avait pas
d'autre choix
394. »
Il lui confia également en 1962, alors qu'il annonçait une
« initiative pour assurer la continuité de l'État »,
qu'un roi pourrait être utile à la France : « Ce qu'il
faudrait à la France, c'est un roi
395. »
Charles de Gaulle dira à plusieurs témoins à propos de Charles
Maurras : « Maurras est un homme qui est devenu fou à
force d'avoir raison
396. »
De fait, selon Claude Mauriac, chef du secrétariat particulier du
général de Gaulle à la Libération, ce dernier porta une très
grande attention au sort du théoricien du nationalisme intégral ;
il interviendra ainsi pour que Maurras ne passe pas devant la cour de
justice de Lyon en septembre 1944, mais devant la Haute Cour, réputée
plus indulgente
397.
Le 13 mai 1958,
Jean-Baptiste
Biaggi fit remarquer à de Gaulle que d’autres et lui-même
devaient leur nationalisme à Charles Maurras, ce dont le général
convint, regrettant que Maurras l'ait critiqué : « Aussi
bien, je n’ai jamais rien dit contre lui. Que ne m’a-t-il
imité
398 ! »
Charles Maurras en voudra toujours à de Gaulle d'avoir rompu avec
Pétain.
À l'étranger
Maurras et l'Action française ont exercé une influence sur
différents penseurs se réclamant d'un nationalisme se voulant
contre-révolutionnaire et chrétien dans le monde.
En Grande-Bretagne, Charles Maurras fut suivi et admiré par des
écrivains et philosophes et a plusieurs correspondants britanniques,
universitaires ou directeurs de revue ; en
1917,
il a été sollicité par Huntley Carter du
New Age et de
The
Egoist148,
399.
Plusieurs de ses poèmes furent traduits et publiés en
Grande-Bretagne où Maurras a de nombreux lecteurs parmi les High
Church de l'
anglicanisme
et les milieux conservateurs
400.
On compte parmi ses lecteurs
T.
S. Eliot ou T. E. Hulme. Eliot trouva les raisons de son
antifascisme chez Maurras : son antilibéralisme est
traditionaliste, au bénéfice d’une certaine idée de la monarchie
et de la hiérarchie.
Music within me, qui reprend en
traduction les pièces principales de
La Musique intérieure
paraîtra en 1946, sous la houlette du comte G.W.V. Potcoki de
Montalk, directeur et fondateur de la
The Right Review401,
402.
La condamnation de 1926 eut ainsi des effets jusqu'en
Grande-Bretagne
où elle détourna du catholicisme des partisans de la
High
Church, déçus par le juridisme romain : la conversion de
T. S. Eliot à
l’
anglicanisme,
l’éloignement du catholicisme de personnalité comme Ambrose Bebb
sont liés à cet événement
363.
Eliot inséra une citation en français de
L’Avenir de
l’intelligence dans son poème « Coriolan » qu’il
tenait pour un maître livre pour sa satyre des honneurs
officiels
403.
Au
Mexique,
Jesús Guiza y Acevedo, surnommé « le petit Maurras »,
et l'historien
Carlos
Pereyra (es).
En Espagne, il existe un mouvement proche de l'Action française
Cultura Española et sa revue
Acción Española.
L’influence de la pensée maurrasienne a été montrée chez les
auteurs et les intellectuels comme
Azorín404,
José
María Salaverría (es)405,
Eugenio
d'Ors406,
Víctor
Pradera407,
Antonio
Goicoechea (es)407,
ou
Álvaro
Alcalá-Galiano y Osma (es)408,
et, de même, elle a également influencé des mouvements politiques
tels que le
maurisme407.
Au Pérou, le
marquis
de Montealegre de Aulestia a été influencé par Maurras. Ce
grand penseur réactionnaire péruvien, admiratif de sa doctrine
monarchique, le rencontre en 1913.
En Argentine, le militaire argentin
Juan
Carlos Onganía, tout comme
Alejandro
Agustín Lanusse, avaient participé aux
Cursillos de la
Cristiandad, ainsi que les dominicains
Antonio
Imbert Barrera (es)
et
Elias
Wessin y Wessin (es),
opposants militaires à la restauration de la Constitution de 1963.
Au
Portugal,
António
de Oliveira Salazar qui gouverna le pays de 1932 à 1968 admirait
Maurras même s'il n'était pas monarchiste et il adressa ses
condoléances à sa mort en 1952
409.
Postérité
À
l'occasion du cent-cinquantième anniversaire de la naissance de
Charles Maurras, l'historien
Olivier
Dard rédige une notice de trois pages pour le livre des
commémorations nationales 2018. À la suite de protestations
d'associations antiracistes, la
ministre
de la Culture,
Françoise
Nyssen, retire la référence à l'écrivain dans le livre ;
les trois pages de Dard sont intégralement « supprimées »
et les ouvrages déjà imprimés envoyés au pilon
410,
411.
Membres du Haut Comité des
Commémorations nationales dont la mission « est de contribuer,
au hasard des anniversaires, à une meilleure prise de conscience des
épisodes du passé », les historiens
Jean-Noël
Jeanneney et
Pascal
Ory soulignent à cette occasion que « commémorer, ce
n'est pas célébrer. C'est se souvenir ensemble d'un moment ou d'un
destin. » En outre, ils rappellent qu'en 2011, le terme
« célébrations » a été remplacé par
« commémorations » dans l'intitulé du Haut Comité à
la suite de la polémique relative à
Louis-Ferdinand
Céline412.
Le
journaliste
et
écrivain
Gilles
Heuré critique également la décision de la ministre, en
arguant qu'« évacuer Maurras des commémorations nationales
n’a aucun sens, sinon celui de se bercer dans l’illusion qu’il
ne faudrait se souvenir que de ce dont la République, la « gueuse »
comme disaient les antiparlementaires, peut se glorifier. On pourrait
même aller jusqu’à rayer, dans les biographies autorisées,
l’influence qu’exerça Maurras sur la jeunesse d’un certain
Charles de Gaulle. Charles Maurras est une figure abjecte de notre
histoire. Le passer sous silence ne résout rien du rayonnement qui
fut le sien dans des décennies incandescentes, ni du système
d’idées qui fomenta toute une idéologie. Une idéologie qui,
elle, n’est pas morte en 1952
413. »
Dans
Libération,
Daniel
Schneidermann reproche à Olivier Dard de n'avoir pas évoqué
plus clairement l'
antisémitisme
de Maurras autrement que par cette phrase qu'il juge « contournée » :
«
Antidreyfusard,
[Maurras] dénonce « le syndicat de la trahison », que
symbolise « l'Anti-France », celle des « quatre
États confédérés » (juifs, francs-maçons, protestants, et
métèques). » Toutefois, le journaliste souligne que les
concepteurs de la notice officielle sont, à ses yeux,
« insoupçonnables de toute complaisance à l'égard de
l’antisémitisme (…) Olivier Dard compris, qui convint sur
France
Culture, que oui, Maurras était incontestablement antisémite,
tellement antisémite qu'il ne valait pas la peine de le
rappeler
414. »
L'historien
Pierre
Nora note pour sa part que Charles Maurras « est un
personnage qui, de toute évidence, fait partie de l'histoire de
France » et qui « permet de comprendre son époque ».
« Si on se met à émettre des jugements et peser dans la
balance, qui va-t-on admettre et ne pas admettre ? Ou bien on
veut que ce
Livre des commémorations soit exclusivement une
glorification des grands personnages et il faut en exclure Maurras et
bien d'autres. Ou bien on veut que ce soit un outil pour se repérer
dans le passé et alors il faut rassembler tous les grands témoins
historiques de la nation »
415.
Le 21 mars 2018, dix des douze membres
du Haut Comité des commémorations nationales — Christian
Amalvi, Marie-Laure Bernadac,
Gilles
Cantagrel, Nicole Garnier,
Claude
Gauvard,
Robert
Halleux,
Jean-Noël
Jeanneney,
Évelyne
Lever,
Pascal
Ory et
Jacques
Perot — donnent leur démission ne pouvant plus « siéger
avec, en permanence, la menace soit de la censure soit de
l’autocensure »
416.
Vie personnelle
Caractère
Pour
Stéphane
Giocanti, l’image d’un Maurras froid et austère est un
contre-sens ; il a au contraire un caractère sanguin et
contrasté : à la fois tendre et violent, contemplatif et
actif, patient et impatient, tantôt inflexible et obstiné, tantôt
bon et généreux ; sachant à l'occasion reconnaître ses
torts, pardonner et s’effacer devant les autres, il est tour à
tour exaspérant et charmant : « Il peut s’entêter, se
raidir, entrer dans des colères, devenir une teigne, quitte à le
regretter ensuite comme Bossuet ». Il a la frénésie de la
discussion et de la dialectique car il a la passion de la vérité,
de l’ordre, de l’unité. Il a l’intransigeance et la fierté
d’un homme de la fin du dix-neuvième siècle qui ne revient pas
sur sa parole et réserve ses doutes pour lui-même. Il s’engage
radicalement et est prêt à mourir pour la Cause d’autant qu’il
engage les autres dans son périple. Généreux vis-à-vis de ses
amis et fidéle en amitié, il peut être un amant passionné, un
charmeur blaguant, diseur de vers et buveur de bon vin. Très
sensible aux femmes, il s’affirme bon causeur caustique, pétillant
et aimant la complicité des dames élégantes
417.
Il suscita des attachements très forts et reçut d’innombrables
marques de fidélité et d’admiration : ainsi, avant de gagner
l’horizon polaire avec l’explorateur
Roald
Amundsen, deux pilotes survolant la maison de leur maître
lâchèrent sur le jardin une pluie de pétales de roses, message de
fidélité placé sous le signe de
sainte
Thérèse de l’Enfant Jésus418.
Pierre Gaxotte
écrivit à son propos : « Maurras était en pleine force,
insensible à la fatigue, aux incommodités, aux menaces, aux
dangers. On était pris d'abord par son regard, où rayonnaient
l'intelligence, l'autorité, l'énergie le courage, la bienveillance,
une attention extrême et parfois la gaieté. Mais on était conquis
aussi par sa jeunesse, son ardeur, son alacrité
419. »
Charles Maurras qui aimait la
simplicité et avait le « sens de la pauvreté », gagnait
volontairement moins que le plus petit ouvrier qualifié de son
journal ; après 1940, il versa ses droits d'auteur à une œuvre
de prisonniers
420.
Famille
Le 22
novembre 1925, lors d’une réunion organisée par l'Action
française en réaction à la victoire du
cartel
des gauches à Luna Park où trente mille personnes se rendent,
Charles Maurras a la prescience de la mort de son frère. Il apprend
le lendemain la mort au Tonkin du médecin et chirurgien Joseph
Maurras, qui donnait une chronique médicale à
L'Action française
très suivie par la profession. Il télégraphie à sa belle-sœur
Henriette qu’il adopte son neveu Jacques et ses nièces Hélène et
Jeanne ; il logera son neveu avec sa mère
avenue
Mozart et leur trouvera un précepteur, l’abbé Rupert ;
Jacques sera bachelier au lycée Janson-de-Sailly
421,
diplômé de l’
École
libre des sciences politiques, licencié en droit
n
25. Maurras était également le parrain de François Daudet, un
des fils de
Léon
Daudet.
Relations
avec les femmes
Charles Maurras eut une vie
sentimentale riche et intense. Il eut de nombreuses relations
féminines qui se terminèrent par des ruptures en douceur : son
air parfois triste conjugué à l’ardeur de son regard pouvait
plaire
422.
Dans les
années
1890, Maurras a dû affronter la séparation de la belle
Valentine de Saint-Pons, puis il a été l'amant de la bouillonnante
M
me Paul Souday qu'il continua de fréquenter amicalement
après leur séparation.
Il
tomba ensuite amoureux de la comtesse de la Salle-Beaufort, la nièce
de
Gustave
Janicot, qui travaillait avec lui à
La
Gazette de France et qu'il connaissait depuis
1892 :
la jeune femme, mariée et mère de plusieurs enfants, cultivée et
touchée par cet amour ardent, ne voulut pas tout abandonner pour
lui, ce qui lui donnera des envies de suicide
423.
Maurras ne rompait jamais avec les femmes : il correspondit avec
la comtesse jusqu'en
1930359.
En
1910
et jusqu'à son mariage, M
me Jules Stefani, née Rachel
Legras (alias Pierre Chardon), fut l'amante de Maurras qui lui confia
la publication de son
Dictionnaire politique et critique,
encyclopédie touchant tous les domaines auxquels Maurras toucha :
politique littérature, histoire, sociologie philosophie
424.
En
1925, l’objet
de ses sentiments amoureux fut Alice Gannat, intendant au
collège
des jeunes filles de la Légion d’honneur mais celle-ci ne
consentit qu'à une relation amicale.
En
1928, il se
lia avec la princesse Yvonne Rospigliosi, baronne de Villenfagne de
Sorinnes (1887-1946) mariée au prince Ferdandino Carlo Rospiglios ;
celle-ci habita chez Maurras
rue
de Verneuil et ils connurent des amours tempétueuses.
Sa
dernière amie fut M
me de Dreux-Brézé, qui s'installa
dans un logement tout près de sa prison et avec laquelle il eut une
correspondance suivie après la
Seconde
Guerre mondiale371.
Il eut également une liaison avec M
me
Espinasse-Mongenet
425.
De façon générale, Charles Maurras aimait les femmes et cela se
traduisit par des prises de position politiques : en 1910, il
salua l'entrée des femmes dans le cycle des études supérieures :
« Représentez-vous ce que les 2 500 étudiantes de
Paris
nous annoncent d'artistes, de lettrées, d'avocats, de doctoresses et
tout ce qu'elles vont faire d'imitatrices, étudiantes de demain,
parmi les fillettes qui sautent à la corde ou préparent leur
première
communion426 ? »
Favorable au
droit
de vote des femmes, il rappelait que les femmes avaient voté
sous
Louis XVI
dans les paroisses
427.
Touchée par les pages que lui consacra Maurras, la
poétesse
saphique
Renée
Vivien compara Maurras à un «
Archange »
428,
n
26.
Œuvres
Liste
chronologique
-
1887 : premiers articles
publiés
-
-
1890 : Lire, écouter
l'Antigone... de Sophocle.
-
-
Recueil comprenant
notamment Harmonies : La Bonne Mort qui fut supprimé
des éditions ultérieures.
-
1896 : Lettres des Jeux
olympiques
Lettres parues du
15 au 22 avril 1896 dans La Gazette de France et recueillies en 1901
dans
Anthinéa.
-
1898 : L'Idée de la
décentralisation
-
-
1899 : Dictateur et Roi
Texte rédigé en
1899, prévu pour être édité en 1903 et publié dans Enquête
sur la monarchie, édition de 1924.
-
1900-1903 : Enquête sur
la monarchie
Réédité et
augmenté en 1909 et 1924.
-
Premier livre. Chez nos
exilés, 1900
-
Deuxième livre. Lettres et
opinions, 1900
-
-
Texte réédité en 1932 sous le titre
Anthinéa. D'Athènes à Florence. La première partie (le
livre I) intitulée Le Voyage d'Athènes comprend, entre
autres, Lettres des Jeux olympiques et Athènes antique
et a été rééditée séparément en 1927. Le livre IV a été
réédité séparément en 1929 sous le titre Promenades
italiennes.
Ironie et Poésie (1901), édition du Pigeonnier, 1923.
-
1901 : Ironie et Poésie
Première
publication dans la Gazette de France en 1901. Parution en
volume en 1923. Repris dans Barbarie et Poésie, 1925.
-
1902 : Invocation à
Minerve
Publié sans nom
d'auteur dans la revue Minerva. Repris en 1905 comme
appendice dans L'Avenir de l'intelligence.
-
-
Textes parus en
1902 et 1903 dans la revue Minerva.
-
-
1910 :
-
Kiel et Tanger, 1895-1905.
La République française devant l'Europe
-
Idées royalistes
Réédité en 1919
sous le titre Les Idées royalistes sur les partis, l"État,
la Nation.
-
Recueil de textes
de 1905 et 1908 repris dans Enquête sur la monarchie,
édition de 1924.
-
1911 : Une campagne
royaliste au "Figaro". Août 1901-janvier 1902
Reprise intégrale
dans Enquête sur la monarchie, 1924.
-
1911 : Pour Psyché
Poèmes publiés en
1892 et repris dans La Musique intérieure, 1925.
-
1912 : La Politique
religieuse
-
1913 :
-
Trois études :
Verlaine - Brunetière - Barrès
Reprend des textes
parus dans La Revue encyclopédique en 1895 (Paul
Verlaine), 1899 (La décadence de M. Ferdinand Brunetière)
et en 1903 dans La Gazette de France (Maurice Barrès),
avec une introduction de Henri Clouard : "Charles Maurras
et la critique des lettres".
-
L'Action française et la
religion catholique
-
Notes sur Dante
-
-
-
Recueils d'articles
publiés dans L'Action française.
-
-
1918 :
-
Préface reprise
dans Pages littéraires choisies (1922) et l'article Stenhal
du tome V du Dictionnaire Politique et Critique, 1934.
-
Édition remaniée
du texte des Notes sur Dante de 1913.
-
1920 : Les trois aspects
du Président Wilson. La neutralité, l'intervention, l'armistice
Recueil d'articles
de L'Action française.
-
1921 : Tombeaux
-
1921 : La Démocratie
religieuse
-
1922 :
-
Pages littéraires choisies.
Contes philosophiques, poémes, critique littéraire, voyages,
philosophie générale
-
Inscriptions (poèmes)
Poèmes repris
dans La Musique intérieure, 1925.
-
Romantisme et Révolution
Édition
définitive de Trois idées politiques (1898) et de L'Avenir
de l'Intelligence (1905), y compris Auguste Comte, Le
Romantisme Féminin, Mademoiselle Monk et Invocation à
Minerve.
-
1923 :
-
Les Nuits d'épreuves et la
mémoire de l'État. Chronique du bombardement de Paris
Recueil d'articles
publiés en 1918, repris dans Heures immortelles (1932).
-
Poètes
Reprend les
Trois
études sur Verlaine - Brunetière - Barrès avec des textes
sur Mallarmé, Valéry,
Du
Plessis et
Bernard,
-
L'Allée des philosophes
-
1924 : Enquête sur la
Monarchie, suivie de Une campagne royaliste au "Figaro",
et Si le coup de force est possible
-
1924 : Premiers pas sur
l'Acropole
Reprise du texte
L'Acropole, extrait de
Anthinéa
(1901).
-
1925 : La Musique
intérieure
-
1925 : Barbarie et
poésie. Vers un art intellectuel
-
1926 :
-
Tiré à
715 exemplaires, reprend un conte paru en 1894.
-
La Sagesse de Mistral
(tiré à 530 exemplaires)
-
Lorsque Hugo eut les cent
ans. Indications
Reprise de trois
textes de 1901-1902.
-
1927 : Les Pièces d'un
procés. L'Action française et le Vatican
-
1927 : Le Voyage
d'Athènes
-
1928 :
-
La Politique du Vatican.
Sous la terreur
-
Le Prince des nuées
-
Un débat sur le romantisme
-
L'Anglais qui a connu la
France
Texte de 1902 sur
John
Bodley (en)
(1853-1925) qui fut repris en 1937 dans
Devant l'Allemagne
éternelle.
-
Corps glorieux ou Vertu de
la perfection
-
1929 :
-
Reprise de textes
de Anthinéa (1901), de L'Action française et la
religion catholique (1913) et de L'Étang de Berre
(1915).
-
Les Secrets du Soleil
-
Promenade italienne
Reprise de la
quatrième partie d'
Anthinéa.
-
Napoléon pour ou contre la
France
-
1930 :
-
1931 :
-
Recueil de trois
textes parus en 1895, 1900 et 1923.
-
Le Quadrilatère. Galliéni
1916, Mangin 1925, Foch 1930, Joffre 1931
-
Au signe de Flore. Souvenirs
de vie politique, l'affaire Dreyfus, la fondation de L'Action
française (1898-1900).
-
Pour la Défense nationale,
3 volumes
Le volume 2,
recueil d'articles, est intitulé Décernez-moi le prix nobel de
la paix.
-
Principes
-
1932 : Heures
immortelles, 1914-1919
-
1932 : Prologue d'un
essai sur la critique
Publié dans la
Revue Encyclopédique Larousse en 1896, puis dans La Revue
Universelle en 1927.
-
1933 : Paysages et cités
de Provence
Texte repris en
1934 dans l'article Provence du Dictionnaire politique et
critique et réédité en 1938 sous le titre La Montagne
provencale.
-
1933 : L'Amitié de
Platon
Préface du Banquet
– Phédon. Traduction nouvelle de Léon Robin.
-
1932-1934 : Dictionnaire
politique et critique, 5 volumes.
-
1934 : Le long du Rhône
et de la Mer
-
1935 : Louis XIV et la
France. Essai sur la grandeur qui dure
-
1937 :
-
Quatre poèmes d'Eurydice
-
Les Vergers sur la mer.
Attique, Italie et Provence, recueil
« Les
vergers sur la mer font suite à la jeune
Anthinéa,
la complétent et la corrigent. » (Charles Maurras).
-
Jeanne d'Arc, Louis XIV,
Napoléon
-
Devant l'Allemagne éternelle
-
-
La Dentelle du Rempart.
Choix de pages civiques en prose et en vers, 1886-1936
-
-
1939 : Le Fauteuil de
Henry Robert. Discours de réception de Charles Maurras à
l'Académie française et réponse de Henry Bordeaux
-
1939 : Louis XIV ou
l'Homme roi
-
1940 : Pages africaines
-
1941 :
-
1942 : De la colère à
la justice. Réflexions sur un désastre.
-
1943 : Vers l'Espagne de
Franco
-
1944 :
-
1945 : L'Allemagne et
nous. Déclaration de Charles Maurras à la Cour de Justice du Rhône
les 24 et 25 janvier 1945
-
1945 : Où suis-je ?,
poème.
-
1946 : Au-devant de la
nuit (sous le pseudonyme de Léon Rameau).
-
1948 :
-
Pour un réveil français
Texte rédigé
d'après une conférence faite en 1943.
-
Les Deux Justices ou Notre
J'accuse
Publié sous le
nom « Les Amis de Charles Maurras ».
-
Antigone, Vierge-Mère de
l'Ordre
Texte en prose
précédé d'un poème écrit à Riom en 1946.
-
L'Ordre et le désordre. Les
idées positives et la révolution
-
Réflexions sur la
Révolution de 1789
-
-
Le Parapluie de Marianne
(sous le pseudonyme d'Octave Martin).
-
Une promotion de Judas
(sous le pseudonyme de Pierre Garnier).
-
-
1949 :
-
Inscriptions sur nos ruines,
recueil d'articles de 1941 à 1943.
-
Le Cintre de Riom,
poèmes.
-
Mon jardin qui s'est souvenu
-
Pour un jeune Français.
Mémorial en réponse à un questionnaire
Le chapitre dix
(sur douze), intitulé L'Avenir du nationalisme français, a
été repris dans les Œuvres Capitales de 1954.
-
Au Grand Juge de France.
Requête en révision d'un arrêt de Cour de Justice (en
collaboration avec
Maurice
Pujo).
-
1950 : La Prière de la
fin
-
1950 : Le Mont de
Saturne. Conte moral, magique et policier
-
1951 :
-
Pour réveiller le Grand
Juge (en collaboration avec Maurice Pujo).
-
Tragi-comédie de ma surdité
Texte écrit fin
1944-janvier 1945, à la prison St-Paul, à Lyon.
-
-
À mes vieux oliviers
-
1952 :
-
La Balance intérieure,
poèmes.
-
Le Beau Jeu des
reviviscences. Un après-midi d'hiver à Clairvaux
-
Le Bienheureux Pie
X, sauveur de la France
-
Le guignon français ou le
rouge et le blanc
-
Le Procureur et l'habitant.
Deuxième lettre à M. le Procureur général près la Cour d'appel
de Lyon par Charles Maurras
-
Lettre à Mr Vincent Auriol,
Président de la République suivi de Touchés
-
Originaux de ma Provence. Types et paysages
Œuvres posthumes
-
1953 : Pascal puni
(conte infernal), Flammarion (posthume)
-
1953 : Votre Bel
aujourd'hui. Dernière lettre à Mr Vincent Auriol, Président de la
IV° République, Fayard (posthume).
-
1954 : Maîtres et
Témoins de ma Vie d'Esprit. Barrès - Mistral - France - Verlaine -
Moréas, Flammarion (posthume)
Recueil de textes
publiés en 1913 (Les époques de la poésie de Verlaine et
Barrès poète), 1924 (Anatole France, politique et
poète), 1939-1941 (textes de conférences données en 1932) et
1950 (Moréas).
-
1954 : Œuvres capitales
(posthume). 4 volumes 16×23 - chez Flammarion
Établie par
l'auteur dans la dernière année de sa vie, l'édition des Œuvres
capitales est constituée de :
-
-
II. Essais politiques
(Confession ; Romantisme et révolution ; Trois idées
politiques ; L'Avenir de l'intelligence ; Principes ;
Réalités ; Jeanne d'Arc, Louis XIV, Napoléon ;
Dictateur et roi ; Vingt-cinq ans de monarchisme ;
L'Avenir du nationalisme français) ;
-
III. Essais littéraires
(Prologue d'un essai sur la critique ; Ironie et poésie ;
Les Amants de Venise ; Bons et mauvais maîtres) ;
-
IV. Le Berceau et les muses
(Enfances ; L'Étang de Berre ; Suite provençale ;
La Musique intérieure ; La Balance intérieure).
-
1963 : Soliloque du
prisonnier (posthume).
-
1996 : Journal de
Charles Maurras. Jeux Olympiques d'Athènes, Amis de la Maison
du Chemin de Paradis, 1996, journal tenu par Charles Maurras pendant
les J. O. de 1896
-
2003 : La Merveille du Monde, Bulletin Charles
Maurras no 18, Anthinéa, 2003, texte de 1891
Correspondance
-
1958 : Lettres de prison
(8 septembre 1944 - 16 novembre 1952) (posthume).
-
1960 : Lettres à H.
Mazel (1895-1896, posthume).
-
1966 : Lettres
passe-murailles, correspondance échangée avec Xavier Vallat
(1950-1952) (posthume).
-
1970 : La République ou
le Roi ? Correspondance inédite de Maurice Barrès et de
Charles Maurras, 1888-1923, Plon, 1970.
-
2007 : Dieu et le Roi – Correspondance entre
Charles Maurras et l'abbé Penon (1883-1928), présentée par Axel
Tisserand, Privat, coll. « Histoire », Paris,
novembre 2007, 750 p. (ISBN 978-2-7089-6881-3).
Éditions récentes
-
2004 :
Lettres des Jeux
olympiques, anthologie, GF-Flammarion, prés. Axel Tisserand,
2004
(ISBN 978-2-08-071208-0).
-
2007 :
L’Ordre et le
désordre, précédé de
L'Avenir du nationalisme français,
préface de François L'Yvonnet, coll. Carnets, L’Herne, Paris
(ISBN 978-2-85197-665-9).
-
-
2010 : Soliloque du
prisonnier, préface de François L'Yvonnet, coll. Carnets,
L’Herne, Paris.
-
2011 :
La Bonne Mort,
préface de
Boris
Cyrulnik et présentation de Nicole Maurras, coll. Carnets,
L’Herne, Paris.
Texte publié en
1895 dans Le Chemin de Paradis. Mythes et fabliaux.
-
2018 : L'Avenir de l'intelligence et autres textes,
préface de Jean-Christophe
Buisson, édition établie et présentée par Martin Motte,
Robert Laffont, Bouquins, 1280 p.
Maurras et le Félibrige
Charles Maurras fut un écrivain
provençal : élu majoral du
Félibrige
en 1941, il en fut exclu en
1945,
tout en usant d'un droit réglementaire à présenter une réponse,
qu'il composa en provençal et qui fut lue
429 ;
dans ce texte il met en avant son constant anti-germanisme, il dit
avoir dénoncé Daladier dès le début et souligne les représailles
qu'il dit avoir subies (attaques des forces d'occupation allemandes,
appartements pillés et scellés, collaborateurs personnels
emprisonnés par la Gestapo). En tant que Félibre, il a publié son
œuvre en
provençal
en
graphie
mistralienne. Il avait à ce titre, et avant les faits qui lui
furent reprochés après la guerre, rédigé la préface du grand
roman de provençal
La
Bête du Vaccarès ; après la guerre cette introduction
fut conservée dans les éditions suivantes, mais une autre fut
ajoutée et vint prendre sa place.
Voir aussi
Sur les autres projets Wikimedia :
Bibliographie
-
-
Philippe Bedouret, Barrès,
Maurras et Péguy face au germanisme (1870-1914), École
pratique des hautes études, Paris, 2005, 2 vol., 748 p. (thèse
d'Histoire contemporaine).
-
-
Franck Bouscau, Maurras et la
pensée contre-révolutionnaire, AFS, 2009.
-
Pierre
Boutang,
Maurras, la destinée, l'œuvre, éd. La
Différence, 1994, 693 p.
-
Agnès
Callu et
Patricia
Gillet,
Lettres à Charles Maurras – Amitiés politiques,
lettres autographes, 1898-1952, éd. Presses Universitaires du
Septentrion, 2008.
-
Andrea Cavaletto, « La
monarchie imaginée : sur le royalisme dans l'idéologie de
l'Action Française »,
Diacronie, n
o 16,
2013
[lire
en ligne [archive]].
-
-
-
(en) Jean-Louis Clément,
« The
Birth of a Myth : Maurras and the Vichy Regime »,
French History, vol. 17,
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o 4, décembre 2003, p. 440–454
(DOI 10.1093/fh/17.4.440).
-
-
Catherine Fillon, «
Le
procès de Charles Maurras (24-27 janvier 1945) »,
Histoire de la justice, Paris, Association française pour
l'histoire de la Justice / La Documentation française, n
o 18
« La justice de l'épuration. À la fin de la Seconde Guerre
mondiale », 2008, p. 59-71
(ISBN 978-2-11007-300-6,
ISSN 1639-4399,
DOI 10.3917/rhj.018.0059).
-
Pedro Carlos González Cuevas, «
La
recepción del pensamiento maurrasiano en España (1914-1930) »,
Espacio, Tiempo y Forma, Serie V, Historia Contemporánea,
Madrid,
Universidad
Nacional de Educación a Distancia, vol. 3, 1990,
p. 343-356
(ISSN 1130-0124,
DOI 10.5944/etfv.3-1.1990.2716,
lire
en ligne [archive])
-
Stéphane Giocanti, Charles
Maurras félibre, Les Amis de la langue d'Oc, 1994. Préface de
Jean Fourié. Avant-propos de Pierre-Jean Dufief.
-
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Cahiers, L’Herne, 2011, Paris.
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Jérôme
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« L'affaire
Dreyfus, et le surgissement de Charles Maurras dans la vie politique
française », dans
Michel
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Presses
universitaires du Septentrion, coll. « Histoire et
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(ISBN 2-85939-541-5,
présentation
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À l'école de l'Action française – Un siècle
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Nouvelle Bibliographie de Charles Maurras, éd. L'Art de
voir, Aix-en-Provence, 1980, 2 vol. , XXXVI-275 p. ;
303 p. (édition corrigée et complétée du précédent
ouvrage des mêmes auteurs : Biblio-iconographie générale
de Charles Maurras, Roanne, les Amis du Chemin de Paradis, 1953,
2 vol. ).
-
Roger Joseph, Les Faux
Maurras, éditions de la Seule France, Paris, 1958, 64 p.
[réfutations, par un proche, des principales accusations dont
Charles Maurras fit l'objet].
-
Grégoire
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« De
Drumont à Maurras, une veine pamphlétaire »,
dans
Michel
Leymarie,
Olivier
Dard,
Jacques
Prévotat et
Neil
McWilliam (dir.),
Le maurrassisme et la culture :
L'Action française, culture, société, politique (III),
Villeneuve-d'Ascq,
Presses
universitaires du Septentrion, coll. « Histoire et
civilisations », 2010, 370 p.
(ISBN 978-2-7574-0147-7),
p. 17-23.
-
Tony Kunter,
Charles Maurras,
la Contre-Révolution pour héritage, Nouvelles éditions
latines, Paris, 2009, 208 p.
(ISBN 978-2-7233-9818-3).
-
Tony Kunter,
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collection « Qui suis-je? », Pardès, Grez-sur-Loing,
2011, 128 p.
(ISBN 978-2-86714-454-7).
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Hélène Maurras, Souvenirs
des prisons de Charles Maurras, éd. du Fuseau, 1965.
-
Paul Mazgaj, The Action
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University of North Carolina Press, 1979.
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Thomas
Molnar,
Charles Maurras, Shaper of an Age, Modern Âge,
Fall, 1999 issue, Intercollegiate Studies Institute Inc.
(ISSN 0026-7457)
(traduction française sous le titre
Charles Maurras, le
façonneur d'une époque, par l'A.A.M.C.P.)
-
Victor
Nguyen, « Note sur les problèmes de l’antisémitisme
maurrassien », dans Pierre Guiral et Émile Temime (dir.),
L’Idée de race dans la pensée politique française
contemporaine, Paris, éditions du CNRS, 1977, p. 139-154.
-
-
Frédéric Ogé,
Le Journal
L'Action française
et la politique intérieure du
gouvernement de Vichy, Toulouse, Institut d'études politiques,
coll. « Travaux et documents », n
o 1984-2,
Centre William Isaac Thomas d'analyse des systèmes sociaux, 1984,
présentation
en ligne [archive],
présentation
en ligne [archive].
-
-
Jacques
Prévotat,
Les catholiques et l'Action française :
histoire d'une condamnation, 1899-1939, Paris, Fayard,
coll. « Pour une histoire du XXe siècle »,
2001, 742 p.
(ISBN 978-2-21360333-9,
présentation
en ligne [archive]),
[présentation
en ligne [archive]],
[présentation
en ligne [archive]].
-
Carole
Reynaud-Paligot,
« Maurras
et la notion de race », dans
Michel
Leymarie,
Olivier
Dard,
Jacques
Prévotat et
Neil
McWilliam (dir.),
Le maurrassisme et la culture :
L'Action française, culture, société, politique (III),
Villeneuve-d'Ascq,
Presses
universitaires du Septentrion, coll. « Histoire et
civilisations », 2010, 370 p.
(ISBN 978-2-7574-0147-7),
p. 111-119.
-
Henry Rousso,
«
Une
justice impossible : l'épuration et la politique antijuive de
Vichy »,
Annales.
Économies, sociétés, civilisations, Paris, Armand Colin,
n
o 3 (48
e année) « Présence du
passé, lenteur de l'Histoire. Vichy, l'occupation, les juifs »,
mai-juin 1993, p. 745-770
(lire
en ligne [archive]).
-
-
« demeure un ouvrage de référence », selon Jacques
Prévotat
430;
« étude brillante mais manquant de recul historique »
selon Jacques Paugam
431.
-
-
Pol
Vandromme,
Maurras – Entre le légiste et le contestataire,
Tequi, 1991.
-
-
-
« Charles Maurras », Nouvelle
École no 66 [archive],
janvier 2017 ( (ISSN 0048-0967)).
Sources
Les papiers personnels de Charles
Maurras sont conservés aux
Archives
nationales sous la cote 576 AP
432.
Articles connexes
Liens externes
-
Ressource relative à la recherche
-
-
-
-
-
(es) socialismo
y participación [archive]
- Centro de Estudios para el Desarrollo y la Participación, Lima,
octobre 2008 (Charles Maurras et le Marquis de Montealegre de
Aulestia (1913-1914), par Víctor Samuel Rivera, p. 163). [PDF]
Notes et références
Notes
-
-
Pour se faire comprendre de lui, il faudra lui parler à la racine
du nez
18.
-
Doctrine
attribuant à la douleur une valeur morale, esthétique et
intellectuelle, le dolorisme réclame d'accepter ses souffrances. Le
dolorisme est une doctrine étrangère au christianisme
provençal
[réf. nécessaire].
-
Une
majorité de royalistes de l'époque reconnaît dans le comte de
Paris le « roi de France Philippe VII ».
[réf. nécessaire]
-
Maurras
est alors pris en considération comme un acteur du débat politique
et intellectuel : en 1900, le duc d'Orléans donne son
approbation publique à Maurras ; les échanges de ce dernier
avec
Le Temps et
L'Éclair montrent que ses
adversaires prennent ses arguments au sérieux : même si la
restauration paraît lointaine et indésirable, on estime
indispensable de la combattre ; le rayonnement de Maurras joue
sans doute un rôle dans le découragement politique qui saisit en
1901
Maurice
Barrès qui ne parvient pas à susciter une école
intellectuelle ou une force politique définie capable d'unifier les
nationalistes.
[réf. nécessaire]
-
Le 1
er novembre 1935, « Jarjaille » (
Anatole
Sixte-Quenin) écrit dans
Le
Populaire que si la guerre était déclarée, « les
mobilisés abattront MM.
Béraud
et Maurras comme des chiens
106. »
Le
député
SFIO revendique ultérieurement sa tirade
107
en rappelant qu'il reprenait les termes utilisés par Maurras
lui-même dans sa menace de mort contre
Abraham
Schrameck en juin 1925
108.
-
Ce
dernier ouvrage doctrinal compose la synthèse politique, économique
et sociale de sa pensée. La préface, intitulée « La
politique naturelle », est un manifeste anthropologique qui
envisage l’homme comme un être naissant et grandissant au sein de
structures d’appartenance qui le relient à la société (famille,
métier, commune, paroisse, région, nation) et lui permettent
d’accéder à des libertés réelles. La politique considérée
comme « naturelle » est celle qui met en œuvre
« l’empirisme organisateur », lequel déduit des lois
du passé les enseignements de l’avenir.
[réf. nécessaire]
-
Maurras
écrit le 13 janvier 1937 dans
L'Action française que la
politique réclamée par Blum, Delbos et Viénot a rendu la France
faible et maintenant, « voilà les mêmes gens qui ne rêvent
que plaies et bosses. […] D’où il suit que ces beaux messieurs
n’ont cessé de vouloir la paix quand nous pouvions soutenir
victorieusement une guerre juste et sensée ; mais aussitôt
que nous avons été affaiblis topographiquement, privés de
positions fortes qui faisaient notre supériorité, ils se sont mis
à hurler à la guerre, à cette guerre que nous ne pouvions plus
faire que dans des positions extrêmement difficiles et
périlleuses ! Est-ce de la bêtise ? Est-ce de la
trahison ? Est-ce de l’une et de l’autre ? »
-
Le 30 août 1939, Maurras écrit à Franco pour qu'il travaille à
détacher Mussolini d'Hitler
145.
-
Le
13 septembre 1939, son « confrère et ami » Morton
Fullerton correspondant du
Times, lui écrit une lettre
chaleureuse et s’en prend au
Deutschzender qui a inventé
un texte anglophobe à Maurras lui en attribuant la paternité.
Maurras écrit dans
L’Action française le 6 novembre
1939 : : « Les dix dernières années ont marqué
plus d’une liaison utile entre les Britanniques et nous. On
connaît d’habiles traductions de nos œuvres parues à la revue
The Criterion. Un professeur de
Melbourne
a une traduction de
L’Avenir de l’Intelligence que l’on
dit très exacte. […] Un très grand nombre de mes vers ont été
publiés dans
The Right Review. […] En
1937,
des Anglais de haute distinction ont bien voulu signer la pétition
qui me proposait au prix Nobel de la Paix. Il serait absolument
incompréhensible que, dans l'état de tels rapports intellectuels,
j'aie énoncé les absurdités que me prête le Deutschzender
allemand - et en des termes d'une telle grossièreté. » En
1939, le professeur Eccles célèbre Maurras dans la
Weekly
Review.
-
Le
projet de constitution du 30 janvier 1944 que prépara le
Maréchal
Pétain se voulait d'ailleurs explicitement républicain même
s'il renforçait le rôle du chef de l'État, président de la
République. Charles Maurras considérait cette orientations
préférable à celle du régime précédent et il avait confiance
en Philippe Pétain pour ne pas engager militairement la France aux
côtés de l'Allemagne, ce que souhaitait les collaborationnistes,
mais selon Simon Epstein cela ne suffit pas à faire du régime de
Vichy une émanation idéologique de l'Action
française.
[réf. nécessaire]
-
Dans une conférence au café Neuf de Lyon, le 3 février 1943,
Maurras proclama publiquement que l’Allemagne restait pour la
France l’ennemi n
o 1, la censure empêchant que
ses prises de position soient publiées
210 ;
s’il a approuvé dans un premier temps la création de la Milice
comme une police qui protégerait les gens contre les attentats
communistes qui visaient indifféremment de vrais
collaborationnistes et des pétainistes antiallemands, il la
désapprouva énergiquement dès qu’il apprit que son commandement
était soumis à l’autorité allemande et interdit à ses
partisans de s’y engager,
211 ;
de fait, les miliciens réquisitionnèrent ses bureaux et lui firent
une « figure féroce
212 » ;
à un correspondant qui lui proposait d'annoncer une exposition
antisoviétique dans
L'Action française, il répondit que ce
n'étaient pas les Russes qui occupaient la France et que si on
organisait une exposition antiallemande, il en rendrait compte dans
ses articles
213 ;
il met en avant que ses articles visaient à tromper la censure pour
mieux faire passer un message antiallemand ; ainsi, le 12
février 1943, il montre l’impossibilité d’intégrer la France
dans un ensemble européen et pour son partisan
Pierre
Boutang, il ne pouvait y avoir alors de tract clandestin plus
utile contre l’occupant
214.
-
Il écrit en septembre 1941 : « l'humanité veut que nous
assurions aux Juifs qui résident chez nous la sécurité, le
respect, la bienveillance, la justice, avec toute l'amitié
possible
215. »
-
François
Huguenin soutient que cette affirmation peut paraître
intolérable mais demeure « plausible » compte tenu du
milieu confiné dans lequel vivait Maurras à Lyon et de la vieille
habitude pratiquée par Maurras de l'invective violente jamais
suivie d'effet
216
(sauf dans l'exemple de l'agression de Blum). C’est en 1945 que
Maurras apprendra l’horreur des
camps
d'extermination et qu’il prononcera des paroles de
compassion
218.
Il a été cependant ému par la mort de
Georges
Mandel assassiné par des miliciens : il lui consacre dans
L'Action française du 21 juillet 1944 un article fleuve à
la fois critique et élogieux, rappelant ses divergences tout en
déplorant la mort d’un homme qu’il a rencontré plusieurs fois
depuis 1918, qui a rendu par son entremise un service aux Orléans.
-
Le
Larousse 2008,
(ISBN 978-2-03-582503-2),
MAURRAS (Charles), p. 1510, emploie le mot « radié » :
[Acad. fr., radié en 1945] ; ce terme est employé par ce
dictionnaire de manière constante, il figure par exemple sur
l'édition de 1952, p. 1534.
-
« Cité » doit être compris dans le sens donné par
Aristote dans
Les Politiques : « Un citoyen au sens plein ne
peut pas être mieux défini que par la participation à une
fonction judiciaire et […] à « une magistrature sans
limite » […], le citoyen comme nous l'avons défini existe
surtout en démocratie ; […] et nous appelons, en bref, cité
l'ensemble de gens de cette sorte. Note interne concernant la
magistrature - Livre 1, Note 1 : « Magistrat » sera
désormais, dans la traduction comme dans les notes, pris en son
sens général de celui qui exerce une fonction (une charge)
politique, et non au sens juridique qui tend, de nos jours, à
s'imposer. »
269.
-
Pour nommer sa théorie des « quatre États confédérés »,
Charles Maurras s'est inspiré d'une expression utilisée par
Henri
Vaugeois en juin 1899
265.
-
Maurras affirme en 1937 : « L'antisémitisme est un mal,
si l'on entend par là cet antisémitisme de peau qui aboutit au
pogrom et qui
refuse de considérer dans le Juif une créature humaine pétrie de
bien et de mal, dans laquelle le bien peut dominer. On ne me fera
pas démordre d'une amitié naturelle pour les Juifs bien nés
292. »
Lors de la promulgation du statut des Juifs, Charles Maurras insiste
de nouveau sur cette « distinction »
216,
affirmant que l'État ne doit en vouloir « ni à la foi
religieuse des Israélites, ni à leur sang, ni à leur bien »
293.
En 1941, il réaffirme la « spécificité » de son
antisémitisme d'État : « On pose bien mal la question.
Il ne s'agit pas de flétrir une race. Il s'agit de garder un
peuple, le peuple français, du voisinage d'un peuple, qui,
d'ensemble, vit en lui comme un corps distinct de lui […]. Le sang
juif alors ? Non. Ce n'est pas quelque chose d'essentiellement
physique. C'est l'état historique d'un membre du peuple juif, le
fait d'avoir vécu et de vivre lié à cette communauté, tantôt
grandie, tantôt abaissée, toujours vivace
294. »
Dans sa
Philosophie de l'antisémitisme, Michel Herszlikowicz
affirme que Maurras avait compris les dangers du racisme et des
mouvements de masse mais que « son erreur consiste dans l'idée
que l'antisémitisme peut devenir une conception dépouillée de
toute sentimentalité et de toute brutalité
284,
295. »
-
« Ceux
qui poussent à la guerre doivent avoir le cou coupé. Comme la
guillotine n’est pas à la disposition des bons citoyens, ni des
citoyens logiques, il reste à dire à ces derniers : ― Vous
avez quelque part un pistolet automatique, un revolver, ou même un
couteau de cuisine ? Cette arme, quelle qu’elle soit, devra
servir contre les assassins de la paix dont vous avez la
liste.Charles Maurras,
L’Action française, 13 octobre
1935. »
-
On cite parfois
Jacques
Bainville, pourtant selon les historiens William Blanc, Aurore
Chéry et Christophe Naudin, « l'antisémitisme a été une
constante chez Bainville »
316.
-
Maurras
écrit : « Fort de sa mission de Messie humain, ce peuple
de Seigneurs, cette race de maîtres, s’entraîne déjà à
compter quelles légitimes violences devront être imposées aux
mâles des peuples vaincus et quelle hontes pèseront sur leurs
femmes et leurs enfants […] Un statut nouveau de l’humanité se
prépare, un droit particulier est élaboré : un code de
nouveaux devoirs, auprès desquels les pauvres petites corvées et
translations pangermanistes de 1918 feront l’effet de jeux
d’enfants. Le racisme hitlérien fera assister au règne
tout-puissant de sa Horde et dernier gémissement de nos paisibles
populations ahuries, il sera contesté que d’aussi révoltantes
iniquités puissent être éclairées par notre soleil : - Le
soleil du XXe siècle ! Prestige évanoui ! Le soleil
est vieux ; ayant tout vu, il est bien pour tout
revoir. »
[réf. nécessaire]
-
En
1972, la prise de distance de Malraux implique un dernier hommage
quand il affirme : « J'ai accepté de rédiger ce texte
comme on se livre à un exercice. J'aurais aussi bien écrit sur
Hegel. »
-
Né
le 10 mai 1917 à Dijon et décédé le 7 avril 2003, Jacques
Maurras sera Directeur de la Société Paris-Outre-mer (1946-1958),
Directeur de la Société Pierre Rivière et Cie (1958-1964),
Directeur général adjoint (1965), puis Président-directeur
général (1969-1980) de la société Les Grandes Marques
continentales, Président-délégué de la Confédération nationale
des vins et spiritueux (commerce extérieur) (1970-1984), Président
(1967), Président d'honneur (depuis 1996) de la Fédération des
importateurs de vins et spiritueux, Administrateur du Salon
international de l’alimentation (1969-1994), Conseiller du
Commerce extérieur de la France (depuis 1973), Membre d'honneur du
comité directeur de la Fédération internationale des vins et
spiritueux (depuis 1991). Il fut par ailleurs Chevalier de la Légion
d’honneur et de l’ordre national du Mérite, Croix de guerre
39-45, Chevalier du Mérite agricole, Commandeur de l’ordre de
l’Infant Henrique (Portugal) et du Mérite civil (Espagne),
Officier de l’ordre de l’Empire britannique.
[réf. nécessaire]
-
L'homosexualité
masculine lui est incompréhensible même s'il la tolère autour de
lui.[réf. nécessaire]
Références
-
-
Agnès Callu, Patricia Gillet et textes de Charles Maurras,
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à Charles Maurras – Amitiés politiques, lettres autographes,
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[lire
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Cher Maître, éd.
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Lettre
de
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Cher Maître, éd. Bartillat,
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l’agression filmée de Léon Blum »,
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(lire
en ligne [archive])
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Louis Bodin et
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Front populaire, 1936, Paris, Armand
Colin, coll. « L'Histoire par la presse », 1985,
233 p.
(ISBN 2-200-37091-1),
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-
Noëlline Castagnez-Ruggiu, «
Le
Pays Socialiste, par la Liberté, par la Paix :
des socialistes pacifiques autour de Paul Faure »,
Matériaux pour l'histoire de notre temps, Paris, Association
des amis de la Bibliothèque de documentation internationale
contemporaine (BDIC) et du musée, n
o 30 « S'engager
pour la paix dans la France de l'entre-deux-guerres »,
janvier-mars 1993, p. 51, n. 72
(ISSN 0769-3206,
lire
en ligne [archive]).
-
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Cher Maître, éd.
Bartillat, 1995, p. 530.
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-
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L'Action
française, 30 avril 1930.
-
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-
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Charles
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-
Charles
Maurras,
L'Action française, 30 août 1933.
-
Charles
Maurras,
L'Action française, 21 décembre 1933.
-
Charles
Maurras,
L'Action française, 1
er et 3 juillet
1934.
-
Charles
Maurras, préface à Comtesse Joachim de Dreux-Brézé,
Deux mois
chez les nazis d’Autriche, éd. Les Œuvres françaises, 1936,
p. 13.
-
Charles
Maurras,
L'Action française, 17 février 1938.
-
Eugen
Weber,
Action française, Stanford (Californie), Stanford
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-
Eugen
Weber,
L'Action française, éd. Stock, 1964, p. 421.
-
Jean-Pierre
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-
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incorrecte ; aucun texte n’a été fourni pour les références
nommées youtube.com
-
[Charles
Maurras,
L'Action française, 16 mars 1939.
-
Charles
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-
Charles
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L'Action française, 9 janvier 1939.
-
Charles
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L'Action française, 30 janvier 1939.
-
Georges-Henri
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France : Charles Maurras, la politique extérieure et la
défense nationale, Economica, 2010.
-
Charles
Maurras,
L'Action française, 6 juillet 1939.
-
Yves
Chiron,
La vie de Maurras, éd. Perrin, 1991, p. 414.
-
Au
moment du débarquement, soucieux de ne pas renforcer le prestige de
Maurras, les Allemands arrêteront
Pierre
Pujo et
Georges
Calzant, qui seront envoyés à la
prison
Montluc, où le premier nouera une amitié avec un résistant
communiste qui témoignera en sa faveur au moment de son procès.
Après trois semaines,
Philippe
Pétain obtiendra leur libération par les Allemands.
-
Charles
Maurras,
La Seule France, éd. Larchandet, 1941, p. 160.
-
Pierre
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Maurras, la destinée et l’œuvre, éd. La
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-
Écrit
de Charles Maurras dans
L'Action française du 30 septembre
1941, cité par Stéphane Giocanti dans son livre "Charles
Maurras", page 428 et repris dans "Céline, la race, le
Juif" d'Annick Duraffour et de Pierre-André Taguieff, éditions
Fayard, 2017, page 363.
-
Le
procès de Charles Maurras, éd. Albin Michel, 1946, p. 154-157.
-
Laurent Joly,
«
Compte
rendu : Charles Maurras, L'Avenir
de l'intelligence et autres textes,
édition établie et présenté par Martin Motte, préface de
Jean-Christophe Buisson, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins »,
2018, XXXVIII-1225
p. »,
Revue
historique, Paris,
Presses
universitaires de France, n
o 688, octobre
2018.
-
Collectif - Fondation Charles de Gaulle,
De Gaulle et la
Libération, Éditions Complexes, Paris, 2004, 221 p.
(ISBN 978-2-8048-0016-1)
[présentation
en ligne [archive]],
chapitre : « De Gaulle et la République des lettres »,
par Nicole Racine : p. 184-186 : « […]
L'ordonnance du 26 décembre 1944 entraînait automatiquement la
destitution et l'exclusion de toutes fonctions, offices publics et
corps constitués de quiconque était déclaré coupable d'indignité
nationale. Comme la loi l'y obligeait, l'Académie déclara le 1er
février, la vacance du fauteuil de Charles Maurras […], mais à
l'initiative de Georges
Duhamel ne vota pas sur la radiation. […] »
Ont participé à
cet ouvrage :
Claire
Andrieu,
Serge
Berstein,
Michèle
et
Jean-Paul
Cointet,
Laurent
Douzou, René Hostache, Chantal Morelle, Nicole Racine, Odile
Rudelle,
Maurice
Vaïsse, Dominique Veillon,
Olivier
Wieviorka. Textes tirés des actes du colloque des 6, 7 et 8
octobre 1994 organisé par la
Fondation
Charles-de-Gaulle, la
Fondation
nationale des sciences politiques, l'
Association
française de droit constitutionnel et la participation de
l'université de Caen ; publié en version intégrale :
Le
rétablissement de la légalité républicaine, 1944, Éditions
Complexes, 1996.
-
On a
conservé pour les procès les articles qui appelaient à la
répression légale mais pas les parties censurées par les
autorités allemandes et qui étaient conservées, notamment les
pages qui mettaient en cause l’existence de la LVF, le tour pris
par la Milice et appelaient à la loyauté envers la France. Son
rôle dans l’éviction de Laval et ses campagnes
anticollaborationnistes, sont considérés comme nuls et non
avenus ; plusieurs pièces remises au substitut Thomas le 24
janvier 1945 furent délibérément écartées du dossier.
-
Site
de l'Académie française, Charles Maurras (1868-1952) [archive] :
« […]
Sa condamnation entraînait automatiquement sa
radiation de l'Académie (article 21 de l'ordonnance du 26 décembre
1944) ; il fut en fait décidé, lors de la séance du 1er
février 1945, qu'on déclarerait vacant le fauteuil de Maurras,
sans pour autant voter la radiation. Ainsi, Charles Maurras, comme
le maréchal Pétain, mais à la différence d'Abel
Hermant et Abel
Bonnard, ne fut remplacé sous la Coupole qu'après sa mort. »
-
Herbert
Lottman,
L’Épuration (1943–1953), Fayard, Paris, 1986,
p. 308.
-
Erreur de référence : Balise
incorrecte ; aucun texte n’a été fourni pour les références
nommées hugenin477
-
Charles
Maurras,
Votre bel aujourd'hui, éd. Fayard, 1953,
p. 457-458.
-
Octave
Martin (
alias Charles Maurras), « Au service
d'Hitler »,
Aspects de la France, 3 février 1949.
-
Jacques
Prévotat,
op. cit., pp. 520-521.
-
Lettre
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Poliakov,
Histoire de l'antisémitisme, vol. 4 :
L'Europe suicidaire, 1870-1933, Paris, Calmann-Lévy,
coll. « Liberté de l'esprit » (n
o 32),
1977, 364 p.
(ISBN 2-7021-0212-3,
présentation
en ligne [archive]),
p. 290.
-
Léon
Poliakov,
Histoire de l'antisémitisme, vol. 4 :
L'Europe suicidaire, 1870-1933, Paris, Calmann-Lévy,
coll. « Liberté de l'esprit » (n
o 32),
1977, 364 p.
(ISBN 2-7021-0212-3,
présentation
en ligne [archive]),
p. 290-291.
-
Léon
Poliakov,
Histoire de l'antisémitisme, vol. 4 :
L'Europe suicidaire, 1870-1933, Paris, Calmann-Lévy,
coll. « Liberté de l'esprit » (n
o 32),
1977, 364 p.
(ISBN 2-7021-0212-3),
p. 299-305.
-
Léon
Poliakov,
Histoire de l'antisémitisme, vol. 4 :
L'Europe suicidaire, 1870-1933, Paris, Calmann-Lévy,
coll. « Liberté de l'esprit » (n
o 32),
1977, 364 p.
(ISBN 2-7021-0212-3),
p. 317-318.
-
Cité dans
Ralph
Schor,
L'antisémitisme en France dans
l'entre-deux-guerres : prélude à Vichy, Bruxelles,
Éditions Complexe, coll. « Historiques » (n
o 144),
2005, 380 p.
(ISBN 2-8048-0050-4),
p. 168.
-
L’Action
française, 10 octobre 1936.
-
William
Blanc, Aurore Chéry, Christophe Naudin,
Les historiens de garde,
Paris, Libertalia, 2016, p. 132, et plus généralement p. 131-134
pour des citations et contextualisation.
-
Pierre
Milza,
Le fascisme italien et la presse française :
1920-1940, Bruxelles, Complexe, 1987, p. 89.
-
Pierre
Milza,
op. cit., p. 227-229.
-
L'Action
française, 18 juillet 1923.
-
Charles
Maurras,
L'Action française, 17 mai 1928.
-
Pierre
Debray, « Maurras et le fascisme »,
Cahiers
Charles Maurras, n
o 2, septembre 1960.
-
Charles
Maurras,
L'Action française, 12 juin 1932.
-
Charles
Maurras,
L'Action française, 4 août 1939.
-
Charles
Maurras,
L'Action française, 9 octobre 1933.
-
Maurras,
Action française, 25 mars 1937 ; reproduit dans Charles
Maurras,
Dictionnaire politique et critique, Complément
établi par les soins de Jean Pélissier, Fascicule 22, p. 110.
-
Ch.
Maurras,
L'Action française, 15 juillet 1936, cité par
Robert Belot, « Critique fasciste de la raison réactionnaire :
Lucien Rebatet contre Charles Maurras », dans
Mil neuf
cent, 1991, vol. 9, n
o 9, pp. 49-67, p. 59,
note 46, consultable sur
le
site Persée [archive].
-
Charles
Maurras,
L'Action française, 19 et 20 juillet 1938.
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Charles
Maurras,
L'Action française, 20 juillet 1938.
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Charles
Maurras,
De Demos à César, éd. du Capitole, deux volumes,
1930.
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Maurras,
Action française, 23 mars 1937; reproduit dans Charles
Maurras,
Dictionnaire politique et critique, Complément
établi par les soins de Jean Pélissier, Fascicule 22, p. 109.
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Henri
Massis, « Spengler, le précurseur »,
La Revue
universelle, 1
er novembre 1933.
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Charles
Maurras,
L'Action française, 19 juillet 1938.
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Charles
Maurras,
L'Action française, 21 mars 1935.
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Charles
Maurras,
L'Action française, 23 avril 1935.
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Aristide
Cormier,
Mes entretiens de prêtre avec Charles Maurras :
suivis de
La vie intérieure de Charles Maurras, éd.
Nouvelles Éditions latines, 1970, p. 165.
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Charles
Maurras,
L'Action française, 2 juillet 1934.
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Charles
Maurras,
Devant l’Allemagne éternelle, éd. À l’Étoile,
p. VII.
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Thérèse-Charles
Vallin, « Nationalisme algérien et nationalisme
maurrassien »,
EM, 3, 1974, p. 37.
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Thérèse-Charles
Vallin, « Nationalisme algérien et nationalisme
maurrassien »,
EM, 3, 1974, p. 43.
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Charles
Maurras, Préface du Chemin du Paradis, cité dans Dir. Michel
Winock,
Histoire de l'extrême droite française, chapitre
4 :
L'Action française, page 132, édition de 1994.
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Yves
Chiron,
La Vie de Maurras, éd. Perrin, 1991, p. 219.
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Lettre
du 31 octobre 1915, citée dans
L'Action française et le
Vatican, éd. Flammarion, 1927, p. 42.
-
L'Action
française, 19 février 1932.
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Dom
Oury,
Dom Sortais, Solesmes, 1975.
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Lettre
de Maurras au père Doncœur, janvier 1927, AJM.
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Lettre
de Maurras à Pie XI, citée par
Pierre
Boutang,
Maurras, la destinée et l'œuvre, Paris, éd.
Plon, 1984, p. 593.
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Le
bien et le mal, OC, t. IV, p. 403, poème daté de janvier
1944.
-
Élisabeth
Roudinesco, Jacques Lacan,
Esquisse d’une vie, histoire d’un
système de pensée, éd. Fayard, 1993, p. 201.
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Lettre
d'Anna de Noailles à Charles Maurras du 30 novembre 1917.
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Éric
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Charles de Gaulle, Paris, éd. Gallimard, 2002,
p. 84 et 85.
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Eugen
Weber,
L'Action française, éd. Hachette, 1990, p. 297,
note
e.
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Lettre
de Charles de Gaulle à Hubert de Lagarde du 14 juin 1934,
collection Olivier de Lagarde.
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Paul
Reynaud,
Carnets de captivité, Paris, éd. Fayard,
p. 367.
-
Dominique
Venner,
De Gaulle, la grandeur et le néant, Monaco,
Éditions du Rocher, 2004, p. 31.
-
Alain
Peyrefitte,
C'était de Gaulle, tome II, Paris, Éditions
de Fallois/Fayard, 1997, p. 534.
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Alain
Peyrefitte,
C'était de Gaulle, tome II, Paris, Éditions
de Fallois/Fayard, 1997, p. 531.
-
Claude
Mauriac,
Un autre de Gaulle. Journal 1944-1945, Paris,
éd. Hachette, 1970, p. 52-53.
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David
Levy, « Maurras et la vie intellectuelle britannique »,
EM, 3, p. 107-113.
-
T.S.
Eliot, « Triumphal March »,
Collected Pems,
1909-1962, Faber, 1963, p. 140.
-
T.S.
Eliot ou le Monde en Poussières, éd. Lattès, 2002,
p. 199-204.
-
Le
texte est consultable en ligne sur le site de la bibliothèque
provençale en ligne Ciel d'oc :
[lire
en ligne [archive]] ;
on peut y relever parmi d'autres le passage suivant : « […]
coume auriéu pouscu boulega lou bout dóu det en visto de servi,
d’ajuda, de favourisa l’Alemagno, Iéu, l’anti-aleman, Iéu
lou germanophobe e que lou sièu Toujours. dis moussu l’avoucat
generau ? Acò n’es pas poussible. Acò se countre-dis. Sieù
o bèn coume d’acò, vo bèn coume d’aqui; noun sièu d’acò
emai d’aqui » (« […] comment aurais-je pu bouger le
bout du doigt en vue de servir, d'aider, de favoriser l'Allemagne,
Moi, l'anti-allemand, Moi le germanophobe attendu que je le suis
toujours. dit Monsieur l'avocat général ? Cela n'est pas
possible. Cela se contre-dit. Je suis ou bien comme ceci, ou bien
comme cela : je ne suis pas d'ici et en plus de là. »
-
Jacques
Prévotat,
L'Action française, Paris, PUF, collection
« Que sais-je ? », 2004, p. 34.