Charles Maurras
Données clés
Nom de naissance |
Charles Marie Photius Maurras |
---|---|
Naissance |
20 avril
1868
Martigues, Bouches-du-Rhône, France |
Décès |
16
novembre
1952 (à
84 ans) Saint-Symphorien-lès-Tours, Indre-et-Loire, France |
Activité principale |
Écrivain Journaliste Homme politique Poète |
Distinctions |
Membre de l'Académie
française (fauteuil
16) |
Auteur
Langue d’écriture
|
française
et provençale |
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Mouvement
|
Néo-classicisme Royalisme Positivisme |
Genres
|
Essai Poésie Pamphlet |
Adjectifs dérivés
|
« Maurrassien » |
Œuvres principales
-
Enquête sur la monarchie (1900)
-
Anthinéa (1901)
-
Kiel et Tanger (1910)
-
Mes idées politiques (1937)
-
L'ordre et le désordre (1948)
-
Œuvres capitales (en 4 volumes, 1954)
Compléments
Majoral du Félibrige
de 1941 à 1945.
Charles Maurras, né le 20 avril 1868 à Martigues et mort le 16 novembre 19521 à Saint-Symphorien-lès-Tours2,3, est un journaliste, essayiste, homme politique et poète français, membre de l'Académie française. Théoricien du nationalisme intégral, il a été l'un des principaux animateurs de l'Action française.
Écrivain provençal appartenant au Félibrige et agnostique dans sa jeunesse, il se rapproche ensuite des milieux catholiques et antidreyfusards. Autour de Léon Daudet, Jacques Bainville, et Maurice Pujo, il dirige le journal L'Action française, fer de lance de l'Action française, formation royaliste, nationaliste, contre-révolutionnaire et antidémocratique, qui devient le principal mouvement intellectuel et politique d'extrême droite sous la Troisième République. Sa doctrine, définie par Maurras, prône une monarchie héréditaire, tout en se revendiquant antisémite, antiprotestante, antimaçonnique et xénophobe.
Son talent littéraire donne à ses ouvrages théoriques une grande influence dans les milieux conservateurs cultivés de France, et ses qualités de polémiste lui assurent une réelle audience dans d'autres, comme l'Académie française à laquelle il est élu le 9 juin 1938. Outre Léon Daudet et Jacques Bainville, Maurras compte parmi ses soutiens des intellectuels comme Georges Bernanos, Jacques Maritain, Thierry Maulnier, Philippe Ariès, Raoul Girardet et le mouvement littéraire des hussards en est proche4. Avec plus de dix mille articles publiés entre 1886 et 1952, il demeure le journaliste politique et littéraire le plus prolifique de son siècle5.
Bien que germanophobe, Maurras soutient dès 1940 le régime de Vichy et le maréchal Pétain, s'enthousiasmant pour la fin de la démocratie et de la République ainsi que pour l'instauration d'une législation antisémite et la création de la Milice. Poursuivant la publication de L'Action française sous l'occupation allemande, avec l'accord de l'occupant, il y réclame notamment l'exécution des résistants qu'il dénonce comme « terroristes » et « révolutionnaires »6. Arrêté à la Libération de la France, ses articles lui valent d'être condamné pour intelligence avec l'ennemi et haute trahison, à la réclusion criminelle à perpétuité et à la dégradation nationale, le 28 janvier 1945. De cette dernière condamnation découle son exclusion automatique de l'Académie française (qui attend cependant sa mort pour procéder à son remplacement) ainsi que du Félibrige.
Son activité à la tête de son mouvement politique éclipse aujourd'hui son œuvre de littérateur bohème lié aux avant-gardes7.
Sommaire
Biographie
Enfance et adolescence (1868-1886)
Charles Maurras en 1877.
En 1868, le 20 avril, naît à Martigues, au 13 quai Saint-Sébastien, Charles Marie Photius Maurras8, en Provence. Il est le second fils de Jean Aristide Maurras (1811-1874), percepteur, ayant des convictions libérales, et de Marie-Pélagie Garnier (1836-1922)9, profondément catholique. Ce couple de condition assez modeste se fait apprécier par les aides qu'il prodigue aux plus pauvres10. Quelques mois avant la naissance de Charles, ils ont perdu leur premier fils, Romain, âgé de deux ans.
En 1872, la naissance de François Joseph Émile permet d'agrandir la famille. La famille Maurras s'est installée à Martigues au XVIIe siècle ; elle était originaire du pays gavot (Haut-Var), au sud de Gréoulx, près de Saint-Julien-le-Montagnier11. En 1873, Charles est mis à l'école communale : sa famille est étonnée par sa vivacité, ses dons et sa capacité à réciter l'histoire sainte et l'histoire romaine mais il est réprimandé quand il rapporte du provençal à la maison12. Charles Maurras écrira que s'il lui était donné de revivre une période de sa vie, ce serait sa petite enfance13. Le 3 janvier 1874, il devient orphelin de père12. À six ans, Charles part vivre avec sa mère et son petit frère à Aix-en-Provence. En octobre 1876, Charles entre en classe de huitième au collège catholique, à Aix-en-Provence, rue Lacépède. À la fin de la septième, il obtient onze prix et pendant quatre ans, il remporte le premier prix de latin14. En 1879, promu « élève d'honneur », il reçoit le premier prix d'instruction religieuse mais ce n'est pas un élève sage et il a souvent des sautes d'humeur15. Malhabile en mathématiques et en anglais, le latin et le grec le ravissent16. Au collège, il se lie avec Xavier de Magallon, auquel le lie une passion pour la poésie et Alfred de Musset, puis il s'enthousiasme pour Frédéric Mistral17.
À quatorze ans, il est, soudain, atteint de surditén 1, cela dégrade aussi ses capacités vocales. Désespéré, le jeune Charles voit s'effondrer tous ses projets, dont celui d'entrer à l'École navale comme le père de sa mère19. L'abbé Jean-Baptiste Penon, futur évêque de Moulins et premier latiniste et helléniste du diocèse, propose à Mme Maurras d'aider son fils et celui-ci dira que cette offre spontanée fut la grande bénédiction de sa vie20. L'abbé Penon donne des cours particuliers au jeune Charles, ce qui lui permet de revenir parfois au collège pour des cours de rhétorique et philosophie21. Alors que Maurras est en révolte contre sa surdité, la lecture de Pascal, qu'il assimile au dolorismen 2, contribue à lui faire perdre la foi22. La perte de la foi et sa surdité le désespèrent et le conduisent à une tentative de suicide qui échouera23 et n'est connue que par des témoignages indirects24.
En 1884, il se raccroche progressivement à la vie et est désigné par ses maîtres, avec quelques-uns de ses amis et condisciples, pour donner des conférences organisées au collège du Sacré-Cœur : Charles Maurras y prononce sa première conférence, qui est aussi son premier texte publié, sur Thomas d'Aquin étudiant et lecteur de l'université à Paris25. La même année, il est reçu — avec mention — à son premier baccalauréat, en 1884, où il excelle en latin et en grec26. Il approfondit alors ses lectures philosophiques, s'intéresse à Hippolyte Taine et Ernest Renan qui, pourtant éloignés des milieux cléricaux, remettent en cause l'héritage révolutionnaire et les vagues d'idéalisme qui ont conduit plusieurs fois la France à la défaite et à la Terreur depuis la Révolution26. En 1885, après un échec au second baccalauréat en juillet du fait d'une copie de philosophie jugée trop thomiste, Charles Maurras est admis en novembre de la même année avec la mention Bien : il est reçu en premier en sciences et en philosophie27. L’abbé Penon incite Charles Maurras à monter à Paris car il souhaite l’introduire dans les revues et journaux qu’il connaît, ce qui amène la famille Maurras à quitter Martigues et à s'installer à Paris le 2 décembre 188527.
Période de formation avant l'Action française (1886-1898)
Avant la création de l'Action française, Charles Maurras approfondit ses questionnements métaphysiques, s'implique dans la vie littéraire et enrichit sa réflexion politique tout en se lançant dans le journalisme.Réflexion philosophique
Charles Maurras, vers 1888.
Charles s’inscrit en histoire à la
faculté
des lettres de Paris, rencontre l’historien orléaniste
Paul
Thureau-Dangin mais ne peut suivre les cours du fait de son
infirmité. En revanche, il se montre un bourreau de travail :
lectures innombrables à la bibliothèque
Sainte-Geneviève, à l’Arsenal,
à la Sorbonne,
annotations et rédactions d’articles, perfectionnement de son
latin, notamment pour éviter les traductions de Lucrèce
en alexandrins qui lui « font mal à force de le faire
rire28 ».
Maurras écrit dans La Réforme sociale, revue conduite par le sociologue Frédéric Le Play, qui développe une analyse de la société moderne critiquant l’individualisme et prônant des idées corporatistes et familiales dans l’esprit des encycliques papales ; il écrit également pendant cinq ans dans les Annales de philosophie chrétienne, revue dont l’ambition est de combiner la théologie du Docteur Angélique et les idées modernes issues de Lamennais29. Entre 1886 et 1888, il collabore au Polybiblion littéraire pour des comptes-rendus d’ouvrages sociologiques ; à partir de l'automne 1886, il rédige aussi le feuilleton bibliographique (« Les livres de la semaine ») de L’Instruction publique, revue de l’enseignement supérieur d’inspiration conservatrice et libérale jusqu’en 189030.
La tournure de sa pensée est encouragée par l’atmosphère intellectuelle du temps qui oscille entre le déterminisme kantien et le pessimisme de Schopenhauer. Il affirme : « Le nœud de tous les doutes peut être tranché en un point : en résolvant les problèmes de causalité. […] L’unique mobile de ma vie est l’espoir de rencontrer la vérité31. »
Entre 1886 et 1889, son questionnement philosophique s'amplifie comme le dialogue épistolaire entre le jeune homme et l’abbé Penon qui tente de le guider vers l’aperception de l’origine divine de la causalité première mais Maurras bute sur la substitution des témoignages de la tradition chrétienne aux preuves rationnelles32. Il reconnaît être troublé par la philosophie kantienne de la connaissance ; tout en admirant la méthode « géométrique » de saint Thomas, il qualifie d’« enfantine » la théorie scolastique de la connaissance32. Charles Maurras dialogue avec l’abbé Huvelin, vicaire de l’église Saint-Augustin, « animal convertisseur » selon l’expression de Pierre Boutang, avec des amis séminaristes, avec des philosophes catholiques comme Maurice Blondel et Léon Ollé-Laprune qui ont apprécié ses articles ; mais son exigence de la certitude scientifique empêche Maurras de rencontrer la foi : tiraillé entre le travail de la raison et le désir de certitude religieuse, son agnosticisme se renforce33. Ne trouvant pas la foi, Charles Maurras trouve la paix intellectuelle dans la distraction de la littérature car la poésie l’éblouit et dans la méthode positiviste car l’histoire et la philosophie le passionnent34.
Activité littéraire
En 1886, Maurras découvre Mistral dans le texte ; il rêve de constituer une anthologie de poésie et de prose provençales et commence un travail de documentation dans ce but35.En 1887, se définissant comme « un pur contemplatif et un solitaire dans le goût sinon de l'école de Spinoza » et s'investit dans La Réforme sociale avec pas moins de cent soixante-dix articles jusqu'en juin 189136. Le 23 décembre 1887, il entre au quotidien catholique L’Observateur français dont il deviendra secrétaire de rédaction en octobre 1888 et auquel donnera cent-soixante quatorze articles mais cette grande activité ne fait pas refluer son amour et sa nostalgie de la Provence. Très vite, le jeune homme rencontre des félibres comme Paul Arène et Albert Tournier37.
En 1888, il obtient le prix du Félibrige pour un éloge du poète provençal Théodore Aubanel38 ; il devient membre de cette académie qui s’est fixé comme objectif la restauration de la langue et de la culture d’oc. Durant l’été de la même année, il fait la connaissance de son compatriote Frédéric Mistral, puis, en décembre, du Lorrain Maurice Barrès. À l'âge de vingt ans, il est un des membres les plus influents du Félibrige39. Pétri de culture classique (Virgile, Lucrèce, Racine) et moderne (Musset, Lamartine, Mistral), le jeune Maurras éprouve aussi un amour infini pour sa Provence natale.
En 1889, il rencontre Frédéric Amouretti lors des Fêtes félibréennes de Sceaux et devient le secrétaire du Félibrige de Paris. Il publie son premier ouvrage, consacré à Aubanel et devient journaliste littéraire40.
En 1890, il rencontre Jean Moréas et devient le théoricien de l'École romane, fondée par le poète du Pèlerin passionné, prônant un néo-classicisme peu enclin à l'académisme41. Maurras cherchera à rapprocher félibres et poètes romans42. La même année, il ébauche un vaste chant épique de trois mille alexandrins, rassemblés sous le titre de Théocléa et inspiré par la figure de Pythagore en qui il voit le plus grand moraliste de l'Antiquité43. Il se lie d'amitié à Anatole France44, ce qui contribue au renforcement de son agnosticisme. Il travaille avec ses amis à faire connaître les poètes provençaux au public parisien et à établir des ponts entre symbolisme et provençalisme, notamment en travaillant à un numéro spécial de La Plume42.
En 1891, il consacre son deuxième essai critique au poète Jean Moréas, le chef de file de l’École romane, qui lui a été présenté l’année précédente. Il prépare également un court traité visant à établir une doctrine de vivre et de mourir, La Merveille du monde, qui ramasse la recherche philosophique du jeune Maurras mais ne l'achève pas43.
Au début de 1892, il rédige la déclaration des Jeunes Félibres fédéralistes qui, soutenue par Mistral, est lue par Frédéric Amouretti. Il ne s’agit plus seulement de défendre culturellement la Provence, mais d’engager une politique de haute lutte qui vise à donner un destin à cette terre et à son peuple.
En 1894, Maurras publie Le Chemin de paradis, mythes et fabliaux.
Jusqu'en 1898, c'est dans la Revue encyclopédique que Maurras livre la plupart de ses articles littéraires45 : il chronique ainsi les œuvres de Paul Bourget, Jules Lemaître, Jean Psichari, Willy, Jules Tellier, Gabriele D'Annunzio, Paul Adam, Tristan Bernard, Marcel Schwob, Frédéric Plessis, Jean de Tinan, Remy de Gourmont, Stuart Merrill, Jean Moréas, Hugues Rebell, Pierre Louÿs, Marcel Proust, Henri de Régnier, Pierre Quillard… Dans un article du 1er janvier 1895 de la Revue encyclopédique, le jeune Martégal, qui a lu et analysé l'œuvre de Verlaine, décèle dans les écrits de l’ancien décadent un retour vers le classicisme qu’il salue et contextualisen 3. Vers la même époque (seconde moitié des années 1890), il fait passer quelques articles dans La Libre Parole avant de rejoindre Le Soleil46.
Évolution politique
Avant sa conversion au monarchisme en 1896, la réflexion politique de Charles Maurras se développe progressivement. De 1885 à 1889, Charles Maurras ne s'intéresse qu'à la philosophie mais le centenaire de la Révolution et le boulangisme qu'il soutient du bout des lèvres ainsi que des recherches historiques en Provence le conduisent à centrer sa réflexion sur la politique.En 1889, lors du centenaire de la Révolution française, une ébullition historique et philosophique contraste avec la célébration officielle ; des penseurs de différentes tendances, monarchistes, libéraux, conservateurs, catholiques, positivistes mènent une réflexion critique sur les principes revendiqués par la République et qui selon eux menacent le destin français47 : Ernest Renan affirme que « le jour où la France a coupé la tête de son roi, elle a commis un suicide », Edmond Schérer analyse les limites de la démocratie, Émile Montégut parle de la « banqueroute de la Révolution ». Colloques, publications, débats dans la presse marquent l'anticentenaire intellectuel auquel Maurras participe en suggérant aux « hommes les plus intelligents après les cris de triomphe officiels, de douloureux examens de conscience48 ». Charles Maurras, ancien rédacteur de La Réforme sociale, fonde sa critique de la Révolution en suivant les développements de l'école de Frédéric Le Play : elle dresse un bilan négatif de la Révolution en défendant un programme fondé sur la famille, la hiérarchie sociale, la commune, la participation des citoyens à leur administration, l'indépendance du gouvernement par rapport aux divisions de l'opinion49.
De fait, s'il est hostile à la Révolution, il est encore républicain et concède que la République est « le meilleur gouvernement pour la France50. » Il fonde alors sa critique de la philosophie politique de Jean-Jacques Rousseau sur les analyses de Pierre Laffitte qui en soulignent les contradictions plus que sur les théories de Louis de Bonald et de Joseph de Maistre49.
Cependant, il est fondamentalement attaché à la décentralisation : en août 1889, se rendant aux archives de Martigues pour une analyse des documents remontant à cent ans en arrière, il découvre les systèmes coutumiers et empiriques, des mécanismes de protection sociale et de solidarité, servant de relais et de protection entre l'individu et l'État central, certains obsolètes mais d'autres utiles et vivaces51. Pour Maurras, avec la centralisation, la République n'a pas fait des Français des citoyens mais des administrés52. Il développe à l'opposé de l'image de l'historiographie révolutionnaire d'un roi au pouvoir illimité, une image paternelle nourrie de bienveillance et de savoir-faire au sommet d'un État fort mais limité53.
En 1894, se rapproche du nationalisme en collaborant au journal La Cocarde de Maurice Barrès.
En 1895, Maurras amorce sa conversion au principe monarchique, suivant une démarche intellectuelle se combinant avec le respect pour la personne du comte de Paris54,n 4. Jusque-là il s'est accommodé d'un sentiment politique conservateur, acceptant volontiers de travailler avec des démocrates et des socialistes. Son patriotisme est viscéral, mais cela ne constitue pas une originalité, la gauche de l'époque articulant généralement le discours sur la justice sociale avec l'impératif patriotique et les austères valeurs républicaines54. L'échec de la décentralisation dans le cadre républicain, l'inefficacité du régime parlementaire dans le domaine primordial de la politique étrangère face au danger allemand, l'admiration qu'il porte comme homme d'ordre et de tradition pour le système britannique qui a établi l'équilibre politique et social du peuple de Grande-Bretagne, la lecture de Démosthène et du rôle de la démocratie dans l'effondrement de la Grèce, constituent autant de thèmes de réflexion qui l'inclinent au royalisme en 189555. Il accepte alors de collaborer au journal royaliste Le Soleil56.
Du 8 avril au 3 mai 1896, La Gazette de France le charge de couvrir comme reporter les premiers jeux Olympiques modernes, à Athènes. Se basant sur les exemples allemands et anglais, il en revient convaincu que le régime monarchique rend plus fortes les nations qui l'adoptent57.
Naissance de l'Action française (1898-1914)
Le café
de Flore vers 1900, lieu de réunion habituel des fondateurs de
l'Action française en 1898 et durant les premières années du
XXe siècle.
En avril 1898, Henri
Vaugeois et Maurice
Pujo fondent un « Comité d'Action française », qui
ne compte aucun royaliste et vise en prévision des élections à
ranimer l'esprit de 1875 en instaurant une République
patriote conforme au nationalisme originel de la Révolution58,59 ;
républicains, ils avaient participé à l'union pour l'Action morale
de Paul
Desjardins, groupement d'inspiration kantienne, attaché à faire
triompher la morale
et la vertu dans
les affaires publiques ; Vaugeois se veut l'héritier
consciencieux du républicanisme révolutionnaire, auquel le relie la
mémoire de son grand-oncle conventionnel58.
Maurras rejoint ce petit groupe qui se réunit habituellement au café
de Flore60,
même s'il aurait préféré le nom « d'intérêt commun »
à celui « d'Action française », moins poignant mais
plus précis61.
La dégradation d'Alfred
Dreyfus, le 5 janvier 1895. Dessin d'Henri
Meyer en couverture du Petit
Journal du 13 janvier 1895, légendé « Le traître »62.
Antidreyfusisme
En septembre 1898, l'antisémitisme de Maurras le range dans le camp des antidreyfusards. Il s'oppose ainsi à la demande de révision du procès du capitaine Alfred Dreyfus, alors relancée à la suite des aveux et du suicide d'Hubert Henry, officier qui avait fabriqué plusieurs faux pour faire croire à la culpabilité du capitaine63. Maurras rédige l'éloge d'Henry. Revenant sur l'affaire Dreyfus en 1930, Maurras dira : « Je ne veux pas rentrer dans le vieux débat, innocent ou coupable. Mon premier avis là-dessus avait été que, si Dreyfus était innocent, il fallait le nommer maréchal de France, mais fusiller une douzaine de ses principaux défenseurs pour le triple tort qu'ils faisaient à la France, à la paix et à la raison41. » Il avait écrit en décembre 1898 à Maurice Barrès : « Le parti de Dreyfus mériterait qu'on le fusillât tout entier comme insurgé »64.Léon de Montesquiou rappellera le rôle crucial de l'affaire Dreyfus dans la naissance de l'Action française qui s'était fixé comme objectif de lutter contre la trahison, « non pas tant la trahison de Dreyfus que celle des dreyfusards65 ». Il s'agit pour l'Action française de défendre l'armée comme première condition de vie du pays et des hommes qui la composent contre une justice qui lui porterait tort66.
Pour Maurras, l'affaire et la mise en cause de l'armée nuisent à la préparation d'une guerre inévitable, où il s'agit de retrouver des provinces perdues ; cette polémique ferait perdre de vue au pays le réalisme politique dans un contexte international menaçant. Maurras prétend ainsi défendre la raison d'État en soutenant l'armée coûte que coûte pour éviter le désastre d'une nouvelle guerre perdue contre l'Allemagne. Il affirme les lois d'un réalisme politique fondé sur un mélange de machiavélisme raisonné et de froide prudence car, selon lui, la confusion entre morale et politique peut engendrer des tragédies pires que les injustices qu'elle prétend corriger67.
Stéphane Giocanti estime que Maurras combat moins le capitaine Dreyfus comme personne que le dreyfusisme comme courant d'opinion qui fragiliserait un pays entouré de « grands carnassiers68 ». Toutefois, Laurent Joly rappelle que L'Action française persiste à publier des réquisitoires contre la personne d'Alfred Dreyfus plusieurs années après la fin de l'affaire : « de 1908 à 1914, la rubrique « Échos » et le « Calendrier de l'affaire Dreyfus » du quotidien L'Action française comportent des menaces à peine voilées à l’encontre d'Alfred Dreyfus, dont les déplacements sont notés au jour le jour69. »
Le capitaine Dreyfus intente plusieurs procès au journal et y fait publier des lettres sur décision de justice. Le 29 janvier 1912, Charles Maurras présente ces textes « dans une formulation qui sonne comme une condamnation à mort », observe Olivier Dard : le chef de l'Action française qualifie Dreyfus de « traître juif » [qui] « entrevoi[t] en frissonnant (…) [les] douze balles [qui] lui apprendront enfin l'art de ne plus trahir et de ne plus troubler l'ordre de ce pays qui l'hospitalise70. »
Fondation de l'Action française
En janvier 1899, Maurras rencontre ce groupe59 puis rejoint la Revue d'Action française, fondée par Maurice Pujo et Henri Vaugeois ; en novembre 1899, sa stratégie et son ambition prennent corps : convertir au royalisme tous les nationalistes français à l'heure où le nationalisme est associé au nom de Déroulède et Barrès71 ; il devient l'inspirateur de la mouvance gravitant autour de la revue qu'il convertit du nationalisme républicain au nationalisme royaliste et au milieu de 1901, la revue est en passe de devenir monarchiste72. En revanche, le débat tourne court avec les antisémites de La Libre Parole qui refusent la royauté et préfèrent rester républicains73,n 5.
Charles Maurras, vers 1908.
En 1905,
il fonde la Ligue
d'Action française — dont Henri
Vaugeois est le président et Léon
de Montesquiou le secrétaire général — pour lever des
fonds en faveur de L'Action
française, devenue l'organe de presse du mouvement. Maurras
publie L’Avenir de l’intelligence, qui met en garde contre
le règne de l’argent et son emprise sur les intellectuels. Jules
Monnerot, François
Huguenin, Élisabeth
Lévy ont placé haut ce livre, préparé par quinze ans de
fréquentation des milieux littéraires et politiques, manifeste pour
la liberté de l'esprit, précurseur d'Orwell
et Bernanos,
voire de la critique situationniste68.En 1906, l’Institut d’action française voit le jour et, en mars 1908, paraît le premier numéro du quotidien L’Action française, né de la transformation de la revue mensuelle du même nom créée neuf ans plus tôt.
En 1909, Maurras publie, ensuite, une deuxième édition de sa célèbre Enquête sur la monarchie, dans laquelle il se prononce en faveur d’« une monarchie traditionnelle, héréditaire, antiparlementaire et décentralisée ».
En 1911, il préside le Cercle Proudhon, lancé par de jeunes monarchistes hostiles au capitalisme libéral et appelant à l’union avec le courant syndicaliste révolutionnaire inspiré par Georges Sorel. Il reste, cependant, davantage influencé par les conceptions corporatistes et associationnistes du catholique social René de La Tour du Pin.
La campagne de l'Action française contre l'Allemagne commence tôt, dès avant la guerre : en 1911, à l'occasion de la crise d'Agadir, Léon Daudet lance des accusations contre les firmes traitant avec l'Allemagne (les laiteries Maggi-Kub par exemple) et mène des campagnes de boycottage. L'Action française ne souhaite pas la guerre, mais elle veut, si elle intervient, contribuer à l'unité des Français dans la lutte ; elle dénonce les antimilitaristes dont l'action concrète se traduit selon elle par un affaiblissement de la France, au risque d'une hécatombe de la jeunesse française en cas probable de guerre.
La Première Guerre mondiale (1914-1918)
Charles Maurras, avant 1909.
Dans
l'immédiat avant-guerre, Maurras pointe avec angoisse les effets de
la politique de ses adversaires ; selon lui, les campagnes
dreyfusardes ont occasionné l'affaiblissement de l'armée, notamment
par le démembrement
du Deuxième Bureau, ce qui participerait selon lui à
l'impréparation de la France et fait que l'Allemagne sait qu'elle
combattra un ennemi borgne. Dans Kiel et Tanger, il vitupère
un régime qui ne sait contrer ni les aléas de l'opinion et qui vit
de ses divisions, forcément néfaste pour tout pays cerné
d'ennemis : « Au bas mot, en termes concrets, la faiblesse
du régime doit nous représenter 500 000 jeunes Français
couchés froids et sanglants, sur leur terre mal défendue74. »
En 1913, il écrit : « La République nous a mis en retard
sur l'Europe entière : nous en sommes à percevoir l'utilité
d'une armée forte et d'une marine puissante […] à l'heure où les
organisations ennemies sont prêtes75. »
Maurras note au contraire la rapidité des directions impériales allemandes où l'aristocratie et l'institution monarchique jouent comme des forces génératrices de compétence et de production ; il souligne la supériorité institutionnelle de l'Allemagne : « Nous avons perdu quarante ans à entrechoquer les syndicats patronaux et les syndicats ouvriers dans la fumée d'une lutte des classes singulièrement favorable au concurrent et à l'ennemi germanique ; pendant ce temps, Guillaume II négociait entre ses socialistes, ses armateurs et ses financiers, dont les forces uniques, se faisant notre parasite, fructifiaient à nos dépens76. »
Il soutient alors toutes les initiatives permettant selon lui le renforcement de la France et Louis Barthou dira à Pujo à propos de la loi des trois ans de service militaire : « sans vos Camelots du roi, je n'aurais jamais pu la faire passer. » Inversement, Maurras dénonce les campagnes antimilitaristes des socialistes contre « la folie des armements » qui n'auront selon lui pour conséquence que de conduire au massacre de la jeunesse française : comme Tardieu et Poincaré, il s'oppose aux conséquences concrètes de l'utopisme pacifiste et de l'irréalisme des internationalistes et dénonce la faiblesse des budgets militaires77.
En 1914, il s'insurge contre l'idée répandue par certains de ses adversaires que Raoul Villain, l'assassin d'extrême droite de Jean Jaurès, serait d'Action française, alors qu'il fut membre du Sillon puis de la Ligue des jeunes amis de l'Alsace-Lorraine, et aussi un déséquilibré77. Il critique ce qu'il appelle le manque de réalisme des socialistes qui avaient selon lui conçu « l'avenir suivant un développement unilinéaire […], les faits nationaux devant se décomposer78. »
Dès la déclaration de guerre, il appelle ses partisans à l'union nationale et renonce à la lutte systématique contre le régime républicain comme y invite le duc d'Orléans dans un appel solennel dans L'Écho de Paris du 23 avril 1914. Comme preuve de sa bonne volonté, Maurras supprime le chiffre 444 en une du journal, qui renvoyait au décret qui avait innocenté Dreyfus79. Il soutient le gouvernement radical de Viviani et même Aristide Briand, bête noire de l'Action française ou Albert Thomas ancien rédacteur de L'Humanité et ministre des armements.
L'Action française dénonce des industriels traitant selon elle avec l'Allemagne, accusant souvent sans preuve. Il en résulte de nombreux procès en diffamation, dont un conduit à la confiscation du quotidien pendant une semaine. Des descentes de police dans les locaux du journal ont lieu de même que des perquisitions chez Charles Maurras, Marius Plateau ou encore Maxime Real del Sarte. En octobre 1917, au cours de l'une de ces perquisitions, diverses armes sont saisies. Le journal de l'Action française tourne alors en dérision ce « complot des panoplies », le gouvernement recule et, en novembre 1917, Clemenceau remplacera Painlevé mis en minorité avec l'appui de l'Action française.
En avril 1917, L'Action française lance une campagne en faveur des soldats et de leurs familles80 ; Maurras défend la création d'une caisse de primes militaires qui associera le combattant aux produits de la Victoire ; ce projet reçoit le soutien de Poincaré et l'État autorisera en juin 1918 la souscription lancée par l'Action française. De même, Maurras se met à la disposition de Poincaré pour combattre l'influence germanique en Espagne, en particulier dans les milieux catalans81.
C'est avec l'appui de l'Action française qu'en novembre 1917 Georges Clemenceau est nommé à la tête du gouvernement en dépit de la réticence de Maurras pour ce jacobin anticlérical qui a refusé l'offre de paix séparée proposée par l'impératrice Zita ; néanmoins, Clemenceau cherche l'appui moral de l'Action française via l'entremise du député royaliste Jules Delahaye82.
L'entre-deux-guerres (1918-1939)
Le renforcement du prestige de Maurras
La Grande Guerre est pour Charles Maurras une période de développement de l'audience de son journal et de sa pensée. En 1917, le journal voit son nombre d'abonnés augmenter de 7 500. Le journal comptait 1 500 lecteurs en 1908, 22 000 en 1912, 30 000 en 1913, et tire à 156 000 exemplaires en 191883. Les souscriptions augmentent également, ce qui permet en 1917 à L'Action française de quitter son local de la Chaussée d'Antin dans lequel elle avait emménagé en 1908 pour la rue de Rome. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, Charles Maurras et son mouvement bénéficient d'un grand prestige dans une partie de l'opinion publique, bien au-delà de son courant politique y compris dans l’élite politique républicain.
D'après Bainville, dans les milieux républicains et radicaux, on dit alors que Maurras, en restaurant la grande discussion politique en France a rendu un immense service à la République elle-même en l'obligeant à faire son examen de conscience84. Poincaré se justifie de sa politique auprès en écrivant à Maurras et le félicite de délicieuse préface de Trois aspects du président Wilson, « elle aussi chargée de pensée et illuminée de raison française85. » Le 1er mars 1925, élu « Prince des écrivains » par les membres de « La plume », succédant ainsi à Anatole France86.
Cette popularité de l'Action française au lendemain de la Grande Guerre se traduit par l'élection de Léon Daudet comme député de Paris à la Chambre bleu horizon ou par la publication par Henri Massis dans Le Figaro du 19 juillet 1919 d'un manifeste « Pour un parti de l'intelligence » signé par cinquante-quatre personnalités dont Daniel Halévy, Francis Jammes, Jacques Maritain87. Cependant, un grand nombre des espoirs militants et dirigeants de l'Action française sont tombés et Maurras leur rendra hommage dans Tombeaux en 1921 : Henry Cellerier, André du Fresnois, Pierre Gilbert, Léon de Montesquiou, Lionel des Rieux, Jean-Marc Bernard, Albert Bertrand-Mistral, vingt-et-un rédacteurs de la Revue critique comme Joachim Gasquet, Octave de Barral, Henry Lagrange, Augustin Cochin.
L'assassinat de Marius Plateau en 1923, celui d'Ernest Berger en 1925 et d'autres attentats commis contre l'Action française contribuent aussi à créer un élan de solidarité autour de Charles Maurras88, dont témoignent les paroles de Jacques Maritain : « L'idée des dangers que vous courez, rend encore plus cher au cœur de tous ceux qui aiment la France et l'intelligence89. »
Critique de la paix de Versailles
Pour Maurras, la république répare mal la guerre, ne peut la gagner qu'en renonçant à elle-même et assure mal la paix ; reprenant la formule de l'historien socialiste Alphonse Aulard, la guerre a été gagnée par des procédés de dictature monarchique qui ont permis de rattraper les erreurs de l'avant-guerre mais au prix de la mort d'un million cinq cent mille Français, trois fois plus qu'annoncé dans Kiel et Tanger90.
En 1918, Maurras réclame donc une paix française qui serve le mieux les intérêts de la nation : la division de l'Allemagne, l'annexion du Landau et de la Sarre, un protectorat français sur la Rhénanie. L'Action française se prononce contre l'application sans discernement du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. S'il salue la visite de Wilson au Pape, ses « quatorze points » le scandalisent par leur naïveté utopique car « nulle revanche du droit n'est sérieuse sans un équilibre du fait91 ». Là où les politiques parlent de droit, de morale, de générosité, l'école de l'Action française réaffirme la nécessité du réalisme pour parvenir aux équilibres internationaux.
Maurras affirme que si on ne démembre pas l'Allemagne, celle-ci réclamera le couloir de Danzig ; il prétend que la crainte du bolchevisme n'est pas une raison suffisante pour permettre à l'Allemagne de se réorganiser. Maurras est favorable aux indemnités de guerre qui permettent de remettre la France à flot tout en affaiblissant l'Allemagne. En effet, selon l'analyse de Jacques Bainville, l'Allemagne et la Russie soviétique sont les ennemis de la France, et son seul allié possible est l'Italie. La paix doit affaiblir l'Allemagne au point de permettre à la France de s'appuyer sur des troupes régulières accomplissant un temps de service long et de ne plus recourir à la conscription. L'immédiat après-guerre est marqué par des appels renouvelés à la vigilance face à l'Allemagne.
Le 6 février 1934 et ses conséquences
Lors de la crise du 6 février 1934, Maurras se trouve rue du Boccador avec Marie de Roux : pour lui la manifestation contre la corruption du régime, dont deux morts sur trois seront royalistes, ne peut déboucher sur le coup de force car les nationalistes non royalistes ne suivraient pas l'Action française et le préalable au renversement du régime est absent : l’armée, la police, l’administration n’ont pas été infiltrées, ce qui aurait nécessité des mois de préparation et un personnel spécifique dont l’Action française était dépourvue ; de plus, la perspective d'une guerre civile lui répugne92.Après le 6 février 1934, si L'Action française gagne dix mille abonnés de plus92, Maurras perd le magistère de la rébellion contre le régime auprès de certains des militants qui la quittent alors comme Pierre de Bénouville, Jacques Renouvin, Michel de Camaret. Le « comte de Paris » est également déçu et le 6 février le déterminera à s'émanciper.
De plus, si les années 1930 voient éclore une nouvelle génération de nouveaux jeunes penseurs maurrassiens comme Thierry Maulnier, Jean-Pierre Maxence, Jean de Fabrègues, ceux-ci n’hésiteront pas à prendre du recul par rapport au vieux maître, critiquant notamment son nationalisme — vu par eux comme étroit — et son évolution conservatrice – qu’ils estiment inadaptée aux nouveaux enjeux sociaux. L'échec du 6 février les confortera dans cette prise de distance.
Emprisonnement
Inculpé de provocation
au meurtre, Maurras (accompagné de Georges
Calzant) est interrogé le 15 février 1936 par un juge
d'instruction à la suite de l'agression commise contre Léon
Blum par des camelots
du roi et ligueurs
de l'Action
française (Le
Populaire, 16 février 1936).
Les historiens Louis Bodin et Jean Touchard observent que « L'Action française ne revendique pas ce coup d'éclat ; au contraire, le récit qu'elle en fait [le 14 février 1936] inverse singulièrement les rôles » en attribuant « toute la responsabilité de l'incident » à un Blum soi-disant provocateur et insolent, et le beau rôle aux ligueurs et camelots du roi qui auraient protégé le député socialiste de « la fureur du public96,97. » Le 16 février, le quotidien royaliste affiche en une : « Arrêtez les assassins du Front populaire98 ! », ce qui conduit Le Canard enchaîné à publier le 19 février cette manchette ironique : « L'odieux attentat de M. Léon Blum contre M. Charles Maurras a piteusement échoué97. » L'historien Frédéric Monier relève également que des « journaux d'extrême droite évoquent « l'incident Blum » et cherchent à en minorer la violence, voire à en justifier l'éclatement. (…) L'inversion de la culpabilité se retrouve dans plusieurs journaux de droite, qui rejettent la faute de l'agression sur les victimes99. »
Aux yeux des contemporains, la tentative de lynchage commise contre Léon Blum le 13 février 1936 représente l'aboutissement des campagnes violentes menées par le journal L'Action française, et en particulier l'appel au meurtre du député socialiste, formulé préalablement par Maurras le 9 avril 1935 : « C'est un monstre de la République démocratique. C’est un hircocerf de la dialectique heimatlos. Détritus humain à traiter comme tel… L'heure est assez tragique pour comporter la réunion d'une cour martiale qui ne pourrait fléchir. M. Reibel demande la peine de mort contre les espions. Est-elle imméritée pour les traîtres ? Vous me direz qu'un traître doit être de notre pays : M. Blum en est-il ? Il suffit qu'il ait usurpé notre nationalité pour la décomposer et la démembrer. Cet acte de volonté, pire qu'un acte de naissance aggrave son cas. C’est un homme à fusiller, mais dans le dos100,101,102. »
Ce « cycle de violences initié par l'extrême droite103 » avait suscité en réaction une menace de mort lancée, dans Le Populaire du 1er novembre 1935, par Anatole Sixte-Quenin (sous le pseudonyme de « Jarjaille »104) contre Henri Béraud et Maurras lui-même105,n 6. Malgré les brutalités subies par Léon Blum le 13 février 1936, « les désirs de vengeance ou de réplique violente » n'en demeurent pas moins « très minoritaires du côté des organisations d'autodéfense socialiste », souligne Frédéric Monier109.
L'agression de février 1936 pousse le gouvernement intérimaire, dirigé par le radical Albert Sarraut, à dissoudre la Ligue d’Action française, les camelots et la Fédération nationale des étudiants d'Action française. Fulminant dans ses articles contre ces mesures et les députés favorables aux sanctions contre l’Italie risquant de pousser celle-ci à une alliance avec l'Allemagne aux conséquences qu'il prévoit désastreuses pour la France, Maurras est condamné à quatre mois de prison ferme. Le 15 mai 1936, le chef de l'Action française réitère ses menaces de mort contre Léon Blum : « C'est en tant que Juif qu'il faut voir, concevoir, entendre, combattre et abattre le Blum. Ce dernier verbe paraîtra un peu fort de café : je me hâte d'ajouter qu'il ne faudra abattre physiquement Blum que le jour où sa politique nous aura amené la guerre impie qu'il rêve contre nos compagnons d'armes italiens. Ce jour-là, il est vrai, il ne faudra pas le manquer. (…) Si, par chance, un État régulier a pu être substitué au démocratique Couteau de cuisine, il conviendra que M. Blum soit guillotiné dans le rite des parricides : un voile noir tendu sur ses traits de chameau110,103. »
Le 18 février 1936 une instruction judiciaire est ouverte contre lui pour provocation directe au meurtre. Il est condamné le 21 mars 1936 à huit mois de prison et emprisonné à la prison de la Santé du 20 octobre 1936 au 6 juillet 1937111. Il reçoit de très nombreux témoignages de soutien, dont celui du pape Pie XI et de mère Agnès, sœur aînée de sainte Thérèse de Lisieux et supérieure du Carmel112 ; de cent députés et sénateurs alsaciens signeront une protestation113. Le 8 juillet 1937, entre quarante à soixante mille personnes, viennent rendre hommage à Maurras à l’occasion de sa libération au Vélodrome d'Hiver en présence de la maréchale Joffre114.
Pendant sa captivité, Charles Maurras écrit chaque jour son article politique pour l’Action française ainsi que plusieurs ouvrages : Les Vergers sur la mer, Dans Arles aux temps des fées, Devant l’Allemagne éternelle, la Dentelle du rempart et Mes idées politiquesn 7.
Entrée à l'Académie française
Entretemps, Maurras a été élu à l’Académie française au fauteuil de l’avocat Henri-Robert. Après un premier échec en 1923 contre Charles Jonnart, il est élu à l’Académie française le 9 juin 1938 au fauteuil 16, succédant à Henri-Robert, par 20 voix contre 12 à Fernand Gregh ; il fut reçu le 8 juin de l’année suivante par Henry Bordeaux115, mais le président Albert Lebrun refuse de le recevoir comme le voulait l'usage.
Face à l'hitlérisme
Affiche de l'Action française associant le régime
républicain au danger représenté par Hitler.
Dès 1922, Maurras a
des informations précises sur Hitler
en provenance d'un agent secret à Munich
par le président Raymond Poincaré116.
Dès lors, s'il dénonce le pangermanisme
de la classe politique allemande de la république
de Weimar, comme celui de Stresemann
favorable à l'Anschluss117,
il attire régulièrement l'attention de ses lecteurs sur les dangers
propres du national-socialisme : ainsi, en 1924,
il dénonce la déroute des Wittelsbach
au profit du « racisme antisémite » du NSDAP et le
« rapide accroissement du bloc dit raciste sorti de terre en
quelques mois et fondé ou échafaudé sur de vieilles imaginations
périmées avec sa philosophie abracadabrante de la Race et du
Sang118. »En 1930, Maurras dénonce l’abandon de Mayence par l’armée française et titre « Le crime contre la Patrie » là où Léon Blum écrit « la paix est faite119 ». La même année, L’Action française publie une série d'articles sur le parti national-socialiste allemand, présenté comme « un des plus grands dangers pour la France120 », alors que le 1er janvier 1933, Le Populaire annonce sa prochaine disparition121.
L'obsession de la menace hitlérienne se traduit par l'ouverture du journal à des officiers d’État-major signant parfois sous pseudonyme : comme chroniqueurs militaires, ils suivront l’évolution du budget militaire allemand avec une inquiétude croissante jusqu’au désastre122. En 1932, le général Weygand, proche de l'Action française, dénonce dans ses rapports secrets la politique de désarmement menée par la gauche : « L’armée française est descendue au plus bas niveau que permette la sécurité de la France123 » mais son légalisme l'empêche d'exprimer publiquement sa proximité avec Maurras124. En 1933, Maurras écrit : « Quoi que fassent ces barbares, il suffit d’appartenir au monde officiel, au monde de la gauche française, pour incliner à leur offrir de l’encens, le pain, le sel et la génuflexion125. » Maurras voit dans l’arrivée d’Hitler au pouvoir la confirmation de ses pronostics126 et dénonce le prohitlérisme : « Le halo du prohitlérisme joue autour de ces brigandages, les défend et les auréole, ce qui permet aux forces de Hitler un rapide, puissant et formidable accroissement continu. Nous aurons laissé dépouiller et envahir nos amis127. »
En 1934, après la nuit des Longs Couteaux, il dénonce l’« abattoir hitlérien » et félicite la presse britannique énergique dans sa condamnation et annonce le Pacte germano-soviétique : « Je le répète : il n’y a pas de plus grand danger que l’hitlérisme et le soviétisme. À égalité ! Et ces égaux-là sont faits pour s’entendre. La carte le confirme. L’avenir le vérifiera128. » Pour Maurras, il n’y a pas de ménagement possible avec Hitler : l’invasion progressive du centre et de l’est européen entraînera celui de la Belgique et donc la soumission de la France à un géant écrasant le continent de sa puissance. Selon Stéphane Giocanti, Maurras, Bainville et Daudet rivalisent de démonstrations et d’accents polémiques pour que la France s'arme suffisamment pour se défendre et éventuellement attaquer préventivement129. La menace allemande constitue le fil rouge de ses préoccupations : dans ses écrits, les débats intérieurs lui sont subordonnés : la politique étrangère qu’il défend consiste à ménager les puissances secondaires d’Europe, celles que menacent l’URSS et le Reich allemand : Pologne, Hongrie, Tchécoslovaquie. Il exalte l’union des pays latins France, Italie, Espagne, Roumanie avec la Grande-Bretagne, la Hongrie, la Pologne130. En 1936, Maurras écrit la préface de l'ouvrage contre le nazisme de la comtesse Joachim de Dreux-Brézé, qui sera sa maîtresse131 ; il y déplore l'assassinat de Dollfuss par les nationaux-socialistes132. Par contre, le 15 mars 1936, il écrit dans L'Action française, alors que le Troisième Reich réoccupe la Rhénanie : « S’attaquer à Hitler, ce serait une croisade juive133. »
En 1937, il publie Devant l’Allemagne éternelle, sous-titré « Chronique d’une résistance » ; il rassemble quarante ans d’écrits sur l’Allemagne, le pangermanisme et l’influence allemande en France.
Maurras essaie de détourner Mussolini de l'alliance avec Hitler : la « supériorité génétique » qu’invoque l’hitlérisme se formule « par rapport à ce que l’on appelle les races latines et (comme il n’y a pas de race latine) sur ce qu’il faut appeler l’esprit latin. Mussolini doit savoir cela aussi bien que nous, il l’oublie, il veut l’oublier. Mais l’oubli se paie cher130. » Pour Maurras, le tort italien est déterminé par la conduite de Londres et Paris, qui par leurs sanctions contre l’Italie ont poussé cette dernière à fauter134 ; pour Maurras, le Front populaire, en plaçant l’antifascisme avant la politique équilibre, contribue à renforcer l’Allemagne et à préparer des lendemains douloureux au pays : il attaque violemment Léon Blum et ceux qui ont mené des campagnes de désarmement lorsque la France était plus puissante que l’Allemagne et veulent désormais engager une guerre incertaine pour des raisons idéologiques alors que la France n’a plus les moyens de la victoire130,n 8. En 1938, il défend les accords de Munich (29 et 30 septembre 1938), convaincu qu'ils n'empêcheront pas la guerre mais qu'ils la retarderont et que la France aura comblé son retard militaire face à l'Allemagne. Pourtant le 27 septembre 1938, L'Action française titre « À BAS LA GUERRE ! » Le 29 septembre, elle titre : « HONNEUR À CHAMBERLAIN » et publie cette parodie de L'Internationale :
- « S'ils s'obstinent, ces cannibales,
- À faire de nous des héros,
- Il faut que nos premières balles
- Soient pour Mandel, Blum et Reynaud135 ! »
Robert
Brasillach et Charles Maurras, vers 1938.
Selon François Huguenin, Maurras n’est pas devenu favorable à un
rapprochement avec l’Allemagne,
mais il estime que la France n’est pas prête militairement et
court à la défaite ; il accepte les accords comme une défaite
sanctionnant les erreurs de la politique étrangère de la
République, tout en appelant au réarmement136.
Il s'agit d'éviter de déclencher prématurément une guerre pour
des raisons de doctrine et de préparer la France à l'affronter avec
de vraies chances de succès : cette position se veut le
contraire d'une position germanophile, il s'agit d'appliquer le si
vis pacem, para bellum136,
de ne pas lâcher la Pologne
mais de sauver d'abord la France pour sauver l'avenir polonais137.
Toutefois, L'Action française donne des raisons plus
idéologiques à ce refus : « La paix ! La paix !
Les Français ne veulent se battre, ni pour les Juifs, ni pour les
Russes, ni pour les francs-maçons de Prague. » (28 septembre
1938)138.
Deux jours plus tôt, le même journal écrivait : « L’affaire
tchécoslovaque ne nous regarde en rien, ne nous intéresse en
rien139. »
En 1939, Maurras
titre « La mort d’un peuple » quand les Allemands
envahissent la Tchécoslovaquie
dont il a admiré la renaissance littéraire et se lamente que l'on
n'ait pas écouté vingt ans de mises en garde140.
Il ne veut pas la guerre car il croit que la France a toutes les
chances de la perdre, comme l'écrit le colonel Gauché du Deuxième
Bureau : « Jamais, à aucune période de son histoire, la
France ne s'est engagée dans une guerre dans des conditions aussi
défavorables141. »
Mais il affirme que si elle advient, elle devra être menée avec
détermination142.
Inquiet, il prend diverses initiatives pour renforcer les chances de
la France :
-
il lance une campagne de souscription en faveur de l’aviation militaire : vingt quotidiens parisiens, cinquante journaux de province le rejoignent mais Daladier s’y oppose143 ;
-
il écrit à Franco afin de le convaincre de détourner l’Italie de l’alliance avec l’Allemagne. Maurras a salué la victoire militaire du dictateur Franco, selon lui gage de sécurité contre le communisme et les persécutions contre les catholiques et dont il pense qu’elle ne peut être que l’ennemie de l’Allemagne144,n 9. L'obsession allemande a d'ailleurs influé sur la position de Maurras quant à la guerre civile espagnole : il a soutenu les insurgés mais, à l'arrivée du Front populaire, il défend une neutralité de principe pour éviter une entrée en guerre officielle de l'Allemagne aux côtés de Franco, qui satelliserait l'Espagne et ruinerait la politique méditerranéenne de la France146. La victoire acquise et ce danger écarté, le pari stratégique de Maurras sera confirmé dans les faits : Franco refusera la possibilité à Hitler de traverser le territoire espagnol pour envahir l'Afrique du Nord, ce qui aura un impact important sur l'issue de la guerre136 ;
-
il soutient le gouvernement républicain d'Édouard
Daladier dans sa volonté d'interdire le parti communiste, dont
quelques militants ont participé à des opérations de sabotage de
l'effort de guerre.
En 1940, un message en caractères énormes ouvre le journal : « Le chien enragé de l’Europe, les hordes allemandes envahissent la Hollande, la Belgique, le Luxembourg. » Maurras écrit : « Nous avons devant nous une horde bestiale et, menant cette horde, l’individu qui en est la plus complète expression. Nous avons affaire à ce que l’Allemagne a de plus sauvagement barbare, c’est-à-dire une cupidité sans mesure et des ambitions que rien ne peut modérer. […] Nul avenir ne nous est permis que dans le bonheur des armes149. »
La Seconde Guerre mondiale (1939-1945)
Dès que la guerre est déclarée, le 3 septembre 1939, Charles Maurras reprend les accents bellicistes de l’Union sacrée. Jusqu’aux derniers combats de juin 1940, il apporte un soutien sans faille à l’effort de guerre, mais il approuve l’armistice comme la majorité des Français. Maurras est regardé comme un adversaire par les autorités d'occupation qui font piller par la Gestapo les bureaux de l'Action française et placent certains livres de Maurras sur la liste Otto des livres interdits (du fait de leur caractère anti-allemand) ; en 1943, le haut responsable des forces d'occupation en France, le conseiller Schleier, place Maurras parmi les personnes à arrêter en cas de débarquement150,151.En mai de la même année, en dépit de sa franche hostilité à Pierre Laval, il reçoit des mains de Pétain la Francisque no 2068152.
Nature et formes du soutien au maréchal Pétain
Philippe
Pétain en 1941.
La victoire allemande sur la France
désespère Maurras et il dira au moment de l'arrivée de soldats
allemands en Provence voir réalisé le « cauchemar de son
existence153 ».
La raison principale de ce soutien serait la recherche de l'unité
française comme condition du redressement et donc de la revanche
contre l'Allemagne, indépendamment de toute considération
idéologique[réf. nécessaire].
Maurras affirme lui-même que le soutien au gouvernement Pétain est de même nature que celui apporté aux gouvernements républicains de la Première guerre mondiale ; à Pierre Gaxotte, il déclare154 : « Je soutiens Pétain comme j’ai soutenu tous les gouvernements pendant la guerre de 1914-1918 » ; ce soutien procède de la volonté de sauver l'unité française coûte que coûte car elle est la « condition de l'Espérance155 ». À Pierre Boutang, il affirme que l'unité française est « un outil de revanche156 ». Pour Maurras, le vainqueur de Verdun ne peut que défendre les intérêts du peuple français et toute dissidence affaiblit la France et compromet son rétablissement. Le soutien à Pétain est en 1940 très répandu : il était notamment estimé sous le Front populaire, par exemple par Pierre Cot157, à cause de sa réputation de soldat républicain, contrairement à Weygand ou Lyautey, jugés monarchistes154. Dans cette optique, le soutien à Vichy ne serait donc pas originellement un choix idéologique, ni tactique, mais une donnée, posée au-dessus de toute référence, par l'exigence de l'unité du pays158. Ce soutien se veut de même nature que celui que Maurras a apporté à la Troisième République pendant la Première Guerre mondiale contre les monarchies traditionnelles allemande et autrichienne, il s'agit de faire le choix de l'Union sacrée qui passe par le soutien à l'État159. Dans les deux cas, c'est le souci de l'unité française qui prime mais, autant après 1918, ce soutien au gouvernement français aura été profitable au prestige et l'influence de l'Action française, autant après 1945, il aura des conséquences désastreuses sur l'aura de Maurras160, « en ruinant le crédit d'un demi-siècle d'aventure intellectuelle, en occultant tout un mouvement varié de pensée que l'on ne peut réduire par amalgame au régime de Vichy161 ».
L'historien Jacques Prévotat analyse que Maurras, sous l'Occupation, « s'enferme dans un schématisme abstrait, détaché du réel concret, mais dont l'orientation, systématiquement favorable au régime de Vichy et hostile à la cause alliée, tourne à une complicité de fait avec l'occupant. Les contemporains ne sont pas dupes. De Londres, où il écrit dans La France libre, Raymond Aron porte, six mois à peine après l'installation du nouveau régime, cette appréciation sur le chef de l'Action française : « M. Maurras, promu doctrinaire officiel du nouveau régime, n'en écrit pas plus aujourd'hui sur la IIIe République qu'il n'en écrivait depuis trente ans. La seule différence est qu'il est désormais gouvernemental et conformiste, qu'il trouve une sorte de jouissance morose dans les malheurs qui accablent notre patrie, parce qu'ils ont liquidé le régime détesté et permis cette « merveille d'État national » que le maréchal Pétain est en train de construire (15 décembre 1940). » »162
Pour Maurras, la France demeure et n'a besoin ni de l'Angleterre, ni de l'Allemagne pour être ; ceux qui le croient et rejoignent ce qu'il appelle le « clan des yes » et le « clan de ja », deviennent des agents de l'étranger : ce thème est celui de la France seule. À l'été 1940, malgré les conseils de Pierre Gaxotte, Maurras fait reparaître L'Action française à Lyon, avec en tête le slogan « La France seule ».
Maurras apprécie également l'idée d'une remise en cause des idées démocratiques et la défaite « a eu le bon résultat de nous débarrasser de nos démocrates163 ». En effet, pour Maurras, l'invasion et l'occupation du territoire français sont le résultat de l'application de la politique révolutionnaire et de la rupture avec la sagesse de la politique étrangère de l'Ancien Régime, en 1940 comme en 1814, 1815, 1870. Maurras a d'ailleurs déclaré au préfet de la Vienne : « Que voulez-vous, monsieur le Préfet, soixante-dix ans de démocratie, ça se paie ! » La « divine surprise » n'est pas la victoire de l'Allemagne comme certains ont cherché à le faire croire à la Libération164 mais l'accession au pouvoir du Maréchal Pétain et le sabordage de la République par le vote majoritaire des Parlementaires républicains eux-mêmes165,166. En effet, sur certains plans, des convergences peuvent être détectées entre les thèmes de la Révolution nationale et ceux de l'Action française. En septembre 1940, lorsque le maréchal Pétain lui demande sa conception de la Révolution nationale, il répond « un bon corps d'officiers et un bon clergé »167, une position qu'il appelle : « défendre l'héritage en l'absence d'héritier »168. Il parle d'une « divine surprise »169 à propos de l'accession au pouvoir du Maréchal Pétain170. Il soutient le régime de Vichy, non la politique de collaboration171 car il est un nationaliste profondément germanophobe mais certains aspects du discours de la Révolution nationale172. Il félicite successivement le régime de Vichy pour la loi portant statut des Juifs et pour l'abolition du décret Crémieux (9 octobre 1940) qui avait accordé la nationalité française aux Juifs algériens173.
Mais ce soutien va surtout à la personne du Maréchal Pétain et non à tous les dirigeants ou toute la politique de Vichy : Maurras fête le renvoi de Laval dans les locaux de L'Action française160. Maurras cherche à user de son influence auprès des dirigeants de Vichy comme il le fit auprès de Raymond Poincaré pour contrer les mesures qui lui semblaient mauvaises. Au cours des mois de juillet et août 1940, il joue de ses relations auprès du maréchal Pétain qu’il rencontre le 27 juillet pour faire échec au projet de parti unique lancé par Marcel Déat. Il écrit que de toute évidence, Marcel Déat est égaré par l’exemple de l’Allemagne et de l’Italie174. À un journaliste japonais, Marcel Déat confiera qu’il s’est heurté par-dessus tout dans son projet d'État totalitaire et de nouvel ordre européen à la résistance de l’Action française175. Maurras s'oppose à toute orientation germanophile ; il voit dans les partisans de la collaboration les continuateurs de Jaurès et Briand et note comme l’un des hauts responsables nazis en France, Schleier, que « la grande majorité des partisans de la politique de collaboration vient de la gauche française : Déat, Doriot, Pucheu, Marion, Laval, une grande partie de l’ancien personnel briandiste176. »
La question de l'influence de la pensée de Maurras sur l'idéologie et la politique de Vichy est débattue par l'historiographie : pour Loubet del Bayle, Vichy se situe à l'intersection des idées du technocratisme planiste, d'Action française, du catholicisme social, du personnalisme177. L'influence propre de l'Action française est difficile à identifier et isoler ; certains nient l'influence de la pensée de Maurras comme Limore Yagil ; d'autres, comme François Huguenin, voient dans Vichy l'héritière de l'esprit des années 1930 et d'abord de ses rejets, rejets dont certains se retrouvent aussi dans la Résistance : antiparlementarisme, anticapitalisme, anti-individualisme, anticommunisme178. Simon Epstein rappelle que Vichy n'attend pas longtemps pour se délester d'une bonne partie de ses maurrassiens179 : dès 1941, Raphaël Alibert, ministre de la Justice, Paul Baudouin, ministre des Affaires étrangères en 1941, Georges Groussard, ancien cagoulard qui commande les groupes de protection de Vichy et qui procéda à l'arrestation de Laval trop favorable à l'Allemagne et s'orienta vers la Résistance, quittent Vichy. Ceux qui ne sont pas partis quitteront le gouvernement lors du retour de Laval en 1942 : Pierre Caziot, Serge Huard, Yves Bouthillier, René Gillouin, Henry du Moulin de Labarthète, Xavier Vallat, c'est-à-dire avant l'entrée des partisans d'une franche collaboration avec l'Allemagne nationale-socialiste. Ces maurrassiens étaient mal vus des amis de Pierre Laval qui les accusent d'avoir favorisé son renvoi, des Allemands qui n'apprécient pas leur hostilité à la collaboration, des collaborationnistes qui les accusent d'être réactionnaires à l'intérieur et germanophobes à l'extérieur180. Les Dreyfusards collaborateurs tels Armand Charpentier et René de la Marmande attaquèrent régulièrement ses positions181. Les pacifistes des années 1920 reprochaient à Maurras d'être hostile au rapprochement franco-allemand. Devenus collaborateurs, certains de ces pacifistes témoigneront de ténacité idéologique et constance argumentaire, puisqu'ils lui feront le même reproche sous l'Occupation182.
Après la Seconde Guerre mondiale, Charles Maurras nie avoir exercé une influence sur Philippe Pétain : après avoir rappelé qu'ils se voyaient à peine avant 1939, il proteste contre « la fable intéressée qui fait de moi une espèce d'inspirateur ou d'Éminence grise du Maréchal. Sa doctrine est sa doctrine. Elle reste républicaine. La mienne est restée royaliste. Elles ont des contacts parce qu'elles tendent à réformer les mêmes situations vicieuses et à remédier aux mêmes faiblesses de l'État. […] L'identité des problèmes ainsi posée rend compte de la parenté des solutions. L'épouvantable détresse des temps ne pouvait étouffer l'espérance que me donnait le remplacement du pouvoir civil impersonnel et irresponsable, par un pouvoir personnel, nominatif, unitaire et militaire183,n 11 ».
Division des partisans de Maurras
Pendant l'Occupation, les membres et anciens proches de l'Action française se divisèrent en trois groupes opposés : celui des maurrassiens orthodoxes, anti-allemands mais soutenant le régime de Vichy conduit par le maréchal Pétain, celui des collaborationnistes et ouvertement pro-nazis, tels Robert Brasillach, Charles Lesca, Louis Darquier de Pellepoix ou Joseph Darnand, et celui des résistants contre les occupants allemands, tels Honoré d'Estienne d'Orves, Michel de Camaret, Henri d'Astier de La Vigerie, Gilbert Renault, Pierre de Bénouville, Daniel Cordier ou Jacques Renouvin184,185.Il n'y a pas de statistiques sur la répartition de ces trois groupes mais, à l'époque, l'idée que les dirigeants suivent Maurras dans son soutien à Pétain mais qu'une majorité des sympathisants maurrassiens soutient la Résistance contre l'avis de Maurras est répandue186. Pierre Mendès France soutiendra cette position187 : « L’Action française, sous l’influence directe de Maurras, suit Vichy, mais là encore, la principale partie des troupes a abandonné les chefs. Comme la plupart des anciens Croix-de-Feu, les militants de l’Action française, surtout les éléments jeunes, sont aujourd’hui antiallemands et absolument hostiles à la soumission à l’occupant ». Le colonel Rémy dira que sa décision de résister résulta de son imprégnation de la pensée de Maurras : « Le réflexe qui m'a fait partir pour l'Angleterre le 18 juin 1940 trouvait son origine dans l'enseignement que, depuis vingt ans, je recevais quotidiennement sous sa signature188 ». Si des maurrassiens résistants affirment parfois comme le colonel Rémy que leur engagement dans la résistance résulte d'une application de la pensée de Maurras, certains de ceux qui ont rejoint le collaborationnisme disent qu'ils ont rompu avec l'essence de sa pensée. C'est le cas de Lucien Rebatet qui se déchaînera contre Maurras dans de nombreux écrits ou de Robert Brasillach que Maurras refusera de revoir.[réf. nécessaire]
La diversité des parcours posés entre 1940 et 1945 relève parfois du tempérament, voire du hasard des événements : la grille idéologique ne permet souvent pas d'expliquer seule tant de prises de positions différentes, ni d'analyser des choix189.
Hostilité envers les ultras de la Collaboration
L'écrivain Jean Grenier note au sujet de l'agence de presse Inter-France que Charles Maurras est tout à fait opposé au groupe de journalistes « qui a fondé l'agence de presse Inter-France germanophile »190.L'anglophobie de Maurras ne compensait pas aux yeux des Allemands sa germanophobie virulente, ce qui lui valut en 1942 d'être mis au rang des incorrigibles ennemis de l'Allemagne aux côtés de Massis, Claudel et Mauriac par le docteur Payr, dirigeant de l'Amt Schrifttum, dépendant de l'Office Rosenberg, quand il rend compte de la littérature française191. Le conseiller Schleier dénonce dans une note au ministre Ribbentrop son « comportement fondamental d'antiallemand192 ». Maurras rompt avec Brasillach, en 1941, quand celui-ci envisage de refaire paraître Je suis partout à Paris : « Je ne reverrai jamais les gens qui admettent de faire des tractations avec les Allemands160. »
Les collaborationnistes Marcel Déat, Robert Brasillach, Lucien Rebatet se déchaîneront en attaques contre Maurras ; Rebatet écrit que « Maurras est de tous les Français celui qui détestait le plus profondément l'Allemagne », s'insurge contre les propos de Maurras qui qualifie le Führer de « possédé », condamne la « germanophobie aveugle et maniaque » de L'Action française193.
Le collaborationniste Pierre-Antoine Cousteau dira après la guerre : « Maurras m’inspirait une horreur sacrée, uniquement parce qu’il faisait de la pérennité des guerres franco-allemandes la base de son système et que j’étais déjà convaincu (c’est le seul point sur lequel je n’ai jamais varié) que l’Europe ne serait jamais viable sans entente franco-allemande, que c’était le premier de tous les problèmes, le seul vraiment important, celui dont dépendait la guerre et la paix, la vie et la mort194. »
Dénonciation de la Résistance
Maurras se proclame « antigaulliste » et qualifie les résistants de « terroristes », appelant à la répression la plus violente contre eux : il exige « des otages et des exécutions », il recommande « la mise à mort des gaullistes faits prisonniers », sans autre forme de procès, il déclare que si « la peine de mort n'était pas suffisante pour mettre un terme aux activités des gaullistes, il fallait se saisir des membres de leur famille comme otages et exécuter ceux-ci »195.Maurras écrit en 1944 que « si les Anglo-Américains devaient gagner, cela signifierait le retour des francs-maçons, des Juifs et de tout le personnel politique éliminé en 1940 », et que soutenir les Alliés serait prendre parti « du mauvais côté »196. Dans une lettre à Jean Arfel en 1948, Maurras affirme qu'il y avait une part de feinte destinée à tromper les Allemands dans son hostilité aux gaullistes et aux maquisards et le souci d'éviter une guerre civile en France : « Mon escrime quotidienne contre les collaborationnistes et philoboches était toujours accompagnée, comme sa feinte protectrice, d'une pointe contre le Gaullisme et les maquisards, feinte qui a toujours trompé les Allemands à leur grand détriment […]. Je voulais tout tenter, à tout prix, pour épargner à la France le malheur de redevenir un champ de bataille et pour obtenir qu'elle fût libérée autrement [que par la guerre sur le territoire national]197. »
Yves Chiron et François Huguenin affirment que le jeu de la censure allemande fait qu'il est imprudent d'interpréter la pensée de Maurras et d'avoir une idée juste de ses réactions en se référant à ses écrits pendant la guerre198,199.
La Libération (1944)
Maurras durant son procès en 1945.
Lors du procès tenu en janvier 1945, il est rappelé que sous
l'Occupation,
Maurras avait dénoncé Roger
Worms et sa famille en publiant un article antisémite dans
L'Action
française le 2 février 1944200,201,202
(Ce soir, 27 janvier 1945).
En 1944,
Charles Maurras maintient sa méfiance pour la France libre qu'il
pense manipulée par Moscou203.
Le débarquement de Normandie le déconcerte à cause de la
destruction des villes françaises par des bombardements massifs ;
en revanche, celui de Provence le réjouit car il obéit à une
progression inoffensive pour les populations204.
(Ce soir, 27 janvier 1945).
Après le débarquement, il préconise de ne rien faire pour aggraver les maux publics, car il craint plus que tout la guerre civile : cette position attentiste est scandaleuse, selon les collaborationnistes205, mais elle ne satisfait pas non plus les résistants ; Maurras ne veut rien faire pour empêcher que la libération puisse se faire et laisser au Maréchal Pétain la possibilité de négocier avec les libérateurs, illusion qu’il partage avec l’amiral Auphan en tractation secrète avec les Américains206. Maurras exulte lorsqu’il apprend la libération de Paris ; le 3 septembre 1944, il arrose l’événement chez son ami Henri Rambaud, ivre de joie et de vin ; mais les communistes saccagent ses bureaux le 6 septembre et le 9 septembre, il est arrêté à l'instigation d'Yves Farge, lui-même proche du parti : il faudra deux mois pour que Maurras prenne connaissance de son inculpation pour « intelligences avec l’ennemi » et son procès commencera le 24 janvier 1945207,208,209.
Pendant son procès, au cours duquel sera mise en avant sa critique de la résistance gaulliste et communiste, Charles Maurras met en avant son antigermanisme. Des résistants comme Georges Gaudy ou le capitaine Darcel témoignent en sa faveurn 12.
Concernant l'antisémitismen 13, il affirme qu'il ignorait qu'en février 1944, « désigner un Juif à l'attention publique, c'était le désigner lui ou sa famille aux représailles de l'occupant, à la spoliation et aux camps de concentration, peut-être à la torture ou à la mort216 ». Il dira également que ses invectives étaient des menaces et ne résultaient pas d'une volonté de nuire physiquement217,n 14.
Or Laurent Joly rappelle que Maurras porte de manière certaine la « responsabilité indirecte, morale » du meurtre de Pierre Worms commis par la Milice le 6 février 1944, quatre jours après la publication de l'article antisémite « Menaces juives » dans L'Action française du 2 février219. Alors que la Milice perpétrait ses exactions dans une France occupée et ayant basculé dans la guerre civile, le chef de l'Action française réclamait la loi du talion et dénonçait, « de manière contournée mais néanmoins précise », le jeune résistant juif Roger Worms et sa famille220.
Le 28 janvier 1945221, la cour de justice de Lyon déclare Charles Maurras coupable de haute trahison et d'intelligence avec l'ennemi et le condamne à la réclusion criminelle à perpétuité et à la dégradation nationale.
Maurras commenta sa condamnation par une exclamation célèbre : « C'est la revanche de Dreyfus ! »184 Selon l'historien américain Eugen Weber, le procès qui dura seulement trois jours fut un procès politique : les jurés ont été choisis sur une liste établie par des ennemis politiques de Maurras, les vices de forme et les trucages ont été nombreux, le motif choisi est le plus infamant et le plus contradictoire avec le sens de sa vie. Pour ses partisans, le régime condamne celui qui n'a cessé de le mettre en face de ses responsabilités et lui fait payer le prix de ses propres erreurs222,223.
De sa condamnation (article 21 de l'ordonnance du 26 décembre 1944), découle son exclusionn 15 automatique de l'Académie française221,224 (l'ordonnance prévoit l'exclusion de l'Institut). Conformément à la loi221, l'Académie déclare vacant le siège de Maurras lors de la séance du 1er février 1945221,224 mais, selon la décision du secrétaire perpétuel Georges Duhamel, ne procède pas au vote de radiation221. L’Académie décida de ne procéder à l'élection du remplaçant de Maurras qu'après son décès, ce qui ne sera pas le cas pour les académiciens collaborationnistes comme Abel Bonnard et Abel Hermant, remplacés de leur vivant221,224,n 16.
L'après-Seconde Guerre mondiale (1945-1952)
Entre 1945 et 1952, Charles Maurras publia quelques-uns de ses textes les plus importants225. Bien qu'affaibli, il collabore sous le pseudonyme d'« Octave Martin » à Aspects de la France, journal fondé par des maurrassiens en 1947, à la suite de l'interdiction de l'Action française. Il dénonce l'épuration et s'en prend particulièrement à François de Menthon, pour avoir été le ministre de la Justice du Gouvernement provisoire de la République française226. Il fait 7 mois à Riom1, condamné à la dégradation civique et à la prison227. Ses dernières années, passées en grande partie à la prison de Clairvaux, furent aussi l'occasion d'une introspection sur la question de la Résistance ou du traitement infligé aux Juifs pendant la guerre. Ainsi, en 1948, il fait part de son admiration pour l'épopée Leclerc et pour les « belles pages » du maquis et reconnaît une erreur dont il a conscience et tente d'excuser : il n'a pas su distinguer dans l'ensemble de la Résistance et son incapacité à voir clair découlerait alors de l'obsession de la mort de la France, crispation défensive qui lui fit ignorer les perspectives — minces au début, puis plus larges — d'une victoire possible228.
Tout en continuant d'affirmer la nécessité d'un antisémitisme d'État du fait que les Juifs posséderaient une nationalité propre qu'il reconnaît glorieuse, mais différente de la française229, il s'oppose à Maurice Bardèche sur le drame de la déportation : « Français ou non, bons ou mauvais habitants de la France, les Juifs déportés par l'Allemagne étaient pourtant sujets ou hôtes de l'État français, et l'Allemagne ne pouvait pas toucher à eux sans nous toucher ; la fierté, la justice, la souveraineté de la France devaient étendre sur eux une main protectrice »230,231.
Le 10 août 1951, Charles Maurras est transféré à l’hôtel-Dieu de Troyes. Il publie peu après plusieurs ouvrages : Jarres de Biot — où il redit sa fidélité au fédéralisme, revendiquant même la qualité de « plus ancien fédéraliste de France » —, À mes vieux oliviers et Tragi-comédie de ma surdité. Le 21 mars 1952232, bénéficiant d'une grâce médicale233 accordée par le président de la République Vincent Auriol232, grâce réclamée maintes fois par l'écrivain Henry Bordeaux, auprès du président, par divers courriers, Charles Maurras est transféré à la clinique Saint-Grégoire3 de Saint-Symphorien-lès-Tours2. Quelques mois avant sa mort, Maurras écrivait qu’il « n’avait pas fait un pas dans la direction des choses éternelles » ; les théologiens qui l’entouraient ne cessaient d’espérer un signe de conversion, mais Maurras était las de cet empressement et « souhaitait qu’on mît fin à cette volonté obstinée de « donner à boire à un âne qui n’a plus soif » »234. Cependant, il meurt le 16 novembre 19521, après avoir reçu les derniers sacrements et plusieurs témoins ont attesté de la profondeur de sa conversion à l'article de la mort235,236,237.
Idées politiques
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(juillet 2019)
Article détaillé : Nationalisme
intégral.La principale originalité de Maurras réside dans le fait qu’il a réalisé avec toutes les apparences de la rigueur la plus absolue, l’amalgame de deux tendances jusqu’alors bien distinctes : le traditionalisme contre-révolutionnaire et le nationalisme238. Ses travaux ont particulièrement marqué la droite française, incluant l'extrême droite, succès dû au fait qu'il parvint à théoriser un très grand nombre des idées politiques défendues par les différentes familles politiques de droite en une seule et unique doctrine cohérente en apparence. Trois autres raisons sont mises en avant pour expliquer le rayonnement du nationalisme intégral239 :
-
Le nationalisme intégral se revendique comme un ensemble cohérent ; d'après l'historien Alain-Gérard Slama, l'efficacité de Maurras tiendrait dans le rassemblement intellectuellement ordonné d'idées provenant de divers courants de droite alors que les familles politiques de droite étaient jusqu'alors caractérisées par leur seule opposition à la gauche ;
-
Le nationalisme intégral est défendu par des revues se
voulant de qualité sur le plan intellectuel ; la qualité
littéraire de L'Action française, son intérêt apporté au
cinéma, la densité, la liberté de ton et de goût de ses pages
critiques, la confiance faite à de très jeunes gens comme Boutang,
Maulnier, Brasillach contribuent au succès d'un quotidien dont
Marcel Proust
disait en 1920 qu’il lui était impossible d’en lire un
autre[réf. nécessaire].
La politique naturelle
Charles Maurras est le fondateur du nationalisme positiviste. Au sentimentalisme barrésien s'oppose le positivisme maurrassien. Maurras considère la politique comme une science. Sa « politique naturelle » se veut une politique scientifique, fondée sur le réel, objectivement observable et descriptible, c'est-à-dire une politique fondée sur la biologie et sur l'histoire. Pour Maurras comme pour tous les théoriciens de la Contre-Révolution, Burke, Maistre, Hippolyte Taine, la nature se confond avec l'histoire. Lorsqu'il écrit que les sociétés sont « des faits de nature et de nécessité », il veut dire qu'il faut se conformer aux leçons de l'histoire : « Notre maîtresse en politique c'est l'expérience. »De telles affirmations ne sont pas neuves mais ce qui distingue Maurras de Maistre et des théocrates sur ce plan, c'est le recours à la biologie ; ici se manifeste l'influence du comtisme et du darwinisme. Un des développements de Mes idées politiques est intitulé « De la biologie à la politique ». Si Maurras préconise le recours à la monarchie, ce n'est nullement parce qu'il croit au « droit divin des rois ». Il ne prend pas en compte cet argument théologique et prétend ne recourir qu'à des arguments scientifiques : la biologie moderne a découvert la sélection naturelle, c'est donc que la démocratie égalitaire est condamnée par la science ; les théories transformistes mettent au premier plan le principe de continuité : quel régime mieux que la monarchie peut incarner la continuité nationale ?
Pour Maurras, l'État est menacé de perdre l'indépendance de son pouvoir de décision et de son arbitrage ; il lui manque d'être ab-solutus, sans lien de dépendance avec des partis qui tendent à compromettre le service qu'il doit rendre à l'ensemble de la nation et non à l'une ou l'autre de ses composantes240. Sa conception du bien commun et de la raison d'État doit aussi à une certaine lecture de saint Thomas d'Aquin et de l'encyclique diuturnum que ses maîtres d'Aix avaient publié dans La Semaine religieuse et ainsi commentée : « une société ne peut exister ni être conçue sans qu'il y ait quelqu'un pour modérer les volontés de chacun de façon à ramener la pluralité à une sorte d'unité, et pour leur donner l'impulsion, selon le droit et l'ordre, vers le bien commun241 ».
D'où la position centrale du nationalisme intégral dans ses idées politiques. Celles-ci sont les bases de son soutien tant au royalisme français qu'à l'Église catholique et au Vatican. Cependant, il n'avait aucune loyauté personnelle envers la maison d'Orléans, et était un agnostique convaincu, jusqu'au retour au catholicisme à la fin de sa vie235,237,236.
L'empirisme organisateur
Article détaillé : Empirisme organisateur.Inégalité, justice et démocratie
Dans l'avant-propos de son ouvrage Mes idées politiques, Charles Maurras entend définir le domaine au sein duquel la notion de justice a un sens car pour lui de nombreuses erreurs politiques procèdent d'une extension abusive de ce domaine : « L'erreur est de parler justice qui est vertu ou discipline des volontés, à propos de ces arrangements qui sont supérieurs (ou inférieurs) à toute convention volontaire des hommes. Quand le portefaix de la chanson marseillaise se plaint de n'être pas sorti des braies d'un négociant ou d'un baron, sur qui va peser son reproche ? À qui peut aller son grief ? Dieu est trop haut, et la Nature indifférente. Le même garçon aurait raison de se plaindre de n'avoir pas reçu le dû de son travail ou de subir quelque loi qui l'en dépouille ou qui l'empêche de le gagner. Telle est la zone où ce grand nom de justice a un sens. »Pour Maurras, l'inégalité peut être bienfaisante en ce qu'elle permet une répartition protectrice des rôles et il doit s'agir pour l'État non soumis à la démagogie de les organiser au bénéfice de tous ; il est vain de vouloir supprimer les inégalités, cela est même dangereux du fait des effets secondaires pires que le mal que l'on prétend résoudre : « Les iniquités à poursuivre, à châtier, à réprimer, sont fabriquées par la main de l'homme, et c'est sur elles que s'exerce le rôle normal d'un État politique dans une société qu'il veut juste. Et, bien qu'il ait, certes, lui, État, à observer les devoirs de la justice dans l'exercice de chacune de ses fonctions, ce n'est point par justice, mais en raison d'autres obligations qu'il doit viser, dans la faible mesure de ses pouvoirs, à modérer et à régler le jeu des forces individuelles ou collectives qui lui sont confiées. Mais il ne peut gérer l'intérêt public qu'à la condition d'utiliser avec une passion lucide les ressorts variés de la nature sociale, tels qu'ils sont, tels qu'ils jouent, tels qu'ils rendent service. L'État doit se garder de prétendre à la tâche impossible de les réviser et de les changer ; c'est un mauvais prétexte que la « justice sociale » : elle est le petit nom de l'égalité. L'État politique doit éviter de s'attaquer aux infrastructures de l'état social qu'il ne peut pas atteindre et qu'il n'atteindra pas, mais contre lesquelles ses entreprises imbéciles peuvent causer de généreuses blessures à ses sujets et à lui-même. Les griefs imaginaires élevés, au nom de l'égalité, contre une Nature des choses parfaitement irresponsable ont l'effet régulier de faire perdre de vue les torts, réels ceux-là, de responsables criminels : pillards, escrocs et flibustiers, qui sont les profiteurs de toutes les révolutions. […] Quant aux biens imaginaires attendus de l'Égalité, ils feront souffrir tout le monde. La démocratie, en les promettant, ne parvient qu'à priver injustement le corps social des biens réels qui sortiraient, je ne dis pas du libre jeu, mais du bon usage des inégalités naturelles pour le profit et pour le progrès de chacun. »
Maurras voit dans la république démocratique un régime démesuré où la démagogie égalitaire inspirée par une fausse conception de la justice fragilise les murailles de la cité et finit par emporter les degrés de la civilisation242. Dans la démocratie, Maurras discerne un régime entropique d’élimination de la polis à laquelle se substitue une société amorphe d'individus égaux et épars, point sur lequel il rejoint Tocqueville. « Prise en fait la démocratie c'est le mal, la démocratie c'est la mort. Le gouvernement du nombre tend à la désorganisation du pays. Il détruit par nécessité tout ce qui le tempère, tout ce qui diffère de soi : religion, famille, tradition, classes, organisation de tout genre. Toute démocratie isole et étiole l'individu, développe l’État au-delà de la sphère qui est propre à l’État. Mais dans la Sphère où l’État devrait être roi, elle lui enlève le ressort, l'énergie, même l’existence. […] Nous n'avons plus d’État, nous n'avons que des administrations243. »
Maurras ne rejette pas le suffrage universel, il invite ses lecteurs à ne pas être des émigrés de l'intérieur et à jouer le rôle des institutions et du suffrage universel qu’il s’agit non de supprimer mais de le rendre exact et utile en en changeant la compétence : ne pas diriger la nation mais la représenter. Abolir la République au sommet de l’État et l’établir où elle n’est pas, dans les états professionnels, municipaux et régionaux244. Maurras demande à ses lecteurs de jouer au maximum le jeu des institutions, il faut voter à toutes les élections : le mot d'ordre est celui du moindre mal245.
Le nationalisme maurrassien
Maurras et Léon
Daudet à la fête
nationale de Jeanne d'Arc et du patriotisme, Paris, place
Saint-Augustin, 9
mai 1926.
Le nationalisme maurrassien se veut contre-révolutionnaire,
rationnel, réaliste, germanophobe, non ethniciste et conforme à la
conception française de la nation.
Le nationalisme de Charles Maurras, contrairement à celui de Péguy qui assume l'ensemble de la tradition française, ou à celui de Barrès qui ne récuse pas l'héritage de la Révolution, rejette l'héritage de 1789. Son nationalisme intégral rejetait tout principe démocratique qu'il jugeait contraire à l’« inégalité protectrice », et critiquait les conséquences de la Révolution française : il prônait le retour à une monarchie traditionnelle, héréditaire, antiparlementaire et décentralisée. Le nationalisme de Maurras se veut intégral en ce que la monarchie fait partie selon lui de l'essence de la nation et de la tradition françaises. Maurras rejette le nationalisme de Paul Déroulède et son égalitarisme mystique, ancré sur les images de l'An II et 1848246. Le royalisme est le nationalisme intégral car sans roi, tout ce que veulent conserver les nationalistes s'affaiblira d'abord et périra ensuite.
En contraste également avec Maurice Barrès, théoricien d'une sorte de nationalisme romantique basé sur l'ego, Maurras prétendait baser sa conception du nationalisme sur la raison plus que sur les sentiments, sur la loyauté et sur la foi. Mais Maurras exaltera la pensée de Maurice Barrès en ce que celle-ci est le fruit d'une évolution profonde ; partant des doutes et des confusions du moi, elle prit peu à peu conscience de la nation, de la tradition et de la sociabilité, qui la déterminent et l'élèvent : le culte du moi aboutit à une piété du nous247.
La nation est pour Maurras une réalité avant d'être une idée ; il s'agit de dissocier le mot nation de son acception révolutionnaire : « L'idée de nation n'est pas une nuée ; elle est la représentation en termes abstrait d'une forte réalité. La nation est le plus vaste des cercles communautaires qui soient (au temporel) solides et complets. Brisez-le et vous dénudez l'individu. Il perdra toute sa défense, tous ses appuis tous ses concours248. »
Le nationalisme de Charles Maurras est fondamentalement germanophobe ; Maurras, comme Fustel de Coulanges, était très hostile à l'idée de l'origine franque de la noblesse française et à la tendance à écrire l'histoire de France selon la méthode allemande249. La méfiance à l'égard de l'Allemagne se traduit par une vigilance sur la politique de ce pays ; Walter Benjamin note à cet égard que « l’orientation de l’Action française lui semble finalement la seule qui permette sans s’abêtir, de scruter les détails de la politique allemande »250.
Cette hostilité à l'Allemagne induit une méfiance à l'égard de tout ce qui peut détourner la France de la Revanche ; en particulier, Maurras est opposé aux conquêtes coloniales de la Troisième République ; le nationalisme maurrassien n'est pas impérialiste et Maurras se décrira à Barrès, comme un « vieil adversaire de la politique coloniale71. »
La théorie nationale de Maurras rejette le messianisme et l'ethnicisme que l'on retrouve chez les nationalistes allemands héritiers de Fichte71. La nation qu'il décrit correspond à l'acception politique et historique de Renan dans Qu'est-ce qu'une nation ?, aux hiérarchies vivantes que Taine décrit dans Les Origines de la France contemporaine, aux amitiés décrites par Bossuet253.
Le nationalisme maurrassien se veut un réalisme opposé aux « idéalismes naïfs » et « utopies internationalistes » qui par leur irréalisme sont des pourvoyeurs de cimetières254.
Le nationalisme d'Action française est à la fois militariste, c'est-à-dire pour le renforcement permanent de l'armée afin que dans l'éventualité d'une guerre, la nation soit victorieuse et souffre le moins possible, mais pacifiste, c'est-à-dire qu'économe du sang français, elle ne prône la guerre que si la France est en position de l'emporter et pour éviter un péril grave pour elle. L'Action française ne sera pas favorable au déclenchement des hostilités, ni en 1914, ni en 1939, la France n'étant pas prête pour gagner selon elle ; en revanche, elle prônera une intervention militaire en 1936 contre l'Allemagne afin d'empêcher qu'elle ne devienne dangereuse et conquérante. Pour l'Action française, ce ne sont pas les nationalismes qui sont fauteurs de guerre mais les impérialismes255.
Le royalisme maurrassien
Maurras entend dépasser le nationalisme, doctrine rendue nécessaire par les temps, en l'ouvrant à ce qui théoriquement ne procède pas d'un parti, à ce qui seul peut décrire l'unité politique d'une nation, au-dessus des opinions : le principe royal. On ne restaure la monarchie non pour elle-même mais pour ce qu'elle peut apporter à la nation256. La conclusion de Maurras est le nationalisme intégral, c’est-à-dire la monarchie : sans la monarchie, la nation périra. Le fameux « politique d’abord » ne signifie pas que l’économie a moins d’importance que la politique, mais qu’il faut commencer par réformer les institutions : « Ne pas se tromper sur le sens de « politique d’abord ». L’économie est plus importante que la politique. Elle doit donc venir après la politique, comme la fin vient après le moyen. » La monarchie selon Maurras est traditionnelle, héréditaire, antiparlementaire et décentralisée. À propos de ces quatre critères, les maurrassiens parlent de « quadrilatère »257.-
Les deux caractères, traditionnelle et héréditaire, résultent immédiatement de la « politique naturelle ». « Tradition veut dire transmission », transmission d’un héritage. Maurras parle du « devoir d’héritier » ainsi que du « devoir de léguer et de tester ». Il souligne les bienfaits de l’institution parentale : « Les seuls gouvernements qui vivent longuement, écrit-il dans la préface de Mes idées politiques, les seuls qui soient prospères, sont, toujours et partout, publiquement fondés sur la forte prépondérance déférée à l’institution parentale. » Il est partisan d’une noblesse héréditaire, il conseille aux fils de diplomates d’être diplomate, aux fils de commerçants d’être commerçant, etc. La mobilité sociale lui paraît provoquer une déperdition du « rendement humain », expression dont il se sert dans L’Enquête sur la Monarchie. Pour Maurras, le gouvernement légitime, le bon gouvernement c’est celui qui fait ce qu’il a à faire, celui qui fait le bien, celui qui réussit l’œuvre du bien public. Sa légitimité se vérifie à son utilité. Or, le souci vigilant de l’intérêt public est selon lui cruellement dispersé dans la démocratie alors qu'en monarchie il est rassemblé dans la personne du souverain : « Ce que le prince aura de cœur et d’âme, ce qu’aura d’esprit, grand, petit ou moyen, offrira un point de concentration à la conscience publique : le mélange d’égoïsme innocent et d’altruisme spontané inhérent aux réactions d’une conscience de roi, ce que Bossuet nomme son patriotisme inné, se confondra psychologiquement avec l’exercice moral de des devoirs d’État : le possesseur de la couronne héréditaire en est aussi le serf, il y est attaché comme à une glèbe sublime qu’il lui faut labourer pour vivre et pour durer258. » La nation a intérêt à être dirigé par un dirigeant dont les intérêts coïncident avec les siens et dont l'égoïsme privé devient une vertu publique. L'égoïsme des politiciens tend à s'identifier avec celui des partis, celui du Roi tend à s'identifier avec celui de la Patrie.
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La doctrine de Maurras est antidémocratique et antiparlementaire. Sur ce thème, il affirme que l'histoire prouve qu’une république fondée sur les aléas de la démocratie parlementaire est incapable d’avoir une politique étrangère cohérente dans la durée ou du moins d’avoir les moyens de sa politique : les intérêts à court terme des partis passent avant les intérêts à long terme de la patrie. Il s’en prend au respect du nombre et au mythe de l’égalité devant la loi (l’inégalité est pour lui naturelle et bienfaisante), au principe de l’élection (contrairement à ce que croient les démocrates, « le suffrage universel est conservateur »), au culte de l’individualisme. Il dénonce le « panjurisme » démocratique, qui ne tient aucun compte des réalités. Il attaque avec une particulière violence les instituteurs, les Juifs, les démocrates chrétiens. Il affirme qu’il n’y a pas un Progrès mais des progrès, pas une Liberté mais des libertés : « Qu’est-ce donc qu’une liberté ? - Un pouvoir. » D’autre part Maurras déteste le « règne de l’argent », non pas les financiers et les capitalistes en tant que tels, mais l'influence illégitime qu'ils peuvent chercher à exercer sur l'État. Il souligne les liens entre démocratie et capitalisme ; son traditionalisme est opposé au pouvoir exclusif de la bourgeoisie ; sur ce point, il est d’accord avec Péguy259 et sa doctrine est en harmonie avec les sentiments des hobereaux plus ou moins ruinés qui constituaient souvent les cadres locaux de L’Action française.
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Maurras est un adversaire de la centralisation
napoléonienne. Il estime en effet que cette centralisation, qui a
pour conséquence l’étatisme
et la bureaucratie
(rejoignant ainsi les idées de Proudhon), est inhérente au régime
démocratique. Il affirme que les républiques
ne durent que par la centralisation, seules les monarchies étant
assez fortes pour décentraliser.
Maurras dénonce l'utilisation insidieuse du mot décentralisation
par l'État, qui lui permet de déconcentrer son pouvoir tout en se
donnant un prestige de liberté : à quoi bon créer des
universités en province si l'État central les commande
entièrement260.
Comme Maurice Barrès, Charles Maurras exalte la vie locale comme la
condition même du fait politique et du civisme, annihilée ou
atrophiée par la centralisation : c'est par le biais
décentralisateur et fédéraliste, par la défense des traditions
locales que doit s'effectuer le passage d'un nationalisme jacobin,
égalitaire et étatiste, à un nationalisme historique et
patrimonial appuyé sur les diversités de la nation française,
hostile à l'emprise de l'État central : « Il n'est
guère enviable d'être mené comme un troupeau, à coup de
règlements généraux, de circulaires contradictoires, ni d'être
une organisation toute militaire261. »
Pour Maurras, il faut refonder l'État, un État véritable :
« l'État redevenu la Fédération des régions autonomes, la
région, la province redevenues une Fédération de communes ;
et le commune, enfin, premier centre et berceau de la vie sociale ».
Pour Maurras, il ne s'agit pas de faire revivre les anciennes
provinces de l'Ancien Régime car leur découpage a varié d'un
siècle par l'effet des traités, des donations, des mariages, des
coutumes du droit féodal à l'autre mais de réfléchir au projet
de création régions épousant les désirs de la nature, ses vœux,
ses tendances262.
Décentralisation territoriale sans doute, mais aussi et surtout
décentralisation professionnelle, c’est-à-dire corporatisme :
il faut redonner une vie nouvelle aux corps de métier, à toutes
ces communautés naturelles dont l’ensemble forme une nation.
Critique de la Révolution française et de ses sources
Charles Maurras était hanté par l'idée de « décadence », partiellement inspirée par ses lectures d'Hippolyte Taine et d'Ernest Renan. Comme ces derniers, il pensait ainsi que la décadence de la France trouvait son origine dans la Révolution de 1789 ; la Révolution française, écrivait-il dans L’Observateur, était objectivement négative et destructive par les massacres, les guerres, la terreur, l'instabilité politique, le désordre international, la destruction du patrimoine artistique et culturel dont elle fut la cause.L'origine de la Révolution se trouve selon lui dans les Lumières et à la Réforme ; il décrivait la source du mal comme étant « des idées suisses », une référence à la nation adoptive de Calvin et la patrie de Jean-Jacques Rousseau. Ce dernier incarnait la rupture avec le classicisme que Maurras considérait comme l'expression du génie grec et latin, ce qui se ressent nettement dans ses recueils de poèmes, notamment La Musique intérieure et La Balance intérieure. La critique du protestantisme est thème récurrent de ses écrits : ainsi quand il définit la notion de Civilisation et son principe dans ses Œuvres capitales, il affirme que la Réforme a eu pour effet le recul de la Civilisation264. Il ajoutait que « la Révolution n'était que l'œuvre de la Réforme » en ce que l'« esprit protestant » symbolise selon lui l'individualisme exacerbé, destructeur du lien social et politique, tel qu'Auguste Comte le décrit et le condamne265. Il y aura toutefois une composante protestante à l'Action française dont Jacques Delebecque et Henri Boegner sont les plus connus265. Maurras tempèrera son antiprotestantisme par la suite et se livrera à la mort du géographe protestant Onésime Reclus à son panégyrique, regrettant sa rencontre manquée avec lui266.
Pour Maurras, la Révolution française avait contribué à instaurer le règne de l'étranger et de l'« Anti-France », qu'il définissait comme « les quatre États confédérés des Protestants, Juifs, Francs-maçons, et métèques »267. En effet, pour lui, Protestants, Juifs et Francs-maçons étaient comme des « étrangers internes » dont les intérêts en tant que communautés influentes ne coïncidaient pas avec ceux de la France.
La pensée de Maurras est également caractérisée par un militantisme antimaçonnique. À propos de la franc-maçonnerie, il écrit dans son Dictionnaire politique et critique : « Si la franc-maçonnerie était jadis un esprit, d’ailleurs absurde, une pensée, d’ailleurs erronée, une propagande, d’ailleurs funeste, pour un corps d’idées désintéressées ; n’est aujourd'hui plus animé ni soutenu que par la communauté des ambitions grégaires et des appétits individuels. »268
Maurras pensait ainsi que la Réforme, les Lumières, et la Révolution française ont eu pour effet l'invasion de la philosophie individualiste dans la cité françaisen 17 Les citoyens la composant se préoccupant, d'après Maurras, avant tout de leur sort personnel avant de s'émouvoir de l'intérêt commun, celui de la nation. Il croyait alors que cette préoccupation individualiste et antinationale était la cause d'effets indésirables sur la France ; la démocratie et le libéralisme ne faisant qu'empirer les choses.
Différences avec les traditions orléaniste et légitimiste
Même si Maurras prônait un retour à la monarchie, par bien des aspects son royalisme ne correspondait pas à la tradition monarchiste française orléaniste, ou à la critique de la Révolution de type légitimiste. Son antiparlementarisme l'éloignait de l'orléanisme et son soutien à la monarchie et au catholicisme étaient explicitement pragmatiques et non fondés sur une conception providentialiste ou religieuse caractéristique du légitimisme. L'hostilité de Maurras à la Révolution se combinait avec une admiration pour le philosophe positiviste Auguste Comte dans laquelle il trouvait une contre-balance à l'idéalisme allemand et qui l'éloignait de la tradition légitimiste. Du comtisme, Maurras ne retient ni la théorie des trois âges, ni la religion du Grand Être, ni la filiation avec l'athéisme philosophique mais l'idée que l’Église catholique a joué un rôle bénéfique pour la civilisation, la société et l'Homme indépendamment de l'affirmation personnelle de foi270. Contrairement au royalisme légitimiste qui met en avant la providence divine, Maurras se borne à vouloir chercher les lois de l'évolution des sociétés et non ses causes premières qu'il ne prétend pas identifier.Certaines intuitions de Maurras à propos du langage annoncent le structuralisme et se détachent de toute recherche métaphysique : « Ce qui pense en nous, avant nous, c'est le langage humain, qui est, non notre œuvre personnelle, mais l'œuvre de l'humanité, c'est aussi la raison humaine, qui nous a précédés, qui nous entoure et nous devance271. »
D'autres influences incluant Frédéric Le Play lui permirent d'associer rationalisme et empirisme, pour aboutir au concept d'« empirisme organisateur », principe politique monarchique permettant de sauvegarder ce qu'il y a de meilleur dans le passé272.
Alors que les légitimistes rechignaient à s'engager vraiment dans l'action politique, se retranchant dans un conservatisme catholique intransigeant et une indifférence à l'égard du monde moderne considéré comme mauvais du fait de sa contamination par l'esprit révolutionnaire, Maurras était préparé à s'engager entièrement dans l'action politique, par des manières autant orthodoxes que non orthodoxes (les Camelots du roi de l'Action française étaient fréquemment impliqués dans des bagarres de rue contre des opposants de gauche, tout comme les membres du Sillon de Marc Sangnier). Sa devise était « politique d'abord ».
Politique sociale
En dépit de l'appui mesuré et prudent qu'il donna au Cercle Proudhon, cercle d'intellectuels lancé par de jeunes monarchistes hostiles au capitalisme libéral et appelant à l’union avec le courant syndicaliste révolutionnaire inspiré par Georges Sorel273 Charles Maurras défendit une politique sociale plus proche de celle de René de La Tour du Pin ; Maurras ne fait pas comme Georges Sorel et Édouard Berth le procès systématique de la bourgeoisie où il voit un appui possible274. À la lutte des classes, Maurras préfère opposer comme en Angleterre, une forme de solidarité nationale dont le roi peut constituer la clef de voûte.À l'opposé d'une politique de masse, il aspire à l'épanouissement de corps intermédiaires librement organisés et non étatiques, l'égoïsme de chacun tournant au bénéfice de tous. Les thèmes sociaux que traite Charles Maurras sont en concordance avec le catholicisme social et avec le magistère de l’Église tout en relevant également d'une stratégie politique pour arracher à la gauche son emprise sur la classe ouvrière275.
Comme l'Action française, le Cercle Proudhon est décentralisateur et fédéraliste, et insiste sur le rôle de la raison et de l'empirisme ; il se trouve loin de l'irrationalisme, du jeunisme du populisme, de l'intégration des masses dans la vie nationale qui caractériseront par exemple les ambitions du fascisme italien, gonflé par les conséquences sociales de la guerre274. Charles Maurras veilla cependant à ce que le Cercle Proudhon ne soit pas intégré à l'Action française : il rejetait en effet le juridisme contractualiste de Proudhon, qui représente pour lui un point de départ plutôt qu'une conclusion : « Je ne dirai jamais : lisez Proudhon à qui a débuté par la doctrine réaliste et traditionnelle, mais je n'hésiterai pas à donner ce conseil à quiconque ayant connu les nuées de l'économie libérale ou collectiviste, ayant posé en termes juridiques ou métaphysiques le problème de la structure sociale, a besoin de retrouver les choses vivantes sous les signes sophistiqués ou sophistiqueurs ! Il y a dans Proudhon un fort goût des réalités qui peut éclairer bien des hommes276. »
Antisémitisme
Entre 1904 et 1906278, Charles Maurras élabore sa théorie des « quatre États confédérésn 18 » soi-disant constitutifs de « l'anti-France278. » Le théoricien du nationalisme intégral cible ainsi les juifs, la franc-maçonnerie et les protestants, conformément à la théorie du complot judéo-maçonnique dont « il va élargir encore le champ » en y ajoutant les « métèques », explique Pierre-André Taguieff278. Maurras accuse ces quatre « États confédérés » de défendre leur intérêt et non celui de la nation, tout en soumettant l'État à leur influence :
« Contre l'hérédité de sang juif, il faut l'hérédité de naissance française, et ramassée, concentrée, signifiée dans une race, la plus vieille, la plus glorieuse et la plus active possible. […] Décentralisée contre le métèque, antiparlementaire contre le maçon, traditionnelle contre les influences protestantes, héréditaire enfin contre la race juive, la monarchie se définit, on le voit bien, par les besoins du pays. Nous nous sommes formés en carré parce qu’on attaquait la patrie de quatre côtés279. »Toutefois, Maurras priorise « la formule antijuive », selon l'expression utilisée par Maurice Barrès dans un « article-programme » publié dans Le Figaro en février 1890280. Dans L'Action française du 28 mars 1911, le chef de l'Action française admet que :
« Tout paraît impossible, ou affreusement difficile, sans cette providence de l'antisémitisme. Par elle tout s'arrange, s'aplanit et se simplifie281. »« C'était là reconnaître le caractère instrumental de l'antisémitisme dans la perspective de l'élaboration d'une identité française substantielle, émondée de ses ennemis de l’intérieur (Juifs, francs-maçons, protestants et « métèques ») », observe Taguieff278.
Maurras affirme que dans un régime fédéraliste, la France peut être une « fédération de peuples autonomes » dans le cadre des provinces mais il ne peut en être de même pour les Juifs qui n'auraient pas de sol à eux en France car ils en possèderaient de droit un hors de France, en Palestine282. Maurras conçoit l'antisémitisme comme un instrument, un ressort dialectique et insurrectionnel, une idée à la fois contre-révolutionnaire et naturaliste283, un levier qui permettrait de mobiliser les énergies contre l'installation de la démocratie libérale. Selon François Huguenin, Maurras partagerait cette vision avec des syndicalistes révolutionnaires de l'extrême gauche engagés dans la lutte insurrectionnelle284,285. Rappelant que le discours antisémite n'est pas l'apanage des courants de pensée réactionnaires ou nationalistes au moment de la naissance de l'Action française, le même auteur affirme que Jaurès et Clemenceau ont contre les Juifs des formules que « jamais Maurras n'osera286. » Huguenin soutient également qu'il n'y a pas chez Maurras, ni dans l'ensemble de la rédaction de L'Action française, une plus grande hostilité à la communauté juive qu'aux protestants, et qui sous-tendrait un racisme fondamental287.
Or l'historien Laurent Joly objecte que François Huguenin et Stéphane Giocanti, « plus ou moins des admirateurs, des disciples de Maurras », tentent de présenter ainsi « un Maurras « light », aseptisé (…) [en] minor[ant] son antisémitisme. Celui-ci est au fondement de l'Action française, née en 1899, en pleine affaire Dreyfus. Maurras importe dans les milieux royalistes le nationalisme antisémite qui s'est cristallisé autour de Drumont. Il incarne à cet égard une ligne dure, prônant la dénaturalisation de tous les juifs français et le renvoi des étrangers. Or que nous dit-on ? Que tout le monde était antisémite à l'époque… Mais c'est faux ! L'antisémitisme de Maurras était perçu comme transgressif, et d’une violence insupportable. Par deux fois, il a été condamné pour incitation au meurtre contre des hommes politiques juifs. Et il ne sera pas moins virulent sous l’Occupation, ce qui est impardonnable288. »
Laurent Joly précise également que « chez Charles Maurras, la haine du Juif occupe une place prépondérante tant dans son univers mental que dans la construction politique qu’il a élaborée. Et il est exagéré de mettre, comme on le fait souvent, son antisémitisme sur le même plan que ses sentiments à l’égard des protestants et des francs-maçons, et de ne le considérer que comme une conséquence de son idéologie antilibérale et monarchiste. Habituellement virulent contre ses adversaires politiques, Maurras peut modérer son point de vue vis-à-vis des protestants, comme les Monod par exemple. Il ne manifestera jamais la même clémence à l’égard d’un Juif. Ce dernier peut rendre des services à la nation, il ne sera jamais un vrai Français. » Laurent Joly s'appuie en particulier sur deux citations de Maurras. L'une à propos des protestants : « Nous n’attaquons pas les protestants ; nous nous défendons contre eux, ce qui n’est pas la même chose. Nous n’avons jamais demandé d’exclure les protestants de l’unité française, nous ne leur avons jamais promis le statut des Juifs. » L'autre à propos des francs-maçons et des protestants à la fois : « Nous en avons à leur gouvernement et à leur tyrannie, non à leur existence [contrairement aux Juifs]289. » S. Giocanti argue que Charles Maurras eut des propos positifs sur des politiciens juifs comme Benjamin Disraeli56, mais Disraeli s'était converti au christianisme.
Déclaration signée en 1936 par les adhérents à
la Ligue
d'Action française. Ce serment revendique le nationalisme et
l'antisémitisme.
Lors de la création de la Ligue
d'Action française au printemps 1905, « la lutte antijuive
est au cœur du combat contre la République. Jusque-là, l'AF
était une association d'intellectuels qui se réunissaient au café
de Flore et lançaient leurs mots d'ordre dans une revue
paraissant tous les quinze jours. Dorénavant, le mouvement dispose
de troupes préparées à l'agitation et au coup de poing. La
doctrine est fixée, la stratégie également : ces combats
prendront pour cible privilégiée les Juifs », souligne
Laurent Joly290.
Ainsi, chaque ligueur de l'Action française doit prêter un serment
qui affirme notamment : « Seule, la Monarchie assure le
salut public et, répondant de l’ordre, prévient les maux publics
que l’antisémitisme et le nationalisme dénoncent290. »
Bien que Maurras ne fasse pas de la race « le facteur central de l'histoire et de la géopolitique de l'Europe », Carole Reynaud-Paligot note que les « représentations essentialistes » imprègnent sa vision d'une « race française » (qu'il dote de « fondements biologiques »), de même que sa germanophobie. Le dirigeant de l'Action française déploie un argumentaire consistant à dénier le caractère raciste de son « antisémitisme d'État », qu'il prend soin de distinguer d'un « antisémitisme de peau » qui relèverait soi-disant d'une « tradition de brutalité » inhérente aux Allemands. Son antigermanisme « renforc[e] sa volonté de se démarquer d'approches trop biologisantes » : ainsi, lorsqu'il reprend dans son Dictionnaire politique et critique le texte de son article paru le 26 mai 1895 dans La Gazette de la France, il en supprime le passage « Et moi aussi je suis raciste. ». Or l'historienne souligne que « Laurent Joly a pourtant montré que Maurras et ses compagnons de l'Action française adhèrent pleinement à une conception naturalisante de la judéité et qu'ils soutiennent que l'hérédité raciale, en assurant la transmission des caractères intellectuels et moraux, rend le Juif inassimilable. Cette déclaration de Maurras au début de l'Occupation en témoigne : « J'ai vu ce que devient un milieu juif, d'abord patriote et même nationaliste, quand la passion de ses intérêts proprement juifs y jaillit tout à coup : alors, à coup presque sûr, tout change, tout se transforme, et les habitudes de cœur et d'esprit acquises en une ou deux générations se trouvent bousculées par le réveil des facteurs naturels beaucoup plus profonds, ceux qui viennent de l'être juif »291. »
Hommage rendu à Édouard
Drumont dans l’Almanach de l'Action française en 1918 :
« Tout le mouvement d'antisémitisme auquel l’Action
française entre autres doit une partie de ses origines, est issu
de l'essor de Drumont. »
Par conséquent, en dépit des tentatives de Maurras visant à
distinguer son antisémitisme d'État de « l'antisémitisme de
peau », autrement dit l'antisémitisme biologiquen
19, cette différence demeure théorique, analyse Ralph
Schor : « dans la pratique, le maître à penser de
l'Action française ne différait guère des autres antisémites296. »
Le maurrassien Stéphane Giocanti soutient que cet antisémitisme se
veut moins grossier que d'autres : par sa condamnation des
théories pseudo-scientifiques et son rejet de la haine ordurière
que l'on trouve chez Édouard
Drumont, il se présenterait comme une construction plus
rationnelle et apte à séduire un public bourgeois, sensible à la
bonne conscience297.
Cependant, en 1907, l'Action française tente de racheter La
Libre Parole, journal de Drumont, car le mouvement royaliste
« ambitionne de se poser en successeur légitime du père
de La France juive298. »
En 1911, Maurras qualifie Drumont de « maître génial »
et de « grand Français » qui a posé « la
difficile question » de « l'antisémitisme d'État. »
Maurras ajoute : « Le Juif d’Algérie, le Juif d’Alsace,
le Juif de Roumanie sont des microbes sociaux. Le Juif de France est
microbe d'État : ce n’est pas le crasseux individu à
houppelande prêtant à la petite semaine, portant ses exactions sur
les pauvres gens du village ; le Juif d’ici opère en grand et
en secret299. »
Selon Jean
Touchard et Louis Bodin, l'antisémitisme de Charles Maurras, de
L'Action française en général, et de quelques autres
auteurs d'extrême droite atteint « en 1936 un degré de
violence qui fait paraître modérés les écrits d'Édouard
Drumont300. »
Lors de la Première Guerre mondiale, Maurras déclare respecter l'Union sacrée en honorant les « héros juifs » tombés au champ d'honneurn 20, tout en réaffirmant son antisémitisme dont les « principes [posés] avant cette guerre » consistent à se lamenter « de voir les Juifs gouverner la France302. » Les historiens Léon Poliakov303 et Michel Dreyfus résument cette position ainsi : « pour L'Action française de Maurras un bon Juif est d'abord un Juif mort au combat304. » Du reste, cela n'empêche pas Léon Daudet de rééditer en 1915, sous le titre L'avant-guerre, son ouvrage antisémite publié initialement en 1912, L'espionnage juif allemand en France305. Dénonçant les influences allemandes sur le tsar Nicolas II et son épouse, Maurras évoque « le danger juif allemand » en 1916. Néanmoins, L'Action française ne fait pas allusion aux Juifs lors de la révolution russe de 1917. C'est à partir de 1919 que Maurras reprend à son compte le thème du « bolchevisme juif », qu'il qualifie de « judéo-germano-wilsonien »306. La théorie du complot juif permet également à L'Action française d'« expliquer » l'abandon de la France par ses anciens alliés anglo-saxons, leitmotiv exploité dans l'ouvrage Le règne d'Israël chez les Anglo-Saxons (1921) par le maurrassien Roger Lambelin, auteur de la préface française des Protocoles des Sages de Sion307.
Abraham
Schrameck, ministre
de l'Intérieur en 1925, est menacé de mort par Maurras dans un
article antisémite de L'Action
française.
Maurras n'écrit pas de livre spécifique sur la « question
juive » mais dénonce régulièrement « l'influence
juive » en recourant à la violence verbale allant jusqu'à la
menace de mort explicite. Dans son quotidien L'Action
française, Maurras publie ainsi une lettre ouverte à
Abraham
Schrameck, ministre
de l'Intérieur, en 1925 (après l'assassinat de plusieurs
dirigeants de l'Action française comme Marius
Plateau) :
« De vous, rien n'est connu. Mais vous êtes le Juif. Vous êtes l'Étranger. Vous êtes le produit du régime et de ses mystères. Vous venez des bas-fonds de la police, des loges et, votre nom semble l'indiquer, des ghettos rhénans. Vous nous apparaissez comme directeur des services pénitentiaires vers 1908 ou 1909. Là, vous faites martyriser Maxime Real del Sarte et ses compagnons coupables d'avoir milité pour la fête de Jeanne d'Arc. Vos premiers actes connus établissent votre fidélité à la consigne ethnique donnée par votre congénère Alfred Dreyfus le jour de sa dégradation : Ma race se vengera sur la vôtre. Votre race, une race juive dégénérée, car il y a des Juifs bien nés qui en éprouvent de la honte, la race des Trotsky et des Krassine, des Kurt Eisner et des Bela Kuhn, vous a chargé maintenant, d'organiser la révolution dans notre patrie. (…) C'est sans haine comme sans crainte que je donnerai l'ordre de verser votre sang de chien s'il vous arrive d'abuser de la force publique pour ouvrir les écluses de sang français sous les balles et les poignards de vos chers bandits de Moscou108. »
Léon
Blum est la cible de plusieurs articles antisémites de Maurras.
Cet article lui vaut d'être condamné pour menace de mort. Il
récidive en 1935 et 1936 contre Léon
Blum, avant comme après la nomination de celui-ci à la
présidence du Conseil :
« Ce Juif allemand naturalisé, ou fils de naturalisé [la famille Blum était française de plein droit depuis 1791], qui disait aux Français, en pleine Chambre, qu’il les haïssait [Blum n'a jamais dit cela308], n’est pas à traiter comme une personne naturelle. C'est un monstre de la République démocratique. Et c’est un hircocerf de la dialectique heimatlos. Détritus humain à traiter comme tel. (…) L’heure est assez tragique pour comporter la réunion d'une cour martiale qui ne saurait fléchir.
M. Reibel demande la peine de mort contre les espions. Est-elle imméritée des traîtres ?
Vous me direz qu'un traître doit être de notre pays : M. Blum en est-il ?
Il suffit qu’il ait usurpé notre nationalité pour la décomposer et la démembrer. Cet acte de volonté, pire qu'un acte de naissance, aggrave son cas.
C'est un homme à fusiller, mais dans le dos100. »
« C'est en tant que Juif qu'il faut voir, concevoir, entendre, combattre et abattre le Blum.
Ce dernier verbe paraîtra un peu fort de café : je me hâte d'ajouter qu'il ne faudra abattre physiquement Blum que le jour où sa politique nous aura amené la guerre impie qu'il rêve contre nos compagnons d'armes italiens. Ce jour-là, il est vrai, il ne faudra pas le manquer. (…) Si, par chance, un État régulier a pu être substitué au démocratique Couteau de cuisine, il conviendra que M. Blum soit guillotiné dans le rite des parricides : un voile noir tendu sur ses traits de chameau110. »
« La France sous
le Juif », manchette de L'Action
française du 5 juin 1936.
« Le cabinet Crétins-Talmud
et ses « masses » », manchette de L'Action
française du 8 juillet 1936.
Certes, Maurras ne réservait pas, dans le deuxième cas, sa menace
au seul Léon Blum mais contre l'ensemble des parlementaires
partisans de sanction contre l'Italie fasciste, qui avait envahi
l'Éthiopie, en violation de la charte de la Société
des Nationsn
21 ; mais, outre que seul Léon Blum fut victime d'une
agression physique par des maurrassiens (en février 1936), du 6 au
21 juin 1936, au moins sept manchettes de L'Action française
sont des attaques antisémites visant le gouvernement du Front
populaire300.
De même, après l'attaque verbale de Xavier
Vallat contre Léon Blum, ce fut essentiellement la presse
d'Action française, Maurras en tête, qui fit de la surenchère
antisémite309.
Déjà, en 1911, la plupart des articles publiés par Maurras cette
année-là contenaient des attaques antisémites et une vingtaine
étaient spécifiquement consacrés à « la question
juive310. »
En 1938, l'antisémitisme de Maurras franchit un palier lorsqu'il écrit : « Le Juif veut votre peau. Vous ne la lui donnerez pas ! Mais nous l’engageons à prendre garde à la sienne, s’il lui arrive de nous faire accéder au massacre universel311. »
Charles Maurras reçut des témoignages de fidélité de juifs français, comme celui du sergent Pierre David que Maurras nommera le héros juif d'Action française312. D'autres juifs deviendront des ligueurs d'Action française comme Marc Boasson, Georges et Pierre-Marius Zadoc, Raoul-Charles Lehman, le professeur René Riquier, les écrivains Louis Latzarus et René Groos301.
Certains maurrassiens théorisent l'antisémitisme ; ainsi, Octave Tauxier, pour qui l'antisémitisme, en manifestant que les communautés d'intérêt existent, agissent et vivent pour leur compte, ruine par les faits la théorie révolutionnaire jacobine refusant l'homme de chair mais concevant un homme abstrait comme une unité raisonnable forçant sa nature rebelle aux groupements que seule la tradition rend stable313. Léon de Montesquiou déclare : « Le Juif est l'agent destructeur de notre foi et de la patrie. Nous sommes prêts à sacrifier nos existences pour débarrasser la France des Juifs. » Léon Daudet ajoute : « La guerre est déclarée comme en 1870. […] C’est une guerre franco-juive. Une première bataille a été livrée, elle a été gagnée ; il s’agit de continuer314. » Daudet écrit aussi, dans le contexte du Front populaire :
« Du fait de la République, régime de l’étranger, nous subissons actuellement trois invasions : la russe, l’allemande, et notamment la juive allemande, l’espagnole. La crapule de ces trois nations s’infiltre et s’installe chez nous. Elle y pille, elle y corrompt et elle y assassine. Ce mouvement immonde, et qui va en accélérant, annonce la guerre. Il date de loin, de l’affaire du traître Dreyfus. La domination d’un Juif rabbinique, Léon Blum, totalement étranger à nos mœurs, coutumes et façons de comprendre et de ressentir, multiplie actuellement le danger par dix315. »
D’autres maurrassiens seraient indifférents à ce thème287,n 22.
Maurras et les dictatures de l'Axe
Maurras et le fascisme
Dès le début de la dictature fasciste en Italie, l'Action française fait partie du courant qui « approuve non seulement les objectifs du fascisme, mais encore ses méthodes »317. Le 13 octobre 1935, hostile aux sanctions de la SDN contre l'Italie qui vient d'attaquer l'Éthiopie, Maurras appelle à « couper le cou » à « ceux qui poussent à la guerre »318. Selon François Huguenin, comprendre la position de Maurras face au fascisme nécessite de prendre en compte trois ordres de préoccupation autonomes parfois confondus : celui de la politique extérieure, celui de l'idéologie, celui de la réussite révolutionnaire319.Sur le plan de la technique de la prise de pouvoir, les maurrassiens seront impressionnés par la capacité du fascisme à mettre fin au « désordre démocratique libéral »319.
Sur le plan de la politique extérieure, Maurras ne cessera de prôner face au péril allemand une union latine englobant la France, l'Italie, l'Espagne et le Portugal320. En 1935, Maurras s'opposera aux sanctions contre le régime fasciste pour empêcher de pousser Mussolini à s'allier avec Hitler320, alors que Mussolini souhaitait initialement contrer l'expansion du national-socialisme en liaison avec les alliés de l'Italie pendant la Première Guerre mondiale comme la France. L'idéologie ne dicte par cette volonté d'alliance orientée contre l'Allemagne qui explique la discrétion des critiques de Maurras contre le fascisme italien, critiques pourtant contenues dans l'anti-étatisme de Maurras.
Sur le plan idéologique, Maurras met en garde contre une trop grande admiration de Mussolini et sa position évolue avec l'évolution du fascisme ; au tout début du fascisme, avant le développement de l'étatisme et la théorisation par le fascisme du totalitarisme, Maurras souligne la parenté entre certaines de ses idées et celles du mouvement de Mussolini321 ; mais dès 1928, il écrit322 : « C'est la naïveté courante. Ceux qui la formulent et la propagent innocemment ne se rendent pas compte qu'une action d'ordre et de progrès comme celle du fascisme italien suppose une base solide et stable, que la Monarchie fournit et qu'un certain degré d'aristocratie, ou, si l'on veut, d'antidémocratie doit encore la soutenir. » Comme Massis, Maurras s'inquiétera des lois scolaires du fascisme323. Quand en 1932, Mussolini déclare qu'« en dehors de l'État, rien de ce qui est humain ou spirituel n'a une valeur quelconque », Maurras dénonce une conception aux antipodes de sa pensée : rappelant le double impératif de « fortifier l'État » et d'« assurer la liberté des groupes sociaux intermédiaires », il réaffirme combien les partisans du nationalisme intégral ne sont pas étatistes324.
Le souci de ménager l'Italie pour éviter qu'elle ne s'engage militairement avec l'Allemagne et l'admiration de la réussite d'un coup de force tranchant avec l'impuissance des nationalistes français expliqueraient la faible insistance à souligner les divergences importantes avec le fascisme italien325.
Charles Maurras, dans sa réflexion centrée sur la France, n'a jamais pris la peine de réfuter les expériences politiques étrangères, ce qui vaut pour le marxisme comme pour le fascisme et l'Action française s’accommodera pour l'étranger de régimes dont elle ne voudrait pas pour la France326. C'est à un de ses disciples, Thierry Maulnier, que reviendra de dénoncer le fascisme, comme si l'attraction fasciste était plus sensible pour un homme de sa génération que pour un homme comme Maurras ; Thierry Maulnier multipliera dans le quotidien de Maurras ou dans d'autres publications les écrits contre le fascisme, « ce collectivisme autoritaire, religieux, total et désolant » et la « civilisation française »327. De façon générale, nombre de maurrassiens ont affirmé que la pensée de Maurras les avaient prémunis de l'attraction du fascisme ; dans les années 1990, Raoul Girardet dira : « Même ébréchée, la doctrine maurrassienne constituait à cet égard une barrière solide : la conception totalitaire de l'État et de la société lui était complètement étrangère328. »
Maurras et le national-socialisme
La condamnation du national-socialisme se fonde sur une série d'arguments se situant à différents niveaux d'analyse.Maurras dénonce le racisme depuis le début de son activité politique : « Nous ne pouvions manquer, ici d’être particulièrement sensibles : le racisme est notre vieil ennemi intellectuel ; dès 1900, ses maîtres français et anglais, Gobineau, Vacher de Lapouge, Houston Chamberlain, avaient été fortement signalés par nous à la défiance des esprits sérieux et des nationalistes sincères329. » Charles Maurras écrit en 1933 : « Nous ne croyons pas aux nigauderies du racisme330. » Maurras traite de « basses sottises » les idées de Joseph de Gobineau et de Georges Vacher de Lapouge et rappelle : « J'ai, pour mon compte, toujours pris garde de séparer les réflexions sur l'hérédité politique et économique d'avec les généralisations vagues, aventureuses et captieuses sur la stricte hérédité physiologique331 ». Pour Maurras : « Nous sommes des nationalistes. Nous ne sommes pas des nationalistes allemands. Nous n'avons aucune doctrine qui nous soit commune avec eux. Toutes les falsifications, tous les abus de textes peuvent être tentés : on ne fera pas de nous des racistes ou des gobinistes332 ». Maurras écrit à propos du nazisme : « l’entreprise raciste est certainement une folie pure et sans issue333 ».
Maurras précise sa critique métaphysique du nazisme en soulignant ses fondements fichtéens : il dénonce l’image de l’homme allemand défini par Fichte, initiateur du narcissisme originel et fondamental où Hitler se retrouve ; Maurras insiste sur l'horreur fichtéenne d'Hitler pour le fédéralisme, sa démagogie métaphysique, son déisme à la Robespierre334. Maurras est un des rares à souligner la dimension et l’inversion théologique du nazisme, son imitation caricaturale et perverse d’Israël et comme Alain Besançon, il voit le national-socialisme procéder à une contrefaçon fichtéenne de la notion de peuple élu335. Dès le début des années 1930, Maurras et l'Action française mettent en garde contre le messianisme du nationalisme allemand dont le national-socialisme est l'expression qui accomplira jusqu'à la folie la logique dominatrice336.
Le nationalisme de Maurras est héritier de Fustel de Coulanges et de Renan, historique et politique, on n'y trouve « ni linguisticisme, ni racisme : politique d’abord ! […] Entre tous, l’élément biologique est le plus faiblement considéré et le moins sérieusement déterminé. Dès lors, ces déterminations vagues d’une part, ces faibles déterminations d’autre part, ne peuvent porter qu’un effet : l’exaltation des fanatismes d’où sortent les exagérations que le Vatican dénonçait l’autre jour, et l’encouragement aux méprises et aux malentendus337. »
Sa critique du national-socialisme est aussi fondée sur le fait que celui-ci est selon lui un aboutissement logique du rousseauisme et de la démagogie démocratique : dans De Demos à César, il analyse l’évolution des régimes contemporains et discerne les liens de continuité entre la société démocratique et les tyrannies bolcheviques ou nazies, le prolongement que le despote moderne fournit au moi rousseauiste, en absorbant l’individu dans la collectivité338.
Bien qu'agnostique Maurras défend la civilisation catholique et il perçoit dans le nazisme un ennemi du catholicisme et de ses valeurs : lorsque le pape Pie XI promulgue Mit brennender Sorge, le 25 mars 1937, Maurras approuve avec enthousiasme et précise sa position : « Tous les esprits impartiaux qui ont étudié le nationalisme français, même intégral, surtout intégral, savent combien il est profondément hostile à ce que l'Encyclique d'hier appelle « la théorie du sol et du sang », théorie métaphysique, bien entendu, qui substitue aux relations normales et objectives des hommes, au jeu naturel des apports collectifs nationaux et professionnels, une distribution toute subjective fondée sur les races et sur les climats, dérivée du principe que l'Homme allemand (« all-mann ») est l'Homme par excellence, le tout de l'Homme, et de ce que Luther incarna cet Homme dans l'histoire politique et dans l'histoire des religions339 ». Les maurrassiens dénonceront le national-socialisme à la lumière d'une critique plus générale de l'esprit allemand340.
Sa critique du national-socialisme est aussi une critique implicite du totalitarisme. C’est la nation que Maurras défend et pas l’idolâtrie de son État : « un nationalisme n’est pas un nationalisme exagéré ni mal compris quand il exclut naturellement l’étatisme341 ». Il discerne dans le totalitarisme une usurpation de l’État sur la société : « Quand l’autorité de l’État est substituée à celle du foyer, à l’autorité domestique, quand elle usurpe les autorités qui président naturellement à la vie locale, quand elle envahit les régulateurs autonomes de la vie des métiers et des professions, quand l’État tue ou blesse, ou paralyse les fonctions provinciales indispensables à la vie et au bon ordre du pays, quand il se mêle des affaires de la conscience religieuse et qu’il empiète sur l’Église, alors ce débordement d’un État centralisé et centralisateur nous inspire une horreur véritable : nous ne concevons pas de pire ennemi342. »
Maurras s’inquiète de ce que certains pourraient voir dans l’Allemagne un rempart contre le communisme, il y voit un piège politique : « Les cornichons conservateurs […] qui prendraient Hitler pour un sauveur de l’ordre — de l’ordre français — sont certainement coupables d’un crime devant l’esprit au moins égal à celui de nos moscoutaires343. » Il note même que « l’intrigue hitlérienne est plus dangereuse que celle des Soviets344. » En avril 1936, Maurras dénonce le péril national-socialiste et le déclare même pire pour la France que le péril communiste : « Hitler est encore notre ennemi numéro 1. Moscou est bien moins dangereux136. »
Maurras dénonce Hitler qu'il appelait le « chien enragé de l'Europe »345 car son idéologie est porteuse de barbarie ; il s’en prend à la presse qui « travaille à créer pour cette gloire de primate, un cercle de respect béant et d’inhibition ahurie à l’égard du dictateur walkyrien131. » Face à la barbarie nazie, Maurras écrit : « Ce ne peut être en vain que la France a été pendant des siècles la civilisatrice et l’institutrice du monde. Elle a le devoir de ne pas renoncer à ce rôle346. » Hitler prépare la « barbarisation méthodique » de l'Europe344.
Il alerte les Français sur l'eugénisme : « Le 1er janvier 1934, une certaine loi sur la stérilisation est entrée en vigueur ; si elle joue contre l’indigène du Reich, croit-on que l’étranger s’en défendra facilement347,n 23 ? » Afin de mettre en garde les Français sur ce qui les attend, il réclame une traduction non expurgée de Mein Kampf, dont certains passages laissant prévoir les ambitions hitlériennes avaient été censurés dans la version française336.
Toutefois, il écrit dans L'Action française du 28 août 1942 : « Avec toute la France, les prisonniers heureusement libérés remercient M. Hitler. »
Maurras et la colonisation
Maurras est hostile à l'expansion coloniale impulsée par les gouvernements républicains qui détourne de la Revanche contre l'Allemagne et disperse ses forces ; de plus, il est hostile à la politique jacobine et républicaine d'assimilation qui vise à imposer la culture française à des peuples ayant leur propre culture. Comme Lyautey, il pense qu'il faut faire aimer la France et non imposer la culture française au nom d'un universalisme abstrait348. Cette dernière conception attire à lui des faveurs dans les élites des peuples colonisés ; ainsi, Ferhat Abbas, est d’abord un Algérien maurrassien : il est le fondateur de L’Action algérienne, organe se réclamant du nationalisme intégral349 et se battant pour l’adoption de propositions concrètes : toutes vont dans le sens de la démocratie locale et organisée, la seule forme de démocratie pour laquelle Maurras militait, parce que d’après lui, elle est la seule vraiment réelle : autonomie des corporations indigènes locales et régionales, autonomie en matière de réglementation sociale et économique, suffrage universel dans les élections municipales, large représentation de corporations, des communes, des notables et chefs indigènes, constituant une assemblée auprès du gouvernement français : « En 1920, écrit Abbas, les hommes de ma génération avaient vingt ans, personnellement je me mis à penser que l’Algérie ressemblait à la France d’ancien régime à la veille de 1789. Il n’y a rien dans le Livre saint qui puisse empêcher un Algérien musulman d’être nationalement un Français […] au cœur loyal conscient de sa solidarité nationale350. » Parmi l’élite musulmane d’Algérie, Ferhat Abbas n'est pas le seul soutien de l’Action française : on compte parmi eux Hachemi Cherief, qui sera plus tard le conseiller juridique de Mohammed V et l’avocat de Ben Bella, ainsi que des Kabyles, gênés par la prépondérance arabe et attirés par la vision décentralisatrice de Charles Maurras349.S'il fut hostile à l'expansion coloniale, Maurras fut ensuite hostile à la liquidation brutale de l'empire colonial français après la Seconde Guerre mondiale, préjudiciable selon lui autant aux intérêts de la France qu'à ceux des peuples colonisés.
Maurras et le catholicisme
Les rapports de Charles Maurras avec le catholicisme et avec l'Église catholique ont évolué avec le temps.Jeunesse
Dans son enfance et jusqu'à son adolescence, il reçoit une éducation religieuse marquée par la foi de sa mère qu'il partage. Lors de son adolescence, sa surdité et la révolte qu'elle génère puis la difficulté à consolider sa foi par des arguments rationnels en plus de témoignages de la tradition chrétienne contribuent à la lui faire perdre.Lors de ses premières années à Paris, désireux de préciser sa position sur le plan religieux, il noue un dialogue avec des théologiens, des philosophes, des prêtres, des séminaristes qui cherchent à le convertir mais n'y parviennent pas. Dans la dernière décennie du XIXe siècle, la déception qui en découle conjugué à une hostilité croissante à l'esprit et l'influence hébraïques le conduisent à publier des textes empreints d'hostilité au christianisme au sein duquel il prétend distinguer ce qui relève de l'esprit juif et ce qui relève de l'esprit gréco-latin. Il ne croit pas aux dogmes de l'Église, ni aux Évangiles, écrits, selon son expression, « par quatre obscurs juifs »351. Cependant, il persiste à admirer et aimer l'Église catholique pour être parvenue à concilier bien des « dangereux apprentissages » de la Bible dont il soupçonnait qu'ils avaient conduit à l'émergence des erreurs révolutionnaires en France et en Europe. L'interprétation de Maurras à propos de la Bible fut alors critiquée fermement par bien des membres du clergé. Dans Le chemin de Paradis, il guerroie contre la version la plus révolutionnaire du christianisme. Maurras s'avouant alors impuissant à croire affirmait néanmoins respecter la croyance religieuse : « Je n'ai pas été « dédaigneux de la foi » ! On ne dédaigne pas ce qu'on a tant cherché. On ne traite pas sans respect la faculté de croire quand on l'estime aussi naturelle à l'homme et plus nécessaire que la raison352. »
Naissance de l'Action française
Dans les années 1900, sans retrouver la foi, Maurras se rapproche du catholicisme et renforce son soutien à l'Église catholique.Il subit tout d'abord sous l'influence de Léon de Montesquiou, de Louis Dimier, de prêtres comme le bénédictin Dom Besse et de l'abbé de Pascal, tous désireux de le rapprocher du catholicisme voire de faire renaître en lui la foi.
Il s'appuie sur Auguste Comte qui lui permet d'étudier la réalité sociale, de penser la politique en l'absence de foi, tout en admirant le catholicisme. Il n'y a alors plus sous sa plume d'attaques indirectes contre le christianisme, d'autant que sa mère très croyante lit tout ce qu'il écrit ; il perçoit dans la morphologie historique du catholicisme un principe de paix et de civilisation353. Maurras voit dans l'Église le grand principe d'ordre qui arrache l'homme à l'individualisme, qui discipline les intelligences et les sensibilités. Maurras, amenant des Français de toutes origines à raisonner ainsi, en a conduit plusieurs à considérer le catholicisme comme un bien pour la France, voire à retrouver la foi.
Il s'appuie sur le lien historique entre le catholicisme, la tradition et l'identité françaises ; n'ayant jamais cessé de soutenir l'influence et le prestige de l'Église catholique comme composante politique, parce qu'elle était intimement liée à l'Histoire de France et que sa structure hiérarchique, et son élite cléricale reflétaient l'image qu'il se faisait de la société idéale. Il considérait que l'Église devait être le mortier chargé d'unir la France, et la chaîne chargée de lier tous les Français. L'Action française se veut ouverte à tous : croyants, positivistes, sceptiques ; mais elle affirmait clairement que tout Français patriote se devait de défendre le catholicisme comme religion historique du peuple français354.
Il s'engage fougueusement et sincèrement aux côtés de l'Église chaque fois que celle-ci se sent persécutée : affaire des fiches, interdiction aux religieux d'enseigner, Inventaires, interventions de l'armée dans les monastères, exil de milliers de moines et de religieux, prescription aux instituteurs de dénigrer le christianisme renvoyé avec la monarchie dans les ténèbres de l'histoire de France353.
Il s'en prend au laïcisme, qui n'est pas une pure neutralité, mais procède d'une métaphysique d'État intolérante, véritable théologie « d'autant plus ardente, fanatique, féroce, qu'elle évite de prononcer le nom de Dieu353. »
Il laisse voir dans ses écrits que son silence sur la foi et le surnaturel est suspensif et qu'il respecte la foi en autrui : « La libre pensée ne consiste qu'à délier l'individu, elle dit : de ses chaînes ; nous disons : de ses points d'appui, de ses aides et de ses contreforts354. »
Ces prises de position firent que Maurras fut suivi par bien des monarchistes : à la suite des inventaires, deux officiers chassés de l'armée, Bernard de Vesins et Robert de Boisfleury rejoignent l'Action française comme le jeune Bernanos qui assimile les Camelots du roi à une nouvelle chevalerie chrétienne355. Beaucoup d'ecclésiastiques, dont des assomptionnistes, sont séduits par le mouvement.
En dépit de différences essentielles, il y a une coïncidence entre la métaphysique de l'Ordre chez Maurras et celle de saint Thomas. Ce soutien de milieux catholiques joua un rôle important dans le rayonnement de l'Action française et attira vers Maurras des théologiens comme Jacques Maritain. Dès sa naissance, l'Action française est apparue comme l'alliée du catholicisme antimoderne et du renouveau thomiste et comme un recours face à l'anticléricalisme croissant des républicains. L'Action française est nourrie par le catholicisme social d'Albert de Mun et de René de La Tour du Pin et Charles Maurras loua le Syllabus, catalogue des erreurs modernes établi en1864 par le pape Pie IX.
Rapport avec le Sillon
En 1904, Maurras regarda avec sympathie la création par trois anciens du collège Stanislas à Paris, dont Marc Sangnier, du mouvement du Sillon afin de former des groupes pour faire rayonner les forces morales et sociales du catholicisme. Un rapprochement entre le Sillon et l'Action française eut alors lieu : pour Firmin Braconnier, les deux organisations ont le même but : le perfectionnement moral, intellectuel et social de la personnalité humaine rejetées ensemble par la gauche355. Mais en dépit d'échanges de haut niveau et au début fort aimables, les deux hommes ne s'entendirent pas, Marc Sangnier voulant opposer le positivisme et le christianisme social, ce que Maurras percevait comme un faux dilemme car :-
retrouver les lois naturelles par l'observation des faits et par l'expérience historique ne saurait contredire les justifications métaphysiques qui en constituent pour les chrétiens le vrai fondement ; car le positivisme, pour l'Action française, n'était nullement une doctrine d'explication mais seulement une méthode de constatation ; c'est en constatant que la monarchie héréditaire était le régime le plus conforme aux conditions naturelles, historiques, géographiques, psychologiques de la France que Maurras était devenu monarchiste : « Les lois naturelles existent, écrivait-il ; un croyant doit donc considérer l'oubli de ces lois comme une négligence impie. Il les respecte d'autant plus qu'il les nomme l'ouvrage d'une Providence et d'une bonté éternelles. » ;
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le christianisme
social se retrouve davantage dans l'Action française que dans
le Sillon : s'il y a de nombreux chrétiens sociaux dans les
rangs de l'Action française, c'est précisément car les chrétiens
sociaux ont toujours préconisé « l'organisation
d'institutions permanentes, capables de secourir la faiblesse des
hommes » ; or, pour Maurras, Marc Sangnier croyait qu'il
fallait d'abord donner à l'individu une âme de saint avant de
vouloir modifier les institutions. Dans cette optique Marc Sangnier
est « le continuateur du préjugé individualiste » qui
avait engendré la question sociale et contre lequel les catholiques
sociaux, de Villeneuve-Bargemont à Albert de Mun et au marquis de
La Tour du Pin avaient toujours réagi.
-
Rêver, en oubliant le péché originel, d'un État dont le fondement serait la vertu est irréaliste. Si la vertu est nécessaire et si la chrétienté a suscité de grands élans d'héroïsme et de sainteté, ce fut dans le respect de la « vénérable sagesse de l'Église », laquelle, sachant que la seule prédication du bien ne saurait suffire à transformer une société, a toujours voulu multiplier, pour encadrer l'individu, les habitudes, les institutions, les communautés qui le portaient à surmonter ses penchants égoïstes ; pour Maurras, s'il faut des élites morales, il faut aussi des chefs capables, eux, par la place qu'ils occupent, de savoir exactement en quoi consiste l'intérêt général car sinon les efforts de l'élite de saints risquent d'être vains ;
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« Être sublime à jet continu, héroïque à
perpétuité, tendre et bander son cœur sans repos et dans la
multitude des ouvrages inférieurs qui, tout en exigeant de la
conscience et du désintéressement veulent surtout la clairvoyance,
l'habileté, la compétence, la grande habitude technique,
s'interdire tous les mobiles naturels et s'imposer d'être toujours
surnaturel, nous savons que cela n'est pas au pouvoir des
meilleurs ». Maurras voit dans la démocratie de Sangnier une
autre forme de celle de Rousseau, qui pensaient que le
perfectionnement moral par l'accroissement de la liberté
individuelle rendrait les hommes de plus en plus aptes au seul
régime démocratique : « Si la république réclame
beaucoup de vertu de la part des républicains, cela tient à ce
qu'elle est un gouvernement faible et grossier […] et que sa
pauvreté naturelle ne saurait être compensée que par la bonté
des individus. »
Rapport avec la papauté : la condamnation de l'Action française et sa levée
Sous Léon XIII, et en dépit du ralliement de 1893, essentiellement tactique, l'Église catholique continuait de se méfier de la République française, régime né de la Terreur, dont les soutiens travaillaient à l'extirpation de la religion de la sphère sociale et politique16. La doctrine politique de Léon XIII n'excluait pas la monarchie comme forme possible de régime, conformément à la théologie de saint Thomas d'Aquin qui la recommande et sur laquelle s'appuie largement le magistère de l'Église16. En 1901, Maurras fut frappé par une encyclique de ce pape suggérant qu'une monarchie pouvait sous certaines conditions correspondre aux exigences de la démocratie chrétienne au sens où ce texte l'entend : une société organisée mais tournée vers Dieu354.Sous Pie X, les relations avec la papauté se développèrent. Louis Dimier fut reçu par le Pape Pie X et ce voyage fut reçu par Maurras et ses amis comme un encouragement exaltant353. Pie X s'opposa à ceux qui voulait condamner globalement Maurras à cause de certains écrits témoignant de son agnosticisme et d'une métaphysique non chrétienne.
Sous Pie XI, son agnosticisme suscita l'inquiétude d'une part de la hiérarchie catholique et en 1926, le pape Pie XI classa certains écrits de Maurras dans la catégorie des « Livres Interdits » et condamna la lecture du journal L'Action française. Cette condamnation du pape fut un grand choc pour bon nombre de ses partisans, qui comprenaient un nombre considérable de membres du clergé français, et causa un grand préjudice à l'Action française. Elle fut levée cependant par Pie XII en 1939, un an après que Maurras fut élu à l'Académie française.
Plusieurs raisons ont été avancées pour expliquer la condamnation de l'Action française par Pie XI puis sa réhabilitation par Pie XII. La pensée de Maurras ayant peu évolué pendant le quart de siècle pendant lequel l'Action française ne fit l'objet d'aucun blâme, des raisons liées au contexte politique et géopolitique ont été mises en avant. En 1921, la République a rétabli les relations diplomatiques avec le Saint-Siège et Pie XI préconise une politique d’apaisement systématique avec l’Allemagne : il approuve les accords de Locarno et l’entrée de l’Allemagne à la SDN, contrairement à Maurras qui les dénonce avec virulence car pouvant contribuer au renforcement et donc aux possibilités de revanche de l'Allemagne. L'Action française entre en opposition avec les objectifs de la diplomatie papale. En plus du contexte, un élément déclencheur provoque l'inquiétude de certains ecclésiastiques face à une influence jugée grandissante : dans une enquête de Louvain, les jeunes catholiques disent être fidèles à la Bible et à Maurras comme s’il était possible de les mettre sur le même plan ; mais une part du haut clergé français, des associations, des ordres religieux quelques-uns des principaux théologiens soutiennent Maurras en dépit des réserves qu’ils témoignent vis-à-vis de certains aspects de sa pensée358. Pie XI entend néanmoins balancer l’influence prépondérante détenue au sein de l’Église par l’épiscopat nommé du temps de Pie X et de la réaction antimoderniste et son désir d’avoir les mains libres pour développer des mouvements d’action catholique du type de la JOC et de la JAC est fort359.
Le Pape chargea alors le cardinal Andrieu de mettre en garde les fidèles contre l'Action française : celui-ci, qui avait chaleureusement remercié Maurras en 1915 pour l'envoi de L'Étang de Berre, qualifié de « monument de piété tendre », lui disant qu'il défendait l'Église « avec autant de courage que de talent360 », prétendait désormais percevoir chez lui l'athéisme, l'agnosticisme, l'antichristianisme, un antimoralisme individuel et social ; ces accusations publiées dans La Semaine religieuse d'août 1926 furent perçue comme excessives. Maurras et les siens furent rassurés par les soutiens dont ils bénéficièrent ; cependant, loin d'adopter une attitude soumise et humble, Maurras fit bruyamment savoir que si la soumission à l’autorité romaine doit être totale sur le plan spirituel, si celle-ci intervient dans le domaine politique de manière critiquable, alors la résistance s’impose sur le terrain361. Réagissant à une allocution papale mettant indirectement en garde contre l'influence de l'Action française en décembre 1926, conseillés par plusieurs théologiens, les dirigeants catholiques de l’Action française publièrent une déclaration maladroite intitulée « Non possumus » qui fit d’eux des rebelles alors qu'ils s'y identifiaient aux premiers martyrs chrétiens361. La condamnation fut publiée par décret de la Congrégation du Saint-Office tombe le 29 décembre 1926 : elle touchait Le Chemin de Paradis, Anthinéa, Les Amants de Venise, Trois idées politiques, L'Avenir de l'Intelligence, ouvrages présentant un caractère naturaliste au sens métaphysique et dont certains aspects peuvent être qualifiés de philo-païens, ainsi que le quotidien.
Appliquée par les évêques et les prêtres, la condamnation fut ressentie comme une blessure, une injustice et un drame par de nombreux croyants, y compris au plus haut niveau de l'Église : pour le cardinal Billot, la condamnation fut « une heure de la puissance des ténèbres362 ». Le 19 décembre 1927, il remit au pape sa pourpre cardinalice et se retire dans un monastère363. Paradoxalement, elle ramena à l'Action française plusieurs catholiques comme Georges Bernanos qui, dans Comœdia et La Vie catholique, en prit la défense358. La condamnation papale ne portait ni sur le royalisme, ni sur le nationalisme364. Bien que de nombreux catholiques firent le choix de rester à l'Action française, la condamnation affaiblit le mouvement.
Charles Maurras contesta avoir fait de l'adhésion à tous ses écrits une condition d'adhésion à l’Action française : jamais son positivisme et son naturalisme, d'ailleurs partiels, n’ont constitué des articles de foi pour les militants. Il ne fondait pas sa doctrine politique sur des conceptions philosophiques morales ou religieuses. On pouvait critiquer tel ou tel point de sa pensée mais non la rejeter en bloc. En 1919, dans la nouvelle version d’Anthinéa, il n’avait pas hésité à supprimer un chapitre entier pour ne pas heurter les catholiques. Il rappela que l'Action française avait contribué à ramener à la foi de nombreux français : dès 1913, Bernard de Vesins avait établi une liste de militants et abonnés entrés dans les ordres365, tel André Sortais qui devint abbé général des cisterciens réformés366, afin d'illustrer le fait que le mouvement maurrassien fut une pépinière pour l’église.
Sous Pie XII, la condamnation sera levée ; il fut sans doute pris en compte que si Maurras avait été véritablement pleinement païen, sa rébellion eût été plus totale et sa vindicte antichrétienne eût trouvé de quoi se nourrir363. Les tractations avaient commencé sous Pie XI qui ne rejeta pas Maurras et qui lui écrira même lorsqu'il fut emprisonné.
Liens avec le carmel de Lisieux
La pensée de Maurras quant à la religion et sa philosophie ne fut jamais une chose figée et homogène ; ses doutes n'ont pas éteint en lui l'espérance de la foi ; dans une lettre non envoyée au père Doncœur, il expliquera avoir volontairement tu les doutes et tourments liés à la question de la foi et gardé dans « le tête-à-tête solitaire de sa conscience et de sa pensée » ses doutes, rechutes et angoisses philosophiques ou religieuses367. Maurras eût eu tout intérêt à se convertir et donc à feindre la conversion ; les gains pour lui ou son mouvement eussent été énormes mais il ne le fit pas et en cela il est l'homme intègre décrit par ses opposants catholiques comme Marc Sangnier368. Comme Maritain le lui prédit, la condamnation fit renaître en lui le désir de retrouver la foi.De fait, nombreux furent ceux qui prièrent pour sa conversion. En 1926, à l’heure de la condamnation, une jeune fille dont Maurras avait connu la mère entra au Carmel de Lisieux en offrant sa vie pour la conversion de Maurras. En 1936, lorsque cette carmélite mourut, mère Agnès, sœur aînée de sainte Thérèse de Lisieux et supérieure du Carmel, écrivit une lettre à Maurras pour lui révéler le sens de cette mort et pour lui promettre d’intervenir auprès de Pie XI au sujet de la condamnation ; il s'ensuivra une correspondance suivie112. De fait, Pie XI écrivit à Maurras pour lui apporter son soutien quand il fut emprisonné en 1937112. Et Maurras lui répondit qu'à sa libération il irait se recueillir à Lisieux sur le tombeau de « celle dont les Sœurs et les Filles m’ont entrouvert un monde de beauté et de charité toujours en fleur, comme le mystique rosier de la petite et grande sainte Thérèse de l’Enfant Jésus369 ». Après la seconde guerre mondiale, les liens avec le Carmel de Lisieux se poursuivirent : il correspondit avec sœur Marie-Madeleine de Saint-Joseph. En 1948, le carmel lui envoie une image de sainte Thérèse avec une prière de Mère Agnès : « Ô Thérèse, Illuminez votre pèlerin et sanctifiez le dans la vérité370. » Le carmel lui envoie également les dix volumes de L’Année liturgique de Dom Guéranger371.
Mort
Dans ses dernières années, Maurras confia à des prêtres comme l’abbé Van Den Hout, fondateur de La Revue catholique des idées et des faits en Belgique, la souffrance qu’il ressent dans la perte de la foi. Son agnosticisme est un agnosticisme insatisfait. Ceci transparaît dans ses dernières œuvres poétiques où il exprime l'idée que la miséricorde de Dieu dépasse sa justice, autrement dit le symbole de la justice divine n’est pas la balance mais le don infini372 : « Chère Âme, croyez-vous aux célestes balances ? Cet instrument d’airain n’est rêvé que d’en bas ; Du très Haut, du très Bon, du Très Beau ne s’élance Que l’or du bien parfait qu’il ne mesure pas373. »
Tous les témoignages attestent que les derniers mois de Maurras ont été marqués par le désir de croire et le 13 novembre 1952, il fait demander l’extrême onction237. La question du retour de Maurras à la foi a longtemps constitué le fil directeur de la critique maurrassienne. Ivan Barko, en 1961, trouva plus intéressant d’imaginer un Maurras agnostique jusqu’à la fin, ne conservant de l'extrême onction que la ritualité. Selon Stéphane Giocanti, une telle interprétation ne tient pas compte de l’extrême probité de l’homme à l’égard d’une foi qu’il mit toute sa vie à vouloir retrouver intacte, ayant la défiance de la moindre simulation237.
Certains démocrates-chrétiens ont cherché à accréditer la thèse de la conversion inventée rétrospectivement, mais le témoignage et les commentaires de Gustave Thibon attestent la réalité de l'expérience mystique finale de Maurras : « Je n'en finirais pas d'évoquer ce que fut pour moi le contact avec Maurras : je l'ai vu deux fois à Tours et je l'entends encore me parler de Dieu et de la vie éternelle avec cette plénitude irréfutable qui jaillit de l'expérience intérieure. J'ai rencontré beaucoup de théologiens dans ma vie : aucun d'eux ne m'a donné, en fait de nourriture spirituelle, le quart de ce que j'ai reçu de cet « athée » ! Toute la différence entre le géographe et l'explorateur, Lui qui préfère l’athée qui cherche Dieu au croyant installé dans les apparences de la foi236. »
Maurras parvint à suivre la cérémonie de l'extrême-onction avec attention et il récita le confiteor. Vers 23 h 30, le 15 novembre, il demanda son chapelet et selon ses proches, ses dernières paroles furent un alexandrin : « Pour la première fois, j’entends quelqu’un venir374. » Il meurt le matin du 16 novembre 1952.
L’abbé Giraud confiera au poète ardéchois Charles Forot sa réaction devant la mort de Maurras : « Je revois, très souvent, mon inoubliable entretien avec le grand protégé de la Petite Thérèse. Sa fin chrétienne si édifiante ne m’a point surpris… Je l’attendais avec la plus totale confiance. […] Lisieux ne l’oublie pas non plus, et son souvenir est souvent évoqué dans mon courrier par sœur Madeleine de Saint-Joseph, qui fut pour lui, l’ange gardien visible235. »
L’influence de Charles Maurras
En France
Influence sur les intellectuels français
En tant que penseur, Charles Maurras exerça une très grande influence sur la vie intellectuelle de la France : il fut à l'origine de nombreuses aventures intellectuelles et littéraires. De nombreux auteurs ou hommes politiques ont subi l'influence de Maurras sans nécessairement se réclamer de lui.En 1908, année de la fondation du quotidien L'Action française, les jeunes intellectuels maurrassiens se regroupaient autour de la Revue critique des idées et des livres, qui fut jusqu'en 1914 la grande rivale de la NRF d'André Gide. La revue défendait l'idée d'un « classicisme moderne », s'ouvrait aux théories nouvelles (Henri Bergson, Georges Sorel…) et formait une nouvelle génération de critiques et d'historiens. Pendant l'entre-deux-guerres, l'expérience de la Revue Critique se poursuivit dans un grand nombre de revues : Revue universelle, Latinité, Réaction pour l'ordre, La Revue du siècle…
Le démocrate-chrétien Jacques Maritain était aussi proche de Maurras avant la condamnation du pape, et critiqua la démocratie dans l'un de ses premiers écrits, Une opinion sur Charles Maurras ou Le Devoir des Catholiques.
Chez les psychanalystes, Élisabeth Roudinesco a montré que Maurras a constitué une étape dans la genèse de la pensée de Jacques Lacan : ce dernier rencontra personnellement Maurras et participa à des réunions d’Action française ; Lacan trouva chez son aîné un certain héritage positiviste, l’idée que la société se composait plus de familles que d’individus, l’insistance sur la longue durée au détriment de l’événementiel, l’inanité des convulsions révolutionnaires et l’importance primordiale du langage375 : « Partant de Maurras, il arrivait ainsi à Freud, pour rappeler […] combien la tradition, malgré les apparences, pouvait favoriser le progrès376. » Il faut également citer Édouard Pichon, le maître de Françoise Dolto, qui dans les années 1930 fera de la pensée maurrassienne l’axe de son combat pour la constitution d’un freudisme français377.
Chez les libéraux, Daniel Halévy ou Pierre Lasserre ont subi le pouvoir d'attraction politique et philosophique du Maurrassisme alors qu'a priori leur héritage politique ne les prédisposait pas à être séduit par un penseur contre-révolutionnaire378.
Dans les milieux littéraires, le climat patriotique de la première guerre mondiale, le prestige de Maurras et la qualité de son quotidien font que Henri Ghéon, Alfred Drouin, Marcel Proust, André Gide, Augustin Cochin, Auguste Rodin, Guillaume Apollinaire lisent tous L'Action française82. Anna de Noailles prie Maurras de croire à ses sentiments de profonde admiration379. Les années 1920 correspondent à l'apogée littéraire de Maurras avec une force d'attraction dont Jean Paulhan témoigne : « Maurras ne nous laisse pas le droit en politique d'être médiocres ou simplement moyens380. » L'apogée littéraire se traduit par le portrait que publie Albert Thibaudet dans la série « Trente ans de vie française » à la NRF, où Les Idées de Charles Maurras précèdent La Vie de Maurice Barrès et Le bergsonisme. Cette monographie est un livre important puisqu'en formulant objections et réserves, il éclaire la partie supérieure de la pensée et de l'œuvre de Maurras, celle qui sort du poids du quotidien et échappe au discours partisan et polémique.
Après la première guerre mondiale, il reçoit en abondance des lettres pleines de respect et d'admiration d'Arnold van Gennep, Gabriel Marcel, René Grousset, Colette, Marguerite Yourcenar, Henry de Montherlant, Charles Ferdinand Ramuz, Paul Valéry381 ; le jeune Malraux a écrit une notice pour la réédition de Mademoiselle Monck et exprime son envie de rencontrer Maurras382,n 24.
Charles Maurras eut une forte influence parmi les étudiants et la jeunesse intellectuelle de l'entre-deux-guerres : quand Jean-Baptiste Biaggi, futur compagnon de De Gaulle accueille Maurras au nom des étudiants en droit de Paris, il a autour de lui Pierre Messmer, Edgar Faure, Edmond Michelet et parmi les Camelots du Roi, on compte François Périer et Michel Déon ; Maurras reçoit Des témoignages d'admiration de Pierre Fresnay et Elvire Popesco et est entouré par les jeunes Raoul Girardet, François Léger, François Sentein, Roland Laudenbach, Philippe Ariès383 ; Maurras aime s'entourer de jeunes dont il pressent le talent et il prend pour secrétaires particuliers Pierre Gaxotte et Georges Dumézil, l'un le jour l’autre la nuit384.
Maurras et De Gaulle
Avant la Seconde Guerre mondiale, il semble que Charles de Gaulle, dont le père lisait L'Action française et se qualifiait de « monarchiste de regret » et qui discuta avec le comte de Paris de la possibilité d'une restauration de la royauté, ait été influencé par l'Action française et que cette dernière l'ait considéré avant la France libre avec sympathie385.En 1924, Charles de Gaulle dédicaça La Discorde chez l'ennemi à Maurras en lui témoignant ses « respectueux hommages »386.
Au printemps 1934, sous l'égide du Cercle Fustel de Coulanges, une vitrine de l’Action française, Charles de Gaulle prononça une série de conférences à la Sorbonne387. De Gaulle savait qu’il avait dans l’Action française un allié attentif ; le 1er juin 1934, l'Action française consacra un article élogieux à Vers l’armée de métier qui défendait le principe d’une armée professionnelle très compétente et mobile se superposant à l’armée conscrite ; Le Populaire et Léon Blum suspectèrent le danger d’un coup d’État et c’est dans L’Action française que l’ouvrage fit l’objet du seul encadré publicitaire auquel il eut droit388. De Gaulle écrira à Hubert de Lagarde, chroniqueur militaire de L'Action française : « Monsieur Charles Maurras apporte son puissant concours à l'Armée de métier. Au vrai, il y a longtemps qu'il le fait par le corps de ses doctrines. Voulez-vous me dire s'il a lu mon livre que j'ai eu l'honneur de lui adresser au mois de mai389 ? » Maurras avait découvert de Gaulle en lisant un article de La Revue hebdomadaire et s'était exclamé : « Quelle confirmation de nos idées les plus générales sur l'armée390 ! »
En 1940, la nomination au grade de général de Charles de Gaulle provoqua la jubilation de Charles Maurras dans L'Action française des 1er et 3 juin 1940 ; Maurras y qualifia de Gaulle de « pénétrant philosophe militaire » et affirmait avoir voulu rester discret à son endroit pour ne pas le gêner notamment : « Sa thèse nous paraissait suffisamment contraire à la bêtise démocratique pour ne pas ajouter à ces tares intrinsèques, la tare extrinsèque de notre appui. Mieux valait ne pas compromettre quelqu'un que, déjà, ses idées compromettaient toutes seules. »
Paul Reynaud, qui rencontra en captivité en Allemagne la sœur du général de Gaulle, Marie-Agnès Caillau, affirme que selon elle le chef de la France libre serait resté maurrassien jusqu'aux accords de Munich, soit seulement un an avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale391 : « Très franche, intelligente et bonne, [elle] nous raconte que Charles était monarchiste, qu'il défendait Maurras contre son frère Pierre jusqu'à en avoir les larmes aux yeux dans une discussion. Mais au moment de Munich, il a désapprouvé entièrement l'attitude de Maurras. »
Christian Pineau dira à André Gillois « que le général avait reconnu devant lui qu’il avait été inscrit à l’Action française et qu’il s’était rallié à la République pour ne pas aller contre le sentiment des Français »392.
De Gaulle dit à Claude Guy qu'il n'aimait pas la Révolution française393 : « À entendre les républicains, la France a commencé à retentir en 1789 ! Incroyable dérision : c'est au contraire depuis 1789 que nous n'avons cessé de décliner. » Il confia également à Alain Peyrefitte son peu d'enthousiasme pour la république : « Je n'aime pas la république pour la république. Mais comme les Français y sont attachés, j'ai toujours pensé qu'il n'y avait pas d'autre choix394. » Il lui confia également en 1962, alors qu'il annonçait une « initiative pour assurer la continuité de l'État », qu'un roi pourrait être utile à la France : « Ce qu'il faudrait à la France, c'est un roi395. »
Charles de Gaulle dira à plusieurs témoins à propos de Charles Maurras : « Maurras est un homme qui est devenu fou à force d'avoir raison396. » De fait, selon Claude Mauriac, chef du secrétariat particulier du général de Gaulle à la Libération, ce dernier porta une très grande attention au sort du théoricien du nationalisme intégral ; il interviendra ainsi pour que Maurras ne passe pas devant la cour de justice de Lyon en septembre 1944, mais devant la Haute Cour, réputée plus indulgente397. Le 13 mai 1958, Jean-Baptiste Biaggi fit remarquer à de Gaulle que d’autres et lui-même devaient leur nationalisme à Charles Maurras, ce dont le général convint, regrettant que Maurras l'ait critiqué : « Aussi bien, je n’ai jamais rien dit contre lui. Que ne m’a-t-il imité398 ! » Charles Maurras en voudra toujours à de Gaulle d'avoir rompu avec Pétain.
À l'étranger
Maurras et l'Action française ont exercé une influence sur différents penseurs se réclamant d'un nationalisme se voulant contre-révolutionnaire et chrétien dans le monde.En Grande-Bretagne, Charles Maurras fut suivi et admiré par des écrivains et philosophes et a plusieurs correspondants britanniques, universitaires ou directeurs de revue ; en 1917, il a été sollicité par Huntley Carter du New Age et de The Egoist148,399. Plusieurs de ses poèmes furent traduits et publiés en Grande-Bretagne où Maurras a de nombreux lecteurs parmi les High Church de l'anglicanisme et les milieux conservateurs400. On compte parmi ses lecteurs T. S. Eliot ou T. E. Hulme. Eliot trouva les raisons de son antifascisme chez Maurras : son antilibéralisme est traditionaliste, au bénéfice d’une certaine idée de la monarchie et de la hiérarchie. Music within me, qui reprend en traduction les pièces principales de La Musique intérieure paraîtra en 1946, sous la houlette du comte G.W.V. Potcoki de Montalk, directeur et fondateur de la The Right Review401,402. La condamnation de 1926 eut ainsi des effets jusqu'en Grande-Bretagne où elle détourna du catholicisme des partisans de la High Church, déçus par le juridisme romain : la conversion de T. S. Eliot à l’anglicanisme, l’éloignement du catholicisme de personnalité comme Ambrose Bebb sont liés à cet événement363. Eliot inséra une citation en français de L’Avenir de l’intelligence dans son poème « Coriolan » qu’il tenait pour un maître livre pour sa satyre des honneurs officiels403.
Au Mexique, Jesús Guiza y Acevedo, surnommé « le petit Maurras », et l'historien Carlos Pereyra (es).
En Espagne, il existe un mouvement proche de l'Action française Cultura Española et sa revue Acción Española. L’influence de la pensée maurrasienne a été montrée chez les auteurs et les intellectuels comme Azorín404, José María Salaverría (es)405, Eugenio d'Ors406, Víctor Pradera407, Antonio Goicoechea (es)407, ou Álvaro Alcalá-Galiano y Osma (es)408, et, de même, elle a également influencé des mouvements politiques tels que le maurisme407.
Au Pérou, le marquis de Montealegre de Aulestia a été influencé par Maurras. Ce grand penseur réactionnaire péruvien, admiratif de sa doctrine monarchique, le rencontre en 1913.
En Argentine, le militaire argentin Juan Carlos Onganía, tout comme Alejandro Agustín Lanusse, avaient participé aux Cursillos de la Cristiandad, ainsi que les dominicains Antonio Imbert Barrera (es) et Elias Wessin y Wessin (es), opposants militaires à la restauration de la Constitution de 1963.
Au Portugal, António de Oliveira Salazar qui gouverna le pays de 1932 à 1968 admirait Maurras même s'il n'était pas monarchiste et il adressa ses condoléances à sa mort en 1952409.
Postérité
À l'occasion du cent-cinquantième anniversaire de la naissance de Charles Maurras, l'historien Olivier Dard rédige une notice de trois pages pour le livre des commémorations nationales 2018. À la suite de protestations d'associations antiracistes, la ministre de la Culture, Françoise Nyssen, retire la référence à l'écrivain dans le livre ; les trois pages de Dard sont intégralement « supprimées » et les ouvrages déjà imprimés envoyés au pilon410,411.Membres du Haut Comité des Commémorations nationales dont la mission « est de contribuer, au hasard des anniversaires, à une meilleure prise de conscience des épisodes du passé », les historiens Jean-Noël Jeanneney et Pascal Ory soulignent à cette occasion que « commémorer, ce n'est pas célébrer. C'est se souvenir ensemble d'un moment ou d'un destin. » En outre, ils rappellent qu'en 2011, le terme « célébrations » a été remplacé par « commémorations » dans l'intitulé du Haut Comité à la suite de la polémique relative à Louis-Ferdinand Céline412.
Le journaliste et écrivain Gilles Heuré critique également la décision de la ministre, en arguant qu'« évacuer Maurras des commémorations nationales n’a aucun sens, sinon celui de se bercer dans l’illusion qu’il ne faudrait se souvenir que de ce dont la République, la « gueuse » comme disaient les antiparlementaires, peut se glorifier. On pourrait même aller jusqu’à rayer, dans les biographies autorisées, l’influence qu’exerça Maurras sur la jeunesse d’un certain Charles de Gaulle. Charles Maurras est une figure abjecte de notre histoire. Le passer sous silence ne résout rien du rayonnement qui fut le sien dans des décennies incandescentes, ni du système d’idées qui fomenta toute une idéologie. Une idéologie qui, elle, n’est pas morte en 1952413. »
Dans Libération, Daniel Schneidermann reproche à Olivier Dard de n'avoir pas évoqué plus clairement l'antisémitisme de Maurras autrement que par cette phrase qu'il juge « contournée » : « Antidreyfusard, [Maurras] dénonce « le syndicat de la trahison », que symbolise « l'Anti-France », celle des « quatre États confédérés » (juifs, francs-maçons, protestants, et métèques). » Toutefois, le journaliste souligne que les concepteurs de la notice officielle sont, à ses yeux, « insoupçonnables de toute complaisance à l'égard de l’antisémitisme (…) Olivier Dard compris, qui convint sur France Culture, que oui, Maurras était incontestablement antisémite, tellement antisémite qu'il ne valait pas la peine de le rappeler414. »
L'historien Pierre Nora note pour sa part que Charles Maurras « est un personnage qui, de toute évidence, fait partie de l'histoire de France » et qui « permet de comprendre son époque ». « Si on se met à émettre des jugements et peser dans la balance, qui va-t-on admettre et ne pas admettre ? Ou bien on veut que ce Livre des commémorations soit exclusivement une glorification des grands personnages et il faut en exclure Maurras et bien d'autres. Ou bien on veut que ce soit un outil pour se repérer dans le passé et alors il faut rassembler tous les grands témoins historiques de la nation »415.
Le 21 mars 2018, dix des douze membres du Haut Comité des commémorations nationales — Christian Amalvi, Marie-Laure Bernadac, Gilles Cantagrel, Nicole Garnier, Claude Gauvard, Robert Halleux, Jean-Noël Jeanneney, Évelyne Lever, Pascal Ory et Jacques Perot — donnent leur démission ne pouvant plus « siéger avec, en permanence, la menace soit de la censure soit de l’autocensure »416.
Vie personnelle
Caractère
Pour Stéphane Giocanti, l’image d’un Maurras froid et austère est un contre-sens ; il a au contraire un caractère sanguin et contrasté : à la fois tendre et violent, contemplatif et actif, patient et impatient, tantôt inflexible et obstiné, tantôt bon et généreux ; sachant à l'occasion reconnaître ses torts, pardonner et s’effacer devant les autres, il est tour à tour exaspérant et charmant : « Il peut s’entêter, se raidir, entrer dans des colères, devenir une teigne, quitte à le regretter ensuite comme Bossuet ». Il a la frénésie de la discussion et de la dialectique car il a la passion de la vérité, de l’ordre, de l’unité. Il a l’intransigeance et la fierté d’un homme de la fin du dix-neuvième siècle qui ne revient pas sur sa parole et réserve ses doutes pour lui-même. Il s’engage radicalement et est prêt à mourir pour la Cause d’autant qu’il engage les autres dans son périple. Généreux vis-à-vis de ses amis et fidéle en amitié, il peut être un amant passionné, un charmeur blaguant, diseur de vers et buveur de bon vin. Très sensible aux femmes, il s’affirme bon causeur caustique, pétillant et aimant la complicité des dames élégantes417. Il suscita des attachements très forts et reçut d’innombrables marques de fidélité et d’admiration : ainsi, avant de gagner l’horizon polaire avec l’explorateur Roald Amundsen, deux pilotes survolant la maison de leur maître lâchèrent sur le jardin une pluie de pétales de roses, message de fidélité placé sous le signe de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus418. Pierre Gaxotte écrivit à son propos : « Maurras était en pleine force, insensible à la fatigue, aux incommodités, aux menaces, aux dangers. On était pris d'abord par son regard, où rayonnaient l'intelligence, l'autorité, l'énergie le courage, la bienveillance, une attention extrême et parfois la gaieté. Mais on était conquis aussi par sa jeunesse, son ardeur, son alacrité419. »Charles Maurras qui aimait la simplicité et avait le « sens de la pauvreté », gagnait volontairement moins que le plus petit ouvrier qualifié de son journal ; après 1940, il versa ses droits d'auteur à une œuvre de prisonniers420.
Famille
Le 22 novembre 1925, lors d’une réunion organisée par l'Action française en réaction à la victoire du cartel des gauches à Luna Park où trente mille personnes se rendent, Charles Maurras a la prescience de la mort de son frère. Il apprend le lendemain la mort au Tonkin du médecin et chirurgien Joseph Maurras, qui donnait une chronique médicale à L'Action française très suivie par la profession. Il télégraphie à sa belle-sœur Henriette qu’il adopte son neveu Jacques et ses nièces Hélène et Jeanne ; il logera son neveu avec sa mère avenue Mozart et leur trouvera un précepteur, l’abbé Rupert ; Jacques sera bachelier au lycée Janson-de-Sailly421, diplômé de l’École libre des sciences politiques, licencié en droitn 25. Maurras était également le parrain de François Daudet, un des fils de Léon Daudet.Relations avec les femmes
Charles Maurras eut une vie sentimentale riche et intense. Il eut de nombreuses relations féminines qui se terminèrent par des ruptures en douceur : son air parfois triste conjugué à l’ardeur de son regard pouvait plaire422.Dans les années 1890, Maurras a dû affronter la séparation de la belle Valentine de Saint-Pons, puis il a été l'amant de la bouillonnante Mme Paul Souday qu'il continua de fréquenter amicalement après leur séparation.
Il tomba ensuite amoureux de la comtesse de la Salle-Beaufort, la nièce de Gustave Janicot, qui travaillait avec lui à La Gazette de France et qu'il connaissait depuis 1892 : la jeune femme, mariée et mère de plusieurs enfants, cultivée et touchée par cet amour ardent, ne voulut pas tout abandonner pour lui, ce qui lui donnera des envies de suicide423. Maurras ne rompait jamais avec les femmes : il correspondit avec la comtesse jusqu'en 1930359.
En 1910 et jusqu'à son mariage, Mme Jules Stefani, née Rachel Legras (alias Pierre Chardon), fut l'amante de Maurras qui lui confia la publication de son Dictionnaire politique et critique, encyclopédie touchant tous les domaines auxquels Maurras toucha : politique littérature, histoire, sociologie philosophie424.
En 1925, l’objet de ses sentiments amoureux fut Alice Gannat, intendant au collège des jeunes filles de la Légion d’honneur mais celle-ci ne consentit qu'à une relation amicale.
En 1928, il se lia avec la princesse Yvonne Rospigliosi, baronne de Villenfagne de Sorinnes (1887-1946) mariée au prince Ferdandino Carlo Rospiglios ; celle-ci habita chez Maurras rue de Verneuil et ils connurent des amours tempétueuses.
Sa dernière amie fut Mme de Dreux-Brézé, qui s'installa dans un logement tout près de sa prison et avec laquelle il eut une correspondance suivie après la Seconde Guerre mondiale371. Il eut également une liaison avec Mme Espinasse-Mongenet425.
De façon générale, Charles Maurras aimait les femmes et cela se traduisit par des prises de position politiques : en 1910, il salua l'entrée des femmes dans le cycle des études supérieures : « Représentez-vous ce que les 2 500 étudiantes de Paris nous annoncent d'artistes, de lettrées, d'avocats, de doctoresses et tout ce qu'elles vont faire d'imitatrices, étudiantes de demain, parmi les fillettes qui sautent à la corde ou préparent leur première communion426 ? » Favorable au droit de vote des femmes, il rappelait que les femmes avaient voté sous Louis XVI dans les paroisses427. Touchée par les pages que lui consacra Maurras, la poétesse saphique Renée Vivien compara Maurras à un « Archange »428,n 26.
Œuvres
Liste chronologique
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1887 : premiers articles publiés
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Le Nihilisme russe et la Philosophie allemande
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Les Nouveaux Théoriciens de l'éducation et l'École de la paix sociale
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Olivier de Serres et son Théâtre de l'agriculture
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Le Travail en France
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1889 : Théodore Aubanel. Description
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1890 : Lire, écouter l'Antigone... de Sophocle.
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1891 : Jean Moréas
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1895 : Le Chemin de Paradis. Mythes et fabliaux [lire en ligne sur archive.org le texte de l'édition remaniée (1922) [archive]]Recueil comprenant notamment Harmonies : La Bonne Mort qui fut supprimé des éditions ultérieures.
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1896 : Lettres des Jeux olympiquesLettres parues du 15 au 22 avril 1896 dans La Gazette de France et recueillies en 1901 dans Anthinéa.
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1898 : L'Idée de la décentralisation
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1898 : Trois idées politiques : Chateaubriand, Michelet, Sainte-Beuve [lire en ligne sur archive.org [archive]]
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1899 : Dictateur et RoiTexte rédigé en 1899, prévu pour être édité en 1903 et publié dans Enquête sur la monarchie, édition de 1924.
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1900-1903 : Enquête sur la monarchieRéédité et augmenté en 1909 et 1924.
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Premier livre. Chez nos exilés, 1900
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Deuxième livre. Lettres et opinions, 1900
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Troisième livre. Jules Lemaître et son ami, 1903
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Texte réédité en 1932 sous le titre Anthinéa. D'Athènes à Florence. La première partie (le livre I) intitulée Le Voyage d'Athènes comprend, entre autres, Lettres des Jeux olympiques et Athènes antique et a été rééditée séparément en 1927. Le livre IV a été réédité séparément en 1929 sous le titre Promenades italiennes.
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1901 : Ironie et PoésiePremière publication dans la Gazette de France en 1901. Parution en volume en 1923. Repris dans Barbarie et Poésie, 1925.
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1902 : Invocation à MinervePublié sans nom d'auteur dans la revue Minerva. Repris en 1905 comme appendice dans L'Avenir de l'intelligence.
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1902 : Les Amants de Venise. George Sand et Musset
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1905 : L'Avenir de l'intelligence, suivi de Auguste Comte, le Romantisme féminin et Mademoiselle Monk [lire en ligne sur archive.org [archive]]Textes parus en 1902 et 1903 dans la revue Minerva.
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1906 : Le Dilemme de Marc Sangnier. Essai sur la démocratie religieuse.
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1910 :
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Kiel et Tanger, 1895-1905. La République française devant l'Europe
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Idées royalistesRéédité en 1919 sous le titre Les Idées royalistes sur les partis, l"État, la Nation.
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Si le coup de force est possible, coécrit avec Henri Dutrait-CrozonRecueil de textes de 1905 et 1908 repris dans Enquête sur la monarchie, édition de 1924.
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1911 : Une campagne royaliste au "Figaro". Août 1901-janvier 1902Reprise intégrale dans Enquête sur la monarchie, 1924.
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1911 : Pour PsychéPoèmes publiés en 1892 et repris dans La Musique intérieure, 1925.
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1912 : La Politique religieuse
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1913 :
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Trois études : Verlaine - Brunetière - BarrèsReprend des textes parus dans La Revue encyclopédique en 1895 (Paul Verlaine), 1899 (La décadence de M. Ferdinand Brunetière) et en 1903 dans La Gazette de France (Maurice Barrès), avec une introduction de Henri Clouard : "Charles Maurras et la critique des lettres".
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L'Action française et la religion catholique
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Notes sur Dante
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1915 : L'Étang de Berre [lire en ligne sur archive.org [archive]]
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1916 : Quand les Français ne s'aimaient pas [lire en ligne sur archive.org [archive]]
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1916-1918 : Les Conditions de la victoire, 4 volumes [lire en ligne sur archive.org, vol. 1 [archive]], vol. 2 [archive], vol. 3 [archive]Recueils d'articles publiés dans L'Action française.
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1917 : Le Pape, la guerre et la paix [lire en ligne sur archive.org [archive]]
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1918 :
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Les Chefs socialistes pendant la guerre
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La Paix de sang, l'espérance est militaire
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Athènes antiqueReprise de passages de Anthinéa (1901), de L'Invocation à Minerve (1902) et de Quand les Français ne s'aimaient pas (1916).
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1919 : préface à Rome, Naples et Florence de StendhalPréface reprise dans Pages littéraires choisies (1922) et l'article Stenhal du tome V du Dictionnaire Politique et Critique, 1934.
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Édition remaniée du texte des Notes sur Dante de 1913.
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1920 : Les trois aspects du Président Wilson. La neutralité, l'intervention, l'armisticeRecueil d'articles de L'Action française.
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1921 : Tombeaux
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1921 : La Démocratie religieuse
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1922 :
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Pages littéraires choisies. Contes philosophiques, poémes, critique littéraire, voyages, philosophie générale
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Inscriptions (poèmes)Poèmes repris dans La Musique intérieure, 1925.
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Romantisme et RévolutionÉdition définitive de Trois idées politiques (1898) et de L'Avenir de l'Intelligence (1905), y compris Auguste Comte, Le Romantisme Féminin, Mademoiselle Monk et Invocation à Minerve.
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1923 :
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Les Nuits d'épreuves et la mémoire de l'État. Chronique du bombardement de ParisRecueil d'articles publiés en 1918, repris dans Heures immortelles (1932).
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PoètesReprend les Trois études sur Verlaine - Brunetière - Barrès avec des textes sur Mallarmé, Valéry, Du Plessis et Bernard,
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L'Allée des philosophes
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1924 : Enquête sur la Monarchie, suivie de Une campagne royaliste au "Figaro", et Si le coup de force est possibleÉdition définitive (première édition en 1909), avec Dictateur et Roi (1899) et une préface nouvelle [lire en ligne sur archive.org [archive]]
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1924 : Premiers pas sur l'AcropoleReprise du texte L'Acropole, extrait de Anthinéa (1901).
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1925 : La Musique intérieure
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1925 : Barbarie et poésie. Vers un art intellectuel
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1926 :
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La Bonne Mort, conte, ill. par Paul DevauxTiré à 715 exemplaires, reprend un conte paru en 1894.
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La Sagesse de Mistral (tiré à 530 exemplaires)
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Lorsque Hugo eut les cent ans. IndicationsReprise de trois textes de 1901-1902.
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1927 : Les Pièces d'un procés. L'Action française et le Vatican
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1927 : Le Voyage d'Athènes
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1928 :
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La Politique du Vatican. Sous la terreur
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Le Prince des nuées
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Un débat sur le romantisme
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L'Anglais qui a connu la FranceTexte de 1902 sur John Bodley (en) (1853-1925) qui fut repris en 1937 dans Devant l'Allemagne éternelle.
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Corps glorieux ou Vertu de la perfection
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1929 :
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1930 :
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De Démos à César
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L'Anthropophage, conte moral
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Corse et ProvenceReprise de plusieurs parties d'Anthinéa.
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1931 :
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Triptyque de Paul BourgetRecueil de trois textes parus en 1895, 1900 et 1923.
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Le Quadrilatère. Galliéni 1916, Mangin 1925, Foch 1930, Joffre 1931
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Au signe de Flore. Souvenirs de vie politique, l'affaire Dreyfus, la fondation de L'Action française (1898-1900).
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Pour la Défense nationale, 3 volumesLe volume 2, recueil d'articles, est intitulé Décernez-moi le prix nobel de la paix.
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Principes
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1932 : Heures immortelles, 1914-1919
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1932 : Prologue d'un essai sur la critiquePublié dans la Revue Encyclopédique Larousse en 1896, puis dans La Revue Universelle en 1927.
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1933 : Paysages et cités de ProvenceTexte repris en 1934 dans l'article Provence du Dictionnaire politique et critique et réédité en 1938 sous le titre La Montagne provencale.
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1933 : L'Amitié de PlatonPréface du Banquet – Phédon. Traduction nouvelle de Léon Robin.
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1932-1934 : Dictionnaire politique et critique, 5 volumes.
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1934 : Le long du Rhône et de la Mer
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1935 : Louis XIV et la France. Essai sur la grandeur qui dure
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1937 :
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Quatre poèmes d'Eurydice
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Les Vergers sur la mer. Attique, Italie et Provence, recueil« Les vergers sur la mer font suite à la jeune Anthinéa, la complétent et la corrigent. » (Charles Maurras).
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Jeanne d'Arc, Louis XIV, Napoléon
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Devant l'Allemagne éternelle
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La Dentelle du Rempart. Choix de pages civiques en prose et en vers, 1886-1936
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1938 : Jacques Bainville et Paul Bourget
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1939 : Le Fauteuil de Henry Robert. Discours de réception de Charles Maurras à l'Académie française et réponse de Henry Bordeaux
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1939 : Louis XIV ou l'Homme roi
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1940 : Pages africaines
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1941 :
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Aux mânes d'un maître
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Sans la muraille des cyprès
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Mistral
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Dante et Mistral
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La Seule France. Chronique des jours d'épreuve
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1942 : De la colère à la justice. Réflexions sur un désastre.
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1943 : Vers l'Espagne de Franco
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1944 :
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Poésie et véritérecueil de critiques littéraires.
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Paysages mistraliens
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Le Pain et le Vin
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1945 : L'Allemagne et nous. Déclaration de Charles Maurras à la Cour de Justice du Rhône les 24 et 25 janvier 1945
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1945 : Où suis-je ?, poème.
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1946 : Au-devant de la nuit (sous le pseudonyme de Léon Rameau).
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1948 :
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Pour un réveil françaisTexte rédigé d'après une conférence faite en 1943.
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Les Deux Justices ou Notre J'accusePublié sous le nom « Les Amis de Charles Maurras ».
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Antigone, Vierge-Mère de l'OrdreTexte en prose précédé d'un poème écrit à Riom en 1946.
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L'Ordre et le désordre. Les idées positives et la révolution
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Réflexions sur la Révolution de 1789
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Le Parapluie de Marianne (sous le pseudonyme d'Octave Martin).
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Une promotion de Judas (sous le pseudonyme de Pierre Garnier).
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Réponse à André Gide
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1949 :
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Inscriptions sur nos ruines, recueil d'articles de 1941 à 1943.
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Le Cintre de Riom, poèmes.
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Mon jardin qui s'est souvenu
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Pour un jeune Français. Mémorial en réponse à un questionnaireLe chapitre dix (sur douze), intitulé L'Avenir du nationalisme français, a été repris dans les Œuvres Capitales de 1954.
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Au Grand Juge de France. Requête en révision d'un arrêt de Cour de Justice (en collaboration avec Maurice Pujo).
-
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1950 : La Prière de la fin
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1950 : Le Mont de Saturne. Conte moral, magique et policier
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1951 :
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Pour réveiller le Grand Juge (en collaboration avec Maurice Pujo).
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Tragi-comédie de ma surditéTexte écrit fin 1944-janvier 1945, à la prison St-Paul, à Lyon.
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Jarres de Biot. Lettre à mon ancien confrère Georges Duhamel
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À mes vieux oliviers
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1952 :
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La Balance intérieure, poèmes.
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Le Beau Jeu des reviviscences. Un après-midi d'hiver à Clairvaux
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Le Bienheureux Pie X, sauveur de la France
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Le guignon français ou le rouge et le blanc
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Le Procureur et l'habitant. Deuxième lettre à M. le Procureur général près la Cour d'appel de Lyon par Charles Maurras
-
Lettre à Mr Vincent Auriol, Président de la République suivi de Touchés
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Originaux de ma Provence. Types et paysages
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Œuvres posthumes
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1953 : Pascal puni (conte infernal), Flammarion (posthume)
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1953 : Votre Bel aujourd'hui. Dernière lettre à Mr Vincent Auriol, Président de la IV° République, Fayard (posthume).
-
1954 : Maîtres et Témoins de ma Vie d'Esprit. Barrès - Mistral - France - Verlaine - Moréas, Flammarion (posthume)Recueil de textes publiés en 1913 (Les époques de la poésie de Verlaine et Barrès poète), 1924 (Anatole France, politique et poète), 1939-1941 (textes de conférences données en 1932) et 1950 (Moréas).
-
1954 : Œuvres capitales (posthume). 4 volumes 16×23 - chez FlammarionÉtablie par l'auteur dans la dernière année de sa vie, l'édition des Œuvres capitales est constituée de :
-
I. Sous le signe de Minerve (Invocation ; Le Chemin de Paradis ; Anthinéa : d'Athènes à Florence ; Les Vergers sur la mer ; Quatre Nuits de Provence) ;
-
II. Essais politiques (Confession ; Romantisme et révolution ; Trois idées politiques ; L'Avenir de l'intelligence ; Principes ; Réalités ; Jeanne d'Arc, Louis XIV, Napoléon ; Dictateur et roi ; Vingt-cinq ans de monarchisme ; L'Avenir du nationalisme français) ;
-
III. Essais littéraires (Prologue d'un essai sur la critique ; Ironie et poésie ; Les Amants de Venise ; Bons et mauvais maîtres) ;
-
IV. Le Berceau et les muses (Enfances ; L'Étang de Berre ; Suite provençale ; La Musique intérieure ; La Balance intérieure).
-
-
1963 : Soliloque du prisonnier (posthume).
-
1996 : Journal de Charles Maurras. Jeux Olympiques d'Athènes, Amis de la Maison du Chemin de Paradis, 1996, journal tenu par Charles Maurras pendant les J. O. de 1896
-
2003 : La Merveille du Monde, Bulletin Charles
Maurras no 18, Anthinéa, 2003, texte de 1891
Correspondance
-
1958 : Lettres de prison (8 septembre 1944 - 16 novembre 1952) (posthume).
-
1960 : Lettres à H. Mazel (1895-1896, posthume).
-
1966 : Lettres passe-murailles, correspondance échangée avec Xavier Vallat (1950-1952) (posthume).
-
1970 : La République ou le Roi ? Correspondance inédite de Maurice Barrès et de Charles Maurras, 1888-1923, Plon, 1970.
-
2007 : Dieu et le Roi – Correspondance entre
Charles Maurras et l'abbé Penon (1883-1928), présentée par Axel
Tisserand, Privat, coll. « Histoire », Paris,
novembre 2007, 750 p. (ISBN 978-2-7089-6881-3).
Éditions récentes
-
2004 : Lettres des Jeux olympiques, anthologie, GF-Flammarion, prés. Axel Tisserand, 2004 (ISBN 978-2-08-071208-0).
-
2007 : L’Ordre et le désordre, précédé de L'Avenir du nationalisme français, préface de François L'Yvonnet, coll. Carnets, L’Herne, Paris (ISBN 978-2-85197-665-9).
-
2008 : La Démocratie religieuse, Nouvelles Éditions Latines, prés. Jean Madiran, 2008 (ISBN 978-2-7233-0031-5)contient aussi La Politique religieuse, Le Dilemme de Marc Sangnier et L'Action française et la religion catholique.
-
2010 : Soliloque du prisonnier, préface de François L'Yvonnet, coll. Carnets, L’Herne, Paris.
-
2011 : La Bonne Mort, préface de Boris Cyrulnik et présentation de Nicole Maurras, coll. Carnets, L’Herne, Paris.Texte publié en 1895 dans Le Chemin de Paradis. Mythes et fabliaux.
-
2018 : L'Avenir de l'intelligence et autres textes,
préface de Jean-Christophe
Buisson, édition établie et présentée par Martin Motte,
Robert Laffont, Bouquins, 1280 p.
Maurras et le Félibrige
Charles Maurras fut un écrivain provençal : élu majoral du Félibrige en 1941, il en fut exclu en 1945, tout en usant d'un droit réglementaire à présenter une réponse, qu'il composa en provençal et qui fut lue429 ; dans ce texte il met en avant son constant anti-germanisme, il dit avoir dénoncé Daladier dès le début et souligne les représailles qu'il dit avoir subies (attaques des forces d'occupation allemandes, appartements pillés et scellés, collaborateurs personnels emprisonnés par la Gestapo). En tant que Félibre, il a publié son œuvre en provençal en graphie mistralienne. Il avait à ce titre, et avant les faits qui lui furent reprochés après la guerre, rédigé la préface du grand roman de provençal La Bête du Vaccarès ; après la guerre cette introduction fut conservée dans les éditions suivantes, mais une autre fut ajoutée et vint prendre sa place.Voir aussi
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Maurras, sur Wikiquote
Bibliographie
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Franck Bouscau, Maurras et la pensée contre-révolutionnaire, AFS, 2009.
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Pierre Boutang, Maurras, la destinée, l'œuvre, éd. La Différence, 1994, 693 p.
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Stéphane Giocanti et Axel Tisserand (dir.), Charles Maurras, coll. Cahiers, L’Herne, 2011, Paris.
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François Huguenin, À l'école de l'Action française – Un siècle de vie intellectuelle, éd. J.-C. Lattès, 1998, 637 p.
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Laurent Joly, « Gabriel Monod et « l’État Monod ». Une campagne nationaliste de Charles Maurras (1897-1931) », Revue historique, Paris, Presses universitaires de France, no 664, octobre 2012, p. 837-862 (ISBN 978-2-13059-400-0, DOI 10.3917/rhis.124.0837, lire en ligne [archive]).
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Laurent Joly, Naissance de l'Action française : Maurice Barrès, Charles Maurras et l'extrême droite nationaliste au tournant du XXe siècle, Paris, Grasset, 2015, 371 p. (ISBN 978-2-246-81160-2, présentation en ligne [archive]), [présentation en ligne [archive]].
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Roger Joseph et Jean Forges, Nouvelle Bibliographie de Charles Maurras, éd. L'Art de voir, Aix-en-Provence, 1980, 2 vol. , XXXVI-275 p. ; 303 p. (édition corrigée et complétée du précédent ouvrage des mêmes auteurs : Biblio-iconographie générale de Charles Maurras, Roanne, les Amis du Chemin de Paradis, 1953, 2 vol. ).
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Roger Joseph, Les Faux Maurras, éditions de la Seule France, Paris, 1958, 64 p. [réfutations, par un proche, des principales accusations dont Charles Maurras fit l'objet].
-
Grégoire Kauffmann, « De Drumont à Maurras, une veine pamphlétaire », dans Michel Leymarie, Olivier Dard, Jacques Prévotat et Neil McWilliam (dir.), Le maurrassisme et la culture : L'Action française, culture, société, politique (III), Villeneuve-d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, coll. « Histoire et civilisations », 2010, 370 p. (ISBN 978-2-7574-0147-7), p. 17-23.
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Tony Kunter, Charles Maurras, la Contre-Révolution pour héritage, Nouvelles éditions latines, Paris, 2009, 208 p. (ISBN 978-2-7233-9818-3).
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Tony Kunter, Charles Maurras, collection « Qui suis-je? », Pardès, Grez-sur-Loing, 2011, 128 p. (ISBN 978-2-86714-454-7).
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Jean Madiran, Maurras, Nouvelles éditions latines, Paris, 1992 (ISBN 978-2-7233-0452-8).
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Carole Reynaud-Paligot, « Maurras et la notion de race », dans Michel Leymarie, Olivier Dard, Jacques Prévotat et Neil McWilliam (dir.), Le maurrassisme et la culture : L'Action française, culture, société, politique (III), Villeneuve-d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, coll. « Histoire et civilisations », 2010, 370 p. (ISBN 978-2-7574-0147-7), p. 111-119.
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Albert Thibaudet, Les Idées de Charles Maurras, Paris, NRF, 1920
-
Charles Trochu (dir.), Hommage national à Charles Maurras, le 8 juillet 1937 à Paris, Paris, chez l'auteur, au Front national, 1937texte des discours entre autres de Léon Daudet, Pierre Taittinger, Abel Bonnard, André Bellessort, Paul Chack, Xavier Vallat, André Chaumeix, Henri Massis, à l'occasion de la grande réunion privée au Vélodrome d'Hiver en hommage à Charles Maurras emprisonné.
-
Pol Vandromme, Maurras – Entre le légiste et le contestataire, Tequi, 1991.
-
Georges-Paul Wagner, Maurras et la justice, Clovis, 2002.
-
Eugen Weber (trad. Michel Chrestien), L'Action française [« Action française, Royalism and Reaction in Twentieth-Century France »], Paris, Fayard, coll. « Nouvelles études historiques », 1985 (1re éd. 1965, Éditions Stock), 665 p. (ISBN 2-213-01678-X, présentation en ligne [archive]).
-
« Charles Maurras », Nouvelle
École no 66 [archive],
janvier 2017 ( (ISSN 0048-0967)).
Sources
Les papiers personnels de Charles Maurras sont conservés aux Archives nationales sous la cote 576 AP432.Articles connexes
-
Mythes
de Jeanne d'Arc (concernant l'hommage à Jeanne
d'Arc par l'Action
française chaque deuxième dimanche du mois de mai)
Liens externes
-
:
-
Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes
-
: Dizionario di Storia [archive] • Enciclopedia italiana [archive] • Encyclopædia Britannica [archive] • Encyclopædia Universalis [archive] • Encyclopédie Treccani [archive] • Gran Enciclopèdia Catalana [archive] • Swedish Nationalencyklopedin [archive] • Munzinger Archiv [archive] • Store norske leksikon [archive]
-
Ressources relatives à la littérature
-
:
-
Ressource relative à la recherche
-
Textes et œuvres de Charles Maurras [archive] – maurras.net.
-
Bibliographies actualisées de & sur Charles Maurras [archive] (livres, reprints, éditions numériques) – maurras-actuel.com.
-
20 textes de Charles Maurras [archive] (à consulter ou à télécharger). Les-vergers-sur-la-mer.net.
-
(es) socialismo
y participación [archive]
- Centro de Estudios para el Desarrollo y la Participación, Lima,
octobre 2008 (Charles Maurras et le Marquis de Montealegre de
Aulestia (1913-1914), par Víctor Samuel Rivera, p. 163). [PDF]
Notes et références
Notes
-
Doctrine attribuant à la douleur une valeur morale, esthétique et intellectuelle, le dolorisme réclame d'accepter ses souffrances. Le dolorisme est une doctrine étrangère au christianisme provençal[réf. nécessaire].
-
En ne donnant à la vie de Verlaine que la place nécessaire pour comprendre l’œuvre, mais pas plus[réf. nécessaire].
-
Une majorité de royalistes de l'époque reconnaît dans le comte de Paris le « roi de France Philippe VII ».[réf. nécessaire]
-
Maurras est alors pris en considération comme un acteur du débat politique et intellectuel : en 1900, le duc d'Orléans donne son approbation publique à Maurras ; les échanges de ce dernier avec Le Temps et L'Éclair montrent que ses adversaires prennent ses arguments au sérieux : même si la restauration paraît lointaine et indésirable, on estime indispensable de la combattre ; le rayonnement de Maurras joue sans doute un rôle dans le découragement politique qui saisit en 1901 Maurice Barrès qui ne parvient pas à susciter une école intellectuelle ou une force politique définie capable d'unifier les nationalistes.[réf. nécessaire]
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Le 1er novembre 1935, « Jarjaille » (Anatole Sixte-Quenin) écrit dans Le Populaire que si la guerre était déclarée, « les mobilisés abattront MM. Béraud et Maurras comme des chiens106. » Le député SFIO revendique ultérieurement sa tirade107 en rappelant qu'il reprenait les termes utilisés par Maurras lui-même dans sa menace de mort contre Abraham Schrameck en juin 1925108.
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Ce dernier ouvrage doctrinal compose la synthèse politique, économique et sociale de sa pensée. La préface, intitulée « La politique naturelle », est un manifeste anthropologique qui envisage l’homme comme un être naissant et grandissant au sein de structures d’appartenance qui le relient à la société (famille, métier, commune, paroisse, région, nation) et lui permettent d’accéder à des libertés réelles. La politique considérée comme « naturelle » est celle qui met en œuvre « l’empirisme organisateur », lequel déduit des lois du passé les enseignements de l’avenir.[réf. nécessaire]
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Maurras écrit le 13 janvier 1937 dans L'Action française que la politique réclamée par Blum, Delbos et Viénot a rendu la France faible et maintenant, « voilà les mêmes gens qui ne rêvent que plaies et bosses. […] D’où il suit que ces beaux messieurs n’ont cessé de vouloir la paix quand nous pouvions soutenir victorieusement une guerre juste et sensée ; mais aussitôt que nous avons été affaiblis topographiquement, privés de positions fortes qui faisaient notre supériorité, ils se sont mis à hurler à la guerre, à cette guerre que nous ne pouvions plus faire que dans des positions extrêmement difficiles et périlleuses ! Est-ce de la bêtise ? Est-ce de la trahison ? Est-ce de l’une et de l’autre ? »
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Le 13 septembre 1939, son « confrère et ami » Morton Fullerton correspondant du Times, lui écrit une lettre chaleureuse et s’en prend au Deutschzender qui a inventé un texte anglophobe à Maurras lui en attribuant la paternité. Maurras écrit dans L’Action française le 6 novembre 1939 : : « Les dix dernières années ont marqué plus d’une liaison utile entre les Britanniques et nous. On connaît d’habiles traductions de nos œuvres parues à la revue The Criterion. Un professeur de Melbourne a une traduction de L’Avenir de l’Intelligence que l’on dit très exacte. […] Un très grand nombre de mes vers ont été publiés dans The Right Review. […] En 1937, des Anglais de haute distinction ont bien voulu signer la pétition qui me proposait au prix Nobel de la Paix. Il serait absolument incompréhensible que, dans l'état de tels rapports intellectuels, j'aie énoncé les absurdités que me prête le Deutschzender allemand - et en des termes d'une telle grossièreté. » En 1939, le professeur Eccles célèbre Maurras dans la Weekly Review.
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Le projet de constitution du 30 janvier 1944 que prépara le Maréchal Pétain se voulait d'ailleurs explicitement républicain même s'il renforçait le rôle du chef de l'État, président de la République. Charles Maurras considérait cette orientations préférable à celle du régime précédent et il avait confiance en Philippe Pétain pour ne pas engager militairement la France aux côtés de l'Allemagne, ce que souhaitait les collaborationnistes, mais selon Simon Epstein cela ne suffit pas à faire du régime de Vichy une émanation idéologique de l'Action française.[réf. nécessaire]
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Dans une conférence au café Neuf de Lyon, le 3 février 1943, Maurras proclama publiquement que l’Allemagne restait pour la France l’ennemi no 1, la censure empêchant que ses prises de position soient publiées210 ; s’il a approuvé dans un premier temps la création de la Milice comme une police qui protégerait les gens contre les attentats communistes qui visaient indifféremment de vrais collaborationnistes et des pétainistes antiallemands, il la désapprouva énergiquement dès qu’il apprit que son commandement était soumis à l’autorité allemande et interdit à ses partisans de s’y engager,211 ; de fait, les miliciens réquisitionnèrent ses bureaux et lui firent une « figure féroce212 » ; à un correspondant qui lui proposait d'annoncer une exposition antisoviétique dans L'Action française, il répondit que ce n'étaient pas les Russes qui occupaient la France et que si on organisait une exposition antiallemande, il en rendrait compte dans ses articles213 ; il met en avant que ses articles visaient à tromper la censure pour mieux faire passer un message antiallemand ; ainsi, le 12 février 1943, il montre l’impossibilité d’intégrer la France dans un ensemble européen et pour son partisan Pierre Boutang, il ne pouvait y avoir alors de tract clandestin plus utile contre l’occupant214.
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Il écrit en septembre 1941 : « l'humanité veut que nous assurions aux Juifs qui résident chez nous la sécurité, le respect, la bienveillance, la justice, avec toute l'amitié possible215. »
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François Huguenin soutient que cette affirmation peut paraître intolérable mais demeure « plausible » compte tenu du milieu confiné dans lequel vivait Maurras à Lyon et de la vieille habitude pratiquée par Maurras de l'invective violente jamais suivie d'effet216 (sauf dans l'exemple de l'agression de Blum). C’est en 1945 que Maurras apprendra l’horreur des camps d'extermination et qu’il prononcera des paroles de compassion218. Il a été cependant ému par la mort de Georges Mandel assassiné par des miliciens : il lui consacre dans L'Action française du 21 juillet 1944 un article fleuve à la fois critique et élogieux, rappelant ses divergences tout en déplorant la mort d’un homme qu’il a rencontré plusieurs fois depuis 1918, qui a rendu par son entremise un service aux Orléans.
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Le Larousse 2008, (ISBN 978-2-03-582503-2), MAURRAS (Charles), p. 1510, emploie le mot « radié » : [Acad. fr., radié en 1945] ; ce terme est employé par ce dictionnaire de manière constante, il figure par exemple sur l'édition de 1952, p. 1534.
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Ce remplacement eut lieu le 29 janvier 1953, avec l'élection d'Antoine de Lévis-Mirepoix au fauteuil 16.[réf. nécessaire]
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« Cité » doit être compris dans le sens donné par Aristote dans Les Politiques : « Un citoyen au sens plein ne peut pas être mieux défini que par la participation à une fonction judiciaire et […] à « une magistrature sans limite » […], le citoyen comme nous l'avons défini existe surtout en démocratie ; […] et nous appelons, en bref, cité l'ensemble de gens de cette sorte. Note interne concernant la magistrature - Livre 1, Note 1 : « Magistrat » sera désormais, dans la traduction comme dans les notes, pris en son sens général de celui qui exerce une fonction (une charge) politique, et non au sens juridique qui tend, de nos jours, à s'imposer. »269.
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Pour nommer sa théorie des « quatre États confédérés », Charles Maurras s'est inspiré d'une expression utilisée par Henri Vaugeois en juin 1899265.
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Maurras affirme en 1937 : « L'antisémitisme est un mal, si l'on entend par là cet antisémitisme de peau qui aboutit au pogrom et qui refuse de considérer dans le Juif une créature humaine pétrie de bien et de mal, dans laquelle le bien peut dominer. On ne me fera pas démordre d'une amitié naturelle pour les Juifs bien nés292. » Lors de la promulgation du statut des Juifs, Charles Maurras insiste de nouveau sur cette « distinction »216, affirmant que l'État ne doit en vouloir « ni à la foi religieuse des Israélites, ni à leur sang, ni à leur bien »293. En 1941, il réaffirme la « spécificité » de son antisémitisme d'État : « On pose bien mal la question. Il ne s'agit pas de flétrir une race. Il s'agit de garder un peuple, le peuple français, du voisinage d'un peuple, qui, d'ensemble, vit en lui comme un corps distinct de lui […]. Le sang juif alors ? Non. Ce n'est pas quelque chose d'essentiellement physique. C'est l'état historique d'un membre du peuple juif, le fait d'avoir vécu et de vivre lié à cette communauté, tantôt grandie, tantôt abaissée, toujours vivace294. » Dans sa Philosophie de l'antisémitisme, Michel Herszlikowicz affirme que Maurras avait compris les dangers du racisme et des mouvements de masse mais que « son erreur consiste dans l'idée que l'antisémitisme peut devenir une conception dépouillée de toute sentimentalité et de toute brutalité284,295. »
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Par exemple, L'Action française publie l'éloge funèbre d'Abraham Bloch, grand-rabbin de Lyon, mort au combat au cours de la bataille de la Marne301.
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« Ceux qui poussent à la guerre doivent avoir le cou coupé. Comme la guillotine n’est pas à la disposition des bons citoyens, ni des citoyens logiques, il reste à dire à ces derniers : ― Vous avez quelque part un pistolet automatique, un revolver, ou même un couteau de cuisine ? Cette arme, quelle qu’elle soit, devra servir contre les assassins de la paix dont vous avez la liste.Charles Maurras, L’Action française, 13 octobre 1935. »
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On cite parfois Jacques Bainville, pourtant selon les historiens William Blanc, Aurore Chéry et Christophe Naudin, « l'antisémitisme a été une constante chez Bainville »316.
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Maurras écrit : « Fort de sa mission de Messie humain, ce peuple de Seigneurs, cette race de maîtres, s’entraîne déjà à compter quelles légitimes violences devront être imposées aux mâles des peuples vaincus et quelle hontes pèseront sur leurs femmes et leurs enfants […] Un statut nouveau de l’humanité se prépare, un droit particulier est élaboré : un code de nouveaux devoirs, auprès desquels les pauvres petites corvées et translations pangermanistes de 1918 feront l’effet de jeux d’enfants. Le racisme hitlérien fera assister au règne tout-puissant de sa Horde et dernier gémissement de nos paisibles populations ahuries, il sera contesté que d’aussi révoltantes iniquités puissent être éclairées par notre soleil : - Le soleil du XXe siècle ! Prestige évanoui ! Le soleil est vieux ; ayant tout vu, il est bien pour tout revoir. »[réf. nécessaire]
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Né le 10 mai 1917 à Dijon et décédé le 7 avril 2003, Jacques Maurras sera Directeur de la Société Paris-Outre-mer (1946-1958), Directeur de la Société Pierre Rivière et Cie (1958-1964), Directeur général adjoint (1965), puis Président-directeur général (1969-1980) de la société Les Grandes Marques continentales, Président-délégué de la Confédération nationale des vins et spiritueux (commerce extérieur) (1970-1984), Président (1967), Président d'honneur (depuis 1996) de la Fédération des importateurs de vins et spiritueux, Administrateur du Salon international de l’alimentation (1969-1994), Conseiller du Commerce extérieur de la France (depuis 1973), Membre d'honneur du comité directeur de la Fédération internationale des vins et spiritueux (depuis 1991). Il fut par ailleurs Chevalier de la Légion d’honneur et de l’ordre national du Mérite, Croix de guerre 39-45, Chevalier du Mérite agricole, Commandeur de l’ordre de l’Infant Henrique (Portugal) et du Mérite civil (Espagne), Officier de l’ordre de l’Empire britannique.[réf. nécessaire]
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L'homosexualité
masculine lui est incompréhensible même s'il la tolère autour de
lui.[réf. nécessaire]
Références
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Laurent Joly, « Compte rendu : Charles Maurras, L'Avenir de l'intelligence et autres textes, édition établie et présenté par Martin Motte, préface de Jean-Christophe Buisson, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2018, XXXVIII-1225 p. », Revue historique, Paris, Presses universitaires de France, no 688, octobre 2018.
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Collectif - Fondation Charles de Gaulle, De Gaulle et la Libération, Éditions Complexes, Paris, 2004, 221 p. (ISBN 978-2-8048-0016-1) [présentation en ligne [archive]], chapitre : « De Gaulle et la République des lettres », par Nicole Racine : p. 184-186 : « […] L'ordonnance du 26 décembre 1944 entraînait automatiquement la destitution et l'exclusion de toutes fonctions, offices publics et corps constitués de quiconque était déclaré coupable d'indignité nationale. Comme la loi l'y obligeait, l'Académie déclara le 1er février, la vacance du fauteuil de Charles Maurras […], mais à l'initiative de Georges Duhamel ne vota pas sur la radiation. […] »
Ont participé à
cet ouvrage : Claire
Andrieu, Serge
Berstein, Michèle
et Jean-Paul
Cointet, Laurent
Douzou, René Hostache, Chantal Morelle, Nicole Racine, Odile
Rudelle, Maurice
Vaïsse, Dominique Veillon, Olivier
Wieviorka. Textes tirés des actes du colloque des 6, 7 et 8
octobre 1994 organisé par la Fondation
Charles-de-Gaulle, la Fondation
nationale des sciences politiques, l'Association
française de droit constitutionnel et la participation de
l'université de Caen ; publié en version intégrale : Le
rétablissement de la légalité républicaine, 1944, Éditions
Complexes, 1996.
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Giocanti 2006, p. 466.
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On a conservé pour les procès les articles qui appelaient à la répression légale mais pas les parties censurées par les autorités allemandes et qui étaient conservées, notamment les pages qui mettaient en cause l’existence de la LVF, le tour pris par la Milice et appelaient à la loyauté envers la France. Son rôle dans l’éviction de Laval et ses campagnes anticollaborationnistes, sont considérés comme nuls et non avenus ; plusieurs pièces remises au substitut Thomas le 24 janvier 1945 furent délibérément écartées du dossier.
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Site de l'Académie française, Charles Maurras (1868-1952) [archive] : « […] Sa condamnation entraînait automatiquement sa radiation de l'Académie (article 21 de l'ordonnance du 26 décembre 1944) ; il fut en fait décidé, lors de la séance du 1er février 1945, qu'on déclarerait vacant le fauteuil de Maurras, sans pour autant voter la radiation. Ainsi, Charles Maurras, comme le maréchal Pétain, mais à la différence d'Abel Hermant et Abel Bonnard, ne fut remplacé sous la Coupole qu'après sa mort. »
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Huguenin 2011, p. 483.
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Aron et Séchan 1997, p. 26, n. 1.
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Huguenin 2011, p. 498-499.
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Guillaume Gros, Philippe Ariès : un traditionaliste non-conformiste : de l'Action française à l'École des hautes études en sciences sociales, 1914-1984, éd. Presses Univ. Septentrion, 2008, 346 p. (ISBN 978-2-7574-0041-8) [présentation en ligne sur books.google.fr [archive]], pp. 105-106.
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Aron et Séchan 1997, p. 26, n.1.
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Réédition : Tal
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Léon Blum à la Chambre des députés, Paris, CNRS éditions,
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Giocanti 2006, p. 347.
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Giocanti 2006, p. 208-209.
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Giocanti 2006, p. 363.
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Giocanti 2006, p. 250.
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Cahiers Charles Maurras, no 47, p. 54.
-
Giocanti 2006, p. 238.
-
Giocanti 2006, p. 239.
-
Le texte est consultable en ligne sur le site de la bibliothèque provençale en ligne Ciel d'oc : [lire en ligne [archive]] ; on peut y relever parmi d'autres le passage suivant : « […] coume auriéu pouscu boulega lou bout dóu det en visto de servi, d’ajuda, de favourisa l’Alemagno, Iéu, l’anti-aleman, Iéu lou germanophobe e que lou sièu Toujours. dis moussu l’avoucat generau ? Acò n’es pas poussible. Acò se countre-dis. Sieù o bèn coume d’acò, vo bèn coume d’aqui; noun sièu d’acò emai d’aqui » (« […] comment aurais-je pu bouger le bout du doigt en vue de servir, d'aider, de favoriser l'Allemagne, Moi, l'anti-allemand, Moi le germanophobe attendu que je le suis toujours. dit Monsieur l'avocat général ? Cela n'est pas possible. Cela se contre-dit. Je suis ou bien comme ceci, ou bien comme cela : je ne suis pas d'ici et en plus de là. »
-
Jacques Prévotat, L'Action française, Paris, PUF, collection « Que sais-je ? », 2004, p. 34.
-
(Paugam 1971, p. 425).
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