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Malaise aux éditions Plon : l'enquête ciblera les deux équipes
Répéter un mensonge a des vertus pédagogiques amplement reconnues - en particulier pour alimenter la désinformation. La double direction de Plon a ainsi tourné au manichéisme de bon aloi : les gentils face aux méchants. Confortable ? Surtout pour les médias prompts à brasser le vent d’une affaire montée en épingle.
Publié le :
27/12/2022 à 17:19
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L’an passé, une enquête diligentée contre l’un des membres de Plon avait conduit à sa mise à pied. Les conclusions n'en furent jamais communiquées officiellement par écrit, mais la procédure reflétait l’inconfort d’une direction prise entre le marteau du CSE et l’enclume de l’actionnaire, Vivendi.
Se faire damer le Plon
Le problème était apparu fin août 2021 : transfert d'Albin Michel, Lise Boëll était nommée seule à la tête de la maison... Cette arrivée déclassait Céline Thoulouze, tout en attestant de forces souterraines à l’œuvre. D’un côté l’actionnaire qui avait fait venir l’éditrice de Zemmour (tout de même), de l’autre une éditrice non-fiction montée en grade par la directrice d’Editis.
Cette tectonique des plaques avait conduit en septembre à la nomination de Lise Boëll à la tête de Plon. Puis, la guerre des tranchées commença avant de devenir schisme — au point que les uns campent dans les bureaux de l’avenue de France, siège d’Editis, dans le XIIIe, les autres rue d’Assas, dans le VIe. Plon 1 et Plon 2, ou plus sarcastiquement baptisés Plon historique contre Plon Tribune libre.
Voici donc la #TeamCeline (Thoulouze) d'un côté et la #TeamLise (Boëll) de l'autre mises dos-à-dos, chacune avec ses auteurs, ses ouvrages et ses opérations. Le climat se détériora au point d'accoucher d'un aigle à deux têtes le 12 décembre 2021. On imagine bien la grimace exaspérée chez Vivendi, en voyant sortir l’eau de boudin là où tout devait couler de source, ferrugineuse ou non.
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Pour obtenir la paix sociale, le directeur marketing et ancien d'Albin, fut escorté vers la sortie – au prétexte des conditions de son départ de la rue Huygens (harcèlement au travail). Rien de tel chez Plon, mais on connaît la formule : un chien, la rage, le fusil.
Or, après une rentrée littéraire 2022 en dents de scie, Plon 1 et Plon 2 reviennent sur le devant de la scène. Des arrêts maladie brandis, une ambiance plus pesante encore... le tout dans un contexte radicalement distinct.
Que tout change pour que rien ne change ?
Décembre 2022, l'atmosphère est en plus lourde entre #TeamLise et #TeamCeline, mais de son côté, Vivendi a d'autres chats à fouetter puisqu'il entend racheter Lagardère, donc céder Editis pour y parvenir. La méthodologie varie : des actions offertes aux porteurs de parts de Vivendi jusqu'au repreneur providentiel de l'ensemble du groupe. Le tout sous le regard de la Commission européenne, garante des règles de la concurrence.
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Dans cette perspective de cession, dévoilée en juillet 2022, la nouvelle affaire Plon a tout de l'éruption acnéique en plein concours de beauté. Profitant des tensions économiques et sociales dans le triangle Vivendi / Editis / Lagardère, reviennent les accusations de harcèlement sur le lieu de travail, et rapidement, une nouvelle enquête est diligentée, cette fois contre Lise Boëll – sur des motifs des plus confus.
À différentes reprises, ActuaLitté a tenté d'obtenir des précisions. En vain. Les mêmes causes aboutissant aux mêmes effets, certains ont-ils décidé de retenter le coup ? Après l'exit de 2022, janvier 2023 marquera-t-il le départ de l'éditrice tant redoutée, et originellement ciblée ?
Les arguments qu’avance le CSE pour justifier d’une procédure interne laissent perplexe. Sont mentionnés des arrêts maladie survenus suite à la cohabitation des équipes à Brive. Des éléments médicaux qui émanent de Plon historique et démontreraient de toute évidence l'incidence nocive de Plon Tribune libre sur les salariés d'en face. Épatant. Ou pas.
En parallèle, des arrêts maladie concernant cette fois les collaborateurs de #TeamLise devaient abonder dans le sens d'une gestion RH problématique pour les personnes. Évoqués dans la presse au sortir de Brive, ils revelèvent d'un petit exercice d'intox. Selon des sources syndicales, ces arrêts datent du mois d’octobre et courent toujours, n'étant en rien motivés pour des faits de harcèlement sur le lieu de travail.
Sauf qu’en détournant habilement le fil chronologique, on change une vessie en lanterne : Brive se déroule le premier week-end de novembre, plusieurs semaines après le premier arrêt maladie. Le story-telling accablant la patronne de Plon 2 prend bien du plomb dans l'aile...
“Ainsi plon plon plon plon, les petites marionnettes”
La foire corrézienne du livre fut-elle le lieu d’autres événements qui auraient relancé la guerre intestine ? L’équipe Vivendi se serait affichée de manière ostentatoire avec Lise Boëll : fallait-il comprendre que Yannick Bolloré, directeur général, et Arnaud de Puyfontaine, président du directoire, avaient choisi leur camp ?
Or, peu après le festival, la directrice de Plon 2 devient la cible idéale de scuds médiatiques, qu'alimentent les réunions du CSE, décidé à diligenter une enquête. Ces escarmouches internes et régulières font le bonheur des médias qui s’en donnent à cœur joie : un pilonnage au missile sol-sol frappent régulièrement la rue d’Assas, siège de la #TeamLise, devenue plus qu’un bouc émissaire.
« Michèle Benbunan (DG du groupe) sonnera bientôt la fin de la récréation, parce que les scuds dans la presse commencent à l’agacer », assure une proche du dossier. Or, si la direction du groupe se lasse de voir comment la presse se répand sur Plon 1 & 2, l’actionnaire, lui, a des échéances : Editis à vendre, le repreneur, Bruxelles, Lagardère et Hachette Livre. De quoi, motivé un Vivendi – échaudé par les péripéties de 2021 – à prendre cette fois les choses en main. Vite et bien.
Estimer que le comportement de Lise Boëll implique une enquête signifie, en filigrane, que la #TeamCeline incarne les salariés brimés. À moins que la Foire du livre de Brive n'exprime autre chose : l’actionnaire qui s’affiche ouvertement avec Lise Boëll, et non avec Céline Thoulouze, même la direction d’Editis en fut quelque peu prise de court… Le Point l'a d'ailleurs amplement raconté.
L’affaire sera tranchée en haut lieu, pour que le groupe se mette en ordre de marche. Conséquence : la direction de Nil sera octroyée à Thoulouze, celle de Plon rendue à Boëll. Un communiqué de presse attendrait de l'annoncer, au chaud depuis quelques semaines.
#TeamCeline également auditée
Fin novembre survient une réunion extraordinaire du CSE : on y apprend que l’enquête contre Plon 2 sera diligentée : le un cabinet est mandaté par la direction et le CSE. Première surprise : tous les collaborateurs de la maison seront auditionnés, « sur la base du volontariat ». Aussi bien #TeamCeline que #TeamLise ? Pour quelle raison ?
Eh bien, comme le soulignent des échanges d’emails, les deux Plon nécessitent un audit du fait de la dégradation de relations professionnelles. Afin de préserver la santé psychologique de chacun et d'apporter des réponses aux comportements inappropriés, la direction élargit le spectre de l’enquête — qui ne devait concerner que Plon Tribune libre originellement.
Le cabinet Stimulus (choix qui n'était pas celui du CSE) mènera les entretiens autour des conditions de travail dans les deux pôles de la structure. Et ce, pour aboutir à un inventaire des risques encourus et des mesures à déployer. Les discussions débuteront autour du 10 janvier et tous les salariés de Plon seront ainsi contactés.
Or, le message propose une lecture inédite : les dysfonctionnements qui étaient imputés à Plon 2 toucheraient les deux équipes. Voilà un air bien éloigné de la petite musique fredonnée depuis des mois, où l’exemplarité de la #TeamCeline prévalait, posée quasi victime de la #TeamLise.
Avant même un diagnostic, le fait que Stimulus interroge l'ensemble de la maison, bicéphale malgré elle, pose un constat que personne n'imaginait : Plon 1 & 2 rencontreraient toutes deux des difficultés en interne.
Les conclusions que recevra le Comité de Pilotage Paritaire au terme de l'enquête seront particulièrement attendues. Cerise sur le gâteau, le message avertissant de cet audit a été communiqué par la Direction RH à l’ensemble des structures Littérature d’Editis : comme pour montrer à quel point on ne plaisante pas avec le sujet.
Crédits photo : ActuaLitté, CC BY SA 2.0
Ndr : Du fait du sujet et de l'enquête à venir, plusieurs personnes, s’estimant trop exposées, ont refusé de nous apporter leur éclairage, même sous couvert d’anonymat. Nous avons cependant pu consulter différents éléments, communiqués par emails, captures d’écran et SMS.
2 Commentaires
NAUWELAERS
27/12/2022 à 23:54
Remarque
idiote: une femme peut-elle être un bouc émissaire, ou plutôt une
chèvre émissaire ?
(Vite, je m'éclipse sous les vivats et les
bravos, à moins que ce ne soient des jets de projectiles divers, de
préférence non contondants.)
CHRISTIAN NAUWELAERS
jujube
28/12/2022 à 05:08
Excusez ma question, mais d'où vient le vitrail extraordinaire qui introduit ce texte? J'en reste baba!
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