mardi 16 février 2021

Louis XVI aux Tuileries - l'armoire de fer

 

wikipédia à jour au 15 Mai 2020

Caricature montrant le squelette de Mirabeau sortant de l'armoire de fer.

L'armoire de fer est une ouverture aménagée dans un mur, faisant office de coffre-fort dissimulé par un lambris pivotant situé dans les appartements de Louis XVI, au palais des Tuileries. Son existence est révélée publiquement le 20 novembre 17921 à Roland, ministre girondin de l'Intérieur, informé par l'artisan qui l'avait fabriquée, un serrurier nommé François Gamain.

​Historique

Cette armoire est destinée à dissimuler la correspondance de Louis XVI avec, entre autres, Mirabeau, Maximilien Radix de Sainte-Foix, conseiller occulte du souverain, Joseph Duruey et Jean-Louis Tourteau de Septeuil, ses banquiers, Arnaud de Laporte, intendant de la Liste civile sur laquelle des fonds étaient prélevés, François de Bonal, évêque de Clermont, etc. C'est à la suite de cette découverte que la dépouille de Mirabeau fut retirée du Panthéon. La plupart des pièces concernent les correspondances des ministres de Louis XVI (Montmorin, Valdec de Lessart, Bertrand de Molleville, le comte de Narbonne, Cahier de Gerville, Dumouriez, etc.). D'autres lettres concernent aussi presque tous les acteurs de la Révolution, que ce soit le général Santerre ou La Fayette, Antoine de Rivarol ou Talleyrand. D'autres documents sont des rapports concernant les activités de corruption menées par les agents des ministres sous la direction de Collenot d'Angremont qu'on se précipite d'« expédier », avec Arnaud de Laporte, dans les jours qui suivent le 10 août 1792. Ils sont les deux premiers guillotinés pour raisons politiques2.

Tous ces documents, malgré les lacunes et filtrages probables, démontrent la duplicité des conseillers et des ministres — du moins ceux en qui Louis XVI avait confiance — qui avaient mis en place une diplomatie et une police parallèles. On découvre surtout l'existence d'un vaste réseau de corruption mis en place et structuré dès 1791 par Montmorin, pour corrompre des meneurs populaires ou des orateurs de clubs, comme Antoine Joseph Santerre ou François Desfieux3. Des tentatives avaient même été menées pour gagner des députés de l'Assemblée, notamment lorsque, après la journée du 20 juin 1792, il avait été question d'aborder la question du « décret de déchéance ».

Lors de la journée du 10 août 1792, les papiers personnels de Louis XVI et de Marie-Antoinette sont confiés à des membres de leur entourage. Ainsi, Mme Campan, première femme de chambre de la reine, recueille-t-elle une liasse de documents importants qu'elle remet à Georges Gougenot de Croissy (1721 – 1796), secrétaire honoraire du roi. D'autres papiers, lettres et correspondances, sont mis en lieu sûr ou détruits. Mais les plus grandes destructions sont imputables à ceux qui sont compromis par les conseillers occultes de Louis XVI. Le ministre de l'Intérieur Roland aurait joué un rôle à cet égard et fait disparaître ce qui concernait son collègue Danton. Le 20 novembre 1792, Jean-Marie Roland dépose ces archives, du moins ce qui en reste et qui est considérable, sur le bureau de la Convention nationale, brisant ainsi toutes les manœuvres destinées à empêcher de renvoyer Louis XVI en jugement4.

​Controverses

Plusieurs controverses sont nées de l'utilisation de l'armoire de fer dans la mise en place du procès de Louis XVI.

Parmi elles, le ministre Roland de la Platière n'aurait pas eu le temps de lire les documents accusateurs entre leur découverte et la révélation par celui-ci de leur existence. L'architecte Jean-François Heurtier, à qui François Gamain a confié l'existence de l'armoire, confiera notamment : « J'atteste que je n'ai pas perdu les papiers de vue depuis le moment où ils ont été découverts, jusqu'à celui où le ministre, que j'ai toujours accompagné, est entré à la Convention pour les y déposer, et que l'ordre dans lequel les papiers ont été trouvés n'a pas même été dérangé5

Pour d'autres, le même Roland aurait préalablement trié les papiers découverts, en retirant certains documents mettant en cause ses amis6 ou en ajoutant d'autres pièces découvertes ailleurs dans le palais. La servante de la reine, Madame Campan, affirme d'ailleurs dans ses Mémoires que « la reine l'invita [le roi] en ma présence à ne rien laisser dans l'armoire, et le roi, pour la tranquilliser, lui dit qu'il n'y avait rien laissé7. »

Malgré leur faiblesse probatoire, les différentes pièces supposées avoir été gardées dans l'armoire de fer ont été utilisées à charge contre Louis XVI. Éric Le Nabour affirme que leur utilisation ne pouvait que mieux répondre aux exigences du moment, qualifiées selon lui d'« imaginaire de la Révolution8. »

​Publication

À la suite de cette affaire, un décret du 6 décembre 1792 a été publié portant sur le triage des papiers et pièces qui provenaient du château des Tuileries, et sur la publication sur ordre de la Convention en décembre 1792 et janvier 1793, par l'imprimerie nationale, des papiers des Tuileries y compris ceux de « l'armoire de fer » :

  • Premier recueil des pièces trouvées aux Tuileries, et le 10 août, recueillis par le Comité de surveillance, imprimées d'après le décret de la Convention nationale du 5 décembre 1792, Paris, imprimerie nationale, décembre 1792.

  • Deuxième recueil des pièces (…) remises à la commission des Vingt-quatre, par le Comité de surveillance de la ville, Paris, imprimerie nationale, décembre 1792.

  • Troisième recueil des pièces trouvées dans l'armoire de fer (…) (deux volumes).

  • Quatrième recueil des pièces trouvées dans l'armoire de fer (…) qui est une suite du troisième recueil (…), trois tomes.

  • Cinquième recueil des pièces trouvées dans les papiers de M. de Montmorin, Laporte, intendant de la Liste civile, d'Abancourt, ex-ministre, et à l'hôtel Massiac dont les originaux sont en dépôt au comité de surveillance de l'assemblée nationale (…), Paris, imprimerie nationale.

  • Sixième recueil des papiers trouvés aux Tuileries (…) imprimés par ordre de la convention, Paris, 1792.

​Notes et références

  • Troisième recueil des pièces…

  • Albert Mathiez, La révolution française, t. 2 : La Gironde et la Montagne, Paris, Denoël, coll. « Bibliothèque Médiations » (no 249), 1985, 248 p. (ISBN 978-2-282-30249-2, OCLC 490361212), chap. 4 (« Le procès du roi »)

  • Éric Le Nabour, Louis XVI : le pouvoir et la fatalité, JC Lattès, Paris, 1988.

  • Hypothèse soulevée par Bernard Vincent, Louis XVI, Gallimard Folio Biographies, 2006.

  1. Éric Le Nabour, op. cit..

​Bibliographie

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​Liens externes

  • France, Convention nationale, Pièces imprimées d'après le décret de la Convention nationale du 5 décembre 1792, déposées à la commission extraordinaire des douze, établie pour le dépouillement des papiers trouvés dans l'armoire de fer au château des Tuileries, (œuvre littéraire), Imprimerie nationale, Paris, 1793, [lire en ligne [archive]]







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​La découverte de papiers compromettants pour Louis XVI fut-elle une machination contre lui ?

Par

Auteur

Christian Brosio

/ Vendredi 2 janvier 2015 à 15:13 0

"Louis XVI éclairant le serrurier Gamain en train de confectionner l'armoire de fer", illustration extraite de l'"Histoire des Girondins" (1866), de Lamartine. Photo © Leemage

L'énigme de la semaine. La découverte, dans la fameuse "armoire de fer" de papiers compromettants pour LouisXVI, fut-elle...une machination destinée à perdre le roi ?

Tout commence le 20 novembre 1792, à 2h30 de l’après-midi, lorsque le ministre de l’Intérieur, Jean-Marie Roland, annonce solennellement, à la tribune de la Convention, que plusieurs cartons de documents compromettants pour le « ci-devant roi » viennent d’être trouvés dans une cachette dissimulée derrière un lambris, au château des Tuileries. Une découverte rendue possible par les révélations du serrurier François Gamain. Ancien employé à Versailles, ce dernier est, en effet, venu raconter avoir posé aux Tuileries une porte de fer devant une anfractuosité creusée par Louis XVI en personne dans un mur de l’exigu couloir reliant la chambre royale à celle du dauphin. Et avoir vu le souverain placer dans cette petite cavité des liasses de papiers.

Déchu le 10 août, emprisonné avec sa famille au Temple le 13 août, Louis XVI attendait, depuis lors, d’être fixé sur son sort. Serait-il jugé ? Selon la Constitution de 1791, qui avait posé le principe de son inviolabilité, il ne pouvait l’être. Mais faisant valoir (au mépris du principe de non-rétroactivité) que la proclamation, le 22 septembre, de la République, rendait cette Constitution caduque, l’avocat Jean-Baptiste Mailhe avança l’idée que l’ancien roi était, au contraire, justiciable « devant la nation tout entière ». La révélation de l’existence de l’“armoire de fer” arrivait à point. Que contenait donc cette fameuse “armoire” ? Au total, 726 pièces, censées accréditer la collusion de « Louis Capet » avec les puissances ennemies de la Révolution.



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Dans une étude très fouillée, publiée en 1982, Paul et Pierrette Girault de Coursac ont conclu à une forgerie destinée à perdre le roi. Sans valider totalement cette thèse, la plupart des historiens admettent, aujourd’hui, que de nombreuses zones d’ombre subsistent. Notamment concernant le rôle de Roland. Girondin, haï par la Montagne, celui-ci, grâce à l’“armoire de fer”, entendait « [redonner] à son parti le premier rang des accusateurs » ( Jean-François Chiappe). Se livra-t-il, pour cela, à des manipulations de documents ? La rumeur en avait couru à l’époque.


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