mercredi 31 décembre 2014
mardi 30 décembre 2014
lundi 29 décembre 2014
dimanche 28 décembre 2014
samedi 27 décembre 2014
journal d'il y a cinquante ans
Dimanche 27
Décembre 1964
Deo gratias. – Magnificat anima mea
Dominum et exultavit spiritus meus in Deo salutari meo. Qui respexit
humilitatem ancillae suae, qui fecit mihi magna qui potens est, et sanctum nomen
ejus. – Gloria Christo qui natus es ex Virgine, cum Patre et Spiritu Sancto. –
Eructavit cor meum verbum bonum : dico ego opera mea Regi, lingua mea
calamus scribae velociter scribentis. – Noël.
Garçons heureux d’être ici, de vivre
Noël. Joie du ski dans la « profonde ». Ciel couvert cet après-midi.
Froid pendant la remontée. Descente le long des pylones. Hugues, Christian,
Emmanuel, Vincent, moi. Beaucoup de joie. Tas de neige, poussière blanche,
légère. Larges virages en chasse-neige. Anxiété pour savoir si cela tournera. Foncer
en « trace directe ». Les sapins qui arrivent. Et l’on recommence. Et
l’on est heureux. Et autour de moi, ils sont heureux. Nous. Toi, Seigneur.
Remontée seul, sur une benne. Seul avec Toi.
Ce matin, neige était allante, légère. Piste classique, avec Bernard,
Jean-Marie, François, d’autres garçons. Film. Photo. Paysages merveilleux. On
est dedans.
Ce soir, messe, sermon merveilleux du
Curé. Effort, et illumination. Seigneur Jésus, apprenez-nous à être généreux.
L’autre soir, avant la messe de minuit.
Discussion. Méditation. Etudes par petits groupes sur l’ensemble des textes de
l’Avent. Je crois que cela a fait du bien. Seigneur, la journée est trop courte
pour te prier pour ceux que l’on aime.
Avant-hier, prière-méditation par
Benoît. « Je vous le déclare : vous neme verrez plus désormais
jusqu’eau jour où vous pourrez dire : Béni soit celui qui vient au nom du
Seigneur ». Evangile St Etienne.
Hier soir, prière par Jean-François.
Jean, aimé avec prédilection par le Christ. Humanité profonde, merveilleuse du
Christ. Confiance. Faire confiance, alors pas de problème, a répété
Jean-François. Quelle joie en l’écoutant.
Hier, un bon tiers du groupe à la messe
de 17 h 3. Action de grâces. Confession. Examen de conscience guère lumineux.
Mais rencontre du Christ. Pénitence : offir ma vie au Christ. Ensuite,
nous avons marché sur la route, avec le Père Rôle eschatologique du prêtre au
XXème siècle. Se vouer totalement, sans retour, au Christ.
Je crois que le rpoblème de « mon
orientation » est inifiniment simple. Et que ce qui le fait paraître
difficile, c’est que je suis entravé par énormément de choses, par moi-même
(cf. conseil du Père pendant ma confession : selibérer du mal, se libérer
de nous-mêmes).
Obviam Christo, oui ou non. Appel
d’amour (cf. le Père Lamande). Le royaume des cieux, conquis par les violents
(cf. sermon du Curé, ce soir).
Ambitions politiques que je ressens sont
louables, mais combien limitées, alors que je peux me donner totalement au
Christ.
J’ai le sentiment, ce soir, que le
problème est très clair. Suivre le Christ à la trace. Me donner entièrement à
Lui. Etre son prêtre. Entrer dans la Compagnie de Jésus. Ren+oncer à mes ambitions,
pour ne servir que l’ambition et toute l’ambition du Christ, rachetant
l’humanité.
C’est même curieux, combien les choses
me paraissent simples ce sir. Combien ma vocation ne fait aucun doute, et
combien je manque de générosité. Et comme le pire ennemi de ma vocation, c’est
moi-même. Toute cette indécision, voulue par Dieu, c’est le résultat de mon
égoisme.
Action de grâces, ce soir, aux côtés de
Michel. Marche à l’Hôtel de la
Poste, sans dire grand-chose. Je peux compter sur sa prière.
Seigneur, je t’offre ma joie, que ma
joie soit tienne puisque c’est Toi qui me la donne. Ce garçon (Denys) qui
fredonnait tou à l’heure, son cœur débordant de joie. Emm. « L’abandon des
affections les plus pures ».
Seigneur, merci de toute mon âme.
Merci de m’entrainer à ta suite.
Merci du passé, du présent, si chaud et
heureux.
Merci de l’avenir que tu me prépares.
Merci de ces garçons cotoyés, aimés.
Merci de ces résultats de l’ENA.
Merci de la neige, des arbres, du ciel
bleu au couvert.
Merci des joies de la photo,
des découvertes du Curé ou du Père.
Merci de tout,
du chagrin d’hier, de l’espérance de ce
jour,
de l’espérance de demain,
de la souffrance, du doute, du
froid
d’hier, d’aujourd’hui, de demain.
De ce cafard du début du camp,
de cette joie lumineuse d’aujourd’hui,
de cette réflexion sur les textes de
‘lAvent,
de ces parties de bridge,
de ces discussions- exposés politiques.
MERCI
Seigneur, mon Dieu,
mon Roi, mon maître,
mon frère,
plus intérieur à moi-même,
plus vrai, plus existant que moi
Toi qui existais avant moi,
Toi qui m’aimes
Toi qui aime ceux que j’aime,
Toi pour qui des hommes quittent tout,
Toi, mon Dieu.
Pater noster, Notre Père.
Christ ressuscité d’entre les morts,
Esprit qui nous fait respirer et
aimer.
+[1]
vendredi 26 décembre 2014
jeudi 25 décembre 2014
mercredi 24 décembre 2014
mardi 23 décembre 2014
journal d'il y a cinquante ans
Mercredi 23
Décembre 1964 19 h 50
Installé à Abriès [1] . Peu
de gens. Temps correct. Télésiège ne fonctionne pas.
Vu le Curé ce soir, avec Michel. Un
contemplatif. Un regard. Une flamme intérieure, une joie, communicative.
Tout aujourd’hui, guère de joie en moi.
J’attends l’ami qui me donnera à boire [2].
Celui qui me donnera à boire,à vivre, à chanter. Michel, très occupé avec
Philippe C. [3]. Une ou feux de mes phrases à l’emporte-pièce lui fait penser que je juge les autres. Le courant
ne passe pas. M’aime-t-il ? Peut-être m’a-t-il aidé aujourd’hui ?
Mais je n’ai pas eu la douceur humaine de le savoir.
Christian, quelques phrases, mais j’ai
l’impression qu’il n’y a pas réciprocité. Si je me livre, et actuellement je
ne puis donner que de l’incertitude, lui, ne se livre pas.
Je suis demandeur. Je suis faible et
pauvre. Ma joie a passé. Je ne sais où aller. Et cependant surnaturellement,
donc réellement, je sais que Dieu continue à m’emmener, mais je ne sais où.
Seigneur où es-Tu ? Tu es là, mais où est ton chemin. Où
m’emmènes-Tu ?
Demain, vigile de la Nativité. Transcendance
et toute-puissance du Seigneur
- fait de Paul, l’Apôtre des Gentils
- enceint la Sainte
Vierge de son Fils par l’intervention de l’Esprit
- fait comprendre cela et l’accepter à St Joseph
Au Seigneur appartient la terre et tout
ce qui la remplit, l’univers et tous ceux qui l’habitent. Chant
d’Entrée
Les participants à ce camp en
tireront-ils tout le parti ? se rapprocheront-ils de Toi, suivant ton
plan. Alors qu’il me faut porter ce camp [4], je
ne puis me porter moi-même.
Seigneur, prends en main ce camp. Prends
ma vie. Prends tout ce que j’aime. Donne-moi tout. Fais-moi connaître ce que tu
veux. Seigneur, vous savez bien que je
vous aime. Et que je suis dans la joie de
ta venue à Noël.
Ce soir, Seigneur, je
t’offre ma tristesse, mon inquiétude quant à l’avenir, la peine d’être séparé
de mes parents, ma déception devant Michel. Je t’offre, tout ce que j’aurai
voulu dire ce soir à la prière. Je t’offre, tout-même qui t’offre à travers
moi.
[1] -
Hautes-Alpes, le Queyras… j’y emmène une quinzaine de mes anciens scouts, les
aînés
[2] -
réminiscence d’une fiche de lecture et d’un dialogue, récent à Solesmes, avec
le Père Hôtelier, Jacques Meugniot
[3] - un de ses amis, étranger
à notre groupe qu’il a souhaité que nous emmenions, fortes études scientifiques
[4] - de ski. Nous logeons
dans le rez-de-chaussée d’une ferme désaffectée, salle commune et hygiène,
cuisine minima
lundi 22 décembre 2014
dimanche 21 décembre 2014
rencontres par bribes
Messe
très priante. Sortie passionnante. Notre cher Alain de L., ne parvient pas à
dormir, faire le vide, chez un de ses fils demain : les veufs de femmes
handicapées font encore moins leur deuil, surtout dans les débuts, trop de
formes de rupture et de départs. Beau visage quoique vieilli, atteinte probable
de quelque maladie dégénérative, il tremble, nous ne nous connaissons que de
vue. Un troisième formant groupe, s’apercevoir souvent sans s’adresser la
parole, nous le faisons à présent, à mon initiative. J’évoque les transports en
commun, le regard est une rencontre, parfois aucun texte, mlais c’est
inoubliable. Il acquiesce, je dis : même dans le métro, il en doute
davantage, mais les mariages et les enfants dans les transports publics. Moins
banal et surtout un véritable métissage que les unions se formant dans le
travail ?Un magnifique poney, noir anthracite, admirablement tenu, le
front blanc, un large trait seulement, une natte pour une partie de la queue,
une coiffe entre les oreilles faisan,t bois de rennes, les enfants, dont
Marguerite tour à tour. Emmanuelle, Marie et Fanny, chacune avec bonnet de Noël.
Les yeux beaux de la mère, le visage fatigué. 35 hectares dans le
commune voisine, le poney, donc puis logement social ici, le poney dans un
centre équestre dont elle a pu le retire : dix neuf ans pour le confier
chez mon amie Josiane. Départ du père et mari, elle philosophe, mieux vaut être
seul… que, mais je suis scandalisé. Elle espère pouvoir habiter Vannes, les
deux filles ont l’air heureuses. L’épouse ou est-ce d’un autre ? de celui
des trois pour tout à l’heure qui me paraît atteint de je ne sais quoi,
branlant du chef… soudain, l’à peine perceptible dissymétrie des yeux, mais un
vert doux et ardent, c’est le regard de Charlotte RAMPLING. Le disant à celle
qui me fait face, probablement mon âge ou pas loin, elle ne peut le croire, y
croire … un compliment. Je l’assure de la vérité, et sans doute ai-je la grâce
de lui faire plaisir pour longtemps.
samedi 20 décembre 2014
vendredi 19 décembre 2014
jeudi 18 décembre 2014
journal d'il y a cinquante ans
ouverture d'un troisième cahier - toujours manuscrit -,
que je titre ainsi
Omnia quaecumque voluit, Dominus fecit
Tout ce que le Seigneur a voulu, il l’a
fait
Ps. 134
Vêpres .
Mercredi
A M O U R
C R E D O
E S P E R A N C E
au milieu des pleurs, du doute, de
l’inquiétude
au milieu des questions, au milieu du
passé et de l’avenir
dans l’angoisse de rater ma vie,
dans l’inquiétude de na pas avoir la
vocation
dans l’ardeur et la soif de tout désir
dans toute illumination du corps et du
cœur, dans toute joie, dans tout
Dans quelques jours, je
serai fixé pour l’E.N.A.. Le résultat étant maintenant si proche, je n’ai plus
acuune impression. Mais, au fond, je suis resté détendu jusqu’à la fin. Un
résultat positif me causera beaucoup de joie, certes. Mais j’ai tellement
l’impression que tout cela est peu, que tout cela n’est pas l’objectif que je
voudrai de tout mon être, atteindre, que cette joie sera superficielle. J’en
aurai une beaucoup plus porofonde, beaucoup plus calme et beaucoup plus vraie
si j’entrais demain au noviciat, sûr que Dieu m’y appelle.
Entrer au Noviciat sera de
toute façon, une folie, un risque, un pari total et définitif sur le Christ. En
poursuivant l’ENA, en me mariant, j’ai l’impression – pour l’instant – que je
manquerai totalement ma vie.
Comme il est dur de
m’abandonner à Toi, Seigneur, sans savoir où Tu me mènes.
« Soyez toujours joyeux dans le Seigneur.
Je le répète : soyez joyeux ! Votre sérénité dans la vie doit frapper
tous les regards, car le Seigneur n’est plus loin. Ne vous inquiétez de
rien ; mais dans toutes vos prières et supplications, en même temps que
vous remerciez Dieu, exposez-lui vos besoins. Et que la paix de Dieu, qui
dépasse tout ce que nous pouvons imaginer, garde votre cœur et vos pensées,
dans le Christ Jésus notre Seigneur. »
Philipp. IV 4.7
3° Dim. Avent
Cet Epître m’a beaucoup
frappé. Comme la liturgie est précise, et qu’elle fournit à notre vie tout son
itinéraire. C’est merveilleux de joie et de simplicité. Evidence du travail de
l’Esprit Saint qui nous fait respirer individuellement au rythme de la vie
liturgique de la communauté ecclésiale, à travers l’espace et le temps.
Du coup, dès dimanche soir,
j’ai lu l’Epître aux Philippiens, que je n’avais jamais lue entièrement, à la
suite.
A la vérité, je l’ai lu,
comme on prendrait connaissance de la lettre d’un ami, qui a plus d’expérience
et de joie que vous. Et par instants, je me voyais dialoguant avec saint Paul.
Car je crois que nous aurions beaucoup sympathisé, et que nous avons beaucoup
de points communs.
Mais lui, il s’est abandonné
entièrement à la volonté de Dieu. Il est vrai que Dieu l’a bousculé (chemin de
Damas). C’est ce qui doit me rassurer. Que Dieu ne perd pas de vue ses enfants.
Et qu’en définitive, il sonde les reins et les cœurs, et qu’il répond – et
au-delà – au désir de tout notre être de Le voir, de Le connaître, de nous
reposer en Lui, pour goûter le bonheur qui ne finit jamais.
Après la soirée, nous sommes
allés en groupe manger une soupe à l’oignon (que je n’ai pas aimée) au Pied de
Cochon, puis à la messe à Notre Dame. Messe en 25’, à 7 h. A 5’ près, nous eussions pu
communier et j’avais par moment envie de demander au prêtre de ralentir [1].
Comme une messe sans communion est mutilée. Comme j’éprouve un besoin presque
physique de prier à tout moment de la journée.
Sermon simple et hésitant.
Mais comme le fond est toujours le même : humilité de Jean Baptiste,
affirmation de la vérité, s’abandonner à la volonté de Dieu. Je suis vraiment
frappé de cette convergence.
J’ai assisté à une seconde
messe à 7 h 30 pour pouvoir communier et suis sorti, accablé de sommeil, mais
Jésus était en moi.
*
*
*
Soirée du 12 Décembre, aux
salons de l’Amérique Latine, incontestablement réussie [2].
J’y ai pris grand plaisir, et aimerai beaucoup recevoir. Cadre épatant. Bon
orchestre. Modes ravissantes. Papa et Maman détendus.
En comparant, puisque
beaucoup étaient là, les jeunes filles avec qui je sors, je donne la palme à
Irène B. Son visage, impossible à décrire, tant il a le flou rêveur du charme,
m’a hanté pendant ces derniers jours. Ce sont surtout ses yeux et son sourire
qui m’ont à nouveau frappé (je l’avais remarquée, et avais été ébloui, chez les
D. l’an dernier, elle avait alors robe courte rouge et cheveux noirs tombant
plus bas que les épaules). Beaucoup de douceur. Je me demande si je lui plais.
*
*
*
Mercredi matin, reçu la
réponse de Marie José T., ne peut se rendre à notre rendez-vous de vendredi
après-midi. J’ai été de mauvaise humeur toute la matinée. Peut-être à cause de
cela.
Je crois que la Providence a bien fait,
et que la situation eût pu être bien compliquée. Comment se rencontrer,
lorsqu’on est résolu à ne pas s’engager ?
Aspect extérieur polygame,
parce que je ne suis pas fixe. Et je ne suis pas fixé, parce que je ne peux
l’être, que je sens très bien que je ne peux m’engager pour l’instant aussi
bien d’ailleurs dans la vie religieuse, que dans le mariage.
Comme le Seigneur a encore à
faire en moi !
*
*
*
Reçu la visite – pendant une
heure – jeudi dernier (hier) de Michel. Je ne sais s’il l’a ressenti, mais
grande difficulté à nous comprendre, à communier, à nous exprimer. Mais
peut-être que notre dialogue et nos silences, ont-ils été plus vrais, un peu
comme la prière desséchante, comme le besoin indicible de Dieu, est la plus
belle prière qui soit ?
M’a fait remarquer, que je
ne trouvais pas grand-monde de « bien ». Qu’au fond, je ne savais
peut-être pas les découvrir ? c’est peut-être vrai. En tout cas, c’est
grave. Cela vient peut-être du fait que je suis très exigeant. Et qu’il y a une
différence entre aimer et trouver « bien sous tout rapport ». J’aime
quelqu’un, dans la mesure où je le sens perfectible, où je pressens qu’il veut
se parfaire, et où je sens qu’il est à la trace de Dieu, docile à son amour, où
je ressens que Dieu est à l’œuvre en lui.
Avec cette définition, je
devrais aimer tout le monde, c’est d’ailleurs ce à quoi le Christ m’appelle et
effectivement en regardant tout être sous cet angle, non par ce qu’il est, ce
qu’il veut, mais ce que Dieu a fait, et fait en lui, ce que Dieu veut qu’il
fasse et qu’il soit, on ne peut pas ne pas aimer cet être, ce garçon.
Jean Philippe [3]
avec qui je parle longuement après la soirée à l’Eléphant Blanc, mercredi soir.
Désires-tu la Foi ?
Non. En as-tu la nostalgie ? Non. Et confiance en Dieu, qui lui donnera
d’aimer, quand Il le voudra. Prière, et chapelet (mal dit) le soir, pour
Jean-Philippe [4].
Intelligent. Séduisant . mais qui risque de tout manquer. Et je ne peux
rien faire pour lui que prier. PRIER.
Emmanuel [5],
passionné, sympathique – je veux tout et tout de suite. Une carrière où il aura
des responsabilités, des contacts, où il bougera, où il sera debout. Certes,
beaucoup veulent cela inconsciemment. Mais l’entendre dire et proclamer dans la
bouche d’un garçon de 15 ans. Comme on se sent pauvre et incapable de lui dire
ce qu’on voudrait lui dire. Comme on est impuissant à le conseiller, à l’aider
à choisir. Il est vrai que pour l’instant, il n’y a pas à choisir, mais à vivre,
à découvrir, à acquérir le sens de Dieu, l’intuition de Dieu à l’œuvre dans
notre vie quotidienne. Encore une fois prier pour lui, l’entourer d’affection.
Avait déjà lu le grand Meaulnes, comme Jean-Philippe d’ailleurs.
*
*
*
Ce soir, messe à 18 h 15 à
Saint-Philippe. Communion. Coup d’œil au panneau d’affichage de l’ENA.
Téléphoner à la maison. Dîner chez les D.
Peut-être vas-tu bouleverser
ce petit programme, Seigneur ? Peut-être vas-tu boulevser ma vie,
Seigneur ? In manus
tuas, Domine, commendo spiritum vitamque meas.
Depuis que j’ai quitté
Solesmes, il y a en ce moment exactement une semaine, BESOIN DE PRIER, BESOIN DE DIEU comme jamais je ne l’avais connu encore
autant ressenti. Je ne peux plus me passer de Dieu. Capture de Dieu. Même quand
je ne pense plus à Lui (ce qui se trouve la plupart du temps), j’en garde la
nostalgie. Je ne peux plus vivre sans Lui. Lui seul peut me donner la vie,
l’Amour le, Bonheur. Lui seul peut se donner à moi, qui suis pécheur, impur,
égoïste, voleur, qui suis misérable et orgueilleux.
Mon âme attend plus
sûrement le Seigneur, qu’un veilleur n’attend l’aurore.
Ce qui compte, ce ne sont
pas les fautes passées, avouées ou inavouées et dont j’ai le grand remord, car
elles ont taché ma vie et m’ont éloigné de Dieu ? mais c’est l’acte que je
vais faire et qui déplaît à Dieu, c’est ce que je vais refuser au Seigneur,
c’est ce que je vais refuser à son amour, c’est cette coupure, c’est ce non,
que je dirai. Tout le reste n’est que désespérance. Alors que Dieu est Amour. Quoniam in aeternum misericordia
ejus !
________________________________
01 h 45
Dîner chez les Davout.
Rentré tard à la maison.
Reçu à l’E.N.A. 44° sur 62
Guère de joie,
d’enthousiasme. Cette absnece de réaction de ma part, m’étonne d’ailleurs.
J’aurai cru que j’aurais été plus heureux. J’ai même été un peu déçu par ma
place… J’aurais été consterné d’être collé. Mais je m’étais fait à l’idée
d’être reçu en somme [6].
Bien qu’intellectuellement, je me rende compte que c’est satisfaisant (quoique
certains : Fontrojet, Faure, ne m’aient pas fait forte impression). Je
suis content et sans plus. Je sens trop que rien n’est résolu. Maman me
disait : tu as ce que tu veux [7].
Mais précisément, l’ENA, et même peut-être la diplomatie – toutes ces
carrières, ce n’est pas ce que je veux. Je ne sais d’ailleurs pas ce que je
veux. Et c’est ce qui fait mon insatisfaction. J’ai surtout besoin de voir
clair. De savoir si Dfieu m’appelle. Le fait d’être admis à l’ANE ne me comble
pas, ne m’unifie pas. Je ne sais pas davantage ce que sera ma vie.
Ce soir, aussi paradoxal que
cela soit, un peu de cafard, de tristesse. Alors qu’on pourrait croire que
c’est un aboutissement, un succès auquel j’ai travaillé depuis des années, il
ne s’agit, j’en ai l’impression, que de quelque chose comme un peu petite, peut-être très importante, mais
qui n’est pas l’essentiel. Je snes bien que je devais être reçu. Plus pour mes
qualités et ma personnalité que pour le travail réellement fourni. Et puis, je
récolte un peu le temps passé à la
Troupe, et tant de gens (scouts, parents, amis) oint souhaité
ce succès. Et pourtant je ne suis pas heureux ce soir. D’ailleurs, c’est le
signal du départ. Arrachement plus ou moins proche d’avec la famille, les
parents, les scouts [8].
Maman avait du chagrin ce soir.
Peut-être parce que – moi partui – elle n’aura plus personne à qui faire
confiance. C’est au moins ce qu’elle dit. Je le comprends bien. Et me rends compte
combien le dialogue avec Papa est difficile à renouer, et peut-être c’est le
dialogue durable et possible. J’ai bien conscience que je laissera un grand
vide et que Claude [9] et moi, avons été les
espérances de Papa et Maman. Et puis aussi, j’aurais dû avoir l’air plus
heureux devant eux, plus satisfait. J’ai dû leur faire de la peine, et
cela me fait du chagrin. Comme ils accepteraient mal, comme ils seraient
révoltés (Maman surtout), si j’entrais dans un ordre religieux. Ce serait pour
eux, un effondrement. Ce soir est bien triste.
Seigneur, prends ma peine et celle des
miens.
Fais que je m’abandonne à ta volonté,
que je t’aime dans l’ENA et ses
carrières,
si c’est cela ton dessein sur moi.
Seigneur, je suis pauvre et triste
Aie pitié de moi et des miens.
De moi qui ne suis nullement comblé
qui vais être séparé de tous ceux que
j’aime,
qui tourne une page de ma vie, une page
que j’ai
beaucoup savourée et longuement
contemplée.
Fais-moi entrer hardiment dans ton
inconnu.
Aie pitié de moi. Viens à mon secours.
Des miens que je vais quitter,
dont l’équilibre va être difficile à
trouver,
des miens que j’aime par-dessus tout,
que je voudrais heureux et unis.
Des miens qui ne sont peut-être pas
préparés
à accueillir ta volonté sur moi.
Seigneur, fais de moi ce que
tu veux
Loué sois-tu pour ce résutat
Loué sois-tu à travers cette
tristesse de ce soir
à travers la joie de demain,
à travers les jours que tu
me donneras.
Loué sois-tu, quoi qu’il
arrive,
Pourvu que tu ne
m’abandonnes pas.
Faire action de grâces pour
ce résultat. Rendre heureux Papa et Maman, en étant heureux de ce résultat (ce
que je suis quand même).
De toute mon âme, de tout
mon esprit
Kyrie Eleison
Kyrie Eleison
Kyrie Eleison
Christe Eleison
Christe Eleison
Christe Eleison
Kyrie Eleison
Kyrie Eleison
Kyrie Eleison
Un succès est peut-être plus
lourd à porter qu’un échec. Si le succès doit être ma croix, Seigneur, fais-la
moi accepter. Donne-moi d’être simple et joyeux, donne-moi de m’émerveiller de
ce résultat, de m’en réjouir puisque c’est ta volonté évidente.
Ce que Dieu me demande pour l’instant
– surmonter grâce à Lui, cette tristesse
et ce cafard, et rendre heureux les autres
– Le louer pour ce résultat et l’en remercier
– m’en remettre à Lui pour tout
+
[1] -
c’est l’époque à laquelle il reste d’obligation d’être à jeun depuis minuit,
pour pouvoir communier. Les décrets conciliaires changeront complètement cela,
au moins en discipline, au point de nous faire perdre toute tempérance avant
d’aller censément nous recueillir
[2] - à
l’occasion des dix-huit ans de mes soeur et frère jumeaux :
Marie-Charlotte et Hugues, elle est donnée par mes parents, en compagnie des
C., et marque familialement le retour (qui s’avèrera précaire en 1967) à une
certaine aisance, que nous avions perdue plus de deux ans auparavant :
dettes de jeux de mon père, dont nous découvrions l’addiction. Déménagement
pour obtenir une « reprise », de l’appartement de nos enfances 21
boulevard de Beauséjour à la
Muette, dans l’ouest parisien et emménagement très à
l’étroit, 148 avenue de Wagram. Nous voici aussi grandement réinstallés (j’ai
de nouveau une chambre grande et qui me plaît) : 2 avenue Hoche en
adresse, en fait le long de la rue de Courcelles, devant le parc Monceau et sa
grille grandiose
[3] -
cousin de Laetitia de V., qui m’a occupé de cœur à partir de l’été 1960 :
« rallye cours de danse » puis, dans le suite, de nombreuses soirées
dansantes ensemble
[4] - de V.
aussi – du même cours de danse à nos seize-dix-sept ans ; sans en être
conscient, je crois bien l’avoir désiré physiquement ; nous retrouvant en
séjour linguistique en Angleterre, l’été de 1958 ? mais assez loin l’un de
l’autre, nous sommes allés à Hastings, divers lieux publics « interdits
aux chiens et aux Français » et avons tenté de faire passer le temps dans
un cinéma projetant un film naturiste ; jeunes et ultra-pudiques, nous
nous sommes vite enfuis
[5] - un de « mes »
scouts à la 119ème-121ème Paris, grand nom de la noblesse
d’Empire – des parents attentifs et chaleureux, songeant peut-être à moi
pour leur jeune fille Hélène
[6] - je
l’ai été sans préparation, généralement d’une année à l’époque, pour ceux qui
sortaient de Sciences-Po. –
admissible 20ème sur près de mille candidats, ai-je su
ensuite : j’ai donc été « mauvais » à l’oral
[7] -
elle me l’a dit aussi, à ma nomination, si peu de mois avant sa mort : tru
aimes bien quand même qu’on te dise : « Monsieur
l’Ambassadeur » - je crois que j’étais alors dans le même état d’esprit qu’à
l’automne de 1964
[8] - le service militaire
que, depuis la fin alors récente : Juillet 1962, on commence de
dire : national
[9] - mon frère aîné de dix
ans, né au Caire en Décembre 1933, alors interne des hôpitaux de Paris .
hôpital Foch
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