J’ai touché la vitre, j’ai touché le
soleil
exergue de première page
La continuité devient extrêmement difficile quand il
n’existe pas de sens du corps, c’est-à-dire le sens d’une réalité plus grande
que moi, qui vaut la peine d’être vécue, à laquelle j’appartiens et dont je me
sens fier, sûr, heureux.
Jorge Mario Bergoglio . futur
Pape François – Exercices spirituels * (Parole et Silence .
Février 2016 . 239 pages) p. 66
Lorsque nous nous demandons l’héritage que nous souhaitons
laisser, nous devons prendre conscience de ce principe ignacien : ceux qui
nous suivent seront ce que nous leur avons montré… et nous devons leur montrer,
par notre vie, ce que nos premiers pères ont osé nous montrer. Ibid.
p. 71
Le referendum de la
saint-Georges semblait une habileté, il divisait l’opposition, rendait la main
au président de la République alors que le Premier ministre, plus brillant et
communicant que lui, se trouvait en difficulté à propos de sa feuille d’impôts,
publié par le Canard enchaîné : Jacques Chaban-Delmas ne payait pas
d’impôt et Valéry Giscard d’Estaing, son évident concurrent quand il y aurait à
succéder à Georges Pompidou, se chargeait d’exppliquer la parfaite légalité de
cette exemption : un avoir fiscal. J’avais commencé à suivre attentivement,
quotidiennement, la politique. sans doute, depuis mon entrée rue
Saint-Guillaume, il y avait Le Monde,
mais sans que je l’interroge : une observation sans question rapporte
moins que l’attente d’un événement, d’un indice. L’exposé des motifs, si complaisant,
qu’avait longuement donné l’ancien Premier ministre du général de Gaulle, et
vraiment selon cet honorariat, publiait la question que mon chagrin puis ma
nostalgie avaient imprimés en moi depuis trois ans déjà.
Le papier parut. L’Humanité
en publia un extrait dès le lendemain : j’avais évoqué les communs combats
des gaullistes et des communistes contre Vichy, contre la C.E.D., l’O.A.S.
J’acceptais dès ma première publication que le trait soit grossi. La première
personne du pluriel ryhtmait l’article, fit croire à du monde et – le
referendum étant de résultat très mitigé, ne convainquant qu’une minorité des
électeurs inscrits – les observateurs et d’abord le président régnant
conclurent que Georges Pompidou perdait des voix dans sa famille, qu’il était
donc contesté en légitimité et en succession. Ecrire la suite était simple,
l’autorité incomparable du Monde me
faisait admettre par Combat qui
existait encore à quelques milliers d’exemplaires, par la Croix, par des revues importantes : Etudes, Défense nationale.
Quand je paraissais, des radios l’évoquaient. Soutenir le Premier ministre en
difficulté qui tentait de se maintenir selon la majorité parlementaire, mais
non plus par le vœu présidentiel, était logique et contester que Georges
Pompidou, absent de la France combattante et pas du tout résistant, inaugure la
croix de Lorraine au-dessus de Colombey-les-deux-églises, permettait le
lyrisme. Des lecteurs m’écrivaient, des camarades ou des anciens de l’Ecole
nationale d’administration protestaient auprès du directeur qui, pour me donner
quelque raison ou appartenance accompagnant la signature que – décisivement –
je lui devrai toujours, en libellé et en notoriété, mentionnait l’E.N.A.
Un premier article n’inscrit
pas dans le marbre. Le second importa beaucoup, à deux points de vue. Il fut
publié par le journal, mon angle d’attaque ne pouvait être le sien puisqu’en
principe Hubert Beuve-Méry n’avait jamais voulu être compté parmi les soutiens
du général de Gaulle, alors qu’il lui devait pourtant Le Monde, mais c’était sans aucun doute, dans la conjoncture
d’alors, le plus efficace. Alain Peyrefitte a attesté que mes chroniques
exaspéraient Georges Pompidou : j’avais donc le lecteur que je visais. A
sa mort, je lui rendis hommage, sa relation à l’homme du 18-Juin reste si dense.
A la Pentecôte de 1972, j’avais adressé un même propos au Monde, et aussi au Nouvel
Observateur car je n’étais pas du tout sûr que se renouvellerait le
premier accueil, et je tenais à ce nouvel article : c’était la faute d’un total
ignorant des usages de ce monde où finalement je ne suis jamais entré.
L’hebdomadaire de Jean Daniel s’apprêtait à le faire sien, quand il fut doublé
rue des Italiens. Jamais, je n’ai pu y être ré-accueilli. Eussè-je bénéficié
d’une longévité dans nos organes de presse jusqu’aujourd’hui ? car Le Monde n’a – pour moi – duré que dix
ans. De temps à autre, il semble que je sois au point d’être publié, et l’oued
se perd, ma réflexion n’a que moi comme diffuseur. Quand elle avait le soutien
de Jacques Fauvet, son effet me faisait participer à la vie politique comme si
j’avais eu une fonction m’y établissant. L’appréciation qu’en Juin 1972, je
proposai sur le Programme commun de la gauche – très balancée – m’opposa à
Pierre Joxe et demanda l’arbitrage de Georges Vedel, ce n’était pas rien, mais
coincidant – en parution – avec mon premier passage devant le jury du concours
d’agrégation de droit public, elle me barra. Je contribuai aussi à éteindre le
débat sur les institutions quand allait se renouveler l’Assemblée nationale.
Cette collaboration, qui
figura même dans les organigrammes publiés du journal, m’a alors appris ce que
mes scolarités et études supérieures ne pouvaient m’enseigner. J’énumère. Evidemment,
la jalousie de certains n’étant pas publiés ou bien moins. La considération que
mes camarades me portèrent ne tint jamais à mes démonstrations, mais au support
de celle-ci : Le Monde que
j’avais donc, selon toutes apparences, quasi-annexé ou converti à ma façon de
lire passé, présent et avenir selon le général de Gaulle… C’était une école
pratique, que je n’avais jamais envisagée d’intégrer et dont la discipline ne
m’a plus quitté. Les médias audio-visuels, aussi des conversations ou
entretiens avec des tiers ou avec de grands collaborateurs du père fondateur,
une échéance me mobilisaient. Il fallait écrire dans l’heure, le bouclage et la
décision de publier se jouaient à des heures qui me furent indiqués et je
déposais l’article, au nom du directeur, dans la nuit, puis – encore mieux
introduit – je le dictai aux sténographes. Le plus souvent ma réplique au
président de la République, quel qu’il fût, ou mon soutien – François
Mitterrand – était dans les kiosques dans les douze heures de son écriture. Il
arriva que la Chine tentant de franchir la frontière vietnamienne et l’Union
soviétique avançant aussitôt ses pièces, je compris que pour la première fois
depuis 1939, il y avait peut-être un renversement possible des fronts et des
habitudes d’hostilité. J’étais dans le train roulant de Paris à Lisbonne, mon affectation
diplomatique, et parvins à dicter, fragment par fragment, à chaque gare d’arrêt
en Catalogne, le papier. Je commençai surtout d’accumuler une mémoire précise,
constamment tenue à jour, de tout ce qui pouvait argumenter ma foi et mes
propositions, car le procès en fidélité avait cessé à la mort de Georges
Pompidou et l’avenir promettait de durer. L’histoire contemporaine, je la
composais selon l’actualité et je n’ai jamais cessé : discernement de fils
conducteurs, de dialectiques et d’alternatives autant qu’une documentation.
Intellectuellement stimulé par les précédents si nombreux qu’avait posés de
Gaulle pendant trente ans, je commençai aussi d’imaginer et de proposer le
souhaitable, le démontrant possible.
L’exercice que je continue
encore – à défaut d’être publié, j’impose ma lecture depuis une dizaine
d’années au premier collaborateur du président régnant, le secrétaire général
de l’Elysée, par courriel après qu’un temps j’ai usé de la télécopie (les
numéros d’ailleurs à Matignon et rue du Faubourg-Saint-Honoré n’ont pas changé
depuis vingt ans) – est un exercice indépendant. Je n’ai aucune précaution à
prendre, je ne suis candidat à rien, je n’appartiens à aucun groupe, parti,
personnalité. Cela ne fait pas une carrière politique – je sais d’expérience,
tout en feignant de croire à quelque écoute nouvelle quand le mandat
présidentiel change de titulaire, que la qualité du propos ne fait recevoir
celui qui l’énonce, mais la position ou le hasard. A la suite du referendum
d’Avril 1972, si peu concluant pour celui qui avait cru en recevoir une
légitimité plus forte que celle de son élection présidentielle assez forcée en
Avril 1969, Jacques Vendroux, me recevant, imaginait quelque coordination pour
les remontrances à adresser à Georges Pompidou. J’en aurais été le zélateur.
Pourquoi pas ? Je fut témoin d’un début de carrière politique, qui n’a pas
été le mien. Tandis qu’entre le Bois de Boulogne, versant de Neuilly, et
l’hôtel particulier, sans apparence extérieure, d’André et de Liliane
Bettencourt que je rencontrerai aussi : l’ancien ministre, je me faisais
vraiment féliciter pour mes papiers et positions, Michel Debré, ministre
d’Etat, chargé de la Défense nationale, téléphona à l’illustre beau-frère pour
lui demander – en toute simplicité – de donner à l’un de ses fils, magistrat
quelconque, la mairie de Calais si et quand il devait l’abandonner. Rien ne se
conclut cet après-midi là, ni l’institution du groupe de récalcitrants, ni le
passage de relais à Calais. Jean-Louis Debré a occupé depuis des postes et
positions où à défaut de faire bien ou beaucoup, on voit et entend beaucoup de
gens, c’est-à-dire beaucoup de choses. Un de mes regrets de n’en avoir jamais
reçu aucune, est bien de n’avoir donc bénéficié d’aucun point de vue ni
d’aucune expérience dépassant la culture et l’information d’un simple citoyen
du rang. Mais, admis au secret et dans quelques cercles, aurais-je gardé la
spontanéité de mes jugements et même mon échelle de valeurs ?
Publié et soudain voyant,
passant pour bien plus que je n’étais, je gênais à mes débuts les bienséances
de la succession à de Gaulle, quelques parcours précis, ainsi celui de Gaston
Palewski, président du modeste Institut Charles de Gaulle, vite établi, au 5
rue de Solférino : il me fut dit que l’Elysée souhaitait une neutralité, à
défaut d’un soutien politique. Or, j’y travaillais sans qu’il y ait
d’organigramme, j’y copiais d’ailleurs les enregistrements magnétiques de
toutes les interventions du Général et animais un groupe d’études sur la presse
vis-à-vis de de Gaulle. Un peu plus tard, ce ne fut plus la critique mais le
soutien qui faisait également un courant d’idées, alors que j’étais aussi seul
qu’en postant mon opinion sur la saint-Georges. Soutient à l’investiture de
François Mitterrand, préféré de justesse à Michel Rocard par le congrès de Metz
à six mois du terme de 1981. Factuellement, ces succès et cette notoriété ne
valaient que répétés. Ils n’ont pas fait un héritage, encore moins un socle.
Ils ne m’ont pas fait adopter par des maisons d’édition. Je fis d’ailleurs une
erreur du même genre et de même conséquence qu’avec le Nouvel Observateur quand, à l’automne de
1976, voulant répliquer à l’essai politique : Démocratie française, que publiait Valéry Giscard d’Estaing, je me
trouvais sur de la Chaise entre Ramsay et Jean-Erden Hallier : mon
manuscrit, prêt de dispositif, mais à argumenter selon une lecture immédiate du
livre, était déjà évalué par eux, et Grasset, par Bernard-Henri Lévy, à six
mois de la célébrité, donc encore inconnu, en avait eu connaissance par un de
mes seuls camarades de la rue des Saints-Pères. Grasset ne tient pas la course,
de peur d’offenser le pouvoir et je choisis le battant. J’ai eu tort, l’édition
tarda qu’il eût fallu immédiate, Ramsay puis les éditions du Cherche-Midi existent,
mais les invendus des éditions Hallier ne sont pas même restés disponibles. Mon
succès fut d’estime : formule. Il me fit figurer à une dédicace de livres
où l’ordre alphabétique me faisait asseoir entre André Frossard et Jacques
Faizant. Celui-ci me commenta les mains de son confrère du Figaro, le « cavalier seul », quand elles manièrent la
recette en espèces. Intéressant.
Reniac,
jeudi 2 Juin 2016 . 17 heures 50 à 19 heures 40
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