dimanche 23 décembre 2012

commencer de lire Jean-Christophe Rufin

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Pour être tout à fait juste, je dois dire que cette nouvelle lumière portée sur ce qui m’agitait intérieurement ne jetait pas la moindre clarté sur mon avenir. Je savais mieux ce que je voulais, cependant je n’avais encore aucune idée des moyens que j’utiliserais pour y parvenir.

J’exalte la volonté, mais je crois d’abord au destin. On ne peut travailler que sur la matière qu’il nous offre. Notre matériau brut c’est l’imprévu, la chance, le hasard. [i]

La soirée dégénéra. Kouchner se défendit à sa manière : debout dans l’assistance, en ferraillant avec humour et mordant. C’est un homme de scène. Il a toujours rêvé d’être chanteur et lorsqu’il s’exprime, on sent qu’il prend plaisir à moduler sa voix, à faire vibrer les émotions de ceux qui l’écoutent, autant par la mélodie de ses paroles que par leur sens. Face à la mitraille anonyme des aparatchiks, ce combat avait quelque chose de sublime et de dérisoire. Tout un chœur d’amis et d’amies s’est élevé de l’assistance pur redoubler sdess protestations et faire écho à sa tirade, comme dans une tragédie grecque. Mais la partie était perdue. Toujours debout, toujours déclamant, Kouchner, vaincu, écoeuré, incrédule, se dirigea vers la sortie, franchit la porte. Il fit station longuement sur le petit palier à l’extérieur. Une de ses admiratrices en furie hurlait dans la salle, allait et venait du palier où elle s’efforçait de le faire revenir et couvrait d’invectives les conjurés livides. [ii]

J’ai découvert le monde littéraire avec autant de curiosité qu’un navigateur débarquant sur une île inconnue. C’est un petit milieu plein de pittoresque, peuplé ans son immense majorité d’êtres intelligents, délicats et sensibles. Ils font en général bon accueil à l’étranger et d’autant plus qu’il vient de loin. Leur appétit les porte à désirer sans cesse consommer des chairs nouvelles, mais dont ils se dégoûtent vite. Autant leurs relations avec les nouveaux venus ou les gens d’autres continents professionnels sont cordiales, autant les haines qui les divisent sont profondes et violentes.  L’écart est frappant entre la modestie des événements qui la causent et la vigueur de cete détestation. Un article désobligeant, un vote négatif dans un prix littéraire, voire, parfois, la simple adhésion à une école, un courant, un groupe d’auteurs que l’autre n’aime, et se crée pour des années une guerre entre deux personnes qui ne se sont peut-être jamais rencontrées. Tout étranger que je fusse, je n’échappai pas à l’obligation de me ranger dans une catégorie, donc de me rendre odieux à ceux qui n’en partagent pas les principes. Inclassable lors de mon apparition, je fus progressivement catalogué à partir d’informations rapportées du monde extérieur. [iii]

Cette expérience de l’action est un grand atout pour le romancier. Car raconter une histoire, c’est plonger le lecteur dans l’incertitude du moment présent,  c‘est restituer les choix de ses héros, dans l’ignorance où ils sont de ce qu’ils vont devenir. L’auteur n’est pas naturellement placé da,s cette situation. Quand il raconte une histoire, il en connaît généralement la fin, puisque, souvent, c’est lui qui l’a déterminée. Grande est la tenattion de conférer aux personnages la même clairvoyance. Ce faisant, on les juge. On est sévère avec leurs erreurs, on leur ôte toute excuse à se tromper. Avoir vécu l’ambition du présent permet de traiter ses héros avec une tendresse, une bienveillance qui procède de ce que l’on a, avec eux, l’humanité en partage. Nous cheminons dans nos vies comme des aveugles. Le romancier ne doit jamais l’oublier.

C’est particulièrement important lorsque, comme je l’ai fait, on choisit de raconter des histoires où les héros vivent une aventure personnelle sans cesse confrontée, en arrière-plan, à la grande histoire de leur époque. Cet aller-retour entre l’infiniment petit de la vie intime et l’infiniment grand des événements collectifs constitue pour moi le défi du romanesque. Flaubert identifiait cet équilibre entre les deux plans comme l’exercice le plus difficile à réussir. Ceux qui y sont parvenus ont écrit, pour moi, les plus grands romans. [iv]

Il ne me servait à rien de multiplier les expériences, d’accumuler les perceptions, les rencontres, si je n’étais pas capable d’aller au-delà des idées abstraites, des concepts, pour comprendre intimement ce que je faisais et ce que je voyais. Il me fallait percer le vernis du rationnel et aller olus au fond des choses, jusqu’à révéler, leur complexité, leur ambivalence, leur humanité. Cette voie s’appelait la littérature. Je ne le savais pas encore. [v]


[i] - Jean-Chrstophe RUFIN, Un léopard sur le garrot . Chroniques d’un médecin nomade (Gallimard .Février 2008 .  284 pages) pp. 136.137

[ii] - op. cit. p. 164, séance de Médecins sans frontières

[iii] - op. cit. pp. 254.255

[iv] - op. cit. pp. 280.281

[v] - op. cit. p. 210

jeudi 20 décembre 2012

autre nouvelle de mon ami talentueux - Isselmou Oud Mohamed Lemine Abass

L'enfant et l'oasis
(Nouvelle)
Leurs derniers compagnons n'eurent pas de sépulture.
Ceux qui les avaient précédés au paradis avaient été dûment ensevelis selon les rites de l'islam. Ils avaient eu droit à un linceul de linge immaculé, une toilette soigneuse et une prière pieusement conduite par le père de l'enfant. Ils avaient eu droit aussi à quelques larmes, paresseuses certes, mais de vraies  larmes tout de même, comme il s’en pouvait arracher à des yeux atteints par la soif, la faim et la fatigue. Eux n'eurent rien de tout cela. L'enfant et son père les abandonnèrent aux vautours et aux chiens sauvages. Qu'auraient-ils pu faire d’ailleurs pour une demi-douzaine de cadavres éparpillés dans le sable?
L'enfant ne posa pas de question quand son père l'entraîna loin de ce cimetière à découvert. Il savait ce dernier fragilisé par la tournure que prenait leur aventure et lui épargna la peine d'en parler. Aucun soupçon de larme n'embua son regard, mais quelque chose d'ineffable se noua dans sa gorge, en même temps que dans sa mémoire remontaient les faits, crus comme s'ils se passaient toujours.
***
Ils étaient encore des centaines, des milliers même et ils marchaient. A les voir on aurait dit des automates. Ils levaient la jambe droite, la reposaient puis, de la gauche faisaient la même chose. L'enfant les suivait comme tiré par une bride invisible.
Depuis quand marchaient-ils ainsi ? Il ne savait plus, tout comme il n'avait jamais vraiment su pourquoi ils s'entêtaient à poursuivre leur marche. Son père ne lui parlait presque pas. Il avait seulement dit, un jour que l'enfant le pressait de questions:
- Nous irons jusqu'au bout. Rien ne nous arrêtera.
Puis, après un silence méditatif :
- Notre oasis originelle nous attend. Elle nous réserve toutes les joies que nous avons ratées jusqu'à présent.
L'enfant avait alors compris qu'il n'aurait pas d'autres explications et il s'était tu, méditant l'insolite de l'aventure qu'il vivait malgré lui.
Parfois, un marcheur, le prenant en pitié, le portait sur ses épaules. Il pouvait alors admirer l'immensité angoissante du désert et l'ondulation des crêtes de dunes nues sauf des traces du vent. Le plus souvent, il marchait derrière la horde, les yeux agacés par la poussière que celle-ci soulevait. Son père ne s'éloignait jamais de lui et quand il brisait le silence, c'était toujours pour l'encourager :
- Encore un peu, fiston. Nous sommes presque arrivés. Regarde ! L'oasis est derrière cette grande dune.
Et l'enfant regardait dans la direction indiquée, et chaque fois il voyait la même dune haute, si haute qu'elle en paraissait toucher le ciel. L'oasis, elle, persistait toujours à se cacher dans l'immensité sableuse.
Amertume des rendez-vous manqués, blessure des espoirs étouffés, douleur des joies sans cesse remises à plus tard. Mais ils marchaient, inlassables. La certitude qui les animait gagnait parfois l'enfant.
Pourtant, il regrettait la Cité de son enfance. Il n'en gardait certes que des bris de souvenirs brumeux, des bruits de plus en plus confus et quelque lumière s'éteignant, mais il la regrettait  quand même car, là-bas, il avait été heureux.
La Cité était haute et écoutait la mer battre à ses pieds, soumise. Elle vivait le jour de ses bruits où le gazouillis des oiselets donnait la réplique aux explosions des moteurs à essence, la nuit de ses lumières multiples, qui renvoyaient l'obscurité au loin. La Cité. Une symphonie maintenant en decrescendo, un jour sans cesse réduit.  L'enfant aimait le jour ; il adorait la Cité. Il ne pensait pas qu'on puisse l'en séparer. D'ailleurs, il la croyait unique au monde ; comme si elle était le lieu même.
Et cette oasis qu'il espérait depuis le premier jour et qui se plaisait méchamment à se cacher, il n'en soupçonnait même pas l'existence. Au fait, existait-elle vraiment ou n'était-elle qu'un rêve de fuyards déboussolés? Etait-elle réellement éblouissante comme on la lui décrivait ou ressemblait-elle à ces ruines hideuses dont les images peuplaient ses livres d'histoire ?
***
Elle avait surgi dans son existence par un matin de feu et de sang et, depuis, elle n'avait cessé de s'imposer à lui avec la force de l'incontournable.
Ce jour- là, son père était venu le prendre à l'école, bien avant la fin de la classe.
- Partons d'ici, avait-il dit, avant de l'entraîner dans une course folle à travers les rues.
C'était si rapide que tout autour d'eux avait l'air de courir : les arbres, les bâtiments, les voitures garées ; tout courait. Les rues étaient jonchées de cadavres sanguinolents, les immeubles à moitié éventrés ou entièrement démolis, et les habitants affolés la bouche pleine d'un cri de terreur. Une atmosphère d'apocalypse s'abattait soudain sur la Cité.
Lui, ne comprenait rien. Il courait trop vite pour ses jambes menues et son cœur battait une chamade à lui rompre la poitrine. Son père haletait comme un animal traqué mais il courait toujours plus vite.
A la sortie de la ville, ils avaient rejoints d'autres fuyards et, avec eux, ils avaient couru toute la matinée et une grande partie  de l'après-midi. Au crépuscule, ils s'étaient rassemblés dans une cuvette et avaient écouté un long discours improvisé par un orateur spontané. L'enfant n'avait pas entendu le début de cette harangue, tellement ses oreilles bourdonnaient encore des fracas de la Cité en guerre et du sifflement du vent de la fuite.
" -…cette vie-là n'est pas faite pour nous. Nous voulons désormais nous débarrasser de la honte. Ceux qui n'ont pas voulu répondre à l'appel des racines sont morts. Tant pis pour eux. On n'a pas le droit de vivre quand on a trahi les ancêtres !…C'est nous qui avons vaincu parce que nous allons enfin quitter cette contrée maudite et retrouver les parfums de l'oasis séculaire. L'aventure insensée de la dénaturation a pris fin ! Nous sommes maintenant un peuple réconcilié avec lui-même et nous allons retrouver l'oasis de… "
Une clameur était alors montée des rangs de l'auditoire jusque-là  religieusement attentif et l'orateur avait rétorqué, catégorique :
- On ne perd jamais le chemin de l'oasis originelle. Il est tracé dans notre mémoire, inscrit dans notre sang.
Puis, autoritaire :
- En avant ! Sur la baraka d'Allah !
Et le groupe s'était ébranlé en direction de l'orient, alors que le soleil se couchait dans un rougeoiement sinistre.
***
Ils avaient marché la nuit entière et tout le jour suivant en silence, puis une joie presque enfantine les avait pris et ils s'étaient mis à chanter ensemble ou par petits groupes. La poésie s'était mise à couler à flot de leur bouche et chaque improvisation s'accompagnait d'applaudissements  et de cris admirateurs. Il y en avait même qui, pris d'une ivresse que seule le bonheur peut procurer, esquissaient des pas de danse indifférents aux rires moqueurs que leur gaucherie provoquait chez d'autres. Cela  avait duré des jours et des jours.
Chaque nuit, avant de s'endormir, l'enfant écoutait l'un des adultes lui raconter une histoire de guerre ancienne, ou un épisode de la sira du prophète. Il s'endormait toujours avant la fin et, la nuit suivante, quelqu'un d'autre lui racontait une histoire différente. Au début, ce n'était pas agréable, mais l'enfant avait fini par s'habituer à ces histoires inachevées. Il les avait accumulées comme il avait pu dans sa petite mémoire. Ne vivait-il pas lui-même une histoire qui ne prenait pas fin? Cette randonnée à travers l'infini, cette horde de fugitifs qui, la sueur de la débandade ruisselante sur le front clamaient leur victoire… et cette oasis évanescente…
Il y avait eu des discussions, des bagarres parfois. Personne ne savait plus quel chemin il fallait prendre ; il n'y avait pas de repères dans le sable nu. Certains membres du groupe avaient proposé d'envoyer des éclaireurs, mais personne n'acceptait de s'aventurer seul dans le désert implacable de peur de s'engager dans l'un des milliers de chemins qui ne menaient nulle part. D'autres avaient essayé le ciel mais lui non plus n'avait presque plus de balises. Seules quelques rares étoiles souvent étouffées par les vents de sable qui n'arrêtaient pas de souffler y scintillaient faiblement. On était même allé jusqu'à vouloir s'en remettre à l'intuition de l'enfant. Ceux qui proposaient cela voulaient bander les yeux de celui-ci, le faire tourner sur lui-même plusieurs fois puis l'abandonner. La direction qu'il aurait suivie aurait été la bonne. Comment pouvait-on jouer à ce jeu alors qu'on décidait de la vie d'hommes, de femmes et d'enfants encore en bas âge ? ! ! Après maintes palabres souvent houleuses, les marcheurs avaient décidé de se fier au soleil, et ils avaient marché tout droit dans la direction du levant.
Et toujours le père de l'enfant l'avait encouragé:
- Encore un peu fiston. Nous sommes presque arrivés.
Et toujours l'oasis était demeurée invisible.
Puis il y avait eu des désistements. Nombreux sont ceux qui, las de marcher sans arriver à un but, avait bifurqué ou rebroussé chemin, sous la huée des meneurs de la procession.
Puis il y avait eu des morts. L'enfant se souvenait encore du premier d’entre eux. C'était un homme d'une quarantaine d'années. Il l'avait remarqué dès les premiers jours, car il parlait peu et ne semblait pas trop croire à l'enthousiasme de la horde. Il suivait les autres, le regard dispersé comme s'il surveillait une présence vaguement aperçue à point de l'horizon indéterminé. L'enfant avait vite eu de la sympathie pour lui. Une nuit, l'homme s'était porté volontaire pour le bercer et il avait été fort heureux. Il l'avait donc écouté raconter, avec une verve proche du délire, l'histoire des Mourabitines, ces berbères qui envahirent une partie de l'Afrique de l'ouest, détruisirent ses plus grands empires animistes et l'islamisèrent, avant de remonter vers le nord fonder un royaume et asseoir une dynastie. L'homme avait raconté Aboubekr Ibn Amer,  Youssouf Ibn Tachefin et Abdallah ibn Yacine. Il avait raconté l'île de Tidra maintenant abandonnée aux oiseaux de mer et aux gifles des alizés. Il avait raconté tous les noms de lieux qui conservaient encore, gravée dans leur résonance sanhaja,  les relents de cette belle histoire qui fuyait de toutes parts comme une outre crevée. Il avait tenu à achever son récit par la mort d'Aboubekr. L'enfant s'était endormi une fois, mais il l'avait réveillé :
- Tu sais, petit, il faut que tu écoutes mon histoire jusqu'à la fin. Il n'y a rien de tel pour installer le doute que les histoires inachevées.
Et il avait raconté jusqu'à l'aube.
***
Il mourut par un jour exécrable.
Le vent soufflait de toute part, charriant des blocs de roches entiers. Les griffes de la mort l'agrippèrent alors qu'il se préparait à prier le dohr. Ce fut le père de l'enfant qui remarqua le premier que l'homme qui parlait peu avait un malaise. Ses yeux viraient déjà au bleu et il délirait.
" - J'ai été trahi. Ils m'ont dit que l'oasis n'était pas loin et qu'on y arriverait après une semaine de marche. Ils m'ont dit qu'elle était belle comme le regard d'une houri et que j'y retrouverai mes sources, ma famille, mes biens. Maintenant je vais mourir et l'oasis n'est pas plus proche que les premiers jours. Ils ont menti. Ce n'est pas musulman de mentir. Ce n'est pas humain de lustrer pour les autres des avenirs qui n'arrivent pas. Où est l'enfant ? Appelez-moi l'enfant ! Dites-lui  que le sable a enseveli l'oasis. Dites-lui que le sable ne rend pas les oasis qu'il engloutit. Où est l'enfant ? Que je le lui dise moi-même ? Dites-lui, s'il vous plaît ! Dites… "
La mort éteignit les mots sur ses lèvres, en même temps que le dernier brin de lumière quittait ses yeux. Ils l'enterrèrent un peu avant le crépuscule et sur leurs visages s'inscrivait déjà la peur d'être le suivant car, ils le savaient, la mort ne frappait que pour la première fois. L'eau manquait, les provisions aussi. La fatigue usait leurs corps chaque jour un peu plus férocement.
Et il y avait eu d'autres morts. Deux d'un seul coup, puis trois, puis dix. Certains avaient même choisi de se cacher pour s'éteindre loin des regards des autres, comme s'il y avait de la honte à trépasser sur la route de l'oasis. Et toujours celle-ci persistait à se cacher dans le sable, et toujours son père encourageait l'enfant :
- Encore un peu, fiston…
***
L'enfant refit donc le chemin parcouru et en oublia tout autour de lui. Il ne se rendit pas compte que son père et lui avaient marché toute la journée sans trêve. Ils avaient apprivoisé la mort et l'incertitude. Inlassables.
Et ils marchèrent des jours et des jours et ils marchèrent même des nuits. En silence. Chacun méditait à l'insu de l'autre, parfois de lui-même. Le spectacle de la mort les séparait. La nuit, ils dormaient à la belle étoile, mordus par le froid saharien et menacés par l'ensablement, car il n'arrêtait pas de souffler des vents. Leurs rugissements peuplaient l'obscurité d'une multitude de bruits inquiétants. Souvent, l'enfant veillait seul, les yeux implorant le ciel. Il espérait alors l'oasis avec toute la force de son cœur. Il pensait au premier défunt. Celui-ci avait installé le doute avant de mourir. Et l'enfant, redoutant le doute,  attendait le ventre noué d'incertitude.
Un jour, son père brisa le silence, inopinément :
- J'ai fait un rêve mon petit, commença-t-il. J'étais assis sous un bel arbre verdoyant et fleuri et je regardais, sur son faîte, chanter des oiseaux verts. A mes pieds, coulait une source claire comme le cristal. De toutes parts, me rafraîchissait une brise nourrissante. J'étais seul, mais je sentais des personnes tourner autour de moi.
Il s'arrêta un instant puis reprit, rêveur mais catégorique :
- Cela ne peut vouloir dire qu'une chose : l'oasis n'est plus loin.
L'enfant fut réconforté par la rupture de ce silence qui pesait, mais il vit le long regard que son père portait vers l'horizon et il eut peur pour la première fois depuis le début de la randonnée. Il n'avait jamais vraiment partagé celle des autres, même quand elle prenait des dimensions dramatiques. Il se sentait à l'abri de toute menace, non pas à cause de son âge, mais parce que son père était là, protecteur. Il ne doutait pas un instant qu'il l'amènerait à l'oasis.
Maintenant une peur froide lui glaçait les veines et le doute lui tailladait l'esprit.
- Papa, est-ce que tu es sûr que nous n'avons pas perdu le chemin de l'oasis ? osa-t-il une fois.
Son père ne répondit pas, il pressa le pas comme pour s'éloigner de la redoutable question.
Silence, pendant toute la nuit. Sommeil agité et plein de cauchemars. Silence encore pendant toute la matinée du lendemain. Ils marchaient.
Ils s'arrêtèrent au milieu de la journée esquintés, mangèrent un peu et burent une petite gorgée d'eau chacun à même leur outre qui se vidait. L'enfant entendit l'eau lutter pour se frayer un passage dans la gorge de son père. Il regarda ce dernier inquiet, puis s'assoupit.
Un ronflement rauque ne tarda pas à le tirer de son léger somme. Il se précipita au chevet de son père dont le corps était pris de violentes convulsions.
- Papa ! Papa !
Il n'eut pas de réponse. Alors il prit la main du vieux et la secoua de toutes ses forces. Le père ouvrit les yeux, un rictus de douleur déformant les lèvres.
- Papa ! Appela l'enfant. Papa ! Qu'est-ce que tu as ?
- Rien, répondit le vieux. Rien, mon petit.
 Les mots lui sortaient difficilement de la gorge, mouillés d'une bave blanchâtre et son souffle raccourcissait.
- Papa ! supplia l'enfant.
- Oui, mon petit…Oui. Je crois que je vais partir. Oui. Je vais t'abandonner seul. La mort ne me laisse pas te mener  à l'oasis. Mais celle-ci n'est heureusement plus loin. Tu peux la trouver tout seul.
Et le père de l'enfant délira pendant plusieurs heures. Il parla de la guerre qui avait embrasé la Cité et de la fuite des vaincus. Il parla de la mère de l'enfant morte en lui donnant naissance. Et il parla de l'oasis. Beaucoup. L'enfant l'écoutait, soudain mûri, essayant de déchiffrer, dans les paroles de son père un quelconque repère. En vain.
Au crépuscule, les convulsions du vieux devinrent plus fortes et son délire cessa d'être intelligible. Soudain, il ouvrit les yeux très grands, souleva le tronc et, le doigt pointé vers l'orient cria presque :
- Encore un peu, fiston. Tu es presque arrivé. L'oasis est derrière cette grande…
Il retomba, inanimé, dans un bruit de bois sec. Ses yeux fixaient le vide du côté de l'Orient. L'enfant l’observa un long moment la gorge pleine d'un nœud indescriptible. Puis, il lui ferma les yeux d'une main tremblante mais sûre et ramena un pan de son boubou sur le cadavre.
Seul maintenant et pour toujours. Le soleil se couchait doucement. Il allait faire nuit, mais il n'avait plus peur. Il s'empara de l'outre et des provisions léguées par son père, regarda une deuxième fois la dépouille de celui-ci puis, d'un pas ferme, il rebroussa chemin.
La route, devant lui, était longue. Très longue.
Décembre 1988-Février 1989
de Idoumou Ould Mohamed Lemine Abass, professeur à l'Université de Nouakchott, a été collaborateur de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, quand celui-ci, président de la République a commencé d’incarner la nouvelle démocratie mauritanienne

publié par Mauritanie Demain . n° 8 . Avril 1989


nouvelle déjà ancienne d'un ami cher - Isselmou Ould Mohamed Lemine Abass


Le pendentif
(Nouvelle)


Ce fut comme si j'avais fait un rêve.
Avant, je l'apercevais de temps en temps, au milieu de la foule. Aux marchés, aux fêtes, dans les écoles au moment de la recréation…Elle surgissait toujours on ne savait d'où et sa présence se donnait lieu à une sorte d'euphorie quiète qui domptait la fougue et l'effervescence des rassemblements. Quand elle disparaissait, c'était chaque fois de la même manière : elle grandissait à vue d'œil, enveloppait la foule de sa forme devenue vague puis se fondait comme par enchantement. Souvent sa disparition s'accompagnait de troubles, de bagarre ou tout au moins de grogne. Je la traquais depuis des ans, sans résultat. Je commençais à me décourager quand, un jour, elle se laissa enfin approcher.
Elle était là, plantée sur le trottoir et je la reconnus par intuition. Je m'arrêtai à sa hauteur et, avant même que j'eusse ouvert la portière droite, elle était déjà assise à côté de moi, naturelle. Elle était légèrement fardée mais la nila de son voile rendait son maquillage à peine perceptible. La seule parure qu'elle portait était un petit objet triangulaire suspendu à son cou par une cordelette en cuir noircie par le temps.
Je saluai. Elle murmura quelque chose, le regard perdu. La voiture roulait vite, un peu trop d'ailleurs pour la circulation urbaine. Je diminuai la pression sur la pédale d'accélération et nous traversâmes ainsi la ville ; elle résolument silencieuse, moi intrigué par son attitude.
Puis je décidai d'en finir avec cette situation presque irréelle :
- Qui es-tu ? lui demandai-je en m'arrêtant et coupant le moteur d'un seul geste.
La réponse ne vint pas mais le visage de l'inconnue s'éclaira légèrement ; un soupçon de sourire effleura ses lèvres.
- Mais enfin, pourquoi ne parles-tu pas ?
-…
Son silence me parut suspect, mais j'eus cette boutade, mine de rien :
- Si tu es un djinn, Bismillahi Errahmani Errahim !
Elle éclata alors d'un rire clair comme une lune de quinze nuits ; un rire qui avait quelque chose d'angélique.
- Je ne suis pas un djinn, dit-elle, je suis ta mère.
Pour la première fois, elle daigna me regarder. Elle avait un regard profond, affectueux, un rien maternel. Mais je restai sur mes gardes.
J'eus un instant envie de la prier de descendre, tellement elle commençait à m'agacer. Pour un premier contact, je réalisais que ce n'étai pas véritablement un succès. On rencontrait des femmes autrement plus décontractées et surtout moins énigmatiques. Celle-là pensais-je, faisait la très importante et rien de tel pour la dégonfler que de la plaquer là où elle était.
Ce fut elle qui parla la première :
- Démarre ! dit-elle.
- Où allons-nous ? Demandai-je.
- Là où tu veux.
Ce qui n'était qu'une vague défiance devint alors une forte inquiétude, mais je remis le moteur en marche et m'engageai sur la route de la plage, décidé d'aller jusqu'au bout de ce qui achevait de prendre la forme d'un destin.
La nuit tombait doucement ; les dernières lueurs du soleil moribond empourpraient encore à peine le ciel. Je savais que l'inconnue et moi serions les seuls à assister à ce coucher de soleil car, curieusement, l'unique spectacle qui en valait le nom dans cette ville n'attirait pas de spectateurs.
Pendant tout le trajet, l'inconnue ne prononça aucun mot. De temps en temps, je jetai un regard de son côté. Elle semblait fascinée par la couleur du ciel crépusculaire et jouait avec son pendentif. Celui-ci portait, gravée à même le métal, un motif qui me parut représenter la lettre " m " en caractères latins ou quelque chose qui lui ressemblait.
Nous arrivâmes enfin à la plage. Je mis du temps pour trouver un terrain suffisamment dur pour stationner. Dès que j'eus coupé le moteur, elle descendit et marcha vers le rivage, majestueuse. Je la regardais, subjugué par sa taille et par la noblesse de ses mouvements. Je compris alors que je ne posséderai pas cette femme. Elle avait quelque chose de dissuasif, contre lequel les flammes de mon désir se brisaient, déjà éteintes.
 Quand je la rejoignis, elle était étendue sur la plage et regardait la mer. Ses yeux en étaient pleins, sa respiration se confondait avec le clapotis des vagues qui venaient mourir contre son flanc.
Qui était-elle ? La question me brûlait les méninges, attisée par la brise maritime. La nuit tombait toujours. Du soleil, il ne restait plus qu'un petit arc rouge mat. J'allumai une cigarette et en aspirait la fumée avec un plaisir inhabituel. La bouffée que je soufflai enveloppa l'inconnue. Sa voix me parvint alors comme du fond de l'abîme, lointaine :
- " Ils ont soif, mais ils ont oublié l'art de creuser, ils ont faim, mais ils ont oublié l'art de semer et de cueillir, ils ont peur, mais d'eux-mêmes… Seulement d'eux-mêmes.
Ses paroles avaient quelque chose de solennel. Elles dépassaient mon entendement.
Je hasardai une question :
- De qui parles-tu ?
Pour toute réponse, elle poursuivit :
-" Ils n'arrivent pas encore à réaliser qu'ainsi, ils s'engagent sur la voie de l'anéantissement… "
Puis, après un bref silence :
-" Mais je ne suis pas pressée : j'attends. "
- Tu attends quoi ?
-" Je ne sais pas moi-même ; j'attends, c'est tout. "
La conversation n'était pas facile. Cette femme sortait d'un rêve de sieste ou de l'imagination féconde d'un poète. Elle parlait comme une illuminée, mais elle ne m'en rendait que plus déterminé à élucider son cas.
- Ecoute, dis-je. Tu parles comme une poétesse. Mais crois-moi, tes tivelwaten sont aussi hermétiques que les croassements d'une corneille. Je ne suis pas venu auditionner des poèmes, je suis là pour te connaître, alors parle-moi de toi.
Je pris sa main dans la mienne ; elle était chaude malgré la fraîcheur ambiante et me transmit sa chaleur immédiatement. Je l'aimai soudain.
- Parle-moi de toi insistai-je. Nous sommes peut-être en présence chacun de l'être qu'il attendait depuis toujours pour être heureux. Qui sait ? Va ! Parle !
Je mis dans ma voix toute la sollicitude dont j'étais capable et ma supplication en devint presque une plainte. Un frisson traversa le corps de l'inconnue et elle serra ma main doucement.
-" Je t'ai dit que je suis ta mère, commença-t-elle.  C'était une façon de parler mais, je te le jure, c'était sincèrement que je le disais… "
- Ma mère ?l'interrompis-je. Tu en as peut-être l'âge Mais…
-" Je n'ai pas d'âge reprit-elle. Je suis née il y a une éternité mais c'est seulement depuis quelques décennies que je me découvris ; que je fus remise à moi-même. J'étais déjà vieille, mais pleine de ressources et je me sentais la vitalité de vivre des siècles encore. J'étais libre et la liberté donne des forces illimitées. J'étais libre et j'avais plein de rêves et d'espérance… "
Ces paroles eurent sur moi un effet indescriptible.
- C'est quand même bien ce que tu dis là avouai-je. Es-tu une femme ?
- …
- As-tu un nom ?
- …
- D'où viens-tu ?
La nuit avançait et la mer montait insensiblement. Du côté du continent une lueur diffuse crevait l'opacité nocturne : la Cité. Ignorant notre existence, ses habitants devaient mener leur vie habituelle faite d'intrigues, de combines, de drague, de larcins de toute sorte et de crimes.  " Je n'aime pas la ville " pensai-je.
L'inconnue devait lire dans mes pensées car elle admit, à mon grand ahurissement :
-" Tu as raison. C'est par elle que le mal s'est infiltré. "
 Jusque-là elle n'arrêtait  pas de m'inspirer des sentiments bizarres où la crainte et l'inquiétude se mêlaient à la sympathie, mais à ces mots, je dus faire appel à toute ma foi en Allah pour ne pas m'enfuir, de peur !
- Tu es donc une weliya ? Demandai-je d'une voix tremblante.
-" Je suis ta mère " répondit-elle catégorique.
Puis elle se leva, essora la partie de son voile qui trempait dans l'eau et vint s'asseoir plus près de moi.
- Qu'as-tu fait de ta liberté et de tes forces ?
-" Rien, dit-elle. J'ai décidé de quitter la servitude, de m'éloigner le plus possible du temps de la captivité. J'ai traversé des nuits et des nuits, arpenté des déserts et des déserts. J'ai essuyé des souffrances et des souffrances. J'ai été maintes fois frappée par le courroux de la Providence. Ma foi était cependant restée inébranlable. J'ai même cru à la sincérité de mes frères et sœurs libres comme moi et fiers de l'être quand ils m'ont proposé de marcher ensemble. J'ai cru à la loyauté et au sens de sacrifice de mes enfants, nombreux et pleins de promesses. Forte de leur avenir éblouissant, j'ai fait les meilleurs rêves du monde. J'ai même rêvé de perpétuer la légende de ces reines qui ont construit des empires prospères sur les sommets de l'impossible. Mais j'ai été trahie. "
- Je m'en doutais, dis-je. Et par qui ?
Le caractère ironique de mes paroles n'échappa guère à l'inconnue, car je distinguai, malgré l'obscurité, un soupçon de reproche embuer son regard. Je regrettai aussitôt d'avoir été si méchant, mais elle ne me laissa pas le temps de m'excuser :
-" Par les miens, dit-elle. Mes frères m'ont abandonnée, qui pour retomber dans la servitude, qui pour l'aventure aveugle, qui encore pour rien. Et mes enfants ont fait pire: ils m'ont ruinée, vendue, battue. Ils m'ont même violée au grand jour et transformée en objet de jouissance, incestueux. Certains projettent d'ailleurs de me tuer. "
- Et tes maîtres ?
-"  Ne me parle pas d'eux, défendit-elle. Il n'y a pas de bonheur possible auprès de ceux qui asservissent. "
Un silence suivit ces paroles. Je sentais que l'inconnue avait dit l'essentiel, mais je n'osais lui proposer de retourner à la Cité. L'odeur iodée de la mer et les gouttes d'eau fraîche qui caressaient mon visage de temps en temps me faisaient un tel bien que je n'avais d'ailleurs aucune envie de partir.
Je tentai alors de relancer la conversation :
- Que puis-je pour toi ?
- " Tu peux me violenter toi aussi ", dit-elle. Puis, après un moment :   " Si tu veux, bien sûr. "
Surpris, je ne sus d'abord que dire, puis :
- Non ! Tu es ma mère.
L'inconnue éclata du même rire que tout à l'heure avant de reprendre, sérieuse :
-" Ce que tu peux faire pour moi ? Eh bien, c'est simple : parler.
- Parler ? ! Mais de quoi ?
-" De moi. De la trahison dont j'ai été l'objet. De l'ingratitude. De l'inexorable exigence de fraternité et d'amour. Des traces du temps qu’on cherche  à effacer sous des souffles de haine. Des vérités que partout on essaie d'étouffer sous un tas de mensonges. Parler, quoi ! "
J'eus envie de lui dire que je ne savais pas parler, que ma langue était lourde de peur et de paresse, que parler n'avait vraiment pas de sens puisque les mots se perdaient toujours dans l'immensité sableuse, que de toutes les façons les paroles n'avaient jamais vengé une trahison ni réparé un tort et que le mensonge avait pris racine, y compris dans les vérités les plus pieuses. Mais je me tus. Je ne pouvais tout de même pas lui refuser un service si modeste.
- Je parlerai, promis -je. Oui. Je parlerai. Je dirai même que je t'aime et que jamais je ne me tairai tant que tu seras maltraitée. Maintenant, partons, le jour se lève.
Elle me tendit la main, satisfaite et je l'aidai à se lever. Nous reprîmes le chemin de la Cité.
Dans une ultime tentative de connaître son nom, je lui demandai :
- Que signifie le signe gravé sur ton pendentif ?
Elle regarda son bijou en le soulevant et répondit :
-" C'est une amulette. "
Puis, comme prise par une violente et soudaine culpabilité :
-" Merde ! Il y a eu encore des bagarres ! "
De la Cité, nous parvenaient des bruits d'explosions étouffées et l'air qui s'engouffrait dans la voiture était lacrymogène et sentait la cordite.
Au moment de nous séparer, je lui demandai quand même :
- Où te reverrai-je ?
Elle me regarda longuement avec la même douceur réconfortante et dit :
-" Je t'habite."
Puis elle disparut, comme par enchantement. Elle emportait tout le secret de son existence, mais sa voix résonnait toujours dans mes oreilles.
- Toin ! Toin ! Toin ! ! !
Un automobiliste, derrière moi, écrasait son klaxon comme un enragé.
J'engageai une vitesse et démarrai, la tête lourde… lourde.
Juillet-août 87

de Idoumou Ould Mohamed Lemine Abass, professeur à l'Université de Nouakchott, a été collaborateur de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, quand celui-ci, président de la République a commencé d’incarner la nouvelle démocratie mauritanienne

publié par Mauritanie Demain . n° 5 . Octobre 1988

dimanche 16 décembre 2012

toujours le sermon sur la chute de Rome

 
----- Original Message -----
Sent: Sunday, December 16, 2012 11:23 PM
Subject: erratum - Fw: continué de vous lire hier

Bien lire : augustinienne.
 
Et moi, vos pages 100 à 104, les filles, la crûdité pas dite mais vue et entendue, un témoignage pas une description, et ces nuits chastes et sans difficultés. Vous a-t-on dit - mais l'auriez-vous pris - que ce sont à plusieurs reprises : les moments d'amour de corps, les courses d'enfants dans des paysages de villages ou autres, à époques révolues, ou le vieillard à la fenêtre et à la photo. dont il est absent, exactement les croquis, les portraits, les mouvements esquissés ou finis, toujours plus que chaleureux, finement et exactement vivants dont Brasillach avait fait tout son style et chacun de ses récits. Les sept couleurs et Comme le temps passe... sont votre écriture. En cela, vous rejoignez cette France classique des conteurs du milieu du XIXème et du milieu du XXème siècle.
 
Vous me faites très plaisir.

reçu d'une amie - je vais t'envoyer

je ne possède que ce dont je me suis mutilée.
le christ est la fleur de ce rameau coupé

non nous n’avons pas trop perdu de temps, mon amante en connaissance .. tout ce que nous avons sacrifié a refleuri

de quel bois je me chauffe tu le sauras. quels feux. quelle alchimie d’angoisse, de cafés.

nues je te ferai connaître mon chaud et mon froid .
mon afrique, mon océanie
ce miroir immense de ta beauté.
je veux te dépecer, t’emmener sur mes rivages, te prendre , t’arracher au fond   .


je veux t’emmener et nous verrons enfin ensemble cet  espace qui est notre dedans. cet espace qui ne pouvait compter tant que tu, mesure, étais absente.
les masques nègres, les reptiles, les pierres de l’île de Pâques.
les sculptures, les visages, les statues : ouvrons les yeux : voilà ta beauté.
Voilà. Voilà. Voilà
comme tu es belle, jusque dans l’œil rond des reptiles, ancien  dans aujourd’hui, œil rond, attente des pierres.
comme tu es  belle dans le sacre du printemps, dans cette sève qui monte de la terre – richesse, floraison, de tout ce qui fut coupé, oublié, rejeté, exclu.

j’ai à faire avec toi.
si tu veux vraiment me connaître

ta bouche muette et divine qui donne le silence .
silence de la vie – parole de la parole
les extrêmes. le froid et le chaud – la laponie – l’afrique.
tout ce que j’ai élagué, a refleuri.
Toute la nuit est splendeur du jour . et le christ a été crucifié.
tous les enfants que je n’ai pas eus sont là. Non
non, nous n’avons pas perdu trop de temps. car nous avons fait les mots verticaux et dans l’horizontale, le vertical s’éclaire -

tu as appris à lire dans la profondeur, à discerner derrière les brouillards, tu as appris à trouver des repères, tu as choisi des pistes et les as suivies.
il n’y a plus qu’à mettre des images  et les images éclatent dans l’espace de l’univers et de la vie.
et je te prends la main, et je te dis, miroir reflétant le monde, qui te reflète enfin : vois. voici-voici-voici

ce que tu avais vu derrières tes montagnes intérieures c’est aussi là, lumineux, à plat, déployé dans l’espace, absolument objectif, objectif à crier.

et l’espace les boudddhas, ses statues de dieux en Inde, les rizières, les jungles, la steppe, les îles perdues dans les couchants  c’est la splendeur, la floraison immense de tout ce dont
nous nous sommes coupées.

tout ce qui est en nous, nous l’avons rejeté dehors, à l’extérieur pour en jouir éternellement.
tout ce qui est en nous est au-dehors.
la lessive sèche dans le soleil.

je te regarde . tu es tout ce dont je me suis privé. toute la beauté dont je me prive, pour la contempler en toi. tout ce que je ne suis pas – toute cette ferveur, cette gravité, cette primitivité, que je ne serai jamais
tout cela que je voudrais être, je ne le suis pas et je le veux ainsi.
cette beauté à consommer au-delà de moi, qui n’est pas moi – et je me veux laide, veule, sans exigence, insignifiante :  et ma laideur, mon insignifiance, ma veulerie, ma bêtise, ma médiocrité ne sont que désir -
 

samedi 15 décembre 2012

lire le Goncourt - suite

 
----- Original Message -----
Sent: Sunday, December 16, 2012 4:25 PM
Subject: continué de vous lire hier

Cher Maître,
 
continué de vous lire hier, dans deux moments de la journée. Je place comme exergue d'une note de conjoncture politique, évidemment en vous citant, votre page 19. Je vous enverrai ladite note ce soir ou demain. J'ai rouvert hier votre livre sans reprendre la suite des pages. Tombant sur Judith... j'ai tellement admiré le passage, la phrase qui est vraiment votre manière d'écrire (ou de penser ou de vous laisser aller à l'écriture) était longue comme une respiration, tout à fait adaptée à ce que vous présentez. Et d'ailleurs, ces phrases lapidaires et ces phrases parfois de plusieurs pages, n'empêchent pas l'unicité du rythme et la doculité de ce rythme à l'histoire. Donc p. 50. J'ai aimé, hier soir, l'amitié commençant : Marcel et Libero. Le personnage de Virgile (la violence de la première scène de bar, puis celle de l'émasculation des porcs) est comme un fil conducteur pour le début de votre récit.
 
J'en suis là. L'outil est en main, il est agréable au lecteur, le récit ne se devine pas, il est assez psaume, en ce sens que les situations sont peu nombreuses -jusqu'à présent la rupture et la mort - mais présentées (ou analysées) très diversement puisque toujours en fonction d'un personnage différent.
 
Merci, donc.
 
Je ne saurai qu'en fin de texte, ou bien ne sera-ce pas dit : pourquoi l'anthologie augmble ?ustinienne ? Vous lisant pour le moment pendant des trajets en autobus, je ne sais quoique vous soyez court, si j'aurai terminé de vous lire avant de revenir à mes bases. Auquel cas, je vous lirai alors d'une traite.
 
Est-ce que votre livre vous ressemble ? ce n'est pas l'impression que j'ai actuellement, je ne vous connais pas et votre livre est discret. Lequel des six premiers lire ensuite ? le hasard fera.

vendredi 14 décembre 2012

lire le Goncourt

 
----- Original Message -----
Sent: Friday, December 14, 2012 11:52 PM
Subject: votre livre et notre rencontre ce soir

Cher Maître,
 
pas acheté de roman depuis plusieurs mois. Je lis par à coup des romans, énormément entre 18 et 40 ans, introduit au départ par ma mère dont j'ai la bibliothèque brochée, l'essentiel français et anglo-saxon en traduction pour les années 1930 à 1950. J'achète en ouvrant au hasard comme je vous l'ai dit. J'ai des auteurs affectionnés parmies vivants et produisant. Je m'étais dit que je lirai cette année le Goncourt et le Renaudot pour voir comment l'on écrit actuellement... Je suis retenu soit par l'écriture en tant que telle, soit par appropriation de l'auteur, identification à lui ou au personnage principal. Il me faut un lien. Je suis très requis par des rédactions qui actuellement ne sont pas de la "fiction", ma vie familiale (une fille de huit ans) et une maison avec ses hectares en bord de mer, nos chiens aussi. Ainsi je lis peu de romans en ce moment, ou alors en reprends pour aller directement à une page.
 
Donc, la Compagnie, vous...  Les titres comme celui qui vous est venu ou que vous avez choisi, ne sont pas décisifs mais peuvent m'attirer.
 
Merci de l'introduction à vous selon mes questions, face à face. Vous écrivez donc quand le sujet est vraiment là, quand vouss l'avez, vous n'écrivez alors qu'un seul livre et que ce livre-là, J'ai ailé votre expression à double orthographe : " j'écris de façon chaotique... cahotique ". Votre femme vous lis par paquet de pages, vous ne parlez pas auparavant. Vous êtes professeur de philosophie, je vous "donnais" 32-33 ans, vous ne "faites" pas vos 44. (Excellent chiffre, les oppositions fortes mais résolues).
 
Comme promis, quelques lignes selon le début de ma lecture dans le 63 de la Compagnie à la Muette, où je reprenais ma voiture garée en allée gratuite... par les premières pages, les 11-12-13 qui ne laissent pressentir aucun sujet, mais en revanche une écriture : phrases qui peuvent être très longues de graphie mais qui ne sont pas complexes, seraient même propres à la lecture à haute voix. - je suis alors allé au hasard, au milieu du livre. J'ai aimé comme de l'anthologie - l'écriture, mais l'émotion le dialogue intérieur Aurélie-Matthieu (pp.117-119) en une seule phrase, pas l'apnée mais une autre forme d'aisance que l'aisance d'habitude. De l'art que j'aime. J'ai continué avec les ténèbres du Jeudi saint et suis resté, l'avion décollant, avec les deux amis. Suis alors allé à la quatrième de couverture, votre biographie. Félicitations. Et passionnant. L'Algérie, d'où une pièce jointe. Le septième livre, mais publié, je vous donne Romain Gary comme évoqué. J'ai connu Nyssen et sa femme en 1990 ou 1991, de passage à Vienne (Autriche).
 
Je suis revenu alors aux pages continuant le début et la conception de Marcel (p. 14) est encore plus puissamment, personnellement, "orfèvrement" donnée que le dialogue Aurélie-Matthieu.
 
Restent maintenant la trame, l'intrigue et le sujet : je vous dirai demain soir s'ils me sont apparus et comment. Il y a le thème de la mort, de la solitude de la mort, de celui qui meurt, vous le dites très bien, précisément et sobrement pour Jacques. Et le transposez pour la rupture avec Massinissa, avec une ingéniosité qui ne nuit pas au principal : l'émotion (pp.119-120).
 
Question bête pour finir. Aimez-vous écrire, y prenez vous plaisir ?
 
J'ai déjà parlé de vous à ma femme au téléphone, nous résidons en Bretagne. Je parlerai à notre fille de votre dédicace dans mon prochain message courriel puis de vivre voix. Les enfants témoins de l'intimité du couple parental et de son aventure, elle en a été.
 
Merci donc d'avoir écrit ce récit.
 

dimanche 7 octobre 2012

lu d'un tiers - un correspondant mauritanien dont je ne connais ni la voix ni le visage, mais nous correspondons...

chez-vlane

Lire surtout et jusqu'au bout "les derniers mots de chacun" , c'est le seul acrostiche dont je sois tout fier...désolé de le dire mais c'est vrai; je l'adore car tout est vrai et tout y est ( l'histoire, la trajectoire et la théorie... )et je l'ai écrit d'un trait comme possédé...

acrostiche

un acrostiche est une pièce de vers composée de telle sorte qu'en lisant la première lettre de chaque vers, on trouve en vertical le sens du mot, du nom ou de la phrase prise pour thème...


liens sympathiques


extraits des archives

mercredi 4 juin 2008

Les derniers mots de chacun ( Marion Brousse - Vlane)


Après m’avoir servi ces termes verticauxHachis cru de gros mots dont je fis ce tricotMa chère, pardonne-moi, je puis disparaîtreEt jamais plus dans ton esprit réapparaîtreDevant Dieu, je puis à l’instant m’y mettre
Comme on ferme les yeux quand la lumière est crue
Et qu’on prie dans le noir que vienne la décrueSeulement, laisse-moi, une dernière foisT’étaler, sans rien attendre, ma bonne foi
Tu te trompes, mon dieu, pour qui donc me prends-tuRelis-toi, et si tu penses ces mots qui me tuentEh bien, inutile de lire ce qui suitSache que, plus que toi, mon erreur me poursuit
Si, comme toi, je me suis trompé de personneEt que du judas, tu ne vois qu’un fou qui sonneReste cool, tout est serein derrière la porteInutile de claquer les mots de la sorteEcrire comme ça, c’est pleurer en silenceUn ton où l’erreur en dit plus que tu ne pensesSi je n’ai pu t’inspirer que des mots dégoûtésEt que de moi ne vient que l’horreur s’ajouterMarion, c’est grave, tu constates de traversEt me jugeant ainsi, tu me juges à l’enversNe me fais pas payer pour ce qui dans ta vieT’a rendue adepte des lois de la survie
Quelles expériences t’ont rendue si craintiveUne déception fatale, un jour, instructiveEst-t-elle, par malheur, dans ton coeur si active
J’essaye, en vain, de comprendre ta réactionEt seul me vient que je ne fus qu’une attraction
Tu as raison, comme moi, d’en avoir marreEt si malgré moi tout finit en cauchemar
Dis-toi, marion, que par une atroce mépriseEcrivant sous l’erreur, tu me tues par surpriseMaintenant que c’est fait, regarde-moi périrA vouloir trop t’aimer, te voilà à me fuirNe t’inquiètes pourtant pas, mon souffle coupéDe nouveau au Ciel des rêves qui ont loupéEvitera ce dont il a assez soupé
D’avoir ramé pendant des mois interminablesEn rêvant de revoir cette âme formidable
Ne voilà-t-il pas que croyant mieux me connaîtreElle m’écrit ce dont nul ne peut se remettre
Pourquoi donc m’y remettre au lieu de disparaîtreLui laisser cette image de soi, c’est ça êtreUn lâche qui laisse cette femme qu’il kiffeSe planter d’être, et, sous la claque, il se rebiffe
Marion, avant de juger, laisse-moi te dire
En vers, ce que seule tu ne saurais déduireCar tu n’as ni mon temps ni surtout ce désirReçois ces derniers mots que le chaos m’inspireIls veulent seulement sauver un souvenirRectifier ton tir pour un peu moins me maudireEt, peut-être, qui sait, retrouver ton sourire.
Comment te le dire ? Comment vais-je m’y prendreEn quels termes scellés, mon sort va-t-il dépendreTriste sort que voilà! Toujours devoir écrireToujours creuser, bâtir pour voir tout se détruireElle m’a oublié, comment tout convertir
Allons ! Du courage mon fils ! Ecris sans crainteDis-lui tout, et ne retiens rien de ta complainteRaconte-lui par où le destin est des vôtresExplique-lui pourquoi c’est elle et pas une autreSans qu’elle croit que tu es l’amoureux de baseSi tu lui sers les mots justes et sans emphaseElle te saura, peut-être, un peu moins naze
Elle est femme et sans aimer, elle aime qu’on l’aimeSi on y va cool, sans forcer le coeur qu’on sèmeToute idée de te fuir lui servira la flemme
Ce n’est là qu’une question de subtil dosageEt quand on en fait trop, c’est un mauvais présageLe monde d’aujourd’hui n’est fait que d’inquiétudesLe sens de la réserve, le besoin de quiétudeEmpêchent l’élan de vaincre ces altitudes
Dès l’instant qu’on prend un chemin de traverseEt qu’on plante « je t’aime », on tombe à la renverse
Mille balises sociales au garde-à-vousOutragent votre image et tuent ce rendez-vousNavré mais vaincu, vous leur laissez : « servez-vous »
Toute une armée aux services des préjugésRapplique alors, pour l’aider à vous jugerAux yeux bien aimés tout prend forme en un éclairVos écris, votre amour, tout est fou c’est bien clairA peine voulez-vous par un trait l’avertirIls l’assiègent, l’embrouillent et crient au délireLa voilà convaincue, vous devez déguerpir
,
Jusque là bien blasée, la voilà affoléeEt s’en veut d’avoir, avec moi, batifolé
Ne sachant que faire, elle se croit bien cernéeEt ne laisse rien dire au premier concerné
Pour calmer le fou à ses trousses, elle écritEn espérant que des mots dosés où s’inscritUn ton comme il faut avec la carotte au bout
e
Xalteront sa fierté pour le mettre à bout
Plus le temps, sans aucune nouvelle de luiLa rassure en passant, plus son effet reluitUn peu plus d’un mois déjà, la voilà sauvéeSoudain, des mots de lui, et toujours si lovés
Les voilà, marion, laisse-les juste finirIl n’y a rien à craindre, il n’y a rien à fuirRegarde ces pauvres mots, c’est eux qui tremblentEn un geste, tu peux les déchirer ensemble
Te reste-t-il de jadis de quoi consolerEn somme, une simple attention pour dire «olé »Sur le ton d’une muleta moins affolée
Nous sommes déjà si loin du temps de l’ardeurOù j’avais kécra à cause d’un seul quart d’heureMon esprit s’est, depuis ce divin coup de foudreBlasé de tout et n’a plus que la honte à moudreRécupérant sa poudre, il en fait des boulettesEt me fait vivre jour et nuit sous sa houletteUltime répit voilà enfin le dernier
di
Xit de tant de papiers à mettre au panier
Marion, tu es sauvée, voilà le génériqueA la fin de ces mots, ce sera véridiqueIls plieront le siège de ton coeur hermétiqueLa place occupée alors par le frénétiqueSera aussi claire que ton mail tsunamique
.
Tiens ! Commençons tout de suite à lever les voilesUn vers après l’autre décrochons de l’étoile
Et pour rendre justice au siège qui expireCommençons à propos de celle qui l’inspireReprenons la scène d’avant l’acte « éconduire »Il est là assis et s’apprête même à partirSoudain, il la voit et se met à ressentir
Toute la panoplie d’un violent coup de foudreRidicule d’abord, il se sent se dissoudreEt quittant tout le monde, il s’en va se cacherSeul, il se met aux cent pas sans pouvoir marcher
Bouleversé et ignorant tout du phénomèneIl prend un sucre en espérant qu’il se reprenneEnfin, la raison revenant d’un long parcoursNe comprend toujours pas que c’est l’amour tout court
Mais le temps passe, il faut peut-être la rejoindreA peine cette simple idée se met à poindreIl faiblit de nouveau sans pouvoir se contraindreSans oser la rejoindre, il se met à la craindre
Je me revois, un peu moins fier, à la fenêtreElle était en bas discutant avec le traître
Nul ne peut comprendre tant qu’il n’a pas craquéEt nul mot ne sonne, comme un coeur peut claquer
Persuadé qu’elle est partie, enfin je respireEn un signe les autres confirment mes diresUne fois rassuré, soudain, je me retourne
a
Xe dans l’axe, un flash, et je m’en détourne
Rien de plus, rien de moins, son regard simplementIl contient à lui seul Ciel et diable amplementEt l’âme qui brille au-delà de la couleurN’existe pas ailleurs sous autant de douleur
Pour tout dire, elle est passée et j’y suis restéOn a beau dire, nul ne peut s’en délesterUn choc titanesque entre l’âme et le corpsRègle leur tic-tac à l’heure du désaccord
Tendue au ciel, l’âme pointe le corps à terreOn entend le divin et la cloche de l’enferIl n’y a rien à faire : subir et se taire
,
Commence alors l’époque de la solitudeOù on ne respire plus comme d’habitudeMême prier prend une nouvelle altitudeMême rêver prend une nouvelle magnitudeEt oublier est sur une autre latitude
Tout d’un coup, on comprend qu’on n’a jamais aiméUn regard vous revient, c’est le moment d’aimer
N’ayant nul mode d’emploi, on y va c’est toutEt là nous revient qu’elle n’est plus là du tout
Pour tout d’elle, il n’y a qu’un papier, une adresseEcrire c’est tout, qu’importent les maladressesUn premier mail s’en va, tremblant tout en finesse
e
Xalté comme il faut pour cacher la détresse
Répondant au suspens, je reçois un peu d’elleIncapable d’ouvrir pour rêver de plus belleEn trouvant du feu, je double-clique en tirantNullement rassuré, je lis en expirant
Parfaitement semblable à ce qu’elle a laisséOn lit, on sourit, on se sent moins délaisséUn ton si frais, une réponse si mesuréeRéduisent mon embarras si démesuré
Maintenant que faut-il faire pour la revoirOn se rappelle alors qu’on est pas beau à voirIl m’a fallu cinq ans au coeur du désespoir
.
Pour m’habituer à survivre dans le noirOublier jusqu’aux stigmates de l’espoirUne aventure difficile à concevoirRemit mon coeur aux mains d’une cruelle histoire
Le temps est peut-être venu de lui glisserAu seuil de ses yeux, ce vieux secret tout plissé
Derrière ce grand mot, un jardin intimeElagué avec soin tout au bord de l’abîmeReflet formel d’une quête en apesanteurNe laissant aucune chance aux braves amateursIl faut jouer sa peau à chercher la sortieEn osant affronter ce que rien n’amortitRepère effroyable au royaume de l’espritEn voulant Penser, il faut en payer le prix
Fou ! Je l’ai été en m’attaquant à la choseOser et vaincre! C’est tout de même quelque choseIl me manquait des témoins pour qu’ensemble on poseSans jamais me trahir, tous les mots se proposent
Je les prie d’hésiter car ils peuvent y resterEnfin, ceux-ci avancent pour être testés
Tous les autres les envient d’être alignésEnsemble pour servir mon cœur ils ont signé
Debout, avant moi, ils me lancent « allons-y »Et voilà que nous partons la fleur au fusilMais, chemin faisant, ils s’arrêtent pour me direAi-je vraiment l’intention de ne plus la séduireN’ayant plus les autres mots, je ne puis mentirDevant mon silence, je les laisse déduireEt nous reprenons le chemin à parcourir
Devant-nous l’inconnue et les terres du pireEn laissant tout derrière, on arrive à sortir
Sous ses mots terribles, on ne peut plus acidesOn essaye une parade en restant placidesRien qu’en longeant ses mots se dressant face à nousToute la rangée des miens se tasse et se noueIl faut rester en boule et laisser tout passerRien n’y fait, c’est trop et on en a plus qu’assez
De nouveau, on reprend la marche sous ses iresEt on la laisse, sur la marge, à discourir
Maintenant le cap vers l’empire des conceptsA côté, sa fureur nous suit et on l’accepte
Vivement que se lève le temps des penséesIl en faut pour aider tous ces mots cadencésEmbarqués en galère sans mieux avancer
Enfin, je me souviens sur ces flots insensésTout d’un coup, mon coeur gonfle et nous voilà lancés
De partout surgissent par vagues successivesEt l’esprit inondé et son corps sur la rive
Comme un vieux matelot qui regarde la merEnfermé comme un rêve déporté sur terreLe regard tourné vers les tempêtes d’antanLe coeur en apnée comme une ancre s’emportantEn regardant la mer, il est toujours partant
Devant-moi, aussi, mille fantômes m’assaillentEn vain, je résiste mais ils trouvent la failleSous une idée fixe, ils la lèvent, je trésaille
Gentiment, je demande juste un peu de tempsEmpoignant ma pudeur, elle expire en sortantNe consentant à rien qu’à me voir m’expliquerSur le champ, ils m’y mettent sans rien répliquer
Qui en a quelque chose à foutre de l’histoireUn croyant se prenant Lacan en pleine poireInvaincu pourtant par le grigou péremptoire
Maintenant revenu de la chute obligatoire
Ecrit sa renaissance après tous ses déboiresNous laisserons à Lacan un petit pourboireToute réflexion faite, à chacun sa visionOn peut tous dans l’esprit faire des incisionsUniquement pour ensuite, avec précisionRefaire des noeuds comme un simple virtuoseEt servir le tout en compliquant bien la choseNéanmoins, sans la Foi, on reste terre-à-terreToute la Vérité est là où il s’enterre
.
Si ce qu’il raconte était à la bonne placeIl n’aurait pas écrit avec si peu de grâce
Toute la psychanalyse est ainsi refaiteUne clique de chirurgiens l’ont contrefaite
Au bout de cent ans, voilà donc notre mariéeSur ses traits tirés, rien ne paraît avarié
Une idole pour païens où tout est truquéN’y a-t-il pas même un prix pour la reluquerElle ne peut rien pour les gens bien éduqués
Pour la saisir, il faut pouvoir se la payerOn doit cash se déshabiller pour l’essayerIl y a, surtout, une personne inconnueNe ratant rien de la chose qu’on met à nuTimide, elle attend là qu’on lui tende les sousEt vous écoute, dans le dos, claquer vos sous
De plus près, regardons bien de quoi il s’agitEssayons de percer cette vieille magie
Rappelons Freud, ancêtre et père de la choseEn son temps, il créa cette nouvelle gloseSous sa plume, un mot, connu dans toutes les languesPrivé des sens anciens, fut laissé pour exsangueEn le rebaptisant, il devint scientifiqueCe mot dont Freud fit son « ça » énigmatiqueTout droit ça remonte au vieux « diable » maléfique
Pour le reste, faire du neuf avec du vieuxOn bricole en se prenant hélas au sérieuxUn tour de passe-passe devant des curieuxRéinvente une religion sans croire en Dieu
Mais pour saisir ce tour, regardons sa matièreOn a là un corps destiné au cimetièreIl s’articule à l’âme comme une litière
,
Marion, voilà le lit où l’énigme reposeEn unissant deux univers que tout opposeReflétant l’un dans l’autre, tout ainsi se fondeComme l’entonnoir de deux si différents mondesIl fit jaillir entre eux la conscience des mondes
Deux univers par la conscience sont unisEt l’un sans l’autre, tout système est démuni
Toute vérité a sa part de grand mystèreEn ça se déchirent nos sacrés magistères
Faisant fi de l’évident axiome suprêmeOn sent que leur bonne foi subit ce carêmeComme si on cartographiait la complexitéAvec des statistiques fort bien excitéesLe résultat serait, vu du q, défendableIl n’en serait pas moins, nez à nez, regrettableSeule une théorie qui intègre le douteEst l’assurance béton que sa clé de voûteRépondra aux pressions que le bon sens redoute
Sans s’étaler sous cette structure imprudenteUne simple visite en remontant sa penteRessort les failles que sans voir ils démentent
Quelques prises de vue de tous leurs fondementsUn précis petit détour tout en argumentsEn passant par l’éloge du Seigneur des mondesLaveront notre Foi de leurs affronts immondesQuelques souvenirs ensuite pour mieux comprendreUn parcours éprouvant où j’ai fini en cendres
Un fil de pathos sur ce séjour en enferNouera tous les bouts comme on croise le fer
Dieu en fut témoin, au diable j’ai eu affaire
Appelons-le « inconscient » si on veut le taireUn mot ou un autre ne rend rien moins austèreToutefois, nous finirons en beauté ce poèmeRetrouvant à la fin cette femme qu’on aimeEn échouant à ses pieds tous les mots du thème
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Nous y sommes. Qu’est-ce que c’est la psychanalyseOn ne peut l’ignorer, elle s’est partout assiseUn tel siège de l’esprit, mérite une analyseSes thèses refusent à la Foi d’être admise
Nous verrons pourquoi ses thèses sont dangereusesOn ne visite rien sans croiser sa vareuseUne science qui laisse les croyants sans armeSi habile qu’en l’attaquant, on se désarme
Reprenons en civil son mode opératoireElle pique à la psychiatrie son savoirVous met ensuite face à un brillant miroirEn l’écoutant vous vous mirez sans le savoirRésistant d’abord, vous refusez de vous voirRoyalement servis, vous acceptez à boireOn se détend alors face à ce moelleux miroirNe voilà-t-il pas, qu’en nous remonte le noirSoudain, sous la pression, on crache nos déboires
Parfaitement surpris par l’effet confidenceEn sortant de là, on sent une délivranceUn appât pour sans-ami : cette confessionTout le piège vient après cette concession
Ensuite on y revient pour parler à loisirTrouvant qu’être écouté est un royal plaisirRien en cette oreille ne peut jamais nous nuireEn plus, tout est permis, on peut surtout tout dire
Maléfique stratégie de secte imparableAu fur et à mesure, qu’on joue à ce scrabbleImpassible, dans votre dos, ce psy des motsSent l’endoctrinement raisonner dans vos maux
Beaucoup plus intimes, vous l’êtes maintenantEn parlant, sans le voir, tout glisse à l’avenantA force de parler seul, l’autre restant coiUrinant les mots : vous dîtes n’importe quoiComparant le jet à la chose génitaleOn y découvre le sens d’un trauma foetalUn complexe banal pas encore régléPour se faire, on verra, pour l’heure, il faut régler
Depuis, plus vous payez, plus ça devient complexe
Effort payant, voilà une question sans sexeAu prix de parler, combien ça coûte penserUn prix tel que vous devez vous en dispenser
Devez-vous payer en n'ayant plus rien à direOu n’ayant rien à penser, ne plus revenirIl vous vient que c’est trop payé que d’en finirTant que vous y pensez, vous courez le lui dire
Pendant ce temps-là, vous n’êtes plus vous-mêmeAvant vous étiez comme chacun est soi-mêmeSans l’air ailleurs, sans le regard convertissantSans ce sourire surtout, l’air compatissantEnfin, vous étiez bien vivant tout simplementRéduit à ça, qu’importe l’autre! Evidemment
Dommage pour lui, un de plus précisément
Ils l’ont converti en désarmant sa conscienceComme une pleine lune sait ses déficiencesIl se pense brillant en reflétant leur science
La conscience n’est qu’une lune passagèreAux feux d’un autre astre, elle sert de messagère
Sous elle, notre cerveau, toujours terre-à-terreOrganise sa vie comme on gère une serreUne mécanique en chair toute génétiqueSe fait des idées dans sa sphère hermétique
Le système et tous ses atomes frénétiquesEnsemble, ils périssent sans le soleil statiqueSa lumière est l’âme dont dépend leur viatique
Pour saisir l’erreur dans laquelle ils s’entêtentOuvrons grands nos yeux pour voir se lever en têteNotre soleil qui n’a jamais quitté sa placeToute psychanalyse, comme ça, déplaceSans science, l’âme de notre univers en place
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Jusqu’à nous persuader que ce qu’on observeEst plus précis que ce que la foi nous réserve
Son habileté consiste à dénaturerUn équilibre divin si bien mesuréIl y a un point faible à toute identitéSans parler rien ne touche à sa fragilité
On sait que les pensées naissent par le cerveauBien que sans la conscience, il ne soit qu’un veauLa conscience est-elle créée là ou insuffléeIncapable d’y penser, la voilà gifléeGênée, la science sonne l’heure du concileEn apparats, elle adopte le plus docileEn ignorant l’autre argument le moins facile
Depuis lors, on a tout bâti sur un seul piedEt quand on veut creuser pour penser comme il sied
Tout, sur vous, menace de s’écrouler en vracEn insistant tout de même, en effet tout craque
Maintenant vous voilà au centre d’un chaosEn un mot, la raison veut vous dire ciaoTout en l’agrippant, vous lui faites un abriToujours en l’agrippant, vous scrutez les débrisRapidement vous retrouvez le vieux bon sensEnlacé à l’âme qui bronze son essence
Sur le champ de ruine, rapplique la folieUn face-à-face cruel, nous rend plus poliRéclamant ma ruine, on joue au monopoli
Les dès sont jetés, on ne peut plus reculerImplorant l’Invisible, on subit l’acculéeSous nos yeux, la folie grappille du terrainTout cash nous tombe des mains jusqu’aux souterrainsEt même ma mémoire lâcha ses vérins
N’ayant même plus nos yeux pour pleurer, aveugleOn tâtonne dans le noir en rêvant de GoogleInutile d’insister, c’est la fin du mondeRésigné comme un bleu faisant son tour de rondeEmmuré dans mon trou, seul mon calvaire gronde
Sous un silence noir, j’entends seul soupirerUn désespoir cru qui sans jamais respirerRetire un gras de vie que j’ai pu inspirer
Maintenant tout est prêt pour annoncer le diableOn sent de partout des frissons tout à fait fiablesNos purs démons ressurgissent sans être niables
Miroitant sous nos yeux le délire à venirAvec en images le futur à frémirImaginant le pire, on voit entrer son maîtreLe voilà, chez nous, tout puissant comme un traître
Ayant, avec l’homme, depuis des millénairesFait commerce du mal en dignes partenairesIl sait de ma nature toutes les entraillesN’ayant qu’à me pousser et j’entre à son sérail
Devant-moi, il découvre une foi de taille
Alors il recule face à ma résistanceVoulant mieux la sonder devant son assistanceOn lui passe une arme d’une autre consistanceInventée pour sonder de l’esprit les muraillesRapidement, avant tous, il en voit la faille
Pour que tous profitent de son opérationLe voilà qui s’explique pendant son actionUn plan de mon esprit apparaît sur les mursSur lequel se découvre toute son armure
D’abord l’Identité avant de commencerElle a quelques leviers permettant d’avancer
C’est cette illusion qu’il nous faut bouleverserLaissons-le nous parler pour mieux la renverserAinsi je me mets à parler sans plus tarderRacontant toute ma vie sans en rien garderTout en moi se vide jusqu’à ma vie privéeEnfin, il sait tout de ce qui m’est arrivé
Lorsqu’on dit tout, le monde intérieur se déformeOn touche à son identité qui se transformeRaconter sa vie à un inconnu notoireSe livrer tout en vrac et payer l'auditoireQue cela fasse, d’abord, du bien, c’est un faitUn ami suffit même s’il n’est pas parfaitEnsuite, après les mots, tout votre être est défait
Jusqu’à la raison complètement désarméeEt le diable en profite pour mieux la charmer
Maintenant il lui applique une autre techniqueEn psychanalyse, on la nomme cathartique
Comme un édifice, l’esprit a sa structureOù les pièces tiennent par des points de suturesNous avons le cerveau qui gère l’intendanceNous avons la conscience qui par lui se penseEntre ces deux-là c’est le règne du mystèreC’est là que la science a fui l’argument austèreTout a craqué là lorsqu’il s’est mis à creuserEnfin on retrouve ce qu’alors il faisait
Poursuivons sa démarche sans la ralentirOn retrouva plus tard notre ami en délireUn bref rappel de l’idée qui fit le séismeRessaisira la lumière due à son prisme
Bouleversant là toutes les idées reçuesOn revoit les bases du système aperçuSans avoir l’espace d’exposer cette thèseSimplement pour dire ce que d’autres taisentEsquissant de leur science le talon d’AchilleRappelons l’argument qui la met sur le grill
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Maintenant c’est digéré, adieu les couleuvresEnfin la foi logique reprend la manoeuvreRessortons vite de ce bourbier pour athéesConstruisons pour les croyants ce qu’ils ont ratéIl existe un système ouvert même aux athées
Dieu étant l’Absolu ; qui peut Tout concevoir ?Et même essayer réduit Tout à rien y voir
Partant de là, quelle preuve peut contenirL’Absolu sans s’écraser à le soutenirUne preuve doit tenir un rien des deux mondesSeul un Don tel que la Foi peut servir de sonde
Juste équilibre en Tout que rien ne peut comprendreA jamais scellé jusqu’aux temps de faire entendreMystère limpide à la foi qui sait attendreA jamais éclairé sans cesser de surprendreIx qui de rien fait Tout et de Tout en fait cendresSource de l’infini dont Douter c’est prétendre
Unique possibilité d’Etre sans naîtreTout l’univers n’est-ce pas l’oeuvre d’un grand MaîtreIl en faut plus, doit-Il aussi vous apparaîtreL’imaginez-vous,là, devant vous, vous le mètreIl vous faut un signe, attendez de disparaîtreS’il veut vous croirez et s’il veut vous irez paîtreEt la foi et le diable ont leur place en votre êtreReste la volonté, lequel en est le maître
La réponse est subtile mais le diable est finEn nous cuisinant, il sert le mot de la fin
M’ayant fait parler, je sens l’arme cathartiqueAyant tout ouvert sous sa pression fatidiqueIl voit de mon esprit toute la mécaniqueLa conscience est nue face à l’effort satanique
Devant l’assistance, il fait une trouvailleEn voyant que notre raison est notre faille
Qu’est-ce que la raison sinon l’émolumentLimpide d’une rivière d’argumentsQu’est-ce que la raison sinon un tas de briques
Disposées pour faire un temple de la logique
Au bout de celle-ci, sous ce tas qu’elle imbriqueUne pierre à-plat, la première qui l’impliqueTout entourée d’une suite en pierres de tailleRien ne peut la protéger, vaille que vailleElle est aux abois dès qu’on longe cette faille
Posée là sans raison sinon pour commencerOù tout n’est que mouvance au plan de la penséeUn rien fut posé pour bâtir la vanitéRien prouvé comme un argument d’autorité
Maintenu à l’abri sans être habilité
A servir au front par manque d’habiletéToute logique cache ainsi sa véritéToute logique s’effondre sous l’argumentEn le sachant, la raison perd son jugementImpossible, sous le choc, de pouvoir raisonnerNi même, en plein mur, de s’entendre klaxonnerDevant ça, la conscience toute retournéeRegarde entrer la folie à pleines fournéesEt le diable, alors, est content de sa journée
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C’est vers-là que commença ma triste aventure
Enfant, déjà, tout était prêt pour la fractureSans se faire prier, le diable à la dent dureToucha mon couffin pour promettre mon futur
Un choc silencieux éventra mes facultésNe laissant qu’une enfance déjà insultée
Pendant qu’en surface, ne figurait qu’un angeEmietté sous l’air, rien ne le rendait étrangeUn voile, sur l’esprit, l’éloigna de l’échange
Le voilà, notre enfant, enfermé dans les livresA l’école, il brille jusqu’à ce qui va suivreComme une rose fane d’avoir trop aiméHabité par la chose en lui enferméeEn pensant, la destruction se mit à germer
Eveillé plus qu’il faut à l’âge de jouerTravaillé par des tours qu’il lui faut déjouer
Notre adolescent se plonge dans l’universOù le diable l’attend pour le mettre à l’enversUn appel profond l’oblige à persévérerSous des signes qui finiront par s’avérer
Sans savoir vraiment où le mènera sa quêteA l’âge des amours, il continue son enquêteVoulant seul découvrir la Vérité suprêmeOn sent son coeur tout fou de ces pensées qu’il aimeNul ne le comprend et ensemble ils s’en méfientSeul vient vers lui, un homme auquel il se confie
Qui mieux qu’une tante pouvait en être tenterUn vieux professeur de lettres vint l’enchanterEn lui servant l’amitié d’un psy patenté
C’est ainsi que notre homme de lettres découvreEnchanté, un ado de seize ans et le couvreSans attendre de compréhensions qu’il découvre
Homme de vice, de tournevis et de luxureIl a tous les faux airs d’un homme de cultureSa chair est bien grasse et tout le reste est plus mocheTout chez lui inspire répulsion car tout clocheOn le voit, c’est clair, on le sent plus qu’il n’en ditIl a les manières des égouts d’un dandyRompu à la débauche, l’anal est son domaineEt même allant chier, c’est le désir qui l’emmèneSous toutes ses coutures, le mal se promène
Pourtant que voit notre ado tout plein de ses rêvesEnfin on le comprend, enfin le jour se lèveUn être, comme lui, différent, incomprisVoit en lui un jeune de lettres et d’espritEnfin un professeur lui fait des complimentsNourrit son esprit et l’écoute gentimentTout d’honneur et plein de si nobles sentiments
Seize ans, il se sent compris, c’est un vrai bonheurEn fait, le diable est de retour, pile à l’heure
Toutes ces années, il exerçait son empireEntre l’âme et la chair de notre homme du pireRegardant le destin pour voir par où venirMonsieur le professeur, il est temps de partirIl guida son vice jusqu’au lycée du martyrNe laissant aucune chance à l’ado d’en sortirEn lui servant ce monsieur habile à vomirRencontré par hasard pour l’aider à grandir
Tout d’un coup, le monsieur se mit à ressentirRouge de son sang en feu, son coeur repartirEt le diable atteint n’avait plus qu’à s’évanouirSous ce coup de foudre émis à point pour guérir
Tout d’un coup, le monsieur devient fou amoureuxRenvoyant de l’esprit son désir malheureuxEt sentant son coeur mort battre des sentimentsSe jure de rendre à l’ado ce compliment
Mais rien n’y fait, cet enfant est bien condamnéA vivre malheureux pendant bien des annéesL’esprit enchaîné à des horizons damnés
Jusque-là professeur, il devint presque un pèreEn aidant de son mieux ce jeune sans repère
Perdu comme un ange admis entre Ciel et terreEmerveillé comme un papillon né en serreNourri tout simplement du siècle des lumièresSachant de la France que ce qui rend fierEt ses grands esprits, et ses causes pionnières
Que faire pour aider ce garçon à ouvrirUn peu les yeux aux réalités à saisirEt comment conjurer son sort sans nous l’aigrir
Nul remède que l’affection pour amortirOn l’espère, le poids du désastre à venirUne telle faille creusée depuis l’enfanceSe soigne en éclatant sous sa seule ordonnance
Aussi, ce nouveau père, jadis diaboliqueVoulant avancer plus vite que la musiqueOmit de prendre les précautions stratégiquesNourrissant l’esprit de son petit sympathiqueSans voir que c’est trop pour un ventre famélique
Très vite il fit le lit du petit psychotiqueObligé de méditer ce menu cyniqueUn plat lourd pour son âme jeune et poétiqueSon esprit sentit frémir la faille clinique
Dès lors, le décompte désastreux fut lancéEn vain, le vieux essaya de moins l’avancerUn an après l’autre, il s’y ruina l’esprit
di
X ans déjà, c’est l’heure de payer leur prix
Débarqués, trois ans plus tôt, avec lui en France
Après sept années de lutte et d’espéranceUn jeune étudiant plein de vie et tout d’aisanceTombe de nouveau loin des marches de la chanceRien ne peut reprendre le vieux désespéréEn trois ans, il n’est plus qu’un fantôme atterréSous ses yeux, la promesse, du diable, avérée
C’est alors qu’il décide de se suiciderOn le trouve drogué ruminant son idéeMaintenant le voilà chez les psychanalystesBuvant leurs idées, pour l’aider, ils insistentAu terme du sevrage, il retourne à la choseToujours se creusant, il découvre quelque choseSoudain, il le touche sans savoir ce qu’il ose
A ce geste, lui répondent à fortes doses
Mille secousses d’un séisme qui s’imposeEveillé après le coup de foudre à la roseNotre vieil esprit rend le contrôle à la choseEt dans son coeur tous les sentiments explosentRevoilà dans ses yeux tout le diable qui pose
De nouveau lui-même plus mauvais que jamaisAprès s’être fait, par l’empathie, rétamerN’est-il pas, grâce aux psy, bien plus clair maintenantSon mal contenu est dehors, le menant
Nous n’insisterons pas, la suite est trop pénibleOn l’imagine: dans sa maison, l’attend sa cibleSous les traits coupables d’un jeune homme sensible
Vivant, depuis la T.S, en vrai misérableIl se sait, dans sa France, un être indésirableEt, clandestin, sans le sou, du shit sur la tableSoudain, ses yeux s’ouvrent, le laissant exploitable
Rentrant à la maison, le vieux reprend sa ruseEn voyant son air, je crois que le shit m’abuseSans comprendre, je sens un changement impossiblePourtant mon instinct me dit que je suis la cibleEn vain, je ressens tout, mais qui pourrait y croireC’est alors que le vieux prend peur, car dans l’histoireTout à coup, il découvre que l’ado est mortIl a devant lui un jeune homme bien plus fortVoulant éteindre ses yeux qu’il voit grands ouvertsEn un réflexe, il ne laisse rien du perversSoulagés, nos jeunes sens se croient à l’envers
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C’est de là que tout part comme un feu d’artificesOn sent que tout s’allume devant le précipiceMais l’effroi est tel que l’esprit pour se défendrePousse l’âme à fermer les yeux et rien entendreRevenue à elle après que l’esprit ait prisEn plein coeur, le traître big-bang qui l’a surprisN’ayant rien vu, ni entendu, elle s’en foutDevant elle, pourtant, son esprit faisant genreSent ses articulations, bel et bien, touchées
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Pourtant elles tiendront jusqu’à ce que le diableAu fond d’un dictionnaire offert par son serviableSuicidé, vienne les cuisiner à l’amiable
Dico de psy offert à moi, curieux en diable
En faisant ça, sachant bien que je peux comprendreN’est-ce pas me tendre la corde pour me pendreEn lisant, je vois toute ma vie se répandreRéfléchissant à ça, mon bon sens fait ses cendresVoilà qu’éclate la faille que je tétaisEt je découvre ce que j’ai toujours étéMa pauvre vie, de l’oeuf à la chute en plein volEtale ses diapos et son éclat s’envoleNi voyant plus rien, le vieux me pousse à partirTout soin est en France, je ne pourrai guérir
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Pourquoi tant de cruauté ? Tout est dans mon livreAprès ça, qu’on vienne me parler de survivreSans ce coup de foudre, mon coeur battrait sans vivre
De retour chez p’a et m’an en mille morceauxEn portant un lourd « gigolo » sur mes dorsaux
Voilà qu’ouvrant le dico je me rends au diableEn ma dépression, il trouve une alliée à tableNi vus, ni connus, ils joignent toutes leurs sciencesGagnant peu à peu le centre de ma conscienceEnfin ils atteignent les remparts de mon âmeA peine grattent-ils sa porte de leurs lamesN’ayant pas le temps de saisir, ils explosentCoup de foudre! C’est ainsi donc que tu t’imposesEt ton âme est la Foi qui guérit de la chose
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Tout d’un coup, dans mon esprit, tout reprend sa placeUn boum en plein hiver et mon coeur brise ses glaces
Son sang frais tourne jusqu’à déranger l’espritAu coeur d’un enfer dont il a tout comprisVenant comme un vertige, le coeur l’a surprisAvec mille concepts qu’il a lui seul apprisIls se regardent alors tels deux malapprisSe trouvant nazes d’aimer sans être compris
Ensemble, ils décident d’aller la raisonnerTellement, qu’ils finissent par déraisonner
Arrivés jusqu’à elle, après dix mois d’attenteToujours aussi fraîche, toujours si enivranteToujours si douniala, toujours si décidéeEn vain, le coeur et l’esprit cherchent leur idéeN’ayant pas pris le soin de mieux la préserverDevant elle, ils la servent plus mal conservéeAlors elle les observe se démenerIls finissent l’un l’autre par se malmenerSous le prétexte de se la moins ramener
Comme deux malheurs n’arrivent jamais tout seulsElle les reçoit en préférant rester seule
Maintenant que tout est dit sans même répartirOn les voit tourner en rond avant de partirMarion vers les artistes, Ahmed vers no wayElle l’oublie entre-temps, lui met son K-wayNe voilà-t-il pas qu’il inonde son adresseToute pleine de sa pluie qui jamais ne cesse
Depuis, hors d’elle, elle prit froid comme on prend peurEt lui renvoie l’effet cru à pleine vapeur
Tout bien calculé, il a terminé sa routeOn le lit dérailler au coeur de ma dérouteUn à un, ses termes too much ont renverséTout droit, tous les mots qu’il me restait à verserEn guise de silhouette d’un coeur étenduSur une route où toute erreur est défendue
Lévitant comme une âme au moment de partirEntends son dernier souffle debout pour t’écrireSur ton mail en plein coeur, qu’il s’éteint sans souffrir
Fou de Marion, je l’ai été à tous les tempsA présent, je me meurs en l’aimant tout autantComme on poursuit des yeux une étoile filanteOn finit dans le noir à chercher sa suivanteNe voyant rien venir du voeu à sa maîtresseSoudain, le ciel scintille de mes maladresses
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Vlane