samedi 30 mai 2015
vendredi 29 mai 2015
jeudi 28 mai 2015
mercredi 27 mai 2015
souvenirs d'impuissance 2
Nous sommes devant la mer. Surface
plane, on n’entend pas l’eau, pas de vaguelettes à nos pieds, des plages
successives à notre gauche, des arrondis avec leur sable jaune, des barques
pour vacanciers, toutes de même gabarit mais colorées comme des crayons à
l’alignement des boîtes métalliques, plates de mon enfance, c’est la première
plage que borde un remblai, lui-même longé par une chaussée, un rivage équipé,
un cap rocheux, des pins, puis une seconde plage, et une troisième. Des rochers
gris, sans brisants, inertes, l’eau n’éclabousse pas, elle semble les
contourner et le ciel est sans relief, ni profondeur, ni secret. J’écoute, je
l’écoute, un homme qui pour la énième fois, la barbe indécise mi-rousse
mi-blanche, les yeux à lunettes, un seul est valide, me raconte la même
histoire que l’habitude m’en a été infligée depuis la rencontre de sa femme,
puis de leurs filles, puis de lui. Seul, le dénouement, le stade actuel des
causes de souffrance, en sus de ce qui est physique et phsyiologique, change.
D’abord, ce fut la préhistoire, les dix-sept ans, la nuit, le milieu de la
nuit, la nuit noire, la vitesse, la motocyclette à deux, des paysages que je ne
connais, mais cela s’est passé bien avant que je connaisse, une soirée, on dit
toujours : en boîte, l’air apparemment libre, l’alcool certainement,
l’ivresse probablement mais celle de la jeunesse, de l’éternité, de la beauté
peut-être à l’âge qu’il avait, qu’il était, dit-on en anglais. Sans transition,
du goudron à une pente, une cale, l’eau, la mer côté golfe, un obstacle, le
récit ne s’est jamais arrêté là-dessus, les deux garçons sont projetés, l’un à
peine contusionné, l’autre, mon récitant, quatre ans de grabat, du coma,
progressivement la remise sur des jambes qui fonctionnent mais, sans que je
sache tout l’atlas du système nerveux, des dommages irréparables, une pile
stimulant ou désactivant quelque chose de vivant mais souffrant, faisant
souffrir, des décennies, l’aggravation, le matériel mal posé ou inadéquat. Le
monologue bifurque, une femme, le hasard, une grande danseuse selon lui, très
douée mais sans emploi qu’outre-Atlantique en fille-au-pair, abandonnée à la
naissance, une mère biologique retrouvée à l’initiative de celle-ci ou de sa
fille, retrouvée à l’article de la mort, parents d’adoption, la belle-mère
stérile, hérissée de jalousie quand arrive une première naissance d’ailleurs
difficile, puis à son exemple, une adoption. Chaque mise à jour du récit se
complique de plaidoyers d’étape tant l’homme est mis à l’isolement et interdit
d’affection. Sa femme ne voulut pas, de prime abord, que sa fille lui soit
présentée, trop belle alors qu’elle-même sans doute d’origine maghrébine se
trouve le teint gtrop mat, ce qui n’est pas mon évaluation. Il est maintenant
accusé d’avoir révélé ce trait de début de vie à leur aînée. Celle-ci, vraiment
mate, que je n’ai en trois ans ou quatre, vu qu’immobile, debout, le regard
vague, et n’ai jamais entendue, peut sembler handicapée comme qu’elle soit
persuadée par ses parents d’un avenir d’artiste, de comédienne, de mannequin.
Harcèlement au collège, pas de description ni d’ambiance, que la relation
indirecte qu’il a m’a donnée au début de mon entrée dans la confidence, son
intervention, le corps enseignant monté contre cet homme d’un seul tenant,
univoque et menaçant au sortir de l’établissement. Le cercle était déjà
vicieux, la cadette, l’enfant d’adoption paraissant bien plus du sang de ses
parents, a su par elle-même ne devenir prisonnière ni de la sécurisation
qu’elle donne à sa sœur ni des moments d’absence forcée de son père pour repos
ou lutte avec la souffrance. Dans des circonstances pas précisées, je n’ai que
le résultat à ressentir maintenant dans ce paysage calme mais trop neutre pour vraiment accueillir qui souffre ou qui
voudrait prier ou qui, aimant, tâcherait de conquérir une attention ou un
corps. J’écoute, nous sommes assis, le dos au tranchant d’une table en bois,
bordée de bancs jumeaux. Ce n’eest pas inconfortable. Quoiqu’il prévienne
d’avoir à souvent changer de position pour ne pas éveiller quelque chose subite
et intense, il est statique. Le corps et la plainte ne bougent plus. Là, plaqués
à moi. Ce que j’éprouve, avec de plus en plus de mal à m’en dégager simplement
afin de ne pas m’abîmer de compassion, est l’impuissance. Même écouter est
difficile. Un esprit qui se perd, les répétitions, les plaintes et mises en
scène, les prises à témoin de ce que dans chacun des dialogues de plus en plus
rauques qu’il reçoit encore d’une femme dont il dit un jour qu’elle ne l’a
jamais aimé et un autre qu’elle l’a quand même aimé, mais quand ? et
comment en est-il sûr ? alors qu’aujourd’hui je puis la supposer capable
d’étouffer son mari, en séance nocturne, aidée au besoin par les deux
adolescentes persuadées par leur mère que l’issue est là. Séparé de ses filles,
gardées à l’étage de la maisonnette à piscine, poulailler mais l’unique est
morte une nuit accidentellement faute d’avoir été ré-enfermée, et calomnié ou expliqué par une mère qui a
été sa femme et dont il admire encore le corps, déjà quinquagénaire. Il
s’inquiète et se ronge, non de trouver un nouveau traitement et le financement
qui serait alors requis, mais de recouvrer un tour de rôle pour la conduite en
voiture de ses filles à un lycée au chef-lieu et retour. Il énumère les
injustices, les incompréhensions, les silences. Bouc émissaire, cause
universelle d’un état morbide de relations intimes sans geste ni parole, ils le
sont manifestement l’un pour l’autre, incapables de percevoir que le seul
remède, et qui est à leur portée, serait un retour ou un début d’amour. La
logique veut le suicide de l’un, la recherche d’un emploi pérenne par une femme
vadrouillant sur la toile ou il ne sait où entre les trajets d’école. Il n’y a
plus même de tentative que du sommeil court, traversé de cauchemar. Je ne les
ai plus vus ensemble, l’un à côté de l’autre, regardant leurs filles ou
entourés de celle-ci, depuis longtemps. Je ne sais donc pas ce qu’en général
révèlent de leur union, de leur mutuel goût l’un de l’autre, de leur répulsion
plus ou moins déguisée un homme et une femme. J’écoute, aucune alternative ne
trouve une description, une phrase, une affirmation à laquelle donner une autre
suite que la seule aggravation de la douleur et de la distance. Je suis livré à
la souffrance de cet homme dont je crois plus juste de reconnaître que c’est un
frère, que ce ne peut être un ami, mais il m’apporte l’expérience d’une
tentative particulière : l’aider, mais rien ni personne ne peut l’aider.
Avant que nous venions à ce banc, à cette table, au vaste plan d’eau d’un été
qui n’est plus éloigné, il balbutiait en remuant des papiers, des certificats,
des compte-rendus opératoires, de l’attestation médicale sur demande que je
réexposais de l’avocat que je lui avais conseillé, il ne trouvait pas, il
répétait avoir déjà envoyé du tout et du vrac et je répétais qu’il en fallait
d’autre, qui soit antérieur, qui prouve toute l’histoire. Ni la responsabilité
du fournisseur de la pile thérapeutique, ni l’amour qui dût avoir cours ne laissent de trace. Je
ne sais où je suis et je ne me trouve plus moi-même tant cet autre, ce frère,
est accroché à ce qu’il souffre. L’histoire sans remède, la géographie
peut-être, la fratrie masculine au chef-lieu dans notre dos, les deux frères
sans travail quinquagénaires, c’est l’âge moyen autour de mon récitant, vivent
chez leur mère et il s’est brouillé avec eux en proposant de gérer les comptes
de celle-ci, plus du tout au fait à près de cent ans, une sœur dans
l’administration fiscale aux Antille, une autre dans le social à deux ou trois
caps de nous, autre bourgade pour vacances et villégiature, le père décédé il y
a peu enseignait la technologie avec pour métier de début la ferronnerie d’art
et la pose de feuilles en métaux précieux. L’entourage est là, mais
psychologiquement inaccessibles. Dans notre époque et ce qui passe pour une
culture, une civilisation avancée même, la parole n’est que professionnelle ou
racoleuse : publique pour public. L’intimité s’atrophie et terrorise
puisqu’elle n’a plus même quelque racine de famille ou d’éducation pour se
dire, la pudeur ou quelque réflexe de délicatesse pour ne pas encombrer autrui
n’y sont pour rien. Le bruit ambiant ne compense pas ce silence froid.
La chambre exigüe, une lucarne, rideau noir le plus souvent abaissé, le lit sous les rampants, pas vraiment couvert, un placard aux portes coulissantes, des afiches punaisées, noires elles aussi, des cortèges et des visages ou des silhouettes macabres, le noir ou les deux trois couleurs qui accompagnent le noir, un univers en image pour un garçon qui n’est ni adolescent ni adulte, sans chaussures ni pantoufles que des chaussettes pour la moquette peut-être verdâtre. Une façon de bureau-secrétaire avec un plateau, des étagères, le bois naturel, pas un meuble, seulement un accessoire. Queue de cheval blondasse, teint pâle, semi-barbe aux poils clairsemés et mous. Je ne reconstitue pas ses mains, il ne prend pas de notes et a pour seul outil un classeur de transparents où en deux trimestres il n’a guère glissé qu’une cinquantaine de feuilles dont la moitié polycopiées, pas de son crû. Il me dépayse à un point, et surtout d’une manière, que je n’ai jamais éprouvé. J’apprends par lui les programmes en français, en histoire, en géographie pour le baccalauréat et, de lui, en vivant chaque semaine, deux heures à touche touche, face à face, chacun sur une chaise, dans l’ambiance la plus confinée qui soit, ce qu’est la dyslexie, ou plutôt l’état dans lequel cette anomalie, cette inorganisation – de quelle nature est-elle ? de quelle thérapeutique est-elle justiciable ? – laisse un sujet rendu à… je ne sais quoi, puisque je suis incapable d’imaginer comment la vie, l’existence humaines paraissent selon de tels prismes. Pas de culture générale, pas même la notion de ce qu’elle est dans une psychologie humaine, et donc aucun remède pour en acquérir même tardivement quelqu’une, ni journaux, ni livres, ni télévision, ni radio. Guitare électrique, batterie, vocation peut-être de luthier mais pas d’accueil ni de filière professionnelle, un stage seulement. Des mots, des qualificatifs, des identifiants abstraits retenus ou copiés en développement de thèmes et synthèses qui constituent tout le programme, rien d’auteurs, de faits, aucune date, carte, statistique. Le commentaire d’un inexistant, l’acquisition d’abstraction. L’expression écrite ne mémorise pas même la plus défectueuse des orthographes pour que ce soient les mêmes fautes à curer, c’est la jungle. A l’oral, entre baillements et gratouillis des pectoraux, quelques locutions et interjections se font face, les mots ne viennent pas, les idées sont insaisissables et donc pas rapportées, et si je disparaissais à l’improviste, le gagnant serait un sommeil sans horaire.
La chambre exigüe, une lucarne, rideau noir le plus souvent abaissé, le lit sous les rampants, pas vraiment couvert, un placard aux portes coulissantes, des afiches punaisées, noires elles aussi, des cortèges et des visages ou des silhouettes macabres, le noir ou les deux trois couleurs qui accompagnent le noir, un univers en image pour un garçon qui n’est ni adolescent ni adulte, sans chaussures ni pantoufles que des chaussettes pour la moquette peut-être verdâtre. Une façon de bureau-secrétaire avec un plateau, des étagères, le bois naturel, pas un meuble, seulement un accessoire. Queue de cheval blondasse, teint pâle, semi-barbe aux poils clairsemés et mous. Je ne reconstitue pas ses mains, il ne prend pas de notes et a pour seul outil un classeur de transparents où en deux trimestres il n’a guère glissé qu’une cinquantaine de feuilles dont la moitié polycopiées, pas de son crû. Il me dépayse à un point, et surtout d’une manière, que je n’ai jamais éprouvé. J’apprends par lui les programmes en français, en histoire, en géographie pour le baccalauréat et, de lui, en vivant chaque semaine, deux heures à touche touche, face à face, chacun sur une chaise, dans l’ambiance la plus confinée qui soit, ce qu’est la dyslexie, ou plutôt l’état dans lequel cette anomalie, cette inorganisation – de quelle nature est-elle ? de quelle thérapeutique est-elle justiciable ? – laisse un sujet rendu à… je ne sais quoi, puisque je suis incapable d’imaginer comment la vie, l’existence humaines paraissent selon de tels prismes. Pas de culture générale, pas même la notion de ce qu’elle est dans une psychologie humaine, et donc aucun remède pour en acquérir même tardivement quelqu’une, ni journaux, ni livres, ni télévision, ni radio. Guitare électrique, batterie, vocation peut-être de luthier mais pas d’accueil ni de filière professionnelle, un stage seulement. Des mots, des qualificatifs, des identifiants abstraits retenus ou copiés en développement de thèmes et synthèses qui constituent tout le programme, rien d’auteurs, de faits, aucune date, carte, statistique. Le commentaire d’un inexistant, l’acquisition d’abstraction. L’expression écrite ne mémorise pas même la plus défectueuse des orthographes pour que ce soient les mêmes fautes à curer, c’est la jungle. A l’oral, entre baillements et gratouillis des pectoraux, quelques locutions et interjections se font face, les mots ne viennent pas, les idées sont insaisissables et donc pas rapportées, et si je disparaissais à l’improviste, le gagnant serait un sommeil sans horaire.
J’admire cette parfaite articulation
entre des programmes officiels énoncés pour conserver le néant, n’apporter
aucun contenu, du moins dans les disciplines que j’ai à soutenir et l’état
d’astructuration mentale où j’ai rencontré mon tapir dès notre premier échange
de courriels. Pas encore autodidacte, il a pourtant quelques réflexes et même
des intuitions surprenantes de justesse et d'originalité, mais jamais assez
globaux pour traiter un sujet. En réalité, nous entrons en psycho-thérapie et
convaincu de commenter un texte choisi dans des œuvres notoires, il dit ce que
le monde lui fait ressentir et à quoi il ne répondra que par instinct. D’une
manière pas aisément réfutable, il définit donc par son comportement propre la
culture générale qui est réponse à l’univers et pas du tout son explication. Je
reconnais que c’est aussi une forme d’appropriation. Je ne sais de quoi il
jouit, car apprendre, découvrir des faits, des écrits, c’est – dans mon
expérience – se faire tant d’amis, de compagnons, tant de vies et de paysages,
toujours disponibles ensuite est plus que le bonheur, c’est l’activité la plus
gratifiante, la plus multiplicatrice qui soit. Surtout quand le sujet ou la matière
sont tout nouveaux. La musique de Boulez ou la VIIème symphonie de
Chostakovitch, dite Léningrad, quand les familiarités anciennes de l’oreille ne
reviennent qu’au second mouvement, aussi les œuvres de Janos Ber d’immenses
dimensions en rubans à premier regard tout à insignifiants m’ont davantage fait
frissonné que mon premier face à face avec Ucello ou la statuaire de la Grèce
classique. Les salles de notre musée au Louvre ou les flancs de semi-montagne à
Delphes sur déblai plus bas de milliers d’oliviers en rangées, et enfin de
plage sur eau turquoise m’avaient impressionné
plus que les chefs d’œuvre. Je n’avais de relation avec l’Hermès de Praxitèle
mais les vestiges, à Olympie, du gymnase et du stade m’avaient ému.
Adossés à la muraille de l’Acrocorinthe,
nous étions mon suppléant pontissalien et moi à voir le soleil se coucher sur
une ville, un site, une époque presqu’intacte grâce à la persistance de ses
paysages et de la couleur de ses pierres, de ses chaussées, de son plan
d’urbanisme où avait vécu l’Apôtre des gentils. Planiste dans une entreprise
depuis fermée dans le Haut-Doubs et trahie par chacun de ses dirigeants
successifs chez nous puis dans le reste du monde de maintenant, il avait du
cœur et de la constance. Il m’avait accueilli dans sa ville, été comme hiver,
et le contraste des saisons y est grand, et permis ma candidature en la
secondant. La députation qu’abandonnait un prestigieux ancien président du
conseil pour tenter le Sénat moins précaire et moins hasardeux, qu’il faillit
cependant manquer. Mon ami curieux, de bonne volonté, organisé n’avait
cependant pas la moindre culture ni biblique ni de l’antiquité grecque.
Pourtant, ce qu’il me disait là et dans ce moment, fut d’une justesse insurpassable.
Mon tapir qui préfère ses leçons pour le
permis de conduire B à nos entretiens, ne ressent pas le défi qui semble n’être
que pour moi. Le hisser à la sanction d’études secondaires qu’il n’a autant
dire pas pratiquées. Le sommant de prendre des notes rien que pour en apprendre
l’exercice, je n’obtiens qu’un remuement des dogts autour d’un crayon à bille,
le tracé d’un mot, une fois, deux fois, assez espacées. Les deux heures où j’ai
multiplié mes objurgations n’ont pas entamé son inertie. Je recevrai son
commentaire du Candide pour y lire que c’est une autobiographie de Voltaire. Je
ne trouve pas de prise, je n’intéresse pas, mes conseils ne sont pas crus. Je
divise les quatre heures de l’épreuve en moments très distincts de réflexion
sur l’intitulé du sujet, de transcription en vrac et en abrégé des idées qui,
en désordre ou selon des associations dont il n’est pas indispensable de
connaître la mécanique dans notre mental, viennent une par une ou en se
bousculant, réservant à l’assemblage en parties intitulées affirmativement la
rédaction déjà au propre d’une conclusion à laquelle l’introduction,
naturellement, fera appel. Silence physique et mental, aucune idée, aucune
image, aucune association ne viennent alors que les documents prévus par l’épreuve
lui sont, théoriquement, familiers depuis six mois. Je lis chacun des cinq
prologues d’autant de versions de l’Antigone créée par Sophocle. Le texte de
Berthold Brecht me saisit, situé devant le bunker d’Avril 1945, la
transposition est magnifique, la peur d’Ismène est dans la tête de chacun des
dramaturge, la peur de la foule, la peur vis-à-vis de toute puissance tandis
qu’Antigone va au martyre selon l’un ou à une belle victoire dialectique selon
d’autres. Cocteau et Annouil existent autant que leur pièce. Un de mes
enseignants jésuites, spécialiste de Thucydide, courant en lecture du grec
ancien et bilingue pour le grec parlé maintenant, semi-acrobate sur la selle
des motos des années 1950, genre de celle d’Anthony Quinn pour la Strada, nous
avait lu la pièce selon Annouilh en sautant « les passages ne supportant
pas la lecture publique ». Laid mais captivant d’humour et de flegme, ces
passages étaient encore plus prenants du fait de telles évocations. A quinze
ans, le fantasme sans référence ni précision est une merveille personnelle qui
ne s’échangent pas entre camarades, rougissant à l’occasion et fuyant la
confidence de ceux qui auraient eu un peu d’avance en connaissance de la vie.
Mon tapir ne fait aucune allusion à la sienne, sinon que les vacances sont la disposition de plusieurs nuits et jours d’affilée d’une amie, elle en troisième et étudiant classiquement, avec qui il échange ce qu’il apprend à son lycée. Pas de café ni la proposition d’un verre d’eau, pas de portrait au chevet du lit, d’ailleurs pas équipé pour que se dispose à proximité quelque objet. Le père est parti dès la naissance du cadet, mon élève ne devait pas avoir quatre ans. Il n’y a pas eu de remplaçant. La mère est psycho-motricienne dans un établissement psychiâtrique, le petit second semble ne résider en famille qu’épisodiquement, lui aussi dans un établissement spécialisé et mon premier, dyslexique a donc interrompu ses études secondaires pendant plusieurs années. Un autre monde ? ou quelque élément insulaire d’un continent disparu qui a beaucoup d’émergences pourtant et qu’aucun système d’enseignement ne me paraît desservir, ce serait le projet soviétique de détourner de l’océan Arctique les fleuves sibériens pour réalimenter les mers Caspienne et d’Aral. Je ne suis pas de force. J’essaie l’affectif. Mère et fils me retiennent, cherchent à me comprendre. L’expression tellement imagée qu’elle est devenue banale : le monde renversé, rend compte de mon impuissance. Je me débats, me répète et ne puis rien, je m’ennuie, j’appréhende la séance avant de me laisser aller aux automatisme de qui tient le crachoir, il a une prescience biologique de l’heure, le baillement devient continu. Nous avons rempli le contrat. Tranquillement, le tapir prépare son baccalauréat : le premier jet est pour le propre. En des lieux et temps que je ne sais ni n’imagine. Il est de bonne volonté mais ignore le doute, du moins dans nos face-à-face. De nous deux, c’est lui qui sait réviser.
mardi 26 mai 2015
lundi 25 mai 2015
souvenirs d'impuissance : une liste
Une première et simple liste :
. la vocation religieuse ou sacerdotale, sa recherche en état de
vie plus qu’en relation avec Dieu
. les fiascos scolaires ou universitaire malgré l’effort :
dans le secondaire (la 5ème et le redressement),
. le constat de l’avantage des autres à tant de reprises et en
tant de registres : l’hérédité
. le constat des atouts d’apparence motivant le rejet de ma
tentative d’être intégré ou le refus du coup
. les amours : l’échec fut-il toujours le même ? les
analogies en rencontre ou en l’effet intime des rencontres ?
. le sexe et son explication
. l’écriture en ténacité ? en édition ?
. le dialogue des vaines supplications – en amour, en carrière
. soulever ou changer le monde : que de Gaulle ne parte pas,
que la dictature en un pays qui m’est cher ne l’emporte pas
. la carrière politique
etc… se continuera d’elle-même par association ou par
inspiration
En parallèle ou en alternance ?
. les aides et mentors
religieux dans ma vie
personnalités d’accueil en politique
mentors à l’étranger
cadets d’aujourd’hui
la conjugalité
. la relativité des succès, forme achevée de
l’impuissance ?
. les erreurs explicatives (l’édition, les déménagements, les
amours du fait de mes inerties)
. ces inerties
Les carrefours
. Mauritanie
. la chute et mes choix
. le mariage
dimanche 24 mai 2015
samedi 23 mai 2015
souvenirs d'impuissance 1
La porte de l’immeuble, vitrée,
bouton-sonnette. Celle, étiquetée : cabinet infirmier. Chacune s’ouvre.
Une femme sans âge. Presque d’une autre civilisation, une tête qui pourrait
porter le fichu paysan de presque toute l’Europe quand celle-ci est pauvre. Des
yeux délavés, un beau bleu mais la prunelle se distingue à peine : le
flou. Un fils, huit ans. Le père n’est plus là, elle l’a laissée quand elle
s’est aperçue qu’il avait trois femmes. Quand ? comment ?
Je ne sais depuis combien de temps ma
vie a la passion des histoires vraies, lues, entendues en trois lignes, une
minute, un semi-regard qui peut être d’amour, de fraternité sans qu’aucun aveu,
encore moins un assouvissement soient explicites. Hôtesses dites d’accueil aux
caisses enregistreuses de ce que nous appelons depuis deux décennies ou plus,
des grandes surfaces. Deux décennies, une condamnation à la prison pour cette
durée, c’est immense, c’est une existence réduite, entamée, perdue. Deux
décennies pour moi, c’est hier, c’est ce matin, c’est ce que je vivais et qui
était apparemment tout autre que ce dans quoi je suis aujourd’hui immergé. Et
cet après-midi, suis encore plus immergé.
Des gens, toutes sortes de gens, la rue,
le métro quand je suis francilien, pas seulement parisien. Je ne sais dire les
décors, les endroits, même les visages ou les circonstances. Ce qui me revient
ou ce qu’il me reste – distinction à préciser, approfondir – est le fait nu de
la rencontre, de sa facilité. J’en suis à pouvoir énoncer à des inconnus,
hommes ou femmes, jeunes filles, qu’ils ont des yeux magnifiques, ou une
silhouette sur laquelle se retourner. La dernière-née de mes sœurs reprochait à
notre mère, à la fin de sa vie, de parler à n’importe qui dans la rue. Notre fille
me fait le même reproche. Je suis fasciné par le roman des autres. La destinée,
l’amour, l’attente donnent à chacune, à chacun sa forme de dénuement, une
version de l’existence humaine.
Je ne sais me déverser, je parle de moi
en classant et donc en évitant, avec surtout la persuasion que cela n’intéresse
pas.
L’aiguille s’est bouchée, me dit
l’infirmière. Délai pour la manipulation des deux flacons, le liquide ainsi
obtenu est gras, épais. Une intramusculaire, pas très aisée à s’administrer
soi-même. Je pensais le faire cependant pour la discrétion. J’ai acheté dans
une autre pharmacie que d’habitude ce qu’il m’a été prescrit au Val-de-Grâce –
les ambiances de ce qui finit, mais aussi les fleurs, des soucis, l’église
d’Anne d’Autriche et de notre mariage, le banc où je tenais, sous les platanes
de quatre siècles, le journal de mon séjour comme j’ai tenu celui de mes amours
tant qu’il n’était pas lu par une autre, et celui de mes affectations à
l’étranger. Mais le mélange, remplacer l’aiguille, je n’aurais pas su. Cela m’a
donné le temps, non des questions, mais de phrases anodines, seulement
amicales, des enfants ? si oui, un mari ? et tout vient. Quand nous
nous séparons pour trois mois – la prochaine piqûre dans trois mois, ce sera le
premier jour après ces trois mois qui finissent un dimanche – et que je lui
souhaite de bonnes vacances puisqu’elle va en prendre d’ici notre revoir, elle
précise que des amis vont lui présenter des… je ne retiens pas le mot qui lui
est venu. La présentation, j’ai connu, pour moi – échec, la prétendue au seul
mot d’amour fuyait selon toutes les manières de fuir même en étant quasiment
dans mes bras – ou pour d’autres : les malentendus pire que des refus de
la vie. La vie, une singulière déesse ?
Comment ai-je fait l’amalgame, il y a
quelques instants, entre ce dénouement qui est le commencement d’une nouvelle
vie, d’une forme d’existence rythmée par je ne sais quoi, même si médicalement
et statistiquement cela porte des noms communs et plus propres et précis :
scientifiques, aujourd’hui ou dans mon cas, banaux… entre cette minute censée
faire commencer en moi un travail de dénument, de dépouillement et cette somme
que j’identifie : mes souvenirs d’impuissance ? non, mon souvenir
d’impuissances. Si souvent, si diverses. L’impuissance, nous nous connaissons.
J’en suis victime, peut-être de choix car fréquemment il a été dit de moi que
j’avais tout pour…. pour quoi ? pour plus ou autrement que… ? rien
n’est précisé. L’alternative au présent n’est qu’un conditionnel passé, une science
rétrospective. Une existence humaine entière, chiffrée en longévité, située en
culture et en géographie, l’imaginer autre ? il faudrait le vouloir. Je ne
le veux pas, je suis heureux de ce que je suis devenu et plus encore de ce que
je vais devenir. De mon corps, je ne suis responsable qu’en hygiène et en
apparence pour ne pas gêner autrui, ni surtout qui m’aime. Les miroirs sont
rares, l’autre – de rencontre ou m’aimant de mariage ou par naissance de mon
sang – me renvoit un acquiescement à cette identité que je ne sais pas bien,
que je construis en partie, les circonstances font le total. Précisément, mes
impuissances m’ont sculpté, bien davantage que quelques succès. Le vrai succès
sera celui le produit de mon abandon confiant à un aboutissement que je ne sais
deviner, que je n’anticipe pas mais pour lequel je dois travailler. En
comportement, en choses et devoirs : débroussaillages autour de nos
longères, cabane entreprise il y aura bientôt six ans pour notre fille,
écriture de quelques lignes dont je puisse être fier de les tendre à qui m’aime
ou à quelque inconnu, à égalité ? je ne sais, celles qui m’aiment, mère et
fille, sont et seront certainement des juges plus strictes, plus objectives,
mieux dépourvues de sentiments qu’un inconnu, qu’une inconnu.
Banalité de l’impuissance, j’accepte les
deux qui ne sont pas de même nature : la banalité, à première pensée, ne
nous grandit pas mais la modestie, l’humilité, donc le réalisme nous mettent
au-delà de bien des prises. Quant à l’impuissance, d’expérience elle nous
ligote, nous empêche, nous fait manquer… mais que projetions-nous,
qu’étions-nous, qu’allions-nous perpétrer qui nous importa tant que ne le
pouvoir nous a réduit bien plus mentalement encore que physiquement ?
Quand j’hésite à choisir le pluriel pour
l’un des deux termes, le singulier donc pour l’autre, mais que l’inverse serait
autant juste – écrire, c’est se répéter, je parle d’abord, mes lèvres se
touchent, et je transcris. Parfois, des pages entières, un livre s’écrivent
ainsi mentalement, par oral – l’oralité de la bouche qui parle, énonce selon
quel automatisme ? ou une inspiration – mais je les oublie, je les ai
oubliées quand je veux les écrire, seul un titre me reste. Quand la vie a sa
colère, son paroxysme, que l’autre aimé ou réticent se dérobe ou me condamne,
je souffre en surface, me maudis autant que l’autre, mais en dedans j’ai envie
de tout retenir et transcrire. Il y a quelques années, entre notre seuil, que
le maître d’œuvre qui a rénové nos longères, ce n’était pas un architecte et il
ne fut pas bon intendant de ce que j’avais emprunté pour poser bien plus que
mes valises, des tonnes de papiers, de livres et – je m’en rends compte – des
tonnes de passé, quoique j’avais à peine alors cinquante ans… entre notre seuil
et le bûcher, aujourd’hui au toit à demi-effondré, j’ai entrevu le principal de
l’histoire à suivre. Partir, quitter amante ou déjà épouse et mère, je ne sais
plus, partir sans affaires de toilette ni même (plus important) un carnet de
notes… partir, rouler et puis alors, pas d’argent, le fossé, les hébergements,
le hasard, de l’amour à nouveau, la crasse me fit peur, l’irréversible plus que
l’inconnu. Rien de vécu que cette tournure de moi, happer l’instant pour
l’écrire. Mais qu’est cet instant ?
Je sais celui de la prière, il ne
m’appartient pas puisque je le reçois. Je ne sais pas celui que je vis, je sais
encore moins la relation que j’ai avec lui, sinon que cette relation contient
tout, n’enferme rien ni moi ni autrui ni les minutes ou les années ni les lieux
ni le passé ni aucune suite. Il m’arrive quelque chose, il se peut que ce soit
une naissance. Devrais-je reconnaître un nouvel avatar de l’impuissance, cette
fréquente compagne qui s’y prend assez bien avec moi ?
Tu as le choix, remarque-t-il, me
contrant. Ami d’enfance, l’époque, la génération des cartables, la rue aux
trois librairies et aux trois cinémas, aux deux horloges depuis la gare du
train dit de petite ceinture, qu’avait décrit trois quarts de siècle avant
nous, donc avec ce chemin de fer, Julien Green en premier tome de son journal.
Cancérologue de premier plan, initiateur de l’hormonothérapie chez nous, la
découverte de ce Nobel américain habitant la Nouvelle-Orléans, commensal
désagréable au possible selon mon précieux camarade qui a rencontré quelques
autres des lauréats successifs, il réplique : si, tu as le choix, tu peux
refuser. Le traitement. La vie contre la sexualité. J’ai vécu cela il y a
quinze ans, déjà, une première fois. L’enfant que je n’ai pas… donc
jamais ? Aujourd’hui, ces années-ci, le bonheur est de plonger au cœur, au
ventre de la moitié de moi-même. Ne plus éprouver cette force, ne plus entendre
la voix qui a changé et évalue la douceur. Pas du tout le plaisir, mais la
lutte ensemble, solidaire à ressentir plus la chair de l’autre que mon propre
corps. Le frémissement, la recherche, l’attente par l’intensité du mouvement,
l’aboutissement soudain, à pic, la grâce indescriptible de l’ultime
essoufflement, puis gésir à deux, se défaire lentement l’un de l’autre, sourire
vers le ciel dans la nuit que nous avons faite à nous seuls. Les mots me
viennent, les images et les sons. Ce que je ne savais pas au début de tout, à
mon adolescence qui ne savait ni n’espérait rien, qui demandait seulement où
était la place vers laquelle aller m’asseoir pour regarder et servir, être
utile. Je ne savais pas encore rêver d’être aimé. Aimer m’était machinal, sans
art que le naturel, toutes celles et ceux qui m’entouraient et dont je faisais
partie tout autant qu’elles et eux. La chrysalide ? je ne le crois pas.
Je comprends maintenant ce que j’ai vécu
sans étiquette, sans écriture, les yeux, tous les sens, la mémoire en éveil
mais tellement proches de ce que chaque instant m’apportait, sans que j’ai à
choisir ni attendre, même les larmes, la souffrance de perdre ou de ne pas
obtenir, m’étaient favorables. Je comprends et vois aujourd’hui, sans
doute parce que je suis le produit de ce que je n’ai pas réussi. La réussite
m’eût détourné, j’en ai eu toujours le pressentiment, me dédoublant, donc
fuyant quand j’étais – selon les autres et selon toute apparence – en pleine
réussite. Accablé par ce qui est appelé, trop simplement, uniment : le
bonheur. Tandis que l’expérience à pleurer, à tout quitter et d’abord, donc
finalement, partir de la vie-même, m’unifiait, me donnait une sensation
d’exister. Je ne sais si ce fut toujours la même. Le refus a été la solidité qui m’était
infligée. Peut-être le rocher qui sauve le psalmiste, le fond véritable qui
fait revenir le dépressif ou le mystique à une surface à peine céleste mais où
respirer.
le livre trouvé
Saurai-je
jamais ce qui m’a pris ? L’impuissance qui m’est inoculée par seringue,
déjà installée mais maintenant définitive, sauf si mon idée est viable,
c’est-à-dire pas contre-indiquée, m’appelle à une mémoire qui totalise. Ma vie,
jusqu’à présent, pas des échecs, mais de l’impuissance, car ce à quoi
j’arrivais toujours ensuite était autre, et en fait, bel et bien victorieux.
Alors, l’écrire. Les écrire ces souvenirs d’impuissance. Sexuelle, mais pas d’abord
ni obsessive. Impuissance à obtenir une réponse souhaitée mais je n’avais pas
l’autonomie de la forcer, de moi-même me l’administrer : une vocation
religieuse, sacerdotale. Impuissance à me faire aimer de qui m’avait inspiré de
l’amour, sinon l’amour, je n’en étais pas même à imaginer plus qu’un baiser,
alors un corps nu, un ventre qui s’ouvre et se donne… Impuissance de ma
scolarité à l’E.N.A. et ainsi de suite jusqu’à mes tentatives pour retrouver un
emploi, pour « renverser la vapeur », et aujourd’hui pour trouver
quelque ressource de plus. Impuissance vis-à-vis de moi-même : terminer
cette cabane entreprise il y a six ans bientôt pour notre fille. Impuissance à
me faire éditer, en réalité à écrire quelque chose de comestible,
d’appétissant. Bien sûr, l’impuissance de sexe que je crus il y a quarante,
l’unique équation où je l’ai éprouvée, le fait d’un refus, illusion que j’eus
aussi ces derniers temps, alors que sans doute la cause était en moi, est en
moi. Multiples impuissances y compris les occurrences actuelles : les
mites et la poussière, les premières plus efficaces que tout en destruction de
tous biens matériels… mon « tapir », ses lacunes impossibles à
combler puisqu’il ne les reconnait ni ne les accepter au point de faire passer
ses cours de conduite avant nos « répétitions »… cette jeune fille,
l’âge d’H. en 1994 sinon sa beauté, la densité de son charme et surtout la
force du possible et du vécu, que je rencontre par hasard, accompagne dans la
précocité et déjà la qualité de son écriture, mais l’amour évidemment
impensable, sauf les images du fantasme, mais son visage je le confonds de plus
en plus avec Louhane, que j’ai prise pour le sosie d’H. jusqu’à revoir,
chaque fois (quatre ou trois, je ne sais plus) avec émotion, son film : la famille Bélier sans que
personne ne voit ce qui est pour moi la criante, invraisemblable ressemblance…
impensable puisqu’elle est telle qu’elle est et surtout parce que je préfère ce
que je vis, qui m’est donné, ma femme, notre fille. – Tenter donc d’écrire cela
sans autre ordre ni plan que l’association d’idées et donc en chapitres
d’inégale longueur et peut-être densité, selon les associations et
automatismes. Livre sur la mémoire, sur la foi, sur les rebonds, sur l’écriture
aussi, l’auto-biographie selon l’échec et ce qu’il produit : l’unité
intime, peut-être même une certaine estime de soi ? non, l’espérance
d’être aimé, nu, vraiment nu, aimé de qui m’aime et de Dieu.
vendredi 22 mai 2015
jeudi 21 mai 2015
mercredi 20 mai 2015
le retour en vieillesse aux impossibilités de l’adolescence
– le fantasme était doux par imprécision, la mémoire est
chaleureuse par le retour aux détails, mais aux deux âges, les deux incomplets
de toute vie est donné la même vérité du même ensemble à proportion que manque
une réalité – mais l’expérience de la réalité est telle qu’elle atrophie,
fantasme et mémoire au contraire font tout voir et souvent vivre
mardi 19 mai 2015
journal d'il y a cinquante ans
+ Jeudi
20 Mai 1965 . 23 heures 30
Depuis huit jours, je cherche un moment de
calme et de réflexion. Et n’arrive pas à le trouver. Espèce de tourbillon et de
vertige, dans lequel je suis, que je ne veux pas, mais qui m’enivre tout de
même.
Vulnérabilité totale,
à la beauté sous toutes ses formes,
à la musique : telle fugue ou morceau
de Bach, que j’écoute dans le calme profond, allongé sur mon lit, telle valse,
réécoutée et retrouvée, depuis que j’ai récupéré mes petits disques,
au visage, au corps de la femme,
à Béatrice Moreau, dont – quoique je m’en
défende – j’entretiens en moi le souvenir et le désir, depuis la nui du samedi
au dimanche derniers,
à l’ambassadrice : Dominique Deniau,
que j’ai trouvée éblouissante bronzée, blonde, robe noire très simple, et
légère.
Décor merveilleux chez Garnaud.
Contact rapide avec le Président.
Le matin même, Sy Seck m’avait donné le
feu vert pour mon camp en Mauritanie, et j’avais appris que la circulaire du
Président relative à ma thèse, commençait de parvenir dans les services. Nous
avons parlé de cela.
Pris quelques photos de la soirée, et de
la table du Président.
Dansé toute la nuit avec Madame Moktar, avec
Madame Deniau, peu avec Madame Ballèvre dont je n’appréciais pas la coiffure,
et l’ « air vieilli » (alors que Jean-Marie était rajeuni).
Dansé souvent avec Annie Gadon (j’étais
plus intimidé par les jeunes filles que par les jeunes femmes), et surtout avec
Béatrice Moreau.
Attirance surtout physique, et slow très
serrés. J’ai surpris de temps à autre son sourire donné, et je ne pouvais
m’empêcher de penser, que jamais je n’aurai et n’ai le droit de faire d’un
autre un instrument de mon plaisir.
Le lendemain, Madame Ballèvre me signalait
que Garnaud avait fait cette soirée pour mettre en relations les uns avec les
autres, et voir le résultat. Valmont dans une certaine mesure. Me dit que
Garnaud cherchait à me faire connaître l’amour physique, et qu’elle n’y voyait
aucun mal. En ai reparlé à Jean-Marie mardi soir. Exposé que ce qui importait,
c’était le respect mutuel. Autrement dit, si tous les deux consentent à l’amour
physique, en dehors de tout lien de mariage, pas de problème ; mais,
oubliai : pb. sentimental, pb. enfant. Je ne peux prendre un corps, sans
me donner entièrement à lui, je ne conçois pas de don à moitié. Il faut que
l’amour physique, si complet qu’il soit en lui-même, soit une manifestation de
l’amour tout court, de l’Amour. Néammoins, les tentations vont se multiplier.
« Protège ma faiblesse,
Seigneur. »
« Dieu, qui mets au cœur de tes fidèles un unique désir,
donne à tron peuple d’aimer ce que tu
commandes
et d’attendre ce que tu promets,
Pour qu’au milieu des changements de ce
monde,
nos cœurs s’établissent fermement,
là où se trouvent les vraies joies. »
Oraison . 4ème Dimanche Pâques
Comme toujours, je suis frappé de voir des
coincidences de la liturgie. Et depuis ce dimanche, ou en dehors de la messe et de la plage, j’ai
surtout dormi, le thème de la mese Os justi me poursuit.
« Il n’a pas mis sa confiance dans les richesses et les
honneurs »
« Vous ne savez ni le jour ni l’heure »
Comme je sens que le choix est à faire.
Cmme d’ailleurs, je le fais, malgré
l’ivresse du « succès », qui me fait me dégouter moi-même, et
probablement rendre puant aux yeux des autres. Je ne suis pas fait pour le
succès.
Il ne me comble pas, ne m’équilibre pas.
Me désaxe au contraire.
Objectivement, rien que de très
normal :
– audience par le Président et « feu
vert »
– rendez-vous avec Madame Moktar et
sympathie
– soirée Garnaud où l’ambassadrice me
frappe profondément, prise de conscience du fait que je suis bien vu d’elle
– déjeuner aujourd’hui en tête-à-tête avec
l’ambassadeur et l’ambassadrice
– hier, long bavardage avec elle avec
Garnaud et Brain (très agressif, je n’arrive pas encore à savoir pour moi).
Au fond, cette prise de conscience,
peut-être non fondée, que j’ai toute une série de relations à Nouakchott :
ministres et Président, ambassade, et que mes deux entreprises vont bien. Tout
cela me fait prendre partiellement le contrôle de moi-même, m’inquiète,
m’excite. Je suis frappé de la précarité de la chose, de la chance que j’ai, et
je bois le tout à grandes gorgées, comme si cela ne devait pas durer, et
surtout comme si cela ne devait déboucher sur rien.
Et j’en viens à être – c’est du moins mon
impression – raseur chez les Ballèvre : inquiétude après ce que m’a dit
Brain, me traitant d’arriviste aux dents longues, puant chez Lucas (avec
Chappotard et Marchand en couples), à la réunion catholique d’hier soir, ce
soir à dîner. Je me déplais. Et comme il faut s’aimer soi-même, pour aimer les
autres. Le succès (bien relatif, il faut le reconnaître) m’attire et me
repousse. Il me gonfle et ne me gonfle pas.
Mon Dieu, je garde soif profonde de toi.
Je te choisis Toi le seul vivant, Toi le seul à m’aimer, à être pleinement. Je
te choisis, et veux te donner ma vie dès ici-bas.
André m’a écrit une longue lettre, que
j’ai reçue il y a huit jours, dont le leit-motive, relatif à ma vocation,
était SI
TU VEUX.
Et Brain me traitant hier d’arriviste, me
faisait mal. T tous les autres qui pensent peut-être la même chose. Et je
souffre de paraître (et peut-être d’être) ce que je ne veux pas être.
Accepter. Me simplifier. Comme je veux
être un et simple. Simplicité. Unité. Qsue j’appelle de toute mon âme.
Accepter, et rechercher Dieu à travers tout cela. Il veille sur moi « de qui aurai-je crainte ? »
lundi 18 mai 2015
dimanche 17 mai 2015
journal des "événements de Mai" - selon mes contextes personnels
P a r i s
+ Lundi
Saint 8 Avril 1968
21 h 45
Une heure « en
direct avec » François Mitterrand .
L’image qu’il veut
donner de lui est claire
– un démocrate . il
n’est que l’un des leaders de la gauche
il dit
« nous » et non « je » . il dialogue . admet la
discussion .
– un socialiste .
les nationalisations . le rôle de l’Etat
l’Europe libérale
n’est pas viable . la France socialiste
ne sera donc pas en
contradiction avec l’Europe libérale puisqu’elle
créera une Europe
socialiste
– la gauche généreuse
« à la française »
(thème purement
électoral) . avec l’appel à la jeunesse .
la foi dans
l’avenir . le sourire aux lèvres .
la conviction que
l’on veut faire croire ardente et réfléchie
en même temps
qu’enthousiaste . la France a besoin d’élan .
nous croyons en la
jeunesse etc .
le parti pris de la
franchise . de l’honnêteté .
eh bien oui . il
manque de moyens .
et aussi . le
complexe de la gauche en France : on ne nous fait
pas crédit
– le républicain .
le peuple doit défendre ses lois
comme ses murailles
. plus de coups d’exception . le respect
de la volonté de la
majorité . même si elle change en cours
de mandat
présidentiel (…) .
– un chef d’Etat
possible : le calme . la politesse . (guère de
coups bas) . le
refus de toute exclusive . le sérieux . la pondération .
Mais les grandes
incertitudes demeurent
– relation avec le
Parti communiste .
de Gaulle pouvait y
faire équilibre et ne pas en être prisonnier
mais la F G D S .
surtout . si le P C a plus de voix qu’elle ?
le problème a . là
. été complètement éludé par Mitterrand
qui ne répond que
par l’énoncé des chiffres des élections dernières .
– le contrat de
législature . suffira-t-il pour empêcher
une cascade de
crises . et maintenir la solidarité de la coalition
(car la gauche est
une coalition de partis .
alors que la
majorité actuelle est une coalition d’électeurs
en un seul parti
. ce qui est nettement plus homogène)
Rien ne dit . qu’au
bout de 6 mois . les radicaux
ne demanderont pas
de compte . que la S F I O ne trouvera les
communistes trop
gourmands . le programme – comme tout programme reste vague . Les Gvts ne
tombent pas sur un programme .
mais sur la place
d’une virgule . ou un alinéa d’un
obscur décret
(Poinso . Chapuis) .
Au fond . on se dit
.
– au mieux .
Mitterrand arrive à faire comme Pompidou .
alors pourquoi
changer . car Mitterrand c’est aussi la
possibilité du pire
.
Sur le plan de
l’accession au pouvoir . cela se passera dans
cinq ans . et dans
cinq ans .
En tout cas .
effort manifeste de Mitterrand . qui passe très bien .
et l’emporte . haut
la main . surtout tous les autres leaders de la gauche .
De ce point de vue
. la TV peut tuer les communistes .
La rigidité et la
lecture d’un texte est impossible
au petit écran .
Débat intéressant .
David Rousset . plaçant dans le
centre du débat .
et P V P . ayant un peu l’air
d’un médecin.
docteur en politique .
examinant
Mitterrand . comme au grand oral de l’ E N A .
Quelques questions
de personne soulevées par Rousset .
et l’impuissance
assez maladroite de Charpy
ont un peu terni
l’ensemble . qui reste quand même confus .
C’est – comme
toujours à la T V – la personne qui frappe
et non ce qu’elle
dit .
_
+ Jeudi
16 Mai 1968
21 h 10 .
Après le débat
journalistes.étudiants
et avant
l’allocution télévisée du Premier Ministre.
Toute liberté de
parole et d’expression a été
donnée pendant ces
trois quarts d’heure . de débats .
Cohn Bendit
« Mvt du 22 Mars »
Sauvageot UNEF . et
Geismar . syndicat enseignant.
La thèse étudiante
a été indiquée avec force par
Cohn Bendit :
changer complètement la société .
mouvement qui doit
être soutenu par les travailleurs et
qui est en
définitive pour eux . supprimer Université de classe .
pas de referendum .
pas de fausse solidarité nationale .
révolutions ne sont
que le fruit d’une minorité agissante.
C’est cette
minorité qui a entrepris de résoudre les pbs
qui n’a pas su
poser et penser le Gvt depuis dix ans .
Pb. des examens. Il
n’est plus question d’examens, mais de
validation des
connaissances . Plus de bachotage . Surtout plus de
sélection, qui
accentue l’ouverture de classe.
UNEF : moins
prolixe . Soucieuse de rester un interlocuteur semble-t-il
Pas de service
d’ordre . Consultation permanente . Vient de
la profondeur des
étudiants .
Enseignant (les
représente-t-il vraiment) . Pas de bachotage .
Délai pour les
examens.
Révolution devant
la société . Parlement et Gvt également
inopérants . De
Gaulle etc. bien sûr démission .
Mais là n’est pas
la question .
Renverser la
société . Mais la remplacer par quoi ?
Ne nous faites pas
rire . Nous sommes des tacticiens
Marx et Ménine
n’avaient pas . (selon les étudiants)
prévu la
suite . Pas de choix entre avant et après .
Assurance, souvent
excédée, de Cohn Bendit .
Synthèse
totalitaire, complète. Les mots prononcés de
la même façon
martelée . du leader UNEF, de Bendit.
A certains instants
. situation renversée .
Les étudiants
disant quand et comment ils passeront des examens.
Université définie
par eux-mêmes . Et bien sûr plus de capitalisme.
Dans tout ce fatras
. bien sûr . pas mal de naïvetés
et de contre-vérité
. Mais aussi des idées intéressantes
(et pas neuves) il
faut le dire.
Mais l’essentiel,
pour eux, pour Cohn Bendit, qui remorque
visiblement les
autres, ces autres mettant en forme, gommant
quelques arrêtes .
l’essentiel . est de renverser une société .
symbolisée par
l’Université . machine de classe .
éliminant les gens
. les jetant sur le pavé.
On se demande
comment tout cela va se faire .
Peu de solutions
possibles à chaud .
Que des solutions
transitoires .
Que l’on soit au
Gvt . ou dans le « pouvoir étudiant » .
(qui est défini
plus comme une force de contestation . une force de
motrice . pour
l’instant . et non comme une organisation de
contrôle et
d’encadrement . mais de l’impulsion à
l’encadrement ?)
Les étudiants . ou
plutôt les 3 porte-parole de ce soir .
promettent
davantage . Hier, l’occupation de l’Odéon
(avec l’accord des
acteurs et du personnel, disent-ils…)
Remplacer la
culture de classe . par celle des travailleurs et
des étudiants.
Est-ce la dictature
de la 2ème moitié du XXème .
Car on sait ce que
c’est que les minorités agissantes .
En tout cas, et
c’est peut-être . dans le contexte actuel .
une toute petite
chose . le Premier ministre s’affirme
par son calme, son
sens de la concession (l’émission de ce
soir le prouvant) .
et son acceptation de remises en cause
nécessaires.
C’est peut-être les
élections présidentielles de 72 .
qu’il vient de
gagner définitivement .
aux yeux d’une
majorité de modérés
de bonne volonté .
mais qui ne veulent pas d’exagération .
dans quelque sens
que ce soit.
3 ou 4 minutes
d’allocution de Pompidou .
Il
« passe » moins bien que le Général, et son style
est plutôt celui
des causeries au coin du feu.
Mais ce soir, il
fallait être grave et direct. Il a su l’être.
Sans effet
oratoire.
L’essentiel était
de montrer la bonne volonté du Gvt .
Elle a été
évidente.
Mais les enragés
ont été nettement désignés.
C’est une
allocution . de témoignage pour l’avenir .
qui n’apprend rien
des intentions.
Chacun vit au jour
le jour.
Il n’empêche que la
crise actuelle
eut provoqué la
chute du Gvt sous la III° et la IV° .
et même une cascade
. et emporté le régime sous les
monarchies
parlementaires.
Le point reste
d’une révolte devant une société
qui ne sait pas
s’expliquer ni se rendre attrayante .
à beaucoup. Les
émotifs primaires (au sens caractériel)
attaquent donc.
On ne voit pas
comment s’en sortir . sinon par la lassitude.
Pompidou a fait
allusion . l’autre jour . devant l’Assemblée .
à une éventuelle
action de Pékin . pour perturber l’Occident . et surtout
Paris au moment des
négociations sur le Viet Nam . A examiner de près !
_
Mon roman est un peu à l’eau de rose à côté de
tout cela .
Et me semble manquer de force . depuis deux
jours . . .
Je suis pas à pas
nos fiançailles . C’est fou ce que je
découvre de choses
en Nicole et en moi .
_
+ Vendredi
17 Mai 1968
10
h 20
Je viens de parcourir la copie de la lettre
que j’ai écrite
il y a une semaine à Laurence .
Elle n’est pas mon unique . C’est Nicole .
Laurence n’aurait pu me captiver que par un amour simple et
Laurence n’aurait pu me captiver que par un amour simple et
sans complication .
C’est jusqu’à présent . le plus compliqué de
tous ceux que j’ai vêcus..
Nous ne saurons pas nous reposer ensemble .
Je ne veux plus rien forcer avec elle .
Je ne crois que nous aboutissions . Tout a été
trop lourd
et contraint dès le départ .
En tout cas . je ne lui ferai plus d’avance .
L’amour . imprévu . raisonnable et fou .
viendra bien un jour !
_
L’Indépendant –
19 Mai 1968
circulant
notamment dans l’Aude - Carcassonne
Un enjeu trop
grand
Grèves
et manifestations estudiantines qui continuent, débrayage des ouvriers et
occupation des usines qui commence : la situation trouvée par le général
de Gaulle à son retour de Roumanie est infiniment plus grave qu’elle ne l’était
à son départ.
Le
pays est menacé de paralysie économique et de désordre dans la rue. Position
dramatique qui justifie maintenant sans aucun doute une initiative au plus haut
sommet.
Le
pouvoir politique avait trois cartes dans son jeu : la première était la
fermeté. M. Louis Joxe, Premier ministre par intérim l’ajouée la semaine
dernière pendant le voyage de M. Pompidou en Iran. Avec maladresse et
inefficacité, il est vrai.
Revenu
à Paris, prenant sur l’heure le jeu en main, il a alors abattu la deuxième
carte : celle de la conciliation. Retrait des forces de police du Quartier
Latin, pas d’opposition à l’occupation de la Sorbonne et des Facultés, annonce
du dépôt d’une loi d’amnistie pour les manifstants arrêtés. La carotte n’a pas
eu plus de succès que le bâton quelques heures plus tôt.
Non
seulement l’agitation étudiante n’a pas cessé, mais il s’y est ajouté un
mouvement revendicatif ouvrir d’une ampleur telle qu’on n’en avait pas vu
depuis quinze ans. Que reste-t-il maintenant dans le jeu gouvernemental ?
« Il
reste, disait hier un familier de l’Elysée, l’intervention directe du Chef de
l’Etat ». Selon cette personnalité, le Président de la République élu au
suffrage universel et responsable de la Nation, s’apprêterait, supprimant tous
les intermédiaires, à entrer directement dans l’événement, à engager son
crédit, son prestige et sa personne.
Pour
lui, l’enjeu est trop grtand : il ne s’agit pas seulement en effet de
restaurer l’autorité publique sérieusement ébranlée. Il s’agit aussi de
justifier l’efficacité des institutions.
Le
général de Gaulle a souvent dit des précédentes qu’elles étaient imparfaites
parce qu’incapables de résister à une crise grave, alors que les institutions
nouvelles étaient par contre prévues pour tenir le coup quoi qu’il advienne.
Mais
il s’agit aussi sans doute de remettre en marche l’Economie. Dans les milieux
industriels, l’inquiétude permanente qui y régnait depuis la suppression des
protections douanières a fait place depuis quelques jours à une véritable
angoisse. La vague de revendications devrait avoir comme conséquence l’octroi
d’avantages substantiels. Mais les entreprises françaises, bien souvent
vieillottes ou de trop petite dimension, pourront-elles résister à leurs
concurrentes étrangères ?
Cette
angoisse est partagée par le Gouvernement. M. olivier Guichard, ministre de
l’Industrie l’a dit hier soir à la télévision : crainte que les produits
français devenant trop chers sur le marché, perdent la bataille, que des
entreprises ferment et que le nombre des chômeurs déjà élevé ne s’augmente considérablement
dans les mois et les années qui viennent.
C’est
également l’avis de l’étranger qui juge – avec une inquiétude parfois
sarcastique – l’évolution de la situation française :
« La
France menacée d’anarchie », titre le journal allemand « Der
Abend ». « Les Français menacés par le chaos », renchérit le
quotidien hollandais « De Telegraf ». Et le « Times », le
journal le plus sérieux de Londres, écrit : « Dans une situation
aussi fluide, n’importe quoi peut arriver. Si le Gouvernement commet des
maladresses ou si la police tire et que quelqu’un soit tué, le désordre
augmentera et prendra de nouvelles formes ».
Ces
commentaires, cette image donnée par notre pays vu du dehors, touchent le
général de Gaulle au point sensible. Il se demande si en quelques jours,
étudiants et ouvriers en révolte n’ont pas ruiné d’un coup l’idée que lui-même
avait patiemment cherché à donner du régime.
Cela
rend encore plus grave l’attitude qu’il sera amené à adopter dans les heures ou
les jours qui viennent. Pour lui l’enjeu est clair : il s’agit de savoir
si notre pays mérite ou non ce jugement cruel du journal britannique
« Daily Mail » qui titre son éditorial ainsi : « Liberté,
égalité, anarchie ! ».
Henri Trinchet
+ Lundi
20 Mai 1968
21 h 00
La crise semble
maintenant étale.
On s’y installe.
De Gaulle est
rentré dans la nuit de samedi à dimanche,
et semble sans
arrêt depuis son arrivée.
Il laisserait la
direction des opérations, tant sur le
plan parlementaire
que sur le plan social, à Pompidou,
n’intervenant que
si la situation s’avérait insurrectionnelle.
En tout cas, son
allocution, prévue pour le 24, n’est pas avancée.
Depuis samedi et la
grève générale, avec occupation
d’usines, la crise
m’a paru devenir une crise de
régime, remettant
en cause, tout ce qui était acquis
depuis 10 ans. Bel
anniversaire de 1958.
Comme si la France,
avait été violée, non séduite,
il y a 10 ans.
On pouvait
craindre, le pire, samedi.
Tout pouvait
arriver. La prise de bâtiments publics.
La rébellion de la
police.
De Gaulle qui avait
voulu rétablir la stabilité,
l’autorité de
l’Etat, l’idée nationale, aurait
complètement
échoué. Et le tout emporté d’un coup
de vent, en quinze
jours.
Et l’on se serait
retrouvé, pire qu’en 1958.
Car, à qui faire
appel ?
Comment isoler les
étudiants, du reste de la nation,
les clouer
progressivement au pilori, après les avoir bernés,
comme on a fait
pour l’armée et les pieds-noirs.
Il semble que
maintenant, les choses aient atteint leur
maximum, à moins
que ce ne soit qu’un palier.
C’est le maximum,
s’il ne s’agit que d’une contagion
à partir de
Nanterre, dans les universités, puis les syndicats
profitant de
l’occasion, et prenant le train en marche.
Ce n’est qu’un
palier, et c’est grave, s’il y a
« un chef
d’orchestre clandestin ».
Cohn Bendit, et ses
appels aux travailleurs, depuis le débat
télévisé, donne à
penser à ce chef d’orchestre,
qu’il ne serait
d’ailleurs pas.
La vague étudiante
a semblé irrésistible.
Elle n’est pas
encore retombée. Mais on ne voit pas – à part
la prise d’assaut
de l’Elysée, et des préfectures –
ce qu’elle ferait
maintenant. Les proclamations d’autonomie,
ne veulent pas dire
grand-chose, surtout à l’IEP,
dont il suffit de
lie le statut pour savoir qu’il est déjà
autonome.
Ce sont les
étudiants qui ont donné cette tournure
dramatique et
révolutionnaire aux événements,
mettant en cause la
société, l’Etat, la nation,
refusant toute
concession etc .
Les syndicats ont
une attitude ambigüe
– crainte que les
militants sans instuction précise
ne passent à
l’anarchie Et quelle instruction peu claire,
que la grève, la
seule que l’on puisse donner.
La vérité ne serait
que nuances incompréhensibles pour la masse.
–
« découverte » soudaine de l’urgence des revendications
salaires, garantie
de l’emploi, etc.
et reprise de la
litanie sur les ordonnances anti-sociales.
– revendication
plus vaste de démocratie . syndicale et politique
Bataille
parlementaire paraît, dans ce contexte,
absolument désuète,
et sans objet.
Bien que de Gaulle
veuille la maintenir, pour faire donner
un à un les mécanismes
du régime.
Pb. économique très
angoissant.
Sur ce plan là,
irresponsabilité totale des syndicats.
Pour ne pas risquer
d’être débordés par l’anarchie,
Ils ont opté
délibérément pour un handicap très grave
de l’économie, à un
mois de l’ouverture complète
des frontières. Le
Gvt aura beau jeu de demander
qui est le plus
européen ? car, si cela continue il faudra
peut-être refuser
l’ouverture des frontières.
On reste désolé
devant tout cela
– jeunesse qui a
complètement décroché,
progressivement depuis
plusieurs années. Depuis la fin de l’Algérie.
D’abord les cheveux
longs . Antoine . etc.
puis la drogue, et
maintenant la révolution, avec le
sérieux des
néophytes et le sang-froid des fanatiques.
Saute la baraque,
cela fera des bourgeois en moins.
Le monde commence
avec nous. Le reste est de la crotte !
– lâcheté des
journaux, des professeurs, etc.
qui prétendent que
la crise était visible, évidente
depuis longtemps,
et en analysent les causes,
et en acceptent
n’importe quel remède.
La grande peur des aveugles,
qui croient se faire bien voir
en hurlant avec les
loups, et en se retournant contre le Gvt
taxé d’incapacité.,
–
De Gaulle va-t-il
réussir encore, à près de 80 ans,
un des plus beaux
coups de sa carrière.
Cela va être dur,
en tout cas.
Mais déjà, il
semble imposer son propre rythme aux événements,
ne déplaçant pas
son allocution télévisée, permettant le
débat de censure.
A la TV, il avait
l’air très détendu et souverain, à l’
aéroport d’Orly.
De toutes mes
forces, de tout mon cœur, je souhaite sa victoire
pour la France.
*
* *
J’ai terminé le
chapitre IV . de mon roman .
Près de 140 pages
déjà . Trois heures de lecture -
Ce chapitre m’a
donné du mal . pour sa fin .
Et j’ai dû
reprendre trois ou quatre fois . les dernières pages .
le début : nos fiançailles . avait été facile .
le début : nos fiançailles . avait été facile .
Sans l’avoir décidé
. c’est venu tout seul . j’en ai fait
raconté une partie
par le garçon . l’autre partie par la fille .
Puis Compiègne .
l’univers du garçon . a été facile .
C’est le bonheur
sans ??? et sans parole .
Ensuite ??? .
que j’aurais voulu sans ??? même mot
Puis est venu .
sans que je le prévois . dans la logique
des personnages .
auquel je sens de plus en plus . qu’il faut que
je sois très docile
. un accroc .
que j’aurais
pourtant vu dans le chapitre suivant .
où tout commence à
se dégrader .
Mais ici . l’accroc
est source d’un approfondissement imprévu
et extraordinaire .
et le chapitre se termine au plus haut .
faisant franchir un
palier dans l’amour .
Je suis arrivé
aussi à résoudre une difficulté . Celui de les
faire dormir
ensemble . la fiancée nue . sans qu’ils couchent
et fassent l’amour
. J’ai pu le faire . sans grande explication
sur la promesse de
ne pas sauter le pas avant le mariage .
Je crois que ce
chapitre est le plus beau . jusqu’à présent .
Jusqu’à maintenant
. il y a de beaux passages dans ce roman
– le début de
l’amitié Sylvaine . Véronique
– la rencontre
Christian . Isabelle
– le train
– Vendôme
Mais je sens qu’il
y a également des passages qui sont trop
faciles . ou
sonnent creux . et mal . tout le début de
la présentation de
Véronique .
Il me faut
maintenant attaquer la suite .
– ch. V . où tout
se dégrade . C’est la volonté
d’indépendance et
le refus de s’engager qui l’emporte
progressivement
chez Véronique .
– ch. VI . le
désespoir de Christian .
avec autant
d’incidents et de symboles que l’on veut .
décès de parents .
échecs et diversions sentimentales .
évocation du
suicide . crise religieuse .
et en même temps
inconnue totale de Véronique .
– ch. VII . ylvaine
. la rencontre de Christian .
le dénouement et le
changement d’attitude et de devenir de
Véronique .
Le ch . VII ne peut
être encore prévu plus que dans ces grandes lignes .
Chose curieuse .
bien que l’ayant vêcu intensément . et le vivant
encore . je ne me
sens pas capable de faire ces chapitres V et VI
Une fois encxore .
il va me falloir sentir mes personnages
survoler le
chapitre . puis après avoir hésité sur la première page .
me laisser conduire
par les personnages .
_
Je perds de vue et n’attends plus du tout
Laurence .
Le mieux serait qu’elle ne me donne plus signe
de vie .
Sinon . ce sera à nouveau le choc de l’autre
fois .
Je suis dans Nicole . jusqu’au cou .
Ai-je beaucoup changé depuis qu’elle m’a connu
.
Peut-être .
Sur le plan physique . et sur le plan moral .
Mais il me semble que si elle me confrontait à
la même
situation . je réagirais de la même manière .
Je refuserais de la prendre physiquement par
surprise .
ou de la forcer . je serai toujours désireux
d’un mariage
qui ne tarde pas .
Alors ?
Mais je l’aimerai
encore plus .
malgré sa légèreté
. ou pour cela !
Pour le reste . je
ne vois aucune fille à l’horizon .
Vu . chez la tante
Berthe . hier . des photos du mariage de
Catherine C. J’avais un faible pour elle . Je m’en rends
de plus en plus
compte . Et je ne
me suis pas déclaré .
Mais en 1964 .
j’étais tellement jeune . et incapable
de décisions sur ce plan-là .
Alors ?
_
21 h
45 .
22 h 45
– 5 ou 6 millions
de grévistes
300 usines occupées
– conférence de
presse UNEF - CFDT
lutte commune contre structures oppressantes
et étouffantes
du capitalisme
23 h 20 +
Seigneur .
tu me donnes la
grâce du calme
+ Mardi
21 Mai 1968
20 h 55
A la Préfecture,
mon camarade, chef de cabinet
fait état de
pagaille au niveau gvtal
de personnalités
cherchant à se démarquer .
de rats qui
quittent le navire.
Ordres
contradictoires arrivant de Paris.
Incontestablement,
crise de régime.
Arrivée sans crier
gare. Surprise profonde.
Etudiants, puis
travailleurs. Gagnat de part en part,
toute l’économie.
Si de Gaulle
redresse la situation, c’est fort.
De toutes façons,
la note à payer devient
de plus en plus
lourde.
Economie en panne,
qui peut remettre en cause
diplomatie et
institutions.
Dix après 58, c’est
la grande question, à nouveau.
Car au-delà même,
de la question du régime,
il y a celle de la
France, s’il n’y a plus ce régime,
quel autre ?
Débat à l’Assemblée
Nationale . retransmis à la TV
après midi, puis à
partir de 20 h 30, en direct
la séance de nuit.
Discours de
Billères . tout à l’heure.
L’Université
seulement . sans question de régime.
Discours de Waldeck
Rochet . en ce moment .
Réquisitoire en
règle . relmarquable il faut le reconnaître.
La crise actuelle
montre le caractère néfaste du régime.
« Les Français
en ont assez d’être des sujets, ils veulent
être des citoyens
« . Régime désemparé devant le peuple
calme . tout entier
contre lui.
- remarquable
information depuis quinze jours . à la TV
sur toutes les questions.
- comment en est-on
arrivé ici .
Car, il est clair que ni l’opposition
politique,
ni les syndicats n’ont cherché à déclencher
une cruse de
cette ampleur. Personne n’aurait osé
l’espérer, ou la prévoir.
Somme toute, mouvement spontané, mais
comment ?
et les syndicalistes et les partis se sont mis
à la remorque.
Ils ne pouvaient faire autrement.
Réquisitoire « total » de Waldeck
Rochet
A part, le mot « grand capital » un
peu trop fréquent,
le reste est excellent, la logique du système
total
Le PC, a une bonne
façade avec Waldeck Rochet.
- pour
l’opposition, c’est l’occasion inespérée
que cette crise.
Mais la relève
est-elle prête .
Que Waldeck Rochet
présente encore ce soir des conditions
« Le pouvoir
gaulliste a fait son temps. »
Refrain, du PCF
prêt à prendre ses responsabilités.
Rendre la parole au
peuple ? Chiche.
De Gaulle prépare
probablement un referendum .
PCF . réquisitoire
percutant . mais programme incohérent et gribouille.
+ Duhamel
« Tout le monde est stupéfait
.
Dix ans de
grandeur. D’un coup le chaos. »
Duhamel, va-t-il être
le grand prophète ce soir .
Tout de suite, il
déclare ne pas voter la censure .
ou tout au moins le
laisse entendre . le Gvt est sauvé
sur le plan
parlementaire.
Le discours st
remarquable. Ramener le débat à la
faute. Crise de
génération spontanée . dans le monde entier
sous tous les
régimes. Notre tâche à tous est
de transformer orientation indécision
en décisions.
Duhamel est
peut-être – d’un coup – en train de se préparer
pour les
présidentielles.
Cumul de la force
apparente et de la faiblesse réelle.
Manque de courage .
etc.
« La stabilité
n’a pas pu faire ce que les barricades ont fait ».
Admirable discours
de Duhamel
- replacer le pb.
dans son contexte mondial, de génération
- gravité et
analyse de la situation d’ensemble .
Des méthodes du Gvt
. etc . sans s’appesantir
- sauve le Gvt
- se place en homme
de demain, peut-être Pdt de la Rép.
Rien sur les
solutions à la crise
. remise en cause
du Plan
. Gvt a perdu
confiance populaire, et peut-être du Chef de l’Etat .
. idéal européen
aurait été une mystique . mais a été brisé .
. respect de la
Constitution . dans l’ordre .
mais changement de
politique . appel au regroupement autour du centre
Contrairement
à 1962 .
la
crise parlementaire est grave et sérieuse
Atmosphère
de crise . tension pour le Gvt . comme en 1962 .
Mais .
la vraie crise . cette fois . est dans le pays
+ Poujade . UNR
C’est sa première
sortie .
« L’opposition
au Gvt . a été longtemps l’opposition à la réforme » .
Responsabilité de
plusieurs régimes, sur l’Université.
Pompidou essuie une seconde fois les plâtres .
Comme en 1962 . Situation désagréable .
Poujade . sans
excès . et sans agiter les grands pbs .
pose des questions
précises . et fait des remises en cause
- qui s’est opposé
à la réforme de l’Université ?
- faits troublants
dans les événements de la Sorbonne .
- la police a
permis d’éviter le pire
Incontestable et
grandissant courage politique de Poujade .
- partis et
syndicats se sont sentis dépassés par
Clarté
exceptionnelle de l’exposé . déroulant le film
de la crise .
Admirable clarté de
Poujade .
Courage politique .
C’est le second
acte du débat parlementaire
- Duhamel a sauvé le Gvt sur le plan
parlementaire.
- Poujade lui rend sa confiance en soi.
Revendique une autre vérité
- la grève est subie
décidée par des minorités
- la loi de la pesanteur s’exerce à gauche
Poujade est l’homme de la vérité .
Réforme nécessaire
- participation et non plus technocratie
- ne pas nous refuser à la crise.
Discours également remarquable
–
Fin du débat d’après-midi .
. réquisitoire en règle, du PCF
. discours grave, mais dur de Duhamel .
l’essentiel : il ne votera pas la censure
.
. Poujade – série de vérités qu’il fallait
dire
– allusion à un referendum.
–
22 h 20
Reprise des débats à l’Ass Nat.
Annonce de la démission de Capitant .
(qui il y a trois jours . déclarait qu’il
voterait la censure)
Salut de Defferre à Capitant
Effectivement . cela cause sensation .
La majorité semble avoir déserté l’Assemblée .
+ Guy Mollet
allusion à 1962 . semble vraiment l’homme du
passé
Un acteur sans lumière . et fatigué . qui
répète son rôle
Aucune conviction dans sa voix .
Toujours pas de relève . puisque parle de
définir
les mesures à prendre.
Il lit un texte . sans accent . presque trop
vite.
Plaide pour les organisations, qu’on a voulu
étrangler
et qui maintenant mènent la révolution .
Discours . sans logique . suite de phrases
ternes .
qui attendent l’applaudissement . qui est rare
.
Et pourtant . il n’y a que l’opposition en
séance .
Litanie des efforts insuffisants .
le Gvt . volontairement . de sang froid .
fait tout pour le chômage . et détruire
l’économie.
Le Gvt a-t-il les moyens d’informer réellement l’opinion
de renverser les forces de bourrage de crâne
des syndicats et de toutes ces organisations poussiéreuses
mais qui sont les seules en province .
Guy Mollet . complètement hors d’image.
Se prend au sérieux . en parlant de choses
qu’il ne connaît
manifestement pas . avec un langage qu’il ne
maîtrise pas .
Il ne se retrouve un peu à l’aise, que dans le
vocabulaire
de préau d’école . et de meeting syndical.
Grandes portes ouvertes qu’il enfonce, du
progrès social .
des sacrifices imposés aux travailleurs …
Beaucoup de donc et de car . pour soutenir une
logique qui n’existe pas.
Guy Mollet ridiculise l’opposition .
Rien sur la crise actuelle
Dans la pratique d’aujourd’hui . pas de débat .
Tout le monde lit .
Prodigieuse habileté de de Gaulle .
Pendant 48 heures . discours et Parlement .
et beaucoup de l’opposition cherchant à s’approprier un élan
.
Le tout + une grève qui lasse ceux qui la font et ceux qui
la subissent .
Guy Mollet
fait son numéro.
+ Michel Debré
à la tribune . (sur l’indication de Guy Mollet)
Très souriant, ironique .
Veut faire observation sur ciffres cités par
Guy Mollet
23 h 55
Reprise de la projection TV . du débat à l’Ass
Nat .
+ Royer . maire
de Tours . non inscrit
Le seul sans notes .
Le discours commence par une série de portes
ouvertes
Parle de « décomposition sociale »
Solidarité extrêmement nette avec Gvt . et Pdt
Rep.
Préoccupation de remèdes immédiats à la crise
.
Lutte – comme à la CODER où je l’y avais vu –
contre l’administration . et la
« technocratie » .
Un peu pontifiant
+ .
. . dans la nuit du jeudi 23 au vendredi 24 Mai1968
01 h 15
L’ambiance est beaucoup plus pessimiste . nerveuse . tendue
à Paris . qu’à Carcassonne .
Il y a bien sûr le facteur « maison » .
Claude . fait partie d’un comité de réforme .
Hugues. discute aussi de réforme de la kiné.
Marie-Pierre est en grève illimitée
Vincent faitfréquemment un tour au Quartier Latin .
- attitude de Claude
en profiter pour faire avancer des réformes . dans la
profession concernée
occuper des places straégiques dans cette pério où tout est
fluide
- attitude de Hugues et de Pierre D., un de mes scouts 1962-1964 rencontré ce matin.
Le moment le plus intéressant de la scolarité, à coup sûr .
On discute en commun, avec sérieux et gravité .
dans un certain ordre . – secteur médecine .
On rebâtit le circuit universitaire, et il faudra
« qu’ils »
l’acceptent : le Gvt .
Visiblement, trois groupes actuellement
- le groupe dur et révolutionnaire c/ la société actuelle
style anarchie . ou révolution culturelle . etc.
Cohn Bendit . Mvt de Nanterre . Srbonne
- les étudiants ou universitaires « sérieux » .
qui pensent . chacun .
leur petite réforme
- les travailleurs en grève .
Les deux derniers groupes . ont pris le train en route .
profitant de l’occasion . faisant monter les enchères .
Crise de régime .
- le Gvt n’a pas fait . ou pas voulu les réformes
- le Gvt n’a pas su prévoir le coup dur
- le Gvt ne peut endiguer le coup dur et le résoudre
Crise pour la France
- remise en cause d’options politiques
équilibre très tendu des salaires et des prix remis en cause
par revendications
compétitivité des entreprises vis-à-vis du MC . très
compromise
stabilité du franc . pb du FMI . position en face du dollar
- absence d’échelle de valeurs sur quoi faire l’unanimité
autorité de l’Etat . patriotisme . solidarité nationale
L’opposition . et les étudiants révolutionnaires . et une
partie
des travailleurs . veulent le changement de régime .
certains . parmi le patronat . penseraient à un Gvt de
gauche, pour résoudre les pbs.
Moyens pratiques du PR
- armée ? )
- police ? )
suivraient-elles . pour tirer au besoin sur les étudiants
- referendum : comment l’organiser dans la grève
générale
Solution politique de la crise ?
- changement de régime ?
La gauche . sera
absolument incapable de gouverner .
lors du débat de censure . a montré son incompétence .
son caractère désuet . et l’absence de programme commun .
- remaniement ministériel et referendum ?
insuffisants .
Expérience que vivent tous les Français . et qu’il sera
difficile
d’oublier .
- Quartier Latin interdit périodiquement à la police
- rtéfoirme et grève décidées par les étudiants . à leur gré
.
(les professeurs manœuvrés comme des girouettes)
- grève générale . si elle aboutit . on la recommencera .
si elle n’aboutit pas . on la continue
Autorité de l’Etat défiée dans tous les secteurs
- réformes d’institutions par elles-mêmes sans passer par
l’administration centrale .
- syndicalisme . paralyse l’économie . à volonté .
uniquement par peur de perdre le contrôle de ses adhérents
et pour saisir une occasion
*
*
*
Ce que je pense personnellement
1° Etat de
choses et évolution difficiles à admettre .
- toute ma formation et mon tempérament : hiérarchie
. discipline .
tradition . valeur patriotique . idée de la France .
se trouve complètement à l’opposé des idées lancées
actuellement
- mon orientation professionnelle : administration .
Gvt . etc .
est également à contrecourant .
Les événements actuels consistent à dire
+ l’administration a été incapable
+ on remplace l’administration .
Il m’est donc très difficile de comprendre et d’admettre ce
courant
2° Anarchie
- chacun cuit sa petite soupe dans son coin : Hugues et
Claude
on fait sa petite réforme . c’est une des choses qui me
choque le plus .
(par métier)
- piquets de grève c/ liberté du travail
- autorité de l’Etat et du Gvt carrément bafouée .
« Il » n’aura qu’à accepter .
3° Solution
politique .
Elle doit venir .
Mais laquelle . Qui a les moyens .
De Gaulle seul semble-t-il ? Crise de valeurs . et
d’ordre
Sans précédent en France .
. difficulté de cerner l’ennemi à combattre
(les politicards etc. en 1940 . les pieds-noirs ou
les fascistes en 1960) . Maintenant, très difficile
de rompre les chaînes de solidarité .
« objectives »
Pas fin régime . mais que l’on proclame quand même
. départ de de Gaulle . absolument improbable .
Gvt de gauche conduirait à cascade de Gvts
serait incapable de résoudre le pb. et n’empêcherait pas
une nouvelle grève générale . de plus le patronat y serait
vite hostile
. tant que de Gaulle est là . Pompidou reste .
on a mis 6 ans à le fabriquer dans l’opinion .
comme Dauphin . ce n’est pas le moment de le lâcher .
De Gaulle incarne les valeurs que je veux :
- l’Etat . la France . le patriotisme . la hiérarchie .
la tradition . la continuité . une orientation qui dépasse
les péripéties
Le Gvt ne serait nullement gêné par des réformes très
audacieuses .
qui d’ailleurs ne lui coûteraient rien . dans la gestion des
entreprises et dans l’université .
Les réformes sont-elles vraiment réclamées . ou sont-elles
des
prétextes . auxquels croient les travailleurs et bp d’étudiants ?
4° Conséquences
de la crise
- De Gaulle en sortira difficilement vainqueur .
c’est un démenti cinglant . après 10 ans de règne .
- le note à payer va être lourde .
sur le plan du commerce extérieur : compétitivité,
importations
sur le plan des prix . car les salaires augmentés vont avoir
un effet
inflationniste
L’équilibre était déjà plus que serré . l’expansion
reprenait à peine .
Tout est par terre .
- des découvertes ont été faites et des habitudes prises
on va « contester » à tout bout de champ .
Les étudiants sont ravis de jouer aux grands et aux
réformateurs .
C’est passionnant. Ils retournent difficilement à leurs
études .
et les quittent volontiers et périodiquement .
Déjà la rentrée de Septembre . promet de nouvelles
agitations
- risque de remise en cause de la politique du régime .
prestige ébranlé à l’étranger .
diplomatie
monnaie
Tout cela est dommage . et ruine tout le bienfait du régime
.
Crise est mondiale . France tient la vedette
et reprend . sa tradition : 1789 . 1830 . 1848 . 1870 .
1968 . A nouveau,
nous somme spilotes .
contestation globale .
Tt autre Gvt . dans tt autre pays . que celui de
de Gaulle aurait été balayé . depuis 15 jours .
5° Les risques .
et l’évolution pessimiste actuelle
- Anarchie s’installe . De Gaulle ayant échoué
Il n’est plus qiuestion de petites réformes .
mais de l’anarchie . pendant plusieurs mois ou années .
la rue contrôlant le pouvoir . en étant la source négativce
- Cela gagne les autres pays européens . ?
Il est clair que d’ores et déjà . pour les opérations de
maintien de l’ordre . les 6 sont solidaires
vg. Cohn Bendit . demain .
6° Que
faire ?
Dans l’immédiat
- vis-à-vis des
étudiants, réoccuper et occuper le Quartier Latin .
Au besoin des morts . Le tout très vite et dans le silence .
Il y aura un « oh » d’indignation . Mais on respecte
un Gvt fort . et l’on taxe actuellement le Gvt de faiblesse
Que de Gaulle soit homme à donner ordre de tirer et de
nettoyer
à n’importe quel prix, c’est sûr
S’il ne l’a pas encore fait, c’est qu’il pense pouvoir
aboutir autrement
- devant l’opinion : continuer l’information, c’est
bien
- vis-à-vis des travailleurs
liberté du travail . satisfaction sur les réformes de
structure .
accorder le moins possible de salaires pour ne pas déraper
A long terme
- revoir et contrôler les structures du monde ouvrier
(pbs de grève déclenchée démagogiquement . et pour des
intérêts
d’organisation et non de travailleurs)
- association plus étroite des étudiants à enseignement et à
élaboration
enseignement
- aménagement accès marché emploi : il y a trop
d’étudiants
et certaines disciplines (lettres, sociologie) sont
pléthoriques
- traiter en adultes et en responsables étudiants et nous
- « supplément d’âme » . le plus important
restructurer spirituellement la France .
depuis 1789 . on a détruit peu à peu l’édifice
moral et social de l’Ancien Régime : religion . famille
. hiérarchie
classes sociales . rôle de la femme . centralisme . et
atouts
de l’Etat . tempéré par corps intermédiaires . et confiance
personnelle .
on n’a rien mis à la place
7° Buts ?
- dans l’immédiat .
faire que le Gvt ait à nouveau la direction des événements
et retrouve son rôle de sauvegarde de l’intérêt général
donc rétablir en
toute priorité l’autorité de l’Etat
- à moyen terme
pb. des influences subversives . et de la mobilisation
morale
de la Nation
- à long terme
association aux décisions . à tous les niveaux
tout en maintenant . autorité et leadership
. patrons
d’entreprise
.
professeurs
. chef de
l’Etat
---
De Gaulle garde un immense prestige . et reste le
grand recours et la grande réserve . pour beaucoup
On s’interroge sur ses moyens d’action . sur ce qu’il peut
faire .
sur ce qu’il va faire . On est pessimiste .
Mais il est le seul à pouvoir faire qqch. et il est la seule
force politique « traditionnelle » qui embraye
encore sur l’événement . Le reste :
opposition . syndicats . patrons . Gvt . ont été balayés .
02
h 15 .
+ Vendredi
24 Mai 1968
19 h 45
Avant le discours du Chef de l’Etat .
La crise semble se calmer . et devenir possible à dénouer.
On y voit plus clair
- la confiance accordée par le Parlement
a mis les syndicats au pied du mur .
Ou rester dans la légalité . et donc discuter avec Pompidou
.
Ou refuser de discuter avec Pompidou . gvt légalement en
place .
et alors choisir l’illégalité . et par conséquent
le coup d force . l’aventure . l’insurrection . la guerre
civile
- toutes les conditions étaient réunies pour qu’un homme
décidé . capable et prestigieux . prenne le pouvoir .
comme le fit de Gaulle en 1958
Mais il n’y a d’homme de l’envergure de de Gaulle
en France . actuellement . et de Gaulle est au pouvoir
- trois problèmes à résoudre . différents . et finalement
possibles à désolidariser . e douceur . mais nettement
quand même - les syndicats et la grève générale
- les étudiants qui jouent à la réforme
une
sorte de pique-nique . administratif
et de
réflexion sur les études
- les
provocateurs . les hommes de choc . les enragés .
L’opposition n’a pas su . ou finalement pas pu .
se servir des circonstances . pour accéder au pouvoir .
par le biais d’un coup d’Etat légal .
comme celui de 1958 .
A cet égard . le vote de mercredi au Parlement
a été trop minimisé
Certes . il n’avait pas prise immédiate sur les événements
mais il a renforcé la
légalité du Gvt
Demander que de Gaulle s’en aille . comme l’a fait
cet après-midi Mitterrand . n’a aucune portée
pratique . De Gaulle en avait fait autant
sous toute lma IV° et vainement .
Mitterrand . a manqué son 13 Mai . en 1968 .
A aucun moment . il n’y a eu de « courant
irrésistible »
faisant de lui l’homme de la situation .
Tandis que de Gaulle est apparu . seule autorité restant
devant l’anarchie .
le chaos . la révolution .
Suspense . Dans 5 minutes . le discours de de Gaulle .
Il a déjà été annoncé aujourd’hui . un referendum éco. et
soc.
pour le 16 Juin .
Referendum . qu’une grève générale – à caractère
alors nettement politique et oppositionnel – pourrait faire
échouer matériellement . en l’empêchant purement et
simplement
Tout n’est quand même pas joué .
Et tout à nouveau . une fois de plus . repose sur de Gaulle
.
Pendant l’allocution . et
juste après .
Extraordinaire présence et autorité du
Général de Gaulle .
Extraordinaire Général de Gaulle .
Calme souverain ; capacité d’analyse . Séduction .
Le roi de France . de droit divin .
toujours au contact du peuple . unité par unité .
On sort de l’allocution . le cœur battant .
l’intelligence admirative .
Le scenario est habituel .
Mais dans la panique et l’anarchie de ces dix jours .
cette autorité . ce calme . cette confiance en soi-même
sont extraordinaires .
Personne n’a relevé le gant .
Tout semble sauvé . On voit clair .
La victoire si elle est nette . dans la rue
à l’usine et par le referendum .
frappera de stupeur le monde entier et l’opinion française
Aussi complet aura été le chaos .
aussi complet aura été le redressement .
Nouvelles de 20 h 10 .
Ts les leaders syndicaux qui se déclarent .
Il est clair que le Gvt est considéré comme un interlocuteur
valable .
et qu’il n’est plus question d’abattre le pouvoir personnel
.
Le Gvt est peut-être plus en position de force qu’on le
croit .
Les syndicats sont moins unis qu’on le croit .
Ils sont surtout très pressés . car leurs troupes en ont
sûrement assez d’une grève qui ne les paye pas .
Enfin syndicats craignent autant que le Gvt l’anarchie.
---
21 h 45
Il est possible et même probable que les extrêmistes .
chez les étudiants et chez les ouvriers . renforcent leur
opposition
et leur violence . après le discours du Chef de l’Etat .
faisant d’ailleurs implicitement la preuve de la séduction
de
ce discours . sur l’ensemble du peuple français .
Pour ces gens . et pour le PC . le discours . et
la transformation de la crise . en un problème social
grave . certes . très grave . mais social . est la
catastrophe .
C’est l’échec de leur mouvement . Il voulait faire tomber le
régime.
Pour le peuple français . il ne se sent concerné que par la
crise
sociale . Pour le reste, il veut – c’est certain – l’ordre
Et ne comprendra âs . maintenant que les réformes sont
clairement et largement acceptées . par le Gvt . que le
désordre
continue.
Ainsi . donc dans un premier temps . de Gaulle
fait un discours d’apaisement . ratifie le désir de
changement . et s’en sert pour consolider le régime
par le prochain referendum.
Il indique ensuite l’issue . la solution politique .
à laquelle maintenant tout modéré va se rallier .
et à laquelle le Gvt va tenir quoi qu’il arrive .
Si le désordre ou les provocateurs persistent .
Le Général pourra alors menacer . et dissocier
ceux qui veulent les réformes . et ceux qui veulent la
chienlit …
Un second discours est probablement prêt à ce sujet .
En tout cas . sa présence à la tête de l’Etat .
à la tête de la crise . a été clairement et formidablement
affirmée.
Les syndicats auront du mal à retourner sur le
terrain politique . mantenant que le dialogue et les
réformes
sont acceptées . Seule la CGT le pourrait à la rigueur .
sur ordre du PC .
Ce serait alors . le pb. de la liberté du travail
comme en 1947 . et la grève insurrectionnelle .
Mais les leaders syndicaux parlent ce soir – après de Gaulle
–
suprême habileté . et donnent l’impression de ratifier
tacitement
le discours . on tous dit que les négociations avaient déjà
trop tardé . Il leur est impossible donc de ne pas être
au rendez-vous . demain .
----
Discours du Général de Gaulle
- permettre de faire la distinction entre les réformistes
et les révolutionnaires .
- place l’opposition sur un terrain très difficile
. la révolution ? c’est-à-dire maintenir l’affirmation
du PC
du peuple tout entier se dressant contre de Gaulle et le
régime
. l’opposition légale . et donc dans le cadre de la campagne
du referendum . mais alors . comment être contre de Gaulle
sans être contre les réformes .
Puisque de Gaulle . c’est la réforme dans l’ordre .
Préparer le contenu du referendum .
en accord avec les syndicats . et les étudiants .
Le referendum . ne peut être une loi de pleins pouvoirs .
pour faire des réformes . faites spontanément par les
intéressés
dans le milieu étudiant . .
mais une loi d’apaisement et d’union nationale
pour faire les réformes avec l’accord de tous les
partenaires sociaux .
+ Samedi
25 Mai 1968
10 h 45
Heurts graves . à nouveau . cette nuit . au Quartier Latin.
Barricades . centaines de blessés . etc…
Ce n’est plus qu’une affaire de sommation . pour la bonne
règle .
puis la parole aux fusils et aux tanks .
Les communistes . et les gens de formation marxioste . même
indépendants
de ts partis . on,t remarquablement réussi leur noyautage .
Aux anarchistes . et sans opinion . Hugues et Claude . ils
ont parlé
de la seule chose qui puisse les intéresser : leurs
propres études.
Du coup, ces modérés sont mobilisés jour et nuit . ont bien
sûre
signé des pétitions . et font grève illimitée.
Et bien sûr . dans la nuit . bien encadrés . sans avoir vu
le discoyrs à
la TV . et trop entourés pour avoir une opinion personnelle
.
ils ont jugé le discours insuffisant . et se sont déclarés
solidaires de la Sorbonne.
Il est maintenant nécessaire que de Gaulle fasse des
sommations .
- aux réformistes : votre grève et vos communions font
le jeu des extrêmistes
- aux révolutionnaires : X heures pour évacuer le Quartier
Latin .
passé ce délai . couvre-feu . loi martiale et tribunaux
militaires
18 h 30
Longue interview – déclaration du Premier ministre, ce matin
Retransmise aux nouvelles de 13 h.
Il fait de plus en plus figure d’homme fort du régime,
et serait plus volontiers admis que de Gaulle dans beaucoup
de milieux.
Et en même temps, il reste l’émanation directe de de Gaulle
.
et sous son imprégnation directe .
De toute évidence, il apparaît l’homme de la situation .
de Gaulle était celui qui indique les très grandes lignes .
De cette émergence plus nette que jamais de Pompidou .
Il ressort plusieurs conséquences :
- il est le seul dauphin possible .
et la majorité le suivra
- il a la confiance de la majorité de la France
- l’opposition a décidément raté son 13 Mai .
n’ayant pas la possibilité ni la décision de s’emparer du
pouvoir
et n’ayant su créer aucun courant « irrésistible »
en sa faveur .
-----
21 h 45
On ne peut vraiment soutenir que la crise actuelle es
une crise provoquée par la poliique et le style du régime .
Elle se situe en dehors du schéma politique classique .
Et de la bataille . opposition – majorité .
Elle est une crise mondiale . de recherche du sens de la vie
.
et des institutions et idées en place
Le régime français – de par son style – rend certainement
L’éclatement plus spectaculaire . D’abord . parce que
la crise contraste avec l’ordre et la stabilité de 10 ans
Ensuite parce que le régime est solide . et que des coups
sur qqch
de solide . sonnent plus fort que sur qqch de mou.
Par contre . le régime . et la dualité de l’exécutif .
PR et PM . . ainsi que le prestige de son chef .
rendent sa solution plus facile .
Sans que l’issue soit déjà sûre et certaine . elle est
devenue
Possible depuis le discours de de Gaulle . et l’acceptation
des syndicats de négocier avec Pompidou . seul interlocuteur
légal
depuis le rejet de la censure .
Il est très possible . que la crise – dont la France essuie
les premiers
plâtres – éclate maintenant en Angleterre et en Alemagne .
dont les régimes sont . alors . sûrs de faire les frais .
Et en Allemagne . surtout ce peut être grave . l’amorce en
serait
la discussion sur la législation d’urgence .
Sauvageot . UNEF . appelle à nouveau aux manifestations
lundi prochain . c’est-à-dire au sang et au carnage .
Que veut-il ? Le progrès social ? la réforme de
l’université ?
Tout cela est possible par la voie légale !
Alors . du sang . le maximum de sang . pour provoquer la
chute
du régime .
De Gaulle . même si des journaux dits influents comme Le Monde
réclament son départ . ne peut partir que sur un referendum
négatif .
Sinon . ce serait de l’abandon de poste .
On ne peut – quoiqu’on en dise – lui reprocher
ce referendum . et d’en faire une question de confiance .
Dire qu’il avait déjà un mandat de rénovation depuis 10 ans
.
et qu’il ne l’a pas utilisé . serait injuste .
Il y a un progrès social certain .
Sur le plan politique : institutions . diplomatie .
c’est le succès patent .
Encore une fois . la crise qui atteint la France .
est une crise mondiale .
La société de consimmateurs et de bureaux . qu’on ne
comprend pas .
Et qui exaspère .
-----
22 h 40
Nouvelles à Télé Nuit .
Désescalade ?
Geismar et un UNEF auraient admis que la population ne
comprend pas que l’on scie des arbres . et que l’on brûle
des voitures .
Geismar abandonnerait peut-être le SG du SNES-Sup .
Grève de l’ORTF semble-t-il ?
-----
23 h
Le discours de de Gaulle a été finalement le discours le
plus mal accueill de toute sa carrière .
Avec le temps . il est probable qu’il deviendra l’un des
plus
Importants . et qu’il sera considéré comme une date .
Le discours du 18 Juin 1940 . avait lui aussi été
fort peu écoûté et apprécié . à l’époque .
+ Dimanche
26 Mai 1968
17 h 15
Florence me rapporte les propos de son père .
Qui me semblent assez représentatifs de toute une
bourgeoisie
Possédante et « éclairée » .
Considèrent – de Gaulle fini
– dévaluation inévitable .
Ces deux anticipations – si elles devaient se généraliser –
auraient les conséquences les plus graves .
Il y a toute une partie de la population qui ne voteront
de Gaulle que s’il est « crédible ».
Le fait aussi que les gens ont jugé ce discours . plus sur
l’opinion des autres . que sur le leur propre . par un
curieux
phénomène de transfert . a ajouté à ce détachement
vis-à-vis du Général .
Le PC . qui a nettement opté – dans ces événements qu’il
n’avait pas pu prévoir et qu’il essaie de noyauter –
par la voie légale . pourrait paraître pour beaucoup de
possédants . le salut . ou à tout le moins l’ordre .
Cédons à la gauche le pouvoir politique . pour avoir
Un climat social plus calme . et garder le pouvoir et les
bénéfices économiques . Rien qu’écrire cela, en montre
l’aveuglement
et l’inanité . Ce serait un calcul à très courte vue .
Ces milieux patronaux . comme beaucoup de milieux
universitaires .
se sont précisément opposés à toute réforme . depuis 10 ans
.
en particulier sur la participation et l’intéressement .
Ils ont joué du prestige de de Gaulle . pour tout refuser
aux syndicats .
La carte que devrait jouer de Gaulle . serait de prendre
résolument la tête des réféormes.
Que le projet de loi référendaire soit pratiquement rédigé
par les syndicats et les universitaires .
Si ce projet est fait contre les syndicats . le referendum .
même
positif – ne résoudra rien .
On peut penser à un remaniement ministériel intéressant .
après le referendum . mais en filigrane avant .
Chirac devrait obtenir le portefeuille des Affaires sociales
Poujade . l’Education nationale .
---
+ Lundi
27 Mai 1968
11 h 25
La situation devient plus claire .
C'est-à-dire qu’elle devient plus sombre .
Et que le Gvt. le PR.
et le régime dans leur ensemble .
vivent peut-être leurs derniers jours d’interlocuteurs
valables .
Aujourd’hui . la manifestation des étudiants . à nouveau .
Qui peut entrainer . on ne sait quoi .
Au minimum . ce qui s’est passé dans la nuit de vendredi à
samedi .
Au maximum …
Certes . il y a désaveu de la CGT ; du PCF .
et de Geismar . mais …
La négociation sociale semblait en bonne voie . jusqu’à
cette nuit .
Mais il paraît que Renault
interdirait aux syndicats
de signer . et
demanderait du supplément .
semaine de 40 h . payée comme celle de 48 . etc.
Jusqu’à présent . les syndicats ont accepté de discuter avec
le Gvt
et n’ont pas demandé la lune .
Combien de temps . cette attitude va-t-elle se
maintenir ?
Les accords seront-ils entérinés par la base ?
Un mouvement d’opinion popurrait se faire jour . selon
lequel
de Gaulle et le Gvt ne sont plus les interlocuteurs . qu’il
faut autre chose .
Cette conviction deviendrait progressivement celle du
« parti de l’ordre » .
Peu à peu pourrait naître la pensée qu’une fois de Gaulle .
parti . tout rentrera dans le calme . les étudiants étant
satisfaits . et les anciens asusi
Tout joue donc sur la crédibilité de de Gaulle .
Le fait que son discours n’ait pas provoqué de miracle .
est déjà défavorable . L’échec avec les syndicats .
et la non-reprise du travail cette semaine . ruinerait
totalement
cette crédibilité.
Cette semaine est peut-être la dernière pendant laquelle le
régime
Puisse être sauvé . se sauver .
Pendant ce temps . l’opposition a le temps de revenir de sa
« divine surprise » . et de s’organiser .
On peut fort bien supposer des contacts entre elle et les
ydnicats .
puis un accord . celui-là même qui aurait été impossible
Dès lors les dés seraient jetés .
Et la suite des événements : imprévisible .
La bataille électorale serait douteuse .
tant au plan des législatives . que des présidentielles .
On peut cependant penser qu’aux présidentielles . un
candidat gaulliste
l’emporterait .
La mentalmité dominante actuelle est surtout de
« profiter » de
la crise . d’en tirer pour son petit secteur professionnel
le maximum
d’avantages . aussi bien à l’ENA . qu’ailleurs.
Le referendum ne peut être un chèque en blanc .
Mais on ne peut empêcher qu’il soit une marque
de confiance ou de défiance vis-à-vis de de Gaulle .
De toutes façons . cette marque – quoi qu’en dise
l’intelligentsia politique – est absolument indispensable .
Ceci posé . il faudrait que le referendum ratifie
qqch de déjà fait . ou de déjà décidé .
Il est impossible de présenter au peuple . une foule vague .
pour résoudre une crise qui est bien sûr de mutation .
mais qui appelle des décisions immédiates . et claires .
Les pleins pouvoirs – l’opposition a raison de le dire –
de Gaulle les a depuis 10 ans .
Il ne peut donc les demander . Cela n’a pas de sens .
Par contre . il peut faire approuver des mesures précises .
Très audacieuses . déjà négociées et mises en forme
avec les syndicats et les milieux universitaires.
Qqch . qui semblerait octroyé . et l’œuvre de la seule
administration . aurait un effet psychologique
catastrophique .
La « grande négociation sociale « devrait se
prolonger pour mettre
au point la partie sociale du referendum .
Les universitaires . et les commissions mixtes
étudiants-enseignants
devraient se voir confier le projet universitaire . du
referendum .
Le fera-t-on ?
18 h 30
A moins d’un dérapage vers la violence et l’émeute .
des manifestations de ce soir .
Et d’un refus de la « base » d’avaliser les
accords
de la rue de Grenelle .
la bataille devrait dériver sur le plan politique .
et sur le terrain du referendum . choisi par le Général .
avec peut-être plus d’habileté à long terme .
qu’on ne le croit pour l’instant .
Si de Gaulle franchit le cap de cette semaine .
Et du mois de Juin . ce sera gagné .
A moins de commettre des erreurs . et de refuser tout
changement de style . Et le départ de 1972
restera glorieux . Je voudrais l’espérer .
Il est peu probable . si la situation se rétablit .
que de Gaulle soit contraint sur le plan international :
monétaire . relations avec le Marché Commun . et politique
étrangère en général – à des changements déchirants .
Et le Gvt est riche en experts et hauts fonctionnaires .
pour endiguer l’inflation éventuelle .
Bien sûr . et de toutes façons . il n’y aurait
« plus une faute à commettre » .
Pompidou . qui a sûrement les pleins-pouvoirs pour sortir
le régime de la crise . doit sincèrement s’en rendre compte
.
L’opposition fédérée et le PC . ont fait la preuve
qu’ils ne voulaient le pouvoir que par la voie légale .
Bien sûr . il ne faudrait pas trop les tenter .
Leur calcul est au
fond judicieux : ne pas gâcher
en coup de force . maintenant . ce qui peut nous tomber
tout cuit . aux prochaines élections .
Ceci posé . il y a sûrement des éléments révolutionnaires
dans chacune des formations politiques et syndicales .
qui sont enclins à prendre le pouvoir . et à encourager
tout durcissement de la base .
« Le Monde » –
c’est assez symptomatique – est beaucoup
moins dur et politisé que vendredi et samedi après le
discours . On parle des conséquences techniques des accords
de
la rue de Grenelle . et l’on ne voit plus de départ
de de Gaulle . que par le referendum .
Prise de conscience qu’il ne faut pas souffler sur le feu .
ou « fonds secrets » ?
Il reste dans la majorité de l’opinion . que de Gaulle .
dont on admirait – de toutes façons – la force . la réussite
et l’assurance – est sérieusement ébranlé.
Il n’a pas su prévoir .
Il ne peut pas réussir .
Surtout . il n’a pas su prévoir . et s’est montré incapable
d’éviter ces trois semaines . Pour un peu . on aurait pitié
qu’il finisse si mal .
Pour ma part . je souhaite . pas seulement dans l’intérêt
du régime . mais dans celui du pays . le succès de
Pompidou et de de Gaulle .
L’opposition n’est nullement prête à prendre le pouvoir .
Elle en a visiblement peur . et la base ne la suivrait pas .
Je pense que les institutiuons . la politique extérieure .
et la politique financière . sont des réussites . qui
permettent
peut-être d’éponger la crise . même si elles n’ont pu
l’éviter
- les institutions : il reste un leadrship et un
exécutif .
la procédure du referendum . permet de canaliser la bataille
pour le pouvoir . et d’unir tout le monde à une décision .
même si elle est auparavant controversée
- la politique extérieure : les bons rapports avec
l’URSS
et le dégel en Europe . ont certainement une influence
très modératrice sur le PC et la CGT .
Moscou n’a aucun intérêt à voir tomber de Gaulle .
qui lui est favoroable ; Un Gvt de gauche . type
Mitterrand .
risque d’être bp plus proche des Américains . Un Gvt PC .
sera un partenaire difficile et a part entière pour le PCUS
.
et risque d’entraîner des complications avec les Etats-Unis
- la politique financière . permet de tenir contre un
déficit
prolongé de la balance des paiements . et d’éviter
une dévaluation
Si de Gaulle tombait . ces jours-ci . ou en Juin
la forme de son pouvoir serait également par terre . et
la France, ayant décidé que l’autorité est une mauvaise
chose
reviendrait aux délices du système .
de Gaulle se maintenant jusqu’en 1972 .
la crise actuelle se résorbera . le Gvt fera
les réformes nécessaires . et l’ensemble sera préservé .
Mais . devant les maladresses de ces jours-ci .
et l’orgueil des 10 ans passés .
et les avertissements de Décembre 1965 . Mars 1967 .
j’avoue – en mon for intérieur – rester soucieux .
et me demande si le Gvt a vraiment compris la
nécessité d’un changement de style . pour garder le
contact populaire ?
Je l’espère . Il n’eaura . au bout de cette semaine .
ou enJuin . qu’un sursis . transformable en chute
à court terme . ou de nouvau . en confiance .
----
21 h 10
Quarante minutes de Télé.soir .
La seule émission quotidienne de TV .
A ces images brouillées . est suspendu presque tout le
pouvoir actuellement .
- le projet de referendum .
loi cadre . mandat à PR . Gvt . et Parlement
dans le cadre de leurs compétences respectives .
avec concours toutes oprganisations syndicales et
professionnelles .
le Général n’interviendra pas . pendant la campagne .
qui s’ouvrira le 4 Juin . Il parlera la veille . le 3 .
sous forme d’un dialogue .
- la négociation sociale .
compte-rendu de chacun des partenaires . précédé d’un long
exposé du PM .
De cela . et de la base . popur l’instant hostile .
Il résulte que bp plus que les augmentations de salaires .
les travailleurs réclament l’exrecice effectif et complet
du droit syndical . Une fois de plus c’est une question très
psychologique . de dignité .
Le PM passe de mieux en mieux l’écran . Voix assurée .
Calme total .
Il est dommage . que Gorse ait eu le petit écran .
cinq minutes pour ne rien dire et décevoir . alors
qu’actuellement
chaque déclaration gvtale est passée à la loupe . et peut
mettre
le feu aux poudres.
L’une des grandes forces du Général aura peut-être été de trouver
Pompidou . et d’assurer ainsi sa succession .
Il semble que jusqu’à présent . les manifestations se soient
bien
passées . malgré la nouvelle que des armes auraient été
distribuées ce matin .
Mais un dérapage reste toujours possible .
Rencontre Waldeck – Mitterrand demain . Mais la conférence
de
Presse de Mitterrand a lieu – semble-t-il – avant .
Cette dualité de l’opposition ne peut que lui nuire et
entrave
son action . de même qu’il existe un groupe supplémentaire
avec le PSU . qui avait pris la tête des manifestations ce
soir .
-----
Je fais presque des prières . pour que le Gvt ne fasse
plus la moindre faute . d’ici plusieurs mois .
Pompidou semble l’avoir compris . qui a accepté
très élégamment – pour sortir de l’impasse de l’abrogation
des ordonnances – un débat de ratification avec amendements
au Parlement .
Mais Gorse . pontifiant . suffisant . et creux .
n’a visiblement rien compris . Il est urgent de s’en
débarrasser .
-----
Sur le plan des rapports humains en général .
la crise actuelle va encore accentuer le conflit de
générations . et affaiblir encore l’autorité des parents .
A la maison . jusqu’à Marion comprise . tout le monde
participe
aux événements . et il n’y a pratiquement pas (sauf MD
et moi) deux positions qui coincident …
+ Mardi
28 Mai 1968
11 h 30
Une chose est claire . pour tout le monde . et pour de
Gaulle .
ce qui doit être atroce pour lui : l’échec de dix ans
l’échec du régime .
A partir de maintenant . et pour l’histoire . quiconque
prendra
la défense de la V° . ou louera tel ou tel de ses aspects .
se verra immédiatement « envoyer » : les
grèves et l’insurrection
de Mai 1968 . Evénement devant lequel aucune dialectique
ne peut tenir .
Pour effacer l’événement . et réhabiliter le régime . il
faudra
toute la fin du règne . si la chance en est donnée à de
Gaulle
jusqu’en 1972 . et si aucune faute . surtout de tous . n’est
commise .
En fait . avec le régime – s’il s’effondre – s’évanouira
la seule chance sérieuse qu’avait la France de bâtir une
démoceratie efficace pour la fin du XX° et le début du XXI°
.
ce que fait remarquer l’Express en ¾ de ligne . de tout
un numéro facilement et à peu de frais dans le vent .
avec citation du Défi
américain à l’appui .
Il apparaît aussi que le rêve de de Gaulle . d’une France
retrouvant son rang . n’a été épousé que par fort peu de
gens .
L’idée nationale – si elle a jamais exisré
(et il semble qu’elle n’a jamais dépassé une petite élite)
n’existe plus . en France . depuis peut-être 1914.1918 .
De Gaulle s’il gagne le referendum . le gagnera avec
l’appui de ceux qui – en fait, ont causé sa perte :
les forces conservatrices.
S’il a quatre ans . devant lui . il peut opérer les
mutations
économiques et sociales nécessaires . et y attacher son nom.
un peu comme la tentative avortée) de Napoléon aux
Cent-Jours .
prenant la tête du libéralisme .
Le fera-t-il ? Il faudrait qu’il ait profondément
compris
ce mouvement de Mai.
Or ce moment est difficile à analyser .
Il y a une part de libération . certaine . Mais libération
contre
la société . et contre tous les régimes quels qu’ils soient
.
Il y a surtout . une immense soif de « profiter de
l’occasion » .
Est-ce à dire que le régime aurait été archi-conservateur
ces 10 ans .
ou plus simplement paternaliste ?
Dans l’immédiat . tout le monde admet que de Gaulle
peut tomber . et beaucoup considère sa chute comme probable
.
A une plus petite échelle . les opinions sont divergentes au
sujet de
Pompidou . L’Express considère le dauphin comme mort .
et au mieux en sursis . même si de Gaulle reste au
pouvoir .
Pour ma part je penserai exactement le contraire :
Pompidou . est l’homme de
la situation . l’âme
. sans analyse ou rétrospective . Surtout . il a
le ton juste .
-----
Redoubler . dans cette crise que traverse la France . est
psychologiquement douloureux . Comment se concentrer et
travailler
quand mon pays aimé va à vau-l’eau .
-----
+ 22 h 45
Je me suis complètement effondré . à la suite des
nouvelles de 20 heures .
Je me rends compte maintenant de l’admiration
passionnée
que j’avais pour le général de Gaulle . et de
l’attachement profond pour le régime .
Force est de constater ce soir que le régime est perdu .
Bien sûr j’espère le miracle . Mais en politique .
où tout est rapport de force
et anticipation de ces rapports .
il n’y a pas de morale .
- le projet de referendum a été expliqué par Gorse .
Linistre de l’Informartion . L’article unique du projet de
loi
Est fort détaillé . et son libellé – en des circonstances
normales – eût emporté l’adhésion de quiconque .
et il ne s’agit nullement d’un blanc-seing .
Puisque mandat est donné à l’ensemble des pouvoirs publics .
En fait . on avait l’impression . que le vrai problème étant
de savoir si le Gvt proposait un referendum . était en
mesure
de l’organiser . et avait la capacité (la volonté est
certaine) . matérielle . de réaliser ces réformes .
Le fait matériel est une conjoncture de plusieurs événements
dans les 48 heures . qui montre la coalition implacable
contre le Gvt . et le régime .
- les accords de Grenelle signés lundi matin . et qui
faisait
l’objet d’appréciations optimistes de la part de tous .
ont été rejetés par la base (quelle base ?)
et en tout cas . le travail n’a pas repris
- Mitterrand a indiqué le calendrier de mise en place du
nouveau régime .
Ile st clair que si de Gaulle démissionne avant le 16 Juin .
ou qu’il perd le referendum . les gaullistres ne pourront
retrouver la majorité . que ce soit aux présidentielles ou
aux
législatives
et contacts actuels
PC . FGDS .
- surtout . Séguy .
CGT. a convoqué les travailleurs
et l’ensemble de la population à des manifestations à
caractère
politique demain . la CFDT s’y associe .
Pour la CGT . le Gvt est maintenant à abattre .
car c’est la volonté des travailleurs .
A ceci . hier soir . il faut apporter des nuances . Tout
n’est pas
encore joué . L’absence d’unité de commandement dans
l’opposition
la lutte de vitesse entre FGDS et PC . le désaccord
avec le PSU . les réserves des syndicats pour une action
commune
avec les étudiants . montrent qu’il y a pas mal de progrès
encore à faire . Mais la coalition se dessine nettement .
Cette coalition tient tout le pays en main . puisqu’elle
seule décidera de la reprise du travail .
et qu’elle peut couper – c’est le travail de l’EDF .
n’importe quelle émission de TV .
Face à cela . Jeanneney . devant les bancs quasi vides
de l’Ass Nat . et le Premier Ministre ne
peuvent que plaider pour la démocratie . demander la reprise
du
travail . et des votes à bulletin secret .
Ils n’ont aucun moyen de l’imposer . et il est douteux
maintenant que les syndicats fassent cette fleur au Gvt .
de le sauver .
Pompidou . paraissait . dans une communication .
enregistrée au début d’après-midi . et diffusée après les
nouvelles . calme . mais visiblement découragé .
et au bord du désespoir .
Bien que se maîtrisant admirablement . mais je me mets trop
à sa place .
Il négocie jour et nuit . depuis samedi après-midi . avec
des
syndicats . qui refusent d’honorer leur signature . par la
suite .
Ayant accepté la démission de Peyrefitte . il va maintenant
négocier avec l’Université .
Les cartes tombent les unes après les autres . une vitesse vertigineuse .
L’opposition n’en croit pas ses yeux . et est longue à les
ramasser .
Mais elle commence .
Il est clair que la charme est rompu . et que le régime n’a
plus la grâce .
Aussi soudainement . et pour une chose aussi petite . qu’on
rate
une mayonnaise . Il y a 3 semaines . il était certain
que Pompidou succèderait tranquillement à de Gaulle .
en 1972 . Maintenant . tout est pratiquement tourné . et
liquide .
Sauf un redressement absolument miraculeux .
et qui devrait se produire avant le referendum . dont le PM
a souligné qu’il ne pouvait se dérouler dans la grève .
- referendum qui ne résoudrait rien si le travail
ne reprend pas –
c’est la liquidation .
Le cœur serré . comme beaucoup de Français . j’assiste à
un enterrement de première grandeur .
et pour le Général . qu’est-ce que cela doit être ?
Dans tout cela
- je me sens de moins en moins le cœur à servir l’Etat .
car Mitterrand et PMF ne m’exaltent en rien .
comme disait un jeune . (comme moi . isolé) à la conférence
de presse
de Mitterrand . « Croyez-vous qu’il soit exaltant de
remplacer
une équipe qui n’a plus d’autorité depuis 10 jours . par une
autre
qui ne l’a plus depuis 10 ans ? »
- je voudrais militer pour le gaullisme . surtout s’il a
besoin de
moi . c’est-à-dire s’il perd la bataille .
J’ai bonne envie de passer au CDR demain .
-------
La chute du régime à
opposer .
Je suis concerné personnellement . et effondré .
23 h 15
Pensée de tous les instants . pour Pompidou . qui seul et
sans moyen .
se bat . pour sauver le régime et de Gaulle .
Déliquescence comparable au régime de Vichy .
fin pire que celle de
la IV° .
Touche ineffaçable pour l’homme du 18 Juin . et de la V° .
Et pour la France . évanouie . peut-être pour longtemps . la
possibilité d’une démocratie efficace .
Les gens ne se fondent pas sur le meilleur mais sur le
possible .
De Gaulle ne paraît plus possible . donc . on l’abandonne .
Et on en profite –
+ Mercredi
29 Mai 1968
14 h 45
- Cohn Bendit est rentré à la Sorbonne . clandestinement
- le Conseil d’Etat a déclaré inconstitutionnel
le projet de referendum . réactions à l’ENA . de ceux
qui le briguent : ouf ! le grand corps est sauvé
(sous entendu : il a son brevet de révolutionnaire).
On parle d’élections générales . que réclamerait la majorité
.
Beaucoup de rats semblent quitter le navire
La grosse question . maintenant . est de savoir si le
referendum
(les élections poseraient le même problème) . pourra
matériellement
avoir lieu .
Pour l’opposition . les syndicats . etc. il ne faut pas
qu’il ait
lieu . de même que l’o refuse le vote à bulletin secret
pour la reprise du travail .
Je suis très embarrassé pour l’ENA .
- redoubler ? mais c’est l’inconnu complet . le régime
des études
a été bouleversé . la promotion est en commision permanente
et très gauchisante
- perdre ce que j’ai . mais ce n’est guère intéressant .
17 h 40
Les journaux de l’après-midi annoncent en grosses manchettes
que de Gaulle est parti pour 24 h à Colombey .
Pour y prendre une décision .
Laquelle . Sinon sa démission .
Car – renvoyer Pompidou . serait casser son propre testament
– dissoudre
l’Assemblée ? mais les élections seront
aussi impossible à organiser que le referendum
Alors la démission ?
C’est-à-dire la chute du régime .
-------
Coup de théâtre . une agence AFP radiodiffusée .
De Gaulle ne serait pas à Colombey .
Du moins . on ne peut affirmer qu’il soit à Colombey
Alors ?
Enlevé . Mort . Suicidé . Disparu .
------
Téléphoné à l’UD . V° .
J’irai demain . Valli . un de ma promotion . y est déjà .
------
20 h 45
Après les nouvelles .
- De Gaulle est finalement bien à Colombey .
Mais le voyage a duré . A quitté l’Elysée en fin de
matinée . est arrivé à Colombey . vers 18 h 30 en
hélicoptère .
- Lecanuet appelle à un Gvt d’union nationale .
auquel il participerait éventuellement . à l’appel du PM .
nommé par le PR . il n’écarte ni de Gaulle . ni Pompidou .
mais résolument le PC
- Pompidou semble avoir interrompu la négociation sociale
A reçu . Bernard Tricot . SG de la Présidence .
Michel Debré . et Chaban-Delmas
- conférence des pdts de l’Ass Nat. convoquée ensuite par
Chaban-Delmas
intervention de Pompidou . demain à 17 h 30 . sans débat .
- auparavant à 15 h 30 . Conseil des Ministres à l’Elysée .
présidé par de Gaulle .
- Duhamel demande qu’on ne fasse pas de referendum .
- situation se dégrade dans les universités allemandes .
Il faut que de Gaulle prenne une décision claire et
Applicable .
Actuellement . c’est la débandade dans la majorité
En attendant les syndicats dictent la façon dont sera
tranché
Le débat . Ils refusent le referendum .
que tout le monde . étudiants . ouvriers . se déclare prêt à
saboter .
Accepteront-ils les élections législatives . qui leur
paraîtraient
plus favorables ?
Pour que les gaullistes aient quelque chose . il faudrait
que de Gaulle . PR . ou pas . s’engage à fond .
et Pompidou aussi .
A lire France-Soir . de Gaulle aurait le choix
entre lui-même et Pompidou .
- lui-même et alors .
il nomme un nouveau Gvt
et provoque des élections générales .
- Pompidou . et alors il démissionne de sa charge de PR .
provoque des élections présidentielles . et appuie Pompidou
.
La combinaison des deux solutions pourrait se faire mais
serait
compliquée .
- départ de Pompidou . élections législatives . si succès
rappel de Pompidou . si échec . départ de de Gaulle
et élections présidentielles . où Pompidou pourrait gagner .
De toutes façons . de Gaulle est pris à la gorge .
Que peut-il faire ?
Que va-t-il faire ?
Les syndicats et les étudiants . veulent sa chute . C’est
clair .
Le travail ne reprend pas . Le referendum est impossible
Même s’il se faisait . il serait contesté . et ne ferait pas
reprendre le travail .
Il y aura réponse à tout cela . demain .
+ Jeudi
30 Mai 1968
15 h 50
De Gaulle a repris le devant la scène .
Mystérieux emploi de sa journée d’hier .
On pense qu’il s’est entretenu avec les chefs militaires .
et qu’il a décidé – après longue méditation –
de se battre.
A vrai dire . peut-il s’incliner devant une grève générale
qui veut dicter à l’ensemble du pays ses conditions .
qui refuse toute consultation populaire
qui met à bas le régime qu’il a instauré depuis 10 ans .
et par lequel il a voulu rendre à la France son rang .
et au pouvoir son efficacité .
Que de Gaulle choisisse de ne pas se rendre .
c’est normal . explicable
Après tout . il est le gardien des institutions .
précisément menacées
.
En tout cas . le fait qu’il fasse preuve de décision .
est nécessaire pour ranimer les fidélités et les courages
bien défaillantes . depuis 48 h.
Ceci dit . que peut-il faire .
à partir du moment où il est décidé à ne pas démissionner
(ce qui serait désavouer tt le système patiemment mis en place)
.
Renvoyer Pompidou . alors que celui-ci s’est dévoué corps et
âme .
et qu’on avait préparé pour lui la succession ?
Ce serait dommage et ingrat .
Faire un Gvt d’union nationale . mais si Mitterrand . PMF
et le PC e sont exclus . cela ne remettra pas les
travailleurs au travail
Alors l’art. 16 . et l’armée ?
En attendant . PMF se déclare prêt .
Mais le PC . ne veut pas de pouvoir dominé par un seul homme
.
Dans quelques minutes . – le Conseil des Ministres commencé
à 15 h 00
est déjà terminé – discours de de Gaulle .
A 17 h 30 . déclaration de Pompidou . à l’Ass Nat.
Giscard . a ce matin . réitéré sa fidélité à de Gaulle .
-----
16 h 05
Le discours est imminent .
Commentaires de ministres . après le Conseil des Ministres
- le Gvt reste
- mot d’ordre : énergie .
16 h 30
Dans quelques instants .
« déclaration du Général de Gaulle .
Président de la République ».
Pas d’enregistrement télévisé . Le Général micro .
comme le 18 Juin .
-----
Discours radio . seulement . avec une image de l’Elysée .
Du style du 18 Juin . ou d’Avril 1961
- a envisagé toutes les solutions .
en tant que détenteur de la légalité et de garant des
institutions
- a pris ses résolutions :
. il ne
démissionnera pas . il restera .
. le
Gouvernement ne partira pas . Pompidou exemplaire
. le
referendum est reporté
.
dissolution aujourd’hui de l’Assemblée
- entreprise de subversion totalitaire . d’intimidation et
de tyrannie
qui empêche le pays de vivre . les étudiants d’étudier
les travailleurs de travailler . les enseignants d’enseigner
- on verra si elle veut baillonner le pays . et l’empêcher
de
s’exprimer par des élections libres .
- entreprise totalitaire . dirigée par le communisme .
on veut tromper en mettant en avant . en transition . des
hommes
d’ambition et de haine . qui ensuite ne vaudrait que leur
poids
politique réel . c’est-à-dire rien .
- que l’action civique s’engage immédiatement . autour du
Gvt
et des Préfets . devenus ou redevenus Commissaires de la
République
Vive la République . Vive la France .
Le chef .
Ceci dit . c’est l’épreuve de force . Mais l’adversaire est
désigné . le communisme . Et le terrain choisi : les
élections .
De Gaulle est décidé à rester . (même si les élections sont
défavorables ?)
Si les élections sont empêchées . alors on verra clair .
Si elles ont lieu . il est possible que dans le climat
actuel .
elles amènent une majorité beaucoup plus substantielle que
l’actuelle .
De Gaulle a fait allusion à un éventuel remaniement .
que lui proposerait Pompidou .
--------
+ Jeudi
30 Mai 1968
23 h 45
Le vent a tourné .
De Gaulle a pris tous les risques . parlé . ordonné .
dit sa conviction que le peuple se ressaisirait .
Manifestation extraordinaire de 18 h à 21 h 30 .
de la Concorde aux Champs Elysées . pour de Gaulle .
Forêt de drapeaux tricolores . De la Madeleine et du Palais
Bourbon
jusqu’à l’Etoile . noir de monde . Marseillaise sans
arrêt .
Larmes aux yeux des manifestants .
On n’aurait jamais cru être si nombreux
et on avait eu peur de ne pas l’être .
Pompidou . très souvent cité dans les slogans .
« Pompidou courageux . Merci Pompidou
. » etc.
Ovation et délire . devant des portraits de de Gaulle .
et quand est sortie l’édition de France Soir . portant
en manchette
« De Gaulle : je reste . je garde Pompidou ».
Slogan « De Gaulle . c’est gagné ! »
Il est sûr que tout n’est pas joué.
Mais – le discours a été d’une clarté et d’une vigueur
galvanisante
– la
manifestation a transformé le parti de la crainte . en parti victorieux .
De Gaulle a repris la barre . et cela va se sentir .
Il faudra que les gens choisissent leur camp .
De Gaulle . rajeuni . retrempé . ayant décidé le combat .
l’œuvre de 10 ans . et toute sa vie . et les restaurations
successives de la France . ne peuvent être brisés comme cela
.
D’après MP une de mse soeurs . qui l’aurait entendu chez les M. amis de la famille
via la Préfecture de
Police .
de Gaulle aurait hier conféré à Prague avec Kossyguine .
et lui aurait demandé de calmer « ses » syndicats
.
sinon il faisait tirer dessus .
Ce n’est pas impossible .
Quelle extraordinaire journée que celle d’hier
et avec les petits discours et les petites poignées de main
des deux moitiés de
sauveur . PMF et Mitterrand . deviennent
riquiqui . à côté de cela .
Le PC est mis au pied du mur .
- la légalité . c’est-à-dire la reprise du travail .
et le combat sur le seul plan des élections et du referendum
- la subversion . c’est-à-dire le refus de la reprise du
travail
donc le boycott des élections . donc le but avoué de la
prise du pouvoir par la force .
Il est probable qu’ils choisiront la légalité .
pour ne pas perdre le capital de sérieux et le brevet de
démocratie
qu’ils étaient en train d’acquérir . Mais ils perdront
les élections .
Et la fameuse révolution de Mai . aura été un
gigantesque qui perd gagne .
Et de Gaulle ayant presque touché l’abîme en ressortira
vainqueur éclatant .
Le désordre semble se généraliser en Allemagne .
Pourront-ils eux aussi faire front ?
------
Je suis très embarrassé sur le plan scolaire . professionnel
.
Redoubler ou pas .
- redoubler . c’est remettre la boule dans la roulette .
donc récupérer une chance pour le Quai et peut-être les
Grands Corps
mais – inconnu sur l’amélioration de mon rang
– inconnu sur
l’avenir de l’Ecole
– inconnu sur
l’avenir de la promotion 1967
- accepter de signer l’engagement de servir l’Etat
Je peux être attaché commercial - rémunération
- étranger
- pantouflage à 40 ans
ou aux Finances : - possibilité de traiter pbs
internationaux
- éventuellement mobilité au Quai . et attaché financier .
Quid ?
--------
+ Vendredi
31 Mai 1968
17 h 05
- Réactions à la suite du discours du Général . hier
rien ne bouge côté CGT et PC . qui semblent choisir la
légalité entre
début de reprise du travail . peugeot le 4 Juin . PTT dans
quelques villes
l’essence revient à Paris
Combat . qui se veut le porte-parole de la « révolution
authentique » . au-delà de CGT et PC qui la trahissent
admet que la victoire
ne sera que pour après-demain .
et que de Gaulle a pris le pouvoir .
estime probable une majorité substantiellement accrue .
- Risque d’une réaction trop à droite .
et d’un oubli de la nécessité des réformes . et d’un
changement
de style . : participation et mutation . restent plus
nécessaires
que jamais .
Souhaitons que de Gaulle ne se laisse pas griser
pas plus que Pompidou . et que les réformes profondes .
s’accomplissent au plus vite
Le ministère . dont on vient d’annoncer la composition est à
cet égard
très décevant .
- pas d’élargissement politique .
il n’est composé que de fidèles . ou de l’UD V° ou des RI
- pas de grands noms . ou d’homme respecté . pour les 2
portefeuilles essentiels
Education Nationale . et Affaires Sociales .
Ortoli est le technocrate . le type-même de ce qui est
décrié .
à la Sorbonne . Schumann est généreux . mais fumeux . et
brillant .
- pas propre à frapper l’opinion .
apparaît comme un ministère classique . nombreux . avec
secrétaires d’Etat
à l’appui
au lieu d’un ministère peu nombreux . et de salut public .
Dommage que Pompidou ait abandonné l’Education Nationale .
Il est bien sûr difficile de nuancer l’appui que l’on
accorde à de Gaulle
actuellement . mais il est nécessaire . que des mesures propres à frapper l’opinion
soient prises . qu’il n’y ait plus de ministres arrogants .
Le ministère est décevant .
-------
J’ai opté pour le redoublement .
J’aurai trop regretté de n’avoir pas tout fait pour avoir le
Quai
(ou les Grands Corps) .
Mais . outre le travail acharné que je dois fournir – il me
faut
m’intégrer à une promotion dont l’orientation m’est
désagréable .
--------
21 h 05
Sentiment d’anxiété et de malaise
- le remaniement ministériel n’est pas à la hauteur de la
situation .
en tout cas . il ne « parle » pas .
Répondrait à la situation .
Poujade . Education Nationale
Chirac . Affaires sociales
Intégration de Pleven . et de Centre démocrate
Cela se fera-t-il après les élections .
je le souhaite et l’espère
- il faudrait réaffirmer
- la
volonté de réformes du régime
- que les
réformes se feront avec la participation de tous .
- il faut à tout prix éviter d’accentuer une cassure de la
France .
Espérons que de Gaulle et pompidou vont s’en rendre compte .
Je crois que de Gaulle a repris toutes les cartes .
Mais qu’il n’en abuse pas . pour le bien de la France .
Qu’il fasse les réformes .
Qu’il assure la participation .
- surtout à l’Université .
- et le droit syndical
Qu’il élargisse son équipe . vers Lecanuet . et des
indépendants du
genre Pleven (c’est d’ailleurs nécessaire pour la Bretagne)
.
Car le résultat de la crise sera peut-être
- risque d’une majorité « ultra » conservatrice
(que de Gaulle devra forcer à gauche)
- rien entre le gaullisme et le PC .
PMF et Mitterrand . ayant été balayés par la journée d’hier
.
Il faut une alternative de gauche libérale au gaullisme .
soit que le PC se libéralise et se légalise encore
soit qu’il diminue . – ce qui est peu probable .
Autrement dit que de Gaulle profite de la
« grâce »
qui lui est rendue . pour empêcher que des troubles plus
graves
et vraiment irréparables . ne coulent à jamais la France .
-------
Surtout – pas de triomphalisme (ce qui est malheurusement
une des
pentes naturelles du régime . surtout des sous-ordres)
- pas de réformes inspirées d’en haut .
Mais consultation . même si apparemment elle fait
perdre du temps .
-------
a.s. remaniement
. De Gaulle a
« sanctionné » .
- Joxe .
qui a manqué de sang-froid au début des événements
et « sacrifié » 2 ministres particulièrement
impopulaires
- Fouchet et Frey
--------
+ Dimanche
2 Juin 1968
Midi trente
De Gaulle est maintenant maître de la crise .
sans qu’elle soit pour autant dénouée .
Le discours du 30 Mai est destiné à figurer parmi les
plus importants de sa carrière . à l’égal du 18 Juin 1940
ou du 23 Avril 1961 .
Il lui appartient de « profiter » de sa victoire .
au mieux de la France .
S’il est de bonne stratégie . de dénoncer une entreprise totalitaire
pour clarifier la crise et gagner les élections .
il faut qu’il comprenne – sans doute . l’a-t-il compris
à en croire le discours du 24 Mai – qu’il y a une mutation
à faire sur le plan de + l’organisation sociale . et surtout
la vie
pratique au sein de l’entreprise
+ l’’organisation de l’Université
+ la participation des citoyens à l’avenir
du pays
Il a tous les moyens . de promouvoir les réformes les plus
audacieuses . et de faire dans les quatre années de mandat
qui lui restent . une révolution politique et sociale .
qu’il est seul à pouvoir faire dans l’ordre et dans la
liberté .
Qu’il la fasse . et la France épouse son siècle .
Qu’il ne le comprenne pas . et il sera balayé tôt ou tard .
lui ou le régime .
Dans l’immédiat . après le bâton . – qu’il faut d’ailleurs
continuer de brandir – il faudrait la carotte
c’est-à-dire un discours . ou un entretien radiotélévisé .
montrant qu’il a vraiment compris le malaise social et le
malaise
étudiant.
L’autorité de l’Etat . la France rétablie dans le monde .
sont pour moi l’essentiel .
Mais je fais partie de ces gens favorisés . qui n’ont rien à
demander d’autre . puisque la société et l’Université
les satisfont . et ont été . au fond . comme
« créées » pour eux .
Excellent article de Fontaine . dans Le Monde .
montrant comme de Gaulle a gagné .
En tout cas . il a mené la
bataille avec des méthodes
directement empruntées à celles
de la stratégie et qui ne diffèrent
guère de celles qu’il a
employées en d’autres temps :
contre ses grands alliés du
temps de guerre . contre le général Giraud .
contre les communistes en 1944 .
contre la IV° République . contre le
« quarteron » d’Alger
. contre l’URSS dans la crise de Berlin .
contre l’Angleterre dans celle
du Marché Commun . voire contre les Allemands
à
l’intérieur de l’Europe des Six . C’est la méthode de la crise .
de
l’épreuve de force . du quitte ou double . appliquée par
un
homme qui a une confiance absolue dans la supériorité de
ses
nerfs et ne se laisse pas impressionner par l’adversaire.
Dans
de telles parties . où il s’agit de gagner sans faire
couler
le sang . la ruse joue évidemment un rôle essentiel .
Le
Général y excelle . Le scenario du départ pour Colombey .
les
bruits de retraite . la visite aux armées . les mouvements de
troupes
. le coup de théâtre du discours de jeudi après-midi
avec
l’accompagnement du rassemblement des Champs-Elysées .
sont
du meilleur dramaturge . En face d’une pareille orchestration .
il
est évident que la gauche n’avait ni les moyens . ni l’audace .
ni l’unité
. ni l’imagination nécessaires. Elle nourrit ses rêves
de
mots au moment où de Gaulle s’en sert . sans se soucier de
nuances
ou d’exactitude . pour revigorer ses partisans et
décontenancer
ses adversaires . Il fut un temps . où . à ce jeu
Staline
. puis M. Khrouchtchev . faisaient figures de maîtres ;
ils
n’ont aujourd’hui que de bien pâles émules .
Dernière
mais essentielle similitude avec la guerre froide .
qui
exclut toute hypothèse de victoire franche . totale :
l’acceptation
du compromis . facilitée par l’aptitude des parties en
cause
à transformer la concession en succès .
Là
encore personne ne peut espérer rivaliser avec le Général de Gaulle .
« j’ordonne
la dissolution ! » s’est-il écrié : on n’avait cessé de la
lui
réclamer . Il a renoncé au referendum . sacrifié des ministres
impopulaires
. abandonné – en matière sociale – un joli bout de
terrain
. Au ton dont il a parlé . on ne s’en aperçoit guère .
Il
n’empêche que – sans tout ce lest lâché . l’affrontement avait de
sérieuses
chances . de tourner au drame .
De
leur côté . les communistes . qui n’ont rien fait pour lancer le mouvement
de
grèves . vont s’attribuer tout le mérite des avantages obtenus pour les
salaires
. alors que sans l’agitation d’étudiants qu’ils sont
prompts
à expédier à l’asile des « enragés » . rien . sans doute . ne se
serait
passé.
--------
Sur le plan pratique .
- de Gaulle va faire le plein des voix de droite . et du
centre
Modéré .
- la Fédération n’est pkus à égalité devant le PC .
Elle a complètement échoué dans la crise . Au pied du mur .
Mitterrand s’est révélé insuffisant . même pour la seule
gauche
non communiste . Et PMF n’a soiulevé aucune lame de fond .
et n’était accepté que par peu . même à gauche .
- le PC . devient donc la force de gauche . essentielle .
mais son attitude « légaliste » dans la crise . et
le
fait de n’avoir nullement contribué ni à la grève ni au mvt
étudiant . font qu’il va être maintenant doublé à gauche
par les tenants de la révolution « pure et dure »
et pratiquement
par les « pro-chinois » .
Le PC . va donc – toute proportion et nuance gardées –
dériver vers le centre .
--------
+ Lundi
3 Juin 1968
21 h 10
Interview de Pompidou . de 20 h à 20 h 10 .
Comme le dit la Nation . à juste titre . on voit naître
sous nos yeux un homme d’Etat
(la crise aura révélé de façon inattendue Pompidou et
Mitterrand . dans des sens bien différents . et la
succession
qui aura été ouverte n’est pas celle de de Gaulle .
mais celle de Mitterrand…)
- situation sociale .
La grève ne peut plus continuer . Le Gvt tient . quant à lui
.
les engagements qu’il a pris . Tout retard dans la reprise
du travail
est maintenant une atteinte au niveau de viue de chacun .
(C’est d’ailleurs la faillite des syndicats qui ne peuvent
plus
parler et signer au nom de la base . puisque celle-ci ne les
suit pas)
- les étudiants
Ils ne sont pas les victimes de la crise . Le Gvt veut
travailler avec
eux . et attend seulement leur volonté constructive
- les élections .
uniquement la défense de la République et de la liberté .
Il y a encore des groupements décidés à attenter à la
sécurité .
Le Gvt maintiendra l’ordre .
Ouverture à ts ceux pour qui la reconversion n’est pas
encore mûre .
Mais avec qui on travaillera .
Dans l’immédiat . la République et la liberté . à défendre .
Mais . aussi l’avenir . il y faudra tous .
Déclaration en fin de nouvelles . de Guéna . sur l’O.R.T.F.
commission . faire rapport d’ici Septembre . pour réforme du
statut
qui ne peut se faire que par voie législative .
--------
Il serait bon que de Gaulle . pour lancer la campagne
électorale . opte pour un dialogue au coin du feu .
comme entre les deux tours des présidentielles . plutôt que
pour un
discours classique .
Cela passerait très bien . et aurait un effet psychologique
Considérable .
Le vainqueur fascinant du 30 Mai .
devenant accessible et bonhomme . N’ordonnant plus .
et conciliant .
On aurait le chef et le père . La force et la compréhension
.
De Gaulle et le Gvt le comprendront-ils .
Il y a tellement de cartes à jouer . ce peut être
une telle restauration de la France . en profondeur .
Et de Gaulle a pratiquement toutes ces cartes . Qu’il ne les
gâche pas .
Sur le plan politique . ce qui va bouger et évoluer .
c’est
- la position de Giscard d’Estaing
- le poids de la F.G.D.S.
- la place de la S.F.I.O. dans la Fédération . et
éventuellement les distances que les socialistes vont
prendre vis-à-vis de
Mitterrand .
--------
Le Monde est de plus en plus désagréable à lire .
et s’est transformé – pour ce qui concerne la France –
en journal d’opinion .
--------
+ Mardi
4 Juin 1968
22 h 40
Le miracle sur le plan politique ne s’est pas produit
sur le plan social . Et les milliards continuent
de s’envoler, . 6% du PNB .
24 Mards F .
300 millions de dollars dans nos réserves .
La solidarité des Six va cependant être démontrée avec un
éclat . encore jamais aussi vif . pour la remise en ordre
des
affaires françaises et européennes . Grâce à la solidarité
politique franco-allemande . et à l’unification de son
marché .
C’est le salut . Là où l’on voyait l’obstacle . il y
a encore un mois .
Chaque vote à bulletins secrets . amène une réponse .
semble-t-il .
mais . le pays reste encore paralysé . alors que la
semaine dernière
laissait espérer une reprise générale ou quasi
générale .
aujourd’hui .
Renault et l’ORTF seront le dernier bastion de la grève .
Et le plus politisé .
Sur ce dernier . le Gvt maintient le feu . tout en proposant
le dialogue . et en acceptant beaucoup .
- conditions de travail
- salaire
- remise en question du statut . et consultation des
emplpyés
à ce sujet .
sont déjà acquis .
Bernard-Dupont vient de le réaffirmer .
Mais en même temps . la fermeté s’impose .
Tentation de restauration de programme . Hier . avec un film
à épisodes . après les nouvelles .
Aujourd’hui . avec télé soir et télénuit . encadrant
un autre film .
C’est d’ailleurs ce mutisme noir et blanc de la TV .
à partir du 25 au soir . qui a fait du début de
la semaine dernière . le spectacle d’un enterrement de 1ère
classe .
L’indicatif presque religieux de l’ORTF .
achevant les propos du Premier Ministre . lundi 27 .
donnait vraiment l’impression que c’était le glas du régime
.
la mort du vieil homme usé . abandonné . et pris à la
gorge .
--------
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