jeudi 11 août 2016

suite IV . à continuer



De quoi sommes-nous capables ? et quels sont les temps ? Je me pose la question tous ces mois-ci pour moi-même. Ce choix d’intuition de m’imposer au prochain élu, à la prochaine élue, quel qu’il soit, quelle qu’elle soit, pour présider notre République, nous présider, m’imposer tout simplement – puisque les suggestions, les analyses, les avertissements ne s’imposent à nos gouvernants si cela ne vient d’eux-mêmes et des quelques miroirs qui font cabinet – en  recueillant quelques voix à partir de rien, alors qu’il ou elle aura une machine travaillant en permanence depuis le début du mandat qu’il nous faudra renouveler ou empêcher en choisissant d’autres, tout autant équipés et entourés. Moi, je vous écris. C’est d’ailleurs à vous de comparer. Si je suis à la fois nu comme j’avoue l’être, pas jeune, pas très flambard, et en même temps insipide autant que les autres en textes et propositions, alors il vaut mieux effectivement que je me repose, écrive des poèmes et des mémoires, ou compiler ce que j’ai composé depuis quarante cinq ans… Et je vous laisserai redoubler, tripler, car ils se ressemblent tellement. Les deux derniers, c’est patent. Changement de compagne dans les débuts du mandat, présence à tout propos dans les médias, interventions sur tous sujets méprisant toutes répartitions des compétences, même constitutionnellement distribuée. Même hantise des sondages, même défiance vis-à-vis de la procédure référendaire produisant chacun le sait ou l’a su un rejet encore plus marqué que celui des commentateurs, même peur de parler en plein air à de vraies foules, mêmes mouvements de troupes armées et camionnées quand ils vont ailleurs qu’à leur bureau, mêmes précisions périodiques sur leur identité politique et leurs convictions intimes puisque leurs faits et gestes n’ont d’éloquence que de choquer ou de décevoir, l’un choquant notre idée atavique du souverain à nous donner à nous-mêmes, l’autre si différent de ce à qui nous nous attendions, ce que nous voulons.

La fonction n’est pas celle d’un omniscient ou d’un volontariste, elle consiste à arbitrer entre nos pouvoirs publics constitutionnels, entre les gouvernants, les élus, les dirigeants et comme la politique – lieu de la démocratie – doit l’emporter sur l’économie pour que soit respecté l’essence du pays et notre ensemble social, arbitrer aussi à de grands moments ce qui se délibère et se projette dans nos entreprises, si elles sont d’envergure nationale par ce quelles font ou par ceux qu’elles assemblent en travail salarié, en organes ou personnes investissant et finançant pour leur bonne marche, leur développement. J’écris cela abstraitement, car je n’ai jamais su bien écrire, clair, court, phrases : sujet-verbe-complément et une idée par phrase, mais je crois qu’il m’a été donné de lire et penser assez juste, assez vite, de repérer le détail figurant beaucoup et d’embrasser ce qui finalement explique un pays, un personnage. Ce fut d’ailleurs mon métier, tel que je le comprenais et l’ai exercé. Regarder, entendre, comprendre et admis, dans une intimité périodique et mutuelle, par celui censé nous orienter ultimement, répondre de nous et de notre pays, du présent et de nos acquis, de notre patrimoine, délibérer tranquillement, à égalité puisque ce serait secret, au plus su par les collaborateurs tenant l’agenda présidentiel. Quand j’avais le privilège des colonnes de tels quotidiens, alors que le général de Gaulle n’était plus parmi nous, je pouvais accéder à son successeur par la simple parution en début d’après-midi de ma critique, d’un épisode de plus procès en fidélité que je lui intentais. Je voulus finalement le voir, le rencontrer dans sa fonction et dans sa vie quoiqu’il fût évidemment à la fin de celle-ci. J’en fus dissuadé par celui qui me publiait : trop mauvaise humeur. Je sus que j’étais lu de lui par un ancien et futur ministre, puis grand éditorialiste. Je sus surtout – par un de ses principaux ministres, auquel tout m’attacha ensuite – que j’eusse été reçu. Le suivant avait fait épouvantail pour ceux qui se disaient fidèles à l’homme du 18-Juin et de la participation, de 1940 et de 1969, qui se disaient… mais n’étaient plus guère pour la plupart car le caractère de la fidélité n’est pas le refus d’un autre emploi proposé par un autre, mais de manque l’imagination de la suite selon la source originelle. J’ai cru depuis 1969 que cette imagination m’a été donnée et je tente de l’exercer depuis, professionnellement situé, mais jamais requis, puis retraité mais toujours pas au repos, même si ma santé maintenant m’inquiète et si je sais la statistique de toute longévité, demeurant tant soit peu lucide quand on a soixante-quatorze bientôt, tandis que vous me lisez. A ce suivant, j’ai proposé la recette que je continue de servir, le plan périodique réunissant en commissions diverses tous les acteurs, possédants, représentants, etc… en entreprise, en société, en entités publiques : le plan, institution projetée par beaucoup  de nos élites dans les années 1930, décidée par le Conseil national de la Résistance, étudiée par Pierre Mendès France, ministre des gouvernements privisoires à Alger puis au retour à Paris, chargé de l’Economie. J’ai également demandé un emploi, celui de missionner à ytravers la France pour en connaître au jour le jour et au hasard des rencontres de rues, de lieux conviviaux, d’entretiens avec des gens d’autorité ou d’animation, la pesnée, le souhait, la possibilité. Cela me valut d’être reçu par un des conseillers auliques et amis de Valéry Giscard d’Estaing, Jean Sérisé. Petit homme assuré de lui et de son patron, mais aimant écouter, risquer tout dialoguer, jauger et évaluer. Je ne fus pas séduit, j’étais à l’aise et en confiance. De l’homme qui fonda, pour une seconde fois devenue nécessaire, notre République, cinquième du nom, j’avais fait la connaissance par son frère aîné. Il n’était alors qu’opposant, mais le chef incontesté de l’opposition puisque de Gaulle en l’admettant comme adversaire au dernier tour du scrutin où il fut réélu, l’avait quasiment désigné comme son vrai successeur, ce qui fut. Mais je me tins devant lui en homme libre, jeune, démocrate et surtout en personnalité ayant une tribune de grand rayonnement : celle du Monde. D’autres à leurs premières entrevues, autant que j’en avais moi-même place du Palais-Bourbon puis rue de Bièvre, y gagnèrent presque d’un coup le brevet de futur ministre. Matignon, l’intimité de travailler à l’Elysée, des postes encore nombreux, voire plus élevés, quand le règne fut fini. Jacques Fauvet, dont l’une des filles épousait un futur ministre, déjà candidat à la députation d’Arles, me voyait porte-parole du nouveau Président quand celui-ci vint du Panthéon occuper son nouveau bureau, celui qu’avait – avec déférence – refusé d’occuper son prodécesseur et vaincu immédiat, Valéry Giscard d’Estaing. Mais François Mitterrand, accessible à tout même à une dédicace nominative et datée (l’exact jour et mois suivant de cinquante ans l’arrivée au pouvoir de Hitler, autre temps, autre lieu, autre poids d’Histoire) d’une photo de lui que j’avais prise, me reçut régulièrement soit à l’Elysée soit en déplacement à l’étranger pour lequel il accédait à ma demande de l’accompagner, pour voir et entendre… ainsi juste vingt ans après la journée sur le chemin du roy, de Québec à Montréal, que j’ai déjà évoquée, le Canada dont l’avenir est déterminé par le passé, puis le Canada de la francophonie et des situations diverses qui pourraient en Afrique, dans notre voisinage européen, au Liban, s’amélioraient entre pays frères d’esprit analogue, de références communes. Etais-je sous le charme ? non. Etais-je intimidé ? oui, en public, non en tête-à-tête mais reçu par lui pas ou ne l’aurais-je pas été, je reconnaissais le successeur, l’envergure, la profondeur et le mystère. Quand l’homme a la taille et la mesure de sa fonction. Après lui, les Français pas plus que moi, n’ont vu son pareil, son analogue. Pas une affaire de durée, ni d’exploits comme le fondateur en eut tant à son actif, mais la résonnance d’une personnalité sur un pays, et de l’âme d’un peuple et d’une Histoire sur le responsable de notre Etat. Depuis, l’inadéquation au national m’a expliqué pourquoi – sous trois noms successifs – le  destinataire de mes demandes d’audience ne me répondait pas, ne me répond pas.

Je crois – à l’instar de la plupart d’entre nous – n’être refusé de concourir à la pensée publique et au projet pour notre pays, son bien-être et son rayonnement que des traits de caractère distinguant du commun des Français – eux seuls, nous seuls sommes pourtant immortels tandis que nos présidents sont précaires – ceux qui gagnent l’élection suprême pour un temps sont, malheureusement, depuis vingt ans, la cécité et l’autisme. Nous nous en rendons compte et nous en pâtissons presque tous.

Me voici, avec vous, à comprendre le danger où nous nous trouvons. Par temps ordinaire, il y en a parfois dans la vie humaine et dans la vie des nations, on s’en rend compte rétrospectivement à ce que cela fut du temps perdu pour engranger de quoi être fécond ou nous structurer pour avancer, vivre ce que nous avons à vivre et que nous pouvons rendre beau ou insupportable. Physiquement, moralement, spirituellement. Ambassadeur au Kazahstan, le premier du genre à l’indépendance supposée des Républiques fédérées soviétiques, au terme apparent d’une semi-carrière à l’étranger, passionnée et passionnante par ce que j’en faisais, par qui j’y rencontrais et par ce que je voyais et comprenais, j’ai été rappelé et interrompu, puis empêché de toute suite, de tout avenir. Vingt ans et un peu plus ont passé, il m’a été donné de me marier et de recevoir une petite fille, une épouse, une totale augmentation de mon aire et de mon ambition vitales. Mais j’ai été privé de tout ce que m’aurait d’autres positions, voire les positions que j’ai toujours ambitionné, le côté du roi dans notre Républiques pour savoir et dialoguer avec lui, pour avoir la vue d’ensemble de ce que nous pouvons et devons faire en ce temps-ci. Privé aussi de cette respiration que donne une ressource mensuelle convenable puisqu’au placard, on n’accumule pas les points de retraite. J’arrive donc peu muni aux instants du déclin et des doutes sur chacune de mes forces. Et il me semble qu’il en est de même pour notre pays. Que ma génération a failli à transmettre ce dont elle avait joui sans en ressentir l’éphémère ou au moins la nécessité de l’entretenir, de le parfaire, de le mériter même. Notre pays est-il mortel ? sait-il s’accepter tel qu’il change depuis une génération au moins ? C’était la question jusqu’à ces tout derniers temps. Mais à présent l’interrogation est bien plus forte, elle est inévitable. Nous et nos frères d’Europe sommes en grave danger.

Je voudrais vous dire et – bien plus que vous convaincre – vous rencontrer dans ce vous ressentez vous-même. Donnez-moi l’utilité, pour vous et pour d’autres, d’essayer de l’exprimer. C‘est d’ailleurs – justement – à cette fin-là et à cette seule fin que je souhaite participer à la prochaine campagne présidentielle. Non du tout pour être élu, et je vous l’assure, pas parce que je n’ai aucune chance, dirait-on et vérifierait-on, mais pour dire librement et très fort, selon les moyens accordés à tous et toutes par principe constitutionnel d’application contrôlée, ceux de toute campagne présidentielle en sa phase officielle, ce que nous pensons presque tous. Mais dire aussi en quoi et pourquoi nous sommes en danger. Affirmer enfin, ce que souvent avec fierté, nous croyons de nous-mêmes, que nous manquerions à notre pays, la France, et à notre époque, celle d’une intense hésitation de l’entreprise européenne et du souhait libertaire habitant, taraudant le monde entier, si nous ne faisions pas, ne proposions pas, ne bâtissionspas quelque chose. Même isolément un moment, pour susciter d’autres, puis les autres. Nos âmes sont visées, nous avons cessé de nous évaluer selon nos manques. Il se peut que nous en mourions. Seuls ou pas seuls, la différences ? si nous mourons. Mais la beauté, la grandeur, la joie si nous renversons le cours qui a commencé. Les cours du simplisme, de la haine, du totalitarisme. Sans visage, sans fanfare ni cortège, peut-être sans camps ni tous les attirails photogéniques ou pas d’années d’autrefois mais qui eurent bien lieu et massacrèrent tant et tant, trompèrent tout le monde, même celles et ceux qui en furent finalement victorieux. Tout le monde trompé ? pas tous, il y eût des visionnaires par exigence ou par conviction. J’ai – par la pensée et à travers la mort d’ici-bas – dialogué  avec quelques-unes, quelques-uns avant de continuer de vous écrire. J’ai envie de vous les faire un peu connaître s’ils ne vous sont pas déjà familiers. Ce qui nous mettra, ensemble, dans une ambiance dont nous devons comprendre l’analogie avec la nôtre en ce moment-ci de l’Histoire. Celui où nous arrivons.

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