Monsieur le Président de la République,
des questions à poser et vous juger
là-dessus selon vos réponses, leur fondement, et selon les faits. Ne les
qualifions ni d’inventaire, ni de bilan, ni de réquisitoire.
Au point où nous sommes, nous et vous,
de votre premier mandat, l’interrogation principale porte sur votre politique
économique. De celle-ci, de toute politique économique dépendent le bien-être
individuel et collectif des Français, l’aboutissement de leurs projets,
l’équilibre et la solidarité de nos régions, de nos départements, de nos
communes. Dépendent aussi la viabilité et l’indépendance des budgets publics,
celui de l’Etat, celui des collectivités locales et donc notre solvabilité en
tant que nation vis-à-vis des marchés étrangers, notre capacité à investir et à
nous équiper, nos possibilités d’aider les peuples qui continuent à nous faire
confiance dans des besoins qui ne s’apaisent toujours pas. De très grands choix
ont été faits, en notre nom, par les générations précédentes. La Restauration
des Bourbons après les guerres, gloires et défaites napoléoniennes, a su payer
les frais des diverses occupations étrangères et équilibrer le budget de
l’Etat. La Monarchie de Juillet a inventé les concessions de service public et
a commencé l’équipement ferroviaire du pays, très heureusement continué par le
Second Empire. Le sous-équipement et l’obolescence de notre Société nationale
des chemins de fer sont aujourd’hui tels qu’entre Nice et Marseille, on a roulé
jusqu’en 2013 sur les rails posés par Napoléon III. Celui-ci, novateur en tant
de domaines décisifs, nous fit opter en 1860 pour le libre-écéhange avec le
pays où était née la révolution industrielle : l’Angleterre. Pour notre
agriculture, Jules Méline, trente ans après fit le choix inverse, le
protectionnisme et la fermeture, mais nous étions exportateurs nets de
l’agro-alimentaire et le plus souvent au second rang, juste derrière les
immenses Etats-Unis d’Amérique jusques vers l’an 2000. Maurice Couve de
Murville et Edgard Pisani, au risque avéré de mettre le général de Gaulle en
grave difficulté de réélection en 1965, engagèrent dès Juin, le bras de fer
avec la Commission européenne et nos cinq partenaires de la Communauté d’alors,
pour que le financement des règlements agricoles soit acquis. Il s’en produisit
un consensus laborieux – le compromis de Luxembourg en Janvier 1966, confirmé
par celui, de même sens, intervenu à lieu-date – sur le fonctionnement des institutions
européennes. Cet accord continue de les régir. Auparavant, à l’orée de notre
Cinquième République et du « règne » de l’homme du 18-Juin
« revenu aux affaires » h – né pendant le très difficile débat
parlementaire soutenu par Pierre Mendès France pour purger la question de la
Communauté européenne de défense : Août 1954 – vous n’aviez alors que
quatre ans et vous n’avez rien vécu de ce qui a été un rétablissement national
sans précédent que l’établissement des Valois Angoulême puis Orléans à la suite
de la guerre de Cent ans ou le retour de la France sur la scène internationale
du fait de l’alliance franco-russe en 1891 – à cette orée donc, Maurice Couve
de Murville que j’évoque souvent car l’ayant visité de 1970 à sa mort, soit
trente ans moins quelques mois, discuta avec le Général (une chambre attitrée à
l’hôtel parisien La Pérouse) sa nomination au gouvernement, comme ministre des
Affaires étrangères. L’indépendance de l’Algérie et la mise en vigueur des
traités de Rome établissant un « marché commun » entre six Etats de
l’Europe occidentales, étaient pour lui sine qua non. De Gaulle était aussi de
cet avis. Ce furent des décisions de politique économique, capitales.
Dévaluation du franc, ouverture des frontières selon le calendrier inscrit dans
les traités et que les « événements de Mai » 1968, firent même
accélérer [1], le
plan Rueff-Armand nous fit tenir échéances et défis. Valéry Giscard d’Estaing
et Helmut Schmidt, chacun ministre des Finances dans leur pays respectif, avant
d’être à leur tête, convinrent du système monétaire européen. Je ne compte pas
dans ces décisions historiques et fécondes, celle de Georges Pompidou, devenu
le successeur élu du général de Gaulle démissionnaire, qui revint sur le 8 Août
1969 sur la décision du 25 Novembre 1968 de nous redresser sans dévaluer le
franc. Jean-Marcel Jeanneney, autre éminent ami avec qui j’ai enquête,
conversé, rédigé de 1972 à sa mort en 2010, eut dans ses dernières années,
toujours vertes, saisie numérique et vérification des dates et chiffres sur les
sites informatisés ad hoc, le projet de documenter la décision de politique
pour une dizaine de celles-ci, en commençant par le traité Le Chevalier, en
continuant par Méline et en allant jusqu’en Décembre 1958, quand proprio motu,
Maurice Couve de Murville, en débat au sein de l’Organisation européenne de
coopération économique, fit refuser l’élargissement en « grande zone de
libre échange » de ce qui commençait à Six. Ludwig Erhard, alors ministre
de l’Economie pour la République fédérale d’Allemagne, vint s’en plaindre à de
Gaulle, qui maintint ce qu’avait obtenu son grand ministre. Le débat, quoique
sans décision, devait ne plus cesser
Kennedy roudn Dillon round, Uruguay round puis le traité de Marrakech,
les négociations de Seattle et aujourd’hui, occultes pour la plus grande part,
celles tendant à une zone transatlantique livrant jusqu’aux marchés de nos
communes à l’appréciation d’un juge américain selon que les appels d’offre
resteraient de gré à gré ou en préférence nationale et européenne.
La décision qui vous a incombé dès la
prise de vos fonctions, le 15 Mai 2012, pourquoi et comment l’avez-vous
prise ? d’elle tout a dépendu, et probablement la stagnation française et
l’incapacité de vos gouvernements à diminuer, à éradiquer le chômage. En
campagne, la rumeur encensait de prometteuses lectures : vous aviez à
votre chevet le livre-phare de John Meynard Keynes, vous compiliez témoignages,
évaluations et historiques du New Deal de Franklin Delano Roosevelt. C’était
formidable, c’était indicatif. Partant aussitôt dîner avec Angela Merkel, à
Berlin sans attendre qu’elle se déplace comme en 1981, dès la Pentecôte, Helmut
Schmidt l’avait fait pour s’entretenir avec François Mitterrand, vous avez
changé, ou vous avez avoué. Vous êtes passé d’une école à l’autre, l’école de
Chicago, le monétarisme, ont gagné sans que vous ayez combattu, sans
surtout que notre opinion ait valu. L’alternative n’a pas été présentée, elle
ne l’est d’ailleurs toujours pas – que grossièrement par le cortège des « extrêmistes »
de droite et de gauche, faisant de notre « sortie » et de l’euro,
monnaie unique, et de l’Union européenne, le remède immédiat et à tout. Il est
vrai qu’en étant attentif, vous aviez commencé de biaiser quelques semaines
avant le premier de scrutin : Pierre Moscovici, le directeur de votre
campagne, après l’avoir été putativement de celle de Dominique Strauss-Kahn
jusqu’au 15 Mai 2011, évoqua à quelques reprises un protocole qui permettrait
de ratifier le traité de stabilité budgétaire signé par les Etats-membres ayant
en commun l’euro, monnaie unique. Amender un texte par un autre, sans toucher
le premier ? convenir d’un soi-disant pacte de croissance équilibrant
l’effort de compression des dépenses publiques et doté d’une somme conséquente [2],
montants mirifiques abondés par un plan Juncker [3]à
l’entrée en fonction de la nouvelle Commission européenne, présidé par lui.
Qu’ont donc financé ces « cagnottes » : ni Florange, ni Alcatel,
ni Areva, ni Alstom n’en ont vu le premier million, alors qu’ils se chiffrent
en centaines de milliards ? même la liaison ferroviaire, avec le
ferro-routage qu’elle permettrait, entre Lyon et Turin attend le
« bouclage » de son financement. Les immenses travaux européens pour
établir des communications terrestres transnationales liant efficacement
l’Ouest et l’Est du continent en réunification depuis l’implosion soviétique –
proposés schématiquement par Jacques Delors, président de la Commission quand
s’escalade le mur de Berlin sans coup férir, pour la première fois depuis date exacte Août 1961 – ne
sortent toujours pas des cartons. Du moins à la connaissance du public. Si je
me trompe, l’Union européenne ignore un des plus beaux arguments en sa faveur
pour convertir les esprits à une appréciation plus positive de ce qu’elle construit.
Votre ralliement à l’école
monétariste, à l’école de Chicago a ratifié la conception libérale et
mondialiste la moins préoccupée des hommes. Les budgets de la France ont été
désormais liés, au lieu qu’une acception consensuelle des examens annuels de
politique économique des Etats-membres, à peine de sanctions si les
« critères de Maastricht » ne sont pas respectés, soit convenue et
que sereinement on examine surtout les voies et moyens de la convergence
macro-économique de tous les Etats ayant en commun l’euro. Vous avez amputé
notre Etat et, par voie de conséquence, nos collectivités locales, et vous nous
avez privés de croissance. Comble, vous avez comme censeur à Bruxelles, celui
qui vous doit sa place là-bas et qui, auparavant rue de Bercy, fut sans doute
le ministre de l’Economie et des Finances le moins capable d’une longue et
parfois prestigieuse ascendance. Celle-ci – droite ou gauche, au palais du
Louvre, puis rue de Rivoli et enfin dans le bâtiment un temps futuriste que
voulut Pierre Bérégovoy, bien à l’est de Paris [4]et
vis-à-vis ou presque de la « très grande
bibliothèque François-Mitterrand »
– avait été d’une continuité encore plus efficace que remarquable. Je ne
fais pas l’éloge d’un dirigisme quoiqu’il ait été consensuel, de l’apparition
de la version contemporaine de notre Etat aux alentours de 1860 jusqu’au
programme ultra-libéral de Janvier 1986 (la privatisation de la S.N.C.F et de
la Poste étaient entre autres prévus).
Ce procès vous donnant
quitus de votre gestion, de votre présidence avec éloges ou indulgence, ou bien
vous infligeant la peine maximum : l’inéligibilité à vie, devrait – je
crois – vous poser la seconde question, ou vous reprocher une lacune
importante.
Les contraintes du pacte
budgétaire, puique vous l’avez ratifié, et le fixisme quinquennal imposé à
notre vie nationale par le couplage de l’élection de l’Assemblée nationale avec
l’élection du président de la République, chaque institution ayant un mandat de
même durée selon une décision suffisant à elle seule pour condamner Jacques
Chirac, suggèrent, permettent ensemble de se donner un outil qui fit merveille
de la Libération à cette erreur inexplicable, commise par Lionel Jospin, dès
son entrée à l’hôtel de Matignon. La suppression du Commissariat général au Plan
[5],
remplacé par un Conseil d’analyse économique auprès du Premier ministre, a
privé le pays, et ceux que nous appelons les « partenaires sociaux » [6],
aussi bien d’un lieu et d’un rythme de rencontres, d’un mode de travail en
commission informelles ou encadrées, que d’un document faisant « ardente
obligation » après un vote du Parlement consacrant les échanges de vue,
les accords et prévisions de l’ensemble des acteurs de notre économie et de
notre société, Etat, entreprises, syndicats. Une perspective quinquennale,
précisément, et faisant loi pour le budget, pour les négociations salariales,
pour les gestions « tripartites ».
Pourquoi ne les avez-vous
pas rétablis, quitte à les mettre à jour selon de vastes consultations et un
bilan de ces fonctionnements pendant un demi-siècle malgré l’instabilité
gouvernementale de la Quatrième République et malgré les contestations et les
alternances droite-gauche depuis 1981.
à l’U.CK. Vannes
pendant les cours de danse de Marguerite,
mercredi 12
octobre 2016
de 16 heures 27 à 18 heures 04
[1] - le quart d’heure
d’exposé requis du secrétaire général du Comité interministériel dirigeant
toutes négociations à Bruxelles sur le fonctionnement et l’approfondissement du
Marché commun : Jean-René Bernard fortifiant de Gaulle, président de la
République, dans a première intuition : respecter l’échéance du 1er
Juillet 1968, c’est-à-dire la dernière étape du calendrier signé le 2( Mars
1957 à Rome par les Six pays fondateurs de l’entreprise européenne
[2] - date et montant de ce
pacte
[3] -
[4] -
chronologie de la délocalisation à laquelle tenta de s’opposer Edouard
Balladur, par vaniteux attachement à un décor et une majesté séculaires
[5] - ce
qui mit provisoirement sur le sable Henri Guaino, dernier titulaire d’une
fonction consensuelle et prestigieuse, qu’il fallut aussitôt recaser, et avec
lequel je concourus quelques semaines de l’automne de 1997 après que le Conseil
d’Etat ait annulé la nomination de mon successeur à notre ambassadeur au
Kazakhstan. La future « plume » de Nicolas Sarkoy vint pleurer auprès
de Jean-Marcel Jeanneney fondateur de l’Observatoire français des conjonctures
économiques. Etabli avec l’appui de Raymond Barre, Premier ministre, l’O.F.C.E.
fut confirmé par François Mitterrand, confiant même à l’ancien ministre du
général de Gaulle la charge de l’éclairer et conduire personnellement pour le
premier sommet du G 7 à se tenir au début de son premier septennat.
[6] -
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