3 .
Cultiver notre bien commun
Des autobus en Ile-de-France ou à
Vannes, chef-lieu de mon département : Mercédès. Des ampoules électriques
au Monoprix : Made in China, Philips en coopération avec l’EDF pour vos
économies d’énergie. Carrefour Market, Total Access…
Reniac, à ma
table de travail, le soir du dimanche 18 décembre 2016,
autour de 19 heures 45
Les masters au lieu des maîtrises,
Sciences-Po. ou Franklin : l’excellence. Succès pédagogique : rue
Saint-Guillaume, les élèves ne parlent plus que l’anglais entre eux.
Ibidem, le soir
du lundi 19 décembre 2016,
de 18 heures 28 à 19 heures 05
Les inventeurs se félicitent, bureaux
d’études pour effacer les raisons sociales familières et innover, moderniser,
et frais d’inscriptions comme les diverses prépas. augmentent. J’ai l’âge de la
mémoire, de ce qui fut avant, de ce qui était prestigieux, fonctionnait, et il
se trouve que parfois j’ai vu ce qu’il se passe et comment avec gloire et
affectation nous nous trompons, ou plutôt nous sommes – en économie, en
entreprise, en commerce extérieur devenu d’ailleurs aussi notre commerce
intérieur, et la balance de nos emplois – trompés par un type précis de
dirigeants et une manière devenue dogmatique, obligée pour évaluer et décideer
toute stratégie. A l’instar de la politique, en secret et solitairement.
Reniac, à ma
table de travail, reprenant le chapitre, mardi 20 décembre 2016,
autour de 18 heures 20
Inusuel : le ministre de l’Economie
et des Finances souhaite se confier à un conseiller économique et commercial,
près nos ambassades [1],
avant que celui-ci ne rejoigne sa nouvelle affectation, Brasilia. Décembre
1984 : rue de Rivoli encore, escalier du ministre, Second Empire plus
qu’imposant. L’Elysée n’impressionne pas, les salles dont la succession au
Vatican font couloir jusqu’à la « bibliothèque privée » du Saint-Père
impressionnent surtout pour le sens de la marche [2] . Je
suis inquiet, me dit Pierre Bérégovoy, un encours beaucoup trop considérable
sur la Thomson au Brésil : il ne détaille pas les contrats, mais les
crédits étant accordés aussi au fournisseur, l’entrée en vigueur vaut au bilan
de l’entreprise une avance, de la part du Trésor, de 20%. L’entrée en vigueur
sera antidatée par mon adjoint à mon insu, et n’eut pas lieu à cette date qui
était la veille du passage d’un pouvoir militaire de vingt ans à des civils, le
président élu mourant ne pouvant prendre ses fonctions [3]. Me
succèderont après la fin très anticipée de ma mission, tous les agents qui, à
un titre ou à un autre, auront contribué à la signature et à l’assurance-crédit
de ces contrats, veillés donc s’il en est.
Reniac, à ma
table de travail, le soir du lundi 19 décembre 2016,
de 18 heures 28 à 19 heures 05
Je n’ai pas su si les contrats
militaires et les contrats hospitaliers, conclus au Brésil, ont finalement été
honorés. Pierre Bérégovoy, à juste titre, était autant inquiet pour des
contrats sud-coréens. Pendant cette même affectation, je vois arriver – Mars
1986 – les présentateurs du Rafale… à l’argument habituel de nos
exportateurs : sans doute sommes-nous les plus chers mais parce que nous
sommes les meilleurs, s’ajoute une méconnaissance totale de l’ambiance
brésilienne, surtout en aéronautique où le géant a quelque expérience
industrielle pour les basses gammes. Cette ambiance est la haine des Etats-Unis
autant que la soumission à leurs propositions militaires : la soumission
faisant la haine. Depuis trente ans, je ne crois pas que cette psychologie ait
disparu, et certitude : nous n’avons toujours vendu outre-Alantique aucun
Rafale, malgré les rodomontades présidentielles du précédent quinquennat. Il y
a vingt ans, j’étais reçu par l’un de nos éphémères ministres du Commerce
extérieur, dès qu’il eût quitté le gouvernement, il représenta Boeing en
France. Au Kazakhstan, Boeing et Airbus en concurrence, démonstration de notre
avion par François Mitterrand en visite de travail tandis que je l’y
représentais. Commissionné par nos exportateurs, exigeant d’être en tiers dans
tous les entretiens du président local [4], ukrainien
d’origine ? mais apparu chez nous à la fin de la Seconde guerre mondiale
au titre de la Résistance intérieure, et ayant même fait partie du conseil
municipal de Paris dans les années 1950 au titre du R.P.F., Moskovitch était
également rémunéré par la concurrence, mais l’avantage pris par celle-ci fut
que ses avions, plusieurs, stationnèrent à Almaty six mois, le nôtre disparut,
laissant seulement du catalogue. En Grèce, Thomson obtient, avant que j’y sois,
un contrat important pour la commutation téléphonique dans la capitale ;
j’hérite du contentieux, nos gens avaient fourni un prototype non éprouvé
pensant que depuis Ulysse ses épigones paieraient sans avoir été satisfaits.
Ibidem, soir du
mardi 20 décembre 2016,
19 heures 05 à 19 heures 18
Thomson, donc, et la première
« cohabitation » [5]
commencent, apparemment sans esprit de système la brade de notre patrimoine
industriel : Thomson, l’été de 1986, troque, croient ses dirigeants, notre
imagerie médicale désormais assurée par l’étranger [6]
contre l’accès au marché nord-américain de ses téléviseurs. Depuis nous n’avons
plus même de téléviseurs fabriqués en France. Thomson, racheté censément dix
ans après par Daewo, inaugure ainsi, il y a trente ans, la nouvelle expansion
française à l’étranger… [7]
Ibidem, le soir
du lundi 19 décembre 2016,
de 18 heures 28 à 19 heures 05
La chronologie s’apparente à un carnet
mondain, à une série ininterrompue de faire-part de mariages, puis de décès,
les deux événements étant généralement conséquences l’un de l’autre. Aucun
grand nom de notre industrie, souvent séculaire, n’a échappé à ces deux
phénomènes. Il faudrait allier
Ibidem, soir du
mardi 20 décembre 2016,
19 heures 26 à 19
heures 30…
Il faudrait une compétence et des
documentations que je n’ai pas. Connaître le détail et la vie de chacun des
grands groupes français – comparaison aussi avec la bataille navale de nos
enfances scolaires – touchés par ce qui n’a pas de nom. Car
désindustrialisation de notre pays n’en dit pas assez. L’évolution financière,
le parcours des dirigeants antérieurs à leur venue au commandement, l’aire
technologique et commerciale couverte par chacune de ces entreprises qui des
années 1920 aux années 1980 faisaient de nous une grande puissance, bien
davantage que les armées de nos guerres européennes et coloniales. Je n’en ai
approché qu’une, il est vrai l’une des plus prestigieuses et sans doute
aujourd’hui la seule survivante de l’hécatombe : Michelin, ses réserves de
change en Suisse, sa phobie de l’Etat, son paternalisme. Coup de foudre en
emmenant en même temps que l’une de mes sœurs, l’aînée d’une des familles
commanditaires. Le charme incarnée et l’échec, sans doute du fait de ma
possessivité inexpérimentée et des moeurs de l’époque interdisant les liens
instinctifs, précis d’une intimité qui commence (juste l’année de la pilule
mais pas encore Mai 1968, subsistance des jarretelles). Mais en quelques
semaines, je compris que ce monde est à part. Que les dirigeants sont une race.
L’autre expérience, celle du travail en usine ou dans une société de service,
si différente d’ambiance de la fonction publique régalienne – ma seule
expérience personnelle, chaleureuse à tout prendre – constitue, tout autant que
notre substance économique, la vie de notre nation. Les salariés, les employés,
le « facteur travail » aujourd’hui considéré comme une charge et un
handicap par tant de dirigeants économiques et financiers, alors que le
« facteur capital » est honoré, sollicité et trouvé ou accepté de
plus en plus en dehors de chez nous.
Il y a donc deux histoires à documenter,
puis à comprendre, faites de la somme des évolutions, naissances et morts des
entreprises, et des conflits dits sociaux. Les deux histoires ne sont pas en
dépendance mutuelle, mais la communication est celle de réclamations de poids
analogue, qui pose les questions de plus en plus pendantes et de moins en moins
réglées malgré textes, résolutions et rapports : la fiscalité des
sociétés, la législation du travail et de la participation. Ce dernier terme –
couvrant des pratiques et des ambitions très différentes, parfois heureuses,
souvent éludées ou non dites – fut cher à de Gaulle, dès la guerre qu’il vécut
en éthique : la légitimité d’un combat contre les tyrannies, l’emprise
matérialiste pas tant du fait des analyses marxistes que de l’emprise des
machines sur le conflit et sur la vie quotidienne. Il mourut d’avoir voulu le
développer dans tous les domaines et selon toutes les acceptions. Le pouvoir
lui fut retiré aussi bien par les conservateurs en politique, qui avaient fait le
triomphe électoral de Juin 1968, et en entreprises puisqu’elles redoutaient
l’inconnu et l’étendue des réformes envisagées, et également par les tenants
dans les syndicats de salariés et dans les partis dits de gauche, incapables –
et comment ne pas les comprendre ? – d’anticiper une tout autre société
que conflictuelle.
L’histoire du démantèlement
économique de notre pays – l’agiculture suivant l’industrie, depuis une
quinzaine d’années maintenant [8]
– et des résistances sociales : grèves dans la perspective de
licenciements, manifestations contre la diminution factuelle des retraites [9]
montre qu’elle est indépendante des gouvernements, de leurs actions
respectives, des mouvements de la législation. Elle montre aussi que notre
appauvrissement, la moindre compétitivité de nos entreprises de toute nature
sur notre propre marché national ne tiennent pas à la mondialisation, aux
directives européennes, aux traaités transatlantiques en gestation même si ces
cadres sont certainement à réexaminer et pas en chambre. Elle suggère surtout –
et fortement – une interdépendance des personnes, des biens, des entreprises et
que le pouvoir politique, quels qu’en soient les détenteurs, toujours à titre
précaire et bien vite contesté, à peine les élections acquises, ne comprend
pas. Les administrés, les assujettis, les citoyens, les acteurs économiques
même reconnaissent pourtant au pouvoir politique la responsabilité de
l’ambiance, les acteurs sociaux, la
masse des travailleurs et salariés, les cadres syndicaux veulent sa compétence
d’arbitre. L’ensemble reste incohérent pour une raison que je crois
unique : on ne se parle, on n’agit, on ne décide que dans l’urgence, à la
hâte, partiellement. L’entreprise souhaite d’une part la disparition de l’Etat,
hormis le maintien physique de l’ordre mais ni mental ni psychologique ni
éthique, mais d’autre part le sait et le vit comme son dernier recours, pas en
tant que tel, mais comme unique détenteur de la levée fiscale et donc de
disponibilités et de fonds réputés à tort quasi-inépuisables. Les grévistes
divisent la gent politique dont une partie veut les soutenir et l’autre
conteste leur légitimité au regard des non-grévistes, des usagers et de la
marche générale de l’économie nationale. Seuls, les « événements de
Mai 68 », sans doute parce qu’ils n’étaient pas initialement une grève de
salariés, ont généré des gains d’importance pour la vie sociale en général et
pour celle des entreprises. Les manifestations populaires suscitées depuis
vingt ans par les ajustements du service des retraites n’ont abouti que très
partiellement, tandis que les dispositions gouvernementales accouchées au
forceps n’ont toujours pas remédié structurellement aux tendances déficitaires.
L’échec français, notre impuissance nationale depuis deux décennies et qui se
sont plus manifestés qu’aggravés pendant le quinquennat qui finit, sont donc
politiques, institutionnels, fort peu économiques et financiers. Mais cet échec
et cette impuissance nous empêchent de nous projeter à moyen et long terme.
La ressource humaine,
abondante en nombre ce qui avait des conséquences économiques longtemps
gratifiantes, et potentiellement en qualité, n’a pas été analysée ni exploitée
à temps. Elle est aujourd’hui ressentie par beaucoup – et, ce qui est grave,
analysée par des politiques – comme une dilution de la structure culturelle et
mentale du pays, de notre nationalité. Surtout, elle n’a finalement pas généré
de nouvelles classes d’âge faisant du civisme, du progrès français, d’un
certain patriotisme intellectuel, bien plus qu’une priorité : un état
d’âme, un élan, une responsabilité. La France a connu de mémoire d’homme, au
moins deux redressementrs aussi spectaculaire qu’inattendu. Deux défaites très
profondes, sérieuses, quoique chacune eût pu être évitée, ont suscité une réorganisation
mentale et d’importantes novations politiques, économiques, sociales. Le
parallèle est instructif au point de devenir pour nous une prescription
détaillée.
A partir de 1871 et de 1945,
une intense réflexion [10]sur
la réforme intellectuelle et morale de
la nation, de la France. La République devient le régime qui nous divise le
moins, il est établi, sans doute selon des fonctionnements et institutions
défectueux. La Constitution de 1958, ses pratiques et son esprit auraient dû [11]
faire loi dès la Libération, de Gaulle ne put durer. De fortes dispositions,
structurant notre société, furent prises par la Troisième République alors même
que la probabilité de la Grande Guerre ou la volonté de la Revanche hantaient
les esprits : le statut des associations, la séparation de l’Eglise et de
l’Etat, donc l’invention d’une nouvelle participation des personnes à la
société [12]. Ce
qu’après 1968 proposait, quoiqu’en termes voilés et discontinus, le premier
président de notre Cinquième République. La France vaincue par l’Allemagne, qui
la double industriellement, est cependant la financière et du vainqueur et de
la plupart des peuples émergents d’Europe. La France libérée universalise ses
régimes sociaux, le soutien à la famille, la sécurité maladie et vieillesse [13].
Le choc de la défaite, du désastre n’abolit pas les repères mais les fait au
contraire identifier. Des réformes latentes sous les régimes précédents :
ainsi la liberté d’association instaurée sous l’impulsion personnelle de
Napoléon III [14] appelle
l’encouragement et l’incitation que produira la loi de 1901, la généralisation
de ce qui s’appelle alors l’instruction publique avec Jules Ferry [15]
doit beaucoup à Victor Duruy [16],
initiateur contrarié et interrompu sous le Second Empire, les « assurances
sociales » [17] commencées
d’être organisées et surtout le « planisme » pensé [18]
pendant les années 1930 Ces deux rénovations sont des prises de conscience,
soucieuses particulièrement de l’éducation de l’ensemble de nos aïeux et de
leurs cadres. Ainsi naissent l’Ecole libre des sciences politiques en 1872 et
l’Ecole nationale d’administration en 1945. L’Etat, la République se trouvent
les moyens d’orienter la société par des élites qui ne sont pas, forcément,
héritières de familles ou clientes du monarque de l’époque. Un langage commun
se trouve dans le respect mutuel de la création de nos grands groupes
industriels, tous fondés sur l’invention et sur la prospection, et d’une classe
politique cultivée et de recrutements très diversifiés.
Aucun de ces ingrédients, et
donc pas une once de nos élans d’antan ne se cultivent aujourd’hui. Nous avons
perverti ou abandonné les outils-mêmes de nos redressements, ceux qui nous
avaient refaçonnés sans méconnaître les habitudes millénaires de notre Ancien
Régime. L’analyse des causes et des conséquences concluant de toute façon à une
évolution qui nous déforme et met à nu, excède les dimensions de ce simple
appel à nous-mêmes. L’urgent est la mise en place ou la remise en œuvre de ce
qui peut remédier à notre paralysie.
Ibidem, mercredi
21 décembre 2016,
08 heures 57. 09 heures 29 . 10 heures 03 à 11 heures 05
L’essentiel ne peut
cependant s’instituer : une dynamique civique structurant mentalement les
carrières individuelles et les décisions collectives dans tous les domaines,
une solidarité entre tous acteurs publics, privés dans l’économie, la culture,
les gestions sociales pour promouvoir le bien commun, la « maison
France ». Cet esprit exista et fut porteur entre la capitulation de Sedan
et la victoire de la Marne, transposant le militaire dans toutes les formes,
instances et production de la vie nationale. Il existait à la Libération, puis
au retour du général de Gaulle au pouvoir en 1958, il s’en fallut de peu qu’il
ne nous réimprégna en 1981 quand pour la première fois, sans doute depuis le
Front populaire mais disposant alors de la forte structure qu’était la
Conquième République d’alors. Un enjeu, à chacune de ces époques, faisait
communier tous les contemporains : défi était à relever, un danger à
surmonter : chaque fois, il était question de décadence à exorciser. C’est
bien notre conscience aujourd’hui.
Nous devons noter que la
plupart des institutions ou procédures – constitutionnelles ou pas et
apparemment non politiques – que nous avons supprimées ou vidées de leur esprit
d’origine l’ont été dans nos années 1990, quelle que soit l’étiquette
revendiquée par les gouvernements de cette décennie : le service militaire
[19],
la planification souple à la française [20],
le referendum [21], le
lien entre le sort du président ayant provoqué un scrutin et le résultat de ce
scrutin [22].
Manifestement, nous avons changé de mode de penser en même temps que de
millénaire… et pourtant sur chacun de ces sujets, les politiques – quoiqu’aucune
campagne n’y fasse encore allusion – tentent de restituer ce qu’ils ont
supprimé… Moi-même en campagne avec la disposition des médias publics et à
égalité avec ceux qui n’ambitionnent que le pouvoir, je développerai ce qui
suit. Pas une nostalgie du passé, mais l’exploitation de notre passé pour un
avenir plus solide, cohérent, qui soit nôtre et non d’emprunt.
1° le creuset d’un service
national universel garçons et filles
.
Ce ne sera pas exactement le
rétablissement du service militaire, aboli
2° le civisme et le
patriotisme des cadres de la nation
Quand a commencé ce tropisme
des élites formées pour le service public vers l’économie de la banque et de
l’entreprise ? Quand s’est généralisée la prétention à l’excellence, selon
des critères et des appellations de « modules » d’enseignement à
l’anglo-saxonne ? La coincidence chronologique avec le cycle court des
nationalisations/privatisations entre 1982 et 1988, dont l’erre a continué
jusqu’en 2000 et davantage, suggère la généralisation chez nous de trois
phénomènes.
La lutte des classes,
l’analyse marxiste de l’évolution des sociétés [23]
se sont longtemps vérifiées dans nos conflits sociaux et poussaient à la
participation syndicale et à la solidarité. L’avenir dans l’entreprise
s’assurait mieux en groupe et en concertations collectives qu’en dialogue entre
l’individu et la direction. L’inverse est devenu la tendance depuis au moins
une quinzaine d’années. Ce qui a deux aboutissements : la neutralisation
du droit de grève par un engagement des salariés à n’en pas user en
contrepartie de quoi l’entreprise ne licenciera pas ou ne délocalisera pas, ou
bien moins qu’initialement envisagé.. Le chômage et les propositions de
reclassement induisent une mobilité qui est valorisante alors qu’elle était
péjorative. Pour des raisons différentes, les dirigeants et les salariés sont
nomades. L’esprit d’entreprise signifie aujourd’hui le talent ou la propension
à créer (initiative individuelle) et non plus l’attachement à une raison
sociale. D’ailleurs celle-ci change fréquemment d’appellation. La haute
fonction publique a été atteinte par ce phénomène qui n’affectait initialement
que le domaine économique : l’alternance au pouvoir politique et ce qu’il
reste des influences étatiques dans la marche des entreprises industrielle et
des groupes financiers, a suscité des parcours qui n’existaient que peu
auparavant. La participation à un cabinet ministériel rend désirable pour une entreprise
ou une banque. On peuit même à l’avance se préparer des places en recélant les
procédures publiques. Les exemples se multiplient chez nous et aussi dans les
institutions européennes [24].
Le service public n’est plus la vocation d’une vie entière, gratifiant de son
fait-même celui qui s’y voue. L’analogie valait aussi avec le travail en
entreprise, que l’on soit ouvrier, cadre ou haut dirigeant : l’estime de
soi et de ce à quoi l’existence se passait tenait à ce travail-même. Sans doute
« gagner sa vie », mais s’épanouir personnellement dans l’activité
rétribuée. Les licenciements et suppression d’emploi atteignent avec précision
la dignité du travailleur, les formations qui lui sont proposées pour
réintégrer le « marché de l’emploi » mettent en évidence que son
expérience et son ancienneté n’ont pas ou plus de valeur. Des personnes, et
bientôt notre pays sont donc périmés. Les carrières sont gérées, la réussite
est de s’intégrer dans des mécanismes. Si le système et cette philosophie nous
conduisaient à la pérennité de notre patrimoine, de nos rangs en divers
domaines dans le monde, peut-être pourrions-nous sacrifier le contentement de
nous-mêmes. Ce n’est pas ce que nous vérifions.
Pour que les pétitions
diverses sur le modèle social français commencent d’être sincères, nous avons
besoin de davantage que des chiffres censés nous prouver qu’il existe encore et
fonctionne au bénéfice de tous : il nous faut un entrainement à préférer
l’exercice d’un métier, et – puisque nous sommes en crise selon toutes les
acceptions de notre collectivité nationale – ce doit être l’esprit à nouveau
régnant chez ceux qui nous dirigent ou aspirent à nous diriger, et ne sont pas
recrutés par les élections publiques. La haute administration, la direction des
grands groupes industriels et financiers pourraient avoir un passage commun
entre la sortie de l’enseignement secondaire et la vie active. Les Instituts
d’études politiques, l’Ecole nationale d’administration fonctionnement à
présent comme des institutions délivrant des diplômes. La nation n’est plus
apprise, le patriotisme européen pas davantage. Nous devons réfléchir à
l’institution d’une école – grande au moins par son ambition et l’ampleur de
son champ d’enseignement – qui formera les cadres publics et privés de la nation.
A l’instar de ce que nous devons penser, chaque fois que nous rééinventerons ou
instituerons des constituants de l’esprit civique et du dévouement au bien
commun, l’analogue pourra être proposé en exemple et expérience à nos
partenaires européens, et peut-être même en étude d’un établissement proprement
européen.
Les Instituts actuels et
l’E.N.A. seront incités à revenir à leur objet et à leur esprit d’origine, à
peine d’être réputés privatisables puisque déjà ils fonctionnent d’une manière
qui n’est pas nôtre ataviquement. Faudrait-il que les concours d’entrée dans
l’administration, voire l’aptitude à être recruté par les entreprises pour
leurs fonctions de direction continuent d’être aussi contraignants pour
l’avenir des élèves ? Nous prendrions acte de l’osmose des carrières
publiques et privées en leur fournissant une base commune. D’expérience,
j’apprécierai que le code du travail et la compétence des prudhommes
s’appliquent aux mises au rancart de ceux qui ont été nommés par décision en
conseil des ministres.
Un relatif détachement des
esprits vis-à-vis des rémunérations et des avantages financiers –
« pantouflage » des hauts fonctionnaires et montant des retraites ou
gratifications pour les dirigeants d’entreprise – ne nous redeviendra naturel que
si, dans son ensemble, notre pays nourrit nos fiertés pas seulement
collectives, mais personnelles, parce qu’il se sera redressé et recouvrera ou
reconstituera son patrimoine. L’ambiance de sauve-qui-peut détermine
psychologiquement l’appétit de jouissance immédiate et d’avantages pérennes
acquis dès l’obtention d’une position.
Que l’expérience du
« secteur privé » soit privilégiée pour attribuer certains
portefeuilles ministériels ne doit pas permettre ce que nous avons vu faire par
des recéleurs de procédures publiques, nonobstant toute déontologie et
procédure d’aplication de la déontologie applicable. Tel a préparé pendant une
décennie la constitution d’un de nos plus importants groupes bancaires, dont il
a reçu la présidence dès sa fondation. En privatisant les régimes publics de
protection et de prévoyance sociales, tel président d’une de nos principales
sociétés d’assurance, déjà choisi comme ministre des Finances par le candidat
favori des sondages, réaliserait le
grand rêve de tout privé : un marché tout fait exclusif sans peine aucune
de le prospecter et appâter, dont seront obtenus automatiquent les prélèvements
obligatoires tandis que le service des prestations deviendra aléatoire,
contractuel. Entre la morale publique, le service de l’Etat ou de ses
collectivités décentralisées, et l’équilibre mental, l’élan de la nation, il y
a un lien, aujourd’hui lâche et qu’il nous faut tendre à nouveau.
3° la réintégration de notre
patrimoine intellectuel, matériel, financier
.
Ce ne sera pas exactement le
rétablissement du service militaire, aboli
4° le rétablissement de la
planification dite souple à la française
.
Ce
Ibidem, mercredi
21 décembre 2016,
16 heures 15 à 18
heures 15
[1] - quand la direction du
Trésor n’avait pas absorbé la Direction
[2] - j’ai été reçu en
audience particulière par saint Jean Paul II, le plus d’une heure : lui
exposer la situation et les « chances » de l’Eglise catholique
romaine en Asie centrale où, pendant ma mission au Kazakhstan (Juin 1992 à
Février 1995), j’avais établi les relations entre ce pays et le Vatican – le
lendemain, seul laïc, l’émotion d’asister à la messe célébrée par le Saint-Père,
très belle chapelle voulue par Paul VI
[3] -
[4] - Nursultan Nazarbaev
[5] -
[6] - Siemens, Philips, les
Japonais
[7] -
[8] -
[9] -
[10] - Taine et Renan
[11] - le discours de Bayeux
[12] - évocation des deux
grands artisans : Waldeck-Rousseau et Aristide Briand
[13] - cette instauration ne
fut pas transposée du régime de santé anglais, mais esquissée à Vichy, par Pierre Laroque, puis
ré-écrite et mise en œuvre à la Libération par cette même éminente
personnalité
[14] - ce que dit aussi
l’Empereur de lui-même et sa relation avec Proudhon
[15] -
[16] -
[17] -
[18] -
[19] -
[20] -
[21] -
[22] -
[23] - l’encyclique Rerum
novarum du pape Léon XIII engageant le magistère de l’Eglise dans les questions
sociales récuse absolument cette analyse
[24] -
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