dimanche 12 février 2017

chapitre conclusif - mouture définitive et complétée





Testament d’un encore vivant
grâce à d’autres que lui






Je me confie à vous, plus encore que dans tout le corps de ce peetit livre. J’ai eu grand mal à l’écrire. Ce que je tente de vous dire, je le ressens en vous autant qu’en moi, les mots nous manquent, le regard et le désir sont là. Nous savons que maintenant la conclusion nous appartient. Précisément parce que nous plus déléguer à qui que ce soit la responsabilité de la suite. Nous avons expérimenté qu’un seul est insuffisant, qu’en votant pour lui, nous le livrons à lui-même. Il en fait les frais : Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et maintenant François Hollande nous l’ont répété, et nous en périssons. Même plus vagabonds ou désespérés d’opinion. Déjà inertes. La conclusion nous appartient, le changement n’est pas un programme, il est la volonté de faire la décision, de l’imposer à nos mandataires, de nous l’imposer à nous-mêmes. Le ressort de la suite française est cette résolution. Et nous avons ensemble compris que cette suite est européenne, et réciproquement. La rencontre en Allemagne de celles et ceux qui le nient est sans doute bien ajustée puisque la fragilité de nous tous, natifs de ce Vieux Monde, de ces vieux pays, de ces peuples anciens tellement civilisés, tellement riches, chacun tellement subtil, est actuellement celle des Allemands comme souvent. L’économie puissante, la longévité et la collégialité au gouvernement depuis davantage de temps que partout ailleurs en Europe. Si les négationnistes l’emportent du Rhin à Berlin et à l’Oder, la partie pour notre suite à tous, sera plus difficile mais plus évidente, car la réunion de celles et ceux qui nient a le résultat mathématique que même les enfants connaissent.
Je n’ai pas peur car je sais qu’au pied du mur, il y a partout la résolution. Et maintenant nous avons l’expérience dans chacun de nos pays de ce qu’est, de ce que peut être l’illusion du refus. Mais le refus ne doit pas être le refus des négationnistes, et de leurs accompagnants jouant d’eux pour se faire choisir et gouverner solitairement un pays, des peuples qu’ils croient chacun solitaires. Le refus que continue notre enfoncement dans la tolérance du vide des gestions collectives, du nihilisme des dispersions de nos patrimoines de toutes natures, est éclairé, motivé. Il porte des structures de conduite tous ensemble.

Sans raison, par instinct ? j’ai cru en François Hollande quoi qu’il se soit présenté à nous tous les votants, les Français, sans passé, ni exploit, ni légitimité. Je réalise que ce vote d’il y a cinq ans était adulte, pas seulement le mien, mais celui de millions d’entre nous. Nous n’attendions ni sauveur ni salut. Nous commencions de réaliser que la politique – et je le constate de plus en plus maintenant, l’entreprise surtout, qu’elle soit individuelle ou de taille et d’enjeu considérables – n’est pas l’affaire d’un seul, qu’elle est profondément collective, qu’elle est d’essence collective. Pas parce qu’elle est la gestion du grand nombre et de beaucoup de sujets, d’affaires, de dossiers, de circonstances – prévisibles, imprévisibles – mais parce qu’elle n’est vraiment possible que portée à tous, par une réflexion commune, par une ambiance que nous créons à tous et qui devient l’esprit d’une entreprise – celle-ci au sens économique et financier – mais aussi d’une entreprise au sens de l’aventure qui a sa date de commencement et sa date d’aboutissement. Et cela ne s’est pas fait, nous avons laissé faire.

J’ai essayé – avec vous qui vouliez bien m’accompagner dès les premières lignes – de présenter des antidotes, de les évaluer. Il nous faut les choisir et prendre toutes ensembles. J’ai longtemps cru à la conversion de l’élu d’il y a cinq ans, conversion par intelligence. Les circonstances ne faisaient pression que lentement, les éphémérides de l’impuissance et de l’échec faisaient une chaîne chronologique atterrante mais ne nous liaient pas encore. La leçon – je ne sais si François Hollande l’exprimera lui-même, je le lui ai demandé après tant de suggestions au jour le jour ou presque depuis son investiture par son parti d’origine – est la péremption des anciennes manières d’exercer le pouvoir.

Pendant quatre-vingt-dix ans, autant dire un siècle, la France s’est gouvernée, sauvée, perdue, reprise selon une commission parlementaire appelée gouvernement. La mûe apportée par le général de Gaulle n’a pas été la mise au goût du jour de notre ancienne monarchie, faussement interprétée comme une autocratie alors que fondamentalement elle avait toujours été le respect et la culture référencée du bien commun. L’élection du président de la République au suffrage au suffrage universel direct a été la première étape d’une remise de la décision, autant dire même du pouvoir, à nous tous. Nous en sommes restés là, malgré les efforts des premiers successeurs du fondateur.

L’existence humaine est une relation, avec nous-mêmes, avec les autres, nos frères de condition, nos analogues. Le cœur de chacun est un mystère, davantage encore pour lui-même que pour les autres plus libres de considérer, du dehors, les entraves et les possibilités de l’envol.

La relation, j’ai eu la chance très répétée dans ma vie, de l’éprouver avec des hommes, des personnalités dédiées à la politique. Trait commun : considérer la politique comme le mystère et la responsabilité d’un peuple que l’Histoire désigne pour être et demeurer un peuple, moyennant à chaque génération sa propre réévaluation et le consentement à lui-même et surtout à l’espérance et aux moyens d’être encore plus lui-même. Le politique n’est pas discursif, il est la conscience de beaucoup.

Je le dirai plus clairement – je crois – en disant les dettes de ma reconnaissance. Je le fais brièvement, devant vous, même si vous ne les avez pas connus, même si peut-être, puisque l’amnésie caractérise aujourd’hui commentateurs, présentateurs autant que les acteurs dont ils sont les faire-valoir. Ce va être ma conclusion. Tous ont physiquement disparu. Aujourd’hui, pourtant, ils existent et me structurent, puissè-je vous faire ressentir qu’ils sont disponibles pour tous, et qu’en sus nous pouvons chacun en rencontrer d’autres mais du même bois, du même esprit, de la même fidélité à autre qu’eux-mêmes et leurs biens. Nos aïeux certainement, nos enfants – je l’espère, et gratifié tellement par notre fille, je le crois – ont fait, pourront faire ces rencontres, et même ont été et seront de celles et ceux que j’ai rencontrés. Car je n’en ai rencontrés que quelques-uns, mais ce fut pour tous.

Aujourd’hui [1] où je finis de vous écrire, après plusieurs tentatives, depuis l’automne de 2013, toutes fondées – par une erreur tenace que je croyais la simple et nue espérance – sur la possible, probable, logique conversion d’un président revenant à des convictions et donc à des jugements répondant aux circonstances sans s’en laisser imposer par celles-ci, nous répondant finalement parce que son propre recours contre lui-même serait de nous écouter… aujourd’hui, maintenant que tout a disparu des vieux usages et des vieux rites, même s’ils paraissent encore en scène, c’est le vote entre gens se reconnaissant de gauche pour choisir quelqu’un qui… Ils sont courageux, aucune chance d’aboutir selon les rites anciens d’une élection et d’un nouveau quinquennat. La primaire d’autres n’a été que la trouvaille d’un chef par élimination [2]. Enfin, il y a eu des initiatives et du spectacle, et la redite d’un diable utile à tous les professionnels y recevant la fonction de sincère sauveur. Aujourd’hui, du civisme. Et ce même jour, le dixième anniversaire de l’Abbé Pierre, les réflexes qu’il raviva tant de fois. Je l’ai connu et accompagné au plus crépitant et douloureux d’une méprise qui s’est appelé « l’affaire Garaudy » : une autre forme très achevée du négationnisme. , comme d’ailleurs pour la cause des extrêmistes d‘aujourd’hui, ceux d’Europe, autant que les égarés du djihadisme ou les soutiens de Wladimir Poutine et maintenant de Donald Trump, il y a du vrai et de la lucidité à l’origine de ce qui deviendra, est devenu un odieux parcours. L’Abbé Pierre, une solitude, un secret spirituel, un tempérament s’exorcisant eux-mêmes par l’obsession des autres faite d’une empathie avivée par le scandale. Un homme-cri. Coincidence des dates, au lendemain d’un anniversaire, celui de l’événement sans doute le plus symbolique de notre histoire nationale, l’exécution capitale du roi. Nos crises de légitimité – nous en vivons une de plus – nous font, font la France.

Et ce sont des hommes et des femmes qui nous l’apprennent, souvent rétrospectivement, faute que beaucoup puissent vivre dans l’intimité de ceux qui affrontent et résolvent – bien ou mal – ces crises. Parfois, m’est venue la chance de ce cotoiement. Ainsi, L’Abbé Pierre [3], une gloire nationale, dont je suis l’unique intime quotidien pendant quelques semaines, pendant la courte mais intense opprobre, qui m’a fait aller à lui, à sa rescousse. Simplement. Ses mises à l’écart des médias par les siens, apeurés, craignant l’amalgame, le fiasco d’une entreprise et d’une sainteté, d’une ingéniosité aussi depuis cinquante ans. Mais d’autres – davantage dans ma vie – à la notoriété plus précaire ou moindre pour des raisons ne tenant pas à eux, mais à nous. J’ai envie de vous dire ces autres puisqu’ils m’ont appris, que les ai aimés et qu’ils m’ont, je le crois, estimé. Sans doute par affinité et aussi par la conscience que je leur donnais de me donner – oui – beaucoup plus qu’eux-mêmes ou des récits et témoignages.  D’eux à une époque de ma vie où j’allais moins à la recherche de ce que le passant, l’inconnu, par hasard, dit de tout et de notre pays puisque je le salue et qu’il m’a inspiré de le saluer, n’importe où, n’importe quand, lui au pluriel, masculin ou féminin. De ces personnalités, plus ou moins illustres, j’ai appris, en un système qui se construisait d’une recontre à une autre, la vien politique, le politique, dans son acception sociale, selon la société que forme une nation quand elle est mentalement encore unitaire, et la vie dans ce qu’elle porte sur une femme, un homme, vous, moi, d’ombre ou de lumière. Des rencontres qui – vous les disant – me présenteront finalement à vous, bien davantage que les exposés et intuitions qui les ont longuement précédés. Que vous me confiiez réciproquement les vôtres, librement, me passionnera. Je crois qu’alors nous serons, ensemble, à la racine des événements et des motivations de notre époque, de ce que nous voulons et vivons pour notre pays. Quelles que soient ces rencontres, leur date, leur thème pourvu qu’elles vous aient ajouté quelque chose ou fait prendre conscience de quelque chose. Et ce « quelque chose » n’est- ce pas les autres quand ils nous semblent exemplaires et nous entraînent, au moins à leur intensité d’action, de réflexion, de fidélité, ces autres-là dans nos vies à chacun, la vôtre, la mienne, garantissent que nous pouvons agir, réfléchir et porter – au moins potentiellement ce qui nous rend exigeant au moment des choix, notamment électoraux – des pensées et des réalisations.

 Ressentant vivement la crise où nous sommes depuis une grande décennie, sans la qualifier, sans poser de diagnostic, mais l’inscrivant dans la succession de toutes celles qui l’ont précédée et nous ont donc faits, j’ai voulu que François Hollande sous une forme lui appartenant, organise ma proximité avec lui et notre correspondance de politique et, au vrai, d’esprit. En annexe à ce que je termine de vous écrire, vous trouvez ma proposition. Elle n’a pas, en cinq ans, reçu seulement un accusé de réception ou quelqu’indication qu’elle ait été sinon examinée, au moins lue. Qui y a perdu ? Sans être de ses collaborateurs, j’avais été admis à l’audience, à la conversation – quelques fois – et à la correspondance de François Mitterand, ce qui eut parfois quelque résonnance dans les faits et décisions de ses quatorze ans de règne. Même avec Valéry Giscard d’Estaing, que je suivais et critiquais dans la presse nationale, j’eus un dialogue indirect : je savais ses réactions à mes articles et son conseiller personnel me recevais. Je n’ai donc pas cru déplacé quarante et trente ans plus tard de le demander à celui qui n’est plus qu’un président manqué. Même si d’autres suites lui restent possibles, dont celle de participer à la refondation, en France, d’un socialisme de gouvernement. Ce que ne contient pas forcément une arrivée au pouvoir d’un représentant du Parti de ce nom. Il est vrai que ce mouvement de refondation après le probable échec à cette élection-ci a commencé depuis les « primaires de la gauche ».

Ce que je tente n’est pas de ce registre, et ne dépend pas de la personnalité qui sera à l’Elysée à la mi-Mai 2017. Vous l’avez compris. Porter votre voix autant que la mienne, et de tant d’autres de nos compatriotes qui le voudront, pendant tout le quinquennat à venir.

Supposez que, comme moi, vous ayez bientôt soixante quatorze ans, enfant vous vous êtes passionné de héros, les plus simples et alors populaire, leur histoire dessinée sobrement et racontée sans effroi ni effet. A mes sept ans, l’hebdomadaire Tintin, par abonnement depuis le numéro 120 – collection perdue par ma faute, faute d’avoir entretenu un garde-meubles de notre relation quand ma mère nous quitta. Des aventures tout aussi étonnantes, mais vraies, des personnages de notre vie nationale, les albums au très grand format, ceux de Christophe [4], ceux de Job [5], nos vrais ancêtres d’esprit, leur legs de toutes époques est encore notre patrimoine. Les Hansi [6], aussi pour la plus emblématique de nos provinces. En famille, nous les lisons tous, ils nous sont de naissance. Puissent nos années actuelles en allonger la liste. « Récit national », puisque certains en réclament, ce n’est pas principalement de la dissertation, mais de l’imagination : le meilleur « outil de recherche ». Cela ne se discerne pas. Peut-être manquons-nous d’outils pour les reconnaître ? nos héros et fondateurs d’aujourd’hui. Vous auriez pu être moi, questions d’années de naissance, de lieux, ou bien je pourrais, ayant le double ou le triple de votre âge, être votre, votre grand-père, tandis que vous cherchez – peut-être – ces héros et fondateurs que ma génération avait encore si couramment en images. Alors ceux d’aujourd’hui ?

Voici les miens. Ils datent de quelques années à peine et ont quitté ce côté de la scène auquel nous introduisent les levers de rideau. Ils m’habitent chacun : inégalement selon notre degré d’intimité, la durée aussi de notre relation, mais ils m’habitent, me portent et si je peux entrer en campagne officielle, je leur rendrai leur officialité. Leur notoriété est encore frémissante. Parce qu’elle résultait d’une vérité d’être. Evidente pour beaucoup ou seulement pour moi. La valeur et l’apport fondateur de qui que ce soit ne sont pas quantifiables, mais estimables.

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Le premier ne m’apparaît d’abord qu’à raison de son pays. Apparemment, ce n’est pas ou plus le nôtre quand vient à moi, dès que j’ai été introduit dans un bureau de grandes mais pas excessives dimensions, sans décoration, que des baies vitrées : au- dehors sur quoi elles donnent, le désert, la façade occidentale du Sahara limitant la Mauritanie par l’Atlantique. La République Islamique, un de nos territoires d’outre-mer, est indépendante depuis à peine plus que trois ans et le président Moktar Ould Daddah [7], un sourire d’âme et de tout le visage comme si une relation de près de quarante ans, l’habitait déjà et qu’accueillir le jeune coopérant était plutôt des retrouvailles. Ce l’était, je crois, pour deux raisons dont il ne me donna qu’une, l’autre j’eus à la deviner. Je n’avais pas encore vingt-deux ans, il en avait sans doute quarante-cinq [8]. Etudiant très tardif en France, le baccalauréat à plus de trente ans, la même faculté de droit, à Paris, que celle dont j’arrivais, pas dix ans d’écart entre nos vies d’étudiant. Son sourire était d’abord celui d’un frère de race mentale, l’utilité d’une méthode de travail et de penser. Notre ressemblance fut immédiatement dans la manière d’envisager l’application de ce qui nous avait été enseigné. Il fondait donc, depuis peu un Etat-nation, c’était son mot. Un Etat dont la France, mon pays, la métropole du sien pendant une petite soixantaine d’années, avait laissé le projet. Une nation encore latente mais dont il avait la vue intérieure, la nécessité et la logique historiques intensément présentes en chacun de ses propos, à moi comme aux siens, collaborateurs, ministres, élus et chefs divers, peuple entier, partenaires étrangers : français, africains, puis arabes, puis de toute la planète. Il me dit donc cette raison, apprécia mes diplômes si la scolarité à l’E.N.A. que je n’avais pas encore commencé en est un, et m’écouta avec un bonheur évident luis exposer que l’enseignement dont j’étais chargé m’avait paru peu utile si je devais que réciter mon pays et mes études, qu’en revanche étudier le sien et les modalités de ce que lui-même entreprenais mais avec mes outils d’étudiant en haute administration générale de la France, me paraissait plus utile à mes élèves, futurs dactylographes garçons et filles de quinze-dix-huit ou fonctionnaires d’autorité déjà très expérimentés à des réalités dont je n’avais pas la moindre idée. Une thèse de droit public donc documenterait mes cours, le président de la jeune République me donnerait les introductions et autorisations ne dépendant dans la pratique que de lui, et nous dialoguerions ensemble ce que j’entreprendrai le lecture et de copie : il m’en donnerait la chair et les explications, les logiques humaines et occasionnelles. Cela ne cessa plus tant qu’il fût en vie. La mise en forme de ses mémoires manuscrits à la rédaction desquels je l’avais pousé dès que commença chez nous son exil, après vingt-et-un ans d’une fondation exceptionnelle de morale, de sérénité et de longueurs de vue.

L’autre raison, je l’ai comprise tard. Maurice Larue [9], administrateur de la France d’Outre-Mer, dirigea le cabinet du jeune président-fondateur dans les premiers jours de l’indépendance vis-à-vis de nous. La relation de travail, d’amitié certainement mais non explicitée, fut décisive et apaisante pour un homme d’Etat, forcément seul dans un contexte sociologique peu propre au sens du service public et dans la rareté d’une ressource humaine nationale qualifiée. Je lui ressemblais. Le DC4 qui s’écrasa sur la Sierra Nevada espagnole, en Octobre 1964, fit disparaître une grande partie des personnels de l’assistance technique et de leurs familles respectives, vivant en Mauritanie. Il me fut dit que le Président resta, comme hébété, plusieurs jours, et que je lui ressemblais physiquement. Revenait-il avec moi, ce serait bien immodeste et ce ne me fut pas dit par Moktar Ould Daddah. Partager ensemble sa passion d’expliquer et justifier ce qu’il faisait et projetait, ma passion d’apprendre ce qu’est un pays, ce que doit être son Etat, ce que sont les contingences de la politique, nous l’avons vécu au point que se constitua pour moi le point de vue suivant lequel regarder tout peuple, tout Etat, et même tout grand homme public. Et il en resta ensuite, fortement, ma conscience d’avoir à témoigner de qui j’ai vu et entendu l’effort pour son pays. Avant de Gaulle, immuable au milieu des années 1960 et à notre première pratique de l’élection présidentielle au suffrage universel direct, Moktar Ould Daddah m’inculqua, me montra le sens du politique.

La démonstration était perceptible parce que tous éléments de mise en pratique de ce sens existaient à une échelle que je vivais, que j’ai vécue à chacun de mes séjours en Mauritanie, d’abord quatorze mois, puis le plus souvent quinze jours-trois semaines. Voyant « tout le monde », les ministres, d’anciens ministres, les opposants, des jeunes, à Nouakchott, pas vingt-mille habitants en 1965, peut-être cent mille dix ans plus tard, sans doute le million aujourd’hui. « En brousse », accompagnant le président de la République, secrétaire général du Parti, le DC3 « avion de commandement », la jeune femme en mellafa nous donnant les indications de vol à l’oreille dans le vacarme du bimoteur, tous les passagers en bou-bou, le haouli marron clair du Président, que Mariem a bien voulu me donner à sa mort. Le gisant du Val-de-Grâce, Octobre 2003, l’homme encore très jeune, Avril 1974, aimant que tel notable, le soir entre nous après les accueils, le discours aux « camarades militantes et militants du Parti du Peuple mauritanien », le fasse rire, presqu’aux larmes. Après les réunions de cadres ou les réjouissances gastronomiques et littéraires, le hassanya qui est doux et varié à entendre. J’apprenais de cet homme le lien avec son pays,  avec ce peuple composite, physiquement dénué de tout mais que Moktar Ould Daddah savait combler d’espérance et de la sensation d’une unité nationale en train de se faire.

J’ai vécu les moments intenses et les ambiguités d’un destin qui ne faisait qu’un avec des gens de même vêtement, de mêmes silhouettes et démarches sur le sable, qui parlaient, parlent encore en caressant l’air, le ciel de leur paume, et qui – pourtant – les entraînait, loin et résolument dans la nouvelle époque, celle des Etats-nations et de la mise en valeur ultra-moderne des ressources du sous-sol. Des heures, une nuit, en Février 1966 [10], quand tout semble perdu, les races s’opposent, on se bat entre lycéens, les plus hauts responsables du Parti choisissent chacun un camp, selon les appartenances ethniques, tribales. De l’avenue, bitûme sur sable, par les fenêtres en claustra sans vitrage, j’entends, m’étant arrêté à hauteur de l’Assemblée nationale, les voix, les éclats et même – me semble-t-il – la respiration de celui qui écoute. Huit ans de travail : effacés ? Puis, en plein air et au jour, un long récit tout un après-midi à qui veut : rassemblement populaire au ksar de la trop jeune capitale, auquel j’assiste avec magnétophone. « Sommes-nous des étrangers ? », interroge le président secrétaire général du Parti. Enfin, la reprise et l’exercice du pouvoir, toujours en équipe, mais les équipes totalement renouvelées et une nouvelle forme pour la persuasion collective, des séminaires de cadres, région après région, et de nouveau l’unisson, avec une nouvelle génération. Et signe du renouveau de puissance à la tête du pays et de reprise de la possession de tous outils, le couple présidentiel commence d’engendrer [11].

Je suis à Rome, montant au parvis de Sainte-Marie-Majeure, un lundi de Juillet 1978, le 10 de ce mois-là, titres de presse : « coup d’Etat militaire en Mauritanie ». Je n’étais plus revenu à Nouakchott depuis trois ans. « Père de la nation ou prisonnier perpétuel ? » [12] Il arrive de prison, Mariem me le téléphone [13]. Nous nous revoyons puis plus d’une semaine à l’hôpital militaire de sa convalescence, chez nous, mais au bord de la Méditerranée, cette côté qu’il a connu, étudiant tardif, son récit que j’ai sollicité, les longueurs de journée, enfin vingt-deux ans plus tard, ensemble à nouveau, chez lui, rentré d’exil, la relecture de ses mémoires. Recevant les disquettes de la dactylographie de son manuscrit, qu’allais-je lire ? ce fut d’un coup l’instant de la si forte joie. L’écriture, du français de même que lui, Hassan II et Boumedienne s’entretenaient autant en notre langue de colonisateur et dominant, qu’en la leur, l’arabe, le legs du Prophète et l’unification du disparate. Le texte digne absolument de la geste politique. Celle-ci reste la référence, le précédent, l’espérance de son peuple qui depuis lui n’a connu que quinze mois de démocratie et de régularité électorale. Le reste du temps, la dictature de ses aides-de-camp dans l’ordre chronologique de leur service auprès de lui, chacun pas mauvais mais tous convaincus que la légitimité, le recours ultime, la souveraineté populaire, ce sont eux et l’obéissance de quelques miliers d’hommes et la solidarité entre les sept-huit faisant hiérarchie suprême. Il était prévenu de ce qui s’ourdissait à l’initiative de quelques civils, pourtant bien dotés, et qui bannirent les hésitations des militaires, alors que le front contre les Sahraouis, de recrutement et de financement algériens parmi les Regueibat, par haine ancestrale d’Alger pour Rabat et ses Alaouites. Il avait choisi de ne rien faire, prévenu seulement un civil, de très grande qualité, longtemps opposant nationaliste arabisant, le ministre de la Défense d’alors. Advienne que ce Dieu permettra, et impossible que des militaires ne soient pas loyaux à leur pays, la guerre sera alors mieux menée. Les déposer, en nommer d’autres, d’autres qui étaient possibles que les putschistes n’intégrèrent qu’au soir de leur coup fait aux aurores, qui ensuite tentèrent un contre-coup et en périrent comme des saints et des martyrs. Moktar Ould Daddah m’a appris la légitimité. Et aussi que je puis être utile. Je le fus quand en Janvier 1969 il me demanda si de Gaulle allait tomber. A ma réponse, il conclut que la grandeur du Général pouvait faire de l’ombre à chacun des successeurs au pouvoir métropolitain, dans chacun de nos anciens territoires, et il me dit aussi : vous êtes moralement intéressant. Une de nos dernières conversations, dans ces moments du soir où Mariem nous laissait rester seuls, était mon récit triste de la défection d’un de ses plus proches collaborations. Son stoïcisme, comme toujours, était souriant, retenu. Nous communiâmes et quand je dus partir, il me demanda de le bénir. Je le quittai, je me retournai, il restait assis, déjà très fatigué de ce qui allait l’emporter dans quelques mois, il me regardait. Il est inoubliable. Depuis le cinquantième anniversaire de son investiture à la tête de son pays [14], c’était encore sous notre coupe, j’écris presque chaque semaine dans l’hebdomadaire mauritanien le plus influent, francophone et d’opposition tolérée. J’essaye de rappeler, avec d’autres que l’avenir a un dénouement et a depuis longtemps un verbe à voix baasse, un visage aux joies et constats intimes.

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Puis vint, avec une majesté affectueuse, évidente quand dans l’embrasure de son élégant bureau de rez-de-chaussée, rue Jean Goujon à Paris, il me saluait m’ayant donné congé, quand à nos dernières fois, du dernier étage, à la rampe protégeant le bel escalier aux larges marches du XVIIIème siècle, rue du Bac, il me regardait descendre, m’ayant reçu en robe de chambre, attentif, avouant qu’il avait perdu toute mémoire, au point qu’il appela un jour, le général de Gaulle : machin, le nom ne lui venait plus, mais remis dans les événements qu’il avait faits ses réflexes apparaissaient vifs et me restituaient donc la chair de l’essentiel… Maurice Couve de Murville [15], le ministre de la confiance pour l’homme du 18-Juin, réglant en quelques semaines de sa charge de commissaires aux Finances à Alger, l’été de 1943, ce que la France libre devait au Trésor britannique, lui amenant l’Allemagne par le chancelier Adenauer en Juin-Septembre 1958, acceptant avec humilité et confiance d’être son Premier ministre pour les leçons à tirer de « Mai-68 » et pour que l’homme de l’honneur et de la participation, censément usé par dix ans de son second règne, puisse sans les entraves et silences de Georges Pompidou, se donner à lui-même et à la France, un dernier cours en propre.

Pleurant lourdement un départ que l’on sentait venir plusieurs mois avant qu’il fût effectif, en cherchant les raisons, en me révoltant aussi à comprendre les écarts que Georges Pompidou, le successeur si satisfait d’avoir (enfin ?) la place [16], imposait à la France, je fus initié à une dialectique politique que je n’avais pas soupçonné, par Louis Vallon [17], pendant un repas durable et arrosé : Juin 1969, au Petit Pavé. Quand se fit en moi, sans réflexion ni information particulières, l’évidence que Maurice Couve de Murville était… avait été le successeur véritable, apaisant mais assuré, que de Gaulle se souhaita, nous souhaita ? sans doute dès l’automne de 1969. Un exercice présidentiel sans débordements à l’intérieur, mais précis et efficace à l’extérieur, ferait fructifier un acquis de onze ans qu’ils avaient faits ensemble. Ministre des Affaires Etrangères, puis Premier ministre, après quelques semaines aux Finances, c’est au crayon et à la gomme qu’il tenait son agenda (Hermès) : chaque vendredi matin, tranquilles, trois lettres, Rdv. C’était l’entretien, tête-à-tête, exclusif, sans compte-rendu, à l’Elysée avec de Gaulle. Dès que je le lui demandai par lettre, il me reçut [18] : premier des tout principaux personnages de ce véritable règne d’une longévité et d’un éclat exceptionnels, mais au dénouement que j’eusse voulu autre et plus tardif. A mes yeux, il était le dépositaire, mais l’heure d’une libre succession était passée. L’avait-il souhaitée ? que souhaita-t-il dans sa vie ? dans sa carrière ? rien ne lui vint facilement pourtant. Quoique nous nous soyons entretenus pendant près de trente ans, plus qu’avec aucun autre des … que faut-il écrire quand il s’agit de qui a travaillé avec de Gaulle, a été son ministre ou membre de son cabinet ? ou encore de ces fidèles dont j’ai rencontré quelques-uns qui avaient tout fait de l’été de 1940 à la fin du pouvoir et au silence de 1969-1970… bien des questions seraient à lui poser. Autant que pour Moktar Ould Daddah, j’ai compilé des archives, cherché et recoupé des indices, des événements, j’en ai trouvé plus à son sujet que sur la Mauritanie où tout a été toujours clair, y compris les complôts contemporains et les raisons, non peccamineuses, de notre entrée au Sahara occidental.

Maurice Couve de Murville a été disponible toute sa vie, sans passe-temps ni ambition ni véritables affections de père, d’époux, d’amant, sans nostalgie, sans guette non plus des opportunités que dans la banque où il devait être le gendre souhaité, la haute administration accessible par les concours dont il sortait chaque fois major, la politique chez nous et même jusqu’au poste de secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies où beaucoup le désirèrent quand il n’y avait plus rien à faire en France [19]. Donc détaché tout à fait des positions où il s’est trouvé, qui – pendant quarante ans – furent de premier plan. Dans chacune, il excella sans en faire rumeur, réclame et sans en donner le récit. Des mémoires sur le champ, approuvées en principe par de Gaulle, et vingt ans plus tard un dialogue avec le plus proche des journalistes qui, au Monde, l’avait commenté avec une évidente admiration. Si ! une affection, car la relation ne fut pas hiérarchique, n’était pas principalement intellectuelle. L’affection pour de Gaulle et la dilection exceptionnelle, sans pareille, du Général pour lui. Je crois, ayant lu tout de Gaulle et ayant l’honneur et la chance de bien connaître le ministre de sa confiance totale, comprendre pourquoi.  L’amour de la France, certainement. Le goût d’une mise en ordre des événements et ce qu’ils inspirent comme possibilités, oui : aussi. La considération pour quelques-uns de leurs partenaires : la politique extérieure, ses rencontres et ses conférences, les faisant travailler ensemble, même si – de rares fois – chacun, spontanément, joua seul et sans délibérer avec l’habituel compagnon de pensée [20], mais avec la certitude, toujours vérifiée, que celui-ci suivrait ou accomplirait ce qu’il resterait à faire, ou approuverait. La relation entre eux était donc de confiance mutuelle, de confiance aussi de chacun dans ses propres capacités et les capacités de l’autre : deux instruments presque parfaits, dédiés à une unique tâche, la grandeur d’une France dont ils savaient ensemble la précarité si, presqu’à chaque instant, elle n’était pas soutenue par de l’ingéniosité, du sang-froid.

Je ne le comprenais pas à mesure de nos conversations, dont le verbatim eût paru banal car elles portaient sur l’ambiance politique du moment et sur des éléments de notre histoire publique : c’était agréable, mais la clé du personnage – s’il faut en chercher une ou en demander une pour chacun de ceux que nous rencontrons ou qui sont nôtres mais évoluent à devenir méconnaissables, incompréhensibles – était simplement son charme, et la limpidité de ce que l’écoutant, j’apprenais. Toujours c’était dit, comme si le naturel guidait l’Histoire et les relations de persone à personne, un naturel sans couleur ni contraste. Maurice Couve de Murville inspirait le calme, les seules saillies était celles d’un humour qu’une question ou une remarque de ma part, laissait paraître sans que rien ne soit souligné ou insistant. Et – paradoxe apparent – une telle tranquillité, un tel enchaînement d’évidences eut aussitôt pour moi un charme dont je ne me suis jamais lassé, qui opère même quand je lis et copie des documents d’archives diplomatiques ou du ministère des Finances le concernant ou en rapport avec des fonctions qu’il exerça. Et il est probable que c’est ce charme-là qui attacha, conquit de Gaulle, dès leurs premiers entretiens de travai à Alger en Mai 1943. Ils ne se connaissaient qu’indirectement. Le Temps, comme l’ensemble de la presse nationale française, ne commença d’être censuré qu’en Décembre 1940, ainsi ceux qui voulaient quelque nouvelle de la France en actes à Londres, pouvaient en prendre plusieurs fois par semaine. Quant à ce plus haut fonctionnaire des Finances [21], il était connu du général de Gaulle par réputation, et l’amiral Darlan, régent de fait pour notre Afrique quand y débarquèrent les Américains, appela même Maurice Couve de Murville à son côté, croyant l’atteindre de passage à l’ambassade que Vichy pouvait maintenir à Madrid. Ni l’un ni l’autre n’a raconté le premier échange, mais je reconstitue tant ma familiarité avec chacun, fit aussitôt partie de moi-même quand je commençai d’enquêter sur le départ et sur le gouvernement de l’un, et d’être reçu par l’autre. L’inspecteur des Finances avait travaillé personnellement avec chacun des ministres des Finances pendant toutes les années 1930 et particulièrement à partir du Front populaire : un seul l’avait marqué, et l’estime resta réciproque, Pierre Mendès France, qui le remplaçant à Alger, lui trouva un nouvel emploi lequel décida de toute la suite de sa carrière. De Gaulle dut lui apparaître comme l’homme d’Etat que l’Histoire, vécue dans les bureaux où presque tout de la France se décidait (alors et aussi aujourd’hui pour autant que les pouvoirs publics aient prise sur les événements, les personnes et les choses), semblait refuser au pays et à son administration. Et Maurice Couve de Murville, suppléant par sa seule mémoire la totale absence d’archives, à Alger, en matière de finances, de dettes souveraines et de participations françaises à l’étranger, dût aussitôt lui paraître l’idéal pour ce qu’il y avait à faire immédiatement. Il y eut certainement plus : les deux hommes ressentirent qu’ils savaient mettre en tout de la clarté et de la simplicité quand presque tous les autres en étaient incapables. Et cette heureuse et grave communion ne cessa jamais. Ils avaient plaisir à travailler et converser ensemble.

Des archives et des conversations avec une quarantaine des collaborateurs communs à l’Elysée, au Quai d’Orsay, aux Finances et à Matignon m’ont confirmé cette intuition. Tandis que nous nous rencontrions, malgré mes affectations à l’étranger – exactement comme l’ancien directeur des Affaires politiques au ministère des Affaires Etrangères [22] fut le visiteur régulier du Général pendant sa « traversée du désert alors que lui-même était en Egypte, puis aux Etats-Unis et enfin en Allemagne. Deux réputations, chacune considérable dans une administration qui n’est tendre ni pour les siens, ni pour les personnels qui y sont détachés (j’en sais quelque chose), ni plus encore s’il est possible pour ses ministres, généralement très peu considérés. L’excellence personnelle. La voix du Général, comme si celui-ci entre 1946 et 1958 était demeuré « aux affaires ». A mesure que les années se multiplièrent, que la mémoire de mon grand homme le cédait à mes reconstitutions sur papier, une autre relation se superposa à la première faite d’admiration et de regret d’un rôle si grand qui n’avait pas débouché » et devenait peu connu, si discret. J’avais appris le genre d’hommes et de serviteurs qui manquèrent à la France quand les années de Gaulle s’éloignèrent, puis à un degré pas tellement moindre les années Mitterrand, le genre de serviteurs doint nous sommes aujourd’hui totalement dépourvus. Cette relation autre devint une affection avouée de la part de l’ancien Premier ministre : la confiance l’avait appelée. La confiance d’être compris surtout dans le silence. Secret, très secret pour tous ses collaborateurs, il avait vécu seul, ne se donnant qu’à une seule passion : la pensée et la réflexion sur les affaires de notre pays, lesquelles recouvraient complètement ses échanges avec de Gaulle. Maurice Couve de Murville me donnait donc ce qu’il y a de plus unique, le legs de sa pensée, et cette pensée avait été partagée avec de Gaulle, et l’objet en était, au plus simple, la France au possible, au réel. Un possible tellement à notre portée qu’il ne pouvait que devenir le réel. Il me sembla de plus en plus nettement, et j’en suis donc habité au point de m’être découvert dans l’obligation d’écrire ce livre, et de vous entretenir du possible jusqu’à ce qu’il devienne le réel par notre simple effort à tous.

Ses collaborateurs, lui-même me donnèrent quelques traits qu’aucune archive ne peut rendre, mais l’essentiel fut cette relation m’introduisant au calme d’une intelligence du temps contemporain.

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Jacques Fauvet [23] ne m’était pas vraiment connu, ni moi de lui. Une de mes sœurs était liée à l’une de ses filles, chacune autour de ses quinze ans. Voulant répandre ce que je comprenais et avais aimé de la Mauritanie, à propos de laquelle peu se publiait encore, j’eus l’idée d’un volume de la collection « Petite planète » que dirigeait Simonne Lacouture, aux éditions du Seuil, on était en 1967. Je fut reçu par le rédacteur en chef du « grand quotidien du soir ». Jean Maheu [24], maître de conférences rue Saint-Guillaume pour l’année préparatoire, la période la plus pédagogique de toutes mes études supérieures nous recommandait de le lire intégralement. J’en conserve la collection Septembre 1960. Devant moi, il téléphona à celle que je voulais rencontrer, soulignant pour elle autant que pour moi qu’il ne faisait, autant dire jamais, cette démarche-là. Je fus reçu et déçu, car ce que je voulais faire savoir ne correspondait pas du tout à ce qui était attendu pour cette collection [25]. C’est donc un anonyme que publia le journal pour le non à Georges Pompidou, attendant une consécration référendaire de sa succession à de Gaulle ? Un inconnu qu’en quelques semaines, le premier quotidien français d’autorité intellectuelle et morale, fit soudain connaître. A Jacques Fauvet, personnellement, je dois ma signature.Nous ne nous rencontrâmes que deux mois après une première publication, suivies d’autres. Elles avaient été précédées de deux tentatives de ma part : elles n’avaient donné lieu qu’à rien pour la première (je voulais évoquer la Libye et des ventes d’armes) et qu’à un très succinct des remarques que m’avaient inspirées un dialogue entre personnalités d’importance, où aurait pu se dire de Gaulle, d’autant que j’y figurais en possible intervenant du parterre : j’y appris par le refus persistant que je pose au moins une question,  combien les animateurs en magazines audiovisuels qui traitent de politique, décident tout. On était en 1971 [26]. De Mars 1972 à Avril 1982, Jacques Fauvet devenu directeur du Monde, aux départs concomitants du général de Gaulle et d’Hubert Beuve-Méry, imposa que je sois publié, souvent en première page et ou en cavalier. A un journal pas gaulliste au temps du Général et même après qu’il ait quitté la scène, je fus utile : la critique ou le le point de vue le plus offensif contre les gestions qui avaiient succédé aux grands desseins, étaient bien le rappel de ce qu’avait entrepris de Gaulle. Plage Benoît, le remblai interdit aux voitures, la Baule dans sa splendeur des journées de entecôte. Je l’avais reconnu le premier. Jacques Fauvet me fit confirmer que j’étais bien le même que son solliciteur de 1967.

Je ne savais rien des usages. Pas de télécopieur, encore moins d’internet : le texte par la poste, le téléphone pour connaître le sort qui lui était aussitôt. Oui ? non ? pour la publication, et quand ? J’appris la dictée à des opératrices, par téléphone la nuit. Un quart d’heure, vingt minutes, je craignais de lasser. J’envoyais alors ma copie à plusieurs organes de presse. Mon papier intéressait, serait incessamment publié. Je perdis alors – pour toujours, du moins jusqu’à présent – l’entrée que je souhaitais aussi  dans un hebdomadaire : le Nouvel Observateur. On s’y aperçut que mon papier, là aussi sous presse et accepté sans que je susse, venait de paraître ailleurs. On ne peut faire pire. Je l’avais commis. Malgré le souhait de Jacques Fauvet, et le mien, car l’administration, au stade où j’en étais, ne me présageait pas grand-chose qui me passionnât par avance et me fasse tout tenter, avec méthode, pour la recevoir.

Malgré le souhait de Jacques Fauvet, et le mien, car l’administration, au stade où j’en étais, ne me présageait pas grand-chose qui me passionnât par avance et me fasse tout tenter, avec méthode, pour l’atteindre ou l’obtenir, je n’entrai pas au Monde. C’est la seule vocation – vraie – de rechange que j’ai jamais éprouvée professionnellement. Certains de mes papiers y irritait : Philippe Boucher [27], pas sans influence, n’avait pas admis que « Je m’appelle Portal ! » [28] et était venu me le dire très fort chez la secrétaire de Jacques Fauvet. Un tour du premier étage : Pierre Viansson-Ponté qui avait reçu le premier papier qu’ait publié le journal, avait noté pour « J.F. » : on ne sait s’il écrit très bien ou s’il écrit très mal, Pierre Planchais, André Fontaine ne m’admirent pas, surtout ce dernier. Et la question de succession au directeur régnant allait se poser.

De Jacques Fauvet, ce n’est pas seulement ma signature et sa notoriété que je reçus, ce fut la fraternité d’un grand aîné, correspondant avec moi en sus de chacune de mes propositions de papier pour toute l’évolution de ma carrière et surtout la relation que le pouvoir avait avec moi, agacé ou bienveillant, m’éloignant de Paris pour que je ne publie plus [29] ou ne m’exauçant que des quelques audiences présidentielles : Valéry Giscard d’Estaing que je commentais pendant tout son septennat et François Mitterand dont j’accompagnais, mais seulement de plume, les débuts à l’Elysée après l’avoir soutenu à un instant névralgique : son investiture ou pas, par le congrès du P.S. tenu à Metz face à Michel Rocard. C’était déjà beaucoup. Il se croyait responsable des défaveurs que je subissais puisqu’en publiant, il me faisait courir des risques. La réalité était le contraire : sans cette collaboration à mes trente-quarante ans, je n’eus jamais franchi les quelques étapes de carrière qui furent les miennes. La jurisprudence du Conseil d’Etat n’aurait pas admis une sanction nette appelé par cette collaboration. D’ailleurs son contenu importait moins que la tribune, dont la plupart de mes camarades de promotion à l’Ecole Nationale d’Administration ne comprenait pas que j’ai pu y accéder, et contestaient que je fasse – faute d’autre titre – état  d’en être sorti.

Ma dette est bien plus importante. Sans me reprendre ou réécrire mes articles – la rumeur en courut, à son départ, comme la corvée que devrait s’appliquer son successeur quel qu’il serait [30]  Jacques Fauvet en m’ayant ouvert les prestigieuses colonnes et en m’assurant d’un accueil à peu près systématique mais toujours au mérite de ce que j’écrivais, m’apprit à suivre l’actualité, à réagir aussitôt (aujourd’hui, on dirait : en ligne) et à tout dire en très peu de mots. Une façon d’école poétique, où l’entrée en matière est minimum, où le coup compte pour un mot et le mot peut tuer ou diminuer. Je sus d’ailleurs, aussitôt, qu’il se pourrait qu’un jour j’ai à répondre, peut-être sur ma vie-même, de ce que j’écrivais ou écrirai. Une façon aussi de procureur : ramasser et approfondir l’attaque, le grief, de prendre au mot l’adversaire et de le mettre en contradiction avec lui-même ou avec sa fonction. Haute, celle de président de la République. Ce qui supposait de la documentation et des conseils : j’en fus gratifié par deux personnalités, qui avait été en forte relation avec de Gaulle et à qui plaisaient que je ferraille contre les adversaires de notre Constitution ou rappelle notamment Georges Pompidou à qui et à quoi il devait sa nouvelle place. Me recevaient et parlaient l’actuialité avec moi, François Goguel, dont les analyses électorales, remontèrent le « moral du combattant » à partir d’Octobre 1962 [31], et Jean-Marcel Jeanneney [32] autant politique qu’économiste, et combien importants dans les gouvernements de 1959 à 1969.

J’apprenais donc les règles de toute tribune, j’apprenais à saisir l’instant et à mémoriser les précédents. Et reçu familièrement, presque comme un fils, par ce très grand journaliste, je vivais aussi les scandales d’un grand citoyen, d’un moraliste, autant que les inquiétudes et la veille constante d’un chef d’entreprise face à la concurrence, aux créanciers, aux donneurs de publicité. Cumuler tant d’expériences sans être du milieu – quoique j’eus l’honneur d’être quelques fois dans l’imprimé des organigrammes du Monde – c’est rare. Ce fut mon état de vie même si, en temps réel et en parcours professionnel, ce ne l’était pas pour les tiers, mais mon nom y était associé, des revues m’accueillirent ou me sollicitèrent.

Je n’aurais pas cherché à entrer dans l’agenda présidentiel de ces années-ci, à jour fixe, pour quelques instants seulement et je n’essaierai pas de me faire lire de vous et accueillir par d’autres, dont de « grands électeurs », si j’avais continué d’être réguilièrement publié par Le Monde, ou à défaut par un organe de renom. La Croix qui m’avait publié à sa suite, m’accueillit bien plus longuement et me quitta – symbole – juste après m’avoir publié sur la tenue à Paris, autour de Jean Paul II, des Journées mondiales de la jeunesse (J.M.J.) [33].

Lors de ma première audience à l’Elysée, François Mitterrand avait juste à lire, de moi,  gouverner c’est communiquer  : le 30 Janvier 1983, et me dédicaça, fait rare, la photographie – belle – que j’avais prise de lui à Athènes, à la fin de l’été précédent. Il venait de petit-déjeuner avec Jacques Delors et pesta contre les démocrates-chrétiens, tandis qu’attendaient, bien trop, pour l’apparence de mon grade, le Premier ministre et le ministre de l’Education nationale, Pierre Mauroy et Alain Savary. Je les saluais, confus, mais pas plus que le 16 Juin 1977, notre première conversation, lui : toujours dans l’opposition, il me recevait place du Palais-Bourbon… je ne reçus la proposition que je sollicitais sans l’exprimer, faire partie du conseil aulique. J’ai pu conclure que même un pigiste peut entrer partout, mais qu’un fonctionnaire, plus tout à fait débutant, n’en voit pas pour autant changer sa carrière. Du moins, fus-je lu, entendu, accueilli, inviter ce qui donne un peu d’expérience. L’étais-je pour mes convictions ? ou par considération d’une alliance d’autre origine que la plus courante dans l’entourage de celui qui donna à la gauche ses lettres de capacité gouvernementale

Avec le recul de quinze ans, Jacques Fauvet m’apparaît pour ce qu’il fut et que je ne voyais pas. L’ami à très vite se vouloir tel avec moi, mais ce fut un très grand journaliste parce que ses écrits’étaili à quiSans doute, quelqu’un à qui je dois et qui m’honora, m’apprit, mais principalement comme l’un de nos très grands journalistes. Pourquoi ? parce qu’il sut être un éditorialiste efficace : si la France changea presque de régime parce qu’elle changeait de majorité en 1981, la plume du directeur du Monde y fut teellement pour quelque chose que Claude Fauvet était injuriée dans les commerces alimentaires de ses habitudes familiales, dans l’ouest de Paris, par la grande peur des bien-pensants [34]. Il avait débuté à l’Est Républicain, juste avant la guerre qu’il passa en camp de prisonniers avec l’angoisse des derniers jours : lui et ses camarades officiers, étaient-ils emmenés, à pied, vers l’est ou vers l’ouest. Pour Le Monde, il « couvrit » le procès du Maréchal et se signala par un papier de peu de précédent : les Français traiteraient-ils avec dignité leurs prisonniers allemands dès l’été de 1945 ? ce n’était pas sûr. Au jour le jour, la Quatrième République, en chronique pour la rue des Italiens à Paris, et par téléphone, un texte assez différent, pour l’Est Républicain. Il resta toujours bien plus responsable de la politique intérieure au journal qu’homme des hauteurs, celles cherchées et très souvent atteintes par Sirius [35]. Et bien des soirs, il terminait ses pensées et ses rencontres de la journée, ses comptes aussi du « bouillon » en comparaison des ventes du Figaro, avec moi dans sa voiture de fonction, rentrant chez lui, non loin du Ranelagh de mon enfance.


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L’avais-je déjà entendu et vu à la télévision, alors l’O.R.T.F. unique et d’Etat ? L’Humanité publia dès le lendemain de sa parution un extrait de mon papier, le premier à paraître dans Le Monde. J’y réduisais le principal argument de dissuasion à refuser ce referendum, convoqué pour la saint-Georges : ce serait voter avec les communistes. Je rappelais que contre Vichy puis contre l’armée européenne proposée entre 1952 et 1954, les gaullistes avaient fait cause unique avec les communistes. J’appelai le journal, mais d’une cabine téléphonique pour ne pas faire identifier ma mère et ne me présentais que comme l’auteur de l’article : du oui au non [36]. René Andrieu [37] m’invita à déjeuner avec lui.

L’homme m’impressionna autant par son physique, par son regard que par la sincérité et la logique de son idéologie. Ce ne fut pas un exposé, ce n’était pas même une faille d’esprit ou une solidarité de combat avec beaucoup : le Parti communiste depuis vingt-cinq ans dépassait de beaucoup dans les urnes les coalitions de gauche, entre le quart et le cinquième de l’électorat français. Notre relation allait être régulière mais nos rencontres étaient très espacées. La politique et les évolutions françaises n’y étaient pas évaluées de la manière dont à lire Le Monde ou à étudier à Sciences-Po. ou à l’E.N.A. j’avais l’habitude. Pas non plus de la façon binaire que la Cinquième République utilisait jusques-là pour mobiliser sérieusement. Ni science ni simplisme ni citations. Pas non plus de révérence pour la hiérarchie communiste dont il faisait partie

Ce n’est pas un homme qui flotte, il ne flatte pas non plus. Il est d’une telle sincérité, le patriotisme, personne ne peut lui en remontrer, c’est pour cela et c’est en cela qu’il soutient l’Union soviétique, qu’il aime son parti, le communisme. Bien plus qu’une idéologie, bien plus qu’un système dont l’application sera certainement bénéfique, les comparaisons le montrent, il s’agit pour lui du cœur et de la chair de l’homme, un espoir fou, saura-t-il écrire. Après débat, c’est la nature de ce parti, il lui est préféré Jacques Duclos, emblématique, significatif, quasi-éternel pour hisser les couleurs comme jamais quand s’ouvre une succession prévisible à de Gaulle. Ce dernier a été, au fond préféré, même s’il n’était pas allé en Union soviétique et jusqu’à Baïkonour, au cœur (Kzyl Orda) du pays kazsakh que je parcourrai un jour, presque trente ans plus tard : comme au Brésil, des centaines de kilomètres de route droite, mais la traversée, quasiment un océan, des moutons par milliers, quelques cavaliers émergeant, et le long du goudron les chameaux velus, ou bien des manades tranquilles tandis qu’au loin puis proche un convoi minéralier fait défiler bruyamment ses wagons, le ciel, la terre, l’homme, la steppe et ses plantes sans racine que le vent appelle à transhumer à la manière des Regueibats suivant les nuages, la pluie et arrivant aux paturages plantureux mais précaires. C’est de là qu’a été propulsé Youri Gagarine. Sur le site, dans la maison de celui-ci, une photo de l’homme du 18-Juin, chapeau de paille… pour admirer le lancement d’un Soyouz. A côté de lui, Maurice Couve de Murville, sosie d’un des meilleurs acteurs d’Hitchcok, un implacable dilettante. Préféré de Gaulle même s’il n’avait pas sorti la France de l’Organisation intégrée de l’Atlantique nord : le ministre des Armées [38], que les Etats-Unis avaient tenté de corrompre quand il vint les voir et exposer, défendre en stratégie notre toute jeune « force de frappe », Pierre Messmer était d’avis de nous donner des délais et donc aux autres. Le Général avait refusé, tout de suite et dans le détail, ce qui fut aussi sa manière pour le referendum du printemps de 1969. On était donc en 1966, le printemps déjà, une réélection difficile, la première du genre universel direct. Catholiques et agriculteurs ne s’étaient pas reconnus dans celui qui les légitimait tellement, des contrats d’aide financière pour les établissements d’enseignement chrétien, un système de retraite auquel en même temps que les artisans et isolés, les prêtres et religieux pouvaient cotiser, et le marché commun agricole pour le financement duquel la France bloquait toute avancée en désarmement douanier entre Etats-membres et en votation à la simple majorité qualifiée au sein des instances bruxelloises. L’électorat ouvrier n’avait pas fait bloc contre de Gaulle et en Mai 1968, il fut dit – Jacques Duclos à Jacques Vendroux, beau-frère du Général – tenez bon ! Pas de gauchisme certes, mais dans l’ordre international, l’Union soviétique, les peuples, le Parti communiste français pouvaient-ils demander mieux ? et à la guerre américaine du Vietnam, décisive autant pour l’Union soviétique, qui s’opposait le plus spectaculairement, sur place ou presque [39] ?

Quasiment sur son lit de mort, puisque notre dernière conversation, cette fois chez lui, eut lieu très peu avant l’incinération au Père-Lachaise, j’y assistais en compagnie de ma chère femme derrière le rang de Robert Hue – René Andrieu confessa que les communistes auraient dû soutenir de Gaulle, tout le temps. Nous évoquâmes d’écrire ensemble cela. Auparavant, alors que je partais pour Lisbonne, en début de carrière, et écrivais que dans un pays où les commmunistes seraient au pouvoir, leurs permanences ne seraient pas mises à sac [40], mon ami aux yeux clairs et au front stendhalien, la même logique en amour qu’en politique, mais les causes forcément successives, m’entretint de son inquiétude désormais. On était encore en 1975 et l’Afghanistan n’était pas un sujet. Il craignait que s’établisse à Moscou… la dictature. Ce serait celle de l’armée et ce serait la fin d’une si grande espérance. La sienne et celle de tant par le monde. Je la partageais quoique nos voies étaient différentes, mais je pus, douze ans plus tard écrire à Mikhaïl Gorbatchev, cette espérance, cette même espérance que son intelligence et une autorité que je ne savais pas contestée rétablissaient, en rénovant l’Union soviétique. Le « numéro un », septième secrétaire général du P.C.U.S., me fit connaître qu’il m’avait lu.

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La voix est belle mais c’est le souvenir qui me l’assure. Ma chère femme aussi me le dit aussi : elle, à ses six ans, sa mère avaient ensemble été séduites vraiment par l’ancien collaborateur et ministre des Affaires Etrangères de Georges Pompidou, banal et presque mou, à côté de cet homme, pas grand de taille [41], d’une présence muette, intense. Le visage n’est pas mobile, il regarde, me regarde, le front dénudé, la bouche qui peut être sensuelle, je ne les vois pas. Michel Jobert [42] me reçoit, le bureau censément de Vergennes, une année vient de finir, dès sa nomination lui faisant quitter l’Elysée où il était le secrétaire général après avoir dirigé le cabinet du Premier ministre à Matignon et presque tout tenu, avec Maurice Grimaud, le préfet de police, pendant les « événements de Mai », il avait su que ce ne serait pas long. Il avait lutté contre la montre, pas pour la montre. Le Premier ministre d’alors, Pierre Messmer dont il avait soufflé le nom au successeur de de Gaulle pour remplacer Jacques Chaban-Delmas, agaçant à force de plaire à l’opinion publique et à l’Assemblée nationale, venait de saluer le très difficile redressement isarëlien après l’attaque-surprise d’Anouar-Al sadate, vengeant Nasser. Georges Pompidou, tenant au dialogue euro-arabe qu’il avait inauguré en même temps qu’il acceptait l’entrée de la Grande-Bretagne dans la Communauté des Six [43] désormais vouée à l’extension continue, avait demandé au ministre, jusques là inconnu, de remettre les choses d’aplomb, au moins pour les opinions là-bas et pour un peu de réflexion chez nous. Coincé par les journalistes venus en grand nombre, sans que se distingue un décor gouvernemental, Michel Jobert demanda – au monde entier – le soir-même : est-ce être agressif, que de vouloir rentrer chez soi ? Volant vers Stockholm où allait s’ouvrir la première conférence des temps nouveaux – ceux de la détente souhaitée, préparée, pressentie par de Gaulle et Couve de Murville – la Conférence pour la sécurité et la coopération en Europe, la C.S.C.E. s’instituant, le ministre prend connaissance de ce que lui ont préparé ces services et qu’il doit lire. Il froisse, qu’y comprendrait sa concierge ? rien, or il s’agit d’elle, de tous les Européens, au silence à l’est, au verbiage à l’ouest et tous sous surveillance de soi-disant plus grands, sinon légitimes : l’Union Soviétique, les Etats-Unis d’Amérique. Michel Jobert parlera, sans notes. Il me fait maintenant lire ce qu’il a lui-même écrit : Georges Pompidou est mort depuis six jours et demain, il y a l’Assemblée générale des Nations Unies, il veut évoquer cet homme qui savait où il allait. Lui-même en atteste. Quand il fut nommé, pour l’ensemble des commentateurs, ce ne pouvait être que « la voix de son maître ». Pourquoi ai-je cru aussitôt le contraire ? pourquoi ai-je prévu qu’introduit comme cela au pouvoir, le collaborateur fidèle et intime n’allait servir qu’en étant différent d’un explicite jusques là pas très convaincant ni contagieux. Et le choix de la différence amènerait, quatre ans après le départ de celui-là, à de Gaulle. Je l’écrivis donc au nouveau ministre, Michel Jobert me répondit de sa main et me confia, pour information, à Raoul Delaye, son camarade de promotion et son ami d’intelligence. Pendant un an, j’étais régulièrement ou à ma demande instruit de que le ministre pensait, ou refusait ou allait essayer. De la tribune que m’accordait autant que jamais Le Monde, je soutins à fond le nouvel homme de la parole française.

Maurice Couve de Murville, parce qu’il n’aimait pas Georges Pompidou, n’avait guère d’inclination pour Michel Jobert, mais celui-ci en avait pour le grand exemple. Je ne pus les faire se rencontrer. Jacques Fauvet déjeuna avec Michel Jobert, à mon instigation et cela ne réussit pas. Les registres entre chacun de mes conducteurs d’évaluation et d’écriture, n’étaient compatibles, ne se recouvraient que dans ma pensée. Ecrivant certainement et dans pas longtemps, sur chacun d’eux, j’essaierai de montrer cette combinaison certaine de la foi, la même, et des talents, très différents pour notre cause de France et d’Europe.

Je m’entretenais ainsi avec Michel Jobert, pour la première fois [44]. Nous connûmes notre chagrin. On crut, à sa sortie en avance  d’un conseil des ministres, présidé comme en 1969 par Alain Poher, président du Sénat, et donc président de la République par intérim, qu’il allait se présenter à l’élection : il était devenu notoire, populaire, le resta. Au lendemain de son élection présidentielle, François Mitterrand le reçut, premier de tous ses soutiens et de ses entourages. Rue de Bièvre, il arrivait à pied seul, les photographes en chalut autour de lui. Il a écrit aussi bien ces débuts et une inconséquence fréquente, la désinvolture parfois du nouveau roi. Il rédigeait si simplement que le miracle se soutenait à longueur de ses livres, interrogeant les immortels du quai de Conti, je fus confirmé qu’il serait reçu à l’Acadélie française à laquelle il songeait d’autant moins qu’il eût voulu la présidence de la S.N.C.F, sous Valéry Giscard d’Estaing, ou ensuite l’académie Goncourt.

L’enfant de Volubilis et de Meknès, ne découvrant la France qu’à ses vingt ans, faisant pour elle la guerre d’Italie et scandalisé rétrospectivement que les mémoires de Charles de Gaulle fasse si peu cas des combattants de 1943-1945, resta en toutes occasions et conversations l’homme des Arabes et du respect. Le Mouvement des démocrates qu’il fonda, sans succès électoral, fut pendant une croisade pour la vie, pour que chacun soit l’évidence qui dérange. En tête-à-tête, ou par des lettres à l’énergie et à la perspicacité entrainante, il me mit jusqu’à sa mort – mort de lassitude – en face de moi-même et de ce que, le pouvant, je devais faire. Une exhortation au caractère et à la rigueur. Dédicaçant ses livres [45] comme personne, parce qu’il étudiait sans impudeur mais avec profondeur,  certitude, celle ou celui lui présentant ouvert son nouveau livre, il en disait autant. Nous recevions, chacun, en pleine vie, le texte de notre propre épitaphe, celle vers laquelle tendre. Tout le temps.

L’admirant ainsi, l’aimant, je m’aperçois que cette vie qu’il me souhaitait, a été jusqu’à présent, une simple introduction. Je n’ai toujours fait qu’écrire et aimer. Faut-il davantage, davantage qui dépende de moi ? Oui, mais cela dépend encore plus de vous : pour commencer et continuer. On ne décide jamais seul, car on pense aux autres. Je pense à vous. Parler aux Français, Michel Jobert me l’apprit en me confiant souvent la harangue de conclusion à nos rassemblements du Mouvement des démocrates. Aujourd’hui sous la cendre, mais il me semble qu’en campagne, elle peut rougeoyer, chaude. Cette tentative comme toutes celles, avant ou depuis, médiatisée ou instinctive, nationale ou de village. Faute de dirigeants, faire nous-même. Et si de bons dirigeants réclament notre soutien, encore plus faire nous-mêmes : ils seront émancipés des mauvais génies et des apathies mentales qui depuis vingt ans nous enveloppent dans leur linceul. La France, depuis, fait semblant et nous ne pouvons plus la reconnaître si la participation, la démocratie, la considération sont si peu le cours politique. L’applaudissement ne fait pas même frémir l’air qui nous maintien en vie. Qui ne le sait ? même le bateleur.

Mais le vrai testament n’est pas un ou plusieurs livres particulièrement réussis et bien vendus, au moins pour le premier à paraître [46], ni un corps de doctrine, ni même des conseils de comportement aux militants de ce mouvement politique dont le nom fut proche d’être dérobé, et à des tout-venants de province, il est – je crois – dans un pèlerinage que l’ancien ministre entreprend dès que le pouvoir et les facilités apparentes dont l’Etat, chez nous, l’accompagne. Lichel Jobert part à la recherche des Français, à notre recherche. Conduisant lui-même sa voiture, il sillonne la France, disponible à toute invitation, il n’est regardant, susceptible qu’envers l’étranger : il veut bien s’y rendre, mais à condition que le protocole y soit, que son rang soit reconnu et respecté. Il n’a pas tort, chez nous et entre nous, la démocratie s’éprouve comme elle peut. Ses apostrophes des plus grands – à tous les sens du terme, y compris le littéral – lors de réunions publiques dont les partis savent organiser pour eux seuls, l’estrade, sont des avertissements, des prophéties, à trente ou quarante ans de distance. Michel Jobert meurt, il y a quinze ans, en dénonçant la cécité de nos Etats et les illusions la causant.  Ses périples ne lui apportent que les journaux locaux, des isolés, l’avenir et les paris ne le favorisent que quelques mois, à l’avènement de son collègue dans le dernier gouvernement de Georges Pompidou. Il ne peut se présenter à l’élection présidentielle de 1981, le Mouvement des démocrates n’aura jamais la moindre représentation parlementaire, mais une estime grandit, les journalismes et le journalisme – bien avant qu’existent et gagnent les « réseaux sociaux – le prisent. Les analyses justes sont rares, Michel Jobert en a le talent de plus en plus solitaire, le Tiers Monde, l’esprit qui n’a pas d’étiquette vont à lui. Est-ce de lassitude qu’il meurt en interrogeant son plus proche ami : savez-vous ce que c’est ? Témoignage d’une énergie qui a agrandi le champ du possible.

Combien, en vous le présentant, me suis-je senti son cadet, autant que lors que je lui écrivais, surtout quand il fut en responsabilité ministérielle, et moi, à d’autres théâtres que la France officielle refusait d’honorer d’une présence plus que rituelle : au Portugal, en Grèce, il pensa me rejoindre. Lui et Laurice Couve de Murville écrivirent chacun une lettre de soutien à ma tentative, tout indépndante, comme leur propre parcours, de succéder à un opersinnage dans le Jura en élection partielle. Il suffira de vous montrer, me dit-il. Faites-vous photographier avec ledit personnage, m’assura Michel Debré. M’activant dans les neiges de la « petite Sibérie », celle de notre Armée de l’Est en 1870, du côté de Mouthe dont le futur gagnant du siège, pour trente ans : un chauffagiste, ainsi qu’il se doit, je songeais au Marocain selon le droit du sol et au froid qu’il subit autour du Mont-Cassin puis en Alsace. Il exigeait, mais plus encore que de ceux qu’il avait séduit, il exigeait de lui-même. Nous déjeunâmes chez Antoine avenue de Versailles à Paris, en compagnie de sa fidèle collaboratrice [47], et aussi de ma chienne, née au Kazakhstan. Je perdis par oubli mon appareil photo. et lui reporta de dédicader son dernier livre. Je cherchais qu’il m’expliquât pourquoi il me semblait si complexe, multiple mentalement alors qu’il me donnait tant de sa présence, de son temps et de son estime. Il me répondit qu’il n’y avait pas plus simple que lui. Je crois que nous étions déjà dans l’au-delà, il n’avait jamais été plus prévenant et de politique nationale ou internationale, nous n’avions pas du tout parlé. Il marcha avec moi le long de l’avenue, et pour faire monter la chienne dans la voiture, et le saluer encore, je posais mon appareil à même le trottoir. Les dernières images de lui y restèrent. Intensément, il avait vécu et fait vivre.

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Pas plus proche que lui [48] et pourtant mystérieux. Mystérieux par sa mort. Quelle qu’elle ait été la cause, la circonstance de sa mort. je n’y étais pas, Je ne l’avais plus revu depuis mon départ au Kazakhstan, je lui devais cette « ambassade », au sens d’une affectation, celle que j’attendais, qu’il avait attendu et demandé pour moi des années avant qu’elle se produise, et elle ne me le fut donné qu’à titre précaire. Nommé Premier ministre, « affectation » désirée de très longue date, visiblement depuis la réélection de François Mitterrand, mais sans doute in petto bien avant. Sa mort et ma propre chute m’ont empêché d’enquêter, comme je le fis sur de Gaulle dès le départ de ce dernier. Je vais le faire, je vois par qui commencer. Ceux de son entourage qui ont réussi, initialement « lancés » par leur appartenance à son cabinet, le plus prestigieux et puissant, par nature, de tout le gouvernement à quelque époque que ce soit chez nous : les Finances. Significativement, c’est lui qui tenta  de changer la psychologie ambiante pour ses agents, importants ou d’exécution 

Maintenant que j’écris ce que j’ai vu et vécu de lui, je m’aperçois qu’il impose une très forte image distincte de ses fonctions gouvernementales pendant la première et la plus forte des périodes où la gauche a exercé le pouvoir à notre époque – secrétaire général de la présidence de la République, ministre des Affaires sociales, ministre de l’Economie et des Finances, Premier ministre, sans doute aussi la plus grande longévité, mise à part celle de François Mitterrand, et dans des fonctions relativement différentes l’une de l’autre. Selon les témoignages écrits ou parlés en colloque, de ses collaborateurs, les cartes et bristol manuscrits étaient un de ses modes d’être avec autrui au travail. Ce n’est que du dehors que j’ai suivi et de l’étranger ses batailles à partir de 1998 et de son retour au gouvernement, à son ancienne place, passé l’intermède de droite et de la première cohabitation [49]. C’est-à-dire ses tentatives de réorganiser le « paysage » bancaire français après les deux vagues de nationalisations et de privatisations, de moraliser les financements de la vie publique. Nous n’avons jamais dialogué sur la principale de ses options : le franc fort. Je n’ai su sa détresse, évidente pour beaucoup, après avoir quitté l’hôtel de Matignon, que par des livres. Sur sa mort, je ne sais que les documentaires télévisés et aussi la relation que me fit à Almaty, Charlotte de Turkheim, d’une conversation qu’elle aurait eue avec Edouard Balladur, son successeur mais de l’autre bord, dans les fonctions de Premier ministre : pour celui-ci, c’était un assassinat. Déjà nommé au Kazakhstan et reçu par lui à Matignon, je lui demandai de travailler auprès de lui, par exemple comme son conseiller diplomatique [50], il me répondit qu’il préférait me voir dans l’ex-Union soviétique et être ainsi directement informé par moi : la cause, les pays le passionnaient. Il avait très intelligeamment créé une structure interministérielle proche de lui [51] coordonnant toutes nos actions, sinon tout notre savoir, sur les pays d’Europe de l’Est et d’Asie centrale, émancipés de la tutelle soviétique. Nous parlâmes, ce fut la dernière fois, et c’était censément à l’apogée de sa carrière politique. La médaille de la fondation John Kennedy à Boston – il faisait collection de médailles en bronze, j’en avais entreprise une depuis mes années portugaises, les camps d’opposants ou d’insurgés, avec barbelés ou cimetières en perspective – l’attrista. Ce qu’on entendait dire depuis quelques mois, nous étions au printemps de 1992, sur l’ancien président des Etats-Unis, avait détruit en lui un modèle, sinon une idole : la pureté en politique censément et une compromission avec la mafia, laquelle s’était vengée atrocement. Je ne savais pas la rumeur le concernant. Mais une autre plus flatteuse, des sondages déjà le favorisaient à gauche pour l’élection présidentielle de 1995, pour l’après-Mitterrand : il a récusa, ce serait l’empêcher de travailler. Pensait-il faire gagner à sa majorité au renouvellement de l’Assemblée nationale, l’année suivante. Je ne le sus pas. Exactement comme lors de son retour au pouvoir et encore rue de Rivoli [52], où il me faisait recevoir par son principal collaborateur de confiance – Harris Puisais n’était plus – pour venir nous rejoindre dans une petite pièce sombre mais voisine de son propre bureau, la conversation évoqua Edith Cresson. Elle l’avait daubé et moqué quand elle-même avait été nommée Premier ministre, et cessant de l’être elle lui avait laissé un bureau de chef de gouvernement qu’on eût dit un boudoir : que ne dirait-on pas s’il en changeait la décoration, ou bien irait-il dans le salon où s’était installé Michel Rocard.

Nous n’eûmes donc pas, pendant qu’il était au gouvernement, de dialogue. Même la visite de travail, donc officielle, que je lui organisais à Vienne où j’étais le conseiller économique et commercial, pour qu’il manifestât notre approbation de la candidature tenace de l’Autriche à la Communauté européenne, ne permit pas d’échanges, sauf à son retour à Paris pour me demander les notes qu’il m’avait vu prendre pendant son émouvant moment avec l’ancien chancelier Bruno Kreisky. En aparte de deux phrases, il sut me conseiller de demander au Premier ministre d’alors pourquoi une ambassade qui m’avait été proposée puis promise, ne m’était finalement pas accordée [53]. Occupé à écrire l’entretien, banal, je manquais de prendre de magnifiques photos de lui donnant du feu à son homologue autrichien, le jeune, séduisant et sérieux – comme si souvent me parurent les Autrichiens au pouvoir chez eux – Lacina, son homologue. Madame Bérégovoy faisait partie du voyage.

L’homme politique, je ne l’ai donc pas vu [54]. L’homme, d’égal à égal, paisible, convaincu, m’apparut dès sa réponse à ma première lettre. Il était passé de l’Elysée au gouvernement, les Affaires sociales. A ce que je ressentais de notre vie nationale alors, il tranchait par une liberté de pensée, et de comportement, par une véritable autorité non seulement sur ce qu’il venait de recevoir en charge mais sur l’ensemble de ce que devait faire et être le gouvernement auquel il appartenait. Il croyait manifestement à une mission de la gauche, des hommes et des femmes de gauche dans notre pays. Il parlait sans définition ni détour, directement de ce qu’il y avait à échanger. Je vous ai déjà raconté notre premier entretien qui était hiérarchique et portait sur l’état de nos affaires au Brésil. Le second fut intime.

Nous étions assis sur une moquette grise dans une pièce pas complètement meublée, sans rideau la fenêtre, modeste, le dos à une biobliothèque ou à une vitrine. Rien dans cette pièce, son bureau, chez lui, ni dans l’appartement de la rue des Belles-Feuilles [55], un immeuble du Crédit foncier, ni récent, ni ancien, différent de tous les autres, époque Haussmann, dans cette rue. Les années 1950 dans une ambiance des années d’avant la Grande Guerre. Il était dans l’opposition, j’étais sur le sable en attente d’une nouvelle affectation de ma direction au Commerce extérieur, sise toujours au quai Branly. Il analysait tranquillement la politique de ses successeurs, pas de véhémence idéologique, le jugement portait sur l’avenir immédiat. Il fallait reprendre la responsabilité du pays, animer celui-ci. Il ne me parlait pas des autres, de ses collègues, ni du président régnant, il parlait de la France, de ce que notre pays et nos concitoyens vivaient. Je l’avais vu, heureux et empathique avec Bruno Kreisky. Les questions internationales n’étaient pas pour lui, celles des relations entre Etats ou des dossiers à suivre, à traiter. Il s’agissait d’entités vivantes. Il ne m’a jamais parlé ni de ses origines ukrainiennes ni des conditions de son enfance, encore à présent, je n’ai pas regardé sa biographie pour cela. Pierre Bérégovoy développait une chaleur, une présence pour lesquelles – car il les donnait à autrui, n’en faisait pas un outil de promotion personnelle – on aurait cru qu’il effacait sa personnalité propre. Il était entier dans le sujet à partager d’opinion et de projet, sans jamais de volubilité.

Vinrent les ides de 1988. Elles me paraissaient certaines tant François Mitterrand avait de longueurs d’avance. L’affichage des thèmes de sa campagne était simplement la considération de l’opinion du moment, il appelait à le rallier bien plus que des sympathisants de la gauche ou des partis habituels, et avait l’habileté de paraître à la fois seul et très entouré, entouré des Français. Sa lettre, substantielle, documentée par téléphone avec son secrétaire général, toujours détendu et d’une chaleur souriante et froide, a été un chef d’œuvre. Jacques Chirac répliquait en copiant : il rassemble, il écoûte, affichait-on pour lui, mais l’échelle n’était pas la même, il tenta une lettre, pour faire comme… ce ne fut qu’un prospectus. En attente d’affectation soit au Quai d’Orsay soit selon l’administration de mon origine, je regardais dans un bel appartement à Neuilly, avec quelques-uns de nos diplomates, l’entretien télévisé du Président sortant avec Paul Amar. La haine se respirait autour de moi, quand par l’équipe gagnante je fus finalement détaché parmi eux – c’est l’appellation d’une procédure qui devrait faire comprendre à son bénéficiaire qu’il est seulement sursitaire – la même haine mit son haleine sur moi. Pierre Bérégovoy m’avait téléphoné improviste un soir dès que la campagne formellement avait commencé. J’avais été inscrit d’office dans le comité de soutien. J’avais à communiquer à l’A.F.P. que les gaullistes de conviction et de sincérité se reconnaissaient en François Mitterrand (« la France unie » et le profil maagnifique du candidat) et l’appuieraient donc. Je m’exécutais naturellement. 

L’homme – je crois – se savait précaire de position, avait ces collaborateurs de confiance, celui qui me recevait en son nom, ou celui qui nous accompagna, un jour des deux ans d’opposition, pour un moment à Europe 1. Il ne me fallut pas beaucoup de recul pour voir que tous le desservaient d’image et souvent d’exécution dans ses projets et lui survivraient. L’histoire a été sans doute écrite de ces gens de haut parcours qui plus tard font oublier, explicitement, la grandeur et la conviction qu’ils auraient dû recevoir en passant du temps et en vivant la vie de celui qui les avait placé en bonne orbite. J’ai regretté et continue de pleurer de n’avoir pu l’entourer, surtout quand le pouvoir lui fut retiré. Une rechute de santé, au Kazakhstan tant je me donnais à ma nouvelle mission, comme jamais auparavant dans mon exercice professionnel, me fait venir à Paris en urgence. C’est sur mon lit d’hôpital que se décida la visite présidentielle dans mon royaume d’affectation. Le mot avait été déjà celui de François Mitterand lors de beaucoup d’aparte pendant son voyage au Brésil. J’aime être serviteur, quand – en servant un homme de position certes, mais d’exception par l’indépendance et la complétude du caractère – je sers manifestement notre pays, le bien commun, toujours bénis de Dieu et de l’Histoire. La vérité est que je n’ai jamais atteint cette utilité, que je l’attends encore de ma présente tentative de faire campagne puis d’y durer en manière de tribun du peuple, à la disposition de tous ceux qui voudront – vous-même ? – se servir de mon truchement et de la voie ouverte. Pierre Bérégovoy m’inspira donc la sensation forte et vraie que nous étions frères, sans qu’il y ait à distinguer des niveaux, frères dans le goût et – je le crois immodestement – dans la capacité de servir. Ce fut aussi le mot, dans les dernières de sa vie, de Bernard Tricot : servir encore, quoiqu’à l’agonie. En cela, il avait été comblé mais avait été si utile, sans recherche.

Je vécus intensément l’hommage national qui lui fut rendu sous ma fenêtre d’alité au Val de Grâce [56], le matin de sa mort, si elle eut lieu là. La veille, de minute en minute, les médias rendaient compte du drame survenu inopinément au bord d’une eau familière, un 1er Mai 1993, puis du transfert de Nevers à Paris. Selon que le présentateur parlait de la Nièvre ou qu’un confrère attendait à Paris, les versions étaient différentes. Au petit matin, j’allais, en roulant l’arbre qui balançait mes perfusions, jusqu’à la grande salle au fond de laquelle, au rez-de-chaussée de l’hôpital, était exposé le corps. Je ne m’en suis pas approché, de la famille arrivait par une autre porte. Peut-être vingt ou trente mille personnes défilèrent ensuite, en contre-bas, la vue sur l’église d’Anne d’Autriche, les files épaisses et silencieuses en premier plan, le troisième tour, solide et fervent, triste mais assuré, des élections législatives que Pierre Bérégovoy, appelé bien trop tard à la tête d’un gouvernement pas assez adéquat depuis le retour de la gauche à la fortune politique, n’avait pu faire gagner à des militants inconsolables. Un article dans Le Monde avait donné – sous sa propre signature – l’épitaphe juste. La gauche meurt quand, au gouvernement, elle ne demeure pas assez elle-même, tandis que la droite n’a pas besoin d’étiquette ni de référence pour s’adonner au pouvoir. Sur la tombe, il n’est écrit que l’interrogation désespérée de sa femme. Ma casquette, de bonne confection américaine, achetée en même temps ou presque la médaille commémorant Kennedy, que j’avais posée à mes pieds devant la dalle, y resta car j’oubliais tout, sauf cette présence et ce regard que n’ont jamais embarrassé des verres discordants et épais.

Du Val-de-Grâce, j’avais prié mon attaché de Défense de mettre notre drapeau en berne, avenue Fourmanova à Almaty, d’ouvrir un registre de condoléances avec en évidence le portrait que l’avait dédicacé le Premier ministre, après d’autres plus anciennes. Je sus qu’un de mes homologues, d’ailleurs chaleureux et compétent, que je connaissais de la rue Saint-Guillaume – ayant suivi rue de Solférino après l’agrégation de droit public les questions internationales, nommé et intégré au Quai d’Orsay, une seule place au tour extérieur qui me fut donc refusée malgré la promesse de mon ami – avait demandé des instructions pour faire de même. Il n’y en eût pas, et à ma connaissance, nous fûmes donc, Guy Bouchaud et moi, seuls à dire le chagrin français. Dès la mort de Pierre Bérégovoy, les temps changèrent et notamment le texte nouveau mais explosif sur l’honnêteté et la sincérité du financement des vies politiques, ne fit plus l’objet d’aucune vigilance pour son application. Vous en voyez comme moi, en cette présente campagne présidentielle, ce qu’il en résulte. Le mal que peut faire un personnage public, est fondamentalement d’ordre affectif : décevoir celles et ceux qui le servent, l’aident, l’obligent. Dans certains cas, il peut s’agir de millions d’électeurs perdant leur drapeau, en plein effort. La gloire nationale s’acquiert quand on ne déçoit pas, ce qui donne – intimement et de façon jubilatoire, malgré tous revers ou disparition – raison à qui avait donné sa confiance et chargé d’espérance l’un des nôtres. Pierre Bérégovoy ne déçut pas mais il fut déçu, mortellement. Si la France a eu, à la tête du gouvernement, un militant de gauche, dont le réalisme d’Etat ne tempérait pas la générosité d’idées et de comportement, ce fut, par excellence, Pierre Bérégovoy : l’expérience de son enfance et de son adolescence au travail manuel et à la famille si laborieuse en répondit jusqu’à sa mort mystérieuse, mais certainement liée à cette indélébile militance. Confidence et témoignage, qui m’ont formé à l’espérance politique absolue.


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Assuré, confiant, mécanique et souple à la fois, heureux à table, heureux en conversation, heureux de me voir, très heureux d’accueillir et de caresser notre enfant, quand elle ne marchait pas encore… lui-même sans enfant, fidèle et très chaleureux avec les deux femmes de sa vie, Pierre Messmer [57] est d’abord un homme faisant référence pour avoir manifesté courage, autorité, abnégation et ce qu’il faut d’ambition et de conscience de soi, pour être considéré et donc bien employé. En ces sens, il est le type-même d’une carrière professionnelle et politique de premier plan, mais dont les fruits et résultats – tous décisifs – peuvent être attribués à plus que lui, à un courant de notre Histoire. C’est – là aussi – une excellence. Un lieu commun, l’Océan atlantique baignant nos aîtres respectifs, lui en presqu’île de Rhuys, moi, nous, ma femme, notre fille et moi, m’ayant rejoint, le long du Penerf, la première par mariage, la seconde de naissance. Mais dans l’esprit, la survie du gaullisme et d’une forme d’espérance d’Etat et d’Histoire, la Mauritanie. Chacune de nos rencontres, très nombreuses quand il eût quitté les palais officiels – sauf à revenir dans l’un des plus beaux, l’Académie française et à travailler ou recevoir dans le bureau sur jardin, quai de Conti, alloué au secrétaire perpétuel – traitèrent de ces deux sujets. Pour nous, de vivante expérience.

Heureux aussi d’être honoré et combien il le fut. Les plus hauts postes, sans doute, mais jamais avec ostentation. Nommé Premier ministre pour que Georges Pompidou se soulage de la rivalité d’image et de l’insolente santé de Jacques Chaban-Delmas, il doit défendre un projet de révision constitutionnelle que désapprouvent ses prédécesseurs au temps-même du général de Gaulle : Michel Debré et surtout, explicitement mon cher Maurice Couve de Murville [58], et que j’attaque dans Le Monde [59], dans la revue débutant ad hoc à l’abri de l’Institut Charles de Gaulle : L’Appel [60]. C’est la proposition qui semble de bon sens et toute favaorable à la démocratie, à une plus fréquente décision populaire : réduire à cinq ans la durée du mandat présidentiel. Quand meurt prématurément, comme puni de sa hâte à être à la place du Général, un Georges Pompidou que Michel Jobert et son propre calvaire ont finalement grandi, Pierre Messmer apparaît à beaucoup comme le président de la République à souhaiter. Jacques Chaban-Delmas et Valéry Giscard d’Estaing, Edgar Faure aussi mais pour la montre et sans troupe ni logistique, s’affrontent. Dans Le Monde, j’ai fait discerner, mais sans écho cette obscure clarté qui tombe des étoiles  [61] puis suis reçu par le directeur du cabinet à Matignon. L’année suivante, c’est en Mauritanie, pour le quinzième anniversaire de l’Indépendance, que je l’aborde pour la première fois. Ancien commandant du cercle septentrional, aux confins de l’Algérie, du Maroc et de notre territoire d’outre-mer, il a réussi manifestement, fait preuve de grande autorité pas seulement auprès de nos « sujets », mais auprès de sa hiérarchie à Saint-Louis et à Dakar, des autorités françaises à Rabat : ses correspondances et annotations que j’ai lues dans nos archives diplomatiques [62], l’attestent. Une telle liberté de ton, fondée sur une manifeste expérience des lieux et des gens, mais aussi sur son éminente qualité de Compagnon de la Libération, est rarissime dans nos administrations quelles qu’elles soient. Il est courageux, il sait donner son avis – en Mai 1968, selon ses mémoires, il a remontré à de Gaulle que poster les parachutistes boulevard Saint-Michel et leur faire enlever les barricades étudiants, fera sûrement mort d’homme, et à ses débuts de ministre des Armées, les braises de l’O.A.S. [63] encore rouges et sonores, il s’oppose à la suppression de la Légion étrangère  – et pendant la première cohabitation, où à l’Assemblée nationale il préside le groupe parlementaire du parti chiraquien, il démontre qu’à ne pas affronter le Président dont les troupes et le gouvernement viennent d’être battus, le Premier ministre ne le battra pas à l’échéance constitutionnelle. Il prévoit juste. Et aux cérémonies mauritaniennes, trônant sous une des tentes de l’immense méchoui offert par Moktar Ould Daddah, vêtu d’un boubou vert amande et moiré, il semble celui qui reçoit. Les Mauritaniens se succèdent autour de lui, il y a tout juste vingt ans, il a gouverné le Territoire, il a marqué, il va maintenant assurer les actionnaires de la société des Mines de Fer de Mauritanie [64] que l’Etat qui vient de nationaliser leur bien, les indemnisera. Le président mauritanien n’a pas attendu son intervention pour le décider, mais sa présence est pacifiante. Réciproquement, dans les débuts de la jeune République Islamique, souvent ses anciens administrés font appel à son influence dans le gouvernement de l’ancienne métropole, pour obtenir des facilités financières ou logistiques, ainsi la desserte de l’Assaba. Son épouse, ancienne convoyeuse de l’air en Tunisie pendant les combats de 1943, pétulante quand elle était en dialogue avec les médias depuis Matignon en tant que maîtresse de maison, tient pour le bonheur et les rires de tous, le standard du principal hôtel de la capitale des sables.

C’est un homme d’égards et de fidélité avec les deux épouses que la légalité lui consacré successivement. Ce n’est pas un homme de menus plaisirs sauf si les plats lui plaisent. Il nous en fait l’honneur quand il vient chez nous. Il est donc simple et quand il parle de notre actualité politique nationale, il en traite comme si le Président du moment chez nous lui était subordonné. En revanche, il considère attentivement mes proses, la dernière est sur sa table quand une ambulance vient le prendre pour l’emmener à Paris. Il n’impressionne pas car il donne du temps et de lui-même, disponible. Il ne provoque cependant ni familiarité ni dévouement : il existe, sans adversaire, avec un passé aussi grand et détaillé que notre histoire contemporaine, le goût toujours intact d’intervenir s’il le faut (notre relation avec l’Afrique qui fut nôtre, au sud du Sahara ou le projet de Constitution pour l’Europe [65], il est vrai que la paternité du texte l’indispose quelle qu’en soit la lettre : Valéry Giscard d’Estaing,  avec à ses côtés l’ancien Premier ministre belge, Jean-Luc Dehaene a présidé la Convention de débats et d’écriture).

Cet homme de contact, de jovialité, fait pour le plein-air et la franchise, aime raisonner. Sa dialectique est des plus simples, elle est didactique, énoncée avec bonheur. Le plus souvent, je dois acquiescer. Je n’apprends de lui aucun secret d’Etat, alors qu’il connaît tous ceux de son époque, y compris la mise à feu de notre arme atomique dont il a su convaincre les Américains l’invitant pour le dissuader et peut-être le corrompre, que la France n’y renoncerait jamais. J’apprends seulement, mais c’est beaucoup, la mise à nu – en quelques mots – d’une personnalité [66] : ainsi, selon lui, à ce qui sera notre dernière conversation (le lendemain, il tombe dans sa maison de Saint-Gildas de Rhuys et ne s’en relève pas ni chez lui ni au Val-de-Grâce dont il a fait construire le magnifique bâtiment moderne relayant les constructions de vieille époque), Simone Veil, devenue une des icônes de notre République [67], en fait trop… elle lui succèdera à l’Académie française [68]. Et, moi, dans la possession de photos du Général qu’il révérait : le portrait classique pour la France libre, celui moins connu de la « traversée du désert » et surtout un tirage en grand format où il dialogue avec de Gaulle parmi des uniformes, il est seul à n’en pas porter.

Notre relation ne se noue vraiment que dans sa ville de Sarrebourg. Il m’y traite à déjeuner [69], donc la Mauritanie et la politique du moment, au menu : copieux et savoureux. Premier thème, la France a-t-elle favorisé le renversement de mon cher Moktar Ould Daddah par ses propres militaires, il y a presque deux ans. Dénégation absolue, confirmant celle du conseiller à l’Elysée pour les affaires africaines : celui-ci était pourtant sur place, à accompagner le « père fondateur » dans son inauguration d’une route ouest-est, desservant depuis le port de Nouakchott les régions les plus peuplées de la Mauritanie et donc aussi l’hinterland de Bamako jusqu’à la boucle du Niger. Mais Pierre Messmer – avec le même esprit de supériorité vis-à-vis du président mauritanien que celui souvent manifesté devant moi par Jean-François Deniau, un de nos plus brillants ambassadeurs à Nouakchott – juge que si « Moktar » n’avait pas dénoncé l’accord de défense avec nous, nous aurions su l’avertir, le protéger, tout dénoncer à temps. Voire, car le pays était – en Juillet 1978 – fortement soutenu par nous : disponibilité tactique de deux Jaguar, intimidant le Polisario et le pousuivant efficacement dans cette guerre du Sahara, suscité par le retrait de l’Espagne à la mort de Franco, et forte présence physique dans le nord, sinon à l’état-major de Nouakchott : l’école inter-armes d’Atar encadrée par nous.

Le second sujet est l’action politique. L’ancien Premier ministre juge illogique que j’en reste à des collaborations de presse : il me faut être élu. Il a pensé à Verdun, perspective qui me réjouit rétrospectivement : je sais ce que j’y entreprendrai. Visitant l’an dernier – le centenaire de la bataille – l’ensemble des sites et paysages, je vois bien que j’eusse été heureux, là. Tout autre chose que la proposition de Jacques Chirac, huit mois plus tard. Pierre Messmer vise haut pour moi, mais m’avoue n’avoir pu faire disposer de la circonscription pour moi : sans que nous en discutions, puisque l’opportunité ne se présente plus, c’eût été l’appartenance au R.P.R. de Jacques Chirac. Lui-même évoque peu celui dont il a dit dès l’élection présidentielle de Valéry Giscard d’Estaing : un parti n’existe que s’il a en son sein, un « présidentiable ».


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Aussitôt et pendant près de quarante ans, la densité, la précision, la mémoire, le don d’illustrer tout autant par des démonstrations limpides que par des fragments d’un vécu personnel, en fait de notre Histoire nationale selon ses personnages.

Jean-Marcel Jeanneney [70] me reçoit, chez lui, comme c’en sera toujours le cas, sauf deux fois dans son village de Rioz, en Haute-Saône, la maison de son père, et quelques fois dans les bureaux de l’O.F.C.E. qu’il a fondé [71]. Il me reçoit dans le premier ébranlement de l’après-de Gaulle : celui provoqué par le referendum de la saint-Georges, convoqué par Georges Pompidou, soucieux de se faire adouber personnellement et de régler ensemble deux questions difficiles. La concurrence de son Premier ministre, particulièrement indépendant dans les médias et au Parlement. La construction européenne qu’il relance depuis la conférence de La Haye qui a ouvert son règne et aussi celui de Willy Brandt. Ministre important du général de Gaulle, Jean-Marcel Jeanneney est autant lui-même qu’une dynastie républicaine imposante car dans les récits et évocations dont il va me gratifier de Mai 1972 à l’été de 2010 que conclut sa mort physique, celle d’un centenaire intact, écrivant sur ordinateur sa mémoire familiale, vérifiant faits et dates sur google, trainant à peine les pieds, ouïe et vue totalement opérationnelles… il y a aussi bien et si fréquemment l’homme du 18-Juin et de la participation, de la démocratie, Michel Debré auquel il est attaché mais dont il souffre, que son père, certes, politiquement né avec Waldeck-Rousseau, collaborateur le plus organique de Clemenceau et finalement président du dernier Sénat de la Troisième République, puis ministre d’Etat à la Libération, que leurs aïeux, dont une personnalité féminine de référence sous le Second Empire : la République, l’agnosticisme, la laïcité. Une pureté en héritage, un ajout personnel multiple à raison de ses responsabilités ministérielles, chaque fois décisives : l’Industrie au début de notre actuelle République, avec Raymond Barre en premier collaborateur, dont la réputation parvient déjà à de Gaulle, puis l’ouverture de notre ambassade à Alger, puis les Affaires sociales et les accords dits de Grenelle [72], parce que négociés et conclus dans ses bureaux, enfin la charge du testament institutionnel de notre re-fondateur, les textes et leur esprit refusés en Avril 1969 [73] selon la même coalition que celle mettant en Décembre 1965 le Général en ballottage [74].

Or, cet homme de famille, de mémoire, de responsabilité, chacune très grande, me reçoit avec attention [75]. Jamais, il n’y aura de familiarité dans le ton, mais toujours il y aura une confiance de sa part que je ne peux m’expliquer que par des affinités et des différences qu’aime en Jean-Marcel Jeanneney. Ainsi que l’aîné de mes frères et que Michel Jobert, il désespère de mon gaspillage d’énergie, d’écriture, mais c’est avec lui et par lui que s’opère que la construction de toute mon intelligence des événements de notre époque, à commencer par les circonstances factuelles et mentale du départ du Général jusqu’à nos échanges sur la « crise des subprimes », et chacune des échéances, surtout électorales et institutionnelles chez nous, pendant quarante ans. Il a été interrogé avec sagacité et beaucoup d’étonnements admiratifs par Jean Lacouture [76], par un doctorant aussi [77], et pourtant il se prête à nos dialogues avec un paradoxe que je ne remarqu qu’à présent : ceux-ci sont naturels, mon éminent vis-à-vis n’ayant rien à cacher, aimant tout expliquer parfois par écrit [78], mais exceptionnels aussi, les appréciations sur les personnes, une documentation décisive [79] et l’exhaustivité, avec dédicace chaleureuse, perspicace, de chacun des livres qu’il publie depuis le premier printemps de notre rencontre ou bien ceux que j’avais déjà lus et exploités avant de bénéficier de son accueil, si libérant [80].

Ma collaboration au Monde est dans sa première année. Lui et le si rayonnant François Goguel [81], ancien secrétaire général du Sénat, devenu membre du Conseil constitutionnel au moment où débute mon écriture publique, me confirment dans mes intuitions à chaque événément me mettant en alerte. Assuré de leurs analyses respectives en droit constitutionnel mis en question par les initiatives présidentielle et par le Programme commun de gouvernement, des raisonnements de l’agrégé de sciences économiques quand je vais intervenir sur notre situation, je suis évidemment imbattable [82]. Sauf pour Pierre Joxe, me reprenant, dans les colonnes du même Monde [83], à propos de ma présentation de ce programme commun. Ce qu’arbitre Georges Vedel avec précaution pour le senior du Parti socialiste et bienveillance pour son ancien étudiant, mais ce qui tombe mal car le jour-même, je comparais devant le jury d’agrégation de droit public et de science politique. L’ensemble est pour moi gratifiant et initiatique, je ne perdrai jamais le tour de main qu’ils m’ont chacun donné.

De l’ancien et grand ministre, je reçois bien davantage encore. Mes attachements instinctifs à ce qui s’élabore dans notre pays à mon adolescence, sont fondés. Le socle sur lequel je m’établis, ce qui va dominer tout mon parcours, de fonctionnaire d’autorité et d’animation, de publiciste, même si cela n’aboutit à aucune situation notoire ni à aucune bibliographie saluée, est solide, vrai, potentiellement constructif et a raison de toute comparaison.

A cette grille d’analyse du passé et du contemporain, Jean-Marcel Jeanneney ajoute la considération qu’il développe lui-même mais que j’emporte de chacune de nos conversations, rue d’Assas : l’art de vivre soi-même, l’art de gouverner un ministère. Les clés d’une vie et d’un parcours qui ont beaucoup du politique, mais le dépassent. Une sérénité, une liberté d’esprit, de comportement, de raisonnement. Une distance par rapport aux personnes et aux sujet, notamment vis-à-vis du général de Gaulle, décrit ou caractérisé sans affectivité, objectivement. J’ai rencontré souvent cette attitude, étonnamment libre, chez ceux qui ont le plus intimement et durablement travaillé avec notre re-fondateur. La stabilité de cet homme tient sans doute – comme pour Raymond Barre ou un autre agrégé que j’ai beaucoup apprécié : André de Laubadère [84] – au type de concours qui l’a professionnellement introduit, au statut et au rythme universitaire, tout le contraire de ce à quoi ouvre l’Ecole nationale d’administration : l’Etat certes, mais aussi la cage aux fauves. Le devoir d’exactitude et d’approfondissement, la responsabilité d’intelligence et la caution mentale : l’enseignant vis-à-vis de ses étudiants. Le calme intérieur que produit en conscience l’assurance de savoir et les limites fructueuses mais précises du doute. La recherche, la science du précédent, l’évaluation des conséquences, l’examen des éventualités. Jean-Marcel Jeanneney est donc de plain-pied avec le premier président de la Cinquième République et aussi avec le ministre des Affaires Etrangères de celui-ci. Maurice Couve de Murville, il ne l’apprécie pas en tant que Premier ministre et sans doute lui attribue une bonne part de la défaite du 27 Avril 1969, et d’évidence, c’est lui, ministre d’Etat, et non l’inspecteur des Finances, ancien directeur du Mouvement des fonds, qui conduit l’opération du 25 Novembre 1968 : avoir à dévaluer le franc ou pas ? et donne au général de Gaulle les circonstances, opinions et solutions. Principalement, parce que l’inventeur politique de Raymond Barre [85] était demeuré en relation constante avec celui-ci, devenu vice-président de la Commission européenne.

Les faits et les personnes, les sujets et les occurrences. Voyez-vous, je n’ai pas de carrière politique, je n’ai participé à aucun cabinet ministériel, je n’ai été l’assistant de personne, ni la plume de quiconque [86], mais j’ai tant écouté, entendu, questionné des personnalités de premier plan ayant œuvré dans des grandes circonstances et avec un chef d’Etat exceptionnel, que je crois en comprendre plus que si je l’avais vécu. Les expériences de maintenant montrent d’ailleurs que tout s’est déformé et a changé d’échelle. Jean-Marcel Jeanneney travaillait directement avec les directeurs de ses administrations centrales quel que soit son portefeuille ministériel. Il était donc au fait sans filtre ni crible,  et aussitôt. Son esprit habitait donc son ministère où qu’il ai été, et il avait tout commencé à dirigeant le cabinet de son père, à la Libération, tous deux domiciliés à Matignon.

L’autre enseignement, encore davantage d’existence, est la stabilité des lieux et du cœur. L’éloge de la mobilité professionnelle aujourd’hui, des recyclages à souvent cinquante ans, les mœurs ayant déréglé les couples et l’éducation des enfants produisent ce que nous savons maintenant : bien de nos dirigeants ne sont pas mentalement, tout entiers, à ce qu’ils ont à faire pour nous grâce à l’outil démocratique, à notre patrimoine national qu’est l’Etat. Jean-Marcel Jeanneney habite au 102 rue d’Assas depuis 1952, quand il a été « muté » à Paris de Grenoble où il reviendra porter le défi à Pierre Mendès France qui l’a scandalisé en Mai 1968. En traversant seulement le jardin du Luxembourg, il est rue Saint-Jacques ou place du Panthéon : la faculté. Son épouse, Marie Laure, l’assemblée de leurs enfants sont un modèle de creuset affectif. Il les admire chacun, les consulte ensemble sur chacune des étapes de sa propre carrière quand elle est devenue politique. Il vit dans l’ambiance intégralement mémorisée de son enfance et de son adolescence de fils unique d’un des pontifes de la Troisième République. Il met en valeur son père, ses enfants, aime et chérit comme je n’en ai jamais été le témoin en rencontrant d’autres de nos grands politiques. Son audace et sa liberté, son inventivité sont le fruit de ces tropismes, de ces affections. Il a un champ d’application, son village de Rioz. Il sait les débuts de Charles de Gaulle par de tierces expériences, et il en a vécu la fin, étant même avec sa femme et l’aîné de ses enfants, un des très rares visiteurs de la Boisserie, après que l’Elysée ait vu se succéder des personnages bien différents de l’initial.

Je ne lui cache pas mes projets, j’en ai toujours, y compris si n’aboutit mon actuelle tentative – soyez-en assuré, rien ne se finit de ce qui est nécessaire et qui nous habite, quand l’ambition, vraie addiction transformant la psyché et nous administrant durablement cécité, surdité – et il les pèse, affectueusement, mais avec réalisme. Nous cheminons ensemble parmi la France, de Gaulle, ses successeurs, les changements de dogmes et de procédures économiques, le mouvement du monde. Il me confie les rédactions, parfois la charge de les documenter à l’extérieur, que sa mort va interrompre. Il m’interroge, me sachant chrétien, catholique pratiquant : l’au-delà, sur lequel il affirme que nous ne savons rien, et ne formule pas précisément sa question. Je la reçois comme un partage d’une expérience qui m’est innée, de même qu’il m’a donné à partager son expérience du gouvernement, du gouvernement sous l’autorité et avcec la force du général de Gaulle. Le temps ou de nouvelles associations d’idées ou, peut-être, un cheminement intérieur dont il avait décidé ? ou était-ce peu conscient ? nous manquèrent pour continuer. Il me faisait un dernier et splendide hommage, celui de me questionner en tant que seul proche ayant, estima-t-il, une certaine « compétence » ? J’ai commencé de lui répondre, à genoux, seul devant la tombe ouverte, le déblai meuble tandis que les siens avaient pris congé de l’inhumation. Et je continue, puisque la structure qu’il m’a donnée dans ses propres domaines, continue de me porter.

Cadeau aussi suprême : l’éminence de notre science économique et le fondateur d’un certain type d’études de conjoncture, rapportées à des séries statistiques de parfois plus d’un siècle (l’Histoire, c’est la vie), et aussi à la manière dont se prend la décision en économie [87], avait demandé à rencontrer ma femme. Sa pratique des salles de marchés et des gestions de fonds et de titres pourrait le mettre à jour sur des pratiques nouvelles : la titrisation, notamment, et donc une compréhension plus directe de la crise dans laquelle nous entrions à l’automne de 2008. J’ai laissé, seul à seul, la jeune experte et le vieil homme de tant d’expérience. J’étais fier de chacun.


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Jean Charbonnel incarne la pureté en politique, et la pureté permet la sincérité et donne la liberté. Sans doute aussi, elle maintient une jouvence presqu’adolescence à longueur d’une vie. Premier à naître sous l’appellation des « jeunes loups » [88], avec une législature d’avance sur le gros de la meute et une forte assise locale dans une ville historique : celle du caridnal Dubois, Brive-la-Gaillarde, il est le dernier à disparaître des témoins directs de l’action du général de Gaulle, de sa présidence des conseils de gouvenement [89] et des conditions de sa succession. En équipe avec deux autres illustrations d’une Cinquiième République sachant – alors – demeurer jeune, il publie une critique vive des oppositions de gauche à la majorité de 1968 qu’il faut renouveler en 1973, mais en prévision des élections de même nature, l’Assemblée nationale qui se renouvelle tous les cinq ans, saufd dissolution, il tente, avant la lettre actuelle, un front de gauche avec les socialistes devenus dominants. Rien ne marche. L’ancien secrétaire d’Etat à la Coopération pour les débuts de nbotre décolonisation en Afrique, l’ancien ministre de l’Industrie qui s’isole avec éclat de ses collègues, au gouvernement et du Premier ministre d’alors, Pierre Messmer, en soutenant la tentative autogestionnaire de Lip devient donc et pour trente-cinq ans, jusqu’à sa mort, celui qui témoigne de la sincérité sociale du général de Gaulle. Et de son efficacité. Donc de l’intégralité de l’apport d’un fondateur d’exception à notre pays.

Philippe Séguin [90] est aujourd’hui invoqué à tout va par des épigones d’une droite avouée. Quoique riche d’élections à l’Assemblée nationale et de responsabilités gouvernemental, son parcours n’est pas une référence politique par lui-même. Sans qu’il y ait à les opposer, je préfère une carrière politiquement inaboutie, close quant aux honneurs et aux portefeuilles à quarante-quatre ans et demi et qu’aucun gouvernement ni de gauche ni de droite n’a proposé qu’elle reprenne. Précisément, Jean Charbonnel professait l’essence même du gaullisme : « la France c’est pas la gauche, la France c’est pas la droite ». Le bulletin [91], édité à ses frais, et les quelques amis sans grade notoire qui partageaient cette vérité et ses convictions, discutaient l’actualité, mois par mois, par référence à une expérience précise : celle du général de Gaulle au gouvernement, et celle de Georges Pompidou, le successeur qui n’y était pas arrivé.

J’avais demandé son témoignage sur Maurice Couve de Murville, ministre des Affaires Etrangères, puisque rue Monsieur, il avait été son secrétaire d’Etat. L’honnêteté parfaite et partagée des deux hommes, alors, l’aîné et le cadet, bénéficiant chacun d’un accès psychologiquement très différent auprès du général de Gaulle, m’avait retenu : notre entretien [92] me faisait réaliser l’homogénéité des gouvernements tant qu’avait duré, à notre tête, l’homme du 18-Juin adapté à l’autre monde que sont la paix, la gestion, la diplomatie avec les mêmes fins et le même type d’adversaire qu’en temps de guerre déclarée. De très grandes choses, de véritables desseins sans rivalité ni projets personnels à l’intérieur de l’équipe. Aucun jeu, de l’effort. Nous n’avions pas parlé de la suite, des actualités et des ambiances qui avaient suivi. La période de jeune homme et la preuve d’attention qu’avait donnée de Gaulle à Jean Charbonnel, pour ses débuts, étaient dites en termes d’admiration : les circonscriptions de notre Massif central, les tempéraments locaux, la manière dont le nouveau secrétaire avait commencé de se distinguer pour que se maintienne, dès l’automne de 1962 [93], la Cinquième République, vulnérable à l’Assemblée nationale, malgré le succès du referendum concluant au nouveau mode d’élection du président de la République – l’actuel mais en bien moins restrictif pour les candidatures. Le Général savait tout cela et avec ce jeune homme, il parla d’avenir.

Je demandais à le rencontrer une nouvelle fois, bien plus tardivement dans nos vies respectives. Je n’enquêtais plus sur le départ de 1969, je ne cherchais plus qui pourrait reprendre le legs gaullien, je me contentais de commenter l’actualité, par des médias personnels et des messages occasionnels à l’Elysée – dont je vous ai souvent entretenu plus haut – je voulais apprendre davantage sur Pierre Messmer que je n’avais connu qu’à propos de la Mauritanie et des partis issus de moins en moins directement des soutiens, naguère, à de Gaulle. Et, à ma surprise, j’appris ce que je ne savais pas. L’itinéraire de Jacques Chirac – acteur principal, j’en suis de plus en plus sûr, du dévoiement de la Cinquième République – combinaison de tant de qualités et de leurs contraires, a eu son origine, et son introducteur dans la politique élective la connaissait. L’image exceptionnellement ancrée dans l’appréciation publique nationale – plus que celle de tout autre président de notre République, de Gaulle compris – est mensongère, si chaleureuse que soient au moins les premières rencontres : j’en ai été gratifié. J’appris aussi que la mort de Robert Boulin n’était effectivement pas un suicide.

Quoiqu’historien de métier, mais consacrant ce savoir-faire et de cette façon d’exposer des convictions dont l’identification du général de Gaulle était un des aboutissements, Jean Charbonnel ne professait aucun culte pour les faits, il en tirait au contraire les motifs de les changer, d’en prendre la direction, ou au moins d’en recevoir une occasion. Transformer la société, changer les orientations. Ainsi, sa connaissance et son commentaire de ce qui sous-tend nos institutions, notre Histoire : la légitimité en France, ses applications d’une foi chrétienne, et pas seulement l’observance du magistère social de l’Eglise, inscrivait en profondeur et en perspective ce qu’il avait réalisé ou essayé au gouvernement, ce pour quoi il continuait de militer. Y compris la reconnaissance d’authentiques saintetés dans notre personnel politique. Il s’impliquait dans la cause d’Edmond Michelet avec autant d’ardeur que dans la dénonciation du meurtre de Robert Boulin.
Il était désormais le seul témoin de tout [94], en colloque sur Edgar Faure et l’Education nationale pendant la dernière année du général de Gaulle, il peut rapporter le mot de l’ancien président du Conseil : l’homme du 18-Juin est remercié en conseil des ministres consacré à notre retrait de l’O.T.A.N. d’avoir lavé l’humiliation – affreuse mais permanente – des gouvernements et du régime précédents contraints de mendier leurs fins de mois à Washington [95].

Auprès de Jean Charbonnel, dans l’appartement familial de la rue Dupont des Loges, au calme d’un couple manifestement marqué par l’amour et l’admiration mutuels, j’apprends que le vrai rôle en politique, c’est la fidélité. Pour le « jeune loup », ce fut l’aventure, toujours.  Chaque fois que nous conversions, il savait se récrier. Il rectifia aussi beaucoup du portrait que je me faisais de Georges Pompidou, en très bien, en très mal, en personnel. Historien davantage des personnes et des itinéraires d’importance nationale, que des idées ou des événements, cet homme eut le don des tête-à-tête, du regard qui s’échange. C’est ainsi que la fidélité a sa racine d’un bout à l’autre d’une vie. L’éloquence et la plume, certes, mais l’exemple : d’abord.

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Nous nous étions lus mutuellement dans Le Monde à l’époque où l’animait Jacques Fauvet. Je découvrais avec d’autres, dont Robert Badinter, qu’un éminent magistrat s’opposait à la nouvelle politique pénale qu’instaurait Jean Lecanuet, le garde des Sceaux de Valéry Giscard d’Estaing, nouvellement élu à la présidence de la République, et avec de très forts arguments de droit et d’équité. Nous combattions dans le même sens, mais Pierre Arpaillange à propos seulement d’une des politiques du nouveau septennat : décisive, puisqu’il s’agissait des libertés publiques [96].

C’était encore un nouveau septennat que le second mandat accordé à François Mitterrand. J’avais manqué l’investiture socialiste dans ce Haut-Doubs où je crapahutais aussi souvent que, depuis l’automne de 1980, me le permettaient mes affectations à l’étranger. L’heure était à la « société civile », concept sinon réalité sociologiques. J’aurais été élu, épaulé comme je l’étais par le maire de Frasne, rayonnant responsable de la section socialiste locale. Un autre destin qui eût été le mien ? rétrospectivement, je ne parviens pas à l’imaginer. J’entrepris de rencontrer les ministres nouveaux, nommés au même titre de cette « société civile », c’est-à-dire sans étiquette ni appartenance politique. J’avais cru qu’Hubert Currien [97] serait Premier ministre et l’avais recommandé par écrit au Président, tout en dressant pour mon « candidat » un inventaire des travaux et des précautions. Nous ne nous rencontrâmes qu’à Baïkonour quatre ans plus tard et tentâmes chacun, mais ensemble, d’ébaucher une coopération directe – c’est-à-dire sans le truchement ni le contrôle de Moscou – en matière spatiale. Notre propre ambassade là-bas, tenue par Pierre Morel, fut à l’époque plus efficace que les Russes eux-mêmes pour maintenir les liens et sujétions de l’ancien empire. Roger Fauroux [98] me reçut, aussi agréablement qu’est le bureau, sur jardin magnifique, du ministre de l’Industrie. Restait Pierre Arpaillange. Il me donna sa soirée, elle ne fut décisive que sur le plan de l’amitié et de l’estime mutuelle. Moment totalement imprévisible, aussi marquant que le fut plus tard une autre soirée celle-là avec Gérard Mestrallet [99]. Dans les deux cas j’étais demandeur d’emploi, mais ne l’ai-je pas été toute ma vie, et encore maintenant ? est-ce d’ailleurs aux hommes plutôt qu’à Dieu que nous devons, surtout raisonnablement, demander notre plein emploi selon des ressources qu’Il est seul à connaître, en tant que notre Créateur ? Dans les deux cas, j’ai appris la solitude de tout exercice du pouvoir et donc les besoins qui en résultent. Ce sont ces besoins que j’eusse aimé, au cours de ma vie, tant que je fus en pleine capacité d’activités, contribuer à combler chez ces demandeurs. La relation entre des demandes…

Le bureau du garde des Sceaux est probablement le plus beau et le plus grand de ceux par lesquels l’Etat se solennise. Les rayonnage de bibliothèque, les boiseries, je n’ai plus mémoire que de ces couleurs continûment ambrées, les jardins jouxtant ceux du Ritz. Le Conseil constitutionnel, pour son président, est à l’étage. Le ministre des Affaires Etrangères n’est pas de plain-pied et la succession des salles de réception impressionne  davantage que l’espace de travail du maître des lieux et de notre réseau diplomatique. L’Elysée vaut par celui qui y réside et y reçoit. A défaut criant du général de Gaulle que je n’ai jamais rencontré pour n’en avoir jamais exposé la demande [100], je fus gratifié d’honneur par François Mitterrand.

Du président régnant, Pierre Arpaillange ne me parle pas. C’est la fin de la journée, le mois d’Août décline déjà en sorte que la pièce immense en clair obscur et donc propice à la confidence est plus lumineux que les porte-fenêtres ouvrant sur le crépuscule. Nous nous félicitons mutuellement de nos articles respectifs, d’il y a dix ou quinze ans déjà. Le ministre semble très jeune, le front grand, lumineux, pensif certes mais sans peser pour qui le regarde. La voix est douce. Parler maintenant de quoi ? nous avons le commun souci que le pays reprenne un cours tranquille : les électeurs l’ont vouluplus encore qu’une réinstallation de quelque parti que ce soit. Avec le recul de trente ans ou presque à présent, l’été de 1988 est un instant de réflexion et de sérénité pour la France, la sagesse nationale qu’incarne désormais manifestement François Mitterrand, sans ostentation ni abus des médias, est déjà spirituelle. Les derniers de ses vœux aux Français le confirmeront, nous ne les exaucerons pas et n’en finissons pas den pâtir.

Le téléphone, le garde des Sceaux ne me fait aucun signe pour que je me retire, je vais simplement aux murs-bibliothèques. La conversation dure, elle n’est pas anodine. J’apprends donc que Pierre Joxe, ministre de l’Intérieur [101]– je le rencontrerai plusieurs fois quand il sera à la Défense et moi, notre ambassadeur au Kazakhstan, choses hors du sujet dont je souhaite vous convaincre mais que je raconterai bientôt par un autre livre – lui propose par qui remplacer le directeur de son cabinet, lequel vient de faire défaut. Je ne l’ai pas suivie, mais une grève du personnel pénitentiaire trouble cet été, celui du retour au pouvoir de l’ancienne équipe, celui de l’accession au pouvoir du nouveau ministre. Le seul sujet qui passionne Pierre Arpaillange, d’ailleurs nommé pour cela, est la réforme du Code pénal, et principalement la procédure pénale. C’est la militance de sa vie. Profondément sensible, évaluant la misère et les nécessités, les faisant siennes, et croyant que le droit, la jurisprudence, les comportement de l’institution et des personnels judiciaires peuvent y remédier, il veut aboutir, et en paraît seul capable, parce qu’il en la science et aussi la pratique. Le ministre de la Police et le Parti socialiste, plus dominant que depuis longtemps et comme il ne le sera jamais plus, imposeraient donc au ministre son premier collaborateur. Pierre Arpaillange écoute – ce que je ne peux entendre – et répond, embarrassé. Je me décide, l’instant est maintenant.

Nous nous rasseyons de part et d’autre de sa table de travail. Il a besoin d’un directeur de son cabinet, celui-ci va lui être imposé. Solution de rechange ? je me propose, c’est l’effusion, il est tiré d’affaires. Sans doute, n’ai-je aucune expérience ni d’un cabinet ministériel, ni d’un conflit gravec avec du personnel aux tâches et responsabilités très sensibles. En sus, l’opinion publique est en haleine et la hiérarchie socialiste ne prise pas du tout les novices en politique, les personnalités – précisément des personnalités par elles-mêmes et ne devant rien à aucun appareil – dites « issues de la société civile ». ce ne sera pas facile mais d’évidence nous allons travailler avec bonheur et amitié ensemble. Il me remercie, me remercie, c’est lui le débiteur, il est sauvé. Quelle simplicité de sa part. Nous quittons la place Vendôme dans la voiture de sa fonction, faisons étape impasse La Fontaine pour qu’il rejoigne appartement et épouse, il en a besoin, si simple, quotidien alors que son portefeuille est l’un des plus lourd au gouvernement, et la voiture continue jusqu’où j’habite, entre autres, quand je suis à Paris où, en propre comme encore maintenant, je ne possède rien, sauf longtemps et merveilleusement, l’accueil de ma mère. Je suiséberlué, confiant, heureux. Bifurcation totale, métier nouveau, agrégatif de droit public, le Conseil d’Etat ensuite, fin des ambassades où, n’étant pas de la Carrière, je ne peux aboutir.

L’Elysée, quelques lignes confiées à la porterie pour Jean-Louis Bianco, le secrétaire général de la présidence de la République, le « feu vert » du Président pour notre combinaison. Un bristol me revient aussitôt. C’est d’accord et cela intéresse. Le garde des Sceaux me reçoit à nouveau, dans son oficialité – je vous raconte cela comme une expérience, une leçon de choses : l’isolement et l’improvisation pour qui est censément, vu ou entendu de l’extérieur, au pouvoir. Le savoir ou le comprendre devrait nous rendre admiratifs, et surtout nous emplir de la certitude que sans soutien populaire, le pouvoir ne peut s’exercer. Ce verbe-même montre l’artifice obligé des postures de tout gouvernant. C’est une épreuve psychologique à laquelle ne peut répondre la seule ingéniosité. Je ne suis pas sûr que la qualité de l’entourage et des collaborateurs suffise. La certitude doit être intime. Jean-Marcel Jeanneney, que je n’ai connu, qu’après l’épreuve, celle-ci durable mais au décor et aux scenarii très changeants, a été un homme de certitude. Son collaborateur et favori d’origine, aussi. Les autres, émules, adversaires ou serviteurs, le ressentent, l’employeur suprême qu’est le président de la République, dans notre système, plus encore. Pierre Arpaillange est vulnérable, inébranlable pour les sujets de fond, moins quand, déjeunant à la table du Premier Ministre, le jeudi suivant notre premier vendredi, il est apostrophé par Michel Rocard, devant des tiers d’importance. Lapidaire et impossible à discuter : il y a déjà un fou à la Justice, au gouvernement, il ne peut y en avoir deux. Le soir, longuement, j’entends au téléphone mon nouvel ami, encore plus embarrassé que la semaine précédente quand le ministre de l’Intérieur l’avait mis sous pression. Je comprends, nous renonçons, je ne suivrai ni la nomination de mon successeur (mentalement, huit jours, je dirigeais déjà, de l’aveu du garde des Sceaux, son cabinet) ni les péripéties parlementaires de la réforme du Code de procédure pénale. Nos carrières professionnelles continueront. Nous sommes vis-à-vis, quatre ans plus tard, au dîner d’Etat à l’Elysée en l’honneur de Nursultan Nazarbaev. Il me dit son émotion, pas tant de me revoir, mais que je lui ai si complètement pardonné cette conjoncture. Ne l’avons-nous pas manqué ensemble, n’étions-nous pas ensemble manipulés par la même machine, et n’y ai-je pas gagné son amitié ? Nous sommes heureux, pas d’être à cette belle table et au grand endroit, mais de nous revoir.

Nous ne nous reverrons plus jamais mais autre chose commence dès mon retour en France. Nous nous téléphonons souvent, il en a pris d’abord l’initiative, les papiers qui me sont encore publiés, quoique plus au Monde, puis ceux dont nous prenons l’habitude que je les lui envoie… il opine, il a l’expérience, la connaissance de presque tout, je lui soumets des rédactions à soutenir devant le Conseil d’Etat, puis devant la Cour européenne des droits de l’homme. Il s’agit du revirement de ma carrière, il s’agit d’abus de procédure que subit en des domaines professionnels divers ma chère femme, il s’agit de réfugiés politiques chez nous. Il approuve, conseille, me donne ou nous donne raison. Bien davantage que de l’emporter, ce qui ne m’arrivera que rarement ou seulement pour la forme, sans reconstitution de quoi que ce soit, les marques de son estime à écouter ou lire mes rédactions me comblent.

J’apprends aussi de lui – comme d’un vice-président honoraire [102] du Conseil d’Etat qui me permettra de lui rendre visite et de l’interroger sur les grandes fonctions de notre pays – ce qui fait la chair de notre organisation politique et administrative. Le récit de certaines montées en puissance puis au pinacle, je le reçois de deux mémoires et témoignages constitués dans le premier plan de notre Etats. C’est édifiant.

D’une longue adolescence à cette semi-vieillesse de maintenant, je suis passé ainsi d’une interrogation, d’une enquête ayant un héros pour phare et critère d’évaluation des événements et personnes qui m’étaient expliqués en 1969-1972, à d’autres questions et investigations, et qu’il faudrait – au point où nous avons chuté – mener à l’échelon national. Comment sont animées nos institutions ? qui en a l’esprit ? Nous avons ainsi vécu de 1995 à 2017. Puis, il s’est éteint : je projetais depuis plusieurs mois de lui faire part de ma tentative, au téléphone puis avec du papier, par la poste. Je ne l’ai pas fait. Si souvent, je remets et si souvent, je ne conclus pas, ou je manque à qui m’attend ou à qui m’a confié de faire et d’être. Il ne m’a jamais déçu, surtout lorsqu’à nos débuts, il fut empêché de nous offrir l’un à l’autre quelques années qui eussent été fortes, pour le bien commun du pays affectionné, et pour le quotidien du travail.

Nous étions devenus compagnons. Sans plus nous rencontrer ni nous voir, nous partageons la vie l’un de l’autre. Je sais ses enfants, inquiétude et fierté, il sait notre fille. L’affection fait désormais notre conversation. La leçon est simple. Un destin n’est pas accompli selon des promotions et la dévolution de très grandes fonctions. Nous apportons – ce qui ne se mesure que qualitativement, donc sans étalon – par notre effort accordé à celui d’autres et selon nos registres et nos âges. Il y a les attaches aux propriétés et lieux d’héritage ou d’enfance, il y a la discrétion mais surtout l’appui déécisif de la vie en couple, il y a le chagrin quand va mal le pays ou que se produisent des imposteurs, il y a la joie d’être contemporains et de se rencontrer. « Simple justice », son livre, acheté de justesse chez Julliard, boulevard Saint-Germain, avant d’aller à lui, place Vendôme, est égaré dans son départ de là-bas dont je n’ai mémorisé ni la date ni à qui il transmit le portefeuille. Il le fait refaire en fac-similé puisque l’ouvrage est épuisé. Michel Jobert avait reçu de moi son dernier livre ; trop las pour me le dédicacer aussitôt, ce fut perdu et c’est épuisé. Sans savoir que c’était une de nos dernières conversations, je rendis à Maurice Couve de Murville les lettres que lui adressait le général de Gaulle. Avant sa mort – il brûla tout, m’a-t-on dit : mère et fille que je vins interroger sur la face cachée du grand ministre. Quant à son livre « Une politique étrangère : 1958-1969 » [103], il était épuisé chez Plon, et sur ses étagères, on ne le trouva plus si tant est qu’on l’y ait cherché. Un témoin décisif de notre temps [104] n’a laissé à ses enfants que des cartes de visite, classées alphabétiquement : alter ego de Raoul Dautry, directeur du cabinet de Pierre Laval à Vichy, conseiller de tous après-guerre. « Le plus important banquier d'investissement du monde occidental » selon Fortune [105] n’a pas deux pages de notice biographique chez wikipédia et le plus photogénique des présentateurs actuels pour le « journal télévisé » d’un de nos médias, laisse sans éditeur le recueil des autobiographies rapportées à leur ouvrage, place Vendôme, la succession de nos ministres de la Justice. Quoique j’en évoque ici, mais pour mieux vous rendre les personnes envers qui j’ai dette et reconnaissance, je ne crois pas aux reliques, je crois à ce que font ou ont tenté de faire certains. Chez ceux-là tels qu’ils se sont laissés rencontrer par moi qui le leur demandais, je trouve la passion de notre pays et l’humilité devant l’outil que les circonstances, l’éducation, les études mais surtout le choix que souvent leurs contemporains fit d’eux. Une élection présidentielle devrait cette substance et attester d’épaisseurs personnelles. Pour avoir tant commis de plan de vie, d’écrits à commettre – ce fut l’emploi de son temps par Amiel, le diariste au stade suprême [106] – je ne crois plus aux programmes. Je crois à la disponibilité vis-à-vis de l’Esprit qui parle par autrui et par les circonstances. Soi-même, il y faut être attentif comme à l’audition, en concert, d’une œuvre qu’on n’a jamais entendue, et chez l’autre, l’évidence est là.

C’est parce qu’arrive, dans ma vie, l’heure de témoigner, que je veux le faire en termes les plus actuels et d’une façon la plus contagieuse, la plus multipliée. En quelques pages écrites comme je l’ai pu, mais très souvent inspiré bien plus fortement que si je composais de sang-froid et par logique, je viens de vous dire la substance de ce témoignage. Reste à le transmettre, vous pouvez m’y aider.

La nuit va s’achever, rien du jour n’est encore pénétrable, la pleine lune s’en est allée. Le peuple qui m’accompagne, j’ai tenté qu’il vienne ausis jusqu’à vous, qu’il vous assure de notre pays. Ni des questions, ni des dossiers, ni des circonstances, ni des candidatures, ni des procédures, pas même un scrutin, des scrutins, et très probablement beaucoup d’événements que, presque chacun de nous, nous prévoyons. La France se rencontre dans cet autobus, de marque étrangère, mais nous y sommes, debout et brinqueballé dans le haut des anciennes vignes d’Issy-les-Moulineaux : nous voyons le panorama parisien, un jeune garçon veut m’aider à disposer ma valsie et trouver une place assise, je me récrie, je le regarde, il est parfait, le teint bistre, non seulement notre nouvelle génération mais aussi notre nouvelle race. Pourtant, et grâce à lui, notre esprit, notre langue que lui et les siens, déjà la chaine de ses ascendants ont adoptés et choisis, bien davantage que nos territoires, notre patrimoine, nos acquis sociaux et autres, subsistent et même fleurissent, rehaussés. Je le questionne, l’autobus n’est plus loin de parvenu à son terminus, là où se dresse un court mur blanc avec l’inscription de nos dettes de guerre, il y aussi un buste de Leclerc. Son nom est Karim, je lui promets l’avenir. Si je parviens à faire campagne et à appeler à moi les cameras et les enregistreurs, je ne peux y rester seul qu’un instant, il va y avoir tout de suite Karim et tant de ma vie, de celle des autres et de la France. Vous, peut-être, me faisant un signe de réponse, puis de lecture, et – donc – venant.

Ami d’enfance à l’histoire familiale intense, de la naissance de chacun de ses frères au veuvage de sa mère, au sacerdoce dont il est marqué et dont il reconnaît – après bien des années sans plus l’évoquer quoique nous nous étions retrouvés, adultes mais pas changés – qu’en dure toujours l’onction, voici qu’il me lit et m’interrmpt. C’est le cri et toutes les dédicaces de l’Abbé Pierre : « et les autres ! ». Il précise, c’est fulgurant parce que c’est vrai et que l’essentiel, la fin et le début de tout, je n’avais pas su l’écrire, quoique si souvent la rencontre m’en soit donnée.  Je sais que, notamment dans mes moments parisiens, sur les marches de nos transports en commun, justement souterrains, ils m’attendent, pas toujours la pièce, mais toujours le regard. Des bénédictions, des écrits sur du carton, sans doute des histoires mais sans langue. Le besoin nu d’humanité. L’appel à un tout petit peu de réciprocité. Jean-Claude a adopté la misère et le manque du monde, il a vécu et travaillé, accueilli et organisé aux côtés du Père Joseph, l’œuvre et le réseau qui fait maintenant – pour la gloire de la France – le parvis du Trocadéro. Il habite, exprès, avec une épouse qui a vécu la même prise de conscience de l’inadéquation des vocations traditionnelles et de la vérité de les pratique par de tout autres applications. Pas toujours audible, tant je suis moi-même empêtré dans mon regard trop fait de passé, il ressemble par son souriant mystère à celles et ceux dont il parle. D’eux va nous arriver bien plus que l’avenir, la solution. Ce sont ceux que nous n’entendons pas, que nous ne rencontrons pas, dont nous ne pourrons jamais complètement assurer la participation, la représentation, parce que sans cesse ils se renouvellent dans le même appel, la même demande et nous invitent, par force, à éprouver le même scandale. Il y a tous les manques, y compris chez celles et ceux qui ont pour abri de leurs peurs et d’un quotidien soudainement étranger, obsessif et désert – ma mère l’a éprouvé – et ces manques, ces trous du monde sont aujourd’hui notre tâche et notre responsabilité, mais le remède nous viendra de les écouter. Je ne peux rien dire à leur place. Je les invite seulement à être là. Une présence qui nous atteint.

On n’est pas loin de la France, pas seulement parce que cela se passe chez nous comme ailleurs. Ce n’est pas loin parce que c’est humain. Ce n’est loin que parce que nous n’y pensons pas, ne cherchons pas à le voir. Rien à comprendre, tout à faire. D’autres le vivent, apparemment de deux bords, celles et ceux qui manquent (pire que de tout), celles et ceux – il y en a parmi nous – qui font plus qu’aider : ils sont avec elles, avec eux. Un regard, un murmure, souvent un geste religieux, de piété pour me dire une reconnaissance que je ne mérite pas. A elle, à lui, tassés sur des marches dures, à toutes celles et tous ceux qui n’ont, pour nous, pas de nom, je dédie tout effort de notre pays et de notre Vieux Monde, ils les aiment malgré tout et nous aiment, sans pouvoir le manifester autrement que par une présence, fugitive par notre faute. Mon ami vit avec elles, avec eux. Melchisédech serait à son côté, la Syro-Cananéenne et ses petits chiens aussi, la nièce de mon cher moine, si humain, si lacunaire, qui avoua à tous au bord de sa mort biologique et au bout de soixante-dix ans de vie monastique puis érémitique : « j’ai toujours fait semblant », cette femme que je ne connaîtrai jamais, passe ses nuits en maraude avec quelques compagnons pour embarquer vers du chaud, des matelas et des douches, les perdus d’espérance dans nos banlieues et le long même de nos très « beaux » quartiers. Mon ami d’enfance, dont j’ai souhaité recevoir la même vocation, entendre en toute certitude, celle qu’il me confiait avec deux autres de nos contemporains de foi et de collège, l’appel à tout… ce moine dont si vite après sa mort le corps avait commencé l’ultime pénitence de la décomposition… ils me confient un testament. L’ancien familier du second, de la classe servile de ce pays mi-sahariens, mi-sahélien que j’aime, attend de virement en virement, le suivant, cultivant, bâtissant, enfantant mais démuni pour une conclusion pérenne. La mère du premier a fermé les yeux sans rien dire de ce qu’elle avait vécu sans voir. Je crois que le mystère, nous ne pouvons le déchiffrer par nous-mêmes, mais remédier si peu que ce soit à ce dont d’autres souffrent et pleurent, hoquettent, n’est-ce pas à portée d’un premier pas ?

Le jour se lève, pas même noir des silhouettes de nos arbres, ces arbres qui nous ont accueillis ici, pas même blanc d’un ciel qui va sans doute choisir, aujourd’hui, d’être bleu. Un jour sans contraste, alors que la misère et le manque contrastent avec notre amnésie. Notre cécité nationale a son premier symptôme, là. De notre médication dépend toute suite. Je voudrais en parler avec vous, que vous me communiquiez non pas votre analyse, mais ce que vous en vivez, vous surtout. Et que nous nous y mettions. Tout commencera, c’est-à-dire que nous continuerons, trouvant la vérité de notre époque, de nos générations. Mais nous n’y sommes pas encore ou nous n’y sommes plus. C’est pourquoi nous ne durerons pas sans vivre cette recherche, même si elle n’aboutit que par d’autres, après nous. Notre fille le sait déjà.


[1] - dimanche 22 janvier 2017

[2] - les primaires dites de la droite et du centre ont aligné en débat télévisé les  - un premier tour de scrutin, fréquenté par a décidé le duel François Fillon / Alain Juppé. Le premier l’a largement emporté, mais le le 25 Janvier 2017, une partie de la presse emmenée par le Canard Enchaîné, le met en difficulté à propos de quelques 600.000 euros perçus par son épouse Pénélope, comme son attaché parlementaire, et – quand il est à Matignon – comme critique littéraire à la Revue des deux mondes
[3] - 1912 + 2007 – prêtre, résistant, député à l’Assemblée nationale française de 1945 à 1951, il fonde Emmaüs en 1949 pour les sans-logis et les miséreux et lance le 1er Février 1954 un appel, par radio, à la génorisité publique tant cet hiver-là est froid. Le « succès » est immense, et de cette date à sa mort « l’abbé » est l’apôtre de toutes les causes difficiles, dont celle des sans-papiers de plus en plus emblématiques au point qu’il accuse dans les médias en Avril 1996 le Premier ministre, Alain Juppé, de lui avoir menti à propos de l’occupation d’une église, évacuée ensuite de force. Rger Garaudy, collègue au Palais-Bourbon, fait alors paraître un essai négationniste. Par amitié mais sans avoir lu le texte, l’Abbé Pierre le soutient et s’isole ainsi complètement jusqu’à une réconciliation avec les siens et surtout les médias, au bout de quelques mois très difficiles – c’est pendant ces mois de Mai à Juillet, particulièrement que ma femme et moi nous nous relatyons, seuls auprès de lui
[4] - Marie-Louis-Georges Colomb, dit Christophe – 1856 + 1945wikipédia à jour au 30 janvier 2017 . un des précurseurs de la bande dessinée en France et un biologiste auteur de manuels scolaires.
Christophe est surtout connu pour être l'auteur d'histoires illustrées parues en feuilleton à la fin du XIXe siècle. Très fin observateur de la société, inspiré par les images d'Épinal, il est le créateur de personnages comme la famille Fenouillard, le sapeur Camember, le savant Cosinus et les lutins Plick et Plock.
Le texte de ses œuvres se caractérise par un vocabulaire extrêmement recherché, et par ailleurs riche en allusions culturelles, littéraires, historiques et géographiques autant que scientifiques. Le calembour subtil y a aussi ses droits au service d'un humour parfois loufoque comme dans Les Malices de Plick et Plock, parfois satirique (La Famille Fenouillard), ironique mais toujours tendre.
La notoriété de ses planches ne doit pas faire oublier qu'il a participé pleinement à la vie de son époque. Ami de Jean Jaurès, d'Alfred Baudrillart et de Tristan Bernard, il fut également botaniste de renom et pédagogue moraliste. Il a donné également des cours particuliers aux enfants Dreyfus à l'époque de l'Affaire.
Il étudie à Besançon. Le milieu de son enfance lui inspirera plus tard les décors du Sapeur Camember. Bachelier ès lettres à 16 ans, ès sciences à 18, il intègre l'École normale supérieure en 1878, où il obtient une licence de mathématiques, de sciences physiques puis de sciences naturelles (parmi ses condisciples figure Henri Bergson). À sa sortie, il épouse Hélène Jacquet en 1882 et enseigne les sciences naturelles au futur lycée Condorcet où il comptera parmi ses élèves le jeune Marcel Proust. En 1884, il est nommé professeur au lycée Faidherbe à Lille dont la cité va fortement l'inspirer pour la famille Fenouillard.
En 1887, il est nommé préparateur de botanique à la Faculté des sciences de Paris, et devient docteur en sciences naturelles2. Il complète son revenu par des dessins dans différents journaux et commence à faire paraître en 1889 les premières bandes de La Famille Fenouillard, ce qui ne plaît guère à sa hiérarchie (nombreux échanges épistolaires aux Archives Nationales). Il continue ses publications sous le pseudonyme de Christophe (en référence à Christophe Colomb)3.
De retour à Paris, il est nommé maître de conférences à la Sorbonne, où il termine sa carrière au poste de sous-directeur du laboratoire de botanique. Il est l'auteur de nombreux manuels scolaires en botanique comme en zoologie.

[5] - Jacques Onfroy de Bréville, dit Job – 1858 + 1931 – wikipédia à jour au 7 Février 2017, est un dessinateur, caricaturiste et illustrateur français. Son nom d'artiste, « Job », est composé à partir de l'initiale de son prénom usuel Jacques et de celles de son nom de famille, Onfroy de Bréville. Son père s'étant opposé à ce qu'il entre à l'École des beaux-arts à sa sortie du collège Stanislas, il s'engage dans l'armée, mais revient à Paris en 1882. De cet intermède, il conserve un goût immodéré pour la chose militaire, le patriotisme, voire le chauvinisme. Il intègre enfin l'École des beaux-arts et expose au Salon des artistes français en 1886. Il y reçoit un accueil mitigé. Il commence alors une carrière de dessinateur et contribue à La Caricature et à La Nouvelle Lune à coup de portraits charges.
Job est connu pour ses remarquables illustrations de livres d'enfants, dont les textes sont le plus souvent de Georges Montorgueil. Ses grandes compositions en couleurs ont contribué à entretenir le culte des héros de la nation. Ses dessins de Napoléon et de Murat ont peuplé l'imaginaire de générations d'enfants. Son sens du détail se retrouve dans L'Épopée du costume militaire français. Même dans les albums destinés aux enfants, il veille à reproduire les uniformes avec une extrême précision.
Ses livres les plus réputés sont Murat, Le Grand Napoléon des petits enfants, Jouons à l'histoire, Louis XI, Napoléon, Bonaparte, François Ier, Richelieu et Les Gourmandises de Charlotte. Il a également illustré la vie de Washington et s'est fait connaître aux États-Unis. Artiste plein de verve et de gaieté, il a été sociétaire des humoristes et a exposé aux Incohérents. Son atelier est reconstitué au musée de Metz.

[6] - Jean-Jacques Waltz, alias Hansi ou Oncle Hansi - 1873 + 1951 - wikipédia à jour au 21 janvier 2017

 1912 : L'Histoire d'Alsace Racontée aux Petits Enfants d’Alsace et de France par l’Oncle Hansi

1912 : Professor Knatschké (œuvres choisies du grand Savant allemand et de sa fille Elsa), Paris, Henri Floury
1913 : Mon Village, ceux qui n’oublient pas
1921 : Le voyage d’Erika en Alsace Française
1922 : À travers les lignes ennemies
1929 : L'Alsace - Guide Arthaud, Ed. à Grenoble
1929 : Les Clochers dans les vignes - Librairie H. Floury - Paris
- « Hansi (Jean-Jacques Waltz, dit), caricaturiste alsacien né à Colmar en 1873. Il s'est fait connaître par ses fines et satiriques observations des Allemands, notamment par son livre Le Professeur Knatschke (1912), réunion fantaisiste des œuvres de ce grand savant imaginaire et de sa fille Elsa. » Larousse du XXe siècle, édition 1930.
- « Le talent de Hansi est indiscutable, d'imagiste, de paysagiste et surtout de satiriste. » Tomi Ungerer
- « Hansi est accusé par les historiens d'avoir présenté une Alsace mythique adaptée à l'idéologie de la Revanche et d'être à l'origine du malentendu qui a surgi après la victoire de 1918 entre le gouvernement français soucieux d'effacer près d'un demi-siècle d'occupation allemande et les Alsaciens jaloux de leur spécificité régionale ». Pierre-Marie Tyl, Le Grand Livre de l'oncle Hansi.

[7] - à une date imprécise, au plus tôt en 1919 et au plus tard 1924, né à Boutilimit dans le sud-ouest semi-désertique de la Mauritanie, il en est le premier chef de gouveernement en Mai 1957, puis le premier président de la République Islamique en Août 1961. Renversé, en pleine guerre du Sahara, par ses lieutenant-colonels, en Juillet 1978, interné à Oualata, il est évacué sanitaire vers la France en Octobre 1979 où il demeure en exil, sauf un moment en Tunise, où il commence de rédiger ses mémoires : la Mauritanie, contre vents et marées, paru les lendemain de sa mort chez Karthala en Octobre 2003. Il était rentré d’exil en Juillet 2001 et j’avais eu l’honneur de le racompagner au pays, puis de nouveau de le visiter, chaque fois reçu en famille avec tous les siens

[8] - l’état-civil et ses registres sont apparus et ne se sont généralisés avec la rigueur des nôtres que dans les années 1950, en Afrique subsaharienne française, et encore pas partout : exemple, cette Mauritanie qui m’est si chère et proche
[9] - Maurice Larue – à ne pas confondre avec son homonyme, le peintre bordelais + 2015 – administrateur de la France d’Outre-Mer
[10] - la mise en œuvre d’une loi promulguée un an auparavant en même temps que la révision constitutionnelle reconnaissant le Parti du Peuple Mauritanien comme parti unique de l’Etat, suscite une grève des personnels, surtout enseignants, originaires de la Vallée du Fleuve, hostile à une généralisation de l’enseignement de l’arabe et en arabe ; en Janvier 1996, c ircule un tract dit des « 19 » qui restera emblématique d’une revendication à base ethnique, et à partir de 1986, également sociale : la question des affranchis de race noire mais de culture arabe ; un mois plus tard, des bagarres entre élèves d’ethnies différentes au lycée de Nouakchott – le conflit se résorbe, l’option du bilinguisme est ratifiée et le feu qui couve encore aujourd’hui devient un énorme incendie en Avril-Mai 1989, mais sous un tout autre régime, celui d’un comité militaire, issu de putsches successifs : pogroms au Sénégal et en Mauritanie, fuites et émigrations, la question des réfugiés et de leur retour n’a commencé de se régler que pendant les quelques mois de démocratie locale . Avril 2007 à Août 2008 . en même temps qu’ont été criminalisées les pratiques essclavagistes, quand elles persistent. C’est l’œuvre incontestée de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, qui avait été ministre du Plan puis de l’Economie à la fin de la période fondatrice, incarnée par Moktar Ould Daddah 

[11] - Mohamedoun, leur premier né en Décembre 1966, puiis Faïza et enfin Azeddine

[12] - Le Monde veut bien me publier sous ce titre qui, en Mauritanie et autour, aura de la force

[13] - le 2 Octobre 1979
[14] - le Calame, paraissant à Nouakchott, diffusé à quelques 4.000 exemplaires,en sus d’une forte fréquentation de son site - http://lecalame.info/?q=node/3707

[15] - Maurice Couve de Murville . 1907 + 1999 – major de Sciences-Po. puis au concours de l’inspection des Finances, au Mouvement des Fonds à partir de 1932 (ministère des Finances, rue de Rivoli), négociateur pour l’ensemble des questions économiques et financières à la Commission allemande d’arministice (1940.1943), commissaire aux Finances du Comité français de Libération nationale (à Alger, duumvirat Giraud-deGaulle) jusqu’en Novembre 1943 (PMF lui succède), représentant de la France à la commission interalliée supervisant à Naples puis à Rome l’armistice italien (1944.1945), directeur des Affaires politiques au Quai d’Orsay (1945.1950), ambassadeur au Caire (1950.1954), négociateur du traité de l’Union de l’Europe occidentale permettant le réarmement allemand et son intégration dans l’OTAN, ambassadeur à Washington (1955.1956- rappelé pour son opposition par avance à l’équipée de Suez), puis à Bonn (1956.1958), ministre des Affaires Etrangères du général de Gaulle (Juin 1958 à Juin 1968), ministre de l’Economie et des Finances (Juin-Juillet 1968), dernier Premier ministre du général de Gaulle (1968.1969), député puis sénateur (1973 à 1995)
Le général de Gaulle écrit de lui.  Mémoires d’Espoir, tome I, p. 181
Maurice Couve de Murville a le don. Au milieu des problèmes qui se mêlent et des arguments qui s'enchevêtrent, il distingue aussitôt l'essentiel de l'accessoire, si bien qu'il est clair et précis dans des matières que les calculs rendent à l'envi obscures et confuses. Il a l'expérience, ayant, au cours d'une grande carrière, traité maintes questions du jour et connu beaucoup d'hommes en place. Il a l'assurance, certain qu'il est de demeurer longtemps au poste où je l'ai appelé. Il a la manière, habile à prendre contact en écoûtant, observant, notant, puis excellant, au moment voulu, à formuler avec autorité la position dont il ne se départira plus. Il a la foi, persuadé que la France ne saurait durer qu'au premier rang, qu'avec de Gaulle on peut l'y remettre, que rien ne compte ici-bas excepté d'y travailler.
* 5 Février 1964 – Le Monde  " deux grands magazines américains Time et Newsweek soulignent la remontée diplomatique de la France "
- Time, faisant sa couverture sur Maurice Couve de Murville
" insaisissable comme homme, c'est peut-être parce qu'il est un diplomate presque parfait, qui a les rouages de son ministère sous son contrôle total et constant. Couve de Murville paraît avoir plus de liberté d'action que bien des ministres des Affaires Etrangères " ... " Avec une population de quarante-huit millions d'habitants seulement, un territoire plus petit que le Texas, une économie propspère mais qui ne se compare pas avec celle de l'Allemagne de l'Ouest, et un engin nucléaire trop encombrant pour être aéroporté, la France est devenue par l'emploi judicieux de la diplomatie dans le sens classique une puissance avec laquelle le monde doit compter "
- Newsweek, couverture sur  de Gaulle " France, retour à la grandeur ? " " a montré sans équivoque que la France faisait sa rentrée sur la scène mondiale Tout naturellement il semblait déjà parler au nom de l'Europe "
* 30 Avril 1964 – Le Monde . bulletin de l’étranger "Les mains libres " (Maurice Couve de Murville ouvre le troisième débat de poliique étrangère de la législature " il est permis de constater sans outrecuidance que la France a retrouvé sa place dans tous les secteurs des affaires du monde "

[16] - une photo. peu publiée le représente dans ses premiers mois à l’Elysée, debout, les fesses posées sur la table de travail du Général – il trouve, mais le photogaphe aussi ?, la pose : naturelle – anien élève de l’Recole normal et agrégé des lettres, d’extraction très modeste, la famille d’un instituteur dans le Cantal, il est « l’agrégé sachant écrire » que souhaite s’attacher de Gaulle à la Libération. René Brouillet fait les présentations et Georges Pompidou (1911 + 1974) reste proche de l’homme du 18-Juin pendant toute la « traversée du désert », titre valant ceux de la Résistance à laquelle il n’appartint pas. Il émarge en même temps à la Banque Rothschild jusqu’en 1958, il dirige le cabinet du Général à Matignon avant que se mette en place la Cinquième République, dont il sera le Premier Ministre de 1962 à 1968, essyant notamment les fuex de Mai-68. A la suite desquels il officialisera sa candidature à la succession du général de Gaulle, ce qui ne fut pas sans conséquences pendant la campagne référendaire d’alors, qui fut perdue : de Gaulle, démocrate s’il en est, n’étant plus assuré de la confiance des Français, démissionna. Son ancien Premier ministre dura moins comme président de la République. Juste cinq ans, et proposa d’ailleurs la réduction à cette durée du mandat présidentiel et mourut d’une maladie rare : celle de Waldenström

[17] - polytechnicien, membre du cabinet de Léon Blum, pendant le Front populaire, puis chargé en second des services secrets de la France libre, il fonde avec René Capitant, l’Union démocratique du Travail U.D.T.caution de gauche du général de Gaulle, illustrée par l’hebdomadaire officieux : Notre République. Rapporteur général du Budget à l’Assemblée natonale, il propose d’y insérer la participation des salariés à l’accroissement des valeurs d’actif de leur entreprise – ce qui l’oppose notamment à Georges Pompidou alors Premier ministre. Celui-ci parvenu à l’Elysée, Louis Vallon (1901 + 1981) publie contre lui un pamphlet retentissant, l’anti-de Gaulle, ouvrant le procès en fidélité du nouveau président de la République – ce que publie ensuite Le Monde, sous ma signature à partir de Mars 1972, est dans cette ligne

[18] - le 12 Janvier 1970

[19] - le ministre des Affaires Etrangères, refusant spontanément et sans s’en être entretenu avec de Gaulle, la « grande zone de libre-échange » que suggère en Décembre 1958 la Grande-Bretagne, alors même que le traité de Rome instituant un Marché commun réservé entre les Six fondateurs, dont elle n’est pas, attend encore son entrée en vigueur – il semble que le Général ne l’apprit que de la bouche de Ludwig Erhard, ministre fédéral allemand de l’Economie, venant lui demander au contraire l’approbation de la France…

[20] - en conférence de presse, en Janvier 1963, le président de la République met son « véto » à l’entrée de la Grande Bretagne dans ce Marché commun – Maurice Couve de Murville l’apprend en séance à Bruxelles par son holomogue belge
[21] - avant de dire Rivoli – à quoi succéda l’appellation : Bercy, quand furent effectifs le déménagement, la délocalisation de l’imposant ministère voulus par Pierre Bérégovoy et qu’essaya d’empêcher Edouard Balladur, pour la seule gloire des bureaux impériaux et royaux de notre XIXème siècle – on disait : le palais du Louvre…
[22] - après avoir été le premier commissaire aux Finances de la France combattante, à Alger, Maurice Couve de Lurville cède la place à Pierre Mendès France (Novembre 1943) et devient notre représentant à Naples puis à Rome dans l’autorité quadripartite (France, Etats-Unis, Grande-Bretagne, Union soviétique) qui régit l’Italie après son armistice. A la Libération, de Gaulle le nomme directeur des Affaires politiques, au Quai d’Orsay, pour y doubler le ministre en titre Georges Bidault, qui finit par l’évincer en 1950 en l’acréditant au Caire. Rappelé en France pour résoudre la question de l’appartenance de l’Allemagne à l’Alliance atlantqiue, il est ensuite ambassadeur aux Etats-Unis, auxquels il s’oppose à propos de ce qui va devenir la crise de Suez, et va à Bonn où le trouve la formation du gouvernement conclusif de la Quatrième République, celui du général de Gaulle le consultant avant tout autre
[23] - Jacques Fauvet . 1914 + 2002 .journaliste à l’Est Républicain, avant-guerre, il entre au Monde dès la fin de sa capitivité, y est chargé du service politique en 1948, puis en devient rédacteur en chef adjoint en 1958, puis en titre en 1963. Succédant à Hubert Beuve-Méry en 1969, il dirige le journal jusqu’en 1982. François Mitterrand le nomme à la Commission nationale Informatique et Libertés, qu’il préside de 1984 à 1999
* essais politiques publiés de son vivant, mais j’aimerais que soient publiés ses chroniques parlementaires pour l’Est Républicain, et ses éditoriaux, paraphés JF, en tant que directeur du journal
Les Partis dans la France actuelle, 1947
Les Forces politiques en France, 1951
La France déchirée, 1957
La IVe République, 1959
La Fronde des généraux, 1961 . avec Pierre Planchais
Histoire du parti communiste français, 1964-1965, rééditée avec Alain Duhamel

[24] - né en 1931, fils de René Maheu, directeur général de l’UNESCO, il est magistrat à la Cour des comptes et maître de conférences à Sciences-Po. de 1959 à 1970, quand je suis l’un de ses élèves (1960-1961) et quelques mois son assistant. Il sera ensuite au secrétariat général de l’Eysée de 1962 à 1967,  puis directeur de la Jeunesse au ministère compétent et enfin directeur de l’Orchestre national de Paris

[25] - Jean Lacouture, son époux sur le niveau de gratifications et rémunérations que veillait Simonne avec exigence, me fit connaître la même déception : l’essai que m’inspira la démission forcée de de Gaulle, et qui m’avait fait rencontrer Louis Vallon, enthousiaste à ma lecture, fut refusé, toujours au Seuil parce que quelques-unes de mes lignes à propos de l’Indochine déplurent. Or, Louis Vallon qui me recommandait, venait d’apporter rue Jacob une vente de quatre-cent-mille exemplaires
[26] - Une question rentrée – Le Monde du 26 Mai 1971 : j’ai constaté que la liberté d’opinion n’existe pas quand le moyen de l’exprimer est hors de portée

[27] - il est alors éditorialiste, rattaché au directeur-même. Né en 1931, il sera nommé au Conseil d’Etat, en 1991, sur demande exprès de François Mitterrand à qui il a plu
[28] - une veuve et sa fille se font mettre en prison après que la gendarmerie voulant faire exécuter une décision de justice ait pris d’assaut leur manoir de la Fumade et tué le fils et frère – Le Monde du  19 Février 1975 : je m’appelle Portal, qui avec un papier de Jean Dutourd dans le Figaro, et des interventions dans chacune des deux chambres, contribue à faire libérer les deux femmes

[29] - mais le soir de mon atterrissage à Lisbonne (ma première affectation diplomatique), le 4 Septembre 1975, je réplique à l’allocution mensuelle du président de la République : l’économie abstraite . Le Monde du 6 Septembre 1975 – dicté au téléphone

[30] - ce qui s’avéra sans objet puisque mon dernier article publié le fut trois mois avant que Jacques Fauvet ne quitte le journal – Le Monde du 6 Avril 1882 . réinventer le gouvernement
[31] - carte de Jacques Narbonne, chargé de mission à l’Elysée pour les questions d’Education nationale de 1958  à 1967, adressée à François Goguel – celui-ci (1909 + 1999) entré en 1931 aux services législatifs du Sénat en est le secrétaire généraldu Sénat de 1954 à 1971, professeur à Scxiences-Po. de 1948 à 1974, il analyse les scrutins nationaux dont il fonde la sociologie à la suite d’André Siegfried. Georges Pompidou le nomme au Conseil constitutionnel en 1971

[32] - 1910 + 2010 – fils de Jules Jeanneney, sous-secrétaire d’Etat à la présidece du Conseil dans le gouvernement de Georges Clemenceau (1917-1920), président du Sénat (1932-1940), ministre d’Etat à la Libération - lui-même agrégé des sciences économiques avant la guerre, dirige le cabinet de son père à Matignon, enseigne ensuite à Grenoble puis à Paris. Il est ministre de l’Industrie de 1959 à 19862, puis ministre des Affaires soxciales de 1966 à 1968 et enfin ministre d’Etat, chargé de la rédaction du texte soumis au référendum de 1969. Il fonde en 1981 l’Observatoire français des conjonctures économiques O.F.C.E. et le préside jusqu’en 1990, après avoir secondé François Mitterrand pour les premiers sommets économiques auxquels participe ce dernier
[33] - 11 Septembre 1997 : JMJ, des jeunes en attente de confiance. La solution-miracle…

[34] - Georges Bernanos

[35] - pseudonyme devenu transparent, d’Hubert Beuve-Méry, le fondateur en 1944, recevant du général de Gaulle, Le Monde en mission : il fallait un « grand » journal, ce le fut à l’adresse et avec la typographie du Temps

[36] - Le Monde du 30 Mars 1972

[37] - René Andrieu . 1920 + 1998 : du sang sur les mains à la tête des FTP dans le Lot, Croix de guerre, des articles plus qu’engagés au moment de l’insurrection hongroise et soutenant la ligne soviétique, tout le temps qu’il est rédacteur en chef de l’Humanité : 1958 à 1984, l’organe qquotidien du Comité central du Parti communiste français. Il a publié
Les Communistes et la Révolution, Julliard, 1968
En feuilletant l'histoire de France du Front Populaire à nos jours, avec Jean Effel, Albin Michel, 1969
Du bonheur et rien d'autre, conversations avec Claude Glayman, Robert Laffont, 1975
Lettre ouverte à ceux qui se réclament du socialisme, Albin Michel, 1978
Choses dites, Éditions Sociales, 1979
Stendhal ou le bal masqué, J. C. Lattès, 1983
La Guerre d'Algérie n'a pas eu lieu : 8 ans et 600 000 morts, Messidor, 1992
Un rêve fou ? Un journaliste dans le siècle, L’Archipel, 1996

[38] - Après tant de batailles, Pierre Messmer, pp. 296 et ss.  mémoires . éd. Albin Michel 1992

[39] - le discours du général de Gaulle à Phnom Penh : Eh bien ! la France considère… il n’y a aucune chance,

[40] - La fin d’un alibiLe Monde du Août 1975
[41] - de Gaulle à Kissinger, suivant Richard Nixon dans le bureau présidentiel, au dernier printemps d’un pouvoir qui fut révolutionnaire : quelle énergie dans ce petit corps !

[42] - Michel Jobert . 1921 + 2002 . né au Maroc, arrivant en France à l’âge de 20 ans, « faisant » la campagne d’Italie, il participe au cabinet de Pierre Mendès France en 1954-1955, puis à Dakar, est le premier collaborateur de Gaston Cusin, Haut-Commissaire général en A.O.F.. Après un moment au cabinet de Robert Lecourt, ministre du Sahara, il entre à celuit du Premier ministre Georges Pompidou en 1964 et le dirige de 1966 à 1968. Secrétaire général de l’Elysée de 1969 à 1973, dès qu’y entre l’ancien Premier ministre. Ministre des Affaires Etrangères de Georges Pompidou en 1973-1974 (c’est à la fin de cet exercice qu’il me reçoit), et enfin ministre d’Etat, chargé du Commerce extérieur, avec François Mitterrand d 1981 à 1983. En 1974, il fonde le Mouvement des démocrates

[43] - elle fut secrètement négociée par Michel Jobert avec Edward Heath, devenu Premier ministre en 1970
[44] - le 8 Avril 1974 - nous ne nous quitterons plus jamais de pensée ni de correspondance.

[45] - sa bibliographie
Mémoires d’avenir, 1974
Les Idées simples de la vie, 1975.
L’Autre Regard, 1976
Lettre ouverte aux femmes politiques, 1976
Parler aux Français, 1977 . dont il me fait l’honneur que je l’introduise
La Vie d’Hella Schuster, 1977
Maroc, Extrême Maghreb du soleil couchant, 1978
La Rivière aux grenades, 1982
Chroniques du Midi libre, 1982
Par trente-six chemins (je n’irai pas...), 1984
Vive l'Europe libre !, 1984
Maghreb, à l’ombre de ses mains, 1985
Les Américains, 1987
Journal immédiat... et pour une petite éternité, 1987
Vandales, 1990
Journal du Golfe : août 1990-août 1991, 1991
Ni dieu ni diable. Conversations avec Jean-Louis Remilleux, Albin Michel, 1993
L’Aveuglement du monde occidental. Chroniques de politique internationale 1993 - 1996, 1997
  • Les illusions immobiles : chroniques de politique internationale 1996-1998, 1999

[46] - les Mémoires d’avenir dès l’automne de 1974
[47] - Denise Ragot, restée avec lui depuis le moment où mon administration d’origine, le lui avait adjointe quand il vint, censément, la superviser, quai Branly. Il découvrit que notre République peut être gouvernée par des ministres sans décret d’attribution et sans même une influence de nomination pour les personnels censés exécuter tâches et animations correspondant à l’intitulé du portefeuille : la Direction des Relations Economiques Extérieures, donc, et le ministère du Commerce extérieur
[48] - Pierre Bérégovoy . 1925 + 1993 -  secrétaire général de l’Elysée dès qu’y entre François Mitterrand, ministre des Affaires sociale en , puis en charge de l’Economie et des Finances de 1984 à 1986 et de nouveau de 1988 à 1992, Premier ministre en 1992-1993

wikipédia à jour au 1er Févrer 2017 son père un Ukrainien, capitaine blanc et menchevik. Ce dernier, né à Izioum dans la région de Kharkiv en Ukraine, a immigré en France, où il tint un café-épicerie. À l'âge de 5 ans, Pierre Bérégovoy est pris en charge par sa grand-mère maternelle. (…)En 1937, il obtient son certificat d’études. En 1941, son père tombant gravement malade, il quitte le lycée, obtient un brevet d'enseignement industriel (BEI), un CAP d’ajusteur, un CAP de dessinateur industriel. Selon son gendre Georges Cottineau, Pierre Bérégovoy était aussi diplômé de l'École nouvelle d'organisation scientifique du travail. L'origine de cette information est son CV figurant au secrétariat général de la présidence de la République.

En 1941 il travaille à l'âge de 16 ans pendant neuf mois à l’usine de tissage Fraenckel en tant que fraiseur. L'année suivante, il entre sur concours à la SNCF. Il rencontre Roland Leroy. Il entre dans la Résistance via le groupe « Résistance-fer ». Il s'engage également dans les jeunesses socialistes. En juin 1944 il participe à la libération de la banlieue rouennaise .
En 1949 il est nommé au cabinet de Christian Pineau, ministre des Travaux publics et des Transports dans le gouvernement Henri Queuille, en tant que chargé des relations avec les syndicats.
En 1950 il entre à Gaz de France comme agent technico-commercial à Rouen, puis obtient en 1957 sa mutation pour Paris. En 1972 il est promu chargé de mission à GDF. En 1978 il termine sa carrière comme directeur adjoint à GDF.
En mai 1946, il adhère à la SFIO et créera une section syndicale tendance FO.
En 1949, il dirige l'hebdomadaire socialiste La République de Normandie.
En 1958, il quitte la SFIO pour participer à la fondation du futur PSU en 1959 et y devient, à partir de 1960, collaborateur de Pierre Mendès France, chargé des questions sociales.
En 1967, il quitte le PSU pour adhérer à l'Union des clubs pour le renouveau de la gauche, animée par Alain Savary.
En 1969, il rejoint le « nouveau Parti socialiste » au congrès d’Alfortville.
En 1971, il participe au congrès d'Épinay du Parti socialiste, puis aux négociations en vue de la signature du programme commun.
En 1973, il devient secrétaire national chargé des affaires sociales puis, à partir de février 1975, chargé des relations extérieures, il le sera jusqu'en 1979.
En 1974 il participe à la campagne présidentielle de François Mitterrand.
En 1977, il négocie avec le PCF « l'actualisation du programme commun ».

[49] - élections à l’Assemblée nationale, en Mars 1986 où du fait de la représentation proportionnelle, le Front national constitue un groupe parlementaire et le Parti socialiste est moins perdant que prédit. Jacques Chirac est appelé par François Mitterrand à former un gouvernement dont le Président ne refuse que la nomination de Jean Lecanuet au Quai d’Orsay – largement réélu en Mai 1988, François Mitterrand (« la France unie ») dissout l’Assemble nationale, nomme Premier ministre Michel Rocard qu’il n’aime pas et le nouveau gouvernement comprend les principaux ministres de 1984 et de nouveaux issus de la « société civile »

[50] - il avait choisi déjà Daniel Cousserand

[51] - la MICECO
[52] - Edouard Balladur, dès sa nomination de ministre des Finances, dans le gouvernement de cohabitation, avait fait arrêter le projet de transfert à Bercy

[53] - je sus ainsi que le Zimbabwe, ex-Rhodésie du sud indépendantiste, désormais aux mains de Mugabe, m’avait échappé – je ne le réclamais d’ailleurs pas – au seuil d’un conseil des ministres : Michel Rocard disant au Président son opposition à raison de ma médiocrité. Un camarade de la rue Saint-Guillaume, son conseiller diplomatique me confirma que l’on ne prenait que les meilleurs, et que je n’étais donc pas. Le public a tort de croire à une solidarité maffieuse ou maçonnique entre anciens élèves de l’Ecole nationale d’administration : nous sommes tous rivaux puisque tous ensemble candidats à des postes peu nombreux – nullement complémentaires. Le voyage du ministre à Vienne eut lieu en Juillet 1989 et la proposition d’Afrique australe en Avril précédent : il ne m’en resta que l’acquisition d’une magnifique carte en deux panneaux de l’ensemble du continent africain, gravée sous la Régence, faute d’avoir trouvé une des lieux seuls. Une par pays depuis ma premiè-re affectation, celle du Portugal présente le pays à l’horizontal quoique ses plus grandes dimensions soient nord-sud

[54] - seulement deux fois. A un concert de charité au Grand Trianon, il est l’hôte de Jacques Delors, son prédécesseur aux Finances promu président de la Commission européenne ; ils arrivent tranquillement, sans entourage, conversant, aussi en vue que l’orchestre qui vient de prendre place. Devant sa table de travail à Matognon, recevant les ambassadeurs de ma promotion, les pays nouvellement indépendants de l’Union soviétique. Familier, je lui ai adressé la parole sans protocole, tandis que derrière moi, un de mes aînés, bien établi dans la Carrière car il avait fait partie de la dernière mouture autour du général de Gaulle et avait documenté celui-ci pour l’écrirure des Mémoires d’espoir… me pinçait au sang l’avant-bras pour me faire disparaître. Souvent, cette situation où je ne suis pas toléré s’est reproduite dans ma vie, en profession et hors profession

[55] -
[56] - notre ambassade au Kazakhstan n’ayant pas de précédent pour le pays, je voulus durant toute ma mission visiter chacune des régions (de mémoire : 22) en voiture, y montrant notre drapeau, laissant aux instituts locaux enseignant les langues étrangères et principalement la nôtre un poste de télévision et un magnétoscope (financé par le mécénat des entreprises souhaitant s’introduire sur le marché) de façon à exploiter des bandes que nous enverrons régulièrement – ces milliers de kilomètres en voiture nécessitent subitement une cure d’éventration
[57] - Pierre Messmer . 1916 + 2007 – la France d’Outre-Mer par la grande école, la France libre par le combat notamment en Syrie et  Bir-Hakeim, Compagnon de la Libération,la misson en Indochine à recouvrer quand la métropole est libérée, le commandement en Afrique occidentale française puis en Afrique équatoriale… ministre des Armées de la totale confiance du Général, ministre des Départements et Territoires d’Outre-Mer, Premier ministre de Georges Pompidou, candidat d’un jour à l’élection présidentielle de 1974, président du groupe parlementaire RPR pendant la cohabitation de 1986-1988, un temps président du conseil régional de Lorraine et maire de Sarrebourg, élu à l’Académie française
bibliographie selon wikipédia
Le Régime administratif des emprunts coloniaux : thèse pour le doctorat en droit, Librairie sociale et économique, 1939
De la Répression des fraudes commerciales : contribution à l'étude des dispositions législatives relatives à la répression des fraudes commerciales, thèse, impr. des Dernières nouvelles de Strasbourg, 1954
Le Service militaire, débat avec Jean-Pierre Chevènement, Balland, 1977
Les Écrits militaires de Charles de Gaulle : essai d'analyse thématique, Presses universitaires de France, 1985 (en collaboration avec le professeur Alain Larcan)
Après tant de batailles : mémoires, Albin Michel, 1992 (18e Prix Fondation Pierre-Lafue 1994)
Les Blancs s'en vont : récits de décolonisation, Albin Michel, 1998
La patrouille perdue : et autres récits extraordinaires, Albin Michel, 2002
Ma part de France : entretiens avec Philippe de Saint Robert, F.-X. de Guibert, 2003


[58] - je suis un anti-conformiste impénitent, ainsi commence son intervention d’opposant au projet de quinquennat en Octobre 1974, alors même qu’il vient à peine d’entrer au Palais-Bourbon pour la première fois, en tant que député – Georges Pompidou a tout fait pour qu’il ne retrouve pas son siège putatif dans le VIIIème arrondissement dès l’automne de 1969 en faisant inciter son suppléant, Raymond Bousquet, à ne pas démsisionner

[59] - quoique l’analytique ne le reproduise pas, Guy Mollet cite mon papier à l’appui de sa propre hostilité pour faire remarquer au Premier ministre, gaulliste s’il en fut, qu’il y a – précisément – d’autres gaullistes qui raisonnent comme luir

[60] - mensuel dirigé par Olivier Germain-Thomas, paraissant d’Octobre-Novembre 1973 à Mars 1982

[61] - Le Cid, la marche de nuit vers Séville et les Maures . je l’ai vu jouer par Gérard Philipe, à la Comédie française – Le Monde . 22 Novembre 1973 . tandis que s’ouvre manifestement la succession présidentielle à Georges Pompidou

[62] - conservées à Nantes pour la correspondance reçue de nos ambassades – fonds Nouakchott série B = 488PO/B  . 1958-1979, Pierre Messmer opinant en tant que commandant du cercle de l’Adrar



[63] - Organisation Armée Secrète, fondée à la suite de l’échec du putsch d’Alger . 22 Avril 1961

[64] - société des Mines de Fer de Mauritanie, dont le financement par la BIRD en Mars 1960 viabilise la jeune République de Moktar Ould Daddah, et permet la mise en exploitation de la Kedia d’Idjill

[65] - il prône ouvertement le non, sans pour autant s’inféoder aux « souverainistes »

[66] - en Français libre de la toute première heure, il n’aime pas mon éminent ami Maurice Couve de Murville : « on se bat », alors que ce dernier a une tout autre façon de lutter, la sauvegarde de notre patrimoine en Commission allemande d’armistice. Avec quelle tristesse jubilante, il me donne pas longtemps avant sa mort une référence une référence d’archives faisant du négociateur un exécutant anti-juif

[67] - l’expression est de Marie-France Garraud, en tête-à-tête – Mars 2009

[68] - par circulaire aux Immortels, j’ai fait campagne contre sa candidature, non contre elle, mais parce que manifestement sans révérence pour le général de Gaulle, il est impudent que le fauteuil d’un gaulliste exemplaire revienne à une centriste emblématique

[69] - 16 Février 1980
[70] - Jean-Marcel Jeanneney . 1910 + 2010 . agrégé des facultés de droit et des sciences économiques, fils du dernier président du Sénat de la IIIème République, dirige le cabinet de son père à la Libération, est ministre de l’Industrie en 1959, puis des Affaires sociales en 1996 : entretemps, il a ouvert notre ambassade en Algérie, nouvellement indépendante. Il défie Pierre Mendès France à Grenoble en 1968 et l’emporte d’une centaine de voix

[71] - il en dit les circonstance dans la revue de l’O.F.C.E. n° 102/Eté 2007 – l’expérience unique en France d’un Institut de recherches économiques et sociales, fondé en 1931, par Charles Rist, un de ses maîtres et à qui il succède en 1951. Raymond Barre, Premier ministre, qui l’y avait rejoint à ctete époque, lui offre le moyen de créer « un centre de recherches économiques niouveau, d’essprit universitaire, destiné à éclairer les gouvernements et les entreprises sur leur environnement économique ». Une convention entre la Fondation Nationale des Sciences Politiques et l’Etat est conclue en Février 1981. Et l’aboutissement se fait avec François Mitterrand qu’avait soutenu dès 1974 et contre Valéry Giscard d’Estaing l’ancien ministre du général de Gaulle. – Le premier numéro de la revue poaraît en Janvier 1982.

[72] - conclus le 24 Mai 1968, ils ne rétablissent ni le calme étudiant ni l’apaisement social  il y faudra le discours, seulement radiodiffusé, du général de Gaulle, le 30 Mai, pour que cela commence, mais les engagements seront tenuss par le gouvernement : durée du travail, quatrième semaine de congé payé, mensualisation des salaires, et très sensible augmentation du salaire minimum

[73] -  le referendum sur l’établissement des régions et la transformation du Sénat, texte débattu et préparé sous la direction de Jean-Marcel Jeanneney, ministre d’Etat ad hoc

[74] - 5 Décembre 1965, la gauche unie, la droite bien pensante et la droite nostalgique, notamment Jean-Louis Tixier-Vignancour sont ensemble, et le seront encore pour battre, le 26 Octobre 1969, Maurice Couve de Murville, se présentant dans les Yvelines en succession de Clostermann : Michel Rocard commence ainsi sa propre carrière élective

[75] - le 1er Mai 1972, pour la première fois

[76] - 1921 + 2015 - grand journaliste, notamment au Monde, et biographe de François Mauriac, Léon Blum, Pierre Mendès Franc et du général de Gaulle

[77] - Eric Kocher-Marboeuf,  Le Patricien et le Général . Jean-Marcel Jeanneney et Charles de Gaulle : 1958-1969 - Comité pour l’histoire économique et financière de la France . Décembre 2003 . 1209 pages

[78] - ainsi son ralliement aux Réformateurs que préside Jean Lecanuet, pour les élections législatives de 1973

[79] - le dossier d’instruction de l’ « affaire Markovic » qu’il lui a répugné de lire, mais constitué par son cabinet, place Vendôme, quand il y faisait l’intérim de René Capitant, ministre en titre de la Justice, depuis les « événements de Mai »

[80] - Forces et faiblesses de l’économie française (Armand Colin – 1ère éd. Juillet 1956 . 2ème éd. Octobre 1959 augmentée – 363 pages) qui lui vaut de faire partie du « comité des experts » concevant le redressement économique de la France en 1958-1959 malgré le fardeau de la guerre d’Algérie, de la décolonisation africaine et pour que puisse être mis en euvre le traité de Rome, à la date promise par le régime précédant celui du général de Gaulle
Economie politique (Thémis PUF manuel de capacité – 1ère éd. 1er trim. 1959 ; 2ème éd. 3ème trim. 1962 – 310 pages)
Régions et Sénat . Déclarations et interventions devant le Parlement . Décembre 1968
(Documentation  française . Février 1969 . 142 pages)
A mes amis gaullistes (Presses Pocket . Janvier 1973 . 251 pages)
Pour un nouveau protectionnisme  (Seuil . 4ème trimestre 1978 . 155 pages)
Vouloir l’emploi  (Odile Jacob . Mars 1994 . 238 pages)
Ecoute la France qui gronde (Arléa . Juin 1996 . 143 pages)
Une mémoire républicaine (Seuil . Juin 1997 . 347 pages) questionné par Jean Lacouture
Que vive la Constitution de la Vème République (Arléa . Février 2002 . 191 âges)
Les économies de l’Europe occidentale et leur environnement international de 1972 à nos jours (avec Georges Pujals . Fayard .  Décembre 2004 . 762 pages)
Démocratie au village . La pratique du pouvoir à Rioz en Franche-Comté depuis la Révolution
(Presses de Sciences-Po. – Mars 2009 – 554 pages)
à ces ouvrages, publiés ou réédités, par l’homme politique, ministre ou ancien ministre, il faut ajouter au moins l’Essai sur les mouvements des prix en France depuis la stabilisation monétaire, 1927-1935 (1936 . Sirey) –  Economie et droit de l‘électricité (Domat-Monchrestien . 1950) – Les commerces de détail en Europe occidentale . essai de comparaison internationale de la productivité des magasins et du travail commercial  (FNSP) – autant d’anticipation de la première des responsabilités gouvernementales de Jean-Marcel Jeanneney : l’Industrie et le Commerce de Janvier 1959 à Avril 1962

[81] - 1909 + 1999 – secrétaire général du Sénat, professeur à Sciences Po., membre du Conseil constitutionnel, c’est l’un des fondateurs en France de la sociologie électorale et plus encore, quoique discrètement, le conseiller du général de Gaulle en la matière

[82] - Le Monde du 2 Juillet 1972 : Le partage du pouvoir présumé

[83] - Le Monde du 5 Juillet 1972 : Pas question de bouleverser la Constitution
[84] - 1910 + 1981 – fondateur de la Revue de droit adminstratif, rédacteur d’un manuel en trois volumes faisant autorité, il arrive à la Faculté de droit de Paris en même temps que Jean-Marcel Jeanneney, et au même âge – à Alger, en 1943, il fait connaître au général de Gaulle le droit des séquestres de biens ennemis en temps de guerre

[85] - mais aussi le professeur, membre du jury d’agrégation qui a reçoit Raymond Barre, concourant pour la première fois et victorieusement : Jean-Marcel Jeanneney l’eût voulu premier, ses collègues lui remontrèrent que c’était déjà beaucoup le couronner d’emblée

[86] - sauf pour Michel Jobert – notre meilleur écrivain politique de ces quarante dernières années – que je souhaite voir admettre parmi les gaullistes, à titre propre, car sa carrière devant tout à Georges Pompidou, le rend suspect en 1974 aux intégristes : donc, un papier pour l’Appel, sur la participatiuon, le sujet « clivant ». Puis, étant en poste au Portugal, je veux sur ce pays « faire passer » quelque chose avec écho, donc Le Monde, mais le minimum de déontologie m’oblige à ne pas m’y exprimer personnellement : Michel Jobert prend donc à son compte ce que je lui demande de proclamer.
[87] -
[88] - Jean Charbonnel . 1927 + 2014 . a été secrétaire d’Etat à la Coopération en 1966-1967 et ministre du Développement industriel et scientifique de 1972 à 1974  - il est pour une première fois élu à l’Assemblée Nationale en Novembre 1962, à 35 ans ; Jacques Chirac ne le sera qu’en Mars 1967
bibliographie
  • L'Aventure de la fidélité, Paris, Le Seuil, 1973.
  • Radioscopie des oppositions, Paris, Plon, 1973.
  • Comment peut-on être opposant?, Paris, Robert Laffont, 1983.
  • Edmond Michelet, Paris, Beauchesne, 1987
  • De Gaulle au Présent, Paris, Flammarion, 1990.
  • À la gauche du Général, Paris, Plon, 1998.
  • Le Gaullisme en questions, Paris, PUF, 2002.
  • Les Légitimistes de Chateaubriand à De Gaulle, Paris, La Table Ronde, 2006.
  • Jean Charbonnel, entretiens avec Laurent de Boissieu, Pour l'honneur du Gaullisme, contre-enquête sur un héritage, Riveneuve, 2011
Dictionnaire raisonné d'un gaulliste rebelle, Editions de l'Empire à l’époque dirigée par Jean Castarède  2015.

[89] - Yves Guéna est décédé un an après lui, mais ne témoignait plus, au moins publiquement

[90] - 1943 + 2010 – chargé, en compagnie d’Alain Madelin, par Jacques Chirac d’éviter la catastrophe au 2ème de l’élection législative de Mai-Juin 1997 anticipée par dissolution de l’Assemblée nationale, il n’y parvient pas, et pas davantage à prendre alors le contrôle du Rassemblement pour la République – son dialogue en Septembre 1992 avec François Mitterrand, déjà affaibli, l’avait porté sur le devant de la scène politique
wikipédia à jour au 11 février 2017 - Gaulliste social, il fut ministre des Affaires sociales et de l'Emploi durant la première cohabitation (1986-1988). Partisan emblématique du « non » au référendum sur le traité de Maastricht, il fut président de l'Assemblée nationale de 1993 à 1997. Président du Rassemblement pour la République jusqu'en 1999, il se porta candidat à la mairie de Paris en 2001, mais les divisions de la droite contribuèrent à son échec face à Bertrand Delanoë. Premier président de la Cour des comptes de 2004 jusqu'à sa mort, Philippe Séguin, grâce à sa notoriété, a redonné de la visibilité à cette institution, en intensifiant le nombre de rapports et en lançant une importante réforme des juridictions financières.

[91] - A.R.G.O.S. ne survit pas à son fondateur et animateur

[92] - le 18 Janvier 2000, guère plus de quinze jours après la mort de l’ancien Premier ministre

[93] - à la surprise générale,  l’Union oour la Nouvelle République, à laquelle s’adjoignent quelques centristes devenant les Répubkivains indéendants, obtient largement la maajorité 
[94] - mais pas le dernier survivant puisqu’il est mort en Février 2014 et qu’Yves Guéna ne décède qu’en Mars 2016

[95] - au colloque de la Fondation Charles de Gaulle . Mai 2008 – Jean Charbonnel précise : nous sommes en 1966, je suis un secrétaire d’Etat modeste, à la Coopération, c’est le troisième gouvernement Pompidou
nous ne sommes plus que quelques-uns à pouvoir en témoigner : Pisani, Foyer (il oublie Jean-Marcel Jeanneney) – quelques-uns à qui de Gaulle en Conseil des ministres présente son plan de quiter les structures intégrées de l’OTAN – Messmer, ministre des Armées expose d’abord, puis Couve de Murville, ministre des Affaires étrangères, puis Georges Pompidou qui fait la synthèse – et le Général conclut dune manière souveraine – après avoir dit, si vous me suivez vous aurez légué la paix à vos enfants, ce qui montre le sens de ce qu’il faisait – bien entendu messieurs – cela,  je ne l’ai entendu qu’une fois dans les quinze mois où j’étais à ce gouvernement– si vous n’êtes pas d’accord, vous pouvez donner votre démission immédiatement – une main se lève, Edgar Faure : monsieur le président de la République (il était le seul dont il fut toléré qu’il ne dise pas : mon Général) – Missoffe était à côté de moi : çà y est, il sen va – non, il reste, lui ai-je fait. Edgar Faure : Monsieur le président de la République, je vous remercie au nom de tous les présidents du conseil de la IVème République qui ont été humiliés et qui devaient aller faire leur fin de mois à Washington .
A la sortie du conseil, je l’approche et il me dit : celui d’entre nous qui a enduré le pire, c’est Félix Gaillard


[96] - 1924 + 2017 – notamment procureur général près la Cour de Cassation, garde des Sceaux, premier président de la Cour des comptes
 wikipédia à jour au 26 Janvier 2017
Magistrat détaché au ministère de la Justice de 1965 à 1974, Pierre Arpaillange devient conseiller technique du ministre et, à plusieurs reprises, directeur du cabinet du Garde des sceaux (des gaullistes : Jean Foyer, Louis Joxe et Pierre Taittinger) et entre 1968 et 1974 directeur des Affaires criminelles et des Grâces de la Chancellerie. En février 1971 il rend un avis défavorable sur le recours en grâce déposé par Paul Touvier. En tant que directeur de cabinet du Garde des sceaux Jean Taittinger, il signe la circulaire du 22 février 1973, plus connue comme « circulaire Arpaillange », sur la politique générale de la justice, puis sur la circulaire du 30 mars 1973 relative à la répression en matière de stupéfiants  . Il tente de faire moderniser les prisons et en 1973 il fait installer le chauffage dans les cellules de certaines d'entre elles. Il devient également membre du Haut Conseil de l'audiovisuel en 1973.
Considéré comme un proche du cabinet de Georges Pompidou (il tente de « circonscrire l'incendie » provoqué par l'affaire Markovic), après l’élection de Valéry Giscard d'Estaing, Pierre Arpaillange est mis à l'écart par Jean Lecanuet, garde des Sceaux du Gouvernement Jacques Chirac (1) (d'autres sources évoquent sa mise en retrait volontaire, refusant le poste de directeur de cabinet que le ministre lui propose car il est démocrate-chrétien). Il est nommé conseiller à la Cour de cassation, affecté à la chambre sociale, le 7 septembre 1974. Il est l'auteur de deux séries d'articles sur la justice pour Le Monde, et devient le porte-drapeau de l'opposition à la politique musclée d'Alain Peyrefitte, Garde des sceaux de Valéry Giscard d'Estaing de 1977 à 1981, et à la loi no 81-82 du 2 février 1981, dite « Loi sécurité et liberté ». Pour Robert Badinter, il est l'« un des hommes qui connaissent le mieux notre justice pénale ».

[97] - cristallographe, Hubert Curien . 1924 + 2005 . a été ministre de la Recherche et de la Technologie pendant les deux mandats de François Mitterrand :  de 1984 à 1986, puis de 1988 à 1993. C’est le père de l’industrie spatiale française et même européenne
[98] - né le 21 Novembre 1926, Normalien, vingt ans président de Saint-Gobain, directeur de l’E.N.A. il est le ministre de l’Industrie dans le gouvernement de Michel Rocard

[99] - né le 1er Avril 1949, « sorti » au Trésor, quelque temps au cabinet de Jacques Delors, ministre de l’Economie et des Finances, il vient de prendre la présidence de Compagnie de Suez, qui deviendra INGE, quand il me reçoit en 1995

[100] - au moment de la difficile campagne référendaire de 1961, puis pendant que je dirigeais ma troupe scoute, j’eus quelques fois l’idée d’une lettre de soutien, manuscrite, et signée de la quarantaine d’enfants encore et d’adolescents à peine dont j’avais la responsabilité. Je ne passai pas à l’acte. Aider de Gaulle, l’assurer que nous sommes là. A-t-il jamais de 1940 à 1970, souhaité autre « chose » que nous, que les Français, ce qui est bien au-delà de toute ambition politique

[101] - né le 28 Novembre 1934, c’est lui qui succède à Pierre Arpaillange à la Cour des Comptes, après avoir été minustre de l’Intérieur, puis ministre de la Défense pendant la première partie du second septennat de François Mitterrand. Son père Louis Joxe a été l’un des plus importants ministres du général de Gaulle, chargé des Affaires algériennes d’abord et finalement, ministre de la Justice, intérimaire du Premier ministre pendant les « événements de Mai ».
[102] - Marceau Long – 1926 + 2016 : « Un rénovateur du droit public, un réformateur au sein de la haute fonction publique » - wikipédia à jour au 2 Janvier 2017

[103] - puis vingt ans plus tard, dialogué avec Maurice Delarue : « Le monde en face »

[104] - Jean Jardin . 1904 + 1976

[105] - André Meyer . 1898 + 1979 . que visita Couve de Murville de son premier voyage aux Etats-Unis à sa mort – wikipédia à jour au 19 Janvier 2017  : associé de la banque Lazard, qu'il a dirigé pendant de nombreuses années. Installé aux États-Unis, il a « conquis » Wall Street, bâtissant la réputation internationale de la banque. Il a été bienfaiteur du Metropolitan Museum of Art qui présente aujourd'hui sa collection de peintures européennes du XIXe siècle et du MoMA auquel il a donné le fameux Neige fondante à Fontainebleau de Paul Cézanne . En France, le banquier fait don au Louvre de deux chefs-d'œuvre du post-impressionnisme : Le Repas de Paul Gauguin et Le Dancing d’Arles de Vincent van Gogh.

[106] - Henri Frédéric Amiel . 1821 + 188l . tient son journal de 1839 jusqu’à trois heures avant sa mort : 1821 + 1881 soit plus de 17.000 pagers, douze volumes chez l’Age d’homme, à Genève – pas publié de son  vivant le retrou

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