jeudi 9 février 2017

portrait de Jean Charbonnel




Jean Charbonnel incarne la pureté en politique, et la pureté permet la sincérité et donne la liberté. Premier à naître sous l’appellation des « jeunes loups » [1], avec une législature d’avance sur le gros de la meute et une forte assise locale dans une ville historique : celle du caridnal Dubois, Brivce-la-Gaillarde, il est le dernier à disparaître des témoins directs de l’action du général de Gaulle, de sa présidence des conseils de gouvenement [2] et des conditions de sa succession. En équipe avec deux autres illustrations d’une Cinquiième République sachant – alors – demeurer jeune, il publie une critique [3] vive des oppositions de gauche à la majorité de 1968 qu’il faut renouveler en 1973, lais en prévision des l’éctions de même nature, l’Assemblée nationale qui se renouvelle tous les cinq ans, saufd dissolution, il tente, avant la lettre actuielle, un front de gauche avec les socialistes devenus dominants. Rien ne marche. L’ancien secrétaire d’Etat à la Coopération pour les débuts de nbotre décolonisation en Afrique, lk’ancien minstre de l’Industrie qui s’isole avec éclat de ses collègues, au gouvernement et du Premier ministre d’alors, Pierre Messmer, en soutenant la tentative autogestionnaire de Lip devient donc et pour trente-cinq ans, jusqu’à sa mort, celui qui témoigne de la sincérité sociale du général de Gaulle. Et de son efficacité. Donc de l’intégralité de l’apport d’un fondateur d’exception à notre pays.

Reniac, à ma table de travail, jeudi 9 février 2017
12 heures 38

Philippe Séguin est aujourd’hui invoqué à tout va par des épigones d’une droite avouée. Quoique riche d’élections à l’Assemblée nationale et de responsabilités gouvernemental, son parcours n’est pas une référence politique par lui-même. Sans qu’il y ait à les opposer, je préfère une carrière politiquement inaboutie, close quant aux honneurs et aux portefeuilles à quarante-quatre ans et demi et qu’aucun gouvernement ni de gauche ni de droite n’a proposé qu’elle reprenne. Précisément, Jean Charbonnel professait l’essence même du gaullisme : « la France c’est pas la gauche, la France c’est pas la droite ». Le bulletin [4], édité à ses frais, et les quelques amis sans grade notoire qui partageaient cette vérité et ses convictions, discutaient l’actualité, mois par mois, par référence à une expérience précise : celle du général de Gaulle au gouvernement, et celle de Georges Pompidou, le successeur qui n’y était pas arrivé.

J’avais demandé son témoignage sur Maurice Couve de Murville, ministre des Affaires Etrangères, puisque rue Monsieur, il avait été son secrétaire d’Etat. L’honnêteté parfaite et partagée des deux hommes, alors, l’aîné et le cadet, bénéficiant chacun d’un accès psychologiquement très différent auprès du général de Gaulle, m’avait retenu : notre entretien [5] me faisait réaliser l’homogénéité des gouvernements tant qu’avait duré, à notre tête, l’homme du 18-Juin adapté à l’autre monde que sont la paix, la gestion, la diplomatie avec les mêmes fins et le même type d’adversaire qu’en temps de guerre déclarée. De très grandes choses, de véritables desseins sans rivalité ni projets personnels à l’intérieur de l’équipe. Aucun jeu, de l’effort. Nous n’avions pas parlé de la suite, des actualités et des ambiances qui avaient suivi. La période de jeune homme et la preuve d’attention qu’avait donnée de Gaulle à Jean Charbonnel, pour ses débuts, étaient dites en termes d’admiration : les circonscriptions de notre Massif central, les tempéraments locaux, la manière dont le nouveau secrétaire avait commencé de se distinguer pour que se maintienne, dès l’automne de 1962 [6], la Cinquième République, vulnérable à l’Assemblée nationale, malgré le succès du referendum concluant au nouveau mode d’élection du président de la République – l’actuel mais en bien moins restrictif pour les candidatures. Le Général savait tout cela et avec ce jeune homme, il parla d’avenir.

Je demandais à le rencontrer une nouvelle fois, bien plus tardivement dans nos vies respectives. Je n’enquêtais plus sur le départ de 1969, je ne cherchais plus qui pourrait reprendre le legs gaullien, je me contentais de commenter l’actualité, par des médias personnels et des messages occasionnels à l’Elysée – dont je vous ai souvent entretenu plus haut – je voulais apprendre davantage sur Pierre Messmer que je n’avais connu qu’à propos de la Mauritanie et des partis issus de moins en moins directement des soutiens, naguère, à de Gaulle. Et, à ma surprise, j’appris ce que je ne savais pas. L’itinéraire de Jacques Chirac – acteur principal, j’en suis de plus en plus sûr, du dévoiement de la Cinquième République – combinaison de tant de qualités et de leurs contraires, a eu son origine, et son introducteur dans la politique élective la connaissait. L’image exceptionnellement ancrée dans l’appréciation publique nationale – plus que celle de tout autre président de notre République, de Gaulle compris – est mensongère, si chaleureuse que soient au moins les premières rencontres : j’en ai été gratifié. J’appris aussi que la mort de Robert Boulin n’était effectivement pas un suicide.

Quoiqu’historien de métier, mais consacrant ce savoir-faire et de cette façon d’exposer des convictions dont l’identification du général de Gaulle était un des aboutissements, Jean Charbonnel ne professait aucun culte pour les faits, il en tirait au contraire les motifs de les changer, d’en prendre la direction, ou au moins d’en recevoir une occasion. Transformer la société, changer les orientations. Ainsi, sa connaissance et son commentaire de ce qui sous-tend nos institutions, notre Histoire : la légitimité en France, ses applications d’une foi chrétienne, et pas seulement l’observance du magistère social de l’Eglise, inscrivait en profondeur et en perspective ce qu’il avait réalisé ou essayé au gouvernement, ce pour quoi il continuait de militer. Y compris la reconnaissance d’authentiques saintetés dans notre personnel politique. Il s’impliquait dans la cause d’Edmond Michelet avec autant d’ardeur que dans la dénonciation du meurtre de Robert Boulin.

Ibidem, jeudi 9 février 2017
15 heures 40 à 17 heures

Il était désormais le seul témoin de tout, en colloque sur Edgar Faure et l’Education nationale à la fin du général de Gaulle, il peut rapporter le mot de l’ancien président du Conseil : l’homme du 18-Juin est remercié en conseil des ministres consacré à notre retrait de l’O.T.A.N. d’avoir lavé l’humiliation – affreuse mais permanente – des gouvernements et du régime précédents contraints de mendier leurs fins de mois à Washington [7].

Auprès de Jean Charbonnel, dans l’appartement familial de la rue Dupont des Loges, au calme d’un couple manifestement marqué par l’amour et l’admiration mutuels, j’apprends que le vrai rôle en politique, c’est la fidélité. Pour le « jeune loup », ce fut l’aventure, toujours.  Chaque fois que nous conversions, il savait se récrier. Il rectifia aussi beaucoup du portrait que je me faisais de Georges Pompidou, en très bien, en très mal, en personnel. Historien davantage des personnes et des itinéraires d’importance nationale, que des idées ou des événements, cet homme eut le don des tête-à-tête, du regard qui s’échange. C’est ainsi que la fidélité a sa racine d’un bout à l’autre d’une vie. L’éloquence et la plume, certes, mais l’exemple : d’abord.

Ibidem, vendredi 10 février 2017
06 heures 30 à 06 heures 41



[1]
[2]
[3]
[4]
[5] - le 18 Janvier 2000, guère plus de quinze jours après la mort de l’ancien Premier ministre

[6] -
[7]

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