Jean Charbonnel incarne la pureté en
politique, et la pureté permet la sincérité et donne la liberté. Premier à
naître sous l’appellation des « jeunes loups » [1], avec
une législature d’avance sur le gros de la meute et une forte assise locale
dans une ville historique : celle du caridnal Dubois, Brivce-la-Gaillarde,
il est le dernier à disparaître des témoins directs de l’action du général de
Gaulle, de sa présidence des conseils de gouvenement [2] et
des conditions de sa succession. En équipe avec deux autres illustrations d’une
Cinquiième République sachant – alors – demeurer jeune, il publie une critique [3] vive
des oppositions de gauche à la majorité de 1968 qu’il faut renouveler en 1973,
lais en prévision des l’éctions de même nature, l’Assemblée nationale qui se
renouvelle tous les cinq ans, saufd dissolution, il tente, avant la lettre
actuielle, un front de gauche avec les socialistes devenus dominants. Rien ne
marche. L’ancien secrétaire d’Etat à la Coopération pour les débuts de nbotre
décolonisation en Afrique, lk’ancien minstre de l’Industrie qui s’isole avec
éclat de ses collègues, au gouvernement et du Premier ministre d’alors, Pierre
Messmer, en soutenant la tentative autogestionnaire de Lip devient donc et pour
trente-cinq ans, jusqu’à sa mort, celui qui témoigne de la sincérité sociale du
général de Gaulle. Et de son efficacité. Donc de l’intégralité de l’apport d’un
fondateur d’exception à notre pays.
Reniac, à ma table de travail, jeudi 9 février 2017
12 heures 38
Philippe Séguin est aujourd’hui invoqué
à tout va par des épigones d’une droite avouée. Quoique riche d’élections à
l’Assemblée nationale et de responsabilités gouvernemental, son parcours n’est
pas une référence politique par lui-même. Sans qu’il y ait à les opposer, je
préfère une carrière politiquement inaboutie, close quant aux honneurs et aux
portefeuilles à quarante-quatre ans et demi et qu’aucun gouvernement ni de
gauche ni de droite n’a proposé qu’elle reprenne. Précisément, Jean Charbonnel
professait l’essence même du gaullisme : « la France c’est pas la
gauche, la France c’est pas la droite ». Le bulletin [4],
édité à ses frais, et les quelques amis sans grade notoire qui partageaient
cette vérité et ses convictions, discutaient l’actualité, mois par mois, par
référence à une expérience précise : celle du général de Gaulle au
gouvernement, et celle de Georges Pompidou, le successeur qui n’y était pas
arrivé.
J’avais demandé son témoignage sur
Maurice Couve de Murville, ministre des Affaires Etrangères, puisque rue
Monsieur, il avait été son secrétaire d’Etat. L’honnêteté parfaite et partagée
des deux hommes, alors, l’aîné et le cadet, bénéficiant chacun d’un accès
psychologiquement très différent auprès du général de Gaulle, m’avait
retenu : notre entretien [5] me
faisait réaliser l’homogénéité des gouvernements tant qu’avait duré, à notre
tête, l’homme du 18-Juin adapté à l’autre monde que sont la paix, la gestion,
la diplomatie avec les mêmes fins et le même type d’adversaire qu’en temps de
guerre déclarée. De très grandes choses, de véritables desseins sans rivalité
ni projets personnels à l’intérieur de l’équipe. Aucun jeu, de l’effort. Nous
n’avions pas parlé de la suite, des actualités et des ambiances qui avaient suivi.
La période de jeune homme et la preuve d’attention qu’avait donnée de Gaulle à
Jean Charbonnel, pour ses débuts, étaient dites en termes d’admiration :
les circonscriptions de notre Massif central, les tempéraments locaux, la
manière dont le nouveau secrétaire avait commencé de se distinguer pour que se
maintienne, dès l’automne de 1962 [6], la
Cinquième République, vulnérable à l’Assemblée nationale, malgré le succès du
referendum concluant au nouveau mode d’élection du président de la République –
l’actuel mais en bien moins restrictif pour les candidatures. Le Général savait
tout cela et avec ce jeune homme, il parla d’avenir.
Je demandais à le rencontrer une
nouvelle fois, bien plus tardivement dans nos vies respectives. Je n’enquêtais
plus sur le départ de 1969, je ne cherchais plus qui pourrait reprendre le legs
gaullien, je me contentais de commenter l’actualité, par des médias personnels
et des messages occasionnels à l’Elysée – dont je vous ai souvent entretenu
plus haut – je voulais apprendre davantage sur Pierre Messmer que je n’avais
connu qu’à propos de la Mauritanie et des partis issus de moins en moins
directement des soutiens, naguère, à de Gaulle. Et, à ma surprise, j’appris ce
que je ne savais pas. L’itinéraire de Jacques Chirac – acteur principal, j’en
suis de plus en plus sûr, du dévoiement de la Cinquième République –
combinaison de tant de qualités et de leurs contraires, a eu son origine, et
son introducteur dans la politique élective la connaissait. L’image
exceptionnellement ancrée dans l’appréciation publique nationale – plus que
celle de tout autre président de notre République, de Gaulle compris – est
mensongère, si chaleureuse que soient au moins les premières rencontres :
j’en ai été gratifié. J’appris aussi que la mort de Robert Boulin n’était
effectivement pas un suicide.
Quoiqu’historien de métier, mais
consacrant ce savoir-faire et de cette façon d’exposer des convictions dont
l’identification du général de Gaulle était un des aboutissements, Jean
Charbonnel ne professait aucun culte pour les faits, il en tirait au contraire
les motifs de les changer, d’en prendre la direction, ou au moins d’en recevoir
une occasion. Transformer la société, changer les orientations. Ainsi, sa
connaissance et son commentaire de ce qui sous-tend nos institutions, notre
Histoire : la légitimité en France, ses applications d’une foi chrétienne,
et pas seulement l’observance du magistère social de l’Eglise, inscrivait en
profondeur et en perspective ce qu’il avait réalisé ou essayé au gouvernement,
ce pour quoi il continuait de militer. Y compris la reconnaissance
d’authentiques saintetés dans notre personnel politique. Il s’impliquait dans
la cause d’Edmond Michelet avec autant d’ardeur que dans la dénonciation du
meurtre de Robert Boulin.
Ibidem, jeudi 9 février 2017
15 heures 40 à 17 heures
Il était désormais le seul témoin de
tout, en colloque sur Edgar Faure et l’Education nationale à la fin du général
de Gaulle, il peut rapporter le mot de l’ancien président du Conseil :
l’homme du 18-Juin est remercié en conseil des ministres consacré à notre
retrait de l’O.T.A.N. d’avoir lavé l’humiliation – affreuse mais permanente –
des gouvernements et du régime précédents contraints de mendier leurs fins de
mois à Washington [7].
Auprès de Jean Charbonnel, dans
l’appartement familial de la rue Dupont des Loges, au calme d’un couple
manifestement marqué par l’amour et l’admiration mutuels, j’apprends que le
vrai rôle en politique, c’est la fidélité. Pour le « jeune loup », ce
fut l’aventure, toujours. Chaque fois
que nous conversions, il savait se récrier. Il rectifia aussi beaucoup du
portrait que je me faisais de Georges Pompidou, en très bien, en très mal, en
personnel. Historien davantage des personnes et des itinéraires d’importance
nationale, que des idées ou des événements, cet homme eut le don des
tête-à-tête, du regard qui s’échange. C’est ainsi que la fidélité a sa racine
d’un bout à l’autre d’une vie. L’éloquence et la plume, certes, mais
l’exemple : d’abord.
Ibidem, vendredi 10 février 2017
06 heures 30 à 06 heures 41
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