mercredi 1 août 2012

dilection - l'impossible est notre vie - récit . 25 (à suivre)







DILECTION




Pourquoi tant de place, sinon toute la place dans le quotidien de votre existence à l’amour, ou plutôt à l’évocation de la femme. Vous répondez que celle-ci, seule, vous unifie, vous projette et vous concentre ;elle vous donne la grâce d’aimer, si distante et indéterminée qu’elle soit. Plus encore que de l’aimer, l’inconnue, l’inaccessible quoiqu’elle soit docile présence dans votre regard et votre méditation sur ce qu’elle est ou serait putativement, vous donne, en image contingente, vivante, précise de son corps et de ce que vous déduisez de celui-ci, de sa silhouette, de son visage, de son existence concrète dans le milieu où elle vous est apparue soudainement, une possibilité alternative. Vous vivez en quelques instants, par imagination, en laissant se dévider en vous un fil qui ne tient pas à vous, mais à autrui et qui cependant semble vous proposer son enserrement, ce que serait votre vie si la rencontre s’opérait et un attrait, une concordance mutuels se vérifiaient. Le scenario, dont vous nieriez sous serment qu’il soit votre fait propre, est toujours lemême : les circonstances, sans provocation de votre part, sans attente explicite, à terme précis et prémédité, invoqué présentent la matière vivante, subtile, résistant à vos appréciations, les modifiant, d’une possibilité de femme, laquelle est une des possibilités de votre vie. Une femme, une jeune fille soudain là, inattendue et qui, à son insu ou selon une magie que vous ne pouvez élucider, vous fixe quelques secondes, minutes ou heures d’un cotoiement intense au cours duquel elle monte en intimité, puis décroît, s’abîmant dans son propre état de vie, redevenant contingente, fonction de votre regard qui s’est lassé autant de la sensation d’un afaissement de la beauté et de son charme, que de la complexité supputée et prévisible de son abord. Vous a-t-elle regardé, êtes-vous entré dans le champ de sa vision ou de sa pensée, de sa passion latente, d’une faille analogue à lavôtre dans la constitution de son être, dans sa psyché ? Vous n’en saurez rien. Vous avez toujours eu ce bonheur que ce genre d’affleurement se dissipe de soi-même, vous laisse sans regret,qu’au contraire il vous gratifie d’un souvenir beau, chaleureux. La vie,le bonheur et la beauté ont donc, encoire cours, quelle que soit votre propre circonstance d’alors, d’hier, de tout àl’heure, puisqu’il y a toujours matière, puisqu’il existe encore, divers et permanente, l’objet du rêve, le compagnon de rêve, compagnon féminin puisque vous êtes censément masculin.

Et pourquoi si peu ou pas autant de soin pour le métier, distinguant en cela l’application au travail, selon ce que vous concevez être vos tâches, des instructions ou du cadre régissant l’exercice de votre profession, de vos fonctions ? Question que vous ne vous posezpas, vous avez cete conscience d’accomplir votre devoir et d’en jouir, d’animer des équipes, de comprendre les sujets à traiter, de bien distribuer ce que vous avez à analyser, à communiquer, à exécuter. Votre père, ces midis d’été où ne rejoignant les siens et vous qu’en fin de semaine, avant puis après un seul mois de vacances, chargé du courrier, Tintin par abonnement,il assurait en semaine le transfert des enfants les plus autonomes d’une gare à l’autre dans Paris pour des camps scouts ou des séjours à l’étranger, vous parlait de son propre métier. Il ne vous donnait aucune idée, aucune perception de ce qu’il était à faire. L’expression : que faites-vous ? pour dire : quel est votre métier ? où et à quoi êtes-vous employé ? signifie exactement cette différence vécue entre la maison et le travail, entre le donné et le fabriqué. Vie au bureau, dans un très bel immeuble, où la pièce, au premier étage, pour la direction générale de la compagnie dont il était le numéro deux exécutif et le numéro trois dans l’ensemble de sa hiérarchie, était plus vaste et plus lumineuse que la réunion des deux salons de votre enfance en famille. Une photographie de lui, en bras de chemise et nœud papillon, pour l’illustration de ce qu’on appelait peu encore l’organigramme de la société, vous avait étonné. Tous ces gens, semblant avoir tant de responsabilités et tant de compétences que vous ne pouviez évidemment comprendre le traître mot de ce qu’ils traitaient ensemble, avaient chacun un visage, une femme, des enfants, une sorte d’éternité que matérialisait l’immobilité du temps d’alors, celui de vos dix à quinze ans. Depuis, cette époque vous apraît avoir été en noir et blanc, ce qui est vrai. Il n’y avait que deux faces au monde, le bonheur mérité, gagné mais dont il allait de soi que rien, et encore moins personne, ne pouvait le retirer à ceux qui y étaient immergés jusqu’au cou, jusqu’au cœur, et puis une zone inconnue dont peut-être sortaient les mendiants, et où il devait y avoir tous les morts, tous les bandits, que rejoignaient injustement les cancéreux, les accidentés de laroute, les saints, ceux-là qui n’avaient ni famille ni travail et dont la vie s’arrêtait brusquement suivant des vœux religieux, une épouvantable et très douloureuse maladie survenant naturellement en pleine jeunesse ou force d’âge, ou la malchance qu’on ne rencontre qu’entre héros de roman, et être un héros devrait suffire, même dans le malheur ou laprison, à être heureux, galonné comme un sage réputé pieux ou comme un valeureux officier. Le monde n’était pas manichéen, il se divisait entre celui des enfants, le vôtre et celui des adultes. Le même mot curieusement – et peut-être est-ce l’une des originalités de la langue française que cette confusion en vocabulaire – signifiait deux façons très différentes de vivre chaque jour : le travail.  La classe pour votre génération, le bureau et lointainement les usines pour tous les adultes. Paysans, enseignants, médecins, employés des services publics se confondaient avec leur activité, et celle-ci ne paraissait pas être un emploi ou un travailleur. De même que votre père, votre mère n’étaient ni homme, ni femme, ni définis par leur âge ou par cette bizarrerie qu’est le nom patronymique avec les manières de le transmettre, d’en changer, de l’accoler au prénom ou avec un autre patronyme. De proche que la disponibilité de vos parents, que la gloire d’une place en composition scolaire, que la détresse de mauvaises notes ou d’un oubli à avouer sur l’un des deux fronts, en montrant un carnet à la fin de la semaine aux vôtres, ou en subissant le sort d’être interrogé en récitation à la première heure de classe, le lundi. Aussi floue que le métier à exercer plus tard, par choix évidemment, la probable reproduction de cette ambiance familiale que vous auriez à tenter de reproduire, plus tard aussi, avec une mystérieuse et adorable étrangère. Vos soucis étaient qu’autour de vous, nul ne soit condamné ni irrémédiablement malheureux, appauvri, laissé de côté. Inconcevable que vous puissiez avoir à faire, être obligé de devenir ce qui ne vous plairait pas. La vocation, le talent étaient des concepts inconnus, tout était d’une nécessaire continuité, d’une période de bonheur à une autre, les changements n’étaient que de numéros de classe, de chambres dans l’appartement familial, que la naissance d’un autre frère ou d’une autre sœur. Très lentement, vous venaient des choix de lecture, des instincts de piété, le goût de rentrer de classe avec un camarade plutôt qu’un autre. Vous vous initiiez à un conformisme gris dont le parfum serait votre persévérance à croire que la beauté et l’installation arrivent tout droit à la jeune fille, aux amoureux, tandis que travaillez ne serait qu’une dîme en nature pour accéder aux mêmes biens, au bénéfice des mêmes procédures que vos ascendants et que vos contemporains. Que votre frère, de dix ans votre aîné, ait en peu de temps, accumulé un long séjour exotique, appelé service militaire qu’il fit au Soudan saharien, actuel Mali, des places aux concours les plus prestigieux de la profession hospitalière, un scooter, puis sur quatre roues avec moteur à l’arrière, une Dauphine, et enfin, à la suite d’un voyage au Cap Nord le ramenant au palier voisin du vôtre, une fiancée sosie de Géraldine CHAPLIN mais avec des yeux lumineux et pâles, dont la beauté s’accentuait d’un teint très mat de visage, vous parut la première injustice de votre existence. Vous n’aviez pas tout, il y avait un tour de bête, mais votre imagination relaya votre dépit, vous n’eûtes soin de préciser quelque ambition que ce soit. Celle-ci ne vous est venue que très rétrospectivement, décalée au possible par rapport à votre âge et à vos possibilités. Plutôt que de calcul des probabilités auquel votre père fut tout à fait expert, ne faut-il pas parler et disserter d’évaluation des possibilités ? Les premières, bien plus réalistes et donc bien moins étendues et diverses que les secondes.

Aucune émotion – d’autant qu’elles n’étaient que sentimentales et jamais physique – ne vous donna l’idée de chercher ou d’attendre une femme. Aimer, c’était de l’ordre de la religion ou de la saveur. Le coup de foudre était donc conçu par vous, en ce sens qu’il est improviste, désarme et prend au dépourvu. De sens critique, a-t-on besoin quand l’évidence se présente avant d’avoir postulé l’agrément de qui que ce soit. Cela vous advint, dans la pratique, dans le domaine du journalisme. Vous lisiez Le Monde, comme tout un chacun rue Saint-Guillaume ou à l’Ecole nationale d’administration, vous l’achetiez au numéro. Exprimer ce qui vous paraissait l’évidence, il ne vous vînt pas à l’esprit d’aller ailleurs que dans ces colonnes. Vous n’en saviez pas le prix. Vous souffrîtes, les dix ans que dura la liaison qui ne tenait qu’au goût qu’avait eu abruptement le directeur de l’époque, Jacques FAUVET, de vous publier. Un faisceau unique de beaucoup de circonstances d’époque, de personnes et de thème vous avait entrer dans une faveur, dont vous deviniez bien la rareté, puisque les signatures de pigistes extérieurs au journal, étaient très peu nombreuses, mais vous jouiiez de cellec-ci comme d’un droit acquis et d’une véritable propriété. Peu vous importait le relais dans l’audio-visuel, l’accs à d’autres supports, il vous fallait dire la suite de ce que vous aviez écrit la veille, puisque votre partenaire était le plus souvent la France, ou l’hypocrisie en beaucoup de formes, morales ou politiques. Quand la tribune vous fut soudain interdite, à trois mois de la retraite du directeur avec lequel vous aviez des entretiens périodiques assurant entre vous une réelle communion de jugement et d’indignation, et aussi quelques mises au point pour les sujets que vous traitiez et l’excessive longueur que vous imposiez plus à Jacques FAUVET, qu’à vos lecteurs, vous avez perçu ce qui se détachait de vous en même temps que le fait strict d’être publié si régulièrement et autant en vue. Elle en fuseau de ski et chandail sans grâce, et vous voiturant votre sœur vers la gare de Lyon, une veille de Noël et accueillant au passage l’amie d’une autre de vos soeurs également invité pour ces vacances, mais au titre de l’aîné des hôtes, la rencontre d’une petite-fille MICHELIN vous parut surnaturelle par le l’intensité, l’exclusivité du charme que vous ressentîtes aussitôt, mais nullement par l’atout social que cette appartenance familiale pourrait constituer dans la course aux grands corps, puis aux carrières importantes où vous n’aviez été admis jusques là que par concours, c’est-à-dire pas du tout en cooptation. Quand ces fiançailles tournèrent court, vous étiez plutôt à débattre des apparences qu’il faudrait sauver pour qu’il soit reconnu que la rupture n’était pas votre fait, que de trouver les moyens de captiver à nouveau la jeune fille, encore très peu adulte, car du même âge et de la même innocence que vous. Aimer, vous n’auriez pas même admis que c’était ce qu’il vous était arrivé, mais quand la pièce laissa tomber le rideau, l’été pas encore venu et qu’il ne vous resta que les faire-parts dont aucun n’était parti de chez votre élue, vous n’étiez qu’abasourdi. Tout s’était passé sans durée ni épaisseur. Vous étiez du même tonneau, également inexpérimentés, tout surpris de plaire, elle et vous, l’une à l’autre.

Cette expérience du sortir de votre adolescence ne vous renseignait en rien sur ce qu’a de consécratoire un amour partagé, dont chacun des partenaires fait une cimposante indiscutée de sa vie, de ses jugements et de ses choix. Vous ne saviez appliquer le mot qu’à autre chose, une carrière, une famille, une maison et vous auriez assez vite, par quelque compensation de ce que vous ne saviez pas quoi vous manquait, la passion des objets, le culte et la curiosité de la beauté. Votre initiattion sexuelle fut du même ordre, sans mode d’emploi, sans connaissance a priori, sans point de comparaison. Le point commun de ces fiançailles et de votre première fois est dans le souvenir d’une perfection, d’une réussite telles que seul l’accès à un tout autre domaine que ce vous pouviez imaginer ou souhaiter, en approcherait. De fait, c’était le septième seul atteint lors de ces deux épisodes. Puis, comme dans le conte, il se passa des décennies où ce qui tient lieu d’amour vous fut familier. Après coup, vous dites avoir tout ce temps attendu la prédestinée, l’unique. La discussion aurait ses bases scripturaires, vos journaux intimes, mais elle ne mènerait nulle part. Quand se présenta à l’Ambassadeur que vous étiez, la jeune Russe allogène dans le pays de votre affectation, tout vous sembla si nouveau et révolutionnaire par rapport à ce que vous aviez déjà longuement vécu et expérimenté, que c’était naturel. L’exceptionnalité tenant à l’exotisme et à l’écart d’âge ce qui produit le même effet de contraste et d’abord d’un monde nouveau, vous fit adopter le comportement le plus inconséquent. Nulle étape à brûler, nulle rupture ou choix à signifier par ailleurs, vous étiez passé du zéro à l’infini, et quelque trait de caractère que manifestât votre élue ou quelque circonstance contraire, dont votre disgrâce professionnelle, qu’il advînt, vous étiez dans la plus complète assurance d’un état de vie déjà ancien tant il était béni et prédestiné, et vous aviez une confiance absolue dans la Providence inspira la belle et vous renforçant à tous égards.

C’est aujourd’hui toujours de loin que vous regardez l’amour des autres, l’attachement de quelques-uns à un métier banal ou à un don très travaillé d’artiste, la satisfaction tendre et sans narcissisme de quelques époux quand sont évoqués, non leur rencontre autrefois, mais la longévité de leur communauté de vie et en quoi celle-ci a contribué à les façonner. Ce qui vous a construit est au contraire ce qui vous a éprouvé, mis à bas, et en somme détruit. D’autres sont en relief, vous êtes en creux. Un secret vous manque, ce relais entre la dilection et la dévotion, et peut-être est-il dans la figuration que vous vous faites du choix d’une orientation professionnelle, d’un partenaire. Tout vous a toujours paru binaire et complémentaire, et vous vous échappez à vous-même et à autrui dans ce renaclement à consentir à l’épanchement amoureux. Vous n’êtes ni coureur ni collectionneur, vos voyages sont dans votre tête ou dans une imagination profusément déclenchée par une foule de projets, aussi nombreuse, éparpillée et dense à la fois que les passants enfermés en eux-mêmes marchant, se croisant, se hâtant sur les trottoirs à obstacles des Grands Boulevards ou dans l’axe des Grands Magasins. La garenne au lieu de l’amour ? Vous savez dire ce qui vous manque, ce dont vous ne voulez pas vous séparer, vous ignorez jusqu’à la construction de la phrase, de l’aveu qui indiqueraient vos préférences, une attente, un souhait. Vous souhaitez la présentation et vous ne donnez à votre libre-arbitre aucun rôle dans la recherche et l’estime de ce qui vous rendrait heureux. Vous ne sauriez même affirmer que ce qui convient à vous, comme à toute personne, et ce qui peut vous rendre heureux, ou elle, sont compatibles ou d’ordre différent.

Avec qui disputez-vous de ce qui est si abstrait ? Et n’y a-t-il pas quelque rapport entre votre inexpérience de la consécration, de l’affirmation et ces durées dans lesquelles vous installez une attente ou des vœux antagonistes de ce que pourtant vous consentez à vivre ?

Votre échec professionnel et votre impasse amoureuse sont de même nature. Vous cherchez un maître, vous souhaitez apprendre, vous ressentez votre inaptitude à vous conformer ax usages acquis ou généralement pratiqués, mais vous tenez à ce que votre mérite, votre sincérité, la qualité de votre apport personnel ne soient pas mésestimés, méconnus. Qui voudrait vous employer, qui vous aimerait est découragé à force de constater votre imperméaibilité. Vous ne faites pas le saut du vœu à la pratique, du dire et du compris au vécu et à l’expérimenté. Vous vous décevez vous-même, les cartes vous glissent des doigts comme de l’eau dans des mains qui ne peuvent former une coupe étanche. Vous rétorquez que jamais ne vous a été donné ce qui vous passionnerait et en même temps ne serait pas à titre précaire, vos fiançailles, l’Ambassade sont un clin d’œil, l’instant d’une photographie, d’une histoire dont tout le concentré ferait peut-être des volumes de papiers, de lettres, de documents et des années de récit et de persuasion d’un tiers éventuellement intéressé – éventualité qui vous remplirait de honte si elle se réalisait – mais s’énoncerait encore mieux en trois mots, l’inverse du tryptique fameux de César. Tout vous arrive, vous en auriez la capacité et c’est manqué. Cela vous tarabusta dès l’époque où, rompues des premières fiançailles, vous vous dégageâtes d’autres par  nostalgie des premières. Une case manquait, manifestement, raisonnablement vous auriez dû ne pas casser les secondes et lucidement vous réjouir que les premières ne soient pas allées à terme. Une psycho-thérapie tourna court, elle vous apprenait les défauts de cette discipline quand elle est mal administrée, mais rien sur vous ni sur vos ignorances. Votre état anxio-dépressif, diagnostiqué scientifiquement, vous a semblé tellement fonction de la dévalorisation dans laquelle vous étiez tenu de votre expérience et de votre personnalité professionnelles, que vous avez demandé une évaluation anonyme, mathématique de ce à quoi, sans que soit connue votre histoire, vous êtes bon, à supposer que vous le soyez à quelque chose. Votre vis-à-vis, chef de service dans le prestigieux hôpital où vous fréquentez, et gradé qu’il est dans l’armée, donc habitué au test des personnalités, avoue que votre demande excède ce qu’il peut et sait faire. Vous vous figurez quelque imprimé, quelque jeu d’épreuves, et une titalisation, comme dans les magazines, de vos réponses ou réactions selon un code précis mais qui vous a été dissimulé. Quelle impression faites-vous quand vous entrez dans le bureau du ministre ? Comment, si l’on n’avait aucun sentiment pour vous ou aucune expérience d’une liaison attachante avec vous, seriez-vous jugé au lit ? Votre silhouette dans la rue, ou votre visage dans une image de groupe pour archives diplomatiques ou politiques, que sont-ils ? Puisque vous ne savez pas vous tirer vous-même au clair, que cela tourne à l’incapacité de vivre et à une résignation sans qualificatif, mais qui est souvent heureuse et unifiante, au moins espérez-vous quelque expertise externe ! Vous vous y prêteriez mais ne la rencontrez pas, vous questionnez votre compagne, vous avez pensé, puisqu’il est acquis qu’elle vous a laissé tomber, demander à votre belle ce qu’au juste elle vous reconnaît de praticable ou d’intéressant. Toujours ni rôle ni emploi, en amour et en profession, même les assurances hésitent à vous classer, à chiffrer votre risque. Vous vous présenteriez à l’évêque de votre diocèse de résidence qui, par ailleurs, met beaucoup de salive pour achalander sa troupe de préposés et de consacrés, qu’il ne voudrait surtout pas de vous ! Que de dos tournés dans votre promenade à vie !

Est-ce vous qui passez à côté d’un fleuve non identifié, celui d’une existence humaine complète, réelle, s’accomplissant banalement mais dilatant l’âme, les chairs qui en sont le sujet ? ou est-ce ce cours qui vous frôle, ne vous aborde qu’à moitié, vous évite toujours ? Le débutant qui s’interroge : suis-je normal ? vos tentatives sans savoir ce qui aurait pu mieux les motiver d’ériger votre sexe puisque vous pensiez que ce serait, très probablement, de ce côté là que se jouerait une partie de la pièce. En revanche, votre assurance pour apostropher le Président régnant – dont vous êtes connu personnellement et étiez lu quand le quotidien fameux vous publiait, révérence pour le support et moins pour le contenu, au total les intimés ne vous en ont jamais voulu, mais tous ceux qui pensaient avoir quelque chose à dire et mériter votre notoriété plus que vous, vous encadrèrent pour toujours - ou suggérer aux gouvernants de tous bords les moyens propres à ce qu’ils acquièrent quelque figure historique et rendent surtout du service au pays. A chaque début de règne, à Matignon, cela a marché, des réponses sont venus, tout débutant, surtout là, s’émerveille qu’après quelques jours de présence aux commandes, personne ne l’ait traité usurpateur et qu’aucun de ses procpres gestes n’ait fait exploser la machine. Le droit divin vient, subrepticement, en peu de mois ensuite.

Les choses sérieues, ce qui compte, l’argent, la stabilité conjugale et immobilière, la permission de dire, tout en le pensant, surtout en le pensant : «  je t’aime », les enfants qui ont pour racines et terreau ces multiples équilibres et acquis conservatoires, vous êtes devant de naissance et ce vous est impraticable. Une vitrine, une paroi de verre, vous êtes transparent à la réalité. L’observateur que chacun est, dans le wagon de métro, est le seul invisible, le monde entier à touche-touche lui est présent mais ce monde-là n’en sait rien. Votre chienne, celle d’origine, quand vous franchissez le seuil de votre compagne, où elle vous a attendu, la journée ou la quinzaine, ne barguigne pas, elle n’est que présence, que présentation d’elle-même, elle manifeste avec une joie silencieuse qui vous émeut, qu’elle vous aime et vous choisit. Qu’elle n’ait pas le choix, elle est seule à ne pas le savoir. C’est l’amour. . . d’autres écrivent des traités sur la liberté et la grâce et toutes les oraisons de la liturgie catholique contemporaine sont dans ce serpent qui se mord la queue : « donne-nous d’aimer ce que tu nous donnes ou promets, fais-nous vouloir ce que tu projettes pour nous. » Honnêtement, les plumitifs sacrés n’ont pas tiré à la ligne et jamais signifié à l’auditeur ou au lecteur : « fais-nous prendre pour venant de toi le tout venant ». Il y a donc une marge. Vous vivez d’ignorance, plus encore que d’attente, malfaçon ? Les thérapeutes vous assurent que non, celles que vous avez épuisées de mensonges, de duplicité et de restrictions mentales, disent que oui. Et si vous décider ? vous aimer d’abord, donc vous détester double ou inconsistant, était le premier abord du grand cours de l’existence humaine ?

Votre peur d’exclure, de perdre en choisissant, votre perplexité avant de tenter de couronner ce qui aurait – objectivement ? - moins de couleurs que des occasions précédentes discutaillent avec le bon sens qui est d’enfin se choisir soi-même en s’en tenant à quelqu’un, à un lieu, à des exercices professionnels, et aussi avec l’attrait – tout de même – de ce que vous vivez et appréciez, reçu d’autrui en mélange avec vous. Les gens du voyage, les routards, des seconds vous craignez ce qui les a fait passer d’un endroit à nulle part, et qui, jugez-vous, les a radicalement modifiés. Eux, prétendent que ce départ permanent en pèlerinage confine à une arrivée quotidienne et qu’ils se sont rejoints ainsi. Des visages à barbe et des pieds nus en savates, il y a en avait un spécimen chaque fois que la baraque liturgique des Franciscains, au fin fond d’Almaty, là d’où part la route pour Bichkek puis l’Asie interdite d’un Islam montagnard et non écrit, et vous en avez trouvé d’autres partout où vous avez l’habitude de quelque dévotion. En revanche, les jeunes filles à marier prosternées dans une prière qui les fait croire en pleurs ne fréquentent pas plus d’une année quelque lieu saint où vous les ayez aperçues. Elles perdent la foi ou se donnent un amant. La demande et la supplication sont féminines, les pieds nus sont virils, l’inversion de ces rôles répugne. Vous avez toujours préféré l’évidence à votre responsabilité personnelle et chaque fois que celle-ci s’imposa, avec la force décisive d’un miroir qui reflète d’autant plus qu’on fixe ce qu’il fait voir, vous avez été trompé.

L'éternel féminin nous attire vers le haut  [1]






[1] - GOETHE, cité sans référence dans les emballages des bouchées au chocolat Cémoi en compagnie de MONTAIGNE, SHAKESPEARE, Victoru HUO et d’autres

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