mercredi 9 novembre 2016

lettre ouverte à François Hollande - suite du chapitre III . l'air vif de la démocratie




Monsieur le Président de la République,

est-il possible que ces expériences de psychologie personnelle et collective qui concordent – celles, toutes, de la démocratie : d’abord, l’écoute ensemble du point de vue, de l’appréciation par chacun du sujet à traiter, de son contexte et même de la situation entière, sous tous ses aspects, vous n’en ayez jamais vécues. La délibération intime, l’hésitation, l’enthousiasme, les objections que nous nous donnons changent quand nous les communiquons, les mettons à l’ordre du jour ou les exposons à d’autres, à tous. Nous éprouvons les références, les points communs, et quelque chose progressivement point, se structure, devient projet ou s’enrichit d’une complexité d’abord inaperçue, qui  nuance, provoque une inventivité ou rappelle des précédents. Un fonds commun, propre à être écrit et mémorisé apparaît. Un patrimoine aussi, mental, affectif. Et il y a le plaisir, la joie, le bonheur d’un travail qui devient œuvrer et auquel chacun est attelé, sans mesure inutile des apports. Ce qui a compté, c’est le mouvement, c’est la confiance. On ne peut alors se tromper ayant tout entendu, ayant fait jaillir l’objection ou l’ajout.

L’assurance d’être entouré, suivi, soutenu, relayé, expliqué si la décision à laquelle vous vous êtes arrêté en ayant constaté des accords et des limites d’accord, l’avez-vous éprouvée ? Agir par surprise, sortir des rédactions, des calendriers, des arguments sans les avoir éprouvés et obliger leur aboutissement, leur rédaction par appel à la solidarité, par chantage au sort commun qui, selon notre Constitution, et nos traditions républicaines, est électif, je ne sais si c’était l’art du compromis et de la synthèse qu’on vous a tant prêté avant que vous n’exerciez ces fonctions qui sont vôtres pour quelques mois encore. Peut-être cet art vous a-t-il désappris ce qu’est la décision démocratiquement prise. Elle n’est pas pour plaire un peu à certains, beaucoup à d’autres, et pour ne pas déplaire décidément à d’autres, ou trop déplaire en sorte que jamais les alliés ne sont indéfectibles mais qu’en revanche les ennemis sont irréconciliables. La démocratie se vit à l’air libre, et c’est un air transparent, vif, naturel, mouvementé, qui stimule et réjouit. Les choix sont donc après débat, libellés, présentés, défendus. Ils sont intégraux. Ce qui ne veut pas dire binaire, mais ce qui signifie qu’ils forment corps et construisent. Un referendum en quelque instance ou sur quelque sujet qu’ils soient n’est pas une question de confiance, mais une possibilité de créer ou d’améliorer ou de consolider. Une décision n’est pas une combinaison.
Vous en avez donné de nombreux exemples, malheureusement, et nous avons été contraints de les vivre à deux degrés. Ne pas nous consulter par manque de confiance en vous et en nous, votre prédécesseur en avait fait une pratique plus caractéristique de sa conception de la démocratie que sa logorrhée sur l’exemplarité de nos institutions et de nos moeurs politiques. Lui et son Premier ministre, avant d’être en place pour les cinq ans d’usage pour le Président et de rare observance pour le responsable de la composotion du gouvernement et des projets de lois projets, avaient chacun écrit sur le referendum pour en défendre désormais notre vie nationale. Nous n’avons donc pas eu à opiner sur le nouveau traité européen, signé à Lisbonne, ni sur une réintégration de l’organisation intégrée de l’Alliance atlantique, d’ailleurs passée inaperçue, ni sur une révision constitutionnelle collant des étiquettes sur des paquets vides mais permettant aux parlementaires, un temps ministres, de retrouver automatiquement leurs sièges respectifs sans nous rendre compte de rien. Vous avez ainsi décidé de changer l’envergure de nos régions et avez même failli nous imposer la disparition de nos départements. Votre argument a porté sur le consentement dont vous étiez sûr, de celles et ceux qui concourraient pour diriger ces nouvelles collectivités territoriales puisqu’elles seraient plus volumineuses que les précédentes, donc plus gratifiantes pour les importances de chacun. Vous avez méprisé le rejet presque unanime d’un projet de loi sur le travail, la contractation de l’emploi et la vie dans l’entreprise, en taisant les conditions d’apparition de cette matière à l’ordre du jour parlementaire et les façons dont il avait été élaboré. Vous avez souverainement consenti aux amendements parlementaires à la première rédaction, mais maintenu devant la représentation nationale et les manifestants, journée après journée, l’article-clé que le reste du texte ne faisait qu’envelopper sans conséquence propre. Vous avez joué avec la vie locale et avec les mœurs, les débats dans l’entreprise, avec une étonnante combinaison de la désinvolture et de la surdité. Inébranlable, vous fûtes même pas pour la pose à la Juppé puis à la Sarkozy. Moins c’est populaire, plus c’est bénéfique. Le propre de l’exercice d’une fonction, c’est seul contre tous, ou plutôt seul au plus loin des autres.


Vannes, à l’U.C.K. pendant le cours de danse de notre fille,
mercredi 9 Novembre 2016, 16 heures 58 à 17 heures 30


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