Monsieur
le Président de la République,
est-il
possible que ces expériences de psychologie personnelle et collective qui
concordent – celles, toutes, de la démocratie : d’abord, l’écoute ensemble
du point de vue, de l’appréciation par chacun du sujet à traiter, de son
contexte et même de la situation entière, sous tous ses aspects, vous n’en ayez
jamais vécues. La délibération intime, l’hésitation, l’enthousiasme, les
objections que nous nous donnons changent quand nous les communiquons, les
mettons à l’ordre du jour ou les exposons à d’autres, à tous. Nous éprouvons
les références, les points communs, et quelque chose progressivement point, se
structure, devient projet ou s’enrichit d’une complexité d’abord inaperçue,
qui nuance, provoque une inventivité ou
rappelle des précédents. Un fonds commun, propre à être écrit et mémorisé
apparaît. Un patrimoine aussi, mental, affectif. Et il y a le plaisir, la joie,
le bonheur d’un travail qui devient œuvrer et auquel chacun est attelé, sans
mesure inutile des apports. Ce qui a compté, c’est le mouvement, c’est la
confiance. On ne peut alors se tromper ayant tout entendu, ayant fait jaillir
l’objection ou l’ajout.
L’assurance
d’être entouré, suivi, soutenu, relayé, expliqué si la décision à laquelle vous
vous êtes arrêté en ayant constaté des accords et des limites d’accord,
l’avez-vous éprouvée ? Agir par surprise, sortir des rédactions, des
calendriers, des arguments sans les avoir éprouvés et obliger leur
aboutissement, leur rédaction par appel à la solidarité, par chantage au sort
commun qui, selon notre Constitution, et nos traditions républicaines, est
électif, je ne sais si c’était l’art du compromis et de la synthèse qu’on vous
a tant prêté avant que vous n’exerciez ces fonctions qui sont vôtres pour quelques
mois encore. Peut-être cet art vous a-t-il désappris ce qu’est la décision
démocratiquement prise. Elle n’est pas pour plaire un peu à certains, beaucoup
à d’autres, et pour ne pas déplaire décidément à d’autres, ou trop déplaire en
sorte que jamais les alliés ne sont indéfectibles mais qu’en revanche les
ennemis sont irréconciliables. La démocratie se vit à l’air libre, et c’est un
air transparent, vif, naturel, mouvementé, qui stimule et réjouit. Les choix
sont donc après débat, libellés, présentés, défendus. Ils sont intégraux. Ce
qui ne veut pas dire binaire, mais ce qui signifie qu’ils forment corps et
construisent. Un referendum en quelque instance ou sur quelque sujet qu’ils
soient n’est pas une question de confiance, mais une possibilité de créer ou
d’améliorer ou de consolider. Une décision n’est pas une combinaison.
Vous en
avez donné de nombreux exemples, malheureusement, et nous avons été contraints
de les vivre à deux degrés. Ne pas nous consulter par manque de confiance en
vous et en nous, votre prédécesseur en avait fait une pratique plus
caractéristique de sa conception de la démocratie que sa logorrhée sur
l’exemplarité de nos institutions et de nos moeurs politiques. Lui et son
Premier ministre, avant d’être en place pour les cinq ans d’usage pour le
Président et de rare observance pour le responsable de la composotion du
gouvernement et des projets de lois projets, avaient chacun écrit sur le
referendum pour en défendre désormais notre vie nationale. Nous n’avons donc
pas eu à opiner sur le nouveau traité européen, signé à Lisbonne, ni sur une
réintégration de l’organisation intégrée de l’Alliance atlantique, d’ailleurs
passée inaperçue, ni sur une révision constitutionnelle collant des étiquettes
sur des paquets vides mais permettant aux parlementaires, un temps ministres,
de retrouver automatiquement leurs sièges respectifs sans nous rendre compte de
rien. Vous avez ainsi décidé de changer l’envergure de nos régions et avez même
failli nous imposer la disparition de nos départements. Votre argument a porté
sur le consentement dont vous étiez sûr, de celles et ceux qui concourraient
pour diriger ces nouvelles collectivités territoriales puisqu’elles seraient
plus volumineuses que les précédentes, donc plus gratifiantes pour les
importances de chacun. Vous avez méprisé le rejet presque unanime d’un projet
de loi sur le travail, la contractation de l’emploi et la vie dans l’entreprise,
en taisant les conditions d’apparition de cette matière à l’ordre du jour
parlementaire et les façons dont il avait été élaboré. Vous avez souverainement
consenti aux amendements parlementaires à la première rédaction, mais maintenu
devant la représentation nationale et les manifestants, journée après journée,
l’article-clé que le reste du texte ne faisait qu’envelopper sans conséquence
propre. Vous avez joué avec la vie locale et avec les mœurs, les débats dans
l’entreprise, avec une étonnante combinaison de la désinvolture et de la
surdité. Inébranlable, vous fûtes même pas pour la pose à la Juppé puis à la
Sarkozy. Moins c’est populaire, plus c’est bénéfique. Le propre de l’exercice
d’une fonction, c’est seul contre tous, ou plutôt seul au plus loin des autres.
Vannes, à l’U.C.K. pendant le cours de danse
de notre fille,
mercredi 9 Novembre 2016, 16 heures 58 à 17
heures 30
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