dimanche 30 novembre 2014
samedi 29 novembre 2014
vendredi 28 novembre 2014
jeudi 27 novembre 2014
mercredi 26 novembre 2014
mardi 25 novembre 2014
lundi 24 novembre 2014
dimanche 23 novembre 2014
samedi 22 novembre 2014
vendredi 21 novembre 2014
les autres . partiellement la suggestion du tout
l'ancien maire
le boucher et la vue sur le Golfe
le damoiseau
de dos puis la bicyclette hollandaise
bientôt en ligne
le boucher et la vue sur le Golfe
le damoiseau
de dos puis la bicyclette hollandaise
bientôt en ligne
jeudi 20 novembre 2014
journal d'il y a cinquante ans
23 heures 10
Vendredi 20 Novembre 1964
Impression de chaleur,
d’étouffement. Depuis quelques jours, démarche plus lourde, traits tirés. Peu
d’humour. Trop de sérieux. C’est le concours. Le travail est abrutissant, même
si la matière (comme ce soir, la littérature française) ne l’est pas.
*
*
*
Vu le Père Lamande, mercredi
soir.
Au début, j’ai eu
l’impression que nous ne nous comprenions pas. N’avait pas lu mes notes. (Les
lira avant Noël). Lorsque je lui ai donné les résultats de l’écrit, ma dit
qu’il n’y avait plus de problème. Je lui ai expliqué qu’il demeurait
– m’a montré tous les
risques, et les désagréments de la vocation, tout ce à quoi il me faut renoncer
(carrière, femme)
– a insisté sur le fait que
mon choix devait être total, irréversible, définitif
– que la vocation était
l’AMOUR, un amour pour Dieu, et c’est tout.
M’a dit
– qu’il refusait de me
parler de la période où il m’a le mieux connu : Petit Collège
– de ne pas prendre de
décision avant le service militaire, que le service me ferait beaucoup de bien.
A la fin de notre entretien,
je crois qu’il avait compris combien ma position est parfois inconfortable, et
qu’il est des moments où je souffre réellement de ne pas voir clair, d’errer
dans un couloir où toutes les portes sont fermées.
En lisant mon analyse
d’écriture, a déclaré
– que je serai très
dangereux comme supérieur religieux (cf. Boyau)
– qu’il était indispensable
que je sois bien dirigé.
Qu’au fond, je n’étais pas
encore en possession de ma personnalité (ce qui est normal à mon âge) et que le
bien et le mal étaient tous deux latents en moi.
Trajets, en revenant de
l’INS, mardi et mercredi derniers, avec Olivier F.
– est simple, et lui-même. Pas besoin de
prendre des gants. Dit facilement ce qu’il pense, simplement. Beaucoup de
finesse et de délicatesse. Séduisant au fond.
– pratiquement pas d’idées bien
personnelles. Ce qu’il avoue lui-même. N’a au fond guère de caractère. A
conscience, et ne regrette pas, d’être le prototype-même de l’élève de l’ENA,
semblable à d’autres
– vg. politiquement au centre, mais la
politique de l’intéresse pas. C’est l’administration, la gestion qui
l’intéresse. Epouser une femme riche, est pour lui une ambition véritable. Ne
semble pas avoir de « problèmes ». Guère de profondeur. Mais
infiniment de gentillesse, et une intelligence simplifiant les choseds. Je ne
lui ai pas posé de questions sur ses croyances.
–
chose curieuse (du moins je le crois), s’est assez ouvert à moi, sans
que je lui ai fait tellement de confidences en retour.
*
*
*
Conférence de Hallstein [1],
hier soir, à la Faculté. Très
applaudie. Le mot « politique » particulièrement. Unité politique.
Communauté politique. Prise de position capitale : la dégense devra être
intégrée si l’on veut faire l’Europe, contre toute menace de désintégration à
l’intérieur ou d’écrasement à l’extérieur. En quoi, rejoint les thèses
gaullistes.
Je suis de très près ces
questions, conscient de l’enjeu formidable de la partie qui se joue. Les
Etats-Unis ont tout intérêt – ils l’ont bien compris maintenant – à ce que
l’Europe ne se fasse pas. Pour cela, ils dévoyent systématiquement l’Allemagne [2].
La force multilatérale n’a d’autre but que d’amarrer définitivement une partie
de l’Europe à l’Amérique, laissant de côté toute l’Europe de l’Est, et
compromettant considérablement tout projet d’Europe.
Il faut choisir :
l’Europe atlantique n’existe pas. Il faut choisir la Communauté atlantique
ou la Communauté
européenne. Je choisis la
Communauté européenne, dussè-je dire non à la Communauté atlantique.
Si à court terme, l’on peut
être pessimiste, on peut être optimiste pour l’avenir. Les Etats-Unis éveillent
de plus en plus de méfiance. Il n’y a plus de lien sentimental avec eux (seul
Kennedy aurait pu les maintenir). La conscience (ou le nationalisme) européen
se fait de plus en plus sentir. Tôt ou tard, l’Europe se fera, contre les
Etats-Unis, s’il le faut.
*
*
*
Guère le temps de penser à
la vocation. Ne la désire que dans la mesure où c’est le plan de Dieu sur moi.
Sinon, je souhaite que la question soit enterrée. Mais je ne peux l’enterrer.
La question reste latente sans pour autant que je puisse la résoudre. Je fais
confiance à Dieu pour m’aider à la résoudre quand il m’indiquera de lui poser
la question. J’attends calmement. Et la vie religieuse me devient indifférente.
Que Dieu tranche en moi. Après tout, c’est lui qui m’a choisi et non pas moi.
Il ne m’abandonnera pas. J’ai la foi et cela commande tout mon avenir, mais pas
encore assez mon présent.
En tout cas, faire la volonté
de Dieu est ma raison d’être. Et je ne serai pas heureux sans cela. C’est cela
qui est capital. Quelle est la volonté de Dieu sur moi ? que je ne puisse
jamais dire, comme Gide : « C’est à ma taille aussi que j’avais taillé mon bonheur… Mais j’ai
grandi. A présent, mon bonheur me serre. Parfois, j’en suis pres
étranglé ! ».
Mon Seigneur !
Je n’ai guère la force de te
prier.
Je suis fatigué, aveugle.
Je ne vois plus rien.
Le concours barre tout.
Je ne sais plus rien.
Si ce n’est que Tu m’aimes.
Et que j’ai choisi de Te
suivre partout.
Et que la vie n’a de sens
qu’en Toi.
Et que je ne peux – et ne veux
– être heureux qu’en toi.
Je confie, comme tous les soirs, à Ta mère
ma vocation
Si Tu m’appelles, fais-le moi savoir, et
donne-moi la force de Te suivre.
Seigneur, exauce-moi. Même si je ne puis
ce soir, formuler ma prière. Viens la chercher au fond de mon cœur.
Je ne peux l’élever jusqu’à toi.
Tant, je suis fatigué, et sans horizon.
Seigneur, je Te confie tout mon être, tout
mon avenir,
tout mon présent. Cette nuit et ce demain.
Et ces oraux de l’ENA.
Et l’effort de mes camarades, et leur
appréhension.
Et mon effort et mon appréhension.
Seigneur, sans Toi je ne puis rien.
Je m’accroche à Toi, et je sens de plus en
plus,
que si j’ai la Foi, c’est bien grâce à Toi
qui T’es révélé
à moi, à moi qui ne suis qu’un pécheur et
qu’un égoïste forcené.
Credo in unum Deum,
je crois à Ton amour.
Je crois en Toi, unique source de tout
amour,
Toi qui es Amour, Toi qui
es tout
et qui fais mon bonheur.
Toi, Seigneur, que je veux
suivre
dans quelque état que ce soit.
___________________
[1] -
Walter Hallstein, président de la
Commission du Marché commun, à Bruxelles. Il inaugure ces
fonctions et cette institution après avoir été ministre des Affaires étrangères
de son pays, la République
fédérale d’Allemagne, sous l’autorité du chancelier Adenauer. Il avait alors
inauguré aussi ces fonctions pour l’Allemagne d’après-guerre et énoncé la
doctrine qui porte son nom : rupture avec tout Etat qui reconnaîtrait la République démocratique
allemande (on disait alors le régime de Pankow). C’est l’époque où la
discussion ne porte pas sur un amoindrissement des compétences de la Commission, mais sur la
définition-même de l’entreprise européenne : politique ou pas ? ce
qui constitue le débat : fédéralisme ou pas
[2] - dirigée
depuis Septembre 1963 par le chancelier Ludwig Erhard, sans la moindre affinité
avec le général de Gaulle
mercredi 19 novembre 2014
mardi 18 novembre 2014
lundi 17 novembre 2014
dimanche 16 novembre 2014
journal d'il y a cinquante ans
Lundi 16 Novembre 1964
en bibliothèque, rue Saint-Guillaume
Réflexions pour 1985 – j’en lis l’analyse dans Paris-Match.
– la culture primant le
savoir. Ce que Duverger disait il y a trois ou quatre jours : tout
comprendre et non pas tout savoir. Ce qui suppose des gens beaucoup plus
intelligents, mais aussi toute une autre éducation. La priorité donnée aux
voyages, aux lectures (non des manuels juridiques ou scientifique, mais des
grandes œuvres ou d’ouvrages de vulgarisation : Fred Hoyle, ou de
synthèse : Teilhard)
– croyance que le progrès va
vite. En fait, je n’ai pas cette impression. Depuis Napoléon, on mange toujours
du pain, nous nous asseyons toujours devant une table pour manger, nous dormons
dans des lits peut-être plus confortables mais qui sont toujours à quatre
pieds. Les villes sont de plus en plus laides, et, dans le quotidien, on se
déplace aussi lentement (on met certainement plus de temps pour aller de
l’Etoile à Sciences-Po., que du temps
de Napoléon III). Je crois donc qu’en 1985, notre vie quotidienne ne sera pas
tellement changée par rapport à 1965. Le confort sera plus répandu. Peut-être
vivrons-nous dans des maisons particulières ? Mais… les projections faites
dans le livre auraient pu être faites, il y a vingt-cinq ans pour notre époque,
et notre époque les a démenties.
– optimisme démesuré.
Croyance que la Beauté
sera répandue. En fait, la beauté dont l’homme d’aujourd’hui est le plus avide,
c’est la nature, d’où le week-end à la campagne, les sports d’hiver, le
scoutisme (de Baden-Powel).
– l’homme est-il
heureux ? réponse : « J’existe. Plus aujourd’hui qu’hier.
J’existe plus fort. Je maîtrise mieux l’univers. Quoi d’autre ? ». Cela ne répond pas à la question. L’homme
est-il plus près de Dieu ? Reprendre Daniélou. Quel sera le paganisme de
demain que l’Eglise purifiera, transfigurera, dans la Révélation du Christ.
– reprendre ce que disait
Daniélou à Jambville : on ne manquera pas de techniciens, mais d’hommes de
prière, de moines, de prêtres, de moines. Frappant qu’aux Etats, pays-pilote
pour la civilisation de 1985 (et qui le vit déjà peut-être), il y ait un tel
élan de monachisme. Cf. Merton, Gethsémani passant de 60 à 200 frères en deux
ans.
– manque de pensée, de
contingent, de sens de l’effort dans ce monde tel qu’il est décrit (et tel
qu’il n’existera pas).
La politique sera toujours
« la tragédie de notre temps », elle l’était du temps des Grecs, elle
le sera encore dans vingt ans. Et peut-être même plus, car il faudra des hommes
qui fassent la synthèse de
leur temps, et des options que le monde prendra plus ou moins consciemment.
Le rôle du politique sera
même de faire naître l’alternative. Là où aucun choix ne se présente, c’est le
totalitarisme de la machine (demain) ou de l’homme (hier).
Le politique sera celui qui
créera, non pas une solution de rechange, mais qui mettra en question, en
doute, des orientations. (La conscience naît de la remise en question). Il est
frappant de voir qu’avant 1958, l’OTAN était en vogue, et la coupure du monde
en deux un fait irréversible. Aujourd’hui, on envisage très calmement – et à
juste titre – de sortir du sillage américain, de confectionner un autre bateau
– entièrement indépendant – ou encore de s’allier aux Russes. Là où il n’y
avait qu’une orientation, de Gaulle a posé une alternative.
Dieu n’agit-il pas de même dans
nos vies ? en remettant sans cesse en cause l’orientation que nous
avons vouku donner à notre vie, sans nous soucier de l’alternative qu’il
nous propose : tout ou rien, son amour ou le désespoir.
===============
A certains moments, surtout
quand je travaille, j’ai l’impression de n’avoir jamais « flagorné »,
de n’avoir jamais lancé à fond toute mon énergie, toute ma puissance, toute mon
imagination, qu’il y a une puissance formidable en moi, et qu’un avenir très
lourd et dense m’est promis.
Mais je sens aussi que cette
puissance est diverse, éparse, qu’elle ne pourra se donner à plein – que si
elle unifiée, stimulée, subjuguée, canalisée, que les multiples possibles ne
pourront se résoudre qu’en une vie, que seul le Christ peut me permettre de me
réaliser, et que sans Dieu, et son plan sur moi, je ne puis rien, qu’un souffle
dans le soir, alors que je pourrais être l’ouragan qui balaie – ou le vent qui
fait tourner mille moulins.
J’ai l’impression que
beaucoup de recherche et de tâtonnements m’ont été évités par la Providence, que tout de
suite, elle m’a fait pressentir la vérité, ce pour quoi je suis fait, que
l’existence vaut la peine, parce qu’elle mène à Dieu.
Mais je sais aussi qu’elle
ne m’a pas encore permis de résoudre l’avenir. Et que les décisions sont à
prendre. Jusqu’à présent, j’ai été façonné, avec plus ou moins de collaboration
de ma part, et plus ou moins de conscience de l’œuvre de Dieu.
Maintenant, il faut que je
réponde.
_______________
Il y a deux cultures :
– celle que je suis en train
de mettre en fiches, qui est à la portée de quiconque
– celle que donne la
vie : cette capacité de s’émerveiller, ces multiples paysages, ces visages
d’amis, ces âmes entraperçues, ces sourires du corps et du cœur, ces
rencontres, ces vies vécues. Tout cela n’est que don de la Providence, et chercher
cette culture (au beau sens du terme, puisqu’elle nous façonne, puisque Dieu
nous façonne, nous « cultive » par les événements), c’est s’exposer à
ne jamais l’atteindre, et à perdre celle que l’on a déjà. On ne reçoit qu’en
donnant. Et donner, c’est parfois accepter de recevoir.
A la maison, 22 heures
Bien souvent, je crois des
regards pleins de tristesse ou de non-espoir, des regards vides, qui appellent
de quoi les remplir. Et je ne sais que leur répondre, et je baisse les yeux. Un
peu honteux de mon bonheur.
Il n’est pas facile de
regarder en face mon ami, et de contempler sa certitude, sa richesse, son
amour, la plénitude de son regard, pas ce que ce regard contemple déjà, ce qui
peut seul le remplir pour l’éternité, que de regarder ces yeux gris, fixés dans
le vague, ces yeux de couleur indéfinissable, qui me supplient, qui me
disent : je suis malheureux, tout craque en moi, ces yeux qui sont ouverts
sur un vide intérieur vertigineux, que creuse le sentiment que la vie est
absurde et n’a aucun sens.
Seigneur, j’ai parfois peur
de ces regards. Et c’est le regard de presque tous tes frères : les
hommes. Seigneur, aurais-tu apporté la lumière pour rien ?
Et lux in tenebras lucet. J’ai compris. Tu ne peux remplir que ce
qui est vide, tu ne peux éclairer que l’obscur. Ces regards vides t’attendent.
Cette angoisse de ceux que je cotoie, c’est l’angoisse de ton
absence. Mais Seigneur, tu viens en ce monde, sécher les larmes et faire
voir les aveugles. Seigneur, je te prie pour ceux que j’ai croisé aujourd’hui
et dont je n’ai regarder le regard san gêne. Seigneur, ce sont mes frères et
demain ils verront la même lumière que moi, et tu les appelleras, au même
bonheur, et à la même joie éternelle.
+
Tombé sur quelques vers, cet
après-midi, en faisant mes fiches.
« Il fallait y croire il fallait
Croire que l’homme a le
pouvoir
D’être libre d’être
meilleur
Que le destin qui lui est
fait… » Eluard.
Si l’on retranche le dernier
vers, c’est parfaitement chrétien. Et tout l’optimisme de la Révélation s’y
retrouve. Mais il y a ce déterminisme et cette damnation, dans le dernier vers,
qui est faux.
J’ai surtout beaucoup ces
vers de Robert Desnos.
« J’ai rêvé tellement fort de toi,
j’ai tellement marché,
tellement parlé,
tellement aimé ton ombre,
qu’il ne me reste plus rien
de toi… »
C’est là la différence entre
l’amour humain (dans la mesure où la mort le condamne, pour les incroyants il
ne me reste plus rien de toi, qu’un corps mort) et l’amour divin : le
dernier vers est alors en trop.
*
*
*
Reçu une lettre d’André. Me
laisse entendre que lui et sa famille croient que j’ai la vocation. Me parle de
la Foi qui balaie
tout. Et la Foi
est un don de Dieu. Deo gratias.
samedi 15 novembre 2014
vendredi 14 novembre 2014
jeudi 13 novembre 2014
mercredi 12 novembre 2014
journal d'il y a cinquante ans
« On croise sans cesse dans la vie des
regards qui paraissent nous parler » – Daniel Anselme Les
relations
Jeudi 12 Novembre 1964
Cours de Reuter [1]
sur la
communauté européenne
Montre que les Russes
accepteraient d’évacuer l’Europe si elle était neutralisée (traité d’Etat de
1955 sur l’Autriche, plan Rapacki). Conclusions diverses : l’Europe peut
se faire, jusqu’à la Vistule,
pourvu que les Américains se retirent. Le retait des Américains entrainerait
celui des Russes et leur avance. (La force multilatérale qui accroîtle
potentiel allemand ne peut que les inciter à rester sur leurs positions
européennes). Conclusion : de Galle joue le seul jeu possible pour
l’Europe, pour que l’Europe s’unifie, départ des Américains (bien entendu, les
Etats-Unis ont au contraire intérêt à la solution atlantique, qui est le plus
grand danger que court l’Europe. Plus que jamais, vive de Gaulle. On ne voit
personne d’autre sur le continent qui serait assez sûr de lui et de ses vues
pour continuer et résister à l’ambiance chasse à courre qui éclate parfois).
Pb. allemand est la base de
tout. Peuvent faire pencher la balance pour l’est ou pour l’ouest. Peuvent
détrruire instantanément la construction européenne. Les Américains misent sur
l’Allemagne, seule puissance « intéressante » sur le continent. En la
mettant dans leur jeu, ils gagnent. Contrairement à ce que l’on dit, Bonn a
effectivement tôt ou tard à choisir entre Paris et Washington. De Gaulle n’a
jamais pensé à la forcer à choisir. Mais Johnson manifestement veut obtenir ce
oui de l’Allemagne. L’aura-t-il ? Comme dit Raymond Aron
aujourd’hui : la partie de poker ne fait que commencer . Si c’est du poker
(et non du bridge où celui qui a le plus de points gagne), on peut miser sur de
Gaulle…
Donc, cours stimulant pour
l’esprit et un professeur plus séduisant que jamais.
*
* *
Coup de téléphone de
Christian, de Michel. Lettre de Luc G. « Le problème majeur reste pour moi la question de mon orientation. En
fait, cette année, quelle que soit son issue, ne sera pas décisive : car
elle comprend une grande partie de Math. Physique.Chimie. qui sont des matières
qui m’ont toujours intéressé. Il y a des moments où je suis certain d’être dans
la bonne voie, d’autres où j’envisage des oeientations diamétralement opposées… ».
J’ai cru presentir la question de la vocation, et lui ai écrit en ce sens. Ses
rapports de wood-craft [2]
m’avaient fait me poser la question. Prier pour lui. Quelle joie ce serait si
Dieu l’appelait. Il est des moments où l’on ne pense plus à soi. (Héls ! ils
sont trop rares).
L’un des plus beaux moments
de ma vie a été cette journée et surtout cette heure de bavardage, avant de
nous endormir, avec Christian à Solesmes, certain « samedi in Albis ».
Encore merci, Seigneur, de ces minutes si humaines et si près de Toi, dans ta
lumière. Car Tu rassembles les êtres, qui ont le même amour de Toi dans leur
cœur. Alleluia !
Suurexit Dominus vere .
Alleluia !
*
* *
Demain matin, je commence à
fond la préparation de mon oral.
_________________
[1] -
Paul Reuter, professeur à la faculté de droit et des sciences économiques de
Paris et rue Saingt-Guillaume, où j’ai suivi ses cours en 1963-1964 – un des
rédacteurs du traité de Paris institut la Communautéeuropéenne
du charbon et de l’acier – 1911 + 1990 – particulièrement séduisant,
ensemençant sous des dehors dilettantes, un juriste et un praticien (notamment
des détournements de trafic, précurseurs de nos délocalisations actuelles) très
précis. Il savait écrire court et faire cours
[2] - quelques jours
absolument seul à vivre par ses propres moyens en pays inconnu à priori :
une des disciplines-entrainements du scoutisme
mardi 11 novembre 2014
lundi 10 novembre 2014
dimanche 9 novembre 2014
samedi 8 novembre 2014
vendredi 7 novembre 2014
journal d'il y a cinquante ans
Samedi 7 Novembre 1964
Journée détendue occupée à
classer les photos et à en continuer le répertoire.
Avant-hier, j’ai un peu
arrangé ma chambre : disposant mes quelques bibelots,
« encadrant » la photo de Solesmes représentant Sainte Madeleine.
Depuis deux soirs, je
récite, plus ou moins bien, un chapelet avant de m’endormir.
J’ai vraiment le sentiment
qu’il va falloir me décider, que je serai le seul à le pouvoir et que je fais
pas encore assez confiance en Dieu. Me décider.
Hier, messe du 1er
vendredi du mois. J’ai été profondément ému, car c’était une messe pour les
vocations, dite par Monsieur le Curé qui a fait un court sermon, que les
églises soient toujours remplies et qu’il y ait des prêtres pour apporter le
corps et la parole du Christ.
Paradoxalement, un manque de prêtres, on fait tout pour
qu’il y en ait davantage, et Boyau me dissuade de l’idée que j’ai la
vocation !?
Dans deux jours, si j’ai le
courage d’aller voir les affiches dès lundi soir, j’aurai les résultats de
l’ENA.
J’ai l’âme sèche et
désertique. Je vis sans penser à l’avenir¸ni au lendemain, pour ne pas raviver
un désir que peut-être Dieu condamne. Je pleure sans larmes, et j’espère sans
espoir. Christ, ma seule espérance. Spea in Deo quoniam adhuc confitebor illi
anima mea. Et quae contrubas me ?
Seigneur, si tu ne viens à
mon aide, je suis fichu. J’ai peur, je désespère, j’ai froid, je doute.
« Dans tous les désarrois, tu garderas ma foi ».
+
Toi aussi, Seigneur, Tu as
souffert. Toi aussi, Tu n’as pas vu clair. Toi aussi, Tu as été abandonné.
Seigneur, sauve-moi.
jeudi 6 novembre 2014
mercredi 5 novembre 2014
journal d'il y a cinquante ans
Jeudi
5 Novembre 1964
L’affaire du
« Concorde »
On en parle depuis huit
jours. Tout le monde s’accorde à la considérer comme très importante.
Test capital : l’Europe
peut-elle concurrencer l’Amérique ? l’Europe peut-elle résister à la
puissance économique américaine et à terme, s’en émanciper ? Refuser, ou
ne pas pouvoir, construire Concorde, c’est accepter la suprématie américaine,
non comme un état transitoire, une conséquence durable mais éphémère de la guerre,
mais comme un article de foi éternel. C’est accepter de se laisser peu à peu
envahir par les Etats-Unis et dépendre d’eux, pour la moindre production.
L’Europe sera-t-elle le Canada ?
L’Angleterre recule :
prétexte, la dépense contraire au programme d’austérité. Il semble qu’à
deux : France et Angleterre puissent construire Concorde. En fait,
l’Angleterre ne veut pas mécontenter les Etats-Unis. On a vraiment l’impression
– une fois de plus – que la
France est le dernier rempart de l’esprit européen, la
dernière carte de l’Europe, même si elle agit pour elle-même.
« On ne voit pas très bien comment une
nation pourrait maintenir son indépendance politique si une grande part de ses
moyens de concevoir et de produire était subordonnée à des décisions techniques
et économiques de forces étrangères, elles-même rattachées au même pavillon. »
Pour l’indépendance de
l’Europe, Concorde doit être construit à tout prix. Au besoin, par la France toute seule. Pour
des raisons différentes, les syndicats français réclament cette construction,
et demandent au gouvernement français de « faire preuve de la plus grande fermeté et de mettre en œuvre
tous les moyens dont il dispose, pour que ce projet franco-anglais ne soit plus
remis en cause, au moins dans son principe. Dans le cas où la valeur
incontestable du dossier tel qu’il se présente, devrait supporter la carence de
nos partenaires… que tous les efforts et tous les sacrifices soient
consentis pour mener à bien l’expérimentation de l’idée française qui a la
faveur de l’approbation des milieux intéressés internationaux. »
*
* *
De Gaulle ne fait jamais
plus l’unanimité des Français que lorsqu’il s’agit des relations avec
l’Angleterre. Cf. Concorde, Janvier 1963.
*
* *
Même s’ils ne l’acceptent
pas du fond du cœur, les gouvernements européens acceptent l’hégémonie
américaine pour des raisons de sécurité.
1° il est dommage que des
nations sacrifient leur identité-même et leur personnalité à terme, pour des
raisons de sécurité,
2° on peut se demander si
les Etats-Unis assureront toujours la sécurité de l’Europe,
3° l’URSS est-elle désireuse
de s’emparer de l’Europe ? Ne se contenterait-elle pas d’une
neutralisation ou d’une neutralité : l’Europe indépendante ne s’alignerait
pas forcément sur les Etats-Unis, d’où il suit que l’URSS a plus intérêt que
les Etats-Unis à l’unification européenne.
Pour les Etats-Unis, le
maintien de la division européenne et la subjugation économique, puis politique
de l’Europe, est la condition de leur hégémonie mondiale. Pour l’Europe, l’unification
est la condition de sa survie. Devenir la première ou la deuxième puissance
mondiale, ou périr.
*
* *
Les Etats européens sont
plus dociles aux Etats-Unis sur le plan politique que sur le plan économique.
Tout porte à croire que, tôt ou tard, les sentiments européens l’emporteront.
De Gaulle aura – en attendant – préservé et peut être gagné l’essentiel. Le Times le faisait remarquer
aujourd’hui : le plus sérieux adversaire de Johnson (et des Etats-Unis),
c’est de Gaulle. (On peut penser que pas un gouvernement français ne se
sentirait assez sûr de lui, de ses vues, de son soutien, que de Gaulle. De
Gaulle est donc le seul à pouvoir assumer ce rôle). Qui gagnera ? Le seul
fait que la résistance gaulliste se prolonge, donne aux autres gouvernements le
temps de réfléchir.
*
* *
Toute la politique
internationale est dominée par le problème de l’unification européenne et par
les rapports entre les Etats-Unis et l’Europe. On peut être inquiet mais doit
être optimiste. « La France, pour la seule raison qu’elle est la France… »
* *
* *
*
Aujourd’hui, j’ai rangé ma
chambre. Rencontré Mr. N. [1]dans
la rue. Inquiet de l’évolution des SDF [2].
Notre-Dame, patronne des
vocations.
Me rends compte combien je
suis faible et vaniteux, et pécheur. Que je ne progresse nullement, que je
refuse tout sacrifice.
J’écarte de moi toute pensée
concernant l’avenir.
Lundi prochain, résultats de
l’écrit de l’ENA [3].
Nommé moniteur, hier [4]
Coup de téléphone long et
sympathique de Christian à midi.
_________
J’ai parfois l’impression
que pour voir clair, il me suffitrait de le vouloir, et qu’une décision franche
et nette pour la vie religieuse (ou son refus définitif) dégagerait d’un seul
coup tout mon univers, et tout mon horizon.
Faut-il faire une
retraite ?
Pb. peut-être mal posé. Au
lieu de me demander si j’ai ou non la vocation, si Dieu m’appelle ou non, me
demander où tout me mène, ce vers quoi je penche le plus manifestement, et DECIDER.
Le moindre encouragement de
Boyau – ou même de quelqu’un d’autre – me ferait me décider, et répondre
présent.
Cette incapacité présente à
décider, est-elle signe
– que je n’ai pas les
éléments pour décider (pas d’appel net, pour le moment, etc…)
ou –
que je ne déciderai jamais (pas de volonté, pas de générosité)
[1] - père d’un de
« mes » plus jeunes scouts : Marc
[2] - Scouts de France
[3] - Ecole Nationale
d’Administration
[4] - assistant d’un chargé de
travaux dirigés, en faculté de droit et des sciences économiques à Paris – je
ne me souviens plus en quelle matière, peut-être était-ce pour l’ensemble de
celles donnant lieu à ces « TDs » ; menu salaire et familiarité
plus grande avec le corps professoral et enseignant
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