Mercredi 4 Novembre 1964 [1]
Depuis jeudi, jusqu’à hier
soir, journées denses. Dialogues avec Boyau, Père Lamande, Bernadette S.,
Papa qui s’est un peu épanché, Bruno : longueur d’ondes différentes,
trouve que je coupe les cheveux en quatre, n’a absolument pas deviné ce qui m’occupe,
Boyau : nouvelle fois, Marie-Charlotte.
Pièce : Il
ne faut pas passer par les nuages. Ne pas chercher midi à quatorze
heures pour se donner et être heureux. Le comportement de ‘Janot’ qui rêve
soutane, et vit dans un univers étriqué et refoulé, m’a fait me poser la
question de savoir si je ne lui ressemble pas… ? Point de vue
technique : nouveauté (à ma connaissance), série de monologues, mais avec
toujours un interlocuteur sur scène, impression de vie, et plus de densité dans
le texte.
Forêt de Compiègne :
dès que je ferme les yeux, à nouveau la fûtaie rouge, que trouve le clair d’une
allée, revit dans mon souvenir. Beaucoup de détente et de liberté pendant ces
vingtquatre heures. C’est indispensable à « mon rythme de vie ».
Rencontré Johel Bonamy dans
l’autobus. Très franc. Sympathique. Le plus intelligent de la famille. Comprend
à demi-mot, vg. sur Viviane (ou au moins, me donne l’impression d’être compris
à demi-‘mot’).
Hier matin, me suis cassé le
nez à la Faculté. Aujourd’hui, premier cours de Rousseau [2],
admis comme moniteur [3].
Résultats E.N.A., lundi 9 Novembre dans la soirée.
Débat agricole au Parlement.
Le problème n’est pas de
censurer le gouvernement ; Comme si l’Etat était véritablement responsable
des prix, des produits et du bien-être des paysans. Erreur d’une centralisation
collectivitse, ou tout simplement, réflexe multiplié à des millions
d’exemplaires qui consiste à mettre toutes ses erreurs sur le dos de l’Etat, à
ne vouloir qu’un seul interlocuteur : pourtant muet, et en fin de compte
inexistant par lui-même : l’Etat.
Alors que ce problème des
paysans, des mineurs, est un problème à résoudre entre Français. L’opinion
publique ne comprend pas les paysans. Les paysans sont minoritaires dans la
nation. Il s’agit bien d’une classe défavorisée. L’Etat n’y peut rien. Ce sont
les autres groupes spciaux qui y peuvent. Les groupes se définissent par
rapport aux autres groupes et non par rapport à l’Etat. En prenant conscience
des difficultés des paysans.
De même que les paysans
feraient beaucoup mieux de « sensibiliser » l’opinion, de rendre leur
cause sympathique et non pas onéreuse comme elle le paraît à quiconque ouvre
les journaux ou regarde la télévision – que de s’en prendre au gouvernement et
contacter « l’opposition ». C’est se tromper de porte.
L’Etat n’est pas la
providence.
[1] - à cette date, je change de cahier et avertis :
Je laisse mon précédent cahier. Il a été lu par
quelqu’un. Il est une espèce de témoignage sur deux mois. Mieux vaut ne pas le
continuer pour ne pas rester dans un dossier fermé. Il risque encore de
voyager. Père Lamande. Père Hôtelier ? Je recopie ici des notes prises
entre jeudi 29 et aujourd’hui mercredi 4.
à la saisie (jeudi 20 Mai
2010) je restitue l’ordre chronologique du récit, différent de la présentation
dans le cahier manuscrit.
[2] - Charles Rousseau,
internationaliste
[3] - de
travaux dirigés – en soutien du cours magistral d’un professeur à la faculté,
qui les supervise par une venue improviste : c’est l’équivalent des
« conférences de méthode » en année préparatoire de l’Institut
d’études politiques de Paris, mais dans lesquelles l’assistant que j’avais été
en 1961-1962 n’est pas l’animateur principal, ce rôle-là étant tenu par un
jeune haut-fonctionnaire pour l’économie et le droit public, et un agrégé
d’histoire et de géographie pour ces deux matières
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire