mardi 4 novembre 2014

journal d'il y a cinquante ans


Mercredi 4 Novembre 1964 [1]


Depuis jeudi, jusqu’à hier soir, journées denses. Dialogues avec Boyau, Père Lamande, Bernadette S., Papa qui s’est un peu épanché, Bruno : longueur d’ondes différentes, trouve que je coupe les cheveux en quatre, n’a absolument pas deviné ce qui m’occupe, Boyau : nouvelle fois, Marie-Charlotte.

Pièce : Il ne faut pas passer par les nuages. Ne pas chercher midi à quatorze heures pour se donner et être heureux. Le comportement de ‘Janot’ qui rêve soutane, et vit dans un univers étriqué et refoulé, m’a fait me poser la question de savoir si je ne lui ressemble pas… ? Point de vue technique : nouveauté (à ma connaissance), série de monologues, mais avec toujours un interlocuteur sur scène, impression de vie, et plus de densité dans le texte.

Forêt de Compiègne : dès que je ferme les yeux, à nouveau la fûtaie rouge, que trouve le clair d’une allée, revit dans mon souvenir. Beaucoup de détente et de liberté pendant ces vingtquatre heures. C’est indispensable à « mon rythme de vie ».

Rencontré Johel Bonamy dans l’autobus. Très franc. Sympathique. Le plus intelligent de la famille. Comprend à demi-mot, vg. sur Viviane (ou au moins, me donne l’impression d’être compris à demi-‘mot’).

Hier matin, me suis cassé le nez à la Faculté. Aujourd’hui, premier cours de Rousseau [2], admis comme moniteur [3]. Résultats E.N.A., lundi 9 Novembre dans la soirée.

Débat agricole au Parlement.

Le problème n’est pas de censurer le gouvernement ; Comme si l’Etat était véritablement responsable des prix, des produits et du bien-être des paysans. Erreur d’une centralisation collectivitse, ou tout simplement, réflexe multiplié à des millions d’exemplaires qui consiste à mettre toutes ses erreurs sur le dos de l’Etat, à ne vouloir qu’un seul interlocuteur : pourtant muet, et en fin de compte inexistant par lui-même : l’Etat.

Alors que ce problème des paysans, des mineurs, est un problème à résoudre entre Français. L’opinion publique ne comprend pas les paysans. Les paysans sont minoritaires dans la nation. Il s’agit bien d’une classe défavorisée. L’Etat n’y peut rien. Ce sont les autres groupes spciaux qui y peuvent. Les groupes se définissent par rapport aux autres groupes et non par rapport à l’Etat. En prenant conscience des difficultés des paysans.

De même que les paysans feraient beaucoup mieux de « sensibiliser » l’opinion, de rendre leur cause sympathique et non pas onéreuse comme elle le paraît à quiconque ouvre les journaux ou regarde la télévision – que de s’en prendre au gouvernement et contacter « l’opposition ». C’est se tromper de porte.

L’Etat n’est pas la providence.







[1] - à cette date, je change de cahier et avertis : Je laisse mon précédent cahier. Il a été lu par quelqu’un. Il est une espèce de témoignage sur deux mois. Mieux vaut ne pas le continuer pour ne pas rester dans un dossier fermé. Il risque encore de voyager. Père Lamande. Père Hôtelier ? Je recopie ici des notes prises entre jeudi 29 et aujourd’hui mercredi 4.
à la saisie (jeudi 20 Mai 2010) je restitue l’ordre chronologique du récit, différent de la présentation dans le cahier manuscrit.

[2] - Charles Rousseau, internationaliste

[3] - de travaux dirigés – en soutien du cours magistral d’un professeur à la faculté, qui les supervise par une venue improviste : c’est l’équivalent des « conférences de méthode » en année préparatoire de l’Institut d’études politiques de Paris, mais dans lesquelles l’assistant que j’avais été en 1961-1962 n’est pas l’animateur principal, ce rôle-là étant tenu par un jeune haut-fonctionnaire pour l’économie et le droit public, et un agrégé d’histoire et de géographie pour ces deux matières

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