XII
L’Italie sans le Vatican
ne serait que l’Espagne, mais l’Espagne avec chez elle le siège de l’Eglise
catholique, serait insupportable.
Le prochain pape, s’il
est italien, on s’attendra à ce qu’ils soit plus prudent, donc davantage écoûté
dans les faits, mais à perdre l’actuel et auguste vieillard, si malade et
handicapé qu’il soit, l’Eglise n’aura pas rajeuni.
Saint Bernard étonne
quand il tempête, les bonnes œuvres sans la foi, ne sauraient plaire à Dieu,
elles ne sont pas si bonnes que cela. Le Christ renchérit rétrospectivement,
des pauvres vous en aurez toujours parmi vous, mais, moi, vous ne m’aurez pas
toujours, et comment les invités jeüneraient-ils quand l’Epoux est parmi eux.
Ainsi, la prise en considération courante des enseignements évangéliques élude
les enseugnements de l’Eglise, d’abord en morale, et puis en contenu de foi.
L’idée que se font les chrétiens de l’au-delà n’a rien à voir avec le message
explicite des évangiles et la profession de foi dite Symbole des apôtres. Tel prêtre descend de chaire et va dîner chez
un paroissien qui avait glosé sur la Résurrection, se hâte en buvant un porto
de dissuader toute imagination que son hôte se ferait relativement aux formes
de celle-ci, à la persistance de notre personnalité et de nos affections ;
pourtant les évangiles dits de la Résurrection et les manifestations racontées
en détail du Christ apparaissant physiquement mais souverainement, n’entament
pas l’incrédulité ni de Thomas ni du clergé contemporain.
A la longue, surtout si
nous étions en commerce d’amour, de confiance et de très profonde mutuelle
connaissance, nous ne pleurons plus nos morts, mais que l’humanité soit, en
tant que telle, promise à disparaître, affaire de millénaires ou de millions
d’années, m’atteindrait substantiellement. Je ne peux croire à notre échec ou à
une évolution telle que nous ne soyons plus ce que nous sommes. Que soit infini
ou presque notre progrès scientifique et la disposition de nos forces et de nos
longévités physiques et mentales, non seulement je le conçois, mais je le
postule, j’y crois. La création a la perspective de l’éternité, seul notre
entendement se satisfait, à condition de ne point trop y aller ni encore moins
y regarder, des limites que sont l’espace et le temps. Il est vertigineux ou
très malaisé de concevoir un univers sans limite, mais pas plus accessible à la
pensée de réfléchir à un univers limité, car quoi donc serait en dehors ?
et l’on sourit des représentations médiévales d’un demi-globe céleste par un
trou duquel un savant passe une tête barbu en direction de ce que l’on ne voit
pas.
Les mathématiques sont
sans doute l’art humain le plus proche de l’acte divin de créer : tout à
partir de rien. Le mathématicien, comme Archimède avait besoin d’un point
d’appui pour soulever le monde, a la nécessité de conventions, mais celles-ci
s’obtiennent.
Regarder longuement,
allongé bien posément sur le sol, la voûte céleste quand elle est bien claire
et bien complète ne donne nullement l’angoisse que cela ne tombe sur notre
tête, mais bien au contraire l’impression grandit de tomber vers le haut,
d’être aspiré par le ciel.
L’étreinte physique est
parfois, un miracle, conclue d’une façon si parfaite que l’on a la sensation
aussi physique que spirituelle d’être annexé au corps de l’autre et
réciproquement, en sorte que l’on soit les deux corps à la fois, en une fois,
en un seul corps et que par là, premier pas qui n’a aucun second, on soit le
centre et le tout de l’univers.
Quand l’Eglise est
interrogée sur la mort ou sur le sexe, elle a tort de répondre, son divin
fondateur n’a parlé que de vie éternelle ou que de sa propre mort à Lui,
aussitôt suivie de la Résurrection, quant au sexe il est que les époux
quitteront père et mère, le mari nommément, et ne feront qu’une seule chair.
Chaque domaine est
englobant de la personne qui y entre ou qui y vit, il a la prétention erronnée
et totalitaire de répondre de tout par invention au lieu de renvoyer à son code
originel ; la politique et la religion, au moins en Europe, ont cette
erreur en commun ; elles se sont décrédibilisées en même temps. La
politique est davantage prisonnière d’elle-même que la religion, pour la simple
raison qu’il y a aussi le spirituel que cultive et révère, pour des raisons les
unes bonnes, les autres mauvaises, la religion. Les bonnes poussant à la
tolérance et reconnaissant que le spirituel est un des sens innés de l’homme,
les mauvaises donnant à des églises un magistère que n’aurorise pas toujours l’expérience
personnelle de ce que l’on prêche. La politique à ne pas reconnaître ce qu’elle
a de spirituel, et à trop se définir en termes d’institutions, c’est-à-dire de
conquête puis d’exercice du pouvoir, se prive de ce qu’elle aurait d’attirant.
Le communisme finissant
avec la longue sénescence de Leonid Brejnev et les courtes prises de rênes de
ces deux successeurs très inégaux, Tchernenko et Andropov, renforça son ciment
religieux ; d’emblée, un culte au corps, à la personne physique de Lénine
avait été organisé, comme si l’on avait éternisé sa paralysie de fin de vie. A
la fin des années 1970, comme si l’on s’était trouvé en Haute-Bretagne au pays
des calvaires, les statues du fondateur devinrent une obligation de chaque
village et dans les grandes villes de plusieurs places publiques, au moins.
L’édition complète en près de cent volumes figuraient dans les bureaux de
chaque dirigeant, et un tableau représentant le génie en train de composer son
dernier papier de presse fut plus copié et répandu qu’un chromo. de chef d’Etat
dans les démocraties européennes. Tous les signes d’un culte proprement
religieux étaient réunis et entretenus. La culture marxiste-léniniste et la
connaissance du dogme étaient théorisées et enseignées dans des écoles de
cadres du parti. Nulle part, mieux que dans l’ancienne Union Soviétique, la
France en proposant de substituer à celles-ci, des écoles nationales
d’administration, n’avait de chance d’être imitée. Ayant tardé, elle se fit
battre au poteau par les propositions venues d’ailleurs de business schools.
La France a tort de ne
pas reconnaître les affinités de sa diplomatie avec celle du Vatican – en
contenu, sinon en méthode et en réseau. Elle ne comprend pas davantage qu’à
privilégier les gestions sur les dynamiques et les inventions, elle a fait de
toutes ses écoles dites supérieures de banaux commencements de carrière, et que
chaque fois qu’elle est en période de révérence américaine, elle convie sa
jeunesse à aller apprendre ou à se faire recruter outre-Atlantique, les
multinationales américaines sont dirigées en Europe, à leurs niveaux exécutifs
par des Européens, généralement d’une nationalité différente de celle locale,
et ce sont ces Européens, de jeunes Européens, qui propagent pas tant les
méthodes anglo-saxonnes que l’idéal de force et d’invincibilité de la grande
machine. Le Vatican a été seul, avant même l’effondrement soviétique, à
qualifier d’identique le matérialisme quelle que soit sa version historique
contemporaine, qu’il soit de couleur libérale et ou de dogme communiste [1]. Seul
en fait à qualifier de ce qu’elle est, cette civilisation américaine qui modèle
le monde.
L’Europe a été juge deux fois des politiques françaises et arbitre de
la pérennité des gouvernements les conduisant. Une première sous de Gaulle,
qu’avertit Couve de Murville au printemps de 1965, l’impasse est totale à
Bruxelles où l’on parle de tenir les calendriers convenus par traité pour ce
qui est du fonctionnement interne des Communautés européennes mais où l’on
refuse d’examiner et décider le financement de la politique agricole
commune : la « chaise vide » est ce que propose le ministre à
l’homme du 18 Juin, qui, pour cela, et dûment consentant à l’avance, aura une
rééelection bien plus difficile et même déplaisante – pour lui - que prévu. La
manche gagnée, les choses sont actées et le « compromis de
Luxembourg » devient la règle d’évidence quoique non contenue dans les
traités fondateurs.
Nous vivons la seconde
depuis Maastricht et les critères de convergences économiques, et notamment
budgétaires, qui ont été là et alors prévu. Il y a plus de dix ans, cette règle
n’a pas fait problème. Aujourd’hui la contradiction est évidente entre les
engagements français et la manière de gérer nos finances publiques, notamment
en augmentant notre endettement. Comme à propos du referendum corse où son
intervention dans la presse écrite aurait pesé négativement, le Président
régnant s’est exposé par ses promesses électorales, à quoi – devant Jean-Marie
Le Pen – plus rien ne le contraignait, et par le rappel qu’il en fait
maintenant. Incidemment, faut-il observer que la campagne du second tour de
l’élection présidentielle a vu s’affronter à faux deux médiocrités. Jean-Marie
Le Pen n’a pas su gagner une seule voix par rapport à son record du premier tour,
et n’a en fait pas osé – était-ce physique – faire campagne. Quant à Jacques
Chirac, il a simplement répété ce qu’il avait dit pour le premier tour, et qui
n’avait pas séduit le cinquième des votants, ne le détachant donc en rien de
ses deux principaux poursuivants. Il n’a pas su répondre d’un avenir que tous
les partis ayant une représentation parlementaire lui confiaient, bon gré mal
gré. Une occasion extraordinaire de consensus l’an dernier dérive en
confrontation avec une œuvre qui doit décisivement à la France et à son accord
avec l’Allemagne – si méritoire pour chacune des parties, tant à raison du
passé, que des intérêts immédiats et financiers en cause. Trop analogues par
certains sous-entendus de l’un et des fusées de l’autre, trop différents par les
soutiens obtenus, les deux candidats parurent frappés de timidité.
Entre Luxembourg et
Maastricht, c’est-à-dire entre 1965 et 2003, la France s’est servie de
l’Europe, de deux façons, l’une indûe et l’autre tout à fait légitime.
Faire de l’Europe un piège
pour l’opposition du moment n’a jamais réussi aux présidents qui s’y sont
prêtés. A droite, ce fut le conseil de Michel Debré à Georges Prompidou au
printemps de 1972, de faire ratifier par referendum – procédure supposée
évidemment gaullienne – l’entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commu,
sujet traité après le départ du Général d’une manière diamétralement opposée à
celle qui avait prévalu avant. Résultat, l’abstention et une crise du système,
le Président régnant n’ayant pas réussi à diviser la gauche, qui signe aussitôt
ensuite, entre ses composantes européïstes ou pas, un programme commun de
gouvernement, et ayant paru se distancer du gaullisme. La suite est un
ravaudage tant du côté de la majorité du moment que du centre, lesquel est tant
mis en valeur que la succession se fait là et que Georges Pompidou, autant par
la maladie qui va l’emporter que par la stratégie choisie d’anticiper sa
réélection, ne maîtrise plus sa succession. Le même conseil est donné par Alain
Juppé à Jacques Chirac, dissoudre l’Assemblée Nationale un an avant son terme
de 1998 et faire des disciplines européennes le débat dont la rigueur du
Premier Ministre en place assure qu’il tournera à la confusion d’une gauche qui
n’a pas brillé par ses gestions antérieures. Mais les électeurs trouvent une
autre matière à sanctionner. Le referendum de l’automne de 1992 pour ratifier
le traité de Maastricht a été de résultat si juste, malgré l’engagement des
principaux tenants de la droite aux côtés d’un président, lui aussi diminué par
la maladie, qu’il a rendu désormais peu enclin les gouvernants, de quelque bord
qu’il soit, à recourir à ce mode de décision pour les ratifications à suivre.
Dont celle de l’entrée dans l’Union des pays d’Europe centrale et orientale.
Dont celle, surtout, du traité constitutionnel.
Ainsi, la France,
fondatrice depuis 1950, de l’entreprise européenne, malgré sa réputation
nationaliste, décroche au moment de l’arrivée. Elle n’applique pas les
disciplines communes, elle ne sait pas défendre la cause devant sa propre
opinion, elle n’invente rien pour la future gouvernance de l’Union, elle n’a
pas su profiter de deux chances très concrètes pour elle, le long mandat d’un
des siens, Jacques Delors, à la tête de la Commission européenne, et la
présidence de la Convention par Valéry Giscard d’Estaing.
Elle a constamment manqué
d’esprit et de vision en n’équipant pas son propre territoire en sorte qu’il
soit la plaque tournante ferroviaire, fluviale et aéroportuaire de l’Europe,
dès lors que celle-ci doit gérer un partenariat avec les pays
d’Outre-Méditerranée difficile, et qu’elle s’est constamment élargie vers le
sud, avant d’aller à l’est. Elle n’a pas même été capable de s’associer avec la
Belgique et le Luxembourg pour une desserte terrestre ultra-rapide entre
Bruxelles et Strasbourg, et pis, entre l’aéroport local et le Palais de
l’Europe, siège théorique du Parlement commun. Ses administratifs en sont à
contester l’intérêt d’une liaison transalpine inédite avec l’Italie du nord.
Les gouvernants français,
au niveau le plus élevé, Président de la République, Premier Ministre, ministre
des Affaires Etrangères, lisent-ils personnellement et plume en main les
traités à signer et, ces temps-ci, les textes proposés par la Convention
européenne ? Cela suppose une petite journée d’un dimanche quelconque sans
téléphone ni télévision, ni surtout une quelconque parade.
Depuis la dissolution de
1997, il est remarquable que la trève entre les partis et les gouvernants
consiste dans le silence dominical. A quoi la journée est-elle consacrée par
nos princes ? De Gaulle rédigeait le dimanche, à Colombey, mais en semaine
à l’Elysée, il savait s’arrêter ; mains à plat sur sa table de travail,
copie d’époque, sinon l’on eût su qui y avait écrit avant lui, et méditant sans
lampe allumée ni appareil de téléphone à portée : image saisissante que
saisit un huissier, et qui paraît-il s’offrait souvent, un mardi après-midi de
préférence. Rapportée par le Maréchal Foch, le dialogue du curé d’Ars avec un
paysan planté dans la petite église, comme est dressée une pierre aux
carrefours de l’antiquité. Que faites-vous, mon ami ? Je l’avise et il
m’avise. Mais avoir assez confiance dans la constitution humaine et dans sa
propre capacité à se concentrer pour repousser textes à relire ou facilité à
écrire, et méditer, nu ! Ceux qui ne lisent pas d’affilée et jamais de
fiction, ceux qui ne pensent que par distraction.
Une des différences
décisives entre une vie individuelle et une vie nationale est que dans la
seconde, seulement, les plats sont passés à plusieurs reprises, sans doute
parce que la relève de chaque génération par les suivantes est une recette de
jouvence. Les occasions se représentent, selon des configurations sans doute
très changées, mais pour des résultats analogues et tels que les abstentions et
les erreurs peuvent être rattrapées, parfois d’un seul coup : jeu, mais
aussi intelligence du pari. Ne pas oser, c’est la médiocrité assurée ;
oser, c’est peut-être en sortir. La médiocrité pour quelque entreprise humaine que
ce soit, c’est le suicide et autant une humilité personnelle de chacun des
dirigeants peut avoir son efficacité, et l’effacement volontaire d’un individu
peut le rendre saint, contagieux, rayonnant, autant un jeu timide et retenu de
la part d’une nation n’apporte rien, tant dans le genre tout est dans le
respect mutuel mais plus encore dans une mise en scène de soi-même convenable.
Le respect mutuel commence par une considération juste de soi.
Comment la France
n’a-t-elle pas été capable d’une seconde déclaration Schuman ? en
cinquante ans de divers atermoiements, que de temps aurait été gagné, et quelle
clarté, quelle concision les textes constitutifs de l’Union et des Communautés
y auraient gagné !
C’est parce que la France
m’a paru ne plus avoir le ressort de son indépendance et de la suite, en
propre, de son histoire et de son génie, que je suis devenu résolument
européen. Au temps de l’homme de l’honneur et de la participation, du joueur de
poker [2]à
chaque consultation nationale, de l’orateur fascinant et presque toujours
surprenant, comment n’être pas uniquement français et ne pas considérer, que
même de taille petite ou moyenne, nous étions à l’échelle, mais ensuite ?
La position que défend par intermittence la France à propos des actions
américaines en Irak a pour faiblesse insigne de ne pas ressasser qu’elle est
franco-allemande et qu’elle anticipe celle de l’Union, qu’elle est donc – à
quelques-uns – le banc d’essai de ce qu’aucun traité ne peut forcer et à peine
organiser, la volonté et l’expression d’indépendance de notre cher Vieux Monde.
La jeune génération et
les agglomérations qui ne sont pas capitales dans leurs Etats respectifs ont
plus de vision et davantage d’enthousiasme à propos de l’Europe que les
gouvernements nationaux. C’est par des jumelages de villes moyennes ou petites,
et par des échanges et des voyages de jeunes que dès 1946 a été anticipée
l’officialité (et la nécessité) de la réconciliation et de l’entente
franco-allemande.
La France ne sait pas se
servir des propositions vaticanes pour l’Europe. Le modèle donné par Paul VI à
l’Europe pour ce qui est des relations entre ses Etats composants est
exactement celui que recèle en lui-même géographiquement et historiquement
notre pays. Une fédération de monastères chacun souverain et pratiquant chez
soi la totale communauté de biens, fussent ceux-ci considérables, mais
l’analogie totale de comportement et de fonctionnement puisque la règle est
commune, et que les vœux sont analogues. La stabilité est faite relativement à
un Abbé, lui-même identifié en ce qu’il est titulaire élu par la communauté
d’un lieu d’attache. Les traités fondateurs sont cette règle, et les critères
de Maastricht en sont la mise à jour pour rester juridiquement au niveau
atteint par l’intégration et à ce qu’imposait comme symbiose la monnaie unique.
L’Europe bénédictine aux XIIème et aux XIIIème siècles était française et bien
avant les réseaux de la Hanse et courus entre les Flandres, le Milanais et le
sud de l’Allemagne, les circuits d’argent et les cursi universitaires autant que la tradition écrite, passaient par
la régénérescence cistercienne. Comment n’avoir pas la plume pour, sans entrer
dans un débat sur la tolérance confessionnelle mutuelle, écrire dans les
statuts fondateurs de la définitive Union européenne, quelque chose qui
reconnaisse nos bases ?
A l’automne de 1994, sans
encore savoir qu’il a été mis fin à ma mission diplomatique en Asie centrale,
je dialoguais avec le Premier ministre du moment, d’autant plus librement que
n’était guère jetée la gourme de mes collègues convoqués à l’Elysée à
l’occasion de la conférence dite des Ambassadeurs qui n’en était qu’à sa
deuxième édition, et que personne n’osait s’approcher ni de François Mitterrand
ni d’Edouard Balladur. J’étais donc venu tout naturellement à l’un puis à
l’autre. Le second se plaignit de la charge de l’emploi de son temps à
Matignon, et lui qui aime écrire et publier, et s’y est toujours pris assez
bien, ne parvenait pas à rédiger par lui-même un éditorial pour la lettre
répandue par les services de sa communication es fonctions, puis, toujours dans
le registre de la déception, sinon de l’impuissance, il me parla du Vatican.
Naguère, encore élève à notre école nationale d’administration, j’avais ouvert
le débat avec Hervé Alphand qui – modèle assuré disait-on déjà, sans trop
penser à Maurice Couve de Murville lui-même – venait d’exposer la politique
française : n’étions-nous pas à la fois dans la plus grande intelligence
des circonstances et dans la pleine force du droit à dire ce que nous disions,
mais avions-nous les moyens que l’on passât avec nous aux actes ? sinon,
nous n’avions qu’une diplomatie vaticane. Or, au temps des
« cohabitations » - après les
grandes, heureuses et longues missions de Jacques Maritain et de René Brouillet
– on tombait sur des ambassadeurs de France près le Saint-Siège, prisant peu
les curés, n’allant à la messe qu’en uniforme et sur carton pontifical
d’invitation et n’inscrivant à Rome qu’une ligne de leur notice à l’annuaire
diplomatique. Cela choquait le Premier ministre et sans qu’il se récrie, je me
suis proposé à titre viager : les messes de sept heures dans la chapelle
privée de Paul VI où Jean Paul II officie en prêtre de zone rurale, les
audiences et conversations avec un pontife mentalement organisé comme le Chef
d’un très grand Etat, quand entrant dans sa bibliothèque dite privée, on a
affaire à l’homme politique et non plus à celui du sacerdoce, je m’y voyais
comme dans un bain d’intelligence avec le pari que l’Esprit saint par le détour
d’une ingénieuse analyse de nos époques pourrait être d’une efficacité
redoutable en cas de collusion permanente entre le Vatican et le Quai d’Orsay.
Dans les steppes d’Asie centrale où les desservants de paroisse sortent de
prison soit sur place soit de leur pays d’origine en Europe anciennement
communiste et où d’une église à l’autre, on a à franchir plusieurs centaine de
kilomètres, au moins, j’y étais parvenu et jusqu’à convaincre les descendants
de Tamerlan et de Gengis qu’il est de leur intérêt d’avoir des relations organisées
avec Rome et, sur place, un représentant de cette internationale plus ou moins sui generis, gouvernementale et non
gouvernementale qu’est l’Eglise catholique.
[1]
- … le droit à la
propriété privée, même lorsqu'il s'agit des moyens de production …
Ce principe… diverge radicalement d'avec le
programme du collectivisme, proclamé par le marxisme et réalisé dans
divers pays du monde au cours des décennies qui ont suivi l'encyclique de Léon
XIII. Il diffère encore du programme du capitalisme, pratiqué par le
libéralisme et les systèmes politiques qui se réclament de lui. Dans ce second
cas, la différence réside dans la manière de comprendre le droit de propriété.
La tradition chrétienne n'a jamais soutenu ce droit comme un droit absolu et
intangible. Au contraire, elle l'a toujours entendu dans le contexte plus vaste
du droit commun de tous à utiliser les biens de la création entière : le
droit à la propriété privée est subordonné à celui de l'usage commun, à la
destination universelle des biens. - Jean
Paul II - 14 Septembre 1981 - Laborem exercens 14,2,3
[2] - l’élégance du joueur
consiste à renforcer ses apparences de sang-froid lorsqu’il élève les enjeux
(…) Mais la foi des esprits, la sympathie des ardeurs se refusent à leur astuce
glacée. Elles n’appartiennent qu’aux chefs qui s’incorporent avec l’action,
font leur affaire des difficultés, mettent au jeu tout ce qu’ils possèdent. Charles
de Gaulle, Le fil de l’épée (Berger-Levrault 1932 & 1944 . 185
pages) pp. 76 & 79
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