dimanche 1 septembre 2013

2003 - depuis soixante ans - XI - avant d'en écrire la suite (2013 depuis soixante-dix ans)





XI










Le suicide d’une nation n’est pas la fin de sa société, ainsi la Pologne pendant un siècle et demi. La fin d’un régime – celui des communistes en Europe orientale et dans tout l’espace russe – n’est pas la fin d’une nation. Le renversement d’un ordre social n’est pas forcément une libération générale.

Le gouvernement de Vichy et le programme de la Résistance, les instaurations administratives et économiques de la Quatrième République dans son entier et de la Cinquième à ses débuts sont très proches en vision de la constitution idéale et publique du pays.

Les manuels dans le secondaire entre le début des années 1930 et la fin des années 1950 ne changèrent praatiquement pas, pour ce qui aurait dû la matière la plus sujette à recomposition, l’histoire et la géographie. La querelle franco-allemande commençait au partage décidé par le traité de Verdun et à la bataille de Bouvines livrée en 14 comme au XXème siècle mais au XIII, quant à l’Angleterre il lui était plus reproché de nous avoir dépossédés au Canada et aux Indes, que de nous être maritimement supérieure. On reprochait alors à Louis XV ses maîtresses mais pas sa politique extérieure. La bataille sous Denain, en 1709, remportée par le Maréchal de Villars, que Louis XIV aurait personnellement remplacé à la tête des troupes, s’il l’avait perdue, est avant la lettre nos victoires de la Marne.

Qui sait en Allemagne encore, et même au Quai d’Orsay aujourd’hui qu’il y eût un exact homonyme du chancelier Gerard Schröder, ministre des Affaires Etrangères du chancelier Ludwig Erhard, et encore plus américanophile que celui-ci.

En Allemagne également, depuis trente-six ans, la diplomatie est dirigée par le parti minoritaire dans la coalition gouvernementale. Depuis Adenauer, outre-Rhin, trois ministres des Affaires Etrangères, seulement ; en France depuis de Gaulle ayant maintenu dix ans jour pour jour Maurice Couve de Murville au Quai d’Orsay, nous en sommes au onzième, et encore deux d’entre eux ont respectivement duré sept ans et cinq ans.

Pourquoi la psychologie est-elle séparée de la psychiâtrie, l’une attachée à la philosophie sinon aux explications de texte, et l’autre aux soins des patients, le lien n’étant fait que par quelques universitaires allant à la rencontre des médecins quans ils formalisent la psychologie cognitive. Pourquoi l’histoire événementielle, et la mémorisation des dates, ont tant cédé à l’évocation des tendances économiques et sociales, sans y inclure également aux frontières de celles-ci avec la géographie, la présentation des psychologies natives des peuples du monde.

Une ambition seulement économique n’est pas constitutive d’un peuple, l’Allemagne fédérale des années 1950 à 1970 l’a vécu qui n’a retrouvé de dialectique collective que par le rapprochement avec la République démocratique, puis par sa laborieuse absorption. Tant que l’Union européenne restera d’abord un succès économique et monétaire, elle n’aura pas de prise dans les esprits, on ne pourra proposer de se diminuer, encore moins de mourir pour elle. La France au rebours de ses principaux voisins n’ose plus avoir d’ambition que celle d’une gestion par répartition, alors même qu’on lui chante – patronat et gouvernement actuel ensemble – la sécurité par capitalisation et les grands équilibres par un allongement de la durée de vie au travail. La pétition est d’ailleurs maladroite puisqu’elle équivaut – tout le monde l’a compris – à diminuer le montant de la retraite, forcément prise par anticipation du délai légal tant celle-ci est devenue le moyen de renflouer les cotations en bourse et les apparences du bilan des entreprises.

La croissance interne est l’association véritable du capital et du travail, la croissance externe est la trouvaille de dirigeants, associés à des banques d’affaires et des institutions d’audit, pour gagner des marchés et des chalandises qu’ils n’ont pas su ou imaginé créer eux-même ; l’exercice, combinant l’abstraction des jeux de table et l’appropriation de nouveaux pouvoirs sur les gens, plus que sur les choses, s’apparente à celui de la libido la plus personnelle.

La direction des grandes entreprises industrielles et de services, ou des principales institutions financières, est aux mains, en France, le plus souvent d’anciens membres de cabinets ministériels, celui du Premier Ministre ou celui du ministre des Finances, bien plus rarement d’une famille plaçant l’un des siens à la tête du groupe transmis en bien héréditaire, encore moins d’employés ayant gravi longuement les derniers échelons vers le pouvoir.

L’habitude s’est prise d’abord rue de Bercy et s’est maintenant étendue au domaine social, qu’il y ait plusieurs ministres, ministres délégués, secrétaires d’Etat avec un seul cabinet, coiffant des administrations centrales à leur disposition et donc que ne commande personne nommément. Quel en est le sens ?

Il est devenu courant, depuis que privatisation, déréglementation, mondialisation sont l’ambiance, de ne quitter de hautes fonctions exécutives dans la finance internationale ou nationale que pour aller, en apparence bénévolement, prendre la tête d’institutions prêchant l’éthique et le sens de l’homme ; pourtant et rétrospectivement, sans que les gestions aient d’ailleurs été malhonnêtes intellectuellement et encore moins comptablement, qui a souvenir qu’un directeur général du Fonds monétaire international ou, en France, de la Caisse des dépôts et consignations, ait protesté contre l’inhumanité ou la nocivité des procédures ou des garanties dont ils avaient la charge, au moins nominale ?

Etre informé ou s’informer ?

Se documenter est se faire juge soi-même, le but est préalablement défini ; recevoir en images, en texte, en bande sonore les « nouvelles », c’est apparemment dépendre de ceux qui composent et garnissent ces supports. Le contraire se vérifie pourtant car la mémoire organise ce qui est nouveau, le rattachant à de l’ancien, l’instituant cause ou conséquence.

Les époques de la vie où l’on lit tout et ligne à ligne, fin de l’adolescence, hospitalisation, et celles où l’on procède par carottes avec l’émerveillement de ce que l’on découvre et cependant un esprit d’abandon qui fait ne pas achever le livre ouvert.

Les notes d’une administration à un ministre sont-elles une communication, une demande de dialogue, une information, un compte-rendu ? Qui est l’instrument de l’autre ?

Le rapport éducatif est invivable si l’enseignant récite, rien n’est transmis qui n’est pas soumis à l’évaluation de qui le reçoit, pour le plaisir ou pour assimiler.

Chaque posture dans la vie individuelle a son pendant dans une vie de communauté, il y a des charmes qui se rompent, des réputations qui se font, celui qui lit l’emporte sur celui qui s’exprime à partir seulement d’un fonds que deux phrases ont épuisé car elles n’étaient que de sens commun, mais une lecture sans mémoire ni perspective non seulement n’est que déchiffrage. Les politiques, quand ils sont de carrière et par là arrivent quelque jour au pouvoir sont l’un ou l’autre, bon sens annonné sentencieusement – ou aujourd’hui, qu’on soit de droite ou de gauche, pleurardement – ou technicité que l’on n’a pas en propre.

La justice – en France – est égale pour tous, mais pas son accès qui est à grands frais, l’appel ne peut se faire que par truchement onéreux d’avoué, le recours en Conseil d’Etat s’il implique un franc de réclamation suppose un avocat officiellement listé, le juge de l’exécution ne peut être saisi que par assignation donc par huissier, l’erreur matérielle ou l’omission d’un délai ou la paresse au travail d’un avocat n’est sanctionnable en responsabilité professionnelle que si la preuve est administrée qu’avec un autre mais sans changer de moyens on l’eût emporté.

Dans les relations internationales, si l’on est fort, au moins dans l’instant et selon l’aire de jeu où l’on se déplace, on peut faire fi des procédures et n’avoir aucun public à redouter. En droit interne, c’est toujours des deux parties, celle qui est personne physique qui pâtit de la moindre erreur commise par elle ou plus encore par son conseil.

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