mercredi 4 septembre 2013

2003 - depuis soixante ans - XIV - avant d'en écrire la suite (2013 depuis soixante-dix ans)




XIV







Les pourvoyeurs n’ont pas la dignité des demandeurs.

Une carrière politique a deux faces – d’ordinaire et en France. Sur la première, ascendante, il y a le clientélisme, la garde constante d’une circonscription électorale et plus encore le contrôle de l’instance délivrant l’investiture localement. Sur la seconde, parfois, sinon forcément déclive, il y a l’exercice d’une fonction législative puis gouvernementale, ou l’inverse dont aucun compte-rendu ne peut être donné que lapidairement, malgré la continuelle pétition que les responsabilités sont prises par celui qui les a reçues, après les avoir tant convoitées. Mais qu’une sanction soit à la clé de ces responsabilités, et soit d’ordre juridictionnel et non pas strictement électorale, alors le disgrâcé en difficulté regimbe.

Autant, j’ai compris ce que peuvent être pour celui qui s’y adonne ces exercices d’escalade et cette constante mise en garde personnelle, autant je me suis avéré incapable d’attirer à moi ce petit nombre qui partout en France, dans les endroits même les plus sombres et misérables, a la compétence exclusive pour désigner celui qui portera localement les couleurs du parti. Sans doute, la droite est plus autoritaire depuis Paris et la gauche plus votative à sa base, et y a-t-il le plus souvent, en cas de difficulté, un dosage entre les deux niveaux, mais il n’y a jamais concurrence locale que très inégale. Il faut être protégé aussitôt, mais de qui ? et comment ? Une des leçons de plusieurs candidatures au niveau parlementaire et au niveau municipal, est qu’être né à Paris constitue un handicap presque dirimant à moins d’avoir très vite vécu en province,  et vécu très visiblement, c’est-à-dire en y exerçant à plein temps son unique profession. La carrière politique qui se vit dans les transports de va-et-vient entre la province et la capitale, commence par un vœu de stabilité absolue et, à défaut de naissance, par quelque adoubement valant mariage soit avec un parrain soit avec une native, ou un natif si l’on est du beau sexe. Il faut la Résistance et la Libération, la fin des notables monarchistes, un raz-de-marée gaulliste en 1947 ou en 1958, 1962 et 1968, voire chiraquien en 1993 ou 2002, pour que quelques places soient libres, dont il n’était pas, durant au moins une législature, prévisible qu’elles seraient vacantes. J’ai ainsi vu des attachés de cabinet, fidèles serviteurs d’un quelconque patron au gouvernement, lui garder sa circonscription là-bas ou tenir son secrétariat parlementaire ici, et espérer ainsi une suppléance puis la place, c’est rare, mais on a des dédommagements, tel devint ainsi chef des services administratifs de sa région, à défaut d’en être l’un des députés, puis finalement quelques mois, guère davantage, directeur général de la fonction publique, tel autre répond au courrier et reçoit en lieu et place, et est encore plus oublieux que s’il était l’impétrant personnellement. Dans l’opposition, on reçoit, dans la piétaille aussi, mais passé au gouvernement, soit on devient masqué, soit on est sincère enfin, on a changé, on ignore, on a la garde de l’Etat et l’on ne reçoit plus que des concours ou des collaborateurs. On a perdu pied. J’ai vécu ces pertes au change à plusieurs reprises, et je ne sais non plus comment on se fidélise dans l’esprit de quelqu’un d’abordable et d’abordé qui soudain devient grand : une dame à la côte pendant deux saisons, et ayant petit bureau chez un industriel, devient chef du gouvernement, donc inaccessible, puis se retrouve à nouveau en quête alors que je suis en poste diplomatique ou enseignant dans une université, et le contact redevient possibe, il n’a cessé, quand il avait lieu, d’être agréable et instructif. Tel autre est à plusieurs reprises logé à l’hôtel de Lassay, il reçoit comme s’il était encore à la tête du groupe parlementaire, il est souvent ministre, parfois Premier ministre, a ses tendances et sa clientèle dans l’un des deux principaux partis français, je ne le rencontre à ma demande constamment éludée quand il est vraiment au pouvoir, que quand il n’est apparemment plu.

C’est ainsi écrire combien j’ai été demandeur, d’abord d’avoir droit à conseiller le prince pour le bien commun tel que je l’entrevoyais avec toute l’indépendance que confèrent l’imagination et la liberté d’expression aulique, ensuite – et pour très durablement trainer à finir – pour être à peu près sauver de mésestime, sinon de réelle misère. Aborder la question d’une survie matérielle ou d’engagements pris antérieurement à une disgrâce en sorte qu’on ne peut plus les tenir ensuite, est insoutenable paraît-il aux yeux des entourages qui, hiérarchie des gestions du personnel, y verront un appétit certifié de lucre, tandis que les cumuls, les prébendes, les intéressements, les corruptions, les interventions sont considérées comme naturelles parce qu’elles caractérisent les hautes sphères.

Il fallait que la monarchie soit finissante pour que naissent les franc-maçonneries et que renaissent les corporations et autres alliances professionnelles. Il fallait qu’elle fût encore très forte, et même populaire, pour qu’en la personne de Louis XV, elle renvoyât les parlementaires à leurs rédactions et leur otât le droit de remontrance, et qu’en la personne du Dauphin, son fils qui ne règna malheureusement point, elle recommandât au futur Louis XVI de rappeler en cour et au plus en vue du pouvoir un disgrâcié notoire pour consommation d’un mariage le mésalliant : une juive grecque de Constantinople devenue comtesse Gravier de Vergennes. Marie-Thérèse, impératrice-reine, ne s’y trompa pas qui avait recommandé par écrit à sa fille (Marie-Antoinette) de cajoler l’épouse pour que s’épanouisse en paix celui dont il avait deviné qu’il serait grandement politique, et ce fut.

Je comprends, parce que je n’ai cessé de le ressentir toute ma vie – soixante ans – combien vif est l’attrait de cette sorte de gloire quotidienne qui n’est pas de paraître mais d’avoir à représenter - ce qui dépasse l’individu, à décider - ce qui engage encore davantage moralement que financièrement, à diriger un pays.

De Gaulle, s’adressant au peuple, lui parlait pays.

Des Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola, on garde le plus souvent la vision d’une journée centrale, celle de l’élection et de la présentation, qui y excite, des « deux étendards », mais on en a moins l’expérience, car tout dans une vie, même et surtout spirituelle, n’est pas discernement, ni carrefour, ni choix entre le haut et le bas pour une conscience désormais préparée à reconnaître le désirable et à fuir le trompeur qui, si vite, s’étiole.

Pourquoi ne pas préférer retenir ce qui est constant, l’ascension et la redescente et ne pas vouloir s’entretenir, être entretenu dans la disposition d’attention à Dieu, à la lumière, à ce qui doit devenir ou redevenir un état natif et, finalement, recouvré en permanence.

Plus encore que mon regret de n’avoir pu « faire », en fait vivre une carrière politique que j’eusse vu davantage dans le style séculaire de serviteurs de notre ancienne monarchie en charge pour des décennies et admirant autant l’institution que l’homme du moment, lequel d’ailleurs – héréditaire et en place par grâce divine – durait longtemps sauf accident (le mot de Philippe de Gaulle au comte de Paris venant se recueillir devant de Gaulle visage encore découvert, sachez, Monseigneur, qu’en d’autres temps, mon père eût…), m’a travaillé intérieurement ce fait, répété depuis le Général, que nos gouvernants soient inférieurs à leur tâche, et somme toute à leur propre ambition. Sous de Gaulle, presque rien ne se voyait que lui. Je fus tout étonné, en milieu de scolarité à l’Ecole nationale d’administration, qu’on se passionna chez mes condisciples (que je ne regardais pas comme concurrents) pour la formation du gouvernement en Avril 1967 ; nous étions en voyage d’études, presque toute la promotion, à l’époque elles étaient peu nombreuses, n’excédant guère soixante-dix, en République fédérale d’Allemagne, Konrad Adenauer venait de mourir et le départ de Ludwig Erhard avait été sa dernière œuvre et sa dernière joie, il y avait déjà le modèle du « pompidolisme » à nous venir du dehors, mais justement il s’agissait du énième cabinet Pompidou et la répartition des portefeuilles semblait d’importance. Je ne m’aperçus pas de cette longévité du Premier ministre ni du fait politique majeur qu’elle constituait d’elle-même et n’entendis qu’à peine les critiques d’Edgard Pisani et de René Capitant hostiles à la procédure des ordonnances. Je ne vis quelque chose que par rapport au Général, c’est-à-dire quand Valéry Giscard d’Estaing, énonça son oui, mais puis commença de publier dans Le Figaro des articles talentux mais sous une plume d’opposant, de rival, de successeur s‘auto-proclamant. Il fallut deux livres [1] et surtout la popularité de l’ancien Premier ministre parmi des gens qui détestaient de Gaulle pour que je comprenne que Georges Pompidou avait un rôle personnel dans ce qu’il se passait et pouvait en avoir eu un dans le passé. J’avais raffolé de sa voix cuivrée et de son texte très didactique pendant la bataille de Novembre 1962 qui fut, à proprement parler, fondatrice du régime, je ne pouvais imaginer qu’à travailler intimement, face à face, au grand soleil d’un vis-à-vis tel que le Général de Gaulle, on puisse se croire capable de faire mieux parce qu’on ferait autrement…

Son propre directeur de cabinet s’étonna que Maurice Couve de Murville, spécialiste par goût et plus encore par expérience professionnelle première de la finance publique, des changes extérieurs et des transferts monétaires internationaux, n’ait pas personnellement et fortement opiné à l’automne de 1968 tandis que le franc français menaçait d’être emporté. Il ne lui est pas venu à l’esprit que l’ultime Premier ministre du grand homme n’avait accepté la charge que dans la très simple optique de ne jamais faire ombre, et moins encore de briguer ou hâter une succession dont rien n’excluait, à sa nomination, qu’elle ne lui reviendrait pas. L’Histoire ne dit pas, - et les deux à avoir échanger ces mots, sont morts -, si Maurice Couve de Murville disant à Bernard Tricot qu’en le nommant à la place de Georges Pompidou, le Général avait tort, voulait dire que de Gaulle avait tort de le nommer, lui, ou – ce qui est différent – avait tort de se séparer de l’inamovible Premier ministre en place depuis plus de six ans.

En sens contraire, Jean-Marcel Jeanneney et Jean-Yves Haberer, alors respectivement ministre d’Etat en charge de la préparation des textes référendaires et directeur du cabinet de Michel Debré devenu ministre des Affaires Etrangères, déplorent l’un que le successeur de Georges Pompidou n’ait jamais paru convaincu de la nécessité d’un referendum, celui qui allait mettre fin au règne du Général, et l’autre qu’il n’ait pas plaidé comme Michel Debré l’en priait, auprès de de Gaulle pour que celui-ci renonçât à sn projet. Eux non plus n’ont pas compris le fond – cardinal – de l’attitude de Maurice Couve de Murville : ne rien faire qui gênât l’homme du 18 Juin dans ses mises en scène, ne rien réclamer qui paraisse mettre la décision à un autre niveau que celui du Président de la République dès lorsqu’il s’agissait d’un rapport entre de Gaulle et le peuple, ou d’une question – la monnaie – évidemment décisive. En fait, cet inspecteur des finances contre la nomination duquel, comme directeur des Affaires politiques au Quai d’Orsay, la corporation de celui-ci s’était pourvue en Conseil d’Etat aux fins de l’annuler…était tout simplement parfaitement fidèle, et l’était parce qu’autant admiratif que libre devant l’homme qui présidait et incarnait la France. La rencontre, à Alger, avait été immédiate : l’aisance et l’autorité de ce militaire émigré en matière d’Etat avait subjugué le grand commis fatigué des médiocrités de toute la Troisième République finissante, et bien entendu des lâchages de position, qu’il établissait à grand peine en commission allemande d’armistice, et dont Pierre Laval, sous prétexte de négociation d’ensemble, avait été coutumier autant à l’automne de 1940 que depuis le printemps de 1942 quand la France avait encore quelques cartes et un bon négociateur… connu de rumeur jusqu’à Londres, et demandé en clair par l’Amiral Darlan quand celui-ci devint «  l’expédient provisoire » autour duquel tout de la guerre et de l’après-guerre faillit tourner pendant cinq semaines d’hiver à Alger.

C’est la grâce de l’adversité quand elle est tragique de donner aux hommes le sens de la décision, même si – plus tard ou dans un autre contexte, rétrospectivement – elle peut apparaître condamnable. La tragédie politique et morale française des années 1930 et 1940 tient sans doute à une indécision chronique, laissant passer toutes nos chances pendant quelques dix ans, que suivit soudain – dès la demande d’armistice – une tension en termes de discours, de textes et d’organisation, presque tous hors sujet dans un pays qui occcupé pour occupé aurait pu garder l’esprit au combat.

C’est le drame invisible de la France contemporaine, que ces martyres de grandes figures de la Résistance n’aient pas donné leur possible en temps de paix, à la Libération. Qu’eussent fait au pouvoir Pierre Brossolette et Jean Moulin ? A l’inverse, François Lehideux, Pierre Pucheu seraient restés dans l’industrie, la flotte française eût continué d’investir, pas toujours avec autant de discernement qu’on l’a complaisamment pendant et depuis l’Amiral Darlan. Si Philippe Pétain avait été élu à la place d’Albert Lebrun en Mars 1939 à qui, faute d’une candidature plus marquée qu’eût été celle de son successeur à la présidence du Sénat, on confia un second septennat… si le Général de Gaulle était resté « aux affaires » toute la fin des années 1940, ne se serait-il pas dramatiquement trompé à propos de l’Indochine, comme sa confiance en l’Amiral d’Argenlieu le laisse à penser ? aurait-il été l’homme de la décolonisation ? et parvenu à ce que soit votée une Constitution différente de celle contre laquelle il fit campagne, étant retiré, aurait-il établi le régime sous lequel nous vivons ? même quelque peu travesti ?

L’Histoire virtuelle ? Jacques Chaban-Delmas l’emportant au premier tour de l’élection présidentielle de 1974 sur Valéry Giscard d’Estaing, puis sur François Mitterrand au second tour, la probabilité est que la gauche n’aurait pas poursuivi ni son unification stratégique ni son ascension électorale, il n’y aurait donc pas eu de président de gauche que bien ensuite, donc pas de nationalisations et par conséquent pas de reprise de ces mesures par presque autant de privatisations, le droit de dissolution aurait probablement été perdu de vue, la convocation populaire par referendum aussi, tant le chantre de la « nouvelle société » avait le don de se faire des amis et d’avoir, au moins à ses débuts, d’excellents collaborateurs, les choses auraient tourné à une République forte mais plus parlementaire que présidentielle, on n’eût certainement pas versé vers cette alternance droite/gauche à chaque renouvellement, anticipé ou pas, de l’Assemblée Nationale, une durée autre se serait faite, et peut-être même un tel consensus politique et social que les carrières administratives auraient été moins discrétionnaires et par conséquent les places aux grands étages du privé moins chargés d’égotisme.

Peut-être – surtout – les choses eussent été bien moins intéressantes et le dépit de n’y avoir pas été mêlé de plus près, eût été bien moindre, en moi et chez d’autres. L’Europe, nullement mise aux voix ou désignée comme fauteuse de toutes les gênes, aurait sans doute gagné, par contraste, du lustre. J’ai aimé cet homme franc, vif, spontané, chaleureux qui était manifestement un amoureux de la vie, des femmes, et – si l’on peut dire aussi – du Général de Gaulle quoiqu’il ne l’ait jamais directement servi, et qu’il ait prêté en 1969 à ce qu’on l’oublie politiquement aussi vite que ce fut.

Parce que la gauche, en tant que telle, n’avait plus gouverné depuis Juin 1937, et qu’elle avait beaucoup tenté entre Mai 1981 et Mars 1986, j’ai considéré légitime que François Mitterrand se maintienne à l’Elysée et en sauve ce qui serait à la discrétion de sa signature, c’est-à-dire ce qui ne serait pas de stricte votation par la majorité parlementaire, laquelle n’était pas considérable. Les deux « cohabitations » ensuite ont été chacune d’une nature différente, pas seulement du fait de leur durée. La dissolution de l’Assemblée Nationale est un acte discrétionnaire du seul Président de la République, quelles que soient les consultations qu’impose formellement la Constitution, et quels que soient les conseils suivis, alors, par Jacques Chirac, c’est, c’était un appel direct au peuple. Ne retrouvant pas, quoique d’assez peu, la majorité parlementaire qu’il pouvait souhaiter, il devait s’en donner, ainsi qu’au pays, la contre-épreuve en désignant un Premier ministre qui restât le sien, et faute de cela, démissionner, quitte à se représenter. C’est ce qu’il n’a pas fait, et dans la même ligne, se mettre en situation de redoubler son mandat mais compte tenu de son âge, il consentit ce qu’il soit d’avance abréger. Trois mandats successifs sont ainsi possibles, pour lui et après lui, au prix d’une dénaturation de la dissolution qui ne sera plus un appel à la sanction populaire, et du referendum réputé valable même si les deux tiers des électeurs l’ont ignoré.

C’est le propre de la France de changer souvent de régime politique. Nous avons, sous le premier mandat de Jacques Chirac, changé de régime, à défaut des hommes. A la grande exception de Simone Veil, à quinze ans de distance, et, dans de bien moindres mesures, d’Edith Cresson et d’Elisabeth Guigou, les femmes dans les gouvernements de la Cinquième République ne sont jamais revenantes.

Voilà certes, une résolution violente !  mais que ne ferait-on pas pour se soustraire à une domination étrangère ? Louis XIV aurait dit cela en contemplant les Pays-Bas volontairement inondés à son approche, par l'ouverture des digues [2].

Faut-il atteindre soixante ans d'âge pour revenir aux certitudes de son adolescence, aussi à l'idéal qu'a obscurci l'expérience soi-disant de tout ce qui passe pour des émancipations, le gagne-pain, la découverte amoureuse, la culture et les voyages, les émotions artistiques, le doutre religieux relativement à une foi native ? Ayant tout parcouru, je ne reviens pas plus que d'autres à un point de départ, qui n'est jamais repérable rétrospectivement même si des moments sont reconnus, à peine les a-t-on vécus comme avoir été tournants dans une vie; Ce qui ne signifie nullement qu'on eût pu prendre une autre direction - on dit : décision - que celle qui fut prise. Mais la conscience d ce qui a été structurant, formateur ou déformant est nettte. J'ai compté ainsi mes blessures et les assauts du réel contre une liberté qui n'avait pas assez d'adossement, ou a manqué d'audace. La soixantaine dépouille d'une quantité d possibles qui ne sont plus loisibles désormais, du seul fait de l’âge, mais parfois aussi par goûts qui ont changé et celui de fonder, enfin, domine tout ce qui n'est plus que relent, même plus nostalgie, que de chaînes. Il n'y a plus de conseils ni d'avis à solliciter, le temps presse, ls émules sont dans le même cas d'un vieillissement qui apporte lucidité et volonté. La révolution est là.

Nos vieux pays et notre très vieux peuple en sont là. L'enjeu est notre libre-arbitre, tels que nous sommes tous, nous ne l'avons plus, et le débat n'est pas du tout celui qui, dans les années 1950 ou 1960, a dominé la question d'Europe en France. Nous n'avons à regretter ni notre indépendance, ni nos colonies, ni un quelconque rang, nous les avons eus, nous en avons joui, si l'on peut dire. Nous lisons notre Histoire plutôt moins bien qu'une nation comme l'allemande qui après des siècles d'incapacité à s'organiser et à se vouloir vraiment en tant que telle, y est arrivée du fait des guerres, des défaites et surtout d'une réunification, presque plus espérée ni concevable quand elle survint, mais opérée à condition qu'elle ne soit que partielle (un tiers peut-être, un quart au moins de l'ancienne Allemagne du XIXème siècle restera polonais ou russe ou bielo-russe). L'Angleterre ne se trahit pas en ayant suivi les Américains à propos de l'Irak (ne fut-elle pas chez elle, de la Palestine à l'Euphrate, à la suite des Ottomans dans l'entre-deux-guerres au Xxème siècle ?) ni en pratiquant une politique économique qui malgré ses ravages sociaux, a pratiquement le consensus des deux principaux partis. Mais la France ? la révolution est cependant là car son système de pouvoirs publics est à bout, car sa communion nationale est précaire et que certains réveils régionaux ou la turbulence des jeunes générations hallogènes sont moins à redouter que notre lassitude de vivre et d'être soi. Car comment expliquer autrement que par un état collectif déprimé, fatigué, une telle absence de ressort et d'imagination, un tel amenuisement aux stricts envies de matériel et de lucre tels que les affichent honteusement et peureusement beaucoup de nos élites ? Ce fléchissement français coincide avec la poussée très concrète des nécessités de la solidarité européenne. C'est à celle-ci que nous devons céder, et sans que ce soit une résignation, nous devons dans cette prise d'une sorte de relais aller au-delà de nos tabous ou de nos habitudes de pnser et surtout de parler. Ce peut-être une nuit du 4-Août. Les défis extérieurs sont tels, les questions à l'intérieur de chacun sont telles que plus aucune solution ni réponse ne peut-être trouvé selon les cartes actuelles, pas seulement la disposition des cartes, mais tout le jeu, toutes ls cartes sont à changer.

Le prix n'est pas considérable, nous sommes à bout tels que nous sommes, en revanche ce qui peut être obtenu est vraiment une nouvelle jeunesse, être soi, toucher à ce que l'on avait cru possible, logique et juste d'atteindre à nos vingt ans. Ceux de ma génération furent l'enfance de notre Cinquième République et une première habitude de faire fonctionner les les mises en commun européennes.

J'éprouve moi-même qu'épris de transversalité, prônant autour de moi l'imagination, j'ai tout laissé tarir en ne courant pas uniquement le liève que j'avais pourtant choisi, il est vrai que je ne l'eus jamais ans ma ligne de mire et que je ne savais très bien me le décrire à moi-même, il prit visage et silhouette de femme mais sans que les traits se discernent, et ma course devint attente. Me voici, sans préalable, à goûter de tout changer et de me consacrer uniquement à cette culture de mon identité. En direct avec l'univrsel, en phase avec ce qui est latent. L'Europe n'est pas loin d'atteindre mon âge dans ses moutures actuelles ; celle-ci peuvent produire du meilleur.

J'ai essayé de dresser la chronologie des soixante ans que le monde, tel que je l'apercevais de mes années successives, a vécu en même temps que moi. Plutôt que des événements que je n'ai pas vus, dans des pays où je ne suis pas allé, ou des faits que les manuels d'histoire, même si peu européens, ont retenu et enseignent par convention, j'ai préféré citer des phrases soit de dirigeants dont la fonction, sur le moment, a importé plus que le nom, soit de gens de pensée ou d'influence telles qu'ils se passaient de reconnaissance classique, qui se fait à raison d'une position publique et notoire.



[1] - Merry Bromberger, Le destin secret de Georges Pompidou & Pierre Rouanet, Pompidou
[2] - exergue des mémoires de Georges Catroux Dans la bataille de Méditerranée

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