Le titre a changé : au pied du mur... notre ordalie, etc...
4 .
Vivre notre nation française
en patriotes européens
La question d’Europe [1] est
la plus importante de notre actualité et pour la sauvegarde, l’épanouissement
de notre substance. Nous le savons tous, nous le vivons tous, mais elle est
celle qui nous divise le plus, alors qu’au commencement de l’entreprise
contemporaine qui devait y répondre, elle était la plus consensuelle. Elle
contenait, nous en étions sûrs, la réponse à tout : reconstruction,
ambition nationale, réconciliation avec l’Allemagne, sécurité politique et militaire,
expansion commerciale, rationnalisation économique. Nous ne sommes arrivés au
degré actuel de répulsion dont elle est entourée que par beaucoup de fautes
précises et par une longue indifférence de l’opinion, des politiques et des
médias, des universitaires-même. D’excellents livres, rendant compte des
origines, des gestations, leurs auteurs les vivant ou les ayant initiées, et
des réflexions majeures, n’ont pas été vraiment honorés par les politiques.
Enseignant quelques années à l’Université Paris VIII, pour les étudiants de son
Institut d’Etudes Européennes, non loin de la basilique Saint-Denis, donc de
notre nécropole royale, j’ai ressenti à longueur de mes rencontres avec une
autre génération que la mienne la vibration et l’intérêt pas seulement scolaire
ou d’intelligence que la question d’Europe et ses solutions au moins
institutionnelles, suscitaient. Il n’y a pas dix ans. J’ai également constaté,
ayant choisi pour l’un de ces cours d’étudier et de faire étudier les relations
extérieures de l’Union européenne, qu’il n’existait pas, cinquante ans après le
traité de Rome et ses premières dispositions politiques et financières pour
l’Outre-Mer, un manuel ou un traité, et que les différents élargissements des
Communautés n’avaient pas donné lieu à un récit d’ensemble, encore moins à une
réflexion précise. Les deux crises immédiates que nous vivons : le retour
de la Russie à l’expansionnisme et à la dictature, l’afflux des migrants et
immigrants, plus seulement d’Afrique pauvre, nous ont surpris en méconnaissance
totale de ces formes de demande d’une Europe véritable. Tout a été vécu en
prise de possession européenne des législations et règlementations nationales,
assortie de quelques explications et rapports, chez nous, au Parlement, selon
des adaptations constitutionnelles. Politiquement, l’attention et l’effort
étaient ailleurs, principalement dédiés à l’exception britannique persistante
et à l’intimité franco-allemande, à éclipses, ne rayonnant guère au-delà du
couple formé par les deux principaux responsables : Chancellerie,
présidence de la République. Il faut reconnaître que ce couple a été, jusqu’à
présent – sauf entre Georges Pompidou et Willy Brandt [2] –
vécu à chaque changement physique de partenaire, avec intelligence, et toujours
éveil de sympathie et compréhension mutuelle des conditions de travail
respectives. Ce qui n’a aucun précédent dans la vie internationale, dominée
plutôt par des antagonismes et duels de personnalités autant que de peuples,
depuis toujours.
A cette erreur et à ces inattentions des
gouvernants, induisant les opinions publiques à faux, s’est ajouté jusqu’à
maintenant une ignorance générale de l’extraordinaire travail et des relations
d’équipe qui s’accomplissent depuis plus de soixante ans dans le quartier
Robert Schuman de Bruxelles. A mes débuts dans notre direction des Relations
économiques extérieures, au ministère de l’Economie et des Finances, je
participais d’abord à un cycle de réflexions, sinon de décisions à l’O.C.D.E. [3] (au
château de la Muette, le long du jardin du Ranelagh où j’avais joué pendant
toute mon enfance, patinette et guignol) : sujet, les achats
gouvernementaux et enjeu, les ouvrir à la concurrence internationale. Nous
étions en 1969, le pouvoir venait d’être retité au général de Gaulle et à Maurice
Couve de Murville. Nous n’avions pas de doctrine, sinon de bloquer et pendant
tout le mandat de Georges Pompidou, écourté par la mort prématurée de ce
dernier, s’opposaient, même par écrit, la rue de Rivoli, tenue par Valéry
Giscard d’Estaing, et le quai d’Orsay, surtout quand y entra, pour trop peu de
temps, Michel Jobert dont la rencontre, introduite par mon intuition de ce
qu’il allait être, a été décisive dans ma vie et mes opinions. La pratique
était la stérilité dans cette vaste enceinte, se paniquant pour l’apparence et
pour que nous nous donnions de l’importance, à la perspective d’avoir à rendre
compte en groupe de pays développés et nantis, à l’assemblée de la C.N.U.C.E.D.[4] où
les pauvres sont en force, et n’étaient redoutés que politiques. Les
« émergents » étaient encore très loin de naître. Je passais à
un groupe de travail au Marché commun à l’automne de 1973, passionnant, car
nous y concertions nos systèmes d’assurance-crédit à l’exportation, et y
échangions nos applications locales, marché par marché, entreprise par
entreprise. C’était de l’Europe à l’évidence, c’était efficacee. J’appris aussi
la dynamique essentielle de ces instances, l’urgence calendaire, les
discussions de nuit et l’amitié qui en résultent. Mais aussi l’importance et l’atout
de disposer de bonnes administrations centrales, elles-mêmes proches de leurs
ministres respectifs par l’organisation du cabinet. A chaque élément de la
chaîne de Bruxelles aux capitales, la personne en charge est décisive. Une
façon de démocratie existe : on débat avant de décider, on est attentif à
l’autre qui représente généralement une autre parcelle de pouvoir ou une entité
qu’il faut se concilier. A Bruxelles, l’évidence quotidienne était l’entente
franco-allemande, le plus souvent instinctive et naturelle, fondée sur une
déférence et un désir mutuels. La Grande-Bretagne commençant de participer à
tous les exercices, était de bonne volonté et surtout nous renseignait sur les
Etats-Unis. La crise du Watergate raidissait les positions, en tout, des
Américains. Je crois que ces champs de forces, ces habitudes, cette répartition
des influencess n’ont pas changé. Comme en toute dynamique de groupe, les
performances personnelles, pourvu qu’elles ne soient pas une revendication de
prééminence ou de la vanité [5],
peuvent ajouter au poids relatif de chacun des Etats-membres : capacité
d’expression écrite et orale, talent de trouver la phrase convenant à tous car
tout travail est sur l’écrit ou aboutit à un écrit ou de faire avancer le débat
en le synthétisant, et … résistance à la fatigue… La présence d’un tiers aux
Etats-membres : le représentant de la Commission, le secrétariat général
du Conseil de ministres, a une portée dépendant des personnes. Notre
représentation permanente est sans doute l’ambassade la plus importante, pour
nous, de tout notre réseau diplomatique.
Je crois, à l’expérience aussi des
réunions de travail entre Etats-membres des ambassadeurs ou de leurs
conseillers spécialisés, qui se tiennent dans chaque Etat du monde, que la
diplomatie multilatérale a cette dialectique et cet esprit. A quelque niveau,
chefs d’Etat compris, qu’elle se joue. Il faut l’apprécier et la faire
connaître. Ce ne sont pas d’obscurs bureaux et des fonctionnaires robotisés qui
éructent des textes impératifs. L’accord entre les Etats, zélé par la
Commission, une fois acquis, les services de composition multinationale, très
compétents chacun sur le sujet à traiter désormais, travaillent « en flux
tendu » mais entre agents, très habitués les uns aux autres, polissant tout,
consultant pour chaque Etat-membre leurs administrations, les intérêts privés,
les syndicats et groupes de pression-mêmes de chacun. Il n’y a pas dans les
capitales,, en tout cas chez nous, une telle mystique de la rédaction à
plusieurs et de la consultation de tous les partenaires présumés ou se
présentant, comme elle est vécue à Bruxelles. Cela ne se sait pas, alors que
cela devrait être l’orgueil de l’ensemble des opinions publiques, et la raison
principale d’espérer l’avenir, surtout s’il doit être autre, car la décision
politique entre Etats dispose d’un instrument d’imagination et d’application
hors de pair, sans pareil dans l’Histoire, s’agissant d’un ensemble qui n’est
pas intégré, pas fédéral.
Je ne sais le Parlement européen – dont
les gouvernants français se sont longtemps méfiés et ont contesté la légitimité
– que par les dossiers à étudier pour établir mon enseignement sur les
relations extérieures et les partenariats de l’Union européenne. A l’évidence,
l’équilibre intellectuel, le respect des droits de l’homme, la conscience de ce
que pourrait apporter l’Europe aux autres et dans le monde, sont réunis et
actifs. Ce n’est pas la structure d’accueil des recalés du suffrage
national : le patriotisme européen, à défaut des opinions publiques dont
l’instinct et le bon sens ne sont sollicités que par intermittence, a – là – sa
matrice.
Comme presque toujours dans les
institutions internationales, la France a bénéficié et des bonnes places et de
ses propres choix pour sa représentation. Jean-François Deniau [6],
Raymond Barre [7], François-Xavier Ortoli,
Jacques Delors et même Michel Barnier, nous le savons, ont été d’une influence
décisive. Il ne faut pas de médiocres, pour nous à la Commission, ce qui est
actuellement le cas [8]. De
très grands partenaires s »’y distinguent, tous francophones et proches de
nous de culture et de réflexions… de nous quand nous sommes nous-mêmes. Sicco
Mansholt, Gaston Thorn, Romano Prodi, Louis Michel, beaucoup d’autres, qui font
pâlir et placent à son vrai niveau la composition de nos propres gouvernements
nationaux. Le général de Gaulle, Maurice Couve de Murville, son essentiel
ministre des Affaires Etrangères, puis Valéry Giscard d’Estaing, président de
la République, savaient l’importance de concertations, souvent hebdomadaires,
avec ceux qu’ils nommaient à Bruxelles. La combinaison parfaite du politique,
du technique et de la présence en enceinte comme en en groupe inter-Etatiques,
fut notre force. Il me semble que pour la préparation et la réalisation de la
conférence à Paris sur le climat, a répondu à ce modèle et cet atavisme,
tellement perdus en tant d’autres occurrences.
Reniac, à ma table de travail, lundi 2 Janvier 2017,
de 09 heures 58 à 11 heures 25
Les erreurs. Davantage chez nous que
chez nos partenaires, mais responsabilité partagée : de nombreuses
inconsciences, la perte de vue de nos fins en tant que l’Europe plus encore de
l’avenir que du moment.
Le point de départ, celui de 1950, était
une double conditionnalité pour fonder l’Europe ou adhérer à l’entreprise déjà
en cours. Le vouloir vraiment et être capable de remplir les obligations
textuelles mais surtout implicites en vue de l’avenir commun. L’erreur fut donc
d’admettre un pays qui ne voulait pas vraiment de l’entreprise, de ses deux
demandes d’adhésion en 1961 et en 1967 verifier la date
de la seconde demande au referendum sur la
sortie de l’Union [9], et nous
en commettons une aussi importante en tenant le « Brexit » pour une
option définitive. D’abord, qui y avait songé, nos ambassadeurs nous en
avaient-ils avertis ? le referendum n’a aucune vertu législative et la
décision populaire n’a pas de valeur contraignante pour le gouvernement :
seul, l’aval des Communes fera loi et droit. Ensuite, parce que si l’entreprise
reprend sur des bases notalement nouvelles, le refus britannique n’a plus
d’objet et au contraire tout milite pour que l’Angleterre soit avec nous, non
plus en conseil protecteur [10]
ou en contrat d’adhésion, mais en refondateur à l’instar de chacun des Etats
européens qui voudront l’être, qu’ils aient été jusqu’à présent membres ou pas
de l’Union agonisante aujourd’hui.
L’erreur britannique, y
compris des gouvernants à Londres sur eux-mêmes et sur leur opinion bien plus
favorable à l’Europe aujourd’hui qu’il y a soixante ans – effet de la vie
commune induisant la convergence de pensée – a été ensuite renouvelée lors de
la plupart des adhésions, à l’exception de celle de l’Autriche et des pays
scandinaves. L’accueil du Portugal, de l’Espagne et de la Grèce fut
politique : accompagner le retour de ces pays à la démocratie, ce qui
sucita chez eux et chez nous un premier mouvement d’enthousiasme puis des
querelles commerciales, surtout dans le domaine agricole. L’accueil des pays se
libérant de l’emprise soviétique avait le même motif, les différences de niveau
et d’organisation économique et sociale étaient encore plus grandes avec les
Etats membres de longue ou fondateurs de l’Union, qu’elles n’étaient avec les
pays du sud européen. L’accueil des pays de l’ancienne Yougoslavie se justifie aussi
bien pour l’accompagnement d’Etats nouvellement indépendants les uns des
autres, que par souci de continuité terriroriale. L’objet initial de
l’entreprise européenne était de faire servir l’économie à la politique. Nous
vivons le contraire et à grands frais d’une prise de conscience négative dans
chacune des opinions publiques. De surcroît, la solidarité politique et
financière initialement offerte, dans les années 1980 pour les trois pays du
sud, puis aux adhérents de l’est vingt ans plus tard, n’a pas perduré : la
Grèce n’est plus accompagnée depuis que lui sont imposés des ajustements
impopulaires par une « troïka » où l’Europe n’est ni seule ni en
capacité de décision, et la plupart des pays d’Europe, précédemment
communistes, sont aujourd’hui doublement accusés de recevoir nos industries
transférées chez eux par « dumping » social et d’exporter chez nous
une main d’œuvre cassaant notre marché de l’emploi. Enfin, des pays candidats
soit ont été injustement priés d’attendre longuement : l’Autriche, admise
plus de ans après ses premières demandes, soit n’ont pas été accueillis, la
Turquie. La vocation de celle-ci aux Communautés et donc à l’Union européennes
ultérieure, avait été reconnue dès 1963. A cette époque, le pays sortait d’une
dictature, bien avant que finissent le salazarisme, le franquisme et le régime
des colonels grecs : ses principaux dirigeants politiques avaient été
pendus et l’intervention de l’armée réglait la vie nationale. Je suis sûr que,
devenue partie intégrante de notre ensemble, en étant par exemple admise, en
même temps que la Grèce, la Turquie n’aurait pas penché vers l’islamisme,
puisqu’elle avait fondé sur l’option contraire à la défaite militaire puis la
chute politique de l’Empire ottoman, et elle ne serait pas entrée indiscutablement
en dictature depuis l’été dernier [11] et en alliance de fait avec une Russie,
elle-même devenue hostile au système européen, après avoir – au début de son
« ère Poutine » – cherché à en importer les structures et
fonctionnements… A considérer les adhésions à notre entreprise et les ennemis
qu’elle rencontre, soit en tant que telle : chacune des propositions,
notamment américaines, d’élargir l’aire et le montant du libre-échange, soit à
raison de ses Etats-membres : la menace russe aux frontières polonaises et
baltes, il apparaît que chaque fois nous sommes pris au dépourvu faute
d’anticipation, et plus encore faute d’intégration.
Ibidem, lundi 2 Janvier 2017,
de 15 heures 30 à
16 heures 56
Seconde erreur, ne pas avoir
entretenu l’opinion publique de la marche de l’entreprise, n’avoir pas fait de
la question d’Europe – positivement – celle de notre temps et de notre avenir,
quand elle n’était pas perçue aussi négativement qu’aujourd’hui : la
placer au plein air de la démocratie, et en façon de soleil éclairant toutes
suites, et soulignant chacune des ombres que nous avons encore à effacer. Passé
le dernier moment d’euphorie – la chute du « mur de Berlin » –
qu’aient connu à l’unisson tous les peuples d’Europe, les nouveaux traités ont
accumulé les éléments de défiance et l’opacité d’un système multi-céphale.
Maastricht, Amsterdam, Nice, à chaque complément de rédaction des textes
fondateurs, le système est devenu plus complexe en même temps qu’il accumulait
des principes et des promesses qui n’étaient pas tenus. Pis, sans doute pour
« amarrer » à l’Union, l’Allemagne très augmentée par son absorption
de l’ancienne République démocratique de l’est, il fut inscrit pour la première
fois que la défense européenne se faisait dans l’Alliance atlantique. Aucune
des harmonisations en tous genres et aucun des multiples dispositifs et
financements destinés à mêler en un seul ensemble les jeunesses de tous pays
n’ont produit d’osmose. Il n’y a pas d’histoire encore commune, ressentie comme
telle par chacune des opinions. Hors les célébrations anniversaires,
principalement entre nous et les Allemands, il n’y a rien de festif, il n’y a
surtout aucun objectif commun, aucune action d’envergure et de constatation
universelle, immédiate, qui unissent toutes les forces de tous les peuples
européens. Au contraire, depuis vingt ans en coincidence à quelques années près
avec l’instauration de la monnaie unique et la pérennisation d’un très faible
taux de croissance économique, une cause universelle des difficultés nationales
s’est imposée dans l’esprit de beaucoup d’Européens. Paradoxalement,
l’hostilité à l’entreprise et à ses institutions est devenu le point commun –
qui manquait – à l’ensemble des opinions publiques européennes. L’extrêmisme a
perdu ses étiquettes de gauche ou de droite dans tous les pays, il est, sans
beaucoup de nunances d’un peuple à l’autre, la pétition du repli national et de
la sécession. A l’espérance si longtemps, mais ni structurée ni assouvie à
temps a donc fait place le reniement ! Les huis clos de la Commission et
des réunions entre gouvernants ou chefs d’Etat n’a pas même facilité la
résolution de points difficiles : la démocratisation des institutions, la
défense et ses industries, le degré d’ouverture des frontières certes aux
personnes (nous le vivons peureusement, sans générosité, sans concertation)
mais surtout aux échanges et mouvements commerciaux et financiers [12].
La seule tentative de rédiger devant tout le monde et avec tout le monde une
Constitution pour l’Europe – travail ouvert à toutes les communications et
contributions par internet – n’a pas été illustrée, au fur et mesure qu’elle se
déroulait avec beaucoup de logique et beaucoup de naturel, tant on y débattait
et accueillait (je la suivais de semaine en semaine pour donner un autre de mes
enseignements européens : le fonctionnement et la genèse des institutions
européennes).
La France, en particulier,
qu’honorait évidemment la présidence de cette Convention confiée à notre ancien
président, particulièrement doué pour expliquer, synthétiser et appeler aux
audaces et novations, n’avait pas seulement la chance historique d’être de
niuveau fondatrice, mais son président du moment, ayant soumis la ratification
à notre suffrage direct par referendum, ne sut pas saisir l’opportunité du résultat
négatif. Au regard de nous, il pouvait suivre l’exemple du Général et terminer
une histoire personnelle très laborieuse et discutable en une façon de martyre
pour l’Europe ; il aurait démissionné pour nous affirmer qu’il préférait
l’entreprise européenne à l’exercice du pouvoir. Il ne l’a pas fait. Vis-à-vis
de ses homologues ayant accordé sans discussion, sauf le Néerlandais, leur
ratification au projet, Jacques Chirac, demeurant à l’Elysée, pouvait faire
valoir dès le soir de son referendum les ajustements propres à tout faire
accepter. Une négociation rapide et très réaliste aurait – de fait – appelé les
peuples à participer à bien plus qu’un exercice. Le processus de la Convention
présidée par Jean-Luc Dehaëne et Valéry Giscard d’Estaing, reprenait en encore
plus d’invite populaire. A Lisbonne, la négociation n’eut qu’une
ambition : en finir. Elle ne s’enfla que de la prétention de remplacer
tous nos textes par une seule rédaction, moins politique que jamais, au point
de n’organiser ni la pratique d’une sécession ou d’une suspension d’un
quelconque des Etats signataires, ni le moindre progrès dans les institutions.
Troisième erreur. La
connivence de tous les gouvernants nationaux pour ne pas porter à la notoriété,
sinon à la décision européennes, des personnalités capables de vraiment
incarner la cause et l’entreprise. La génération fondatrice avait eu cette
audace : Jean Monnet puis Walter Hallstein étaient, chacun, un symbole de
l’engagement européen, mais plus encore ils portaient une doctrine, un projet –
d’ailleurs resté après eux en suspens, celui du fédéralisme, qui suppose et
façonne la confiance mutuelle des peuples. Tant que demeure et surtout que
s’accentue la crainte d’intérêts et d’obligations en Europe différents des
intérêts nationaux, le fédéralisme est évidemment impossible. Depuis, les
personnalités européennes, notamment quand elles composent ou président la
Commission européenne, se sont parfois illustrées, mais pour leur art du
compromis ou leur talent de présentation. Quand il s’est agi, en Conseil
européen, de choisir de nommer un président, pourtant sans pouvoir mais
fonctionnellement en situation de se faire voir et entendre des opinions, les
âmes fortes ont été éliminées du concours.
Comment nous en
sortir ? nous, ni moins ni plus que les autres Européens ? Par une
prise de conscience, analogue à celle qu’il nous faut avoir pour établir notre
délmocratie autrement qu’elle se singe elle-même ces années-ci, pour cultiver
notre bien commun au lieu de nous laisser prendre notre patrimoine. Et aussi
par la mise en œuvre de quelques moyens.
Ibidem, le même
lundi 2 Janvier 2016,
puis de 17 heures 27 à 18 heures 38
Pierre Mendès France, qui avait composé
son gouvernement de partisans et d’adversaires du projet de Communauté européenne
de défense, pendant depuis 1952 et ratifié par nos cinq partenaires, fondateurs
d’origine de la Communauté économique charbon acier, n’avait pas pris parti en
l’ayant mis aux voix de l’Assemblée nationale qui le repoussa par un artifice
de procédure. Près de vingt ans plus tard, débattant à la radio sur l’entrée ou
pas de la Grande-Bretagne dans ce qui s’appelait plus couramment le Marché
commun, l’ancien président du Conseil, un des rares à avoir marqué et construit
sous la Quatrième République, faisait remarquer que presque toujourss les
positions de la Commission européenne coincidait avec celles de la France, avec
nos intérêts les plus crûs. Il omettait de rappeler combien cette communion
intellectuelle, avec d’évidents résultats économiques : le Marché commun
agricole, politiques aussi l’expliciter devait beaucoup au ministre de l’absolue confiance du
général de Gaulle pour les Affaires étrangères [13],
et l’ensemble de notre tenue à Bruxelles. Le « compromis de
Luxembourg » [14]
instaurant pratiquement la règle d’unanimité pour tout sujet considéré comme
tout vital par l’un des Etats-membres, concluait un débat de six mois qui avait
fait mettre le général de Gaulle en ballottage lors du scrutin de sa
rééelection, cette fois au suffrage universel direct. Il s’était agi du
financement de la politique agricole commune, adoptée en principe depuis 1961,
mais pas effective. Proprio motu, Maurice Couve de Murville faisait « la
chaise vide » depuis Juin 1965. L’opinion générale chez nous voyait dans
l’entreprise et les Communautés européennes, la panacée. Jean Lecanuet
représentant la famille centriste et une bonne part du vote catholique, bien
plus que la campagne pourtant excellente menée par François Mitterrand au nom
de toute la gauche et de tous ses partis sans exception, avait d’une certaine
manière fait chuter le Général et banalisé la suite de son règne. Le pouvoir,
désormaus et dès de Gaulle, aurait pour fondement une majorité à un second tour
d’élection, et non plus à une légitimité. La généralité des Français et
l’ensemble des agriculteurs s’étaient persuadés de l’hostilité du Général à l’Europe et à sa construction, et l’avaient
donc désavoué : le score le plus faible depuis son « retour aux
affaires » . C’était pourtant le contraire qui était vrai : plus
encore que de l’agriculture, notre force alors principale, il s’agissait des
prérogatives de la Commission et des votes désormais à majorité seulement
qualifiée pour toutes décisions en Conseil de ministres. La France n’acceptait
donc un transfert de souveraineté dans la vie institutionnelle de la Communauté
européenne, et défendait un de nos intérêts nationaux : nous le
réprouvâmes. Aujourd’hui, l’état de l’opinion est inverse, mais l’analyse est
aussi mal fondée qu’il y a cinquante ans. Nous ne voudrions plus de l’Europe,
et encore moins de toute supranationalité. La bataille sémantique n’a pas
changé d’objet, elle fait toujours clivage dans l’ensemble de notre vie
politique, mais les fins sont différentes : beaucoup plus d’Europe en
1965, et surtout très vite, beaucoup moins et même pas du tout en 2017.
Le débat et les options sont à reprendre
en totalité. L’Europe, l’Union européenne, c’est nous. Nous, les Français,
nous, chacun des peuples d’Europe. Sortir de notre ensemble, de notreb
environnement historique, géographique, politique, économique, social,
culturel, spirituel n’est pas à choisir parce qui en motive la pétition manque
la cause de l’actuel désaveu populaire. L’entreprise est encore plus
nécessaire, vitale qu’à son origine de l’immédiat après-guerre et du souvenir
franco-allemand obsessif, mortifère, mais elle enlisée : les gouvernements
lui ont accaparé l’âme, les institutions fonctionnent selon un esprit tout
autre que le fondateur, le bien commun n’est plus assez présent ni aux dirigeants
des Etats, ni dans les délibérations de la Commission, ni dans les opinions
publiques nationales et il n’existe toujours pas d’opinion publique proprement
européenne. Enlisée, l’entreprise n’est plus que mécanique et relais d’options
et d’engagements dissolvant l’Union. Bien entendu, les problèmes
nouveaux : le voisinage de la Russie tant que Wladimir Poutine y règne,
les guerres du Proche-Orient et les migrations et terrorismes qu’elles
exportent, la relation stratégique en économie, commerce et stratégie, ne
peuvent être traités.
1° l’Europe et nous sommes un seul
corps, une seule chair
Pétition qui a l’âge de notre actuelle
et cinquième République : la représentation proportionnelle. Au premier
renouvellement de l’Assemblée nationale, selon le mode de scrutin
2° l’échelle européenne s’impose en
politique, en société, en économie et en stratégie
Ggg
3° la novation démocratique de l’Union
européenne permet seule solidarité et croissance
Pétition qui a l’âge de notre act
4° la France a les clés de cette
novation
Pétition qui a l’âge de notre act
5° pas une interrogation, en tout
Etat-membres qui n’ait sa réponse européenne
Pétition qui a l’âge de notre act
6° la Communauté nouvelle généralisera
les tentatives françaises
Pétition qui a l’âge de notre act
[1] - l’expression est
d’Etienne Burin des Roziers
[2] - pour des raisons surtout
psychologiques, mais aussi de moment dans chacun des deux pays à développer
[3] -
[4] -
[5] - image fréquemment
constatée de notre pays, parmi nos partenaires : la « grande
Nation » et son « arrogance »
[6] -
[7] -
[8] - paradoxes multiples de
la nomination de Pierre Moscovici à la Commission européenne
[9] -
[10] - le discours prononcé, à l’Université de
Zurich, le 19 Septembre 1946, par Sir Woxinston Churchill, alors dans
l’opposition à Londres au gouvernement travailliste, n’est pas fondateur, au
contraire de sa fréquente présentation : il propose une organisation
régionale au sein des Nations Unies et que soutiendront les vainqueurs de la
Seconde guerre mondiale : la Grande-Bretagne, son Commonwealth, les Etats-Unis
et l’Union soviétique
Il faut que notre but
permanent soit d'accroître et de renforcer la puissance de l'Organisation des
nations unies. Il nous faut re-créer la famille européenne en la dotant d'une
structure régionale placée sous cette organisation mondiale, et cette famille
pourra alors s'appeler les États-Unis d'Europe. Le premier pas pratique dans
cette voie prendra la forme d'un Conseil de l'Europe. Si, au début, tous les
États européens ne veulent ou ne peuvent pas adhérer à l'Union européenne, nous
devrons néanmoins réunir les pays qui le désirent et le peuvent. Le salut de
l'homme quelconque de toute race et de tout pays, ainsi que sa préservation de
la guerre ou de l'esclavage, ont besoin de fondements solides et de la volonté
de tous les hommes et de toutes les femmes de mourir plutôt que de se soumettre
à la tyrannie. En vue de cette tâche impérieuse, la France et l'Allemagne
doivent se réconcilier ; la Grande-Bretagne, le Commonwealth des nations
britanniques, la puissante Amérique, et, je l'espère, la Russie soviétique -
car tout serait alors résolu - doivent être les amis et les protecteurs
de la nouvelle Europe et défendre son droit à la vie et à la prospérité.
[11] - la tentative de
renversement d’Erdogan par quelques éléments de l’armée est «tombée à
pic » pour une purge de toute l’intelligence turque moderne, héritière de
Mustapha Kemal
[12] - il a fallu un moment
d’obstruction wallkaonne pour qu’enfin – mais pas durablement – les
négociations atlantiques soient avouées, et leur contenu évoqué
[13] -
[14] - texte et sa
confirmation au sommet de D. en 1984
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