vendredi 6 janvier 2017

suite du livre en gestation . ch. 4 ... compléte et terminé samedi ou dimanche prochains

Le titre a changé : au pied du mur... notre ordalie, etc...

Toute réflexion, suggestion, critique : bienvenues b.fdef@wanadoo.fr


4 .

Vivre notre nation française
en patriotes européens










La question d’Europe [1] est la plus importante de notre actualité et pour la sauvegarde, l’épanouissement de notre substance. Nous le savons tous, nous le vivons tous, mais elle est celle qui nous divise le plus, alors qu’au commencement de l’entreprise contemporaine qui devait y répondre, elle était la plus consensuelle. Elle contenait, nous en étions sûrs, la réponse à tout : reconstruction, ambition nationale, réconciliation avec l’Allemagne, sécurité politique et militaire, expansion commerciale, rationnalisation économique. Nous ne sommes arrivés au degré actuel de répulsion dont elle est entourée que par beaucoup de fautes précises et par une longue indifférence de l’opinion, des politiques et des médias, des universitaires-même. D’excellents livres, rendant compte des origines, des gestations, leurs auteurs les vivant ou les ayant initiées, et des réflexions majeures, n’ont pas été vraiment honorés par les politiques. Enseignant quelques années à l’Université Paris VIII, pour les étudiants de son Institut d’Etudes Européennes, non loin de la basilique Saint-Denis, donc de notre nécropole royale, j’ai ressenti à longueur de mes rencontres avec une autre génération que la mienne la vibration et l’intérêt pas seulement scolaire ou d’intelligence que la question d’Europe et ses solutions au moins institutionnelles, suscitaient. Il n’y a pas dix ans. J’ai également constaté, ayant choisi pour l’un de ces cours d’étudier et de faire étudier les relations extérieures de l’Union européenne, qu’il n’existait pas, cinquante ans après le traité de Rome et ses premières dispositions politiques et financières pour l’Outre-Mer, un manuel ou un traité, et que les différents élargissements des Communautés n’avaient pas donné lieu à un récit d’ensemble, encore moins à une réflexion précise. Les deux crises immédiates que nous vivons : le retour de la Russie à l’expansionnisme et à la dictature, l’afflux des migrants et immigrants, plus seulement d’Afrique pauvre, nous ont surpris en méconnaissance totale de ces formes de demande d’une Europe véritable. Tout a été vécu en prise de possession européenne des législations et règlementations nationales, assortie de quelques explications et rapports, chez nous, au Parlement, selon des adaptations constitutionnelles. Politiquement, l’attention et l’effort étaient ailleurs, principalement dédiés à l’exception britannique persistante et à l’intimité franco-allemande, à éclipses, ne rayonnant guère au-delà du couple formé par les deux principaux responsables : Chancellerie, présidence de la République. Il faut reconnaître que ce couple a été, jusqu’à présent – sauf entre Georges Pompidou et Willy Brandt [2] – vécu à chaque changement physique de partenaire, avec intelligence, et toujours éveil de sympathie et compréhension mutuelle des conditions de travail respectives. Ce qui n’a aucun précédent dans la vie internationale, dominée plutôt par des antagonismes et duels de personnalités autant que de peuples, depuis toujours.

A cette erreur et à ces inattentions des gouvernants, induisant les opinions publiques à faux, s’est ajouté jusqu’à maintenant une ignorance générale de l’extraordinaire travail et des relations d’équipe qui s’accomplissent depuis plus de soixante ans dans le quartier Robert Schuman de Bruxelles. A mes débuts dans notre direction des Relations économiques extérieures, au ministère de l’Economie et des Finances, je participais d’abord à un cycle de réflexions, sinon de décisions à l’O.C.D.E. [3] (au château de la Muette, le long du jardin du Ranelagh où j’avais joué pendant toute mon enfance, patinette et guignol) : sujet, les achats gouvernementaux et enjeu, les ouvrir à la concurrence internationale. Nous étions en 1969, le pouvoir venait d’être retité au général de Gaulle et à Maurice Couve de Murville. Nous n’avions pas de doctrine, sinon de bloquer et pendant tout le mandat de Georges Pompidou, écourté par la mort prématurée de ce dernier, s’opposaient, même par écrit, la rue de Rivoli, tenue par Valéry Giscard d’Estaing, et le quai d’Orsay, surtout quand y entra, pour trop peu de temps, Michel Jobert dont la rencontre, introduite par mon intuition de ce qu’il allait être, a été décisive dans ma vie et mes opinions. La pratique était la stérilité dans cette vaste enceinte, se paniquant pour l’apparence et pour que nous nous donnions de l’importance, à la perspective d’avoir à rendre compte en groupe de pays développés et nantis, à l’assemblée de la C.N.U.C.E.D.[4] où les pauvres sont en force, et n’étaient redoutés que politiques. Les « émergents » étaient encore très loin de naître. Je passais à un groupe de travail au Marché commun à l’automne de 1973, passionnant, car nous y concertions nos systèmes d’assurance-crédit à l’exportation, et y échangions nos applications locales, marché par marché, entreprise par entreprise. C’était de l’Europe à l’évidence, c’était efficacee. J’appris aussi la dynamique essentielle de ces instances, l’urgence calendaire, les discussions de nuit et l’amitié qui en résultent. Mais aussi l’importance et l’atout de disposer de bonnes administrations centrales, elles-mêmes proches de leurs ministres respectifs par l’organisation du cabinet. A chaque élément de la chaîne de Bruxelles aux capitales, la personne en charge est décisive. Une façon de démocratie existe : on débat avant de décider, on est attentif à l’autre qui représente généralement une autre parcelle de pouvoir ou une entité qu’il faut se concilier. A Bruxelles, l’évidence quotidienne était l’entente franco-allemande, le plus souvent instinctive et naturelle, fondée sur une déférence et un désir mutuels. La Grande-Bretagne commençant de participer à tous les exercices, était de bonne volonté et surtout nous renseignait sur les Etats-Unis. La crise du Watergate raidissait les positions, en tout, des Américains. Je crois que ces champs de forces, ces habitudes, cette répartition des influencess n’ont pas changé. Comme en toute dynamique de groupe, les performances personnelles, pourvu qu’elles ne soient pas une revendication de prééminence ou de la vanité [5], peuvent ajouter au poids relatif de chacun des Etats-membres : capacité d’expression écrite et orale, talent de trouver la phrase convenant à tous car tout travail est sur l’écrit ou aboutit à un écrit ou de faire avancer le débat en le synthétisant, et … résistance à la fatigue… La présence d’un tiers aux Etats-membres : le représentant de la Commission, le secrétariat général du Conseil de ministres, a une portée dépendant des personnes. Notre représentation permanente est sans doute l’ambassade la plus importante, pour nous, de tout notre réseau diplomatique.

Je crois, à l’expérience aussi des réunions de travail entre Etats-membres des ambassadeurs ou de leurs conseillers spécialisés, qui se tiennent dans chaque Etat du monde, que la diplomatie multilatérale a cette dialectique et cet esprit. A quelque niveau, chefs d’Etat compris, qu’elle se joue. Il faut l’apprécier et la faire connaître. Ce ne sont pas d’obscurs bureaux et des fonctionnaires robotisés qui éructent des textes impératifs. L’accord entre les Etats, zélé par la Commission, une fois acquis, les services de composition multinationale, très compétents chacun sur le sujet à traiter désormais, travaillent « en flux tendu » mais entre agents, très habitués les uns aux autres, polissant tout, consultant pour chaque Etat-membre leurs administrations, les intérêts privés, les syndicats et groupes de pression-mêmes de chacun. Il n’y a pas dans les capitales,, en tout cas chez nous, une telle mystique de la rédaction à plusieurs et de la consultation de tous les partenaires présumés ou se présentant, comme elle est vécue à Bruxelles. Cela ne se sait pas, alors que cela devrait être l’orgueil de l’ensemble des opinions publiques, et la raison principale d’espérer l’avenir, surtout s’il doit être autre, car la décision politique entre Etats dispose d’un instrument d’imagination et d’application hors de pair, sans pareil dans l’Histoire, s’agissant d’un ensemble qui n’est pas intégré, pas fédéral.

Je ne sais le Parlement européen – dont les gouvernants français se sont longtemps méfiés et ont contesté la légitimité – que par les dossiers à étudier pour établir mon enseignement sur les relations extérieures et les partenariats de l’Union européenne. A l’évidence, l’équilibre intellectuel, le respect des droits de l’homme, la conscience de ce que pourrait apporter l’Europe aux autres et dans le monde, sont réunis et actifs. Ce n’est pas la structure d’accueil des recalés du suffrage national : le patriotisme européen, à défaut des opinions publiques dont l’instinct et le bon sens ne sont sollicités que par intermittence, a – là – sa matrice.

Comme presque toujours dans les institutions internationales, la France a bénéficié et des bonnes places et de ses propres choix pour sa représentation. Jean-François Deniau [6], Raymond Barre [7], François-Xavier Ortoli, Jacques Delors et même Michel Barnier, nous le savons, ont été d’une influence décisive. Il ne faut pas de médiocres, pour nous à la Commission, ce qui est actuellement le cas [8]. De très grands partenaires s »’y distinguent, tous francophones et proches de nous de culture et de réflexions… de nous quand nous sommes nous-mêmes. Sicco Mansholt, Gaston Thorn, Romano Prodi, Louis Michel, beaucoup d’autres, qui font pâlir et placent à son vrai niveau la composition de nos propres gouvernements nationaux. Le général de Gaulle, Maurice Couve de Murville, son essentiel ministre des Affaires Etrangères, puis Valéry Giscard d’Estaing, président de la République, savaient l’importance de concertations, souvent hebdomadaires, avec ceux qu’ils nommaient à Bruxelles. La combinaison parfaite du politique, du technique et de la présence en enceinte comme en en groupe inter-Etatiques, fut notre force. Il me semble que pour la préparation et la réalisation de la conférence à Paris sur le climat, a répondu à ce modèle et cet atavisme, tellement perdus en tant d’autres occurrences.

Reniac, à ma table de travail, lundi 2 Janvier 2017,
de 09 heures 58 à 11 heures 25


Les erreurs. Davantage chez nous que chez nos partenaires, mais responsabilité partagée : de nombreuses inconsciences, la perte de vue de nos fins en tant que l’Europe plus encore de l’avenir que du moment.

Le point de départ, celui de 1950, était une double conditionnalité pour fonder l’Europe ou adhérer à l’entreprise déjà en cours. Le vouloir vraiment et être capable de remplir les obligations textuelles mais surtout implicites en vue de l’avenir commun. L’erreur fut donc d’admettre un pays qui ne voulait pas vraiment de l’entreprise, de ses deux demandes d’adhésion en 1961 et en 1967 verifier la date de la seconde demande au referendum sur la sortie de l’Union [9], et nous en commettons une aussi importante en tenant le « Brexit » pour une option définitive. D’abord, qui y avait songé, nos ambassadeurs nous en avaient-ils avertis ? le referendum n’a aucune vertu législative et la décision populaire n’a pas de valeur contraignante pour le gouvernement : seul, l’aval des Communes fera loi et droit. Ensuite, parce que si l’entreprise reprend sur des bases notalement nouvelles, le refus britannique n’a plus d’objet et au contraire tout milite pour que l’Angleterre soit avec nous, non plus en conseil protecteur [10] ou en contrat d’adhésion, mais en refondateur à l’instar de chacun des Etats européens qui voudront l’être, qu’ils aient été jusqu’à présent membres ou pas de l’Union agonisante aujourd’hui.

L’erreur britannique, y compris des gouvernants à Londres sur eux-mêmes et sur leur opinion bien plus favorable à l’Europe aujourd’hui qu’il y a soixante ans – effet de la vie commune induisant la convergence de pensée – a été ensuite renouvelée lors de la plupart des adhésions, à l’exception de celle de l’Autriche et des pays scandinaves. L’accueil du Portugal, de l’Espagne et de la Grèce fut politique : accompagner le retour de ces pays à la démocratie, ce qui sucita chez eux et chez nous un premier mouvement d’enthousiasme puis des querelles commerciales, surtout dans le domaine agricole. L’accueil des pays se libérant de l’emprise soviétique avait le même motif, les différences de niveau et d’organisation économique et sociale étaient encore plus grandes avec les Etats membres de longue ou fondateurs de l’Union, qu’elles n’étaient avec les pays du sud européen. L’accueil des pays de l’ancienne Yougoslavie se justifie aussi bien pour l’accompagnement d’Etats nouvellement indépendants les uns des autres, que par souci de continuité terriroriale. L’objet initial de l’entreprise européenne était de faire servir l’économie à la politique. Nous vivons le contraire et à grands frais d’une prise de conscience négative dans chacune des opinions publiques. De surcroît, la solidarité politique et financière initialement offerte, dans les années 1980 pour les trois pays du sud, puis aux adhérents de l’est vingt ans plus tard, n’a pas perduré : la Grèce n’est plus accompagnée depuis que lui sont imposés des ajustements impopulaires par une « troïka » où l’Europe n’est ni seule ni en capacité de décision, et la plupart des pays d’Europe, précédemment communistes, sont aujourd’hui doublement accusés de recevoir nos industries transférées chez eux par « dumping » social et d’exporter chez nous une main d’œuvre cassaant notre marché de l’emploi. Enfin, des pays candidats soit ont été injustement priés d’attendre longuement : l’Autriche, admise plus de ans après ses premières demandes, soit n’ont pas été accueillis, la Turquie. La vocation de celle-ci aux Communautés et donc à l’Union européennes ultérieure, avait été reconnue dès 1963. A cette époque, le pays sortait d’une dictature, bien avant que finissent le salazarisme, le franquisme et le régime des colonels grecs : ses principaux dirigeants politiques avaient été pendus et l’intervention de l’armée réglait la vie nationale. Je suis sûr que, devenue partie intégrante de notre ensemble, en étant par exemple admise, en même temps que la Grèce, la Turquie n’aurait pas penché vers l’islamisme, puisqu’elle avait fondé sur l’option contraire à la défaite militaire puis la chute politique de l’Empire ottoman, et elle ne serait pas entrée indiscutablement en dictature depuis l’été dernier [11]  et en alliance de fait avec une Russie, elle-même devenue hostile au système européen, après avoir – au début de son « ère Poutine » – cherché à en importer les structures et fonctionnements… A considérer les adhésions à notre entreprise et les ennemis qu’elle rencontre, soit en tant que telle : chacune des propositions, notamment américaines, d’élargir l’aire et le montant du libre-échange, soit à raison de ses Etats-membres : la menace russe aux frontières polonaises et baltes, il apparaît que chaque fois nous sommes pris au dépourvu faute d’anticipation, et plus encore faute d’intégration.
Ibidem, lundi 2 Janvier 2017,
de 15 heures 30 à 16 heures 56

Seconde erreur, ne pas avoir entretenu l’opinion publique de la marche de l’entreprise, n’avoir pas fait de la question d’Europe – positivement – celle de notre temps et de notre avenir, quand elle n’était pas perçue aussi négativement qu’aujourd’hui : la placer au plein air de la démocratie, et en façon de soleil éclairant toutes suites, et soulignant chacune des ombres que nous avons encore à effacer. Passé le dernier moment d’euphorie – la chute du « mur de Berlin » – qu’aient connu à l’unisson tous les peuples d’Europe, les nouveaux traités ont accumulé les éléments de défiance et l’opacité d’un système multi-céphale. Maastricht, Amsterdam, Nice, à chaque complément de rédaction des textes fondateurs, le système est devenu plus complexe en même temps qu’il accumulait des principes et des promesses qui n’étaient pas tenus. Pis, sans doute pour « amarrer » à l’Union, l’Allemagne très augmentée par son absorption de l’ancienne République démocratique de l’est, il fut inscrit pour la première fois que la défense européenne se faisait dans l’Alliance atlantique. Aucune des harmonisations en tous genres et aucun des multiples dispositifs et financements destinés à mêler en un seul ensemble les jeunesses de tous pays n’ont produit d’osmose. Il n’y a pas d’histoire encore commune, ressentie comme telle par chacune des opinions. Hors les célébrations anniversaires, principalement entre nous et les Allemands, il n’y a rien de festif, il n’y a surtout aucun objectif commun, aucune action d’envergure et de constatation universelle, immédiate, qui unissent toutes les forces de tous les peuples européens. Au contraire, depuis vingt ans en coincidence à quelques années près avec l’instauration de la monnaie unique et la pérennisation d’un très faible taux de croissance économique, une cause universelle des difficultés nationales s’est imposée dans l’esprit de beaucoup d’Européens. Paradoxalement, l’hostilité à l’entreprise et à ses institutions est devenu le point commun – qui manquait – à l’ensemble des opinions publiques européennes. L’extrêmisme a perdu ses étiquettes de gauche ou de droite dans tous les pays, il est, sans beaucoup de nunances d’un peuple à l’autre, la pétition du repli national et de la sécession. A l’espérance si longtemps, mais ni structurée ni assouvie à temps a donc fait place le reniement ! Les huis clos de la Commission et des réunions entre gouvernants ou chefs d’Etat n’a pas même facilité la résolution de points difficiles : la démocratisation des institutions, la défense et ses industries, le degré d’ouverture des frontières certes aux personnes (nous le vivons peureusement, sans générosité, sans concertation) mais surtout aux échanges et mouvements commerciaux et financiers [12]. La seule tentative de rédiger devant tout le monde et avec tout le monde une Constitution pour l’Europe – travail ouvert à toutes les communications et contributions par internet – n’a pas été illustrée, au fur et mesure qu’elle se déroulait avec beaucoup de logique et beaucoup de naturel, tant on y débattait et accueillait (je la suivais de semaine en semaine pour donner un autre de mes enseignements européens : le fonctionnement et la genèse des institutions européennes).

La France, en particulier, qu’honorait évidemment la présidence de cette Convention confiée à notre ancien président, particulièrement doué pour expliquer, synthétiser et appeler aux audaces et novations, n’avait pas seulement la chance historique d’être de niuveau fondatrice, mais son président du moment, ayant soumis la ratification à notre suffrage direct par referendum, ne sut pas saisir l’opportunité du résultat négatif. Au regard de nous, il pouvait suivre l’exemple du Général et terminer une histoire personnelle très laborieuse et discutable en une façon de martyre pour l’Europe ; il aurait démissionné pour nous affirmer qu’il préférait l’entreprise européenne à l’exercice du pouvoir. Il ne l’a pas fait. Vis-à-vis de ses homologues ayant accordé sans discussion, sauf le Néerlandais, leur ratification au projet, Jacques Chirac, demeurant à l’Elysée, pouvait faire valoir dès le soir de son referendum les ajustements propres à tout faire accepter. Une négociation rapide et très réaliste aurait – de fait – appelé les peuples à participer à bien plus qu’un exercice. Le processus de la Convention présidée par Jean-Luc Dehaëne et Valéry Giscard d’Estaing, reprenait en encore plus d’invite populaire. A Lisbonne, la négociation n’eut qu’une ambition : en finir. Elle ne s’enfla que de la prétention de remplacer tous nos textes par une seule rédaction, moins politique que jamais, au point de n’organiser ni la pratique d’une sécession ou d’une suspension d’un quelconque des Etats signataires, ni le moindre progrès dans les institutions.

Troisième erreur. La connivence de tous les gouvernants nationaux pour ne pas porter à la notoriété, sinon à la décision européennes, des personnalités capables de vraiment incarner la cause et l’entreprise. La génération fondatrice avait eu cette audace : Jean Monnet puis Walter Hallstein étaient, chacun, un symbole de l’engagement européen, mais plus encore ils portaient une doctrine, un projet – d’ailleurs resté après eux en suspens, celui du fédéralisme, qui suppose et façonne la confiance mutuelle des peuples. Tant que demeure et surtout que s’accentue la crainte d’intérêts et d’obligations en Europe différents des intérêts nationaux, le fédéralisme est évidemment impossible. Depuis, les personnalités européennes, notamment quand elles composent ou président la Commission européenne, se sont parfois illustrées, mais pour leur art du compromis ou leur talent de présentation. Quand il s’est agi, en Conseil européen, de choisir de nommer un président, pourtant sans pouvoir mais fonctionnellement en situation de se faire voir et entendre des opinions, les âmes fortes ont été éliminées du concours.

Comment nous en sortir ? nous, ni moins ni plus que les autres Européens ? Par une prise de conscience, analogue à celle qu’il nous faut avoir pour établir notre délmocratie autrement qu’elle se singe elle-même ces années-ci, pour cultiver notre bien commun au lieu de nous laisser prendre notre patrimoine. Et aussi par la mise en œuvre de quelques moyens.

Ibidem, le même lundi 2 Janvier 2016,
puis de  17 heures 27 à 18 heures 38

Pierre Mendès France, qui avait composé son gouvernement de partisans et d’adversaires du projet de Communauté européenne de défense, pendant depuis 1952 et ratifié par nos cinq partenaires, fondateurs d’origine de la Communauté économique charbon acier, n’avait pas pris parti en l’ayant mis aux voix de l’Assemblée nationale qui le repoussa par un artifice de procédure. Près de vingt ans plus tard, débattant à la radio sur l’entrée ou pas de la Grande-Bretagne dans ce qui s’appelait plus couramment le Marché commun, l’ancien président du Conseil, un des rares à avoir marqué et construit sous la Quatrième République, faisait remarquer que presque toujourss les positions de la Commission européenne coincidait avec celles de la France, avec nos intérêts les plus crûs. Il omettait de rappeler combien cette communion intellectuelle, avec d’évidents résultats économiques : le Marché commun agricole, politiques aussi l’expliciter devait beaucoup au ministre de l’absolue confiance du général de Gaulle pour les Affaires étrangères [13], et l’ensemble de notre tenue à Bruxelles. Le « compromis de Luxembourg » [14] instaurant pratiquement la règle d’unanimité pour tout sujet considéré comme tout vital par l’un des Etats-membres, concluait un débat de six mois qui avait fait mettre le général de Gaulle en ballottage lors du scrutin de sa rééelection, cette fois au suffrage universel direct. Il s’était agi du financement de la politique agricole commune, adoptée en principe depuis 1961, mais pas effective. Proprio motu, Maurice Couve de Murville faisait « la chaise vide » depuis Juin 1965. L’opinion générale chez nous voyait dans l’entreprise et les Communautés européennes, la panacée. Jean Lecanuet représentant la famille centriste et une bonne part du vote catholique, bien plus que la campagne pourtant excellente menée par François Mitterrand au nom de toute la gauche et de tous ses partis sans exception, avait d’une certaine manière fait chuter le Général et banalisé la suite de son règne. Le pouvoir, désormaus et dès de Gaulle, aurait pour fondement une majorité à un second tour d’élection, et non plus à une légitimité. La généralité des Français et l’ensemble des agriculteurs s’étaient persuadés de l’hostilité du Général  à l’Europe et à sa construction, et l’avaient donc désavoué : le score le plus faible depuis son « retour aux affaires » . C’était pourtant le contraire qui était vrai : plus encore que de l’agriculture, notre force alors principale, il s’agissait des prérogatives de la Commission et des votes désormais à majorité seulement qualifiée pour toutes décisions en Conseil de ministres. La France n’acceptait donc un transfert de souveraineté dans la vie institutionnelle de la Communauté européenne, et défendait un de nos intérêts nationaux : nous le réprouvâmes. Aujourd’hui, l’état de l’opinion est inverse, mais l’analyse est aussi mal fondée qu’il y a cinquante ans. Nous ne voudrions plus de l’Europe, et encore moins de toute supranationalité. La bataille sémantique n’a pas changé d’objet, elle fait toujours clivage dans l’ensemble de notre vie politique, mais les fins sont différentes : beaucoup plus d’Europe en 1965, et surtout très vite, beaucoup moins et même pas du tout en 2017.

Le débat et les options sont à reprendre en totalité. L’Europe, l’Union européenne, c’est nous. Nous, les Français, nous, chacun des peuples d’Europe. Sortir de notre ensemble, de notreb environnement historique, géographique, politique, économique, social, culturel, spirituel n’est pas à choisir parce qui en motive la pétition manque la cause de l’actuel désaveu populaire. L’entreprise est encore plus nécessaire, vitale qu’à son origine de l’immédiat après-guerre et du souvenir franco-allemand obsessif, mortifère, mais elle enlisée : les gouvernements lui ont accaparé l’âme, les institutions fonctionnent selon un esprit tout autre que le fondateur, le bien commun n’est plus assez présent ni aux dirigeants des Etats, ni dans les délibérations de la Commission, ni dans les opinions publiques nationales et il n’existe toujours pas d’opinion publique proprement européenne. Enlisée, l’entreprise n’est plus que mécanique et relais d’options et d’engagements dissolvant l’Union. Bien entendu, les problèmes nouveaux : le voisinage de la Russie tant que Wladimir Poutine y règne, les guerres du Proche-Orient et les migrations et terrorismes qu’elles exportent, la relation stratégique en économie, commerce et stratégie, ne peuvent être traités.


1° l’Europe et nous sommes un seul corps, une seule chair

Pétition qui a l’âge de notre actuelle et cinquième République : la représentation proportionnelle. Au premier renouvellement de l’Assemblée nationale, selon le mode de scrutin


2° l’échelle européenne s’impose en politique, en société, en économie et en stratégie
Ggg


3° la novation démocratique de l’Union européenne permet seule solidarité et croissance

Pétition qui a l’âge de notre act


4° la France a les clés de cette novation

Pétition qui a l’âge de notre act


5° pas une interrogation, en tout Etat-membres qui n’ait sa réponse européenne

Pétition qui a l’âge de notre act


6° la Communauté nouvelle généralisera les tentatives françaises

Pétition qui a l’âge de notre act




[1] - l’expression est d’Etienne Burin des Roziers
[2] - pour des raisons surtout psychologiques, mais aussi de moment dans chacun des deux pays à développer

[3] -
[4] -
[5] - image fréquemment constatée de notre pays, parmi nos partenaires : la « grande Nation » et son « arrogance »
[6] -
[7] -
[8] - paradoxes multiples de la nomination de Pierre Moscovici à la Commission européenne
[9] -
[10] - le discours prononcé, à l’Université de Zurich, le 19 Septembre 1946, par Sir Woxinston Churchill, alors dans l’opposition à Londres au gouvernement travailliste, n’est pas fondateur, au contraire de sa fréquente présentation : il propose une organisation régionale au sein des Nations Unies et que soutiendront les vainqueurs de la Seconde guerre mondiale : la Grande-Bretagne, son Commonwealth, les Etats-Unis et l’Union soviétique
Il faut que notre but permanent soit d'accroître et de renforcer la puissance de l'Organisation des nations unies. Il nous faut re-créer la famille européenne en la dotant d'une structure régionale placée sous cette organisation mondiale, et cette famille pourra alors s'appeler les États-Unis d'Europe. Le premier pas pratique dans cette voie prendra la forme d'un Conseil de l'Europe. Si, au début, tous les États européens ne veulent ou ne peuvent pas adhérer à l'Union européenne, nous devrons néanmoins réunir les pays qui le désirent et le peuvent. Le salut de l'homme quelconque de toute race et de tout pays, ainsi que sa préservation de la guerre ou de l'esclavage, ont besoin de fondements solides et de la volonté de tous les hommes et de toutes les femmes de mourir plutôt que de se soumettre à la tyrannie. En vue de cette tâche impérieuse, la France et l'Allemagne doivent se réconcilier ; la Grande-Bretagne, le Commonwealth des nations britanniques, la puissante Amérique, et, je l'espère, la Russie soviétique - car  tout serait alors résolu - doivent être les amis et les protecteurs de la nouvelle Europe et défendre son droit à la vie et à la prospérité.

[11] - la tentative de renversement d’Erdogan par quelques éléments de l’armée est «tombée à pic » pour une purge de toute l’intelligence turque moderne, héritière de Mustapha Kemal

[12] - il a fallu un moment d’obstruction wallkaonne pour qu’enfin – mais pas durablement – les négociations atlantiques soient avouées, et leur contenu évoqué

[13] -
[14] - texte et sa confirmation au sommet de D. en 1984

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