samedi 10 mai 2014

de puîné à aîné

Une expression de reconnaissance fraternelle
à un aîné de neuf


Entre ton portrait, si chaleureusement poétisé et chanté par tes petits-enfants, mon très cher Claude, et ce que l’un de tes plus anciens amis et camarades d’internat va fredonner pour le souvenir de tout,

permets à ton puîné de placer un témoignage, d’essayer de dire ce qui n’est pas louange mais l’essentiel. Notre reconnaissance, celle de tes frères et sœurs affectionnés.

Quatre points (cardinaux).

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Te voici depuis presque dix ans, l’enfant-roi, l’enfant-vedette d’une colonie française au Caire opulente et amicale, heureuse et harmonieuse, y compris pendant les premières années de guerre. Enfant unique de parents très jeunes (et beaux, les photos de famille et de ton enfance le montrent à notre émerveillement), ne manquant de rien, de fort tempérament (la fessée de légende sur les marches de l’église Saint-Sulpice à Paris quand tu exiges le bouquet des demoiselles d’honneur au mariage de Tante Marraine). Et voici le second enfant qui survient, désiré et attendu, certes, par nos parents, mais de toi ? Tout change, en même temps d’ailleurs que Le Caire a été quitté et que le déménagement d’Egypte, miraculeusement stocké sur le pont et non en cale d’un bateau coulé par les Alliés en Méditerranée, n’arrivera que boulevard de Beauséjour, au lieu de la rue Parmentier : tu n’as pas ta chambre, ni tes principaux jouets, ce devait être une petite sœur, prénommée d’avance Marie-Charlotte (quand celle-ci arrivera, elle aura failli être Marie-Laurence, souhait de Noune, notre grand-mère maternelle) et arrive Bertrand, d’une remarquable laideur selon la première lettre que notre grand-mère maternelle adresse à Tipère, interné à El Goléa pour faits de collaboration (les chemins de fer corses utiles aux Italiens) en compagnie de l’évêque d’Ajaccio…

Et inoubliablement, tu t’occupes de moi, intensément, ingénieusement… et ce qui commence alors, de la récitation vespérale du Petit Jésus, je vous donne mon cœur, faites que je sois bien sage, protégez tous ceux que j’aime, au-revoir Jésus (baiser doigts aux lèvres), à ton accueil dans ta chambre immense, les petits films animés sur papier huilés avec un projecteur de carton, aux étoiles dessinées au compas, puis à la musique classique qui ne t’empêche nullement de travailler (tes concours) mais me donne une culture de début et un goût sinon l’oreeille…, à l’apprentissage de la bicyclette (très laborieux pour moi qui ne suis pas du tout sportif). Ce sont nos correspondances d’une confiance totale à propos d’une vocation sacerdotale ou religeuse dont je t’entretiens tandis que tu accomplis ton service militaire à Gao puis à Tessalit (célèbres en ce moment), appel que tu as ressenti certainement, toi aussi, mon prédécesseur en tant de choses, d’émotions. Ce sont les conseils que tu me donnes lors de mes secondes fiançailles quand elle et moi nous n’y « arrivons » pas : nos dialogues à la Source au Quartier Latin et à la Rhumerie. Le col de l’uterus, les deux doigts… Bref, mon éducateur… quand je demande à Maman comment se font les enfants, je suis dirigé vers Papa, qui me récite le Je vous salue, Marie, premières phrases, les entrailles, et qui m’envoie à toi pour des adresses ! Nous imaginons la porte Maillot. Et tes fiançailles que je vis comme miennes, d’abord parce que la beauté, le charme, le regard si rêveur et si attentif à la fois de ta future femme – femme de force et de résolution que ses parents ne purent détourner de toi, censément pas assez fiable, c’est-à-dire pas assez fortuné de famille… sinon dangereux (notre cher Papa… n’en évoquons pas davantage, maintenant et ici) – m’ont séduit depuis les coincidences de départ ou retour au haut de notre boulevard, gare de la Muette, jouxtant le « petit train »… ses retours d Courchevel si bronzée, la galette Sainte-Marie, et le Ranelagh. Séduit au point que quand j’ouvre la porte à Florence venant se « présenter » à nos parents, je crois… qu’elle arrive pour moi ! Tu me délègues, car tu n’aimes guère danser ni sortir (le costume-concours, les souliers qui font mal) pour monter la garde pendant quelques soirées dansantes. Il y a des prétendants, des noms et prénoms me demeurent, et je donne souvent le coup de pied de l’âne. Désormais pendant deux décennies, je serai placé à côté de ta chère femme à nos repas de famille pour la distraire de ce qui pourrait l’ennuyer dans notre fratrie et chez notre si chère Maman. Et vous me ferez tous deux l’honneur et la confiance de venir passer des vacances familiales dans quelques-unes de mes affectations diplomatiques : Lisbonne avec votre route d’une traite, moyennant du sommeil dans les fossés ibériques qui ne bordent que de mauvaises chaussés, pas les autoroutes actuelles… Munich, tes aphtes, les chiots, le chargement et le déchargement de la voiture-break, à toi seul, dormant ensuite sur la pelouse plusieurs jours d’affilée tandis que t’escaladent lesdits chiots dont Paola, et surtout ton petit dernier et diable : Emmanuel, l’adorable…  Athènes et le Pillion pour Florence et vos enfants, tandis que ton fils aîné : Christian, toi et moi nous sommes avec les punaises du Mont Athos et aussi les saints moines de la Montagne Sainte… projet enfin que Florence vienne un mois ou deux au Brésil se reposer jusqu’à ce que tu la rejoignes… Juin 1989, une matinée ensemble, que j’ai écourtée pour passer à Lisieux alors qu’elle voulait me retenir. Evidente prière à laquelle je n’ai pas su céder. Nous nous entendions exceptionnellement, sans doute parce que nous savions nos si grandes différences. Et ton exigence-espérance de moi, ainsi cette biographie de Couve de Murville que tu attends depuis… quinze ans : ton jugement dont il me faut faire appel, « il avait tous les talents… ». Grand frère pour moi, passionnément et excellemment, avec depuis mes années de semi-exil à la suite de ma mission au Kazakhstan, tes séjours fréquents, si chaleureux, si détendus et détendants chez nous à Reniac, nos travaux-photos et mémoires de ces années-ci, ton accueil évidemment à Noirmoutier et à Bois-Guillaume, une intimité fraternelle qui ne s’est donc jamais démentie, qui n’a connu aucune éclipse depuis soixante-et-onze ans… que tu n’a plus été enfant unique. Des accompagnements indirects quand tu fais fonction d’assistant dans la troupe scoute de mon collège (Franklin) que dirige ton ami Henri Carlioz, parrain d’un de vos enfants… ce passionnant jeu-poursuite au printemps de 1956 précédant le camp d’Autriche (St-Ulrich am Pillersee, où tu feras office d’interprète), tu es l’inconnu que toute la troupe doit identifier dans les rochers de Fontainebleau dont tu es si familier. Des confidences bouleversantes de confiance et d’intimité, reçues seul à seul, depuis le début de ton veuvage, davantage hors de chez toi, qu’ici.

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Grand frère… car tu es « le troisième parent » pour chacun de nous, pour notre famille, notre fratrie nombreuses. Du dehors, quand tu as fondé en couple ta génération personnelle, certains ont voulu te faire abandonner ce rôle, craignant qu’il t’handicape à beaucoup d’égards pour tenir le nouveau. Tu as  su être le père et le mari, tout en restant le frère. A nos parents et pour eux, Maman et Papa ayant chacun un regard et une relation propres avec toi, tu as beaucoup importé. Fiers, chacun, de toi. Aurais-tu pu empêcher certaine catastrophe et faire prendre d’autres solutions ou palliatifs ? j’en décide d’autant moins que j’ai été pris, comme chacun de nos sœurs et frères dans des engrenages et des spontanéités qui n’étaient pas forcément les bonnes réponses à ce que nos parents, désormais séparés pour beaucoup, posèrent comme ils le pouvaient, c’est-à-dire en pauvreté, selon tous les sens de ce mot. Nous n’avons pas su les aider à temps pour éviter l’accident. Nous avons tous, et eux aussi, survécu, mais si différemment de ce que nous devions vivre. La fracture n’a finalement pas divisé la fratrie et les blessures étaient si différentes en chacun de nous, et en chacun de nos parents que la synthèse ou une médication globale en est impossible. L’examen ensemble, aussi. Une matrice si forte, produisant de telles ressemblances entre nous à longueur de vie comme en traits de caractère et en reçu d’éducation, a donc produit des réactions, des arrangements, des mutilations très disparates. Tant mieux, car une partie de nos histoires personnelles à chacun est ainsi peu communicable et encore davantage respectable entre nous. Les mêmes événements, nous ne les avons vus, compris, vécus ensemble mais pas du tout de la même manière et pour les mêmes conséquences intimes. Malheur ? bonheur ? désastre ? accoutumance… comment dire sinon que chacun a continué.

Ton rôle – décisif – a été de nous faire survivre familialement après ces ruptures, dont l’ultime a été la mort de notre si précieuse Maman. Grand frère, chef de famille, tu l’as été surtout après nous avoir quittés pour te marier et pour fonder ta propre famille. En cela, tu as été la prolongation du couple de nos parents et Florence l’a accepté vraiment, ce que son propre contexte familial et parental ne faisait pas augurer. Ta relation de fils unique, puis d’adolescent avec nos parents, je ne la sais pas. En parles-tu avec tes enfants ? tes petits-enfants ? Etait-elle modélisable ? je ne le sais pas. Les chutes de notre père, la rupture conjugale, en tout cas de toutes les apparences conjugales se sont traduites par des manques pour nos sœurs et frères, très profonds et dommageables pour certains d’entre eux. Je les ai vécues autrement, y gagnant une relation exceptionnelle de force et d’intimité, de confiance avec notre mère que, probablement, je n’aurais pas reçue si tout était resté continu et dans les normes familiales de nos habitudes sociales. J’y ai sans doute perdu une relation qui avait davantage qu’avec elle, commencé avec Papa. Pour toi, ce fut certainement un horrible effondrement de ce monument, de cette construction si belle, si enviée, tellement reconnue par ces amis d’Egypte qui ont fait la qualité, l’exceptionnalité de vie de vous trois au Caire, et qui plus tard nous ont secourus, parallèlement à cette adoption patrimoniale et financière de notre grand-père. Sans que nous nous le soyons répétés, ou que cela se soit affiché, nous devons attester que les solidarités d’amitié et de famille existent. Tu l’as mieux su que nous, tu en as également souffert. L’effondrement, la dépendance, l’endettement au moins de reconnaissance. Bonheur et réussite qui ont été durablement et légitimement les tiens, certes, mais souffrances que nous ne savons pas : soudainement puis de moment en moment, ce qu’il y eut à subir. Ce que tu as subi en solitaire, au moment-même où rentré d’Afrique, tu t’établissais affectivement et professionnellement.


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Grand frère car tu nous précèdes et tu es notre modèle. D’abord la réussite aux concours médicaux les plus difficiles. Ton succès à l’internat après tu nous aies expliqué les mécanismes en coulisse des jurys, des pelotages et des échanges… PVR, est familial. Je me souviens avoir fabriqué des confettis : Claude reçu à l’internat, pour t’accueillir dans le long couloir obscur du boulevard de Beauséjour, où tu me guettais tandis que je tâtonnais et dans le suspense de ton irruption probable, je défaillais de peur… Ta vie de jeune homme, scoutisme, grandes amitiés plus de préparations aux concours médicaux et hospitaliers que d’adolescence semble-t-il, quoiqu’il y ait eu Sainte-Croix de Neuilly, et quelques noms mais pas de visages, la cour intérieure du boulevard de Beauséjour vers les autres escaliers, Bernard R. et Benoît L., certainement de la rigueur et de l’étude. Ton échec à un bac. que tu apprends en Juillet avec possibilité de repasser en Septembre, et aussitôt, devant Papa, tu reprends ta grammaire grecque, les leçons de mathématiques, puis plus tard d’écriture (le graphisme, la lisibilité). Ton service militaire de légende, tes envois de fruits, tes lettres. Ton mariage également de légende, autant parce qu’il est d’amour, de consentement, que par la beauté et la douceur apparente de Florence – je dis : apparente, parce que sa vérité était la force n’excluant pas les larmes de la vulnérabilité et des attentes précises –, que par les difficultés qui hérissent tes/vos fiançailles et que vous vaincrez, en grande partie par vos sentiments partagés mais aussi par l’invention méritoire et marquante de vos relations à chacun avec vos parents respectifs. Un ensemble, comme presque tout dans ta vie, empreint de volonté, d’effort et aussi de pudeur, car tu ne t’es jamais « étalé » sur ces difficultés, ces traverses qui vous ont été infligées, ces déceptions. Votre couple, votre fondation auraient pu en rester déséquilibrés pour toujours. Ce ne fut pas. Sans doute, mais sont-ce ces circonstances ? ou est-ce ton caractère ? en cela assez proche de celui de Tipère, notre grand-père paternel, cette discrétion sur ce que tu penses et vis au fond de toi-même, cette perception des règles sociales et de la morale, ce faisceau de convenances auxquelles tu t’es plutôt plié ne t’ont jamais amputé ou mûtilé. Tu es demeuré fier et assuré intimement, mais sans en faire une apparence ou une revendication. Encore moins un droit. Tu rayonnes plus que tu ne te places. Ton couple a rayonné et ce que nous vivons de toi reste de couple, de fondation, d’exemple.

Notre admiration à tous pour des éléments voyants et précis de réussite, pas par chance, mais par opiniâtreté, du travail, de l’assiduité. Ton mariage, vos nombreux enfants, ta carrière médicale et universitaire – le hasard a fait que Marie-Dominique, notre sœur, t’a vu-entendu lors d’un colloque, tu conférençais (sans doute à Robert-Debré) avec une autorité telle qu’elle en est restée médusée. Tu étais autre. Ta chère femme, selon les témoignages dits, si émouvants, pendant la messe de ses obsèques, avait aussi ces vies différentes de celle que nous lui voyions. Et en cela, le cher Emmanuel tenait de vous avec sa « dame ». En fait, une grande indépendance malgré des apparences de prudence sinon de conformisme en société. Admiration, compassion, partage quand tu as tant subi, souffert, perdu : Florence, Emmanuel. Admiration, action de grâces pour tes nombreux petits-enfants, chacune, chacun si attachant.

Il y avait aussi les traits de cette réussite de vie, qui a toujours été une sorte de prolongation, de manifestation pratiques de ce que tu es. Tu n’es pas un ambitieux, tu es un existant et les apparences, les tiennes, sont conformes à la réalité de ce que tu es. Tu fais plus qu’assumer, tu es unifié et unifiant, même si je le sais il y a des tentations et des souffrances qui auraient pu provoquer de véritables sécessions dans ta personnalité. Tu ne l’as pas voulu, tu en as été protégé. Tu es toujours resté un homme d’équilibre, de sobriété. C’est cela réussir sa vie que de faire servir à soi, aux autres un tempérament personnel. Les éléments du bonheur malgré les chagrins, tu as su les conserver et faire de la raison une sorte d’originalité. Le mobilier de ta chambre, le choix de tes livres, puis plus tard le calme de vos aménagements et de vos ameublements ici et à Noirmoutier. Le don du pratique qui n’est pas laid. Tes arrivées dans les locations familiales avec vérification et collecte minutieuses de ce qui coupe ou pointe, ces morceaux de verre qui pourraient accidenter vos enfants. Tes collections-mêmes : les fossiles, les cailloux, les photographies en famille. Tu sais pour les amis, les enfants, les objets avoir toujours le même esprit de classement qui ne limite jamais mais donne à chacun sa vraie place. Tu as d’ailleurs su le transmettre, en manière d’être et d’accueillir à la plupart de tes enfants, et il se trouve que les « valeurs ajoutées » (expression que tu préfères à celles de « pièces rapportées ») et donc tes petites-filles surtout pratiquent le même accueil, la même écoute que toi, que Florence. J’y ai toujours été sensible et je le retrouve avec bonheur à la nouvelle génération : être accueilli.

Et il y a cet hommage qu’il est rare de pouvoir se rendre à soi-même, celui de la fidélité ? Tu n’as pas changé, je peux en témoigner depuis ton enfance. Fidélité aux tiens en fratrie, fidélité en amitié – c’est manifeste en ce jour et c’est certainement un de tes dons majeurs que de vivre avec des amitiés, des cercles et foyers d’amitié, sans que cela t’enferme, donne lieu à des exclusives, avec pour nous tes sœurs et frères, un partage de ces amitiés puisque nous nous sentons si à l’aise avec tous ceux que tu aimes, familiers ou plus rares pour notre connaissance – et fidélité aussi à nos parents comme à ceux de ta chère femme. Ta présence ne pèse jamais, elle est entourante, elle est respectueuse. Elle libère et elle appelle au mieux de chacun. Nous n’y parvenons pas tous. En tout cas moi. Tu es ainsi un homme de vocation. Sans doute, as-tu incliné ou dissuadé certains de tes enfants pour leur orientation professionnelle. Sans doute, aurais-je été différent de toi dans l’accompagnement des amours et attachements de tes enfants. Tu sais dire tes observations et tes évaluations, mais tu ne les imposes jamais. Je l’ai vécu avec toi puisque tu as connu la plupart de celles qui ont habité ou partagé ma vie, m’ont réjoui ou blessé, ou avec lesquelles je me suis mal ou imprudemment connu. Tu es tutélaire et l’on peut, nous pouvons nous ouvrir à toi et avec toi considérer les choix, les continuités. Fidélité enfin à ce que nous avons, en famille, en fratrie, reçu en termes de foi, d’expérience spirituelle. Sans doute, es-tu plus docile à des ambiances et à des structures existantes que je ne le suis et nous n’avons pas tous, en fratrie, ni la même pratique ni la même fidélité chrétiennes. L’abbé Llewelynn qui t’a accompagné est devenu nôtre. Moins directement, le père Laplace. Points et lieux communs, permettant autant que la mémoire familiale, des souvenirs ensemble, une sorte de prière des affections et des âmes. Probablement un ciment pour nous tous, entre nous. Et il semble bien qu’à la génération suivante, du moins pour tes petits-enfants sinon pour l’ensemble de nos nièces et neveux, cette culture commune, le même esprit en partage nous donnent un langage ensemble. Sans doute, l’authenticité de ton couple y a été pour beaucoup, mais aussi votre accueil à tous deux, votre ouverture à nos venues, à chacun de tes sœurs et frères. Tu étais le grand frère, tu es devenu le repère et la continuité. Y compris en tes lieux, cette maison – et aussi Fleur de Roc à Noirmoutier – où nous t’avons connu, te connaissons à tous les âges de ta vie d’homme, de mari, de père et grand-père, car de tes deux chambres successives boulevard de Beauséjour, ou de celle de la rue Parmentier, puis ton studio boulevard Exelmans, l’avenue Percier chez l’emblématique grand-mère de Florence, Ville d’Avray, ses étages, les lits superposés, Pierre-Henri Simon subjugué dans les escaliers par ta femme, enfin la rue Verte, avant ici… ne peuvent être dans toutes les mémoires. Privilège que je tiens de l’âge… Les lieux, avec toi, sont structurants, sécurisants et apaisants. N’en change pas et organise les successions. Nos ambiances ne sont pas une pierre tombale à l’extérieur de laquelle on se trouve toujours en visite brève, mais une maison, la maison, la vôtre, la tienne : Bois-Guillaume donc. Là aussi ta réussite a été exemplaire. Tu nous montres quelque chose qui est la possibilité d’une vie vivable.

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Et voici le présent, nous tous ici, et les manquants mais aucun parmi les vivants, du moins pour notre fratrie et ta descendance. Tu continues, nous avons tous envie de te voir, de te recevoir, de te visiter plus que nous ne le faisons ou l’avons fait ces derniers vingt-cinq ans.

Grand frère, troisième parent, exemplaire en amitié, en profession, en foi et en morale, tu es donc le lien entre nous tous, un centre certain. Demeure-le. Nous en avons besoin. Référence qui nous importe et que nous recevons chacun, selon nous et nos parcours. Cœur exigeant, lucide mais respectueux qui nous accueille et nous invite au meilleur de nous-mêmes – fratrie, enfants, petits-enfants, et probablement mais avec tact, amis de longue date.

Ce n’est pas un éloge ou quelque dithyrambe (Larousse : éloge enthousiaste et souvent exagéré) mais une manière de revivre avec toi, sinon tes quatre-vingt ans, je ne sais pas tout, nous ne savons pas tout. Tu as su nous accompagner et tu sais nous voir, nous regarder. Nous essayons d’en faire autant, en tout cas de te faire du bien. Tu n’es pas encore « l’ancêtre », tu n’es pas vieux, tu es intangible. Tu nous donnes beaucoup de ta mémoire et de ta personnalité, mais – pourtant – tu gardes ta part de mystère, tu restes indépendant, et en cela, aussi, tu donnes le bon exemple, celui de ne peser sur personne, et au contraire, si souvent, d’entrainer. L’aîné de tes fils, organisateur d’aujourd’hui, en a pris de la graine. Ad multos annos : AMA

Vœu…que ce que nous vivons ici et ces heures-ci autour de toi, puisse se renouveler, mais en élargissant, sinon jusqu’à la place publique, du moins à l’ensemble de la descendance de nos chers parents… quatre-vingt-seize participants potentiels, si je compte bien. Le manque à gagner serait trop grand si nous ne parvenons pas à « monter » de ces cousinades que d’autres fratries savent réunir. Gagner quoi ? lier toutes les lignes directes et leurs « valeurs » ajoutées. La tienne restant majoritaire transmettra l’esprit de ce qui nous unit ici. D’avance, nous ne savions pas ce que nous allions recevoir, autour de toi, les uns des autres. Maintenant, nous en brûlons. Que circulent cette flamme, notre mémoire à chacun, et l’envie commune de nous accompagner mutuellement. Que Marguerite, la dernière née des petits-enfants de Maman et de Papa, seule ici en ligne directe autre que la tienne, ne soit pas, la prochaine fois, l’exception./.


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