Une expression de reconnaissance fraternelle
à un aîné de neuf
Entre ton portrait, si chaleureusement
poétisé et chanté par tes petits-enfants, mon très cher Claude, et ce que l’un
de tes plus anciens amis et camarades d’internat va fredonner pour le souvenir
de tout,
permets à ton puîné de placer un
témoignage, d’essayer de dire ce qui n’est pas louange mais l’essentiel. Notre
reconnaissance, celle de tes frères et sœurs affectionnés.
Quatre points (cardinaux).
oOOOo
Te voici depuis presque dix ans,
l’enfant-roi, l’enfant-vedette d’une colonie française au Caire opulente et
amicale, heureuse et harmonieuse, y compris pendant les premières années de
guerre. Enfant unique de parents très
jeunes (et beaux, les photos de famille et de ton enfance le montrent à
notre émerveillement), ne manquant de rien, de fort tempérament (la fessée de
légende sur les marches de l’église Saint-Sulpice à Paris quand tu exiges le
bouquet des demoiselles d’honneur au mariage de Tante Marraine). Et voici le
second enfant qui survient, désiré et attendu, certes, par nos parents, mais de
toi ? Tout change, en même temps d’ailleurs que Le Caire a été quitté et
que le déménagement d’Egypte, miraculeusement stocké sur le pont et non en cale
d’un bateau coulé par les Alliés en Méditerranée, n’arrivera que boulevard de
Beauséjour, au lieu de la
rue Parmentier : tu n’as pas ta chambre, ni tes
principaux jouets, ce devait être une petite sœur, prénommée d’avance
Marie-Charlotte (quand celle-ci arrivera, elle aura failli être Marie-Laurence,
souhait de Noune, notre grand-mère maternelle) et arrive Bertrand, d’une
remarquable laideur selon la première lettre que notre grand-mère maternelle adresse
à Tipère, interné à El Goléa pour faits de collaboration (les chemins de fer
corses utiles aux Italiens) en compagnie de l’évêque d’Ajaccio…
Et inoubliablement, tu t’occupes de moi,
intensément, ingénieusement… et ce qui commence alors, de la récitation
vespérale du Petit Jésus, je vous donne
mon cœur, faites que je sois bien sage, protégez tous ceux que j’aime,
au-revoir Jésus (baiser doigts aux lèvres), à ton accueil dans ta chambre
immense, les petits films animés sur papier huilés avec un projecteur de
carton, aux étoiles dessinées au compas, puis à la musique classique qui ne
t’empêche nullement de travailler (tes concours) mais me donne une culture de
début et un goût sinon l’oreeille…, à l’apprentissage de la bicyclette (très
laborieux pour moi qui ne suis pas du tout sportif). Ce sont nos
correspondances d’une confiance totale à propos d’une vocation sacerdotale ou
religeuse dont je t’entretiens tandis que tu accomplis ton service militaire à
Gao puis à Tessalit (célèbres en ce moment), appel que tu as ressenti certainement,
toi aussi, mon prédécesseur en tant de choses, d’émotions. Ce sont les conseils
que tu me donnes lors de mes secondes fiançailles quand elle et moi nous n’y
« arrivons » pas : nos dialogues à la Source au Quartier Latin
et à la Rhumerie. Le
col de l’uterus, les deux doigts… Bref, mon éducateur… quand je demande à Maman
comment se font les enfants, je suis dirigé vers Papa, qui me récite le Je vous salue, Marie, premières phrases,
les entrailles, et qui m’envoie à toi pour des adresses ! Nous imaginons la porte Maillot. Et
tes fiançailles que je vis comme miennes, d’abord parce que la beauté, le
charme, le regard si rêveur et si attentif à la fois de ta future femme – femme
de force et de résolution que ses parents ne purent détourner de toi, censément
pas assez fiable, c’est-à-dire pas assez fortuné de famille… sinon dangereux
(notre cher Papa… n’en évoquons pas davantage, maintenant et ici) – m’ont
séduit depuis les coincidences de départ ou retour au haut de notre boulevard,
gare de la Muette, jouxtant le « petit train »… ses retours d
Courchevel si bronzée, la galette Sainte-Marie, et le Ranelagh. Séduit au
point que quand j’ouvre la porte à Florence venant se « présenter » à
nos parents, je crois… qu’elle arrive pour moi ! Tu me délègues, car tu
n’aimes guère danser ni sortir (le costume-concours, les souliers qui font mal)
pour monter la garde pendant quelques soirées dansantes. Il y a des prétendants,
des noms et prénoms me demeurent, et je donne souvent le coup de pied de l’âne.
Désormais pendant deux décennies, je serai placé à côté de ta chère femme à nos
repas de famille pour la distraire de ce qui pourrait l’ennuyer dans notre
fratrie et chez notre si chère Maman. Et vous me ferez tous deux l’honneur et
la confiance de venir passer des vacances familiales dans quelques-unes de mes
affectations diplomatiques : Lisbonne avec votre route d’une traite,
moyennant du sommeil dans les fossés ibériques qui ne bordent que de mauvaises
chaussés, pas les autoroutes actuelles… Munich, tes aphtes, les chiots, le
chargement et le déchargement de la voiture-break, à toi seul, dormant ensuite
sur la pelouse plusieurs jours d’affilée tandis que t’escaladent lesdits chiots
dont Paola, et surtout ton petit dernier et diable : Emmanuel,
l’adorable… Athènes et le Pillion pour
Florence et vos enfants, tandis que ton fils aîné : Christian, toi et moi
nous sommes avec les punaises du Mont Athos et aussi les saints moines de la Montagne Sainte…
projet enfin que Florence vienne un mois ou deux au Brésil se reposer jusqu’à
ce que tu la rejoignes… Juin 1989, une matinée ensemble, que j’ai écourtée pour
passer à Lisieux alors qu’elle voulait me retenir. Evidente prière à laquelle
je n’ai pas su céder. Nous nous entendions exceptionnellement, sans doute parce
que nous savions nos si grandes différences. Et ton exigence-espérance de moi,
ainsi cette biographie de Couve de Murville que tu attends depuis… quinze
ans : ton jugement dont il me faut faire appel, « il avait tous les
talents… ». Grand frère pour moi, passionnément et excellemment, avec
depuis mes années de semi-exil à la suite de ma mission au Kazakhstan, tes
séjours fréquents, si chaleureux, si détendus et détendants chez nous à Reniac,
nos travaux-photos et mémoires de ces années-ci, ton accueil évidemment à
Noirmoutier et à Bois-Guillaume, une intimité fraternelle qui ne s’est donc
jamais démentie, qui n’a connu aucune éclipse depuis soixante-et-onze ans… que
tu n’a plus été enfant unique. Des accompagnements indirects quand tu fais
fonction d’assistant dans la troupe scoute de mon collège (Franklin) que dirige
ton ami Henri Carlioz, parrain d’un de vos enfants… ce passionnant
jeu-poursuite au printemps de 1956 précédant le camp d’Autriche (St-Ulrich am
Pillersee, où tu feras office d’interprète), tu es l’inconnu que toute la
troupe doit identifier dans les rochers de Fontainebleau dont tu es si familier.
Des confidences bouleversantes de confiance et d’intimité, reçues seul à seul,
depuis le début de ton veuvage, davantage hors de chez toi, qu’ici.
oOOOo
Grand frère… car tu es « le troisième parent » pour chacun
de nous, pour notre famille, notre fratrie nombreuses. Du dehors, quand tu as
fondé en couple ta génération personnelle, certains ont voulu te faire
abandonner ce rôle, craignant qu’il t’handicape à beaucoup d’égards pour tenir
le nouveau. Tu as su être le père et le
mari, tout en restant le frère. A nos parents et pour eux, Maman et Papa ayant
chacun un regard et une relation propres avec toi, tu as beaucoup importé. Fiers,
chacun, de toi. Aurais-tu pu empêcher certaine catastrophe et faire prendre
d’autres solutions ou palliatifs ? j’en décide d’autant moins que j’ai été
pris, comme chacun de nos sœurs et frères dans des engrenages et des
spontanéités qui n’étaient pas forcément les bonnes réponses à ce que nos
parents, désormais séparés pour beaucoup, posèrent comme ils le pouvaient,
c’est-à-dire en pauvreté, selon tous les sens de ce mot. Nous n’avons pas su
les aider à temps pour éviter l’accident. Nous avons tous, et eux aussi,
survécu, mais si différemment de ce que nous devions vivre. La fracture n’a
finalement pas divisé la fratrie et les blessures étaient si différentes en
chacun de nous, et en chacun de nos parents que la synthèse ou une médication
globale en est impossible. L’examen ensemble, aussi. Une matrice si forte,
produisant de telles ressemblances entre nous à longueur de vie comme en traits
de caractère et en reçu d’éducation, a donc produit des réactions, des
arrangements, des mutilations très disparates. Tant mieux, car une partie de
nos histoires personnelles à chacun est ainsi peu communicable et encore davantage
respectable entre nous. Les mêmes événements, nous ne les avons vus, compris,
vécus ensemble mais pas du tout de la même manière et pour les mêmes
conséquences intimes. Malheur ? bonheur ? désastre ?
accoutumance… comment dire sinon que chacun a continué.
Ton rôle – décisif – a été de nous faire
survivre familialement après ces ruptures, dont l’ultime a été la mort de notre
si précieuse Maman. Grand frère, chef de famille, tu l’as été surtout après
nous avoir quittés pour te marier et pour fonder ta propre famille. En cela, tu
as été la prolongation du couple de nos parents et Florence l’a accepté
vraiment, ce que son propre contexte familial et parental ne faisait pas
augurer. Ta relation de fils unique, puis d’adolescent avec nos parents, je ne
la sais pas. En parles-tu avec tes enfants ? tes petits-enfants ?
Etait-elle modélisable ? je ne le sais pas. Les chutes de notre père, la
rupture conjugale, en tout cas de toutes les apparences conjugales se sont
traduites par des manques pour nos sœurs et frères, très profonds et
dommageables pour certains d’entre eux. Je les ai vécues autrement, y
gagnant une relation exceptionnelle de force et d’intimité, de confiance avec
notre mère que, probablement, je n’aurais pas reçue si tout était resté continu
et dans les normes familiales de nos habitudes sociales. J’y ai sans doute
perdu une relation qui avait davantage qu’avec elle, commencé avec Papa. Pour
toi, ce fut certainement un horrible effondrement de ce monument, de cette
construction si belle, si enviée, tellement reconnue par ces amis d’Egypte qui
ont fait la qualité, l’exceptionnalité de vie de vous trois au Caire, et qui
plus tard nous ont secourus, parallèlement à cette adoption patrimoniale et
financière de notre grand-père. Sans que nous nous le soyons répétés, ou que
cela se soit affiché, nous devons attester que les solidarités d’amitié et de
famille existent. Tu l’as mieux su que nous, tu en as également souffert.
L’effondrement, la dépendance, l’endettement au moins de reconnaissance.
Bonheur et réussite qui ont été durablement et légitimement les tiens, certes,
mais souffrances que nous ne savons pas : soudainement puis de moment en
moment, ce qu’il y eut à subir. Ce que tu as subi en solitaire, au moment-même
où rentré d’Afrique, tu t’établissais affectivement et professionnellement.
oOOOo
Grand frère car tu nous précèdes et tu es notre modèle. D’abord la réussite aux
concours médicaux les plus difficiles. Ton succès à l’internat après tu nous
aies expliqué les mécanismes en coulisse des jurys, des pelotages et des
échanges… PVR, est familial. Je me souviens avoir fabriqué des confettis :
Claude reçu à l’internat, pour
t’accueillir dans le long couloir obscur du boulevard de Beauséjour, où tu me
guettais tandis que je tâtonnais et dans le suspense de ton irruption probable,
je défaillais de peur… Ta vie de jeune homme, scoutisme, grandes amitiés plus
de préparations aux concours médicaux et hospitaliers que d’adolescence
semble-t-il, quoiqu’il y ait eu Sainte-Croix de Neuilly, et quelques noms mais
pas de visages, la cour intérieure du boulevard de Beauséjour vers les autres
escaliers, Bernard R. et Benoît L., certainement de la rigueur et de l’étude.
Ton échec à un bac. que tu apprends en Juillet avec possibilité de repasser en
Septembre, et aussitôt, devant Papa, tu reprends ta grammaire grecque, les
leçons de mathématiques, puis plus tard d’écriture (le graphisme, la
lisibilité). Ton service militaire de légende, tes envois de fruits, tes
lettres. Ton mariage également de légende, autant parce qu’il est d’amour, de
consentement, que par la beauté et la douceur apparente de Florence – je
dis : apparente, parce que sa vérité était la force n’excluant pas les
larmes de la vulnérabilité et des attentes précises –, que par les difficultés
qui hérissent tes/vos fiançailles et que vous vaincrez, en grande partie par
vos sentiments partagés mais aussi par l’invention méritoire et marquante de
vos relations à chacun avec vos parents respectifs. Un ensemble, comme presque
tout dans ta vie, empreint de volonté, d’effort et aussi de pudeur, car tu ne
t’es jamais « étalé » sur ces difficultés, ces traverses qui vous ont
été infligées, ces déceptions. Votre couple, votre fondation auraient pu en
rester déséquilibrés pour toujours. Ce ne fut pas. Sans doute, mais sont-ce ces
circonstances ? ou est-ce ton caractère ? en cela assez proche de
celui de Tipère, notre grand-père paternel, cette discrétion sur ce que tu
penses et vis au fond de toi-même, cette perception des règles sociales et de
la morale, ce faisceau de convenances auxquelles tu t’es plutôt plié ne t’ont
jamais amputé ou mûtilé. Tu es demeuré fier et assuré intimement, mais sans en
faire une apparence ou une revendication. Encore moins un droit. Tu rayonnes
plus que tu ne te places. Ton couple a rayonné et ce que nous vivons de toi
reste de couple, de fondation, d’exemple.
Notre admiration à tous pour des éléments
voyants et précis de réussite, pas par chance, mais par opiniâtreté, du
travail, de l’assiduité. Ton mariage, vos nombreux enfants, ta carrière
médicale et universitaire – le hasard a fait que Marie-Dominique, notre sœur,
t’a vu-entendu lors d’un colloque, tu conférençais (sans doute à Robert-Debré)
avec une autorité telle qu’elle en est restée médusée. Tu étais autre. Ta chère
femme, selon les témoignages dits, si émouvants, pendant la messe de ses
obsèques, avait aussi ces vies différentes de celle que nous lui voyions. Et en
cela, le cher Emmanuel tenait de vous avec sa « dame ». En fait, une
grande indépendance malgré des apparences de prudence sinon de conformisme en
société. Admiration, compassion, partage quand tu as tant subi, souffert,
perdu : Florence, Emmanuel. Admiration, action de grâces pour tes nombreux
petits-enfants, chacune, chacun si attachant.
Il y avait aussi les traits de cette
réussite de vie, qui a toujours été une sorte de prolongation, de manifestation
pratiques de ce que tu es. Tu n’es pas un ambitieux, tu es un existant et les
apparences, les tiennes, sont conformes à la réalité de ce que tu es. Tu fais
plus qu’assumer, tu es unifié et unifiant, même si je le sais il y a des
tentations et des souffrances qui auraient pu provoquer de véritables
sécessions dans ta personnalité. Tu ne l’as pas voulu, tu en as été protégé. Tu
es toujours resté un homme d’équilibre, de sobriété. C’est cela réussir sa vie
que de faire servir à soi, aux autres un tempérament personnel. Les éléments du
bonheur malgré les chagrins, tu as su les conserver et faire de la raison une
sorte d’originalité. Le mobilier de ta chambre, le choix de tes livres, puis
plus tard le calme de vos aménagements et de vos ameublements ici et à
Noirmoutier. Le don du pratique qui n’est pas laid. Tes arrivées dans les
locations familiales avec vérification et collecte minutieuses de ce qui coupe
ou pointe, ces morceaux de verre qui pourraient accidenter vos enfants. Tes
collections-mêmes : les fossiles, les cailloux, les photographies en
famille. Tu sais pour les amis, les enfants, les objets avoir toujours le même
esprit de classement qui ne limite jamais mais donne à chacun sa vraie place.
Tu as d’ailleurs su le transmettre, en manière d’être et d’accueillir à la
plupart de tes enfants, et il se trouve que les « valeurs ajoutées »
(expression que tu préfères à celles de « pièces rapportées ») et donc
tes petites-filles surtout pratiquent le même accueil, la même écoute que toi,
que Florence. J’y ai toujours été sensible et je le retrouve avec bonheur à la
nouvelle génération : être accueilli.
Et il y a cet hommage qu’il est rare de
pouvoir se rendre à soi-même, celui de la fidélité ? Tu n’as pas changé,
je peux en témoigner depuis ton enfance. Fidélité aux tiens en fratrie,
fidélité en amitié – c’est manifeste en ce jour et c’est certainement un de tes
dons majeurs que de vivre avec des amitiés, des cercles et foyers d’amitié,
sans que cela t’enferme, donne lieu à des exclusives, avec pour nous tes sœurs
et frères, un partage de ces amitiés puisque nous nous sentons si à l’aise avec
tous ceux que tu aimes, familiers ou plus rares pour notre connaissance – et
fidélité aussi à nos parents comme à ceux de ta chère femme. Ta présence ne
pèse jamais, elle est entourante, elle est respectueuse. Elle libère et elle
appelle au mieux de chacun. Nous n’y parvenons pas tous. En tout cas moi. Tu es
ainsi un homme de vocation. Sans doute, as-tu incliné ou dissuadé certains de
tes enfants pour leur orientation professionnelle. Sans doute, aurais-je été
différent de toi dans l’accompagnement des amours et attachements de tes
enfants. Tu sais dire tes observations et tes évaluations, mais tu ne les
imposes jamais. Je l’ai vécu avec toi puisque tu as connu la plupart de celles
qui ont habité ou partagé ma vie, m’ont réjoui ou blessé, ou avec lesquelles je
me suis mal ou imprudemment connu. Tu es tutélaire et l’on peut, nous pouvons
nous ouvrir à toi et avec toi considérer les choix, les continuités. Fidélité
enfin à ce que nous avons, en famille, en fratrie, reçu en termes de foi,
d’expérience spirituelle. Sans doute, es-tu plus docile à des ambiances et à
des structures existantes que je ne le suis et nous n’avons pas tous, en
fratrie, ni la même pratique ni la même fidélité chrétiennes. L’abbé Llewelynn
qui t’a accompagné est devenu nôtre. Moins directement, le père Laplace. Points
et lieux communs, permettant autant que la mémoire familiale, des souvenirs
ensemble, une sorte de prière des affections et des âmes. Probablement un
ciment pour nous tous, entre nous. Et il semble bien qu’à la génération
suivante, du moins pour tes petits-enfants sinon pour l’ensemble de nos nièces
et neveux, cette culture commune, le même esprit en partage nous donnent un
langage ensemble. Sans doute, l’authenticité de ton couple y a été pour
beaucoup, mais aussi votre accueil à tous deux, votre ouverture à nos venues, à
chacun de tes sœurs et frères. Tu étais le grand frère, tu es devenu le repère
et la continuité. Y
compris en tes lieux, cette maison – et aussi Fleur de Roc à Noirmoutier – où
nous t’avons connu, te connaissons à tous les âges de ta vie d’homme, de mari,
de père et grand-père, car de tes deux chambres successives boulevard de
Beauséjour, ou de celle de la
rue Parmentier, puis ton studio boulevard Exelmans, l’avenue
Percier chez l’emblématique grand-mère de Florence, Ville d’Avray, ses étages,
les lits superposés, Pierre-Henri Simon subjugué dans les escaliers par ta
femme, enfin la rue Verte,
avant ici… ne peuvent être dans toutes les mémoires. Privilège que je tiens de
l’âge… Les lieux, avec toi, sont structurants, sécurisants et apaisants. N’en
change pas et organise les successions. Nos ambiances ne sont pas une pierre
tombale à l’extérieur de laquelle on se trouve toujours en visite brève, mais
une maison, la maison, la vôtre, la tienne : Bois-Guillaume donc. Là aussi
ta réussite a été exemplaire. Tu nous montres quelque chose qui est la possibilité
d’une vie vivable.
oOOOo
Et voici le présent, nous tous ici, et les manquants mais aucun parmi les
vivants, du moins pour notre fratrie et ta descendance. Tu continues, nous
avons tous envie de te voir, de te recevoir, de te visiter plus que nous ne le
faisons ou l’avons fait ces derniers vingt-cinq ans.
Grand frère, troisième parent, exemplaire
en amitié, en profession, en foi et en morale, tu es donc le lien entre nous
tous, un centre certain. Demeure-le. Nous en avons besoin. Référence qui nous
importe et que nous recevons chacun, selon nous et nos parcours. Cœur exigeant,
lucide mais respectueux qui nous accueille et nous invite au meilleur de
nous-mêmes – fratrie, enfants, petits-enfants, et probablement mais avec tact,
amis de longue date.
Ce n’est pas un éloge ou quelque dithyrambe
(Larousse :
éloge enthousiaste et souvent exagéré) mais une manière de revivre avec toi, sinon tes quatre-vingt ans,
je ne sais pas tout, nous ne savons pas tout. Tu as su nous accompagner et tu
sais nous voir, nous regarder. Nous essayons d’en faire autant, en tout cas de
te faire du bien. Tu n’es pas encore « l’ancêtre », tu n’es pas
vieux, tu es intangible. Tu nous donnes beaucoup de ta mémoire et de ta
personnalité, mais – pourtant – tu gardes ta part de mystère, tu restes
indépendant, et en cela, aussi, tu donnes le bon exemple, celui de ne peser sur
personne, et au contraire, si souvent, d’entrainer. L’aîné de tes fils,
organisateur d’aujourd’hui, en a pris de la graine. Ad multos
annos : AMA
Vœu…que ce que nous vivons ici et ces
heures-ci autour de toi, puisse se renouveler, mais en élargissant, sinon
jusqu’à la place publique, du moins à l’ensemble de la descendance de nos chers
parents… quatre-vingt-seize participants potentiels, si je compte bien. Le manque
à gagner serait trop grand si nous ne parvenons pas à « monter » de
ces cousinades que d’autres fratries savent réunir. Gagner quoi ? lier
toutes les lignes directes et leurs « valeurs » ajoutées. La tienne
restant majoritaire transmettra l’esprit de ce qui nous unit ici. D’avance,
nous ne savions pas ce que nous allions recevoir, autour de toi, les uns des
autres. Maintenant, nous en brûlons. Que circulent cette flamme, notre mémoire
à chacun, et l’envie commune de nous accompagner mutuellement. Que Marguerite,
la dernière née des petits-enfants de Maman et de Papa, seule ici en ligne
directe autre que la tienne, ne soit pas, la prochaine fois, l’exception./.
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