jeudi 5 juin 2014

compilation - l'âme du sexe (1)


















            L' A M E    D U    S E X E







                        Récits & Essais


















                               I




                             DE EO



























                  Ecrire sur le sexe n'est pas plus écrire sexuellement ou sensuellement qu'écrire sur d'autres sujets. Mais on peut écrire dans deux ambiances et donc selon deux dialectiques et inspirations différentes. Ecrire pour se faire plaisir et en fait espérer faire partager ce plaisir. Images et respiration ne dépendent pas vraiment de nous ; nous en sommes les instruments, engagés dans cette course, vivant cette évocation par une sorte d'abandon qui a fait le début de ce moment d'écriture, qui est - en l'espèce - plus encore de vie que d'écriture. Ou alors écrire la réflexion, la philosophie, l'expérience que nous donne - cardinalement - le sexe ; que celui-ci nous manque, nous ait comblé, que nous attendions le retour d'une personne aimée, désirée, que nous imaginions ou nous souvenions, nous cherchons à élucider la base de cette relation particulière et son essence ; manifestement, nous réfléchissons et écrivons alors sur les deux infinis, le plus intime et le plus cosmique, et nous vivons que c'est, en termes d'existence humaine, le seul moment ou le seul lieu de totale unité. Unité personnelle, mais tout autant - et ainsi apparaît la condition de cette unité - unité avec l'autre, dans l'autre, grâce à l'autre, et par cette unité-là, l'union au cosmos qui est conscience d'être le cosmos.
                  Réflexion ou expérience, décalage entre la conscience, la vie d'une part et leur relation d'autre part qui ont des analogies avec la relation à Dieu et l'expérience spirituelle. D'où le titre générique de ces pages. Une des interrogations qui les sous-tendra reste cependant le rapport entre ces deux expériences et en quoi la seconde n'est pas réductible à la première. [i]


















                               II




                         D'IMAGINATION




















                          L'AUTRE PAYS




            Est-ce être adulte ? il s'éveille à peine. S'endormant, il ne le tolèrerait pas, s'il n'en avait eu d'abord envie. Parfois, quand il y est - au creux de cette situation qui est le commencement, dans la tête, avant que ce soit dans le sexe, que sa bouche ait déjà ce goût de... - il se demande pourquoi pas plus souvent, pourquoi pas tout le temps, il n'en a envie. Il se promet, il dit qu'on recommencera cent fois aujourd'hui, cent fois dès maintenanté. Il s'éveille à peine, les prolégomènes, la peine de se retourner, d'ouvrir les yeux, de regarder, non, il n'en a pas envie. Les cheveux blonds, la peau, le corps, toutes les dimensions, l'existence de l'autre, de celle qui dort encore, qui smeble encore dormir, qui a dormi à ses côtés, avec qui il a dormi, avec qui - ce lit - il le partage, il connaît tout cela. Il ne veut que le plaisir, il ne veut que l'aboutissement, être déjà en elle. non pas jouir, non pas avoir joui, non pas être sur le point de jouir. Mais être déjà sur le plateau de l'amour, déjà dans ce pays où l'on marche autrement, où l'on regarde autrement. Il ne fait rien qui suscite le corps, qui appelle un geste venant d'à côté de lui. Il attend, cela n'arrivera peut-être pas, il a envie, c'est impossible à dire, à se dire, il est entièrement une envie, d'être dans un autre pays, de vivre et de respirer autrement. La chair, le corps, la sensation d'être soi, dans cet autre pays, auquel il ne peut accéder par lui-même, à volonté, seul, par quelque grimpée, c'est cela qu'il veut, cela qui n'a pas d'anatomie, pas de prénom, pas d'odeur. On devient autre, une immortalité est conférée dont on ne peut se souvenir qu'on ne l'avait pas, l'instant d'avant, dont on ne peut conjecturer qu'on en sera bientôt privée, un pays qu'on aura quitté. Qui l'aura quitté. Il sera les yeux ouverts, étendu, à plat sur le dos, comme maintenant, assouvi ou pas, ce n'est pas prévisible, mais il aura la même sensation d'avoir perdu beraucoup sinon tout en n'étant plus où il était, où il fut. Il n'imagine pas la compagne de ce monde, il ne voit pas - en souvenir, en nostalgie, en maintes expériences - les corps qui s'installent, qui se tendent, se déploient, se travaillent et de posture en posture, souvent sans regard, parviennent peu à peu à se sourire et à se trouver. Il n'anticipe quelque découverte, quelque aisance à se mouvoir dans ces autres dimensions, infiniment précises, infinement fugaces, étonnamment matérielles et spirituelles tout autant, parce que c'est de chair qu'il s'agit, et d'un accord de chair, que permettent seules, à quoi poussent seules une envie, une amitié d'âme, une certaine attention à soi qui est attention à l'autre. Il ne sait rien, sinon qu'il voudrait déjà être dans ce pays.

                  Elle a bougé, à peine. Elle a une peau si lisse, avec une sorte d'épaisseur propre empêchant de discerner - comme parfois certaines femmes ont une chair, une peau qui le permet, et cela émeut, ce n'est ni vieillesse ni imperfection, c'est une sorte de diaphanité qu'on ressent de la main - de discerner ce qui est en dessous, ce qui est vraiment la chair, sous la peau, l'existence vivante qui a des volumes, ses volumes, les volumes de celle-ci qu'il connaît et qu'il voit, côtoie, embrasse et aime chaque jour, la nuit aussi. Elle a bougé, elle a remué, il garde les yeux fermés, il attend, il est fragile, il ne sait pas, il ne saurait même décider, considérer s'il désire ou pas, désirer dans le vide, désirer le désir, leur désir. Peut-être son sexe est-il déjà tendu, déjà indépendant de ses cuisses et de son ventre ; peut-être repose-t-il encore entre ventre et cuisses, doux et enfantin. Elle a posé une main sur son ventre d'homme, elle a dû entendre ce frémissement de tout le corps d'homme simplement parce qu'elle a posé la main, elle doit bien savoir qu'il attend sa main ailleurs, qu'il attend sa main. Elle ne bouge plus, la main est au ventre, au centre de l'univers, la main décide de tout entre eux deux, elle est posée, tranquille, omnisciente. C'est une main qui prestement va au-dessus des cuisses, salue les jambes de l'homme, se fait attendre - elle ne peut pas ne pas le savoir - il attend, il espère, il se retient de crier et de demander. Même sion frémissement, un mouvement de ses jambes, l'ouverture de ses yeux seraient ce cri, il ne faut pas qu'il le pousse, il doit rester immobile, souple, distrait, disponible peut-être mais désintéressé. La main joue de cela, c'estbune main qui promène une sorte de frémissiement, une onde qu'elle crée et propage au ventre de l'homme.
                  Elle a bougé à ses côtés, elle s'applique, elle a avancé davantage la main, elle l'a passée comme par inadvertance, comme pour un simple survol qui n'aura pas de retour, un survol du sexe masculin. Sourit-elle qu'il ait aussi jailli du ventre, des cuisses à la rencontre de la main, qu'il ait si fort avoué l'attente, mendié davantage. Elle a lissé du revers de son bras le bas du ventre, et puis très tranquillement, d'un ongle court, doux comme la pulpe du doigt, elle a flatté l'ouverture minuscule, en a voulu l'exagération, le gonflement et comme si elle était chez elle, dans toute l'anatomie de cet homme-là, elle a déshabillé le sexe, retroussé la jupe courte, défait la coque du gland, puis elle a lissé, tiré vers le bas, vers le ventre la peau, l'habit, la coque, et lentement elle s'est éveillée à ce qu'elle faisait, à ce qu'elle lui fait, elle a préparé leur instrument, leur outil, elle lisse encore, elle exagère la pression, elle tire vers la racine, elle remonte jusqu'à la petite bouche, si minuscule, qui ressemble au bégaiement d'un poissonnet. Peut-être veut-elle y appliquer ses lèvres, achever leur préparation en humectant, en s'enfonçant en pleine bouche ce qui à présent existe si fort. Il est parvenu à ne pas bouger, à ne pas ouvrir les yeux, mais ses cuisses tendues, aux muscles raidis, le ventre durci le lui montre à l'unisson du sexe qu'elle a pris, qu'elle crée, et qu'ils veulent.

                  Alors, d'un saut, ils sont partis dans l'autre pays. Le saut quand elle s'est mis, d'un coup, à pleine main, sans exploration ni mimique, ce sexe dans le sien - quand elle l'a projeté en elle, par le bas de son ventre de femme, quand il y a fait une entrée tout entier. Alors, lui - il a ouvert les yeux, parce qu'il y avait le ciel. Du ciel, qui avait poussé de lui, du ciel qu'elle lui permettait de revoir et ce n'était pas le même que celui de la veille, mais c'était la même femme et le même homme qui savaient, une nouvelle fois, ce matin avoir retrouvé la clé du paradis. Ils n'étaient plus nulle part. Etaient-ils encore un homme, encore une femme, encore de la chair et des sexes ? Ils ont quitté leur temps, notre temps [ii].













                         SON ETUDIANTE



                  Elle est de ces femmes qui intimident. On ne sait pourquoi, on le ressent, je le ressentais si fort que je lui demandais si ses élèves sont à l'aise avec elle, si elle n'est pas sévère, abrupte, si l'ordre n'est pas son règne. Elle a un oeil plus fixe que l'autre, même quand elle ne dévisage plus et songe, mobile ou n'est oas regardée, ni songeuse. Des cheveux tirés en arrière, une jupe plutôt courte ce dont on ne s'aperçoit que quand debout, à contre-jour, entre un fauteuil de confesseuse et un échafaudage fruste, peu digne de sa fonction universitaire, qu'elle a tiré de l'encoignure vers sa table à écrire pour y poser à sa portée dossiers et livres, elle donnne congé. Elle acquiesce sans accorder, on sent la réflexion comme on entendrait tomber des pierres dans un puits, la voix est nette comme le front, la lumièrevest d'intelligence mais il y a quelque chose d'opauqe. Que vous l'interrogiez, elle dira qu'elle est célibataire, sa thèse sera soutenue d'ici peu, c'est un vieil Anglais lequel se veut encore dans le coup, existentialiste mais pas démodé, elle l'a lu, il est romancier, son existentialisme n'est qu'implicite, des articles et des critiqyues sur lui, en anglais, mais en français, elle sera la première et elle dit autre chose. Ici, elle est directrice d'institut, sur dossier elle a été recrutée, elle n'écrit que chez elle, si elle écrit ensuite, après sa soutenance de thèse et du repos, elle rédigera des articles. Oui, ce ciel, ces arbres, la mer - une mer en golfe qui se retire, qui laisse des marées interminablement vaseuses et sans eau puis redonne des vagues éclaboussant les jardins, les hortensias, les barrièeres blanches et les bâtisses à séminaires, colloques ou retraites spirituelles - oui, cette rumeur de végétation et cette océan éventuel, elle les prise pour un calme qu'elle sait exceptionnel. de quoi vit-elle, de quelles émotions.

                  Vous l'imagineriez debout, les jambes sont bronzées, musclées peut-être, le ventre est plat, elle l'a mise nu, comme s'il n'était pas elle, son ventre à elle, donc elle, son ventre plat, le sexe, une tâche sombre, encore moins à elle que son ventre, la culotte blanche, ou pas de culotte, elle est debout, les jambes légères et souples, ni écartées ni serrées, elle tient de ses mains l'ourlet du chandail léger de l'automne qui va venir, peut-être dans le pli ainsi fait, du linge bleu marine, un chemisier. est-elle chez elle, avant un dîner sans rendez-vous, solitaire avec un livre à sa droite, une bougie ar coquetterie, qui éclaire le journal qu'elle lira, une bouteille ouverte avec une bonne étiquette, elle n'a plus les fonctions de corriger les copies, elle a bouclé sa thèse, les nouvelles elle les a entendues en roulant, le studio ne coûte pas cher, il est plus sobre encore que son bureau à l'Université. Les plantes sont bien ordonnées, la cuisine, on y vient du séjour, dirait une agence immobilière, le séjour donne sur un balcon, la rue est calme, la chambre ne se laisse pas deviner, une radio, un réveil, deux photographies, des planches lisses, luisantes et planches prolongeant le rebord des fenêtres, des fenêtres faisant trois pans, avec des carreaux à l'anglaise. Elle enseigne l'anglais. Elle n'a pas trente ans, elle est brillante par écrit, précise à l'oral, elle est debout, elle se laisserait aller des épaules que ses homoplates reposerait contre le mur porteur qu'on a percé pour le passage du séjour à la cuisine très petite. Tout est blanc dans ce logement fonctionnel, tout est silencieux, la rue n'est pas passante.
                        Elle est debout, elle soupire, ses yeux sont fermés, son ventre est mat, le mat d'une brune qui n'est châtain qu'au plus fort de l'été et a le regard d'une mer moqueuse et dangereuse, elle soupire, elle laisse tomber ses mains du chandail, du chemisier, à la tête blonde aux cheveux coulés, et elle aspire, avec des hoquets qui montent de ses jambes à ses seins, l'originelle sensation d'une langue mélangeant la salive étrangère mais - à force - devenue fraternelle à ses propres odeurs, muquosités et sueurs d'une journée qu'elle ne vêcût qu'en attente. Marie-Pierre n'a eu d'étudiante à son prénom qu'une fois en quinze ans, celle-ci est blonde, de près de quinze ans - hasard - sa cadette, et agenouillée devant la maîtresse ne se met jamais nue, que d'âme, les mains aux reins glacés, la bouche tendre, la langue patiente et heureuse. Sur le parquet flottant, quelques gouttes qu'on n'essuie jamais ajoutent aux traces d'avant-hier. C'est ici le seul désordre, à peine un laisser-aller. L'étudiante ne passe guère qu'un quart d'heure, un jour sur deux, et seulement en semaine ; sortant plus tôt que la directrice, elle a une clé. Toutes deux sont précises, économes de leurs paroles [iii].













                      UNE FEMME A L'EGLISE




                  Entré dans l'église, derrière les deux prêtres qui remontaient la nef : c'était la succession d'un desservant à l'autre, la paroisse était rurale, le retable datait de 1751, il y avait des statues de paysans en chapeau rond avec gerbe et faucille, deux anges baroques à l'ancien maître-autel, derrière les suivant marchaient quelques-uns des conseillers municipaux - il n'alla pas jusqu'au choeur, choisit un banc d'où la vue vers la célébration était limitée par une des colonnes à section carrée, de beau granite qui donne sa force à l'édifice. Il s'assit, on parlait à l'ambon, il regardait dans le vague, mentalement essoufflé, physiquement seul. Pour venir jusqu'au bourg, il roulait trois kilomètres en campagne, des virages, des alignements de chênes nus sur leur talus, l'époque était à l'ancillage, l'air était sec, les chaumes très jaunes, puis il roulait trois autres kilomètres sur la départementale. Le bourg se donnait en haut de côte avec une ligne de maisons blanches aux volets de couleurs, chaque famille ayant adopte et conservé la sienne du mauve au bleu, en premier plan, descendant jusqu'à la route et au carrefour où se faisait la voie d'entrée dans l'agglomération, un grand champ, d'un seul tenant, le plus souvent semé pour le maïs.
                  De sa salle-de-bains, de la baignoire-même, il voyait d'autres chênes, ceux de son domaine, et plus loin le rentrant de la mer parfois à lécher les prés, parfois laissant presqu'un gué entre les deux rives plates. Des oiseaux, dont tous les noms ne lui étaient pas encore familiers, ne passaient qu'aux heures où la lumière est intermédiaire, les levers et fins de jours. C'était une année où les crapeaux et grenouilles n'avaient pas fait grand vacarme. Encore une enfant, qui n'appelait aucune attention, jusqu'au jour où - au moment de prendre sur la gauche la départementale - il dût attendre que devant lui une voiture fasse d'abord de même. Il reconnut une des familles issues de ses voisins. La vieille avait rajeuni depuis qu'elle était veuve, quelques mois déjà. On voyait bien plus souvent les enfants, deux femmes et un homme, et cela faisait peut-être une vingtaine de petits-enfants. Une adolescente, aux cheveux sans doute encore plus noirs que de nature, presque rasés car elle devait savoir la perfection de son crâne, et des yeux clairs, un teint qui allait avec. D'autres, plus désordre et d'une apparence ou d'une chevelure qui n'était pas - pour lui - de son goût. Et il y avait l'enfant, douze ans sans doute, peut-être un peu plus. Il salua en allant aux portières, on sortit, il proposa une photo des parents et des deux enfants, des filles, une autre des adolescentes et la fillette. Il prit deux clichés, le groupe, le portrait. Elle rougissait, elle s'était vue, regardée. Le visage était ovoïde, doux mais c'était cette soudaine rougeur qui l'avait ému. Le plaisir d'être regardée n'aurait pas gêné une enfant. Or, elle - elle était manifestement gênée. Elle croyait son plaisir trop explicite, elle se jugeait trahie, exposée, nue devant les siens, alors que - ce fut pour lui évident, quand la photo lui revint, développée - c'était d'être nue devant lui dont la fillette avait envie et honte à la fois. Elle n'en avait encore ni la pnsée, ni les mots, surtout pas les gestes, elle n'en avait que la marque, celle du désir, adulte dès qu'on l'éprouve.
                  Il avait pensé, ce matin-là dans son bain, en homme seul et mûr qu'il était - un premier plan de carrelages et un listel Jugendstil qu'il avait choisi avec soin, et encadré par la fenêtre du " chien assis " - qu'un émoi plus intense que bien de ses expériences serait : où et quand ? dans quelle imagination, dans quel lieu sans volume, ni couleur, ni limite ? d'être nu, homme seul et mûr, debout devant la fillette dont on ne distinguerait pas - ni lui ni elle - si elle aussi serait nue. Il n'y aurait que le visage, ovoïde et doux, intense, les yeux et la rougeur qu'il lui avait vus en la photographiant au carrefour de la départementale. Elle le regarderait, peut-être en se mordant un peu les lèvres, elle le regarderait mettre une main d'homme à ce sexe d'homme, elle le regarderait et comprendrait - par un atavisme qu'il n'y a pas à expliquer - elle reconnaîtrait ce qu'il serait en train de faire et commettre. Elle le regarderait se masturber, elle demeurerait silencieuse, il la contemplerait, ne la quitterait plus du regard et la main d'homme, sa main d'homme manierait l'instrument solitaire, elle ne détournerait pas le regard, elle verrait ce que lui ne pourrait voir, puisque ce serait lui - à l'instant de jouir, visage crispé et aigu, méconnaissable après le long temps du plaisir appliqué qui avait été le sien devant l'enfant regardant - elle verrait le visage, les yeux horrifiés qui se renversent, le ventre qui a tremblé, elle ne baisserait pas les yeux et, à l'épaule, sentirait soudain chaud, poisseux, mystérieux et déjà familier, la semence qui rend les femmes différentes. Lui montrerait-il, doucement, avec infiniment de précautions, des précautions fraternelles, totalement silencieuses qu'alanguiraient encore leurs souffles - alors devenus courts et jumeaux - lui montrerait-il comment à elle-même, en attendant une autre époque encore si lointaine de la vie, comment se donner cela, ce plaisir-là ? Peut-être et seulement, mimerait-il, sans approcher la main ni rien de lui, homme mûr et seul, les mouvements des doigts passant sur le ventre encore imberbe, le dos de la main sous l'élastique de la culotte, et une sorte de mollesse tendre qui vient à la pulpe des doigts arrivés à bon port et qui ouvre quelque chose qu'elle ne savait pas bien être en elle. Il n'irait sans doute pas même à cette esquisse et l'enfant, encore muette, retiendrait le mouvement qu'elle avait commencé - une main de fillette, vive et spontanée, compaatissante tout simplement, qui, vers le sexe retombé mais bombé encore, dénudé et violet, gluant du dernier spasme d'avant mourir, s'était tendue, portant secours à ce qu'elle croyait souffrant.
                  On avait appelé les fidèles à se relever, on chantait. Aux bancs du transept, comme il s'était penché un peu, la colonne le découvrant, il vit, le fixant, impudiquement détournée de la liturgie qui commençait, l'enfant entre père et mère [iv].




[i]. - ad hoc : Reniac, dimanche 2 Juin 1996
[ii]. - Reniac, au lit - lundi 16 Septembre 1996 : 19 heures 30.20 heures 10
[iii]. - Reniac, au lit - mardi 17 Septembre 1996 : 19 heures.19 heures 30
[iv]. - Reniac, au lit - mardi 17 Septembre 1996 : 23 heures.23 heures 30

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