VII
Penser sans notes ni fil
d’une lecture, sans écrire ni lire, ne
penser qu’en concentration mentale sur un seul objet, et de déduction en
observation, aller à du neuf ou à un résultat. Ne le consigner qu'en suite, de
souvenir et non à mesure ou au fil.
Logiquement, c’est ainsi
que la pensée s’exerce. C’est oublier deux facteurs, la distraction l’emporte
sur la concentration, la mémoire de l’élément acquis cède à l’apparition d’un
autre, qui est discussif. Mais surtout, la connaissance et la compréhension
s’acquièrent par osmose avec l’objet étudié, qui devient sujet et compagnon, se
délivrant et se donnant à celui qui, pour le comprendre, le pense.
Ecrire ou faire sans
référence, à partir de soi et par immersion dans la vie, dans la réalité.
Parvenir à demeurer vibratile, savoir ne pas s’appesantir sur ce qui vient
d’être acquis et compris, pour continuer. Ne pas s’arrêter, ne pas vouloir
s’arrêter ni accepter de s’arrêter. Elaborer ainsi nu, l’écriture, la notation,
les référencements venant en récit et en consignation, non pas en bâti.
L’enseignement français
insiste sur la référence et le présent. Les juridictions fonctionnent de même.
On ne juge pas en équité, on ne pense pas sans adossement. Faute d’exercice, la
spontanéité paraît, quand il y ait laissé cours, d’une désolante platitude.
Le langage enchaîne. Le
français n’a pas le genre qu’est le neutre. Il y subvient avec le masculin, là
est tout le débat sur la version féminine des fonctions professionnelles
notamment.
Une affiche : quand une femme dit non, c’est non. Soit !
mais tout amoureux juge que sa belle retient le plaisir de se donner, qu’elle a
honte de sa propre envie et que son silence signifie que sa parole serait d’une
éloquence si dévastatrice qu’elle ruinerait l’élan des amants, par excès de
consentement, et les hommes sont souvent éduqués à croire les femmes
conditionnées pour dire non, alors qu’ils les voudraient naturellement et
universellement consentantes.
Le vocabulaire, depuis
des millénaires, dans la plupart des sociétés est de confection et d’usage
masculin. Comment penser féminin si le langage pousse au masculin. Les femmes,
notamment en politique, ne font pas éclater ce carcan masculin, elles pensent
et se posent en compétitrices qui ne se feront admettre qu’en étant semblables
aux hommes, donc trop souvent masculines et sans apporter une véritable
différenciation. Hélène Cixous le dit très bien en écrivant fémininement, la
phrase est autre, elle se débite et se continue tout différemment d’un exposé
masculin. Elle exige une présence différente du lecteur au texte.
Les hommes entre eux
parlent des femmes, mais les femmes entre elles ?
De leurs rêves – ceux du sommeil - les femmes
semblent ne mémoriser que les cauchemars ; du moins, est-ce l’expérience
que j’ai des réponses reçues à ma question : vous souvenez-vous de vos
rêves ?
Le racisme commence rien
qu’en distinguant péjorativement ou laudativement hommes et femmes, selon
qu’ils sont hommes ou femmes. Il en va de même pour les différentes classes
d’âge.
Surévaluer les
différences fait perdre le fonds commun des analogies, le plaisir sexuel est-il
si différent d’un sexe à l’autre, n’existe-t-il pas des femmes qui veulent
aussitôt l’acte de pénétration et des hommes qui souhaient être longuement
apprêtés ?
La poésie, qu'on soit le poète ou qu'on l'ait
abordée en lecteur, est toujours directe. Formellement, elle dispense
d'introduction, de conclusion, elle va aussitôt à l'expression. Elle laisse le
reste en blanc et enseigne l'essentiel, le regard n'est pas perdu, nulle
recherche et nul hasard, le doigt est sur le point examiné.
Si l'on regarde, on s'aperçoit que…
défilement sur un écran informatique, feuilletis d'un volume, la tournure
idiomatique ces temps-ci, suggère une inattention chronique des décideurs, des
faiseurs de dossiers, des commentateurs au point qu'on se demande sur quoi est
fondé leur jugement, en dehors de ce regard.
C'est vrai que…adosse celui qui expose
au sens commun, sinon à la foi de son vis-à-vis, comme s'il avait peur de
s'aventurer seul dans le raisonnement.
Quelque part… insinue autant d'intimité
qu'une ampleur du décor telle qu'y situer le centre des émotions ou le point
névralgique d'un exposé, dispense de toute précision : côte à côte sont placés
un aphorisme et une certaine schizophrénie, celui qui parle se met en scène
comme s'il était à lui-même sa première ressource.
Apprendre pour plus tard
exercer un métier est la mauvaise raison de l’éducation scolaire. D’une part,
parce que l’éventail des métiers favorisés par la situation économique ou
suscité par des avancées technologiques, se sera modifié, rétracté ou enrichi
entre la décision d’orintation et l’arrivée sur le marché des anciens élèves
devenus jeunes candidats au travail. D’autre part, parce que l’argument
d’utilité est souvent sans poids psychologique. Apprendre pour le plaisir ou
pour le rapport avec soi-même, est universel.
Les
« événements de Mai » 1968 n’ont eu que deux conséquences, hâter le
départ du Général de Gaulle, ce qui politiquement n’est pas mince, faire de la
liaison entre les entreprises et l’université la solution pas tant au problème
du chômage qui était statistiquement insignifiant à l’époque (d’où le recours à
la main-d’oevre immigrée pendant toutes les années 1970) qu’en réponse à ce qui
passait pour de l’inutilité ou de l’abstraction. Professeurs, vous êtes vieux comme si les dirigeants d’entreprise
étaient jeunes. S’adapter à une demande pourtant très décalée dans le temps est
donc devenue l’ambition des faiseurs de programme et autres inventeurs de
stage. Ainsi est apparue la pré-embauche mais la manière d’enseigner a gagné
encore en apparences de contraintes. La sanction a eu son dogme : n’espérer
aucune place dans la société si l’on ne s’est préparé par avance à satisfaire
ses appels à service. Tout le système ne pouvait que s’effondrer – en logique –
si le chômage devenait la pesrpective. Tandis que le plaisir d’apprendre ne
suppose aucune vue sur la société ni aucune performance de l’économie à terme
de huit ou dix ans – le cycle des études. Au contraire, il naît d’une curiosité
satisfaite et la propension à chercher
et questionner entretient le dialogue entre générations, et crée l’affection et
le jugement quand à l’ensemble dans lequel l’enfant comprend qu’il aura à
vivre. De là, à ressentir en optimiste la proposition sociale et à croire à une
justice distributive, et à la promotion selon le mérite et l’effort, c’est le
pas que font les membres d’une
collectivité sans problèmes majeurs de cohésion ou d’avenir. Nous ne sommes
plus cette collectivité, le plaisir d’apprendre et la curiosité de comprendre
ne passent plus, pour l’essentiel, par la trémie scolaire. Le fonctionnement
est devenu sans raison. L’argumentaire de l’adaptation et du pré-apprentissage
est rendu caduc par le chômage. L’entrée et la vie en société ne sont plus que
compétition, la justice est affaire de conquête et de force. L’émulation, parce
qu’elle est individuelle, accentue la tendance – très française – de ne pas se
syndiquer. La solidarité est question de génération, la plus jeune qu’on flatte
en ayant changé les appellations dans les hiérarchies d’entreprises :
cadres, chefs, ingénieurs désignent déjà des agents de cinq ou six ans
seulement d’ancienneté. La condition ouvrière qui était manuelle, disparaissant
avec le progrès technique et la prolifération de l’économie virtuelle, le
salariat est trompeusement camouflé en distribution non conventionnelle
d’avantages, de primes, de stock options.
Plus aucune catégorie n’est claire et les procédures de contestation semblent
désuètes.
Notre problématique, c'est celle
du besoin, de la souffrance, de la mort. Vous, vous proposez un but lointain et
délirant. Vous voulez une vie ardente, intense, faite de joie et de voluptés.
Nous réfutons "l'humain pour aider les hommes. Vous, voulez le surhumain
et la poésie. Vous gardez l'humain comme base sans adopter l'image du Surhomme.
Mais pourquoi donc ? Attiser le désir, exciter le malaise, reprendre les
valeurs du temps de la rareté - l'œuvre, la totalité, "l'homme" -
cela peut se quailifier d'entreprise criminelle ! Cette société n'a peut-être
pas atteint son point d'équilibre et d'aboutissement. Aidez-la au lieu de
creuser les lacunes, d'aggraver le trouble. Elle va de l'avant comme elle peut,
sans savoir où elle va. Par une chance extraordinaire, cette fuite en avant a
donné un résultat appréciable. Elle nous enseigne les bornes de la condition
humaine. [1]
Les événements de Mai 1968 ont-ils été ce franchissement d'aiguillage
de notre société ? démonétisant les partis révolutionnaires, annonçant la
radicalité de ce terrorisme des années 1970 et posant par avance la question de
la différence de celui-ci avec le terrorisme à cible ethnique ? Ce dernier
étant perpétré au nom de la religion ou au moins avec son argument, alors même
que la religion est devenue le facteur identitaire le plus puissant d'une
certaine ethnie autant que d'un certain état de vie et de dénuement.
Le Surhomme est-il un modèle collectif
- de Gaulle le croit pour l'Allemagne de la Grande Guerre - ou le devenir, l'être et en convenir, en faire
convenir, est-ce une nécessité individuelle ? Si la société n'épanouit pas
ses membres, un certain nombre d'entre ceux-ci s'épanouissent trop évidemment
sur le dos et au détriment des autres, le politique ou l'entrepreneur. La
pureté le supposerait alors que la libido inspire toutes ces opérations
qu’on appelle autrement acquisitions d’actifs pour de la croissance externe.
La considération pour
l’habileté d’un dirigeant d’entreprise est fonction de la diminution de masse
salariale qu’il parvient à opérer sans conflit apparent. Pourquoi ne pas
diminuer proportionnellement sa propre rémunération à ce qu’il parvient à
administrer en moins à la somme de ses salariés ?
Ceux-ci en formation
syndicale ou en comité d’entreprise ont souvent un jugement précoce et fondé
sur les stratégies concoctées par le patronat. La pratique des conversions
d’entreprise en coopératives ouvrières est cependant faible, la loi y est peu
favorable du fait des modalités imposées à toute augmentation de capital,
celle-ci ne pouvant être suivie par les salariés devenus censément leurs
propres maîtres.
La Libération avait tenu
compte des secousses et impasses des années 1930. Les conquêtes du Front
populaire n’ont été légalisées qu’après avoir été spontanément obtenues sur le
carreau des usines, le programme des partis dont la coalition fut victorieuse
en Juin 1936 était bien en-deçà. Léon Blum a fait tirer en 1937 sur une foule
ouvrière à Clichy. Le mouvement social s’est imposé autant au gouvernement
qu’au patronat. Les gestions paritaires des systèmes de protection sociale, la
structure générale de l’économie comportant autant que le domaine d’initiative
privée, un puissant secteur public industriel et commercial, correspondait aux
habitudes du patronat de se retourner vers l’Etat pour en obtenir ordre social
et subventions et au tréfonds populaire soucieuse qu’existe un arbitrage. Ce
n’était pas un clivage droite-gauche que d’en proposer la suppression par
déréglementation et privatisation, il était simplement impensable de se défaire
de ce qui fonctionnait, la croissance était statistiquement de 5 à 7% l’an. Le
programme ultra-libéral de la droite, convenu en Janvier 1986, a-t-il tenu à
une boîte à idées, telle qu’avait été le ralliement de politiques agnostiques
en Juillet 1984 aux manifestations organisées par les tenants de l’école
confessionnelle contre la loi Savary, qui pourtant ne la supprimait pas ?
A-t-il été la simple transposition des vues de Sir Leon Brittan, commissaire
européen, pensant quant à lui aux recettes d’outre-Atlantique ? Déjà,
selon ce que signèrent Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac, alors, il
était question de privatiser les chemins de fer et la poste. Ou bien fut-ce la
lenteur et la timidité pour la mise en œuvre du programme de nationalisations
qui rendit contagieux à droite le doute que la gauche elle-même ressentait
envers le dirigisme qu’elle a feint la première de croire démodé ? Plus de
quinze ans de consensus droite-gauche pour les privatisations débouchent dans
un renflouement public du principal fournisseur de ce qu’il reste de grandes
infrastructures à statut nationalisé : Alstom et les marchés de la
S.N.C.F. et de l’E.D.F.
Pourquoi pas – sur des
points de politique gouvernementale propres à susciter débat et alternatives –
des livres blancs en vente pour
l’euro symbolique dans les bureaux de poste ou de tabac, les salles d’attentes,
les laveries automatiques ? Les débats parlementaires ne peuvent
convaincre la foule si les élus eux-mêmes ne sont pas à leur banc.
Comment débattre ?
pas tant faute de bases reconnues communes, dans un pays comme la France elles
existent et souvent explicitement, mais faute d’avoir des perspectives assez
lointaines et assez attrayantes pour que les solutions ne paraissent ni
victoire ni défaite, ni un empêchement.
La
« cohabitation » a abouti à une modification cardinale dans notre
coûtume constitutionnelle. Depuis 1978, aucune majorité sortante à l’Assemblée
Nationale n’a été reconduite, que la consultation se fasse à terme ou sur
dissolution. C’est le président de la République, en principe garant de la
stabilité du pays, qui est devenu, de fait, le facteur principal d’instabilité
soit qu’il puisse dissoudre l’Assemblée qu’il subit ou dont il prévoit qu’à
terme régulier elle risque de ne pas être reconduite, soit qu’il contraigne le
Premier ministre à présenter la démission du gouvernement. Le quinquennat s’est
d’abord installé en durée du mandat gouvernemental en 1997, et seulement en
2000-2002 en durée du mandat présidentiel. Il faut s’attendre à un retour du
droit de dissolution à sa désuétude qui caractérisa la Troisième République, et
à un rythme quinquennal d’alternance au pouvoir. Ce qui devrait avoir comme
conséquences bénéfiques de hâter les décisions tant que l’on est au pouvoir et
de discerner ce qui d’une législature à l’autre, d’un gouvernement à l’autre,
est consensuel ou contraignant.
Trois attitudes envers la
politique. Ceux qui y voient des champs de carrière et passent leur vie à
convoiter des portefeuilles et en les attendant pour un laps de temps, jusqu’à
présent bien plus limité sous la Cinquième République que sous les précédentes,
à défendre ou à collectionner les mandats électifs qui en sont la condition
générale. Ceux qui y voient le paysage de leur vie en ce que celui-ci est
conditionné par les mouvements de la collectivité, des politiques décevantes,
des personnages indûs font la tristesse d’une époque. Rarement les avis
divergent sur la beauté ou l’aspect désespérant d’un moment. Généralement,
l’émotion et la tonicité engendrées par une époque se manifestent par un regain
de solidarité et de communication en collectivité, alors qu’une geste décevante
ne fait surgir que les revendications, les conflits d’intérêt et des replis sur
soi. Ceux enfin qui y voient le cadre de la vie économique et sociale dont il
faut objectivement tirer parti. Rares sont les personnes qui ne se rangeraient
dans aucune de ces trois catégories, du moins en France.
Les peuples mélomanes
sont moins portés sur la discussion ou l’ambition politique quotidiennes. On y
va au concert bien des fois par an et l’économie est plus sociale ou
commerçante que financière et spéculative. L’Europe centrale en est un centre.
Les horaires-mêmes de travail y sont modulés en sorte que l’on puisse aller au
spectacle ou deviser en brasseries ou vinothèques avant la fin de l’après-midi.
Ce sont des vies quotidiennes aux sorties plus amicales que conjugales, et des
mœurs de famille où le repas commun est le petit déjeuner très matinal et le
débouché d’une bonne bouteille en fin de soirée. Déjeuners et dîners ne sont
pas conviviaux sauf en cas de fête ou d’occasion importante. La Russie pratique
dans toute l’aire de l’ancien empire soviétique le banquet où la table,
d’entrée, est chargée de tout ce qui sera à manger et à boire, toute
chronologie abolie. Les peuples latins, aux repas conviviaux, ont la
conversation libre, celle des slaves est codifiée, il y a encore des maîtres de
table. Trois grandes zones dans l’Europe géographique, celle du vin, celle de
la bière, celle de la vodka. L’Allemagne du sud pratique la bière accompagnée
d’un petit verre d’alambic.
Les femmes savent ces
différences et les vrais clivages politiques entre peuples, la pratique
notamment du parlementarisme, tiennent aux façons de se nourrir ensemble ou
dans une discrète individualisation de cet acte. Les régimes personnalisant,
notamment en pays latin, sont ceux qui ont le dîner tard, c’est un souper, et à
convives nombreux. L’ambiance à table et dans les urnes, est le fait des
femmes. Les joutes littéraires que peuvent être les toasts de l’Asie centrale à la façade atlantique de l’Europe avec
aussi des improvisations de chant a
capella sont le substitut des tournois, des joutes et des guerres. La vraie
structure d’une société commence dans la reconnaissance mutuelle entre sexes et
va jusqu’à la répartition des phases du débat législatif entre confrontation
des forces sociales et votation populaire ou parlementaire.
La France actuelle est au
carrefour de toutes ces définitions qu’aucune loi, aucun quota n’amènageront.
Nous cultivons trop le poids des mots, ainsi le débat sur les retraites qui a
bien dix ans a-t-il achoppé dans sa phase la plus expéditive sur la
qualification sémantique des rencontres entre gouvernants et syndicats ;
les uns ne concédaient qu’une consultation, les autres tenaient à une négociation.
Il est difficile de
former un couple quand on est d’opinion politique différente. François
Mitterrand et le Général de Gaulle avaient ceci de commun, de leur vivant, et
tout autant depuis leur mort, de susciter des adhésions aussi vives que l’hostilité
à leur égard. Pourquoi de telles passions ? sinon qu’ils ont incarné des
choix et des manières d’être clairement assumés, qu’ils n’ont pas été élus par
défaut, qu’ils ont chacun représenté très carrément des options, des
spontanéités, des réactions. Leur tenue publique, l’art de leur verbe n’étaient
pas dissociés ni de leur politique, ni de leur personne. Valéry Giscard
d’Estaing, Lionel Jospin, Jacques Chirac, Jacques Delors, Michel Rocard parce
que fondamentalement ils en ont appelé au « centre », à
l’intelligence sans préjugé de partis sont davantage divisibles en segments
allant des apparences aux perspectives, et chacun justiciable du même type
d’excuse : des empêchements hors d’eux-mêmes pour complètement agir. Les
teintes et les demi-teintes. Dans l’ambiance des secondes, la discussion en
couple ou en café de commerce est lasse et la votation tourne à l’abstention
même si elle se pare d’un certain modernisme, qui serait à confondre avec le
pragmatisme, mais les premières font clivage.
En 1969, deux jeunes
femmes occupèrent mon esprit et l’emploi de mon temps, en coincidence avec la
campagne référendaire puis avec la course pour l’Elysée. L’une se disait de la
famille radicale, ce qui se traduisait par un certain mépris pour de Gaulle,
démodé, archaïque et funambulesque, l’autre avait la prudence à sa porte et
souhaitait que je ne manifeste pas mon attachement pour le Général, au moment
où j’entrais dans l’administration. En somme, la première tenait pour rien la
résurrection de la France et l’invention de nos institutions modernes, et la
seconde croyait aux fiches d’opinion tenues dans le dossier des fonctionnaires.
Il y avait de quoi nous partager. Elles étaient plus arrêtées et moins
concessives que moi, qui aurais volontiers admis que départ pour départ, les
Français peut-être n’avaient pas mal choisi ni les dates ni les protagonistes
de la succession.
[1] - Henri Lefebvre, La vie quotidienne dans le monde moderne
(Gallimard . 15 Mai 1968 . 376 pages )
p. 279
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