vendredi 1 août 2014

poèmes au Brésil - 17 -



                              Couple


Il n’y a pas que la taille, il n’y a pas que
l’apparence du sourire et du conte, chez ceux
que l’on regarde du dehors, d’un dehors qui est nôtre

Il n’y a pas que les paroles entendues, que les
murmures qu’on croit de l’échange, il n’y a pas que le
public, le paysage et les lunes de la vie, et les
verdures de l’enfance que l’on  n’a pas cueillie
soi-même, que l’on espère pour d’autres, qu’ils soient
blonds ou noirs, les enfants qui courent dans notre
imagination d’avant le mariage,
d’après l’amour, quand des tours et des murailles
on a fait le point et les perspectives, que le
sommeil du souvenir laisse s’ensevelir dans le
terreau, demain retourné pour y laisser
quelque trésor de certitude

Il n’y a pas que les fantasmes des dîners et des premières
folies, des roulades dans la nuit, des voitures échappées
et dans les landes ou les pins, par les lits, les draps,
les paliers parfois sonores ou les portes cochères,
les baisers de ceux qui déjà savants se redonnent et se
rendent les envies de leur enfance quand elle sentait
l’adolescence,

Il n’y a pas que les essais qu’on pensa avoir eus avec d’
autres et qu’on range avec soin certains matins,
certaines lueurs d’irrésolution, certaines années
grises, il n’y a pas que l’infidélité du passé,
que la récapitulation hasardée et coupable de ce que
l’on ne donna qu’à demi au présent désormais

Car voici surgir des champs de l’anxiété et du choix
des fougères et des chaumes de la sensation et de la
contradiction,
car voici se lever, balançant avec une timidité triomphale,
ce surgeon qui est nous, qui est l’absurde, l’inexplicable
rassemblement vers un ciel, vers le tout autre,

Par les villes partagées avec d’autres que toi,
dans des chemins qui furent les nôtres ou qui le
seraient, que je violais ou préparais pour toi,
la délibération qui n’est ni l’envol ni la pureté
assommait toute la mémoire, jet e mettais dans des
balances et des cornues, je supputais tous les jeux de
l’égoïsme, toutes les pentes de la tentation si
un jour je devenais prisonnier
de cette décision à présent
foi contre faiblesse
toi en pensée, en désir arc-volant, arc-boutant
des allées et des volutes de sentiments changeants
qui m’avaient exproprié depuis toujours.

Cet homme naguère apprit ce qu’il devinait
et pleura devant moi –dehors, hors des siens,
hors d’elle.
Hors de soi enfin.
Cet homme ici et maintenant – cet homme certain
et pudique, assuré de ses avoirs, anxieux de sa valeur,
habile à imaginer ces suites et en somme les échecs –
ne s’entamait ni d’amour ni de rêves, il fallait
et moi maintenant, ces mois ou ces années
sans couler vers toi ni le coeur ni la main
malgré les îles, les promesses, les retours et les
fêtes
c’est la peur de l’autre toi qui nous étreint,
la peur de cette forme immense, quotidienne, incessante
que serait ton absence,
que serait en nous la couche de ton départ

Il y a parfois le lit de l’océan que l’on ne voit
ni ne sait
mais qui doit bien être l’appui des masses énormes
de la vie,
car toi – quels que soient les cynismes et les regards
de côté des hommes que nous sommes, raides et peureux –
tu fus, tu es la blancheur des nuits,
le signe de notre existence, la vraie confidence,
le pleur nocturne et l’aveu de l’enfance

le mari revenu à sa qualité, dépouillé de la journée
et des paroles inutiles, des confessions atrophiantes
dit seulement au lit la conjugaison sans mots
de sa vraie faiblesse, de son amour
et de la naissance autrefois de la certitude
du seul instant qui détermina tous les mouvements
et ce geste qui fut et demeure : viens !
et à l’homme de tous les âges qui fit cet aveu,
la fiancée redevenue a donné la main,
ouvert son ventre, et déplié la mort
pour le seul envers de la réalité
les pas de deux vers l’unité
et les yeux ouverts à l’autre ciel.

Entre les lits assemblés de l’absence et des angoisses,
je poserai comme d’autres les bois fragiles de mon repos
et de notre feu, j’attendrais la grâce,
j’attendrais la force et coulera à l’aurore
où se décident le retour et la résurrection
ce miel qui lie tout.
Tu me trouveras toi et diras
ce que je n’osai jamais regarder :
que je t’aime,
alors la taille, la nuque et les épaules
que je sois devenu solitaire ou maintenant couple.





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