Toutes joies
Quand tout
est prêt, tout est consenti,
quand il
faut seulement lire à ton regard l’attente
pour
commencer,
quand
retentissent depuis longtemps les coups et le gong
du sang et
du cri retenus à nos tempes, à nos ventres,
quand
tremblent les cuisses et les bras, les lèvres
de l’effort
à venir, de l’assaut lent à contenir,
quand
viennent les élans et les mouvements
ne plus
rien retenir, à ne donner que le tout,
quand
s’effacent les instants du passé et s’unit cet avenir,
à ne se
savoir plus qu’au centre chaud du monde retrouvé,
quand vient
comme une source, quand arrive comme un bond
le cheval
de galop qui ira ralentir jusqu’à nous,
s’élève et
enveloppe la silhouette
unique que
nous avons choisie, embrassée :
la nef
singulière, la nuée primitive
des chants
séraphins sans musique
et de
l’enlèvement ultime à ce ciel
où nos
corps prolongés l’un de l’autre
respirent
et vivent la sensation fantastique
d’être toi
encore moi, et moi devenu toi
de la tête
à nos pieds, de ce bras au sexe
l’être a
trouvé son essence et la dimension définitives.
Tu ne
gémiras et je ne respirerai point,
nous
guetterons poindre en nous
cette
seconde fois où au haut plateau
d’après le
dernier instant à gravir,
nous
établissons nos haleines et nos cœurs
et la
chambre se poudre d’or par nos larmes
et les
gestes sont si lents désormais
que le
temps nous répand autrement.
L’éternité
récapitule ses peines et sa naissance,
nous avons
une autre connaissance, celle assouvie
de ce don
qui a ouvert toute porte à nos mains,
tout antre
à notre épieu, toute vie à nos poèmes,
et ce qui
s’étale à présent comme l’inoubliable prairie
tisse le
tapis qui nous roulera bientôt endormis,
enchâssés
encore l’un de l’autre, emboîtés,
fondus par
la solitude disparue, par la communion inconnue,
par l’onde
inaudible faisant parfois là tressaillir
les muscles
à l’unisson venus pour luire la chair
de nos âmes
et le récit ensemble de nos songes.
Les gisants
n’ont pas d’autre mort que ce repos,
et les
mains qui ont voulu tout le corps nanti
et parcouru
par le sexe et la bouche et le regard
de l’autre
attentif et prudent jusqu’au scrupule
quand il
fallait encore monter par les détours,
elles
reposent à présent au ventre et au coeur
des jumeaux
réunis par le cri et par l’abandon, et la
suprême
écoute du sang reflué et du baume renversé.
Les vases
et les courses ne s’entrechoqueront plus,
les amants
n’auront plus le regard de la question,
les morts
qu’ils ont voulu devenir à leur entente
refuseront
de jamais ressusciter, et la chape soyeuse
jetée en
nimbe et en rêverie éveillée par le plaisir
qui dure
encore, pour toujours va garder l’empreinte
des
menuets, des baisers, des allées vives à toutes joies.
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