jeudi 7 août 2014

poèmes au Brésil - 24 -




On ne sait jamais rien d’un enfant

On ne sait jamais rien d’un enfant que son visage,
et le visage d’un enfant c’est son âme et ses yeux
sont son cœur et sa langue, et l’expression qu’on
ne peut saisir du lointain de notre vieillesse et
de nos consciences.

Quelle page s’écrit dans l’âme de notre enfant,
de l’enfant que nous fûmes, de l’enfant que nous regardons ;
mobile ou quémandeur, yeux clairs ou front parfois occupé,
nous n’en savons rien, nous ne savons pas même celle
que nous écrivions dans cette vie-là.

Quel visage et quel corps avions-nous, qui étions-nous
enfants ? Certains nous le disent, d’autres le rapportent
ou le fixent, notre époque a inauguré les moyens de cette identité
mais en vain cherchons-nous qui nous étions et que les autres
ont vu sans oubli ni prescience.

Nous étions en nous-mêmes, aveugles à l’avenir,
ennuyés si souvent du présent, vivant de mots et de rêves
que nous ne communiquerions que bien plus tard,
qu’à présent où nous sommes la semence de notre éternité.
Notre enfance façonnait ce présent et l’enveloppe et la graine
ont disparu dans le lointain de ces courses d’où nous arrivons
sans mémoire que celle de notre avenir.

On ne sait jamais rien d’un enfant que ses sentiments,
l’histoire file des laines et des jeux, se prépare sans nom.
Tu n’aurais pâs d’histoire, tu n’aurais été que présence,
à quoi te préparais-tu donc,
quelle était la graine, quelle était l’enveloppe
que tu concoctais pour la dépiauter à un âge que tu n’aurais jamais.
La légèreté était ton secret, oui ! tu pouvais ne rien peser
Puisque tu n’avais pas notre avenir, pas cette charge
à organiser et à prévoir, pas ces épaules qu’il faudrait courber.

C’était singulier, tu courais si vite, et tu ne paraissais
ni hâtif ni anxieux, pas même attentif,
ta présence filait comme un ciel, ton sourire comme un don fugitif,
tu étais de ta naissance à ce choix d’un soir comme éperdu,
la transparence était ta couleur et ton or pour les autres,
tu aurais aimé disparaître ainsi comme envolé.
On ne savait rien de toi parce que ton histoire était un jeu,
tu jouais de tout, tu réfléchissais la peine et la demande
d’autres que tu regardais, prenais de ton sourire et épousais
alors, comme la chienne que tu aimas, ventre à ventre,
enfants tous deux de la terre, des tapis de l’homme,
des vacances scolaires et des jours de congé.

On ne savait que visage, tes vêtements et ta voix,
on songeait que le temps peut-être bien plus tard dirait plus,
on ne pouvait deviner que l’éternité ne suffit pas à comprendre
et que l’amour avide de gestes l’est à raison
car lui seul des instants, de la présence, de la vie
craint et goûte tout le poids. Même de cela tu te passas.

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