On ne sait jamais rien d’un enfant
On ne sait jamais rien
d’un enfant que son visage,
et le visage d’un enfant
c’est son âme et ses yeux
sont son cœur et sa
langue, et l’expression qu’on
ne peut saisir du
lointain de notre vieillesse et
de nos consciences.
Quelle page s’écrit dans
l’âme de notre enfant,
de l’enfant que nous
fûmes, de l’enfant que nous regardons ;
mobile ou quémandeur,
yeux clairs ou front parfois occupé,
nous n’en savons rien,
nous ne savons pas même celle
que nous écrivions dans
cette vie-là.
Quel visage et quel corps
avions-nous, qui étions-nous
enfants ? Certains
nous le disent, d’autres le rapportent
ou le fixent, notre
époque a inauguré les moyens de cette identité
mais en vain
cherchons-nous qui nous étions et que les autres
ont vu sans oubli ni
prescience.
Nous étions en
nous-mêmes, aveugles à l’avenir,
ennuyés si souvent du
présent, vivant de mots et de rêves
que nous ne
communiquerions que bien plus tard,
qu’à présent où nous
sommes la semence de notre éternité.
Notre enfance façonnait
ce présent et l’enveloppe et la graine
ont disparu dans le
lointain de ces courses d’où nous arrivons
sans mémoire que celle de
notre avenir.
On ne sait jamais rien
d’un enfant que ses sentiments,
l’histoire file des
laines et des jeux, se prépare sans nom.
Tu n’aurais pâs
d’histoire, tu n’aurais été que présence,
à quoi te préparais-tu
donc,
quelle était la graine,
quelle était l’enveloppe
que tu concoctais pour la
dépiauter à un âge que tu n’aurais jamais.
La légèreté était ton
secret, oui ! tu pouvais ne rien peser
Puisque tu n’avais pas
notre avenir, pas cette charge
à organiser et à prévoir,
pas ces épaules qu’il faudrait courber.
C’était singulier, tu
courais si vite, et tu ne paraissais
ni hâtif ni anxieux, pas
même attentif,
ta présence filait comme
un ciel, ton sourire comme un don fugitif,
tu étais de ta naissance
à ce choix d’un soir comme éperdu,
la transparence était ta
couleur et ton or pour les autres,
tu aurais aimé
disparaître ainsi comme envolé.
On ne savait rien de toi
parce que ton histoire était un jeu,
tu jouais de tout, tu
réfléchissais la peine et la demande
d’autres que tu
regardais, prenais de ton sourire et épousais
alors, comme la chienne
que tu aimas, ventre à ventre,
enfants tous deux de la
terre, des tapis de l’homme,
des vacances scolaires et
des jours de congé.
On ne savait que visage,
tes vêtements et ta voix,
on songeait que le temps
peut-être bien plus tard dirait plus,
on ne pouvait deviner que
l’éternité ne suffit pas à comprendre
et que l’amour avide de
gestes l’est à raison
car lui seul des
instants, de la présence, de la vie
craint et goûte tout le
poids. Même de cela tu te passas.
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