L’enfance aux
lèvres
Elle me
regardait désormais
comme une
lampe claire que j’aurais découverte
et à quoi
je m’offrirais,
elle buvait
les instants,
elle
récitait des chances et des ferveurs,
elle se
blotissait dans le sourire,
elle jetait
à la vie des gerbes,
elle
rougissait des lèvres et des yeux,
elle
existait à l’envers,
elle
dansait pour venir et aller,
tu avais le
visage de l’amour
et
l’enfance aux lèvres.
Dévêtue la
première femme
qui me fit
te voir et par qui tu t’étais annoncée,
tu
n’écoutais plus que pensive,
certes les
paroles et l’accompagnement es gestes
mais
surtout les flots et les danses
en toi de
cette musique qui produisait
ta volupté
de me voir.
C’était
indicible, par les brouillards
d’une
tristesse qui n’avait de cause que la vie,
je voyais
l’étincelle de ta forme
et les
puissances de ta face,
l’or vert
dont tu es faite,
je
contemplais ton sourire, et la perfection de tes dents,
je retenais
les détails de ton regard et de ta voix,
j’espérais
le retour à ce corps qui doit être
tien mais
dont je n’ai encore distingué
rien,
et je
devinais qu’une orée s’ouvrait,
que ta main
en arrière agitait quelques doigts
pour
prendre les miens à cette traîne
que
l’existence laisse parfois à des jours lourds.
Tu jetais
le temps et les minutes
par brassées,
tu lisais et travaillais
comme
antan, tu te nourrisssais des envies et des désirs
auxquels tu
donnais peu de cours,
car ta
certitude et ton unité venaient
ce sentiment-là, à toi seule dévolu,
que tu
commençais d’aimer
et que
cette sensation-là pouvait se vivre
encore plus
commodément à un,
quand on
est assuré du lendemain et de l’autre.
Et tu
prenais le temps et les minutes
sans
souciance ni prescience, paisible
de
l’éternité seule que peut la jeunesse
et
l’enfance à tes lèvres, comme à d’autres
mais c’étaient
les tiennes et – moi –
jour après
jour, parfois plusieurs se
faisaient en un,
je
ratifiais et contresignais le hasard et ton abord
et
vérifiais que cette enfance-là,
peut-être
répandue, peut-être banale,
n’avait de
flur qu’à tes dents,
de fruit qu’à
tes lèvres.
Quand
commence l’émoi premier d’attendre
et
d’espérer une voix,
quand on
s’étend sans plus même demander
l’exaucement
du désir,
quand seule
la présence et l’imprévu sourire
payent de
tout le jour,
alors a
commencé la métamorphose
et ce qu’on
avait oublié de toi.
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