dimanche 13 avril 2014

Changement de signe - 2ème registre - chapitre 4 les initiations

Chapitre IV

Les initiations






Soudain, la préhistoire s’arrête. La saveur d’une découverte qu’est la tendresse du front féminin, de la main qui accepte la pression de la sienne, des lèvres et de la bouche en habitat intense, océanique d’une pénétration symbolique langue à langue, il la savait à peine, quelques mois séparant des minutes rares les une sdes autres, vécues déjà avec une autre que la première ou que la précédente. L’errance était vague, ni douce, ni pénible. Débutant une scolaarité prestigieuse mais hasardeuse, probablement enfermante, il n’attendait, il vivait machinalement quand il arrête la petite voiture à moteur arrière, bleu ciel, énième main, en moins bonne forme que la précédente de même modèle, bien plus jeune mais qu’il a accidentée à mort en quelques kilomètres de route à fossés, talus, virages et quelques semaines de permis de conduire acquis dans une capitale de minuscule population et à l’unique feu rouge. Initiation à la voiture mais initiation manquée à la femme. De celle qui lui a donné le premier baiser d’adulte et qu’il a vite perdue, il a cru pouvoir s’annexer la mère, jolie elle aussi, pas d’âge intimidant, puis il a été souvent vu avec une autre de même génération, pas la sienne, sous prétexte pour celle-ci de lui donner des leçons de conduite automobile en principe mais peut-être d’autres, ce qu’il n’a pas davantage compris. Il est raide, cheveux noirs, ventre plat, pas très rieur. Le voici qui rend service, une de ses sœurs cadettes, une amie à passer prendre pour les mener à une gare, vacances de ski dans la même famille, cette époque où les parents gratifient chacun de leurs enfants d’une compagnie de loisirs.

Elle paraît au seuil d’un hôtel particulier, les skis, le fuseau de couleur rouge, le corps sans silhouette, le matin à peine là. Ce devrait être anodin, ce ne l’est pas. C’est le « coup de foudre », c’est le chant de l’unique à l’unique, c’est le chandail de laine modeste, un collier de perles vraies qui dépasse du col et d’une chemise sans âge. La chevelure est de lin. Le souvenir qui charge instantanément la totalité de ce qui va demeurer, est celui d’une épreuve. Il succombe avec bonheur, dans une durée à la dilatation indéfinie, au charme d’une présence. Les yeux clairs, le visage plutôt long, aux joues plates, le front sans traits ni volume, elle lui paraît la beauté suprême, unique, disponible puisqu’elle lui fait une telle impression, effaçant tout ce qu’il a vécu avant cet instant. Il est éperdu et mécanique. Quelques mots sur le quai, les skis et bagages hissés, sa sœur en impossible témoin, puisque les apparences sont la banlité d’un jeune homme accompagnant deux filles un peu décalées d’âge aux sports d’hiver.

Tout est vécu en cinq mois car la relation ne s’emplira jamais que d’une discussion usante, incessante sur cette relation-même. Les pourparlers sont un malentendu complet. Tandis qu’il discute droits à ce qu’accomplissent les vœux d’un baiser échangé de nuit à force d s’être ennuyés ensemble dans les avenues de la ville-lumière jusqu’à échouer dans les allées boisées hors les murs, elle regrette déjà de n’être plus libre de son temps à défaut de son avenir. L’initiation est pire qu’à la déconvenue. Il apprend que son désir d’amour, que son ardeur à pouvoir aimer sans qu’il appelle ou vive cela une possession peut, si intense, si fondé soit-il, si exceptionnel qu’il croit, n’être pas recevable et que c’est irrattrapable. Il découvre accessoirement pour en souffrir davantage dimanche 13 avril 2014 . 20  heures 28 l’impossibilité de la posséder autrement que chaque jour où il ressent de plus en plus sa résistance à l’avenir et sa résistance à… comme il n’a aucune expérience sexuelle que les baisers en salive, il vit en voisin d’un autre corps que le sien, il sait que ce corps est féminin, il en a dénudé le buste dans l’inconfort de sa petite voiture, un retour de dîner chez un ami de régiment… cela existait à cette époque, son époque… il l’a trouvé de poitrine étrangement semblable à un garçon, guère de seins, il ne les touche même pas ou il n’en a plus maintenant le souvenir que de vue, pas d sensation, car il n’en est pas ému. Elle ouvre sans qu’il s’en rende compte sur le moment mais elle l’en imprègne pour de longues suite où elle-même ne figurera plus qu’en une nostalgie aussi imprécise d’acquis perdus que puissante, fascinante, constamment bouleversante, nostalgie de l’avoir perdu. Qu’est-c quun désir sans objet précis ? il le vit ès qu’il l’a quittée, contrainte des horaires nocturnes car ils ne peuvent dormir ensemble, ils n’habiteront ensemble que mariés et si les dates sont fixés, l’exécution est plus douteuse chaque jour venant. Il apprend le sexe féminin non de vue mais d’odeur et surtout de réaction. Le voici, soir après soir, toujours la petite voiture dans les avenues avoisinant l’hôtel particulier, pas trop près de l’éclairage public, à la caresser et à les croire heureux de ce qu’elle semble jouir. Mais sait-il même ce qu’est jouir lui-même ? et elle a fortiori. Elle ne commente ni ne murmure, ni exhibitionniste en parole ni animale en sensations à partager et à de nouveau réclamer. L’avenir est muet, le sexe n’est pas le sien. Quand d’exception, ils s’allongent dans la petite pièce qui jouxte le porche, elle y arrive nue, une culotte de laine étonnamment lourde et grossière tombée entre ses jambres, les cuissse inondées de ce qu’il n’a pas encore la mémoire et l’expérience de reconnaître à cela qu’elle désire, sinon lui, sinon son sexe d’homme, mais du plaisir, le plaisir. Elle est en avance oarce qu’elle lui cache tout et surtout qu’elle cherche à le quitter, l’aurait voulu comme amusement ce que leur éducation, seul point où ils sont à peu près semblables l’un à l’autre, interdit formellement. Il l’entrevoit nue dans le salon familial, il réalise à peine qu’elle est nue sous lui quand elle l’empêche avec ardeur de baisser son pantalon, d’être enfin nu, il ne l’est que de torse et amidonne tout ce qu’il a sur lui, il rentre chez sa mère, parmi ses sœurs et frères plus jeunes, peu avant l’aube, les mains, les doigts, le visage imprégnés des effluves d’une femme qu’il ne pénètre pas, même s’il savait comment s’y emmener lui-même, les emmener ensemble.

D’une fiançaille à une autre, il aura été initié, mais au tout contraire. La chute et la gloire du sexe, certes, pleinement, chanceusement, complètement, simplement, mais sans un mot d’amour, sans l’once d’une aspiration de l’instant vers quelque durée. L’épisode n’a été en rien décidé par lui. Mais à la manière de ce qui lui sera proposé d‘amitié de cœur et de corps, sans plus mais pas moins, par le seul homme dont il aura la liberté de le faire jouir de ses lèvres et de ses mains à son membre viril, il vit trois jours d’amitié qu’il aurait pu venir chez celle-là rechercher en rythme ou sans continuité chronologique, car elle trouve quant à elle, en lui apprenant l’essentiel par une première pratique si heureuse et si libre de texte, de promesse qu’il peut être un compagnon, un recours d’avenir. Elle viendra à lui mais dans des circonstances où ce n’est pas l’ingénuité qui le maintient prisonnier, mais une liaison dont l’ensemble de sa vie lui montre que ce fut une erreur. De quoi le protégea ce droit de regard qu’il avait concédé à quelqu’un et ne savait pas reprendre ? d’une vie autre, moyennant beaucoup de coûts et beaucoup de mutilations. Il ne répondra donc pas à l’appel car il s’en fera prendre l’écrit. Ainsi que tant d’images et d’objets auxquels il était attaché car c’étaient autant de minutes et de naissances à du bonheur. Le portrait de la femme multiple selon les recontres d’une vie s’equisserait, se préciserait désormais, sans qu’il craigne ou répugne de la rencontrer en visage d’habitude ou en regard de premier échange, celui de la rencontre, écho absolu de notre enfance.

Elle était venue le visiter, accompagnée d’un ami commun. Habitant toujours chez sa mère, rempli de la perte d’un début d’année déjà tendu par la bataille incertaine de dénouement du rang de classement propre à l’école où il était entré par concours, il l’avait accueillie avec la politesse de quelques rencontres dans ces lieux du désert, de la mer et de cette capitale en chantier très bon marché, sauf à comptabiliser les transports impraticables, l’eau courante arrivant par camions-citernes au bout de centaines de kilomètres d’une piste rude pour les mécaniques et pour les humains. Il y repartait en stagiaire de mines fabuleuses à l’équipement record selon beaucoup d’aspects. Il y aurait un voyage aller en bateau. Le bateau avait du retard quand il arriva à sa gare où elle l’attendait. Le premier soir fut de chambres séparées. Ils avaient déjeuné à la cantique de son université, et parlé comme ils ne l’avaient jamais fait l’autre année, celle oùs ils étaient ensemble dans ce pays étrange où les chèvres mangent du carton et où la ville se traversait sabs qu’on y rencontrât dans certaines de ses diagonales, le moindre bâtiment. C’était un sujet de conversation, il y avait celui de ses fiançailles ratées, il y avait pour elle ce garçon si raide dont la virginité était évidente. Elle ne donne aucun indice ni signal. Il est sur le palier quand elle sort des toilettes, elle porte, nue sous cela, une chemise de nuit courte, en satin ou en soie, il ne se connaît en tissus, sinon que c’est doux sous la main, aussi doux que le relief des hanches, celui des fesses, doux comme les seins qu’en silence il touche, sans émerveillement, sans recherche. Il se sent lui-même nu alors qu’il ne l’est pas et qu’elle ne l’est pas encore. Il est dans sa chambre, la plus petit de celles donnant sur ce palier. Une boxer tigrée, noire et bringer, va assister à tout sans un soupir et lui-même n’entendra que la question d’amour, résumée en l’interrogation répétée, pourquoi ce qu’ils font, la réponse étant ce qu’ils vivent. Il entendra aussi comme un cri de calvaire, comme un cri de naissance, son propre râle quand l’inconnu le submergera, celui d’un éclatement de tout son être, de tout son corps, en perte d’âme. La grâce lui est donnée en semi-inconscience qu’ils changent de chambre, vont sur un grand lit, qu’elle le ranime de sexe, le reprend entre ses cuisses jusqu’en elle. Se souvient-il alors de l’avoir aperçue en haut de dûnes, entre des herbes très hautes, verdâtres et grises, couleur du ciel au désert, sans doute à happer le sexe d’un garçon couché qui, avant lui, avait tenté de garer l’exclusivité de celle qu’il conquérait pour quelques jours et soirs jusqu’à connaître le premier baiser. Ce dont il se souvenait c’était de la gourmandise d’un visage goulu penché sur le plat préféré. Il est cette première nuit, toute la nuit, ce plat et il jouit de n’être que ce plat, que cette érection, que cet outil d’un plaisir pour le corps d’un autre au féminin lui rendant tout pour tout.

A ce point de sa randonnée de décennie en décennie, de relation, de copulation, de dénudation et de marche devenant priante à force de satiété et d’addiction à toute diversité, toute rencontre, comment ne s’apercevrait-il pas – maintenant qu’il a tout parcouru – de la redondance et de la répétivité de toute existence amoureuse tant qu’elle préfère le pluriel à l’impossible, l’inabordable singulier ? Car les deux temps de fiançailles de l’époque première de sa vie amoureuse – celle que définit le critère de réciprocité du consentement – ont eu en commun, très vite, la discussion sur la suite qui gâche le présent, l’un des deux fiancés répugnant de plus en plus à l’engagement consenti par une sorte de contrainte émotiionnelle. Et le troisième et derner temps de cet ordre, presque enfin de tout exercice, qui avorta comme les deux premiers quoiqu’il ait trent ans de plus mais parce que la promise était, elle, bien plus jeune que ses deux devancières, a reproduit, voulait sans doute reproduire, cette fois ultime, avec succès ce qui avait été naguère manqué, la féerie de l’exception, mais le jeu des corps sera différent, empruntant non au rite des fiançailles mais à celui  de l’initiation. La sienne s’était prolongée jusqu’à ce que le bateau publie son départ avec la marée du soir. Ils avaient eu la visite de camarades locaux, elle l’avait présenté. Devenue sa maîtresse, elle l’affichait presque et il se sentait extraordinairement au surplomb de tous ces garçons qui l’avaient peut-être possédée avant lui mais ne l’avaient plus, tandis que lui avant que s’ouvre la porte de leur entrée, la regardait puis la prenait nue, et sanglante, sur le tapis au milieu de la pièce principale. Il comprit qu’elle avait par prudence attendu son cycle pour leur complète liberté, surtout celle du novice. Trente ans plus tard, une fille blanche de peau comme on l’était avant la mode puis l’engouement pour le bronzage de peau qui va avec les bains de mer et plage, en tenue minimale, qu’il s’était refusée par il ne savait quel goût du record en maîtrise de soi jusqu’à ce que leur mariage soit béni, exactement comme elle-même s’était refusée à lui jusqu’à des fiançailles qu’elle jugeait déjà putatives au point de le lui apprendre comme un fait et de l’y faire acquiescer, en complète rupture de toute jurisprudence d’une vie et d’un mode de vie et d’une projection de suite de vie, tout à fait réfractaire à l’engagement, donc au sacrement et à la publication, une jeune fille, quelques heures avant de reprendre l’avion pour la famille et le pays natal, avait profité de son sommeil comme les filles de Loth jouant de l’ivresse de leur père. Se débarrassa-t-elle de sa virginité en érigeant le fiancé aux prolongations étonnantes et aux économies sexuelles ingénieuses et en introduisant posément en elle la docile production ? les draps avaient du sang à leur réveil, il voulut les acheter à l’hôtel de cette nuit-là. Il n’avait rien senti, elle n’avait rien fait qui lui apprenne ce qu’elle s’était administrée. Elle rendit simplement compte. Etait-il ainsi le premier ou voulait-elle, ayant commencé ailleurs et autrement, leur faire changer la relation qu’il limitait au présent par une certitude dogmatique de l’avenir, le leur en nuits et jours de chair, de bonheur familial et de rêves très classiques quand s forme un couple.

Il lui sembla quand l’eau, l’estuaire, la pleine mer, l’océan l’eurent séparé de sa première femme, qu’il était devenu autre. Il ne s’engageait pas dans la course aux suivantes, il n’avait aucune curiosité de ce qui serait pareil et de ce qui diffèrerait avec celles-là de celle-ci, non ! il lui semblait être différent de lui-même, il lui semblait être désirable par une femme, toute femme. Ses premières fiançailles, quand du choc et de la foudre il se reposa un premier instant, n’avaient pas été aussitôt marquées par l’interrogation qui les cassa, la pétition d’exclusivité et d’enfermement, de droits acquis en quelques instants sur une jeune fille, pas vraiment femme qui eût de beaucoup préféré jouer, à presque tout d’ailleurs sauf au sexe. Son interrogation à proportion de sa certitude d’être accouplé pour la suite et la fin de sa vie, de leur vie, fut un instant celle de l’exceptionnalité. Etait-elle vraiment, entre tous les temps, entre toites les femmes, la plus belle de toutes. Marchant vers une des places les plus célèbres du monde, le long d’une des avenues au statut encore plus notoire, des feuilles d’érable faisant décor au sol de gravier, lui avaient inspiré réflexion et recul. Tiré d’un roman dont l’autur était Nobel, un film leur avait montré une actrice, elle aussi blonde pavide, ressemblant donc à sa propre héroïne. Heureusement, à l’image, la vedette avait les ongles courts manifestement rongés, alors que la fiancée avait des mains convenables. dimanche 13 Avril 2014  . 22 heures 12 à 23 heures 43

Il ne lui resterait que le charme, dont il est sûr encore qu’il opèrerait au sens d l’émouvoir et de le priver de voix, de réaction, et aussi le souvnir d’un calvaire qu’elle saurait raviver en niant qu’ils aient vécu, ensemble et par leur rencontre, même éphémère dans le temps mais centrale dans un autre qui s’appelle éternité, quoi que ce soit d’inoubliable. Le charme d’une indécision distraite, d’un attachement volage et amusé dont elle l’avait gratifié. Ce fut le sérieux d’une nuque, d’une chevelure retenue, celles d’une jeune fille de quelques rangs devant lui en amphithéâtre peu garni, d’une faculté de leurs habitudes, de leurs années et diplômes. Il l’aborda, lui emprunta un ticket de métro pour très vite ne plus aller dans la même direction. Il a alors joué comme jamais des fiançailles de son âge, les cours que l’on sèche, l’envie permanente de l’embrasser, de la regarder, de la détailler et de l’avoir nue. Il est initié depuis peu au bonheur des sens, il a eu sa première fois et par comparaison, une seconde avec une professionnelle dont il a placé le sort et le quotidien très fréquemment dans ses prières d’adolescent prolongé. Mais il n sait pas pour autant s’y prendre et donc la prendre, la poésie n’en est que plus intense, plus neuve. Ils sortent ensemble, mais rentrent aussi. Chez ses parents, absents par chance. Robe de soirée ivoire, à l’aller la longue mise des gants pour laquelle il l’aide, récitant intérieurement des phrases de bonheur et de liturgie. Elle l’a envahi de bien davantage qu’un coup résumant et frappant tout comme il l’avait autrement vécu avec la première dont il ait résolu de l’épouser, elle l’emplit d’une sagesse, d’une suavité qui le rend contemplatif et silencieux. Au retour, il y a le salon, le canapé, ils sont debout, la longue robe des épaules aux pieds descend doucement, soyeuse, pas bruissante, le corps mat apparaît lentement, chacun continue, les enveloppes, les gestes, le regard, rien ne bouge que leur lenteur. Prise de conscience, c’est elle qui dit soudainement où ils en sont, où ils se trouvent, ce qu’il a failli arriver. Est-elle déjà complètement nue ? Elle le sera pas beaucoup plus tard, dans une ambiance de complot et d’un temps dérobé à tous, au temps, aux parents et famille, aux études, à la nuit, porte de service, chambre qu’on disait de bonne, guette que des pas s’entendent vers la cuisine attenante. Il y a un lit, comme il y en avait un, chambre de gardiennage pour l’hôtel particulier de l’autre année, de l’autre fiancée. Mais c’est de l’or, tranquille et mat, cuivré. Elle est d’une chair reposante, elle est ample, pas grande, elle dit et sourit, qu’il était temps qu’elle connaisse cela, ils ont presque le même âge, il ne sait pas grand-chose de plus qu’elle sur le sujet, elle ne s’ouvre pas, il ne sait pas l’ouvrir et quelques jours, tendus, vont couler, les happant d’une envie d’y arriver. Il demande conseil à son frère très aîné, médecin. La porte étroite, sans doute, mais si deux doigts… le seuil réputé anatomiquement et selon les manuls, du plaisir, le col de l’uterus. Son  frère, à la femme ravissante, le nez de Chaplin les yeux bleus foncés, la chevelure abondante et retenue comme celle que – lui maintenant – a dans les bras, sous son propre corps, et puis tout cède, elle a mal, elle crie presque, étouffe tout. Il l’a eue, elle n’est plus vierge, la date va se retenir, l’heure, le décor, les couleurs orangées de la chambre en l’unisson exact, si beau, si tiède de la peau mordorée, il va les retenir, tout retenir quand tout se sera échappé, aura été abandonné par force, par sa propre incapacité. Elle a les yteux, elle, gris, parfois verts, parfois plus sombres, mais toujours intenses quoique sans lourdeur, celle de l’insistance, quand elle le regarde. Car elle l’aime. Le sait-il ? le savait-il ? Il mendiera la suite et l’habitude, elle éludera, représentera le risque, croira être enceinte et il résoudra avec certitude de l’épouser. Il n’y a pas d’enfant, il n’y a rien à craindre. Comme la première fiancée qui récitait l’adage du bonheur qui n’est tel que caché, elle le dissuade, le supplie de ne pas se déclarer, avec autant de prescience que l’accompagnant à un train pour les sports d’hiver, elle aussi, répéétitivité des vies et des rites, la religion en cela n’invente ni ne propose que peu, il l’avait supplié de ne pas l’envahir autant, de ne pas le pousser tellement sur la pente émouvante, trop émouvante, de l’amour quand la conscience s’en reçoit. Ils se fiancent quand même et le fiasco suit de peu, il n’a pu oublier la première et il tombe en tentation d’une drague qui l’avait flatté. Il entre ainsi dans le désordre d’une vie qu’il ne gouvernera plus, et plus encore dans une connaissance de lui-même, d’une personnalité, la sienne, subordonnée aux circonstances et croyant se consacrer à la recherche de la beauté dont il est aveugle, et ignore l’essence. Il n’éprouve que des fascinations, sous son dehors impérieux et de jeune homme bien doté. lundi 14 Avril 2014  . 07 heures 35 à 08 heures


L’écrin des circonstances, toujours le même, la suroccupation, les cumuls. Là-bas, la joli octavone certes, mais il avait pu hésiter avant, après, pas pendant le soir initial, entre plusieurs, vers autres qu’elle, puis la douceur de succomber à l’unité avait résolu ce qu’il vivrait vite en obsession malheureuse. Le coup de foudre avait retenti dans une bataille jusqu’alors confuse. Il y avait l’enveloppement sirupeux d’une héritière pas très jolie mais si chaleureuse et entreprenante quoique – rétrospectivement – pas aussi précise ni orientée qu’elle aurait pu être et qu’avec d’autres elle serait. Du baiser sans sexe, de la voiture sans tentatives. Et aussi la réminiscence d’une sorte de réincarnation, la fée d’autrefois, car à vingt ans, une centaine de mois sont cette préhistoire dont il sortait, le sourire féerique lui revenait mais d’une jeune fille, disponible. Les fiançailles avaient coupé court mais l’avaient versé au désert. Ses secondes suivaient l’annonce fortuite de celles – également secondes – de sa première fiancée. Il n’avait pu rien rattraper, il n’avait rien pu, c’était irréversible. De loin, il la reverrait, la croiserait, rien ne serait plus, le charme se dissoudrait aussi, il ne demeurerait que la peur du face-à-face proclamant qu’il n’avait vécu que le néant. Le même soir, qui était festif, dans un château de banlieue heureuse et illuminé, il avait été saisi par une blonde, au corps quelconque, au visage et à la moue de mode, mais au regard et à la voix uniques, l’empire d’un envoûtement qui l’avait gouverné pendant même qu’il se fiançait à nouveau et laissait prévoir son mariage. A l’exercice habituel d’une soirée habillée, cravate noire et robe longue, banalement, elle l’avait invitée et il n’osait ni refuser ni répondre qu’il viendra accompagné, sa cavalière – vocabulaire d’une époque – la bague au doigt. Y alla-t-il après la rupture ? Domination qui recommencera après son mariage à elle quand elle le relança, organisa des solitudes dans des lieux en principe peu propices, l’appartement du nouveau couple et celui de sa mère à lui. Chaque fois la folie d’une étreinte jamais possible, entre eux une robe tordue comme un linge de toilette ou de cuisine, mouillée de leur sueur, jamais dénouée d’une chair opulente, attirante mais qu’il était incapable d’honorer après les heures d’efforts qu’elle lui imposait sans s’ouvrir ni vraiment s’étendre. La folie proche, une expérience encore plus mortifère de l’obsession qu’un chagrin d’amour. Et puis, pour se fiancer à nouveau, il a avait dû congédier une façon d’ange exotique, l’âge pas encore du baccalauréat et venu du pays juste voisin, saveur de la langue quand on l’entend parler avec l’accent et les cocasseries de vocabulaire des transpositions depuis une autre, celle maternelle. Personnage durable dans sa vie, mais inoffensif pour ses sens car les parents de la jeune fille presqu’encore enfant avaient mis délais et garde-fous pour que les deux amants en restent à la fleur bleue sans aller à celle d’oranger.
Elle dériverait vers le pluralisme et la passion physique mais pas pour lui. Elle serait captive mais pas de lui. Il visiterait leurs premiers lieux en son absence, se recueillerait dans une chambre d’adolescente où elle ne l’avait jamais accueilli, subtiliserait en la humant une petite culotte blanche qu’il ne conserverait pas, l’ayant fait confondre avec le linge de ses sœurs dans la machine à laver de l’anonymat. Joliesse extrême d’un couple de quelques heures en de beaux sites. Maternité, fratrie, aventures plus complexes encore que les siennes. En commenterait-il un jour la philosophie en se disant chacun tous les faits, réalisme de l’érotisme, rêve de l’union. Il aimait le souvenir mais n’a jamais vraiment rencontré une femme qui en vive et y revienne autant que lui. Vivre au présent, pour ce qu’il connaît de la manière des autres, quand ils sont des femmes, les ampute du passé. Pour lui, au contraire, la mémoire est le socle où poser l’encensoir fumant du présent qui n’est vivable que par attente et espoir du creux s’ouvrant de l’amour, malgré le quotidien lissant tout sans merci ni laisser aucune prise.

Ce qu’il apprenait, de toutes en succession, était un multiple de l’amour, sans plus. lundi 14 Avril 2014  . 09 heures 48 heures à 10 heures 17

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