lundi 14 avril 2014

Changement de signe - 2ème registre - chapitre 6 photographier elle nue




Chapitre VI

La photographie d’elle nue






Il la surprend qui l’attend, silhouette à contrejour, voilage de rideaux pour une rue en impasse et des murs aux couleurs claires en vis-à-vis proche. lundi 14 avril 2014  14 heures 53  C’est l’après-midi, l’aime-t-il aussitôt ou ensuite, il la fait rester debout dans la pose où il l‘a trouvée, mais nue. C’est du noir et blanc, elle a un poitrine à peine marquée, tout le corps, sauf l’appui des jambes au sol, parfaitement symétrique de la racine des cheveux au bas des cuisses, aux genoux. Elle se tourne, elle comprend, il la photographie donc, il découvre. Il découvre qu’elle est belle. Il ne le savait pas, il avait cédé à sa présence, à une sorte de lourdeur primitive, évidente quand le hasard lui avait fait la suivre le soir où précisément sa mère et l’une de ses sœurs la recevait et il avait été requis pour la remmener en voiture. Il avait mis du temps à réaliser qu’elle entendait mal et parfois pas du tout. Il commença à lui écrire sur les nappes en papier des restaurants de la ville marchande et maintenant capitale multinationale pour les institutions où il devait faire figuration pour le début de sa carrière. Lentement, profondément il avait épousé sa solitude de fait et de volonté, il avait écouté ses narrations d’une jeunesse en bande dans une région de gentilhommières, de chasseurs, d’un société se décatissant avec des arbres généalogiques et des officiers pas très gradés et sans commandement. Il se sentait frère et père avec elle, leur première fois ne pouvait que l’émouvoir puisque cette panique exaltée d’être prise à son croc d’homme semblait signifier une longue attente, elle avait un légende de lui mais lui ne savait rien d’elle, sinon que vite sa mère – à lui – la détesta alors qu’elle la lui avait présentée, recommandée, presque confiée. Sans doute, parce que très vite l’union de chair fut évidente autant pour eux que pour les tiers, que pour le monde entier. Pourquoi ne l’épousa-t-il point, pourquoi n’accepta-t-il pas l’enfant s’il en est du plaisir, setllaire, solaire, lunaire, sorcier, naturiste, labourant, torturant, les mettant en larmes et la faisant terminer – elle – en léthargie, couchée sur le côté « en chien de fusil », le sexe ouvert, offert en profondeur, d’une complète impudicité. Ce furnt ses premières images d’elle, endormie, le visage tuméfié par ce qu’ils venaient de vivre. Plus tard, avec la couleur, il y aurait la marque en plaques presque rouges de ses mains pour l’étreinte. Une fois, quand il avait à la quitter et à revenir au port d’une attache de moins en moins voulue, elle l’avait tant mordue qu’il dût prétexter un passage à tabac dans une rue à inventer… qustion sans réponse que sa beauté, à présent certaine, calme, statique, hiératique, posée, en ressemblance pas encore identifiée avec Hélène Fourment de Rubens, mais en débutante, sans les embompoint et les suppléments d’époque, lisse, pleine. Elle a vingt-six ans, rien frémit, rien ne boursoufle, tout est complet, amplitude des fesses et du dos, le rebond de celles-ci, le ventre avec le léger renflement des vierges médiévales, les seins marqués plus de la pointe que de leur volume.

L’année d’après, elle a la pose des modèles, la jambe repliée, celle qu’il faut pour que tout se voit qui est masse et galbe, mais pas ce qui a l’obscurité indiquée par la nature. Bronzée comme une blonde dont les cheveux éclaircissent encore au soleil, le profil heureux, la tête de trois quart pour une autre image, elle est parfaite. Le cliché lui sera volé comme tout ce que son archéologue en visite, systématiquement s’approprie, en recels d’objets ou en destruction de ce qui lui confirme qu’elle a une rivale et a, en cela, images et joie de chair, le dessous. Il ne lui reste que l’antériorité et la sorte de soumission qui la pousse à le dominer, à ne pas en être quittée. Elle n’aura été photographiée qu’à ses débuts, peu, avec une grâce qui ne l’aura cependant pas retenue et que chaque femme a, tout de même, pendant un moment de sa vie. Pose devant un feu, danse d’une immobilité saisie mais qui n’était pas telle. D’autres plus belles, multicolores de pellicule mais blanches, bleus et beige doux pour ce qu’il voit et saisit, retiens. Elle est assise au bord de la piscine, c’est le jardin en contrebas de la maison-villa abritée d’eucalyptus et ayant regard sur le célèbre estuaire, au pied d’une colline royale. Au retardatur, ils prennent ce moment d’apothéose du physique de leur couple, de dos, de face. Leur assort est évident. Il est tellement pris par la révélation, la preuve de sa beauté qu’il encadre et place la principale des photos. sur la colonne baroque, en bois doré et verte, qu’il vient d’acheter, sur l’autre rive du grand fleuve. Il la voit, c’est son triomphe, la beauté de celle qu’il peut étreindre. D’autres montrent la compagne comme un ornement, comme l’accessoire exhibé d’une médiocrité qui doit emprunter à la jeunesse et à la beauté réunies pour lui-même n’être pas trop raté.

lundi 14 avril 2014  17 heures 30 à 18 heures 08

D’autres images parce que les lieux en donnent l’idée, décor d’une salle-de-bains d’hôtel, des carrelages à damiers, à losanges, le noir et blanc une fois de plus  propice. Elle reste assise, mais elle évolue ainsi, elle prend une des rares photographies qu’il ait de lui, nu et encore jeune, vrai, le profil qu’en général les femmes, de lui, ont apprécié. Mais l’organisation, le système, un atelier au vrai ne s’essaye puis ne s’installe qu’ensuite. La moquette d’une énième maison pour une énième affectation dans un pays de montagne, de forte verdure, d’hiver qui rend les habitations très chaleureuses et calculées pour les volumes intérieurs. Il y a donc tout, la scène principale mur blanc et au sol drap blanc, des lampes de couleur. Ce devient un travail, ils le pratiquent évidemment tous deux nus, elle ne se lasse pas, elle consent sans cependant réclamer l’exercice. Elle se sait libre et en valeur, elle fait de l’impeccable ou du suggestif. Parfois, elle prend une série de lui. D’évidence, la femme sait poser, sait souligner ou effacer, montrer, équilibrer et donner à son visage la neutralité inexpressive mais pas froide qui laisse au corps, lequel n’est jamais chair, doit n’être que volume, forme, ligne pour la découpe de l’image et le tracé par éclairage, le premier, le seul rôle. Des heures, des centaines de clichés, des halètements – lui – et des conclusions ou pauses – elle. Cela pour de l’image aux fins d’image. Mais il y a comme à leurs débuts en hôtels de passage, les gisants de lit, les songes éveillés de lit, bien autres que ls artifices et trouvailles entre formes et luminescences, les draps, les heures, l’instantané change. Un troisième décor, le moins artificiel, va produire le plus intense, le plus sculptural, un peu plus tard en rivalité avec les nus de musée antiques. Il manquera toujours l’homme à la fois parce que Praxitèle eut des modèles que lui n’a pas, quoiqu’il en ait sollicité un sans d’ailleurs savoir si le nu de ce jeune collaborateur aux mains laides mais au visage et à la silhouettes avenants, qu’on disait beau, qu’il trouvait beau, la tentative tâtonnante de phrases conduisant à la proposition libellée en question tourna court et le refus était implicite, on débordait d’ailleurs le cadre professionnel d’un bureau, de compilations diverses et de renseignements utilitaires… et parce que lui-même à supposer qu’il convienne morphologiuement, ce qui n’était pas sous certains angles, ne sait pas plus poser que danser ou regarder un objectif. Donc, c’était elle, sans cesse e ce fut un après-midi où elle vivait sa mauvaise humeur en lisant du suspense mais en le laissant la photographier. Le soleil étalait, n’insistait pas, de la lumière sur chair lisse, sans marque ni limite de linge. Le grand angle permet le très gros plan, le détail qui fait paysage, ou l’ensemble qui produit l’idole ou la trouvaille. Réussite totale qu’il illustrerait plus tard de textes. Nouvelle ambiance, l’image et non elle de corps autour duquel il tournait en s’aplatissant ou en surplombant ou en jouxtant une épaule ou le genou. Aucun bilan anatomique, la simple et tranquille joie de tracer ainsi des lignes reçues mais ni sollicitées ni forcées, encore moins inventées pour l’artifice. Les couleurs étaient aussi simples que quelques auparavant à l’arrondi de la piscine, il n’y avait pas d’ombre, il n’y avait pas d’éclat, l’immobilité faisait matière de ce qui est vie et qui l’accueillerait autrement.

Un autre essai fut plus complexe et il crut ne pas aboutir. Là encore, les lieux, le décor, un ancien palais, un étage au palier intérieur de fortes murailles militaires, baignées par la mer dense parce qu’ell était calme, aux trois quarts de leur périmètre d’où émerge une colline herbue avec quelques rochers en sommet. Les pièces intérieures, trois ou quatre petites, presque des chambres à coucher, et une salle avec plafond, poutres, plans inclinés mais haute. La photographie s’impose. Alors, intervient un autre modèle qui a déjà prêté une silhouette moins belle, de jambes moins jointives, de dos légèrement défectueux, mais le ventre, la poitrine ont de la puissance, une sorte de séparabilité avec le visage, un contraste maniéré, cependant rien de déséquilibré. C’est celle-ci qu’il photographie la remière puisqu’ils découvrent ensemble le lieu. Il va vouloir y emmener celle qu’il préfère, esthétique comprise, et lui faire adopter des poses analogues. Illusion qu’il souhaite assouvir de silhouettes qui se rencontreraient, ne s’opposeraient pas, s’épouseraient en partie. Il n’a jamais eu l’idée ni le goût d’un moment à plusieurs, c’est-à-dire à plus de deux, donc pas davantage l’occasion d’images de couple féminin, celle des époques classiques de la peinture mais moins de la sculpture : les trois Grâces. Prétexte. Il se manifeste ainsi à lui-même qu’il a envie des obstacles et de victoires sur ceux-ci, le consentement à des arrangements moins naturels, moins familiers. Elle se donne peu.

Il tente alors beaucoup plus, suscité soudainement par le hasard d’une montée, au plus fort du soleil, dans des ruelles blanches de murs et de contour des dalles au sol, avec leurs échappées soit sur le monastère moins célèbre que la grotte en contre-bas où fut écrite un des textes les plus forts qui aient jailli jamais d’une plume tenue humainement, le contraire du précaire, le monumental quan tut doit mourir sauf la pensée, sauf l’image, sauf la mort. Avec l’imparfaite qui a de l’audace, il joue alors de l’extraordnaire, personne ne vient, ne monte, ne descend, le silence, la lumière verticale, pas d’ombre, car c’est elle qui a eu l’inspiration. Qu’il la photographie nue dans un tel extérieur, sous aucun regard que celui de l’amant et de son appareil à objectif. Cela marche, cela se respecte, les murs, les ruelles, le monastère, l’immanence de l’heure méridienne, d’une île qui fut prophétesse accueillent la nudité devenant, dans un tel ensemble, proprement angélique, ton sur ton. Recommencer avec l’aimée n’a pu être qu’approximatif. C’est la dernière séance pour chacune qui ait produit autant d’images. Antan, il avait parfois photographié des statues de plein air, avec passion et selon un dialogue étrange si l’on n’a pas l’expérience qu’une œuvre d’art, une toile, une sculpture accueille avec plus de personnalité qu’un interlocuteur vivant et répliquant. Maintenant, les statues sont à authentifier, à placer, à prendre, chacun devient objet, lui figure le peintre ou le tailleur de pierre, elles, elle au pluriel sans savoir chacune qu’elle répète une autre ou sera répétée par une autre.

Un très long intervalle a séparé ces ouvrages, ces images écrites et commentées, d’une suite qui l’étreint soudain, qu’il lui faut réaliser, et à laquelle il parvient dans une forme d’addiction folle alors que les séances de plein air ou en chambre étaient tranquilles, respiraient. Un film le convainc d’une ressemblance avec l’artiste en quête d’un tableau absolu, pour lequel il lui faut un nu et surtout une docilité, une durée, des obéissances, une inocuité qu’il ne sait où trouver mais qui se présente. Ce n’est pas lui qui s’impose mais elle qui, déshabillée, lui fait tellement front du regard et de la totalité d’une offre de corps sexué, précis, tenant l’immobilité sans invention qu’une indescriptible, insaisissable présence, qu’elle le subjugue et en fait le détruit. Il en perd le sens et la technique, le travail lui échappe, l’esquisse et les traits doivent au secret de n’être pas, et de très loin inférieurs, à ce qu’il n’arrive pas à interpréter. Il ne possède strictement rien mais le récit ne propose aucun dénoument ni la banalité d’une lutte pour la prise en chair. La photographie lui donnera le rôle. Il s’imagine déjà en fièvre, mais qui prendre pour l’image ? quelle femme offrant la surprise qui subjugue, acquiesçant à une possessivité exaltée, prêtant irréversiblement images, apparences ? il n’a pas délibéré ni choisi. C’est une drague de lit, mais de lit d’hôpital, de plateau chirurgical, elle l’ayant regardé gisant, comateux par artifice, livré au couteau et au projecteur, lui la recevant allongé et dolent, la considérant en blouse blanche médicale, sensuelle au possible tellement qu’il en subit une fascination sans précédent pour lui depuis vingt ans et cette ancienne prise de possession à laquelle il avait failli succomber, réduit à la folie de l’impossible assouvissement. lundi 14 avril 2014  piscine Aquagolfe 18 heures 45  à 19 heures 30

Les acceptations… un des mouvements humains les plus secrets, mais surtout les plus décisifs pour chacun des deux qui se sont déjà liés, rencontrés du fait de la demande de l’un, qu’il y ait suite ou pas, refus ou non. Cela avait commencé dans ce qui s’appelait à son époque – pas encore une « boum », le terme est resté actuel, mais l’autre est passé de mode – une surprise-partie. Venir accompagné, être recruté comme cavalier, comme danseur, aller chercher la donzelle, mais le métro, quoiqu’en smoking, les dix-sept ans qui ne sont pas une comédie mais la font cependant jouer. Tout est interdit, tout est guindé, c’est pourtant un commencement de vie, le motif est de bouger, danser, remuer ensemble, la pratique est tout autre, elle est parole, voix basse, confidencesn coincidences. Ainsi plusieurs générations sont arrivées à l’air libre. Le déconfinement serait ensuite, il est étonnant que l’époque, ces époques n’aient pas été aux divorces et ruptures dès qu’enfin s’ouvrent à mi-jour des fenêtres, des rencontres de hasard, inattendues mais inconsciemment souhaitées quoiqu’avec crainte. Il peut y avoir pourtant malgré la gaine de la société, malgré celle que portent encore beaucoup de filles sous le jupon, les crinolines et la comtesse de Ségur ont juste cent ans à son adolescence, la lumière soudaine diffusée par une présence à peine physique. mardi 15 avril 2014  11heures 22  à 11 heures 44  Sans date, parce qu’inoubliée, une proposition leur échappant à tous deux, non à chacun, car elle les a pris, saisi ensemble. On aurait pu dire assemblés, tant ils se ressentirent ajustés l’un à l’autre à ne plus s’identifier eux-mêmes. Blonde cendrée, robe à peine plus foncée, silhouette à ne pas remarquer mais qui ne dérange pas, le pur esprit ? non. Les yeux sont gros, la voix est exactement celle qu’il veut entendre, à la limite de l’audible et pourtant d’une présence à tout envahier, à tout effacer de ce qui n’est pas ellee, une voix messagère, ils parlent, ils écoutent, ils s’écoutent, ils constatent sans avoir à le dire l’exacte coincidence de tout, l’exact plaisir de s’entendre et de se rencontrer ainsi, qu’aucune note ne trouble aucun arrangement, que rien ne soit artificiel, qu’il n’y ait rien à faire. Sans aucun des qualificatifs ou des comparaisons que font surgir les moments amoureux pour les tiers ou dans la mécanique du souvenir, ils jouissent du moment et oublient qu’il peut y en avoir d’autres, que des sensations différentes arrivent et s’en vont dans l’existence humaine. Ls visage est simple, elle est calme, elle est autant libre que requise, ils sont faits pour l’instant de cette rencontre, ils y sont pleinement. Quelques jours après, sans conclure non plus à cette vocation religieuse ou sacerdotale qu’il se croit de plus en plus au point que les concours qu’il réussit, les affectations qui lui sont données pour un service national dont il pressent que beaucoup de sa vie à venir va dépenre – ce qui se réalisa et continue encore – il lui écrit  et la refuse, elle et leur avenir, elle à mieux connaître pour la seule fin de s’unir à jamais avec elle et en tout. Il n’a pas acquescé à ce qu’il avait pourtant identifié. En amour, le vugare a raison de comprendre d’expérienc que les plats ne repassent pas.

A chacune des étapes, quelques quinze ou vingt ans de durée, pour l’une, l’autre, la troisième et ainsi de suite, il a tenté de la retrouver, il a même inopinément lu le nom et certaines des interventions de son père dans le passé, dans des circonstances historiques de politique financière pas neutres. Mais d’elle, aucun indice, aucune trace. A l’inverse, en voici une, dont tout le monde veut, qui serait et qui est la fille à tout le monde, guillemets et gaité, mais qui le préfère inexplicablement car il ne danse pas bien, n’a que lui-même pour plaire dans un système où les générations organisent leur reproduction et se passent les biens et les positions en ligne directe ou presque. Elle a de jolis seins et les montrent, ce qui dans ce genre de soirées arrangées par des parents attentifs est rare. Elle a la beauté nervalienne, la silhouette évidemment piquante, elle s’habille souvent de rouge, elle se réjouit chaque fois de le voir, et lui qu’elle le lui manifeste, et même qu’elle le fasse comprendre à ce qui seraient des rivaux. Cela marche quelques mois, quelles années puis tranquillement, une fois de plus à se retrouver, sans jamais se donner de date ni de lieu, elle lui dit avoir dû promettre à son père ne plus le revoir jamais, lui, fils d’un mauvais sujet selon des renseignements et rumeurs courant la capitale réduite aux acquêts des positions acquises. Il n’est d’une hérédité fréquentable. Exoté, il s’en va et ne sait pas pleurer. D’elle aussi, il cherche le sillage, quinze-vingt ans plus tard, et la repère, lui donne alors date et lieu. Elle a divorcé, a eu des enfants, elle est lesbienne, très heureuse dans une pratique dont elle n fait ni mystère ni description.

Ces refus quand rien n’est demandé, ces acceptations données quand si peu est à fleur de main, en guise d’un léger adieu qui ne signifie aucun revoir. En garçon, smoking d’homme, cheveux plus noirs, plus frais et luisants que les revers du costume, en compagnie d’une autre qui lui semble jumelle, celle-là, alors qu’il n’escomptait de passage dans cette ville où il avait séjourné pour un moment professionnel, vingt ans avant, la décennie double serait son rythme sans que ce soit cependant une chronologie pour la construction d’une existence humaine logique, linéaire selon les conventions sociales et aussi les accumulations comptables permettant l’investissement et produisant de la sécurité, une autre forme d’assurance que celle octroyée par la jeunesse, la beauté, le souffle certain d’être soi-même et en accord avec cela, voici une agréable apparence, presqu’exotique, une fille longiligne à laquelle ne pas donner d’âge, puisque lui-même a atteint ce nombre d’années qui suspend le titulaire éphémère entre jeunesse et maturité, la quarantaine dont on ne sait jamais si elle commence ni finit. L’époque de la disponibilité de tout, de soi aux circonstances, des circonstances à l’entier du hasard. Ils se revoient, elle lui dit vite que tout de suite elle eût voulu, au moment précédent, le suivre pour se pénétrer de lui, une envie océanique. Ils se la passent mutuellement, dans un appartement pas loin du centre cathédral de cette ville emblématiqu, pas loin des bras multiples de cet affluent du très grand fleuve. Surprise, le corps fin, longiligne tenu par le vêtement masculin, s’étale sans structure quand le puzzle de l’habit se disperse, le lit est vaste, la pénombre lui apprend une chair désossée, plus tard une silhouette laide sous tous ses aaspects, peau et chair tombent, maladie qu’elle ne nomme pas, fait de naissance irrémédiable, une souplesse qu’un acrobate au sol ne peut acquérir que bien moins, elle le lui montre, rien qu’en courbant ou allongeant la main, ou le pied. Décontenancé, il ne sait la prendre, les prises manquent et soudain tout s’opère, arrimé en elle, la merveille est patente, il est dans l’île la plus tempétueuse et calme à la fois, au centre de tous les confluences d’océans multiples. Les fantasmes lui viennent de partout, ce n’est plus lui qui de sexe se perd dans une immensité que lui avait fait croire cette singulière absence de morphologie. Mais c’est un bonheur sensuel si parfait, si stimulant pour d’autres déploiements de l’imagination que le contrase est trop fort avec les habitudes minaudantes, les incapacités d’un accueil pratique, ils agacent mutuellement, ils s’irritent, le visage a un ovale qui lui plaît, la silhouette habillée lui fait progressivement jouir de la nudité et des étrangetés morphologiques mais le décalage entre le niveau de vie que la célibataire est en train d’atteinte, grâce à un bon savoir faire professionnel et lui-même en attente d’une affectation payante, les séparent. Il apprendra son départ, et sa résolution de tenter à nouveau la transition du désert pour le corps et pour les gestes du cœur quand il veut du chaud, après qu’elle l’ai exécuté et ait mis entre eux une frontière de géographie puis celle d’un amant successeur qui, par jeu des coincidences, a son prénom et sa date de naissance mais n’est pas lui.

Alors, il sait ce que vaut et pèse une acceptation en vie ou en amusement. La vie fait moins peur que l’amusement et pris, enivré par l’histoire filmée du voyeur et du modèle, chacun exhibant quelque chose de soi, l’un la passion de chercher l’origine de tout art et de toute expression, l’autre le défi d’une nudité provoquant l’intelligence et la considération, non le désir ni le geste, il accueille celle qui l’avait examiné quand il faillit devenir un cadavre. Des chandelles, des bougies, un repas, leur premier et chez lui. Dehors, les rebonds de colline où s’organisa la défense d’un continent et s’inventa une boulangerie pour évoquer le signe d’une religion repoussée. Dedans, entre eux, tombent les vêtements d’une façon de table d’opération, les positions se prennent, il fixe et arrange, il va et vient, elle tourne à peine. Il a oublié ce qu’il avait avec dilection organisé ou saisi dans les rues insulaires, étroites, sans trottoir, usées de soleil, mur par mur où avaient défilé l’une et l’autre de ses conquêtes, car c’en était pour qu’elles évoluent ainsi en extérieur, si nues, qu’il avait multiplié en pose sur écran mural grâce à l’artifice de lumières changées puis réglées. Ce soir-ci, il est dans un univers où la sensation de posséder par un emmagasinement aux promesses d’indéfinies disponibilités, et d’elle il ne distingue que la silhouette sans épaisseur, que quelques ombres et le regard qui l’appelle, lui demande si c’est bien. Ils continuent tous les deux, il remplace la bobine usagée, une fois, deux fois, trois fois, le nombre pour le matériel ne produit aucunement une satiété, une durée. L’instant est entier dans ce face à face d’un voyeur à la jouissance retardée et d’une femme qui se prête ainsi à lui, qui lui avouera un peu plus tard qu’elle veut et accepte de l’accompagner n’importe où et n’importe comment, à perdre son métier. Elle a évoqué à peine son piano, il ne montera jamais jusqu’où elle habite. Il constatera pas tout de suite que les photos n’égalent en rien celles d’antan, en couleur et au jour de femmes autres, avec lesquelles il célébrait plus encore le sacrement du sexe, et en pleurait souvent de bien-être et de bonheur ce qui n’est pas équivalent et s’aditionne rarement. Il découvrira et s’en attendrira que les images les plus justes d’elle ont été prises par sa mère, à la porte entr’ouverte, aux battants très élevés, quand elle fait mine, étonnée, d’arriver en costume de bain tout à fait banal. Il se souviendra surtout qu’il l’a constamment désirée rien qu’à la revoir une fois, qui fut la dernière, les chevilles un tout petit peu nues au haut de chaussettes blanches pour des baskets bleues marines. Elle avait accédé à sa demande, elle dormit chez lui, il y eut plusieurs séances de ces poses. Ils ne commirent pas l’amour, il en avait tellement envie qu’il n’en esquissa rien, qu’il ne sut pas et ne saura jamais si elle aussi… Il y eut quelques lendemains dont il tira un récit et la couverture d’années tout autres, rejeta la mouvance et les pénombres, le regard, l’interrogation, l’aveu dans ce qui se fige.

Il y eut une tentative jumelle. On avait poussé vers lui une femme que dégoutait le physique du mari et qui semblait à un semi-parrain de grande notoriété et de grande moralité, même patriotique, dans ce pays qui n’est étrange que par son exceptionnelle histoire tenant à des personnes, à une lignée familiale et à rien d’autre qui ait été militaire, politique, économique, quelqu’un à gratifier. Il s’en donna des images, de plein jour, ayant fait une ambiance par de la musique locale, qui est le panthéon de la musique dite classique, elle avait un corps différent, aux reliefs lisses et surtout inexpressifs, elle posait bien en danseuse, également classique, qu’elle avait dû être adolescente. Elle se plaisait à elle-même, moins à lui, elle ne se discernait pas et il ne savait d’ailleurs s’il y avait quelque trait la caractérisant. Elle refusa ce qu’il se passe entre une femme et un homme nus, elle ria quand lassé il se masturba et fit gicler contre sa cuisse qu’elle lui présentait tout en dansant, ce qui impressionne toujours et n’est ni laid ni lait ni eau mais gouttes longues en jets haletés, ciblant. Il y avait eu le prétexte, peintre cotée et recherchée pour ses portraits mondains, très justes, elle devait satisfaire une commande de nus masculins en série pour un dessus de lit. Elle le photographia, prenant son tour, l’appareil et le rôle. Il apprit plus tard que sa fille et son mari l’avaient noyée, après une longue lutte solitaire malgré ses cris, car le gros homme et une fille dont elle ne lui avait pas parlé avaient découvert des photos de nu masculin. Les siennes ? il ne le demanda pas à celle qui lui apprenait le crime et était veuve du parrain ayant voulu la rencontre.
mardi 15 avril 2014  15 heures 20  à 16 heures 28 




 

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