Chapitre III
L’installation dans la drague
Ses jambes à la réunion de service,
elle est stagiaire, les trois mois d’été. vendredi 11 avril 2014 à l’UCK 17
heures 30 à 18 heures 03 Elle a un visage pas dégrossi, presque
rude, et elle accentue la sensation garçonne qu’elle produit en ayant les
cheveux coupés très courts, ils sont blonds-gris, elle prend des notes.
Profession : soumission apparente aux hiérarchies, celles-ci sont
nombreuses. Il la remarque, puisqu’elle est nouvelle à cet exercice. La suite
est simple, savoureuse. Date et heure convenues, descente du centre-ville aux
immeubles sans toit qu’en terrasses pour antennes ou réserves d’eau, balcons
abrités du soleil par des abaissements de stores immensément tendus, table
quelconque, marina sans nationalité, il faut se savoir dans ce pays au nom
fabuleux pour se croire quelque part. le dialogue est insignifiant, le torse
sous la chemise qui s’est laissée entrouvrir tandis que clapotent les coques
autour d’eux et grincent les drisses métalliques, est si musclée qu’il confirme
la sensation première. Elle consent à un report au lendemain à heure fixe. Il y
sera, elle sortira juste de sa douche, cette fois sera la bonne. Près de vingt
ans au passé, il sait ce que cet apprêt promet, la douceur à l’accueil de sa
pénétration l’étonne, contrairement à ses habitudes de traiter le moment du
sexe en liturgie, en silence, en feintes hésitations, de trainer même en
longueur, ce qui au balcon d’une chambre anonyme mais devant le paysage urbain
et l’un des dômes les plus célèbres du monde dont les sépare un fleuve tout
autant de légende, lui fera entendre un aveu, presque un reproche ou un
avertissement, qu’il est trop lent, qu’il coupe l’envie à force de la faire
languir, qu’elle le veut tout de suite, l’essentiel pour l’essentiel, elle dont
il ne gardera pas souvenir qu’elle ait jamais gémi, qu’elle ne lui ait jamais
dit ce qu’elle a ressenti ou ce qu’elle croit qu’il ressent en la désirant,
sauf avant leur première fois quand il avait tenté d’en faire sa énième
maîtresse et qu’elle avait eu la réplique en défense d’Eugénie, la futur
impératrice : comment, Madame ? par la chapelle, Sire ! revenat
à cet instant qu’il vécut aussitôt comme cardinal, elle avait eu la curiosité
de l’interroger : que ressentait-il donc à lui caresser les seins, avant
qu’elle se refuse et reporte à des fiançailles publiées.
C’est ainsi qu’il s’est installé dans
une diversité de feuilleton, dont le scenario est à l’identique du précédent
épisode et ne prépare aucune différence avec le suivant, en principe, mais les
illustrations, les dialogues, l’histoire à deux, l’histoire de l’autre ont la
saveur du repas pris avec appétit et pour passer une faim, là est le suspense.
Ce qu’il attend, c’est la
suite. Ce qui commence, c’est une sorte de discernement, une
anticipation. Mais l’alternative est décisive, chaque première étreinte lui
donne à connaître un caractère, un passé, des réactions, une maîtrise qui sont
de femme et qui lui sont étrangers. Il vit par profession dans l’exotisme, mais
le milieu, pour un homme, le plus dépaysant, est toujours celui de la femme. Cela ne
s’exprime ni ne s’explique, mais se reçoit d’évidence. Il y a cependant
l’émotion ou au contraire la déculpabilisation de comprendre où en est, de sa
vie dite sentimentale en langage courant, celle qui consent au corps à corps,
au surplomb, à l’installation d’un sexe dans le sien, à la recherche des bras
et des mains pour un appui, pour une prise, à ces lèvres qu’elle ne connaissait
pas et n’aurait peut-être pas voulu en d’autres circonstances ou en un autre
lieu, à son épaule, au creux de son cou. Il a entendu cette question, quand il
allait être initié et savait que son entraineuse au vertige après qu’ait pris
l’engrenage n’en était pas – elle – à sa première fois, et elle lui demandait
pourquoi ? pourquoi ils le faisaient ? pourquoi il le lui
faisait ? il n’entendait pas le mot sacré, sa réponse était inutile, il
l’improvisait en logique et avait déjà, en quelques secondes acquis la seule
expérience qui importe en ces moments, la certitude qu’étant où ils en sont,
ils ne s’arrêteront plus. Une seconde, deux ans plus tard, lui avait posé
autrement la question : aime-moi ! son ingénuité à lui avait dû la
surprendre puis la remuer car usant d’un préservatif, pour la première fois, il
tentait de se l’enfiler à l’état encore flaccide. Une troisième n’avait rien dit
qu’il gardera jusqu’à sa propre mort en nostalgie d’une époque de leur chair à
tous deux, tellement à l’unisson, tellement en phase, tellement disponible en
tous temps, tous lieux, toutes situation qu’il avait connu ce qu’il croit
encore rarissime et jouxtant l’impossible, cette extase cosmogonique une fois
les altitudes atteintes et la redescente lentement s’accomplissant. Alors, il
s’était cru prolongé d’elle tout entière, tellement que l’univers était eux,
qu’au bout de leurs doigts, à fleur de leur peau, tout devenu un, il y avait
ces limites atteintes du monde, du temps, e la figuration des galaxies, de Dieu
même comme un linceul, comme un ventre où lumière et pénombre n’ont plus de
sens, où tout existe immédiatement. Plus que soleil, plus qu’astre, plus que
l’infini, l’homme – ce fut lui – étendu, le souffle heureux, repris, qui épouse
de tout son corps jeune et nu la chair jumelle qui continue, d’âme, à accueillir
la sienne. Mélange
d’éternité et d’orgasme, gisant central. Une joie sans rythme, sans texte, sans
sentiment, sans cause que l’existence. Que d’exister. A leur première fois, il
y avait reçu l’inouï d’une sorte de folie, de galop insensé d’un corps que son
sexe comblait et assouvissait mais qu’il devait prsque violenter de ses bras
nouées aux hanches qui de cet instant à leur ultime étreinte quatorze ans plus
tard, lui donneraient toujours la décisive imprégnation d’une douceur, celle de
l’amour pour lui incarné et donné là. Elle l’emportait plus qu’il ne la
pénétrait et se fixait en
elle. Elle hoquetait, sanglotait, secouée au possible, possédée par quoi ?
par lui ? dans l’instant, il ne se le demandait pas, s’il l’avait fait, il
aurait eu la réponse, il l’avait ramenée de l’hôtel de grande ville où la
politique et l’art, à niveau mondial, avaient leurs niches, mais sans plus,
comme les femmes à caresser s’exposant et aguichant assises en devantures et ne
produisant pas plus, jusqu’à l’immeuble de ses parents. La lourdeur de son
corps, totalement abandonnée contre le sien, à l’arrière du taxi, n’était pas
le contraire du galop fou d’un orgasme ou d’une émotion – il ne savait si
c’était l’un ou l’autre, ou les deux, non pas successivement, mais en même
temps – sans pareil dans une vie qui arrivait à lui. Peut-être l’avait-elle
tant aimé et désiré d’avance qu’elle en lâchait toutes convenances, toutes
réserves et, son contrôle perdu, elle s’épanouissait et venait en spasmes et en
larmes. samedi 12 Avril
2014 20 heures 45… 22 heures 38 à 23
heures 25
Ce pays-ci est chaud, il n’y a plus
d’hôtels mais chez lui, la ville est laide sauf ses monuments antiques mais
ceux-ci sont moins nombreux, plus disparates, de moindre présence qu’ailleurs
dans les îles ou dans le sud. La capitale ne dit pas l’essentiel d’un pays qui
a pour emblème et culture depuis des millénaires la beauté. En statues, en
proportions des édifices et en paysages, la mer que le principal de ses poètes
pourtant aveugle, appelle une plaine liquide sur laquelle courent les bateaux,
les arbres, eux aussi d’une sorte spéciale, décoratifs, ls uns pour la
succession des plans quand le terrain est montagneux, les autres pour tapisser
les plaines nombreuses mais toujours petites. Une terre accidentée et les canons
de l’harmonie. vendredi 11 avril 2014 à l’UCK 17 heures 30 à 18 heures 03 La
leçon de beauté est statique, elle est de pierre, on l’appelle au
pluriel : des ruines, on s’arrête, on tourne, on marche.Les horizons sont
mentaux. Tandis qu’il avait, dans des lits de location nocturne, ouvert puis
cultivé un champ qui lui donnerait quinze ans de passion pathétique, de chair à
dessiner, peindre, photographier, ré-imaginer sans jamais cesser de l’aimanter,
de l’attirer et de tirer de lui un sexe les unissant avec une docilité précise,
habituelle mais pas monotone, tranquille, instrumentale, il trouvait désormais
un autre rythme, moins physique, plus mental et pourtant nullement spirituel,
celui de l’éveil et du constat, d’un repérage mutuel ou accepté en des lieux de
public ou de réunion, de convention. Il allait, il était accueilli pour ses
premières phrases, et peu d’heures ou de jours après, il y avait l’instant de
grâce, chaque fois différent, des vêtements qui disparaissent, de la chair qui
apparaît petit à petit ou d’un seul mouvement, puis ce qu’il est convenu –
quand on n’y est pas, quand on y est plus, quand on s’en souvient, quand on en
parlera, quand il s’en écrira ou lira des bribes – l’union. L’histoire d’une
autre existence, enrobée de féminin qu’il écoutait en préludes, pour du texte,
puis découvrait en résultat, les habitudes et les instincts de la chair quand
celle-ci est d’abord éprouvée comme sexe. Lui-même n’apprenait sur lui que le
miracle du plaisir. Il n’avait su le fiasco, n’avait expérimenté l’impuissance
de corps, malgré le désir qu’il avait d’une érection, de l’outil, de la preuve
d’une totalité de la conversation et de la rencontre qu’avec une seule, parce
qu’elle se refusait et sans doute – mais il ne le comprendrait que progressivement,
beaucoup plus tard, maintenant seulement, complètement détaché de celle qui
l’avait fascinée à plusieurs reprises, sans doute parce qu’elle l’avait dragué,
allumé alors qu’il avait le cœur ailleurs et les sens tout ignorants. Avec
toutes les autres depuis, le tutoiement de chair et d’entremêlement des jambes,
des sexes, des bouches, de tout et de rien, était de règle et de tranquillité.
Quand le moment leur avait fait
connaître sa fin, il se laissait gésir. Les minutes étaient alors données à une
distraction des mains qui vérifiaient l’autre en survolant à fleur de peau, ce
qui nous sépare du dehors, qui nous fait ressentir en physique tandis que l’âme
se retient. Ainsi, après la douche, après l’étreinte, après le constat de cette
douceur étonnante reçue d’un corps si musclé d’une fille qui a l’habitude de
courir au petit matin, avant la reprise d’une journée de stage, de courbettes
et de modestes écritures. Ils vont ensemble promener ses chiens, à lui, sur la
colline dont on regarde bien d’aplomb, posée, éternelle et fixe ce qui a été un
axe et un modèle pour toute proportion, pour toute élégance, pour toute prière
apparemment païenne, beauté du temps, des colonnes, des frises, peut-être parce
que l’évocation, le rêve, les substituts qu’on donne à ce qui manque ajoutent
ce qu’aurait empêché le regard contemporain des constructions et d’une vie
civilisée d’antan. La mer du côté du port, antique lui aussi. La chaleur pas
encore là. Le visage, la tête, les cheveux courts, les jambes fortes et nues.
Il ne va pas garder le souvenir de ce qu’ils vivent en accomplissant le jeu de
couple en habit seulement de corps, mais l’image, la texture, la simplicité, la
solidité de cette très jeune femme qui l’a enserré de ses bras et aimé de ses
mains et de sa bouche et de son ventre, lui restent. Il en sourit encore. C’est
du stock de bonheur, et la sensualité permise et assouvie, partagée sans
commentaire ni vérification que la vie de l’instant, est un bonheur. Ces
rencontres, commencées au chalut et dans l’indistinction, se termine au fil et
à la canne à pêche sans que finalement il soit possible ni utile d’apprendre
qui a attiré l’autre. Recevoir et saisir trouvent une commune étymologie, celle
de la nudité pour une danse heureuse et volontaire où chaque pas se fait à deux
et dont aucun ne s’acquiert. Parole et musique ne sont à personne et les
dépassent. Du dehors, elles semblent communes pour les uns, universelles et
belles pour d’autres. La banalité ou l’exceptionnalité se décident-elles ?
il croit qu’on les a, dans le cœur, de naissance. Il a eu la grâce de naître.
Et il continue. Elle lui parle doucement, il répond de la main à sa cuisse, ce
moment-là enchante. dimanche 13 Avril 2014 15
heures 36 à 16 heures 03
Il change de pays et d’époque aussi de
sa vie. vendredi 11 avril 2014 à l’UCK 17 heures 30 à 18 heures 03 La
première fois qu’il continue de guetter, c’est-à-dire la rencontre lui faisant
enfin commencer la vie en couple, aboutie par un couple de prédestination, a
maintenant une consistance différente, il ne la projette et ne l’attend plus de
la même manière. Il a changé, il a vécu, il a été contraint à chercher et à
attendre autrement. dimanche 13
Avril 2014 16 heures 49 Le corps, le
sien docile, exécutant bien les manœuvres, ne manquant aucun couplet, sachant
les refrains des trois chants habituels, le corps de l’autre, toujours féminin,
sauf une fois ou une autre d’un troisième genre, mais l’expérience fugitive ne
l’a marqué d’aucune envie nouvelle, seulement celle d’avoir jouxté une altérité
sociale. L’homosexualité remplace, dangereusement pour les siens quand ils sont
univoques et donc identifiés, l’analogie, la similitude, la totale fraternité
des corps jumeaux par l’exceptionnalité d’un statut de minorité contrainte de
se cacher. L’amour de ce genre est forcément à huis clos alors qu’il est gloire
et grade, ostentatoire quand il se joue par la complémentarité des anatomies,
le jeu des différences, les littératures convenues et rarement inventées de la
séduction. vendredi 11 avril 2014 à l’UCK 17 heures 30 à 18 heures 03
Mais l’approche est la même, la
sensation du possible accueil, d’une complicité pré-établie de longue date
alors qu’elle n’est qu’au seuil de s’éprouver, l’accord ne se construit pas, il
se vérifie quand il y a rencontre. Aucune préméditation, aucune interrogation
aussi loin que remonte sa mémoire, d’ailleurs il n’a jamais eu de fantasme en
sexe, le sexe s’est présenté comme une façon de matière scolaire que l’époque
impose, une sorte de programme qu’il importe d’assimiler pour pouvoir
continuer : quoi ? la vie ? la quête amoureuse qui, pour lui,
s’est prolongé en version seulement sentimentale, souvent triste, surtout
songeuse.
Une plage, l’autre continent, le désert
au dos, l’océan au ventre, personne que lui, maillots de bain, chacun. Lui-même
n’aura conscience de sa propre anatomie que dans les années où l’on commence de
perdre sa silhouette, où se décalent l’image de soi, de l’apparence physique à
donner de soi, et la réalité qui boursouffle, enlaidit, ne correspond plus au
mental, à la pensée, au visage. Celui-ci ne suit que de loin et continue de se
ressembler d’une décennie à l’autre, modifié seulement par à-coups. Le corps de
l’autre au masculin, il ne l’analyse pas, il ne se le décrit pas, l’après-midi
avance vers le soir, le silence s’accentue sauf celui de la barre. Il n’y a plus les
pirogues ni les pêcheurs de la première époque, il n’y a plus la jeune fille
aux physalies, aux yeux bruns un peu fendus, dont il a détaillé la silhouette
et le corps mais sans y jamais toucher, pas même d’envie, c’est ainsi qu’il lui
avait manqué puis l’avait perdue. Le garçon a son âge. Il est de passage,
invité comme lui à cet anniversaire de nation en jeunesse, chacun se connaît
d’un continent à l’autre. Mais du même autre continent que celui où ils sont en
train de se rencontrer, ils ne se connaissent pas. Il entend que l’accord est
fait, pas démonstratif, tacite, est-ce une envie mutuelle ? est-ce
habitude qu’a l’autre, est-ce curiosité qu’il a ? mais pas maintenant
parce que pas ici. Plus tard est aussi un des lieux de ses commencements dans
ce pays. L’hôtel à claire-voie, les commutateurs dont les plombs se dévissent
et s’emportent et s’apportent. Simplicité sans pauvreté, pas de meubles, que le
lit bas, la douche dans le même espace. Après la réception officielle, les
vêtements retirés. Le corps d’homme ne prétend à rien que d’être celui d’un
homme. Le sien aussi sans doute dans le regard de l’autre, visage qu’on ne
retient pas de mémoire mais prénom qu’il va garder, celui d’une amitié proposée
ensuite par correspondance qu’il a refusée par la même prudence qui lui fit ne
pas écrire à sa première initiatrice au cas où elle eût été enceinte de sa
chute en elle de tout son entier, pas que de sexe. Il est mort de la maladie de
ce genre après être passé d’une profession de l’esthétique : du
capillaire, à une autre : la peinture pour laquelle il s’est fait
connaître dans tout le Vieux monde. Celui-ci est neuf, le parcours ne dure
guère, il ne s’y prend pas avec les mêmes lenteurs, les mêmes regards, la même
façon de tenter de sculpter et de vérifier consistance et consentement du corps
féminin, mais il tient le rôle masculin, c’est lui qui ornemente le sexe
partenaire sans souci du sien. Il ne reçoit aucune science et n’en a ensuite,
avec si peu d’autres, acquis rien de plus. Allongés tête-bêche, ils sont au
plus simple. Il va se souvenir davantage de la silhouette de l’autre, allant à
la douche, le sexe curieusement recourbé comme un sabre oriental. L’a-t-il
totalement exprimé et lui-même se l’est-il fait aboutir ? Le lendemain,
ils se revoient, autre hôtel, il a envie de recommencer plus pour les
sensations, la situation, l’approfondissement d’une curiosité plus
encyclopédique que l’orgasme à la main, à la bouche, au toucher. Mais l’autre
est souffrant et lui-même perçoit que leur familiarité et peut-être son désir
se remarquent. Il prolonge et conclut l’expérience, elle n’est plus de chair,
elle est de société. Il n’y reviendra que putativement puis par hasard. Un
train, la longueur du voyage, le compartiment, le wagon restaurant, du sourire,
il tente la proposition, une caresse à l’avant-bras, il lui est répondu de
même, il ne se trompe donc pas sur le genre de son vis-à-vis, mais tout
simplement comme en toute drague, l’autre peut refuser, se refuser, réduit au
corps et ne pas vouloir entrer en partage. C’est cela. Il y a plus tard, encore
une décennie, le page d’une galerie de tableaux, au niveau d’entrée dans
l’hôtel où il doit se loger
en arrivant dans un énième pays, selon sa propre profession.
La résolution est prise, il achète quelque chose qu’il revendra en fin de
séjour, la toile est livrée le soir dans sa chambre, il montre au garçon,
presque à l’enfant, des photos de nus féminins, un modèle très pur
d’anatonomie, de silhouette et d’images. La main est acceptée, la sienne sur le
corps, le sexe encore vêtus, la réciproque se fait, l’allongement aussi.
Inoubliable posture d’âme plutôt qu’un orgasme de même attente et de même
pulsation terminale en pénétration d’un sexe féminin ou en maniement sans
fioritures ni explorations ou sollicitations adjacentes quand c’est au
masculin. Le cadet, au regard extatique, nudité brune et fine, quand son visage
se pare de l’aspersion crémeuse. Il l’emmène se baigner, le baigne, ne le
sollicite plus. C’est le regard qui les emporte et qui n’a de dévotion que pour
leur visage à chacun. A travers la ville autrefois futuriste, il le ramène à
ses parents, il le recevra en recherche d’emploi ne pouvant, en cela le
satisfaire, et le rencontrera quelques semaines plus tard, vêtu de blanc, qui
est souvent, là-bas, couleur du deuil, au bras d’un très aîné, encore plus aîné
que lui. Ils se sourieront. La dernière du genre sera une erreur, le sperme en
goût dans la bouche, il cherche en début de nuit comme aux tout débuts de sa
vie sexuelle, il avait dans son pays erré pour trouver et payer une
professionnelle, au nom de pécheresse pour pseudonyme, n’apprenant que la
pauvreté du plaisir dit vénal, le savon, puis l’assise au ventre d’une femme
qui ne se déshabille et ne prête qu’un orifice à effacer toute sensation, même
si la fin se produit. La rechrche aboutit à une sorte de couple, un enfant qui
les quitte, une jeune fille, c’est en réalité un jeune homme sans beauté, sans
traits, pressé qu’il jouisse et ne s’offrant à rien. Episodes dont le goût ne
lui reste pas, sauf la joie, arrête-sur-image, de l’enfant encore qui reçoit
l’éclaboussure d’un plaisir qu’il a provoqué, appelé et fait jaillir, tandis
que l’étreinte plus accomplie ne lui a laissé que le souvenir d’un homme, de son
âge, mais las, allant dans la pénombre se passer le corps et le sexe à l’eau
froide. dimanche 13 Avril 2014 17
heures 10 à 17 heures 51
Anatomies,
différences, littératures, il n’a pas, en vingt ans, érigé au classicisme. Les
entrées en matière sont des lieux communs, lieu commun pour la rencontre, lieu
commun des explorations verbales en restauration payante avec promenades
ensuite. vendredi 11 avril 2014 à l’UCK 17 heures 30 à 18 heures 03 Variantes ?
elles sont à peine physiques jusqu’alors. La césure se fait quand commence
l’interrogation : est-ce elle ? la chair l’a introduite davantage
parce qu’elle a été acceptée de l’autre, la sienne, la leur ensemble en forme
et en sensation de sexe, un peu eux, mais ni la vie ni le projet. dimanche 13
Avril 2014 17 heures 57 Un cap,
soutenant de son avancée dans la mer à toutes heures du soleil et de la nuit,
un des plus purs et simples des temples de cette civilisation. On y arrive en
une petite heure de route très sinueuse, on peut dîner en contre-bas là où un
des lambeaux du romantisme passa une nuit à la belle étoile et en chasteté.
C’est dans ce pays que deux étés plus tard, il vivra une semaine avec la plus
durable et la plus passionnée des liaisons de ses trente et quarante ans, une
semaine d’eau salée, de rochers, de nudité permanente et belle, la leur, celle
des autres, génération homogène, un autre érotisme, celui de la semence faisant
fumée dans l’eau verte et grise, la douceur de la mer dissimulant leur étreinte
sans effort mais procurant à leurs mains, au grain de leur dos, des cuisses, au
dardant des seins de sa sœur d‘amour, une âpreté glissante, retenue. La nuit,
couché à même le sol, sauf un duvet pas épais, c’est la rudesse du sable qui se
tasse sous les corps, c’est l’inconfort de l’énième étreinte, de l’énième
bonheur de l’arrivée bien régulière au paroxysme, au retrait du membre giclant
son lait et s’effondrant au renflé du ventre quand le pubis n’a pas plus sa
végétation où perdre les doigts qui font semblant de ne promener que leur
distraction et quand la coupe de l’ombilic reste indifférente. Alors le bois du
sexe devient enfant vulnérable et les esprits sont prêts au vertige du ciel en
constellations, en fond parfaitement noir, vertige d’une plongée, d’une
aspiration vers le haut, qui ne diminue rien ni du corps, ni du contact mutuel,
ni du miracle de la vie quand elle perpétue la grâce de cet ensevelissement, le
sommeil. L’association du lit, de l’agenouillement puis de l’allongement des
corps, le règne de l’horizontal et la perspective d’une autre personnalité dont
la chair est double et l’âme pas dite. Il ne sait pas du tout que l’amour est
cela, cette personne faite de deux mais qui n’est pas addition et en produit
une troisième. Avec le temps, il a compris et il vit que la trinité serait bien
plus mystérieuse, si incompréhensiblement elle devait ne pas exister. D’autant
que son mariage a amarré leur décision au commencement certain de leur enfant. vendredi 11
avril 2014 à l’UCK 17 heures 30 à 18 heures
03
Ce soir-là, il le pressent. La
conversation de route, l’histoire à elle, ses chiens à lui, le pays des
colonnes et de la mer détaillée comme un puzzle encore à faire mais dont les
pièces, en îles découpées, sont déjà étalées. Le retour se fait chez lui, il
n’est pas encore installée, c’est du campement, du matelas pneumatique, du sac
de couchage. Il aime sa voix, son profil, il a aimé son prénom, ils ont écouté
ensemble le discours présidentiel pour la colonie dont il a en partie,
thématiquement, la
charge. Elle participe à des fouilles archéologiques, elle
s’envole le lendemain pour un pays sans mer où elle vit au bord d’un lac. Elle
aime le corps, leurs deux corps, elle en veut, elle en reprend. Il la regarde,
la photographie à ce premier matin, il n’y en aura pas d’autres, les revoirs
seront ratés, il écrira le récit de ces heures courtes, il a envie de vivre
avec elle, il aime son silence et son ardeur, l’âme pudique, la chair qui
apprécie et qui sait, elle médite, debout au balcon, habillée, il la regarde
ainsi de dos, elle n’est pas libre, lui manquera pour les plus nombreuses des
heures qu’il avait organisées en venant à domicile parce qu’il avait pu saisir
une occasion professionnelle au bord d’un lac des cygnes fameux, serti dans des
montagnes belles, à les survoler enneigées. La drague a son système, elle a
surtout l’aveu de son échec, elle ne mène qu’à un souvenir qu’on ne chiffonne
jamais ni ensemble ni au même moment. C’est dans cette ambiance d’une éternité
morte-née qu’il a souhaité la durée. dimanche 13 Avril 2014 . 17 heures 57
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