+ Vendredi 1er
Avril 1966
07 heures 30
Béatrice, Béatrice, je suis
amoureux fou d’elle, je suis tout rempli d’elle, et je ne sais pas ce qu’elle
pense, et je ne suis même pas sûr qu’elle sera gentille et abordable cette
dernière semaine. Je pense à cela sans arrêt.
C’est une grande leçon de
souffrance et d’humilité.
12 heures 05
Ce séjour trop bref à
Saint-Louis ne m’apparaît pas comme très fructueux. Je ne peux que survoler les
Rapports politiques, dont il s’avère nettement que c’est la source essentielle
de la première partie de ma thèse. Il faudrait que je les trouve en France.
Au fond, la motivation
essentielle de ce séjour, que j’ai décidé vraiment à la dernière minute et sur
un coup de tête, est de faire le voyage avec Madame Moreau. Depuis des mois, la
plupart de mes décisions le sont en fonction de Béatrice, séjhour à Keur Moussa
à Noël, séjour à Dakar ce fameux dimanche de début de Mars, etc…
Ma dernière semaine à
Nouakchott va être extrêmement chargée :
– terminer Archives de l’Intérieur,
surtout conférences des commandants de cercle, et circulaires et archives
politiques
– archives P.P.M. et éventuellement
dossier Nahda
– audience du Président de la République
– entrevue avec Madame Moktar
– entrevue avec Monsieur Widmer
– rendre les papiers à la Mission
– faire mes bagages
Suivant que Béatrice sera ou
non gentille avec moi, il est certain que tout sera facile ou difficile pendant
cette semaine.
Période colonisation en
Mauritanie en fonction des rapports politiques. Etudier les points
suivants :
– conquête et pacification
– opérations de police
– rapports avec les Espagnols, et leur
propagande
– organisation administrative du pays
– commandement indigène
– état d’esprit des populations
– problème de l’information
– goums
– question musulmane : différentes
voies
– mise en valeur : surtout pistes,
politique de l’eau
– enseignement
– problème des confins algéro-marocains
et problème général du Sahara occidental
– questions spéciales comme hamallisme,
regueibat
Me
constituer dossier élections, dossier sur tous les partis.
cinq
pages de stances sentimentales, encore à saisir
+ Mardi 5 Avril 1966
21 heures 55
A la fin de cette semaine,
je suis – inch Allah – en France. Je vis à un rythme nerveusement épuisant.
Plusieurs rendez-vous impératifs par jour. Les bagages, les démarches, la
conscience de ne pas avoir toute la documentation pour ma thèse.
Surtout, le suicide de
Monsieur Seyral, et Béatrice.
En revenant de Saint-Louis,
dans l’auto des moreau, avec Béa, sa Maman, et J.C. Clavery, j’ai appris que
Monsieur Seyra s’était suicidé jeudi dernier. Je passe beaucoup de temps chaque
jour chez les Habert, qui ont accueilli les Seyral. Ce deuil me touche de plus
en plus, et assombrit totalement mes derniers jours de Mauritanie.
six
pages petit format de stances sentimentales, encore à saisir
*
*
*
Vu le Président de la
République de 18 heures à 19 heures 30. Le problème des races en Mauritanie.
Derniers détails matériels, lettre à Foccart, emprunt des J.O. Question de
Papa.
Passage à vide et profonde
dépression, après être passé chez les Moreau, avant l’audience.
Demain, comme ce matin,
messe. Semaine Sainte. Hier soir, messe pour le père de Jacques. J’étais
lecteur, lisant pour la troisième fois en un an, ce magnifique passage d’épître
de saint Paul : « Frères,
je ne veux pas vous laisser ignorants. » Comme l’on sent pendant ces messes des défunts, l’évidence
de l’immortalité et du bonheur éternels, et donc de l’amour.
+
quatre
pages petit format de stances sentimentales, encore à saisir
en
avion DC8 – U.T.A. +
Samedi
Saint . 9 Avril 1966
entre Marseille et Paris . 06 heures 45
je vis comme un automate.
221 kilogs d’excéden,t de bagages… décollage de Nouakchott à 22 heures 30, arrivée
à Port-Etienne 23 heures 45, décollage de Port-Etienne à minuit vingt,
changement d’heure, on avance d’une heure à Marseille. 11° C à Marseille, mais
je n’ai pas eu trop froid. Nous venons de décoller. Comme toute la nuit,
l’avion doucement tangue et roule, comme un bateau et la mer de nuages fait
illusion.
*
* *
Dernioère journée bien
chargée, mais vêcue comme si je ne partais pas. Nagaes, avec l’aide
merveilleuse de Claude. Déjeuner chez les Seyral Habert. Plage avec Béa et sa
sœur Véronique, et odile Seyral. Adieux au directeur du cabinet du Président
qui m’a remis le double de la lettre à Foccart. Adieux aux Seyral, aux
ballèvre. Dîner chez les Moreau. A l’aérodrome, mes amis étaient là. Dans
l’auto, en allant à l’aérodrome, j’ai donné à Béa la médaille de saint Benoît.
Tout et tout le monde vont
beaucoup me manquer. Il va falloir couper des liens de vie quotidienne et tout
le paysage familier de Nouakchott, et presque familial.
une page de stances, à saisir
Sable. Chaleur. Lumière.
Accueil. Gentillesse.
Nouakchott – 15 Février 1965
– 8 Avril 1966
Peut-être l’une des plus
belles années de ma vie.
Dans moins d’une heure, je
serai avec Papa et Maman. Mais comme il serait formidable d’y être avec Béa en
même temps. Béa dans ma famille.
Samedi Saint.
23 ans.
Béatrice.
Retour en France.
07 heures 00
local time
07 heures 30 +
On arrive. Nous venons de
descendre au-dessous de la mer de nuages. Des champs et des prés, pas vus
depuis un an. Mais impression de sombre et de gris. Pas de lumière. Gris.
Fasten, your seat belts. On
annonce 9° C !
Paysage sans
lumière, mais rapiécé de marron foncé et de vert. Des agglomérations à
chaque croisement de routes. Beaucoup de routes. L’avion bascule sur la gauche.
Papa et Maman doivent m’attendre. Béa dort encore. Tout le monde dort à
Nouakchott. Et le Christ est au tombeau. Nouveau virage à droite cette fois-ci.
Des maisons. Encore des maisons. Paris sur presque tout l’horizon.
Comme hier soir, au départ
de Nouakchott, je ne peux empêcher mes larmes de couler. L’autoroute, humide.
Le terrain.
07 heures 38 . Secousses. Je suis au Bourget.
à
saisir deux cahiers en entier :
Avril-Juin & Juin-Octobre 1966
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