jeudi 24 avril 2014

journal d'antan - fragments - Avril 1966

+                                                        Vendredi 1er Avril 1966


07 heures 30

Béatrice, Béatrice, je suis amoureux fou d’elle, je suis tout rempli d’elle, et je ne sais pas ce qu’elle pense, et je ne suis même pas sûr qu’elle sera gentille et abordable cette dernière semaine. Je pense à cela sans arrêt.

C’est une grande leçon de souffrance et d’humilité.

12 heures 05

Ce séjour trop bref à Saint-Louis ne m’apparaît pas comme très fructueux. Je ne peux que survoler les Rapports politiques, dont il s’avère nettement que c’est la source essentielle de la première partie de ma thèse. Il faudrait que je les trouve en France.

Au fond, la motivation essentielle de ce séjour, que j’ai décidé vraiment à la dernière minute et sur un coup de tête, est de faire le voyage avec Madame Moreau. Depuis des mois, la plupart de mes décisions le sont en fonction de Béatrice, séjhour à Keur Moussa à Noël, séjour à Dakar ce fameux dimanche de début de Mars, etc…

Ma dernière semaine à Nouakchott va être extrêmement chargée :
– terminer Archives de l’Intérieur, surtout conférences des commandants de cercle, et circulaires et archives politiques
– archives P.P.M. et éventuellement dossier Nahda
– audience du Président de la République
– entrevue avec Madame Moktar
– entrevue avec Monsieur Widmer
– rendre les papiers à la Mission
– faire mes bagages

Suivant que Béatrice sera ou non gentille avec moi, il est certain que tout sera facile ou difficile pendant cette semaine.

Période colonisation en Mauritanie en fonction des rapports politiques. Etudier les points suivants :
– conquête et pacification
– opérations de police
– rapports avec les Espagnols, et leur propagande
– organisation administrative du pays
– commandement indigène
– état d’esprit des populations
– problème de l’information
– goums
– question musulmane : différentes voies
– mise en valeur : surtout pistes, politique de l’eau
– enseignement
– problème des confins algéro-marocains
et problème général du Sahara occidental
– questions spéciales comme hamallisme, regueibat

                   Me constituer dossier élections, dossier sur tous les partis.


 cinq pages de stances sentimentales, encore à saisir

+ Mardi 5 Avril 1966


21 heures 55

A la fin de cette semaine, je suis – inch Allah – en France. Je vis à un rythme nerveusement épuisant. Plusieurs rendez-vous impératifs par jour. Les bagages, les démarches, la conscience de ne pas avoir toute la documentation pour ma thèse.

Surtout, le suicide de Monsieur Seyral, et Béatrice.

En revenant de Saint-Louis, dans l’auto des moreau, avec Béa, sa Maman, et J.C. Clavery, j’ai appris que Monsieur Seyra s’était suicidé jeudi dernier. Je passe beaucoup de temps chaque jour chez les Habert, qui ont accueilli les Seyral. Ce deuil me touche de plus en plus, et assombrit totalement mes derniers jours de Mauritanie.


 six pages petit format de stances sentimentales, encore à saisir


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Vu le Président de la République de 18 heures à 19 heures 30. Le problème des races en Mauritanie. Derniers détails matériels, lettre à Foccart, emprunt des J.O. Question de Papa.

Passage à vide et profonde dépression, après être passé chez les Moreau, avant l’audience.

Demain, comme ce matin, messe. Semaine Sainte. Hier soir, messe pour le père de Jacques. J’étais lecteur, lisant pour la troisième fois en un an, ce magnifique passage d’épître de saint Paul : « Frères, je ne veux pas vous laisser ignorants. » Comme l’on sent pendant ces messes des défunts, l’évidence de l’immortalité et du bonheur éternels, et donc de l’amour.

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 quatre pages petit format de stances sentimentales, encore à saisir


en avion DC8 – U.T.A.                          +

                                        Samedi Saint . 9 Avril 1966

entre Marseille et Paris . 06 heures 45

je vis comme un automate. 221 kilogs d’excéden,t de bagages… décollage de Nouakchott à 22 heures 30, arrivée à Port-Etienne 23 heures 45, décollage de Port-Etienne à minuit vingt, changement d’heure, on avance d’une heure à Marseille. 11° C à Marseille, mais je n’ai pas eu trop froid. Nous venons de décoller. Comme toute la nuit, l’avion doucement tangue et roule, comme un bateau et la mer de nuages fait illusion.


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Dernioère journée bien chargée, mais vêcue comme si je ne partais pas. Nagaes, avec l’aide merveilleuse de Claude. Déjeuner chez les Seyral Habert. Plage avec Béa et sa sœur Véronique, et odile Seyral. Adieux au directeur du cabinet du Président qui m’a remis le double de la lettre à Foccart. Adieux aux Seyral, aux ballèvre. Dîner chez les Moreau. A l’aérodrome, mes amis étaient là. Dans l’auto, en allant à l’aérodrome, j’ai donné à Béa la médaille de saint Benoît.

Tout et tout le monde vont beaucoup me manquer. Il va falloir couper des liens de vie quotidienne et tout le paysage familier de Nouakchott, et presque familial.

une page de stances, à saisir

Sable. Chaleur. Lumière. Accueil. Gentillesse.
Nouakchott – 15 Février 1965 – 8 Avril 1966

Peut-être l’une des plus belles années de ma vie.

Dans moins d’une heure, je serai avec Papa et Maman. Mais comme il serait formidable d’y être avec Béa en même temps. Béa dans ma famille.

Samedi Saint.

23 ans.

Béatrice.

Retour en France.

07 heures 00     local time

07 heures 30     +

On arrive. Nous venons de descendre au-dessous de la mer de nuages. Des champs et des prés, pas vus depuis un an. Mais impression de sombre et de gris. Pas de lumière. Gris.
Fasten, your seat belts. On annonce 9° C !

Paysage sans lumière, mais rapiécé de marron foncé et de vert. Des agglomérations à chaque croisement de routes. Beaucoup de routes. L’avion bascule sur la gauche. Papa et Maman doivent m’attendre. Béa dort encore. Tout le monde dort à Nouakchott. Et le Christ est au tombeau. Nouveau virage à droite cette fois-ci. Des maisons. Encore des maisons. Paris sur presque tout l’horizon.

Comme hier soir, au départ de Nouakchott, je ne peux empêcher mes larmes de couler. L’autoroute, humide. Le terrain.

07 heures 38 .      Secousses. Je suis au Bourget.











à saisir deux cahiers en entier :  Avril-Juin  &  Juin-Octobre 1966

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