jeudi 24 avril 2014

Changement de signe - 2ème registre - chapitre 12 - la propriété



Chapitre XII

La propriété




La sécurité par l’immuable, la sensation qui fait vérité et situation. mardi 22 avril 2014  09 heures 56 Paradoxe :le modèle de sécurité qui si souvent lui revient en image est un appartement immense, familial, lumineux, impeccablement rangé, rien qui traine, pas un grand de poussière, les habitants, ses frères et sœurs, ses parents, d’éventuels visiteurs pour des dîners à nombreux couverts et conversations écoutées des enfants derrière les portes, ne sont présents que virtuellement. Le hâvre est vide, intact et disponible avec tous ses meubles d’époque. Il lui semble s’y  promener ?. Les fantômes ne sont plus des personnes, mais de l’espace. Paradoxe : la construction qui n’était que de location mensuelle mais faisait partie de la pérennité absolue de l’enfance et de ses fois et évidences, a abrité aussi l’effondrement de toute sécurité, les aveux de son père au beau-père quittant la chambre alors libérée du frère aîné en gestation de ses fiançailles – là encore, il avait été témoin de l’instant, l’aïeul sortant de la chambre, les épaules basses pas du vieillard mais de l’accablé – et les pleurs de sa mère, qu’il n’avait jamais vue ni entendue ainsi, debout devant l’évier de pierre de l’immense cuisine carrelée brun et ivoire, à l’ancienne qu’elle était. Le lieu de la sécurité que n’a pas effacé le lieu éphémère d’une soudaine évidence qui déchire : la casatrophe, et son long, lent écoulement pendant plus d’une décennie avec des retours effondrants aux mêmes accidents, incidents, ceux de l’addiction. Avec les conséquences des précédentes éruptions se changeant en indéfinies inondations, emportant beaucoup, puis ce  que l’on appelle tout, et cependant il reste encore à perdre ou à sauver. Sa mère lutte, combat, ne dit que peu, maintient presque tout, plus qu’au possible. Son père est exilé, devient ombre mais depuis toujours il était intermittent, le père et le travail, le père et l’argent. L’autorité n’était malgré l’apparence de matriarcat ni de l’une ni de l’autre, mais bien plus encore que du couple parental, le fait d’une ambiance, d’emplois du temps, d’un peuplement dont les enfants faisaient l’écrasante majorité, homogène malgré les âges, dates de naissance successives, disparates et la chronologie était commune, les anniversaires de chacun, les solennités religieuses ou mondaines fêtées sans que jamais il n’y soit manqué. Un élément de vie, plus régulier que les moments de grande musique – des disques 33 tours dits microsillons, à la suite des appareils complexes et beaux pour jouer les 78 tours, époque des objets aux structures explicites, la cona pour le café et les descentes et remontées du liquide à la verticale d’une flamme de lampe à alcool – était la rumeur du « petit train » de ceinture aux wagons pas hauts, pas très longs non plus dont on regardait de leur quatrième étage hausmannien, les toits incurvés, peints en brun poussiéreux. Habitude cet ébranlement régulier. Chz ses grands parents des deux « côtés », les fenêtres aussi tremblaient, les tramways encore de la grande avenur descendant d’une gare devenue historique quand l’occupant chassé avait signé sa reddition, jusqu’à un fleuve dont il avait reçu ordre de loin, de les brûler.

L’appartement des dimanche après-midi quand il y est seul, les enfants, guillemets et réalité, nombre, naissance tous les dix-huit mois, berceau grand, blanc, à voilage, en bois plein dans la grande chambre des parents qui donnent sur le jardin intérieur des immeubles de ce pays de gloire et de fortune d’avant l’autre guerre.L’appartement, ce sont des murs, ce sont les plinthes, parfois soulignées d’une bande peinte en vert tandis que tout le reste est en enduit épais, presque stucké, qui est gratté, les bouches de chaleur en cuivre, les portes ont du relief, le parquet est partout, les baignoires ont des pieds, ce sont des pattes griffues de félin, les robinets se tournent avec des poignets compliquées de motifs stellaires, le salon, le petit salon, le premier, le plus vaste, façon Louis XV avec un secrétaire Louis XVI, des tapis, un mi-queue quand le grand-père maternel, dans son immeuble du second après-guerre, passe de l’appartement initial à sensiblement plus petit. Ni sculptures, ni tableaux, sauf un petit Laurencin, vendu dans l’heure quand il fallut du liquide et un « Saint-Tropez » qui attendit, dès son achat, un pendant représentant une vigne, marine qu’il était, mais des objets, la pièce de solennité, d’ordinaire interdite aux enfants, beaucoup y casserait, bien entendu on n’y joue jamais et l’on n’y entre qu’habillé, chaussé, coiffé. mercredi 23 avril 2014  09 heures à 09 heures 44 Le petit salon, mobilier années 1930 en palissandre, table basse en miroir, avec s’y reflétant un baccarat où se disposaient une dizaine d’épis de cristal. Le vase, il l’eur, les épis avaient été cassés un à un sans que l’histoire de ces morts par bris soit retenu.

Appartement pour onze personnes avec office et chambres de bonnes, escalier de service et lex vieux tableaux pour sonner dans chaque pièce. Transhumance habilement organisée et même négociée par les parents pour que les enfants aient leur chambre par groupes d’âge, ou bien en jumeaux tant que l’enfance demeurait. Il avait ainsi occupé trois chambres différentes, et un « antre » ménagé entre la salle-à-manger et les deux salons. Plusieurs cours intérieures, un parc fermé avec garages semi-enterrés, quatre escaliers de maîtres, des ascenseurs, un concierge et sa femme, et les jardins de la périphérie de la capitale puis l’un de ses bois. Domaine et univers, placards à ne jamais ouvrir, rangemenrs et débarras multiples, caves mysrérieuses, la vie quotidienne s’y déroulait et y durait plus en fantasme de peuple une planète entière, native et exclusive, qu’en réalité puisqu’il y avait la classe et les vacances, autant de lieux familiers mais partagés.

Les appartements toujours de location qui suivirent en chronologie, quatre en tout, furent davantage ceux de sa mère que de ses parents ou de la famille au complet. Ils étaient un point d’attache accessoire au lien d’amour. Ils étaient aussi une constatation de la trésorerie familiale puis des départs de chacun et enfin de l’âge de sa mère, mais ils furent une constante en situation dans des quartiers  à la fois résidentiels mais pleinement urbains, et en amueblement intérieur. Sa mère ne changeait pas de vie ni de rythme. La sécurité devenait plus symobolique, le statut était dévoilé, c’était un début puis les étapes d’une maturité autant pour elle que pour ses enfants. La préhistoire retenait plusieurs autres sites, deux à l’étranger, puis un transit de quelques années, en beau quartier, au retour d’outre-mer. Il ne voulut pas emménager avec sa première liaison, refusant précisément toute installation au propre et au figuré, en habitation commune et en cœur pris. jeudi 24 avril 2014  10 heures 15 à 10 heures 35

Choisir une résidence, la meubler avec les eux valises de la première arrivée dans un pays étranger de géographie et tout nouveau pour l’autobiographie, avait été une inagttendue prise de conscience de son indépendance. Pour la première fois dans son existence, il était chez lui, quoiqu’à titre précaire – location à un tiers et affectation professionnelle – et il avait un jardin. C’était à plusieurs niveaux, cela donnait après un rideau d’eucalyptus à pleine vue sur l’estuaire du fleuve le plus méridional de ce monde-ci, à flanc d’une colline monastique puis royale, et il allait au travail et l’on allait de là dans la capitale aux azulejos, aux places et façades classiques des quais et aux quartiers escarpés, par une chaussée encombréee, parfois pavée qui donnait la sensation – vérifique – de retour dominical d’une campagne ou d’une villégiature. Une chienne berger-allemand entra donc dans sa vie, les liaisons originelles de son pays natal vinrent une à une, la fratrie en éléments successifs aussi. Il se fit faire bibliothèques, table de travail, chaise tournante avant toute acquisitions de lit, de canapés et les armoires n’étaient pas nécessaires tant le plan de la maison à deux nivaux était judicieux, prévoyant des pièces ad hoc. Une terrasse enfin, sans compter le parterre dallé autour de la piscine, avec plantes grasses et buissonnements allait le maintenir en douceur de vivre pendant quatre ans. Chaque transhumance emporterait des acquisitions locales, les carreaux bleus et blancs de cet ancienne civilisation, des gravures, tableaux et céramiques, des étains, et surtout la reliure étant là très bon marché, des panneaux entiers pour étager des livres chinés chez les bouquinistes de capitales sur le thème unique des crises de légitimité qui avaient fait et continuaient de fair son pays. Des visiteurs à toutes époques de son parcours à l’étranger ne manquaient pas de décrire, sur son livre d’or, l’impression de dépaysement spirituel plus encore qu’intellectuel qui les avaient saisi, en sus de son hospitalité de célibataire, parfois gratifié d’une maîtresse (de maison pour la circonstance) ou pas. Quand il conclut ce cycle et se fit propriétaire, mais à crédit, la sensation d’encombrement, même d’emprisonnement fut celle de qui il accueillait pour toute la vie à suivre. Et demeure celle de sa femme. il en souffre. Avant de tout poser, il avait pu chaque fois tout ranger sans que manquent air et espace. A présent, les dehors étaient à débroussailler, les chiens étaient nombreux, les diverses pièces à vivre ou de l’intimité étaient surchargées du sol aux murs et même aux plafonds pour ceux aux plans inclinés. jeudi 24 avril 2014  10 heures 15 à 10 heures 35 . Lui-même, il étouffait parfois.

A l’étranger, il avait dû chercher. Chaque pays a son genre d’offre immobilière, en architecture, en environnement, en exposition. Les paramètres, les siens, différaient d’un séjour à l’autre. Les chiens pour les trois premières affectations, le simple plaisir des liens pour les deux suivantes, le lac artificiel et une maison sans étage, entièrement à claire-voie pour le pays tropical et la capitale posée et dessinée en complète imagination, un appartement petit de du surface, mais élancé de murs, de hauteurs de plafonds ouvrant des doubles fenêtres contre le froid mais au vent immobilisé de l’histoire présentant deux châteaux en pleine ville, jumeaux l’un de l’autre, chacun sur son gradin. Au pied de montagnes culminant à plus de six mille mètres, l’idéal eût été d’habiter, et aussi de représenter puisque c’était sa fonction et que ce devait être un moyen de grandir encore son propre pays parmi ceux dont il partageait les éphémérides politiques et économiques, à défaut d‘une existence quotidienne très exotique à presque tous les points de vue, à la lisière de gigantesques plantations de pommiers, telles qu’elles avaient donné à la ville bizarre et hétéroclite son nom local. Il ne l’avait pu. Hôtel puis appartement, il était à nu, des amoureuses, des relations, des collaborateurs, mais pas de refuge, la solitude qui auraît dû lui faire prévoir sa chute et un retour à une case qui n’a pas de nom sur quelque échiquier ou carton de jeu que ce soit, quand ce n’est ni départ ni arrivée ni station. En appartement, dans un pays de lumière, de chaleur, de musiques en taverne ou en église, l’essentiel est la vue, il l’avait eu, collines prestigieuses, chantées et poétisées depuis plusieurs millénaires, terrasse pour les chiens, nettoyée au jet, leur attente et leurs silhouettes au dernier étage de l’immeuble. En faubourgs d’une capitale régionale, l’intérêt était la proximité de la voie routière arrivant de son propre pays. Chacune de ses habitations lui avait donné son cachet, il y avait chaque fois installé ses propres aises et décors, une continuité s’était faite, tableaux, horloge, pendule. Beaucoup de ses structures intimes étaient donc apparentes. Il était ainsi habillé pas sur mesure, pas non plus banalement.

La recherche de quelques jours, une fois déterminée l’aire géographique selon des critères précis : desserte arériene internationale ou liaisons ferroviaires rapides, proximités d’éléments familiaux puisque la probabilité était son célibat à vie, exclusion de certains voisinages en fratrie. Décision et financement à l’arraché à quelques heures de son décollage pour le total inconnu d’une affectation dont il avait presque tout à opérer. Il avait basculé dans le futur, sa mère était morte, sa nouvelle hiérarchie s’avérait traîtresse, les appuis ou habitudes qui lui étaient traditionels s’émolliaient. Jamais il n’avait autant travaillé de sa vie. Il commençait, sans en prendre conscience, à relativiser l’habituel diagnostic qu’on se fait à soi-même d’être heureux ou malheureux en ce que l’on vit, reçoit respire, subit. L’antidote à la solitude et à des dépendances de toutes parts en programme quotidien, en projets, fut donc la propriété qu’il s’était soudainement voulu pour des raisons petites et contingentes : le poids et le prix de ses déménagements d’un pays ou d’un monde à l’autr, et sa manière de choisir, en quelques minutes, avait été de préférer le plus susceptible d’évolution, d’imagination, d’apport. Il y aurait tout à construire puisque les murs d’apparences épaisses des deux longères, au premier élargissements des huisseries s’effondrerait. Il y aurait à boiser dans un terroir dont il n’avait pas l’expérience, inapte aux bouleaux, peu indulgent aux cèdres de l’espèce qu’il voulait, mais accueillant, ce qui avait surpris les habitués, aux hêtres et aux chênes pourpres. Les pins prirent vite, les chênes pullulaient d’une année sur l’autre, les ronces ont besoin d’appui et de prêt-à- porter, il leur en déposait, rosiers et palmiers s’avèrèrent possibles et heureux. Ambitieux d’avenir, voyant un four-à-pain intact pour ses pierres mais faible pour sa couverture et son abside fouaillée par des arbres aux racines plus puissantes que les murs, il pensa en faire une chapelle en même temps qu’un endroit de lecture et de musique qu’aurait couvert une verrière lourde, armoriées de versets bibliques. Plusieurs chapelles bleues avaint vraiment marqué sa vie, une autre viendrait, celle du baptême de sa fille. Il voyait des vignes, des pergolas pour les soutenir et faire monter, un verger et avait apporté d’une autre région plus douce pour les pierres et moins pluvieuses, des fenêtres, des façades et le dallage d’une très ancienne demeure était arrivé chez lui.

Vingt ans après, les jours alternent pour qu’il aime ou subissent ces lieux. Ils pèsent fortement et négativement sur les finances familiales, sur la relation conjugale. Des deux longères, ils n’habitent qu’une seule, aux pignons orientés nord-sud, combinant très grand volume avec mezzanine, et quelques chambres qui avait réparties entre amis, sa mère et lui. Les heures de début et de fin de la nuit sont belles, les silences et le chant ds oiseaux sont très dosés, le paysage se limite de lui-même par les boisements qu’il a fait faire, mais les marées se font sentir, la rumeur de l’océan au-delà d’une langue de terre en long estuaire du ria s’entend selon les vents et les marées, des oiseaux migrateurs ont leur passée à moments fixes, un coucou, un faisan chacun inamovibles sont aussi précis d’intervention qu’un coq de ferme, parfois quelques sangliers, lourds et groupés font trembler les murs et évidemment les chiens. Il se sent certes quelque part mais ne sait pas où. Sa femme sait très précisément et le lui rappelle presque quotidiennement qu’elle n’est pas chez elle, elle n’a pas la même sensibilité que la sienne à l’espace, il lui faut de petites pièces et ces semi-ruelles avec jardinets pour maison à colombages et restes de maraichags qui caractérisent sa région et la capitale de celle-ci. Elle chérit le bouillon de culture et des compatriotes plus généreux et civilisés que la moyenne de ce paysage rural, et pourtant guère fermier, qui est le leur depuis leur mariage. Le voisinage longtemps gentil avec les maisons basses d’agriculteurs retraités, est devenu une hantise : leurs chiens y sont fusillés et l’anonymat du malfaisant, en trois ans et demi déjà, qui récidive, ne peut être levé. Au bourg, il est connu mais certainement pas selon ce qu’il est. Une élection qu’il avait tentée tout à fait ailleurs lui avait enseigné une population courageuse, encore plus endogamique que là où il a posé ses pénates. Mais vu le relief, le climat, le froid, la frontière longeant tout, il avait eu la sensation d’une civilisation apte à accueillir et adopter. Pourquoi n’avait-il pas insisté ? Il avait apprécié les fermes énormes de ce type presqu’unique répandu, en bois de l’étage aux balconnages et à la grange à qui est, architecturalement, demandé d’accueillir pour plafond l’habitat humain que chaufferont les bêtes, sur toute une latitude de l’est de son pays jusqu’à une mer presque fermée mais lourde d’histoire et de confrontation pas bien connues ailleurs, frontière d’un monde tout en dégradé. Quand il éprouve, assez abstraitement, la nostalgie d’un bord de mer sur lequel vivre à l’année, mais dont il craint de se lasser probablement à cause de la sonorité des vagues, surtout quand toute lumière a été bue par l’horizon, il voit la parenté entre ces vallées molles et longues, parfois ces reculées très spectaculaires et un paysage simplement océan, pas même la facilité visuelle et forcément civilisée des bords et rebords d’une baie. Les mers intérieures lui avaient paru trop expressives, trop indiscrètes dans le pays immense et au neuf dixième steppique de sa dernière affectation. La montagne des vacances familiales de sa conception à la mort de sa mère, mais aussi en plateau pour la neige et ses sports qu’il venait de pratiquer pendant presque dix ans avec femme et enfant, lui a toujours paru l’accueil et la sécurité-même, sans doute parce qu’il est peu marcheur et pas du tout alpiniste. Par élimination ou est-ce le lieu, les odeurs, la pénétration d‘un élément substantiel et générique, le sable ? il a du bonheur à retrouver de pensée, de voyage, de conversations recommencées ce pays-là plus ou moins choisi à ses vingt ans, où il eut ses deux sortes d’amour, celui qu’il a manqué le plus souvent quels que soient le numéro d’ordre et le scenario, et celui qui continue de le peupler. Les refus féminins d’un abord trop pesant et d’un discours trop apprêté et filandreux, les amitiés d’âme et d’intelligence avec des politiques d’essence suprême, les saints laïcs qui rachètent des périodes entières de l’histoire. Dans ce pays de désert et de laisse de mer, il avait eu les deux, il aimait à y revenir et la mise au point de sa façon de documenter ses projets d’écriture historique s’était faite là. Sympathiser, accumuler du donné, proposer des assemblages. Des habitations par la pensée de constructions uniquement textuelles, pas mêm littéraires. Des nuits et du temps à la belle étoile pour abriter et inventorier ce qu’a été sa vie et comment en faire une donne à partager, à transmettre. Il est serviteur de là où il habite, mais il n’est pas assez assidu de ces murs e espaces virtuels pour les entretenir et les amener à la visibilité, à la lisibilité. Une vie supposée, pas vécue ? un corps à part, secondaire. Des mots, des sensations tous consacrés à la rencontre qui constamment le remplit, celle qu’il vient d’avoir. Or les lieux où il habite, où il a piégé sa femme, où s’est installée de naissance leur fille, ne sont visités par personne. Il attirait naguère, plus commode à appréhender, à simplifier. Aujourd’hui, il est caricature, en impasse, en bout de vie. Et il est stérile puisqu’il ne produit rien ni revenus, ni exploitation, ni œuvre. Revenus financiers, exploitation agricole ou semi-forestière que trente hectares permettraient sans doute, œuvre littéraire. Mais il n’a pas cette ascèse un peu bornée, un peu scolaire, un peu hygiénique d’une femme de second rang en édition, pratiquant gymnastique en salle et pioche des idées et sujets dvantage selon des obsessions qu’au hasard léger mais propre à toute vérité d’une inspiration sans mémoire. Il écrit sans méthode, par à-coups. Il savait raconter dans son enfance et son cercle en cour de récréation des petites classes était aussi fourni que, réunies, les deux équipes pour le ballon prisonnier, il ne le sait plus. Raconter un poème sans rive, d’images seulement, il a su l’improviser, penché sur le berceau de sa fille, continuer à présent, car parfois elle le lui demande, il ne le sait pas. Il ennuie les siens par sa station assise, écran en miroir, le regard sur les touches et sur l’immédiat dehors qui n’est, à longueur de journée, qu’image, le contraire de l’air libre. Il s’ennuie de n’avoir pas pris le temps en vingt ans de… Il sait alors ce qu’il a produit. Pas la décision matrimoniale, pas la maternité dont sa femme n’avait nulle envie et n’aurait jamais conçu au préalable la possibilité d’en faire entrer au moins une dans sa vie, donc aucun vœu. Il a entamé le dernier quart de son existence et ce qu’il a produit est tout simple ; L’avidité et le multiple de ses attentes se sont transformées en une résidence mentale peut-être restreinte ou ingénue ou propre à des parcours et à des explorations d’âme dont, ailleurs et à d’autres âges de sa vie, il avait été incapable. Il a construit sans économie, sans plan, sans statuts une sorte de monastère personnel.

A s’interroger de la sorte, il perçoit son ignorance totale de la relation de leur fille avec ces lieux. Ce sont les siens par naissance, par habitude, pas par défaut d’autre chose puisque leurs séjours familiaux sont fréquents dans la région de sa femme. Amies de classe ici, mais habitudes et rythmes, jusqu’à présent vacanciers où ces ruelles, cette cathédrale phare d’une culture, et parfois d’un patriotism pour tout cet arrière-pays, qu’on appelle là-bas localement : l’intérieur. Il a l’intuition que s’il s’impliquait davantage dans l’entretien de leur environnement arboré, végétal, s’il tondait, taillait, coupait régulièrement, beaucoup, il vivrait beaucoup de joies immédiates et rentabiliserait affectivement le consentement forcé de sa femme à leurs lieux, la remettrait à des plantations et qu’un imprévisible acquiescement à leur propriété – car elle était devenue juridiquement la sienne dans le jeu complexe qu’ils avaient dû jouer avec les banques prêteuses, avec le fisc peu logique – pourait peut-être s’ensuivre. Il lui semble donc, mais tout cela est putatif et au brouillon, qu’il arrive à la veille du jour à cette propriété lui sera donnée. Il s’est trompé en l’acquérant, trompé non d’objet – quoique certainement un autre aurait opéré dans sa vie la même cataluse – mais de geste. A présent, il comprend qu’elle est surtout, en permanence, une éducation. Quand le ciel n’a plus de couleur mais que la nuit est encore très loin, donc psychologiquement étrangère à ce que le paysage de ses maisons, d’un peu loin, de ses arbres auprès desquels il s’arrête, se poste, lui assure. De la fraternité, de la disponibilité. Trop rarement, il se retient de respirer, de noter. Il regarderait davantage.

Il ne guette ni n’interprète plus les paroles, cris, soupirs de sa femme pour laquelle leur libération de toutes astreintes et solitude est de quitter cette habitation, ces lieux. Certes elle se garde de détailler la terrasse, le silence et les rumeurs, l’aise de leurs chiens survivants. Si elle est, apparemment, peu attachée à quoique ce soit, dans le registre matériel, il la sait vulnérable au suspense de ne vraiment pas retrouver des paires de chaussures, achetées en collection et passe-temps avant qu’elle le rencontree, ou à la perte probable, dont il l’a, par chance, sauvée, de tirages précieux signés d’artistes contemporains. Elle a une relation aux choses, elle aussi. A leur fille, à lui, mais son talent de regarder les autres, de les deviner parfois comme un voyant ou un profssionnel n’opère pas du tout avec sa moitié.

Il a donc accepté la mise en vente. Parfois, il donne une heure ou deux de promenade sans objet ni compagnie à ces prés, ces bois, ces mares. Il revient toujours, dans le sens des aiguilles du montre, par le long de l’eau et des marécages. Ils se sont baignés nus l’année d’insolation meurtrière, comprenant juste à temps que les boues alluviales sont dangereuses à l’extrême, que donc il faut aller dans l’eau un par un, la main d’un semblable étant indispensable pour se tirer de la vase aspirante au moindre effleurement du pied, alors la jambe y passe. Où s’est-il jamais senti chez lui ? chez samère ? à l’étranger ? chez une passion sensuelle de l’instant ? sur la plage naturiste datant des poètes d’un siècle culturel d’exception ? Réponse, il a donc compris que l’on n’est jamais chez soi parce qu’on n’est jamais soi-même complètement, produit fini. La propriété est une tutelle, mais pas une sujétion, elle est pérenne. Ce qu’il possède en droit ou en habitude, même entièrement créé par lui – et ici le cas est contraire – ne lui appartient pas. davantage, il n’a d’obligation d la conserver, de l’entretenir, de la valoriser. Côte à côte, les vivants, leurs biens, les morts… les terres, les auteurs et les peintres, les saints, les arbres, les idées quand elles se figent, sont plantés dans quelque chose qui leur est commune. Une sorte d’humus spirituel. Cela monte d’ici. Là-bas, serait-il de même et peut-on caratériser l’atmosphère, les minutes, cette tombée de la nuit, les points du jour de demain et d’hier en se laissant aller ensemble à n’être que partie de tout et non plus centre ni acteur. S’impersonnaliser en fin de compte, en conclusion ?fantôme de soi, ce qui est tellement concevable jeudi 24 avril 2014  18 heures 10 à 20 heures 34

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