Chapitre XI
La cité
Il écrit aux politiques depuis
quarante-cinq ans, c’est-à-dire qu’à vingt-cinq ans, il s’y est pris trop tard.
Aux politiques ? non, car sa première lettre – manuscrite – est adressée à
un non-politique. Le plus grand est celui à qui est venue la politique par
défaut de tous les autres, des préposés, des cooptés, des carriéristes quelque
talent ou bonne volonté qu’ils avaient ou qu’ils ou elles auront. Puisque les
femmes sont admises dans le métier, quoiqu’elles ne le changent pas encore
vraiment… sauf hésitation du destin qui n’a pas encore été retenue. mardi 22 avril
2014 09 heures 55
Il n’a donc écrit à celui-là que le
jour à compter duquel sa démission de toute fonction, de tout avenir, de tout
exercice au présent, a pris effet. Des années avant, à pas vingt ans, il avait
songé déjà à lui écrire en faisant signer les jeunes (de quelques années plus
proches que lui de l’enfance) un message bref de soutien. Le beau-frère de ce
connétable qui avait parlé non seulement à ss contemporains, pour leur répondre
à raison des circonstances, mais à ceux de leurs ancêtres par qui la suite
nationale était restée assurée, lui avait écrit, une fois, sur un petit carton,
n’avoir qun regret, qu’i n’y a pas eu rencontre. Carton perdu dan un transport
public à une station au nom de bataille mémorable, dans la séquence précise de
ces événements voisins de sa date de naissance. Aucune vocation à l’héroïsme ni
à la carrière. Des
normes tranquilles et quotidiennes d’un puîné de famille nombreuse, descendant
avec huit autres de la même fratrie d’une lignée de petite noblesse sans
hauts-faits qu’à une croisade s’être trompé dans le mot d’ordre de la
dispersion et donc d’avoir causé du massacre à commencer par soi, mais cela
sonnait bien en devise : hors eux ! et en assonnance avec l’épigone
de l’autre ligne, émigrée pour cause de religion, tandis que la première avait
enregistré une transhumance « pour cause de batterie » au moment de
l’exemption fiscale propre à cette catégorie sociale. L’histoire vécue était
cependant riche, familialement, de tout le siècle, les guerres mondiales, les
prisons, les choix erronés en vénération ou risqués en résistance. Il
reconstituait beaucoup, brodait un peu mais dans son alignement sur l’homme
dont le surnom était une date, mois et quantième aussi d’une défaite mémorable
qui n’avait pourtant pas affaibli une très grande légende. Né à une époque
croyant plus aux illustrations et aux personnages qu’à l‘histoire des idées et
à la mesure statistiques des grandes évolutions, il s’était attaché d’instinct
aux personnes, y compris à la plus rivale du grand homme, elle-même un grand
homme, les deux ayant eu parcours commun à quelques reprises. La collectivité
qui portait par adjectif le nom de son
pays se présentait alors autant en construction mentale, spirituelle, morale
voulue par une succession unique dans cette partie de la planète de souverains
héréditaires, à qui la filiation ou la proche parenté n’avait jamais défaut,
qu’en volonté moins unanime de conserver des possessions plus ou moins
lointaines. Le lien entre ces deux modes d’existence, de pérennité même, était
une tentative à chaque génération de répondre à une image ancrée dans l’esprit
des tiers et redonnée dans toutes formes de la culture sociale.
Son père lui enseignait avec prestige à
lire l’actualité, à déplorer des défaites militaires, des ridicules institutionnels,
la salutation de quelque gouvernant de passage, et lui-même lisait beaucoup.
Son aolescence se marquait du retour à la tête du pays de ce grand homme,
physiquement très différent, sauf la taille assez exceptionnelle, de ce qu’il
avait été en prédicateur d’une sortie du néant et d’un retour à une lumineuse
résurrection. L’image publique commençait seulement à avoir ses procédés,
c’était encore par la voix seule que le message se propageait le plus. Il
l’avait une première fois entendue en promenade d’enfants, au bois, jouxtant le
petit train de ceinture. Un vaste terre-plain, une foule telle qu’il n’en avait
jamais vue. C’était loin, lointain, parfois le son venait, il y avait une voix
et la houle d’une attente, d’applaudissements. Son enfance quand le pays était
entre deux, qu’il y avait des exils intérieurs et son adolescence à l’unisson
de presque toutes les générations pour se poster à l’écoute d’allocutions
régulières faisant plus événement que les événements eux-mêmes, pourtant
sanglants et dramatiques. Tout y était du drame antique ou de la bande
dessinée. Des coups militaires, des évacuations dans le feu et la douleur. Puis à
mesure de ses études, plutôt sociales au sens où la cité a besoin d’être
exprimée, de se connaître, de se doter d’institutions, de ressources plus
humaines que matérielles. Des concours en usages, vers lesquels son père de
discipline et de talents mathématiques, l’avait poussé puisqu’il était nul en
calcul. Son trou, selon sa mère le présentant à l’entrée d’un collège religieux
à ses sept ans. La politique était l’art non d’arriver au pouvoir, mais de
l’exercer. Elle lui sembla dès lors surtout un esprit de corps, une sensibilité
à l’histoire antérieure, à la chaleur de se cotoyer, à l’orgueil de grandes
résolutions et surtout de disposer de tant de paysages différents qu’il fallait
ne pas gâcher. L’homme illustre convainquait par une parole lente mais nette,
des mots allant d’eux-mêmes car ils venaient presque tous de vieux fonds. Les
auditeurs dont tous étaient, quand le
soir, l’heure était venus, que cela avait été annoncé, s’attendait, observaient
un silence mutuel aussi éloquent que le discours de durée toujours la même. Il n’y avait aucun
accident, l’on vivait une souveraineté dont peu contestaient le fondement. La
hauteur était toute proche, le pays se sentait de nouveau historique,
exemplaire, admiré. L’équilibre collectif était assuré, vécu même si des
histoires parallèles ou des explications rétrospectives détailleraient
davantage le chef d’œuvre, sans cependant le compliqué. Il n’y avait rien de
cacher puisque le régime, exactement comme sa préhistoire en temps de guerre
qui faillit devenir aussi civile que mondiale, fonctionnait par publicité et
par le commentaire de lui-même et des événements qu’il savait, avec talent,
parfois avec génie, s’annexer, s’approprier. Le patronyme de l’homme suprême
facilitait d’ailleurs les appartenances, les qualifications de soutiens ou de réfractaires,
et rendaient la pulsion des applaudissements et des vivats, très naturelle.
Il avait été contemporain de cette
période et commencé de tenir son journal intime et la discussion de ses
lectures, de ses digressions surtout quand le concours indiqué était censé
requérir totalement son travail intellectuel. Le penchant pour un exotisme qui,
alors, ne le mena que dans le pays voisin, toujours rival ou partenaire ou
menaçant ou concurrent du sien. Il en étudia à fond les outils idéologiques,
les instruments publics et le hasard des sujets qui se choisissent assez
prévisiblement, le fit présenter à l’écrit une comparaison de politique
économique. Une dissertation sur le conflit des générations dans l’histoire
contemporaaine du pays le distingua plus encore, il fut reçu mais médiocrement
car sans hérédité administrative ou universitaire, le maintien trop austère
d’un puceau ignorant tout de la société qu’il aurait peut-être à animer mais
vénérait d‘avance pour sa bienveillance, parut au jury insolite. Il n’était pas
a priori célèbre. Il se présentait d’ailleurs aux épreuves en plein chagrin
d’un amour très abstrait et dans un contexte familial où le dénuement, après
des décennies d’aisance, était tel qu’il portait le costume de son aîné à un
concours totalement différent : la médecine et de plusieurs tailles plus
petit mais davantage formé que lui. Les ajustements ne se s’apercevait
cependant pas. Il avait été interrogé sur les cartomancciennes qu’il n’avait
jamais pratiquées, pas plus que les péripatéticiennes, puis sur la recherche
scientifique dont il imagina des démarches anticipant l’informatique.
Il avait donc commencé sa vie civique
en compartimentant sa vie tout court. Il lisait plus qu’il ne participait. Le
scoutisme lui apprenait la pédagogie et la menée, l’animation d’un recrutement
assez homogène, au bien commun très défini. Il n’avait aucune expérience de
rien et la chute de son père dans l’addiction au jeu ne lui apprenait pas même
le risque social. Le vol de quelques livres dans une librairie intégrée à ses
lieux d’études aurait pu le perdre. Il apprit à cette occasion qu’il n’était
pas le seul. Il n’en déduisit pas une attention à ce que la vie publique permet
de corruption. Individualiste ? non. Conformiste ? il sentait que
faute de recommandations héritées, faute aussi d’être reçu dans des groupes
dont l’importance était probable pour la suite des carrières et même le rang de
classement en fin de scolarité, il lui faudrait tenir deux caps à la fois,
celui des coutumes, celui e l’originalité. Il se croyait apte aux deux, et
l’était vraiment. Il lui fallait ajouter quelque mentor, ce qui ne lui arriva
d’abord que dans le registre spirituel malheureusement confondu avec la
conduite et les manœuvres de la vie sentimentale. Il faillit tout unir et se
trouva quelques semaines au point d’endosser la panoplie exhaustive des
alliances transformant les notations diverses en milieu scolaire pour faire
coopter un débutant devenu prometteur puisque remarqué par l’une des premières
familles industrielles du pays. Il retomba dans l’anonymat d’un redoublement de
l’année finale de son école, auquel l’admettait d’office sa claudication
amoureuse. L’ouragan d’un printemps mémorable ne l’extirpa pas d’un second,
d’une énième chagrin et il sortit du creuset célèbre pour gagner un bureau en
fond de couloir, au linoléum usé jusqu’à sa trame rose alors qu’on pouvait le
deviner avoir été de couleur sombre.
Le récitatif aurait pu durer longtemps
et sa carrière n’être jamais interrompue et la fondation conjugale finalement
intervenir dans une médiocrité d’anecdote difficile à reconstituer tant ce lui
aurait été différent, si une seconde date n’avait suivi à trente ans presque la première. La cité
n’était pas ingrate, il en admettait la lassitude et surtout accusait quelques
élites qui devaient tout à l’ancêtre éponyme de leur parti et de leurs
groupements, d’avoir dévoyé les soutiens et militants. La clé de tous ses
jugements en civisme et en culture de sa nationalité, se trouve là. Le premier
politique qui le reçut, au prétexte d’un essai qu’il avait commis pour synthétiser
son chagrin et continuer sa lettre au fondateur, lui appirit le complot.
Désormais, toutes ses admonestations, et il les continuait maintenant, seraient
des suggestions ou des mises en demeure pour que ne soient, collectivement et à
charge éventuelle de quelques individualités portées au pouvoir par beaucoup de
propos hors sujet, mqnquées aucune occasion. Référence pour ce faire : ce
qui avait été commencé. Le souffle toujours pas coupé, c’est ainsi qu’il écrit
et propose pour chaque avènement, à chaque fois aussi que l’histoire fait
trébucher des concitoyens, se croyant subitement de droit duvin, mais à
l’enjambée le plus souvent trop courte. Exercer lui-même des fonctions, ce
qu’on appelle le pouvoir ? non, jamais il n’en a eu le plan, au plus
a-t-il périodiquement envie d’un des portefeuilles ministériels requérant
autant de réflexion, de recul que de charme physique et intellectuel pour des
tête-à-têtes, qui ne sont jamais des confrontations, mais l’évaluation de ce
qui peut faire socle ou de ce qu’il faudra attendre pour en amoindrir les
incompatibilités. C’est plus une discipline personnelle qu’une véritable
participation à des décisions de politique générale. C’est un domaine
entièrement relationnel où ne parviennent à maturité que des évidences parce
qu’enfin elles sont généralement acceptées comme réalité et non plus comme des
alternatives.
Il en a connu les grands chantres et de
moindres, et la fin de sa carrière lui donné de connaître la gestion des bas
étages, la dynamique des jalousies mais jamais d’assister de l’intérieur aux
grands redressements ou à un résultat destiné à faire déséormais référence.
Enquêtant dès l’historique démission sur la possible reprise du cours de dix
années sobres mais glorieuses, ordinaires mais rétrospectivement
exceptionnelles, il est reçu par le plus intime intellectuellement des
collaborateurs du résistant suprême – surnom possible à l’instar d’un
combattant suprême, de l’autre côté de l’eau, jouant et obtenant l’indépendance
de son propre pays. Mince, grand, élancé, bien plus chaleureux et cordial qu’il
est généralement présenté l’homme le séduit par un bon sens inattendu et le don
de relativiser tout ce que, du haut tranchant de son jeune âge de débutant dans
les jugements pour la chose publique, il croit catastrophique et irrémédiable.
Ce personnage, il va le visiter pendant les trente ans qu’il reste à vivre à
celui-ci. Il entreprend sa biographie, interroge une cinquantaine de ses
proches dont quelques-uns ont été en relation de travail quotidien surtout avec
le fondateur. Il apprend une vie gouvernementale sans ors ni obsession
médiatique. La simplicité du regard, de l’analyse, de la collecte des faits, de
la prise de décision s’il y a lieu caractérise une race à part, dont les
répondants sont la stabilité d’habitation et de couple, un monachisme familial
induisant une régularité d’emploi du temps et d l’énergie. Le règne le plus
brillant et précis de cette histoire contemporaine, s’est – pour l’essentiel –
organisé, vécu dans le silence d’un accomplissement par beaucoup du simple
devoir d’état, de la simple conscience professionnelle pour laquelle le
patriotisme va de soi, le désintéressement aussi : ni gloire personnelle,
ni enrichissement occasionnel, la réularité.
Longtemps, de visite en visite, de
confidences en relations inattendues valant surtout par leur cohérence d’un
interlocuteur à l’autre, il est autant attentif au déroulement des faits sur
deux niveaux du temps, le présent qui continue, le passé qui a tout fait, qu’à
la psychologie commune. Le désintéressement de chacun, la rigueur
intellectuelle, l’admiration très mobilisatrice de tous pour celui qui a
remonté le pays d’un abîme dont une seulement des dimensions était mortelle, or
il y en avait plusieurs, tout lui donne la leçon pour comprendre l’actualité
et, par un contraste saisissant, juger que les successeurs ne sont pas à
l’échelle des circonstances nouvelles, peut-être moins astreignantes qu’au
temps des guerres en tous genres et des amputations territoriales, mais qu’il
pourrait s’y trouver à condition de s’inscrire dans une continuité au lieu de
chercher à briller par leur individu. Pas besoin d’une vraie plume pour répéter
ce refrain. Ce qu’il produit pendant dix ans, parce qu’une entrée lui a été
donnée. Une très grande, les colonnes du quotidien national de réputation
mondiale, passant pour indépendant en structures, en fonctionnement, en
composition de la
rédaction. Ce journal d’ailleurs il le lit sur recommandation
de ses premiers maitres en sciences politiques et depuis son arrivée sous leur
férule. Moins de douze ans après, le voici publié parfois en cavalier,
c’est-à-dire à la une plus quelque espace en pages intérieures. Deux-trois
tentatives échouent mais entrent dans les archives. Il a pour cible celui au
bénéfice de qui la succession s’est opérée. Comme se propose un referendum
approuvant au prétexe de ratifier un traité, la carrière passée et le rôle
supposé décisif – ce qui est d’ailleurs vrai – du successeur au temps de la
fondation, il est expédient de prendre la balle au bond et de la renvoyer. Geste
que n’esquisse aucun des plus qualifiés que lui pour le faire. La date
prestigieuse pendant le drame de la génération proche de rejoindre les
précédentes dans une façon de péremption avait pour caractère aussi, secondaire
mais…, que personne d’autre ne se présentait pour quelque initiative que ce
soit. L’appel ne fut pas le mouvement d’un isolé cherchant à faire nombre
autour de lui, il a été une réponse de grande intuition, certes aux
circonstances, mais surtout au sentiment de beaucoup qui ne pouvait se résoudre
à la défaite, donc à la fin de tout, d’eux-mêmes dans leurs espérances
brûlantes, scandalisées, et du pays poussé vers le mouroir des nations
déclassées, mal situées dans l’histoire et la géographie. Une
réponse a son appui, un cri dit d’abord une solitude. Or, l’homme qui parla
avait le don d’exprimer le sens commun, d’en raapporter chacun aux vertus
communes, donc à un ensemble considérable qu’un choc militaire ne pouvait réduire.
Et cela se vérifia. Le papier fut repris par la presse politique et comme il
était rédigé, pour certains de ses arguments à la première personne du pluriel,
on le crut porteur de beaucoup d’adhésions et de soutiens. Chance s’il est
possible d’écrire quand la matière est grave et toute la suite l’a montré, le
referendum ne fut pas loin d’être perdu tant les abstentions motivées par un
important parti furent nombreuses. Le successeur n’avait plus la majorité de
fondation. La chronique continua, les papiers collèrent aux événements, aux
discours aussi des successeurs à mesure que la mort et les élections faisaient
échéance. Il est publié en regard du texte présidentiel qu’il annote avec deux
références, une logique oubliée par l’impétrant, la sienne-même ou son discours
précédent, la faisabilité d’une autre politique, d’une autre ambiance, d’une
autre réponse aux difficultés. Il est donc admis chez le principal opposant,
dialogue avec lui, seul à seul, a la naïveté de se croire utile. Il y gagne un
mieux-être intellectuel et de comprendre en sympathie une personnalité qui ne
le dédaignera pas et que – lui – il admirera. La souveraineté a une composante
physique. La corpulance et la taille sont quelconques, la mode affectionne les
rouflaquettes, les pantalons à patte d’éléphant, le cheveu un peu gras. Le
jeune publiciste, qui a pour position et gagne-pain, possibilité aussi
d’expérience d’un des segments de la responsabilité d’Etat, et le prince du
futur, qu’on a défini avec justesse comme « l’adversaire le plus
fidèle » du fondateur, s’entendent… pour les vingt ans à venir. Aucune
retombée de carrière alors que de moindrs sympathies ont été bien plus
opérationnelles. Mais il est lu et donc il écrit. Avec le compétiteur qui sera
défait en tentant d’obtenir un second mandat, il a entretenu aussi une relation
presque directe malgré ses admonestations de presse. Un conseiller intime, d’un
tout autre modèle que ceux parés depuis d’un titre évocateur d’influence mais
pas forcément de compétence ou de structure intellectuelle propre, s’entretient
avec lui régulièrement, lui apprend aussi sur son prince, l’autorité de ce
dernier, pas seulement à raison de sa fonction ou de l’élection qui la a donnée.
L’exercice a du bon. Le débat est en logique, rarement en opportunité. mardi 22 avril
2014 18 heures 07 à 20 heures 53 L’homme
est petit, affable, attentif. Il ressemble à un notaire de province, se promène
dans le bureau minuscule de rez-de-chaussée à l’Elysée, en rien impressionnant.
Une tout autre proximité lui avait été
donnée avec une personnalité qui, longtemps, avait joué auprès de l’alter ego
du fondateur puis son successeur, le même rôle d’accueil et d’écoute sans
spécialité a priori. Fonction non écrite qui suppose réunies deux conditions,
d’une part une familiarité relative avec l’homme fort du moment, l’employeur,
le sollicité du grand public et du tout venant, vbluckative, et d’autre part un
don d’empathie, de discernement psychologique tel que l’écrémage se fasse en valeur et non
selon des réseaux et des notoriétés qui d’ailleurs ont d‘autres voies et moyens
de s’introduire, sinon d’être entendus. Cet homme-ci est passionnant, autant
maître de vie, de comportement qu’un ambitieux politique. Il l’aborde
directement en quelques lignes à son arrivée sur le devant de la plus grande
scène, celle des relations internationales. Sans durée, sans aucun résultat,
cet homme-ci marque en quelques mois autant qu’un exercice patient de dix ans.
Leur commun précédent remonte à deux siècles…
Une amitié admirative, malgré la différence des positions et l’origine presque
antagoniste de leur regard sur l’actualité immédiate, les lie de la première
réponse qu’il reçoit jusqu’à une mort de lassitude, par extinction que
dissimule le hasard d’un bête accident d’appartement quand une tête tombe sur
un angle de meuble au lieu d’un coussin de fauteuil ou de bras amicaux.
Qui d’autre encore ? sinon un
homme également au poivoir, plus durablement, à la fin tragique. Ces
familiarités lui donnent une grande aisance pour toute rencontre non
hiérarchique mais ne lui servent plus depuis vingt ans. Pour de simples
raisons, demandeur d’une remise en selle, il ne visite que des éventualités à
ménager et le plaçant en situation d’inégalité très personnelle, quels que
soient les lieux et les vis-à-vis. Il n’est pas grand, il n’importe guère selon
les critères d’un marché sur lequel il croyait n’avoir jamais à se vendre. Or,
il n’a rien à vendre, pas un réseau, pas une affaire, que des facilités
qui ne comptent plus, celles de lire, écrire, parler, observer, synthétiser et
déduire. Dossiers, alternatives, personnages. L’autre raison est bien plus
forte. La trempe, la vraie en culture, en références et repères, s(‘est
raréfiée. Si elle existe encore, la ressource dans ce pays qui est sien et qui
est aussi celui de ses hôtes successifs pendant des années, hiberne. Le pays
s’est étiolé, ne se ressemble plus, ne ressemble plus aux modèles qu’une part
peu chaleureuse de ses élites tentent de lui inculquer pour justifier leur
propre émigration d’esprit, et souvent de corps, de carrières, de revenus.
Il marche donc désormais entre
souvenirs compagnons et désert de toute valeur humaine, authentique, gardants
racine. Le climat a changé. Il est très sec, mais pas lumineux, c’est un temps
crépuscuilaire qui s’est installé, bien plus qu’un moment.
La politique change de lieu car il n’a
jamais été attiré que par l’intuition d’un rayonnement, celui d’un tiers
appelant ses propres réminiscences ou ses espérances, et apte à le recevoir en
partage, non du pouvoir, mais d’une compréhension de l’exercice du pouvoir. Il
a trouvé, dès son adolscence, ce genre de saint sur la planète politique, sans
doute parce que le genre a multiplié les planètes, que chacune de celles-ci a
certes ses spécificités, mais il faut tomber sur la propice. L’exo-planète
lui est attribuée, par un chance qu’il a pressentie et pour le bénéfice de
laquelle il a insisté. Les premiers moments sont toujoirs prémonitoires et
faciles à fixer. Il y a la position qui transcende la banalité d’un local. Il y
a la physionomie et la confiance exprimée qui transcendent la solennité d’un
palais. Il y a le ton d’un entretien, son rythme qui nuancent la souveraineté
naturelle de l’occupant d’un trône, censément électif mais pratiquement de
droit quqnd il s’agit d’une personnalité certaine. Il y a la jeunesse exotique
d’une capitale, d’un désert se mettant à tolérer un habitat permanent, d’une
personnalité aussi intense que modeste. Il y a le sourire d’un saint tranquille
à la lente élocution, aux convictions très travaillées. A ces amitiés rares,
absolument personnelles ou à ces introductions durables dont la liste st longue
mais le caractère toujours de même type, comme si c’était lui qui les provoque,
ajouter pour conclure sa façon de lire, écrire, parler la cité, ce qui est le
propre de la politique quand elle n’est ni apanage ni gestion, une personne à
qui il doit nom et signature, peut-être même tout son parcours autre que
sentimental et religieux – et encore ? L’ouverture des colonnes du
prestigieux quotidien l’a lancé mais sans sécurité. La pérennité d’une écriture
d’éditorialiste ne s’entretient que par le maintien d’une périodicité. Il n’a
été pérenne, maintenu en rien, dans aucun registre, ni aucune position ou
situation. Un errant sauf mariage et paternité, mais l’ancrage s’est fait dans
un port complexe, coûteux au charme ambigu. Une de ses références en plaisir,
en semi-gloire, en travail qui lui plaît et qu’il accomplit avec facilité, a
été ce temps-là, une collaboration de pigiste très enviée : il n’a jamais
su si ce l’était pour le contenu des papiers ou leur support. Reprises des
radios, accueil de toute personnalité qu’il sollicite de se laisser évaluer
selon les critères d’une fidélité contractée en début de vie. Dans l’autre
pays, devenu sien par adoption mutuelle, celui longtemps dirigé par un
fondateur, lui aussi, il reproduit ce modèle. La gloire et la vérité d’une
politique qui fonda, le combat contre des successeurs, chacun étant le strict
et fascinant contraire du saint aux origines modernes du pays.
Il défend des hommes non des idées,
mais ces hommes sont par eux-mêmes un mode d’emploi, un art, un programme. A
titre personnel, aussi, un comportement. Ce qu’il peut donc aujourd’hui et
demain proposer a la dimension d’une mémoire réfléchie. Il y joint des exemples
étudiés et admirés à longueur d’une grande partie de la vie ces personnages-là.
Ce qu’il porte ainsi est si dense, si communicable que n’être reçu d’aucun des
tenants du pouvoir est devenu secondaire, tellement accessoire, tellement théorique.
Pour lui, c’est un signe de la médiocrité de ceux d’en face. Ceux qui ne seront
jamais du passé collectif, national tant leur passage au présent a peu
signifié. Ou pas du tout. Et puis ces amnésies et la tolérance qui va avec, ont
préparé la chute, peut-être l’enfoncement. mardi 22 avril 2014 22 heures 28
à 23 heures 22
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