vendredi 31 octobre 2014
jeudi 30 octobre 2014
journal d'il y a cinquante ans
Vendredi 30 Octobre
1964 18
heures 45
Je suis au Petit Collège,
dans la salle du Père Lamande. Cette salle qui se transforme et s’enrichit
d’année en année. Je viens de bavarder avec Mme Caillaux, de tout, de rien, de
Jean-Claude, de la vie des jeunes Jésuites.
Seigneur, ce désir – je ne
sais s’il vient de toi ou de moii. Fais-en ce que Tu veux. Prends-moi comme je
suis. Il fait partie de moi-même. Seigneur, fais-moi voir clair. Seigneur,
exauce-moi, calme-moi. Equilibre-moi dans Ton amour. Donne-moi une vocation,
celle que Tu veux pour moi.
De quoi vais-je parler au
Père Lamande. Que vais-je lui dire ? je n’en sais rien. Seigneur, guide
mes paroles et les siennes. Seigneur, veille sur moi, ces mois-ci. Ils sont
décisifs, car je sens qu’il va falloir que je me décide, non pas que je décide,
mais que je me décide. C’est-à-dire que ma décision engagera tout moi-même.
Seigneur, ma vocation
serait-elle une utopie, un rêve, un mythe, comme l’a été Viviane ?
Vivrai-je et penserai-je à l’envers depuis l’âge de neuf ans ? Seigneur,
si c’est une chimère, un fruit de mon égoisme, de mon ambition, dis-le moi,
mais arrache cette chimère de moi.
Si c’est vrai, Seigneur,
dis-le moi, fais que j’en pèse les conséquences et que je décide. Seigneur,
j’attends devant ta porte. Seigneur, je pleure et gémis. Seigneur, je n’en puis
plus. Tout va éclater. Seigneur parle, j’écoute. Seigneur, montre-toi.
Indique-moi la voie. Emmène-moi par la main, dans la grande allée de tes
saints. Conduis-moi au tabernacle de Ton amour. Consacre-moi à Ton service, à
ton amour, aux autres. Seigneur, oriente mes pas, dirige mon regard, vis en
moi. Seigneur, si Tu ne m’aides pas, je suis perdu. Seigneur.
*
*
*
Vu le Père Lamande, 20 heures à 23 heures
– Impression très forte.
J’ai vêcu d’elle, pendant quatre jours. Reste extrêmement apte à comprendre le
monde, les adultes et les enfants. N’est spécialisé qu’en apparence. Calme.
Force intérieure. Goût du beau : salle des catéchismes, son bureau
(peut-être un peu trop chargé), chapelle (la lumière, le son, la peinture, la Sainte Vierge, avec
son beau geste). Petit train : apprendre aux enfants à être précis,
observateurs, etc.
– Joie d’une reprise de
contact si facile. Bien que j’ai dix ans de plus. Ai pu tout de suite faire le
point avec lui.
– M’a parlé de sa vocation.
Appel amoureux. Si violent qu’il en était jeté à terre. N’est entré que tard.
Mère admirable.
– Ne s’est nullement
prononcé. Ni dans un sens, ni dans un autre. Un seul conseil : prier,
faire quelque chose qui coûte beaucoup (il m’avait cité l’exemple, de
cesser de fumer, si on en a l’habitude. Pour moi : est-ce la photo ?
c’est ce que je me suis demandé en forêt de Compiègne).
Vocation : signe,
convergence. C’est à moi de décider. Je suis le seul à pouvoir le faire.
M’a cité deux exemples :
– un prêtre, qui a été ordonné, alors que
sa famille l’avit poussé au sacerdoce. En est relevé maintenant. N’en pouvait
plus.
– un homme qui ne s’est pas marié, qui
avait le désir, la vocation, qui n’a pas su se décider. Malheureux, au possible.
Ne pas rater sa vie.
– Convergence avec
Boyau : Compagnie de Jésus allie
contemplation et apostolat (tout Jésuite a eu une vocation bénédicitine, ou à
peu près).
– Accepte de voir ce que
j’ai passé à Boyau, mais après lui. Souligne que j’écris facilement et trop.
Qu’il s’intéresse plus à ce que je dis.
– M’a sincèrement félicité
pour le boulot fait à la
Troupe. S’était posé la qustion de savoir où je voulais en
venir (au vu des journaux de camp successifs). Cela m’a fait plaisir.
(Le Père Boyer-Chammard ne
m’en a jamais parlé, sauf une fois, pour me dire, que si mes
« pécus » étaient bons, le reste l’était moins : cf. local, et
que c’était çà qui était important…)
mercredi 29 octobre 2014
journal d'il y a cinquante ans
Ecrit à Christian .
jeudi 29 Octobre 1964
Cher
malade,
permets
à un bien portant
si
ce n’est pas trop léchant
de
pleurer cette grippe
qui
nous prive l’un comme l’autre
de
longues marches dans les êtres
merveilles
qui nous frappent.
Il
me semble que la forêt,
fait
ses plus jolis apprêts
uniquement
pour nous plaire.
Au
rendez-vous qu’elle nous donne,
au
carrefour du Capitaine
il
n’y aura que désert.
Mais
tout sera prêt et beau.
Tout
sera vert, rouge, bleu d’eau.
Tout
flambera de jaune, de roux.
Les
allées s’en iront, cendres,
couvertes
par des feuilles tendres
qui
voleront dans l’air doux.
L’automne
sera là, fidèle,
qui
écartait d’un coup d’aile
quelqu’oiseau
déjà fidèle.
Les
arbres, la forêt sont à nous ;
le
ciel, parfois blafard et mou,
nous
contera son Dieu.
Ah !
qu’il eût fait bon et chaud
de
goûter tous ces cadeaux,
avec
toi, et aussi Philippe.
De
boire le grand silence
que
parfume toute la danse
des
couleurs. Mais c’est la grippe.
Cher
malade.
Ecarte
bien vite, ces phrases
je
n’ai pas de solides bases
en
matière de rythmes et de rimes…
Mon
affection voulait te redire
avant
que ton grand mal n’empire.
Dors :
santé sera ta prime.
_________
mardi 28 octobre 2014
journal d'il y a cinquante ans
Mercredi 28
Octobre 1964 22 h 30
Ce soir, scène de Vincent à
table. Pour ne pas changer. D’où scène de Hugues. Le climat devient alors
insupportable. Maman est de plus en plus vulnérable aux scènes ou à ce que
demande Marie-Charlotte et s’effondre, trop souvent. Que c’est triste et
inquiétant. Et pourtant que d’admiration j’ai pour elle. A sa place, je
n’aurais plus d’espoir ou d’espérance. Elle ne croit pas encore beaucoup. Ses
enfants la blessent, et la quitteront. Elle se tue de fatigue. Et les
retrouvailles avec Papa sont encore éloignées, malgré un « modus
vivendi » croissant [1].
Et pourtant, elle tient le coup. Grâce à vous, mon Dieu.
Je crois que mon entrée dans
un ordre religieux lui causerait un coup terrible. Elle y est résolument opposée.
Est-ce signe de Ta volonté, Seigneur ?
Le positif de ces derniers
mois, est que j’ai pu lui en parler de façon détendue, et lui faire envisager –
malgré elle – cette possibilité.
*
*
*
Mon projet de week-end à la Toussaint est battu en
brèche. Christian est au lit : 40° de fièvre. Philippe a un rallye
(Genlis). Au fond, Seigneur, tu veux me montrer par là, que je ne puis bâtir ma
vie – même à court terme – sans Toi, que je suis plus attentif à mes projets
plutôt qu’à Ton projet.
Ma vocation est-elle un
projet que tu réduiras en miettes, quand tu le jugeras bon, ou plutôt qui
s’écroulera de lui-même. Ou bien est-ce Ton plan sur moi ?
J’ai découvert cet
après-midi (en écoutant cette si merveilleuse et apaisante VIII° symphonie de
Beethoven), le Ps II de Robert Brasillach, écrit à Fresnes, le 30 Octobre 1944.
Dans deux jours, il y aura vingt ans… Je voudrais apprendre ce texte par cœur,
le faire découvrir à d’autres.
*
*
*
J’ai l’impression que la
forêt de Compiègne, revêt ses plus belles robes pour me plaire, et que je ne
peux manquer le rendez-vous qu’elle m’assigne. Désir !
Robert Brasillach [2]. Poèmes de Fresnes
« Vous avez fait le ciel pour vous-même, Seigneur.
Et la terre d’ici pour les enfants des
hommes,
Et nous ne savons pas de plus réels
bonheurs
Que les bonheurs cernés par le monde où
nous sommes.
Nous voulons bien un jour célébrer vos
louanges,
Et nous unir aux chants de vos
désincarnés,
Mais vos enfants, Seigneur, ils ne sont
pas des anges,
Et c’est aux cœurs d’en bas que leur cœur
est lié.
Pardonnez-nous, Seigneur, de ne pas oser
croire
Que le bonheur pour nous ait une autre
couleur
Que la joie de la source où nos bouches
vont boire
Et du feu où nos mains recueillent la
chaleur.
Pardonnez-nous, Seigneur, dans nos
prisons capitves
De songer avant tout aux vieux trésorss
humains,
Et de nous retourner toujours vers
l’autre rive,
Et d’appeler hier plus encor que demain.
Pardonnez-nous, Seigneur, si nos âmes
charnelles
Ne veulent pas quitter leur compagnon le
corps,
Et si je ne puis, ô tertre fraternelle,
Goûter de l’avenir une autre forme encor.
Car les enfants pressés contre notre joue
d’homme,
Les êtres qu’ont aimés nos cœurs
d’adolescents
Demeurent à jamais, devant ceux que nous
sommes,
L’espoir et le regret les plus éblouissants.
Et nous ne pourrions pas, pétris de cette
terre,
Rêver à quelque joie où ne nous
suivraient pas,
La peine et le plaisir, la nuit et la
lumière
Qui brillaient sur le sol où marquèrent
nos pas. »
30 Octobre 1964
[1] -
c’est sans doute le drame familial pour les deux générations : mes parents
et nous, leurs enfants. Pour des raisons que nous n’avons jalais cherché à
élucider et depuis des dates que nous ne savons pas non plus, que ne savait pas
ma mère et sans que l’un quelconque d’entre nous ait jamais interrogé notre
père, celui-ci s’est avéré au début de 1962 un joueur avéré, ayant perdu sa
situation – qui était importante dans les réassurances sur la vie – puis en
ayant retrouvé une autre, à émoluments égaux, permettant de rembourser ce que
diverses liquidations immobilières de nos grands parents des deux côtés
maternel et paternel n’avaient pas épongé. Les choses redevenues viables, mon
père « rechuta » et la séparation de corps se confirma, ma mère
tâchant de sauveharder ses meubles et de quoi subvenir à nos besoins et à des
apparences qui restèrent convenables. Mais un manque profond s’instalal, une
division aussi entre entre nous, les enfants, sur l’attitude à avoir vis-à-vis
de chacun de nos parents. Suivant nos âges, alors, nous fûmes plus ou moins
profondément perturbés, au moins trois de nos projets de mariage en furent
affectés.
[2] -
Robert Brasillach, défendu par M° Jacques Isorni (qui y gagna d’être l’un des
avocats du Maréchal Pétain si mois plus tard), et fusillé en Février 1945 –
pour ses écrits, et notamment des articles anti-sémites publiés sous
l’Occupation par Je suis partout …
demeure un « auteur maudit », alors Céline et Pierre Drieu La Rochelle ont les honneurs
de la Pleiade. J’ai tenté à plusieurs reprises
d’acquérir une collection de l’hebdomadaire dit d’extrême droite, sans succès.
Je veux me rendre compte par moi-même de ces articles. C’est ma mère qui me le
donna à lire : d’abord Comme le temps passe… puis
ces Poèmes
de Fresnes, en attente de la condamnation à mort et de son exécution,
en compagnie de Chénier… François Mauriac intervint en sa faveur auprès du
général de Gaulle. Il semble que le président du Gouvernement provisoire ne
revint sur sa promesse faite au grand écrivain qu’en voyant dans le dossier une
photo de Brasillach, en uniforme allemand. Gaston Paleswski, directeur de son
cabinet, y avait glissé une photo de Jacques Doriot, la ressembance pouvait
tromper… et trompa. Edgard Pisani,
ajoint du préfet de police Luizet, accueillit à la Libération sa reddition
afin que ne soit pas inquiétée sa mère et tenta de le faire fuir. En vain.
lundi 27 octobre 2014
journal d'il y a cinquante ans
Mardi 27 Octobre
1964 17
h 45
Je viens de téléphoner au
Père Boyer-Chammard ppur prendre rendez-vous. Je le verrai jeudi prochain. Je
ne l’ai pas revu depuis la fin de Juin.
Qu’est-ce qui me fait
peur ? Qu’est-ce qui me rend difficile d’aller le voir ?
– je ne me sens compris.
je ne me sens pas cru
– j’ai l’impression que
Boyau ne croit pas à ma vocation.
– j’ai parfois des doutes
sur la capacité de Boyau à voir clair, et à être bon juge. Il est débordé.
En fait,
– il ne peut pas encore
croire à ma vocation, si je n’y crois pas
– entre sentir et être, il y
a une différence
– je garde confiance dans
le jugement de Boyau.
Il n’empêche que je le considère comme
l’avocat du diable.
Seigneur, quand pourrai-je décider d’aller
vers Toi, de répondre à ton appel, quand commencera ma vie religieuse ? A
vrai dire, je vois de plus en plus clair, mais je ne peux encore rien décider.
De quoi vais-je parler avec Boyau ?
– ma découverte de Thomas Merton, ses
livres, l’attrait que j’ai ressenti
pour les Bénédictins et Solesmes
– la compréhension que j’ai maintenant de
mes « passions » successives
– l’influence d’André et de Michel dans ma
vie
– les doutes que j’ai quant à la réalité
de ma vocation
– la certitude de plus en plus grande – à
mesure que j’approche du moment – de la décision, que j’ai la vocation
– le fait que j’ai hésité à venir le voir
Peut-être lui apporterai-je mes doubles de
lettres à Michel, André, Bruno, le Père Hôtelier ?
x
20 h 10
Communion à Saint-Philippe.
J’ai été frappé par la prière anxieuse, presque désespérée d’une dame, vêtue de
rouge, blonde, encore jeune. J’aurais voulu faire quelque chose pour elle. J’ai
commencé un « Je vous salue Marie » qui s’est perdu dans le brouhaha
des bruyits, des images, des passants, du soir froid et pourtant amical.
Seigneur, tu l’as entendue. Excauce-la. Je prierai pour elle ce soir. Peut-être
me le demandes-Tu spécialement ? C’est surtout les yeux noyés dans une
peau fatiguée, et pourtant immenses : ils étaient tristes et humbles.
*
*
*
Au courrier, j’ai reçu une
invitation de Monique de V. à l’accompagner le mardi 10 Novembre. Pendant
trentes econdes interminables, j’ai perdu pied, j’ai douté de tout. Puissance
de l’imagination, du désir, du charme féminin tel que je le ressens et que je
l’interprète.
Cela me montre, Seigneur,
que sans Toi, je ne pourrai répondre à Ton appel, je ne pourrai être fidèle à
ma vocation. Seigneur, veille sur moi, je suis si faible, si vulnérable, si
jeune. Et pourtant si amoureux, si passionné de Toi, de Ton règne, de Ta
lumière, si anxieux de voir Ton visage.
*
*
*
Papa vient de rentrer
d’Espagne. Auparavant, Marie-Charlotte m’avait dit que l’anniversaire de Papa
avait été très bien souhaité. Pourrons-nous souhaiter et fêter leurs 34 ans de
mariage, le 6 Décembre prochain ? Seigneur, mon Dieu, fais que cela soit
possible.
Pendant mon action de
grâces, j’ai décidé de méditer ce soir, un peu du Cantique des Cantiques.
_______________
Dimanche dernier, en lisant Vie chrétienne, j’ai été invité à lire
Hb II, puissance de la foi. Il m’est suggéré de faire de cet Avent de ma vie,
un pèlerinage.
Que cet Avent soit vraiment
une attente de Ta venue, Seigneur, parmi les hommes dont tu transformes
l’existence, dans l’Histoire à laquelle Tu donnes son SEUL sens, dans ma vie :
Seigneur, viens en moi. Inonde-moi de pureté, de simplicité, de lumière, de
grâce infantile et naïve, d’émerveillement devant le Don de Ton Amour, devant
la vocation que tu enracines en moi.
Seigneur, fais-moi prendre
patience. Fais-moi voir clair – au moment choisi par Toi. Donne-moi alors de
choisir Ta vie, et celle-là seule. « Que ton règne arrive, que ta volonté soit faite ».
samedi 25 octobre 2014
journal d'il y a cinquante ans
Lundi 26 Octobre 1964
Que de beauté aujourd’hui.
Photos des « petites » à midi, dans les feuillages verts et rouges du
parc Monceau [1]. Cet
après-midi, retour de la gare de Lyon par les quais. Notre-Dame vue par le
chevet, une dentelle de peupliers aux feuilles jaunes et dorées. Le quai
couvert de lierre rouge et orange. Vision fugitive d’harmonie. Le Faubourg
Saint-Honoré, vivant appel à la « vie » au plaisir. Les femmes
désirables. Les devantures. Une note sympathique, visible de la rue : le
portrait géant du Président Kennedy dans le hall de l’ambassade américaine.
Cet après-midi, j’étais si
heureux que j’avais l’impression de vivre pour la première fois. Tous ces
temps-ci, j’ai l’impression que la vie ne fait que commencer, que je ne sais
rien de l’existence. Oui, tout est neuf. Puisque je vis de plus en plus sous le
regard de Dieu, en tenant compte de plus en plus de la seule réalité : le
Dieu d’amour et de vérité, le Dieu personne. Sur les quais, j’ai eu envie
d’écrire à Christian, à André. Leur dire ma joie, mon bonheur, notre bonheur
d’hommes sauvés. Dire à Christian à propos de son devoir sur le sens de
l’histoire, que l’histoire n’a qu’un sens : la Parousie, que c’est
fondamental, et que cette vision de l’histoire du monde, et de notre histoire
personelle est la condition de notre bonheur. Cantonner Dieu au secteur
religieux ou scout, sans le faire entrer dans notre intelligence, c’est le
refuser, et le perdre de vue à brève échéance.
Halte à Notre-Dame. Messe et
communion à Saint-Philippe. Comme hier – presque toute la journée – eu la
certitude calme et globale de ma vocation. Inutile de couper les cheveux en
quatre, de m’accabler de scrupules, de préalables et de questions. Je suis
comme le chien qu’on tient en laisse. Il tire sur sa laisse voulant aller dans
telle direction. Sitôt détaché, il file d’un trait vers le but qu’il s’est
proposé. Ainsi, je filerai dès que le temps sera venu – et il est proche, je
crois – et je filerai vers Dieu, et par la voie qu’Il a choisie pour moi :
la vie religieuse, le sacerdoce. Pourquoi Dieu aurait-Il maintenu en moi ce
désir ? si longtemps ? malgré les haltes de Manrèse, de l’analyse
d’écriture, malgré le départ de la Troupe.
Au contraire, tout renforce en moi cette idée : cette
période de halte intellectuelle en attendant mes résultats de l’ENA, ces
confidences de Michel, cette journée passée avec André.
Certes, il se posera – en
son temps, mais j’ai confiance – le problème de mon orientation précise :
le séculier, la Compagnie
de Jésus, les Bénédictins.
Vivons au jour le jour. Ces jours sont si
beaux. Merci mon Dieu de ce jour d’existence.
[1] - mes
sœurs les plus jeunes, respectivement
nées en 1952 et 1954 – l’appartement où nous venons d’emménager en famille
(encore huit plus nos deux parents) est à l’angle de l’avenue Hoche et de la
rue de Courcelles, à Paris
" au gré du vent " - Alexandra Nicolas . éditions du Panthéon
très bientôt en ligne - en même temps que ma lecture de son second roman, encore inédit
vendredi 24 octobre 2014
jeudi 23 octobre 2014
journal d'il y a cinquante ans
Vendredi 23
Octobre 1964
Je suis calmement assis
devant ma table de travail. Je viens de
coller devant moi – provisoirement, car le planisphère n’est pas encore fixé –
la photo de Ste Madeleine priant et à ma porte, la Sainte Vierge. Si ma vie
pouvait être comme cette image de Ste Madeleine : environnée de lumière,
les yeux clos, les mains jointes, toute recueillie, fervente, amoureuse,
confiante.
Hier, j’ai passé la journée
à Chassillé, avec André, son père, sa petite sœur. Nous sommes partis vers 06
heures du matin, dans un brouillard très dense. Arrivée à Chassillé vers 10
heures. Une matinée et une après-midi à battre les champs. Le matin, une
merveilleuse lumière, un ciel très pâle dans le léger froid. Des peupliers dorés.
Une église, (celle de Courcelles) dans le fond, ou bien des chaumes que
bordent et limitent au loin des haies ou des taillis. Le dialogue incessant de
M. Legendre avec ses chiens. Les chiens, joyeux.
Jamais, je n’ai rtessenti
autant que je n’étais pas seul. Quel est le contraire de la solitude. Je ne
trouve pas que le mot « communion »
en soit l’opposé. Car au fond, ce qui compte alors c’est ce sentiment un peu
négatif. Je ne suis pas seul. Pourtant, je ne parle pas. Mais précisément, je pense à la première
personne du pluriel. Je me sens moi-même.
Au fond, cette journée avec
André, a été providentielle. Il était temps que notre amitié, que notre
communion se retrempe dans le contact humain, se baigne du « lait de la
tendresse humaine » [1].
Au retour, nous avons
bavardé dans l’auto., de Boyau [2]
par exemple, avec qui je ne me sens guère à l’aise. Il m’a conseillé de voir
aussi quelqu’un d’autre. A côté de l’avocat du diable, il faut celui du Bon
Dieu. Le Père Hôtelier de Solesmes est tout désigné pour jouer ce rôle dans ma
vie présente. J’attends avec impatience une réponse de sa part à ma lettre du
début d’Octobre qui accompagnait le journal de camp [3].
Nous avons pu assister à
Vêpres, avant de repartir, hier soir. Je n’ai pas osé le demander à temps. De
toutes façons, je ne me rendrai à Solesmes, qu’au mois de Décembre, à moins de
contrindication nette.
Le soir, dîner et accueil si
sympathique par Mme Legendre. Une journée de joie, de silence, de paysage, de
retrouvailles et d’amitié.
J’ai parcouru ce matin le
dernier numéro de Scout [4].
Tout est raté. Tout est saboté. Travesti. Mensonge. Plus de sens de la nature
(de la vraie, les champs, les bois, et non fabriquée : fer forgé,
menuiserie). Plus de patrouille : coupure en deux des âges. L’expérience a
déjà prouvé et prouvera que les garçons de 15-17 ans (Pionniers) entre eux,
engendrent immanquablement : paillardise, bistrot, cigarettes et
laisser-aller, et que ceux de 12-14 ans créent enfantillage, équivoque et
mollesse. Le sens des responsabilités est émoussé. L’entreprise à trente noie
l’individu, qui ne peut trouver sa place affective que dans un groupe de 6 ou 7
(précisément l’effectif d’une famille). Comme tout cela est triste, que toutes
ces valeurs se perdent, que toute cette joie soit incomprise ou au contraire
industrialisée. Mais que faire.
Même déception (mais ce
n’est là qu’une prise de conscience) sur le plan politique, vg. les démocraties
anglo-saxonnes. Pas de programme de gouvernement. Pas de projets nets. Pas
d’idées. Pas de vision du monde. Il s’agit d’arriver au pouvoir. Votez
pour moi. C’est tout ce que dit Johnson [5].
Je suis le meilleur des deux, proclamait Wilson [6].
Les vraies questions sont esquivées. Systématiquement et par principe, les deux
candidats sont d’accord pour ne pas les aborder, ne prendre aucun engagement à
leur sujet, vg. aux USA, la pensée de Kennedy est foulée aux pieds, alors que
c’est pour ou contre qu’auraient dû se jouer les élections. En UK, personne ne
s’engage sur la force multilatérale ou sur le Marché commun. Mieux même, si
l’on prend un engagement pendant la campagne électorale, on déclare (en
coulisse) qu’il n’est pas impératif une fois que l’on est parvenu au
gouvernement.
Il me semble que si je
devais être chef de gouvernement, je serai
extrêmement sincère avec les électeurs. Je ne prendrai aucun engagement,
disant que je ne pourrais en prendre que connaissant les dossiers par
l’intérieur. Mais je promettrai, et expliquerai clairement ma vision du monde,
ce qui constitue ma conviction et ma foi. Ainsi, on saurait non pas ma position
sur tel ou tel problème, mais ce que je veux faire, et quelles seront mes
réactions devant tel ou tel problème. On voterait sur un homme de chair et de
sang qui montrerait plutôt sa manière de résoudre les problèmes, plutôt que des
positions stéréotypées, figées et condamnées à être dépassées. D’autre part, je
m’engagerai à démissionner, si je ne peux faire la politique que je crois être
la meilleure. Cette politique ayant pour but ultime et permanent, le bonheur
de chaque homme : cœur, corps et esprit. Cela seul compte.
Comme façon de gouverner,
j’adopterai un peu la façon dont j’ai dirigé la Troupe, en évitant (ce que
je n’ai pas su faire) une excessive personnalisation. Des ministres que je
connaisse personnellement, des alter ego, qui soient mes amis, affectueux, et
qui connaissent telle question que je ne connais pas. Je couvrirai leur
politique, et donnerai une cohérence et une continuité à leur action. Ne
connaissant rien en économie, en agriculture, je confierai ces postes à des
amis que j’aime et qui connaissent techniquement à fond la question. Dans leur
secteur, ils auraient toute liberté. Mais je répondrai d’eux devant les
électeurs.
Je crois que ce fut un des
secrets de Kennedy, que d’être en relations d’affection avec la plupart de ses
ministres. Le respect, la vénération, la peur font de mauvais serviteurs. Le
prestige est possible vis-à-vis de la masse. Mais d’individu à individu, se
cotoyant, se confiant l’un à l’autre, il ne peut y avoir de solide que l’entière
confiance mutuelle, fondée sur l’affection et la compréhension.
*
*
*
Mais où Dieu me
veut-il ? Parfois, je doute même de mon désir de la vocation. A d’autres
moments, je pense qu’à une retraite, tout directeur spirituel me refuserait,
trouverait mon désir trop humain et trop passionnel.
Et pourtant, toutes ces
pensées, toutes ces incertitudes viennent de ce que je n’ai pas confiance en
Dieu, en son Fils, en sa Parole.
Aie confiance ! Ta foi
ta sauvé ! Heureux ceux qui croient, sans avoir vu. Et voici que je suis
avec vous jusqu’à la fin du monde. Faites ceci en mémoire de moi.
*
*
*
D’un côté, je sens que
l’état laïc ne me satisfera jamais, que je veux vivre chaque instant en
intimité avec le Seigneur. Mais de l’autre, j’ai peur de me tromper en
embrassant l’état religieux. J’ai parfois peur de rater ma vie par indécision,
par manque de courage et du coup cette peur, ce doute m’empêchent de voir clair.
Cet état d’incertitude – j’en ai de plus en plus conscience – va devoir cesser.
Il va falloir que je choisisse. Mais quand ? Au Seigneur de me le dire.
Choisir quoi ? Au Seigneur de me le dire. Seigneur, je t’aime. Faites tout
ce qu’Il vous dira.
22 h.
Beaucoup de joie. Humaine
certes, mais c’est avec un cœur d’homme que Jésus, Dieu fait homme, attend que
je l’aime.
Tout mon univers des quatre
dernières années. Toute la suite des lettres d’André, depuis le camp de Chézy
d’Avril 1958. Comme notre amitié a progressé, s’est approfondie. Comme, par
ailleurs, André s’est purifié, s’est élevé, de censeur, il est devenu
affectueux. Il semble avoir eu aussi des coups durs, des périodes de doute,
d’anxiété. Il s’en est bien tiré.
En feuilletant mes autres
lettres [7],
je vois que j’ai eu parfois des échanges très profonds avec certains garçons de
ma division de Rhéto. ou de Philo., avec mes anciens chefs de troupe (Henri,
Bernard), avec des Pères Jésuites, dont toutes les lettres trahissent le fait
qu’ils se sont donnés totalement et simplement. Que c’est réconfortant et
encourageant pour un jeune néophyte comme moi. J’ai l’impression d’être plus
conscient qu’il y a quelques années. Et pourtant comme j’ai été heureux. Et
comme je le serai encore. « Je leur enseignerai le bonheur qui est tout près d’eux et qui n’en
a pas l’air » [8] .
Coup de téléphone de
Christian. Beaucoup de bonheur. Merci, Seigneur. Je te prie pour Christian,
pour André. Seigneur, mon ami.
Je cherche à lire quelque
chose. Entamé Thérèse Desqueyroux. Je ne pourrai en venir à bout. Au
fond, un écrivain qui n’écrit qu’un seul roman, est beaucoup plus vrai. Le
grand Meaulnes, Comme le temps passe… et bien que ce ne soit pas le
seul de Maurois : Climats, sont vraiment des
romans de classe éternelle. Car ils parlent de la vie et de ce qui est
essentiel : le bonheur… sans malheureusement toujours se fonder sur
l’essence du bonheur : Dieu, mon Bien Aimé. Le Bien Aimé de mes amis.
Prier.
Beaucoup prier.
Régulièrement.
Comme on respire.
Parce qu’on respire.
Parce que sans la prière, je perds tout
contact avec la réalité.
Parce que sans la prière, je perds Dieu,
ma foi, ma joie.
Parce que
prier, c’est vivre.
C’est agir,
c’est jouer, c’est regarder, c’est contempler.
C’est aimer. Se
perdre dans les autres.
Dans l’Autre.
Parce que prier
est ma raison d’être.
Parce que si je
ne prie plus,
je suis fichu.
[1] - le mot d’Alfred
Fabre-Luce dans le premier tome de ses mémoires
[2] - François Boyer Chammard,
jésuite – père spirituel des terminales à « Franklin », Saint-Louis de
Gonzague à Paris, quand j’y suis, puis aumônier quelque temps des « anciens »
[3] - un cahier
ronéotypé évoquant le camp scout de Juillet 1964, que j’avais dirigé « du Sidobre à Lourdes
[4] - la
« réforme » des Scouts de France engagée d’en haut divise en deux
tranches d’âge la branche proprement scoute, les louveteaux et les « routiers »
n’en étant pas l’objet
[5] -
Lyndon Baines Johnson : président des Etats-Unis de Novembre 1963 à
Janvier 1969, à la suite de John John Fitzgerald Kennedy assassiné dont il
avait été le rival aux primaires, puis le vice-président – il est aisément contre
l’extrêmiste Barry Goldwater et décide de ne pas briguer un second mandat pour
faciliter la négociation de paix au Vietnam qu’il a eu le mérite historique de
faire ouvrir en Mars 1968 (et de situer à Paris)
[6] -
Harold Wilson, travailliste britannique : Premier ministre à deux reprises
de 1964 à 1970, puis de 1974 à 1976 – il doit affronter l’indépendance
unilatéralement proclamée par les colons de Rhodésie du sud, puis assumer
l’entrée de son pays dans le « Marché commun » qu’il n’avait ni
négociée ni même souhaitée
[7] -
toutes ces correspondances sont perdues faute d’avoir veillé, à la mort de ma
mère en Novembre 1992, à régler le garde-meuble où étaient entreposés mes
affaires, livres et papiers d’enfance et d’adolescence – je n’ai conservé que
ce que j’ai accumulé et qui m’a suivi à partir de ma première affectation à
l’étranger, soit depuis Septembre 1975 – exception ces cahiers manuscrits
[8] - Henri-Fournier, Le grand Meaulnes
mercredi 22 octobre 2014
mardi 21 octobre 2014
journal intime d'il y a cinquante ans
Mercredi 21 Octobre 1964
En huit jours, bien des
choses se sont passées.. J’aurais dû écrire plus tôt tout ce qui se presse dans
ma tête et dans mon cœur. Mais à vrai dire, mes hésitations, mes doutes,
mes joies, mes enthousiasmes se ressemblent, dans un si court laps de temps.
Réacclimatation difficile à
Paris, les premiers jours. Impression favorable de la maison :
organisation matérielle et situation affective. Impression d’oisiveté. Pour peu
que je me laisse un peu aller, le « spleen », le dégoût, la grisaille
m’envahissaient. Mais Dieu m’en protège. A quoi bon se laisser aller. Une vie
se vit : mieux vaut pagayer dans le sens du courant, que de se laisser
entraîner par lui. Car en pagayant, on domine le courant d’une certaine manière,
puisqu’on le devance un peu.
Vu François de L. cet
après-midi. C’est un peu une pénitence que la Providence m’impose.
Comme cette Troupe me paraît déjà lointaine et étrangère. Dieu m’aidera-t-il à
me détacher davantage pour que je l’aime – surtout dans ses membres – encore
plus.
Chambre vaste et spacieuse.
J’ai un peu peur du confort, et pourtant ne pas aimer richesse plus que
pauvreté dit Saint Ignace. Quelle joie si cela peut m’aider à merecueillir, à
accueillir d’autres, et d’abord frères et sœurs.
Sorti avec Philippe de P.
hier soir. Vu les amitiés particulières. Le jeune héros est bien
émouvant (m’a fait penser à certains moments à Xavier D.). J’ai un peu vécu cela (en imagination, car
j’étais dans dans un externat) avec Xavier C. et peut-être d’autres. Au fond,
une forme de l’amour, que les adultes ne comprennent pas, et qu’ils avilissent
en révélant aux enfants les dangers qu’ils courent. Azu fond, ils projettent
leur monde d’adultes dans le monde de l’adolescent. C’est grave. Et c’est surtout
injuste. Pourquoi le monde est-il dominé par les « adultes ».
Longue conversation en
revenant sur les quais. J’ai fait un peu avec lui le point de toute ma vie
présente, et de mes découvertes de cet été et de Carcassonne.
Il m’a appris qu’il pense à
une jeune fille. Rencontre dans plusieurs soirées depuis un an. Revu, et vu
sous un tout autre angle, samedi
dernier. Est-ce le bonheur qui se prépare pour lui ?
Reçu au courrier de ce soir,
une lettre de Michel. Il ne m’a pas paru très naturel. Un peu trop d’angélisme.
Mais c’est bien normal, alors qu’on est dans une si grande joie. Faire
cependant qu’il ne perde jamais « le lait de la tendresse humaine » [1].
De toutes façons, je dois faire confiance à la Providence, qui le
mènera où Dieu veut. Qu’il deviuenne chaque jour une image toujours plus nette
de la vie donnée qui l’anime et qu’il a découverte en lui et dans les autres.
Dimanche dernier, premier
contact avec Saint-Philippe du Roule. Bon sermon sur « la vérité ».
Mlundi, j’ai été me casser le nez aux Complies des Pères Dominicains. Avaient
déjà eu lieu. Récitation que je n’ai pu m’empêcher de trouver monotone, du
chapelet. Où sont les offices de Solesmes. Mais, tout n’est-il pas louange de
Dieu.
Lu le grand Meaulnes d’Alain-Fournier. Frappé par :
« Je leur enseignerais
à trouver le bonheur qui est tout près d’eux et qui n’en a pas l’air … » (on pourrait croire cela
extrait de la Sagesse).
« Ah ! Frère,
compagnon, voyageur, comme nous étions persuadés, tous deux, que le bonheur
était proche et qu’il allait suffire de se mettre en chemin pour
l’atteindre… »
* * *
Une des transformations les
plus profondes qui s’est opérée en moi depuis trois ans, et dont je n’ai pris
conscience qu’à Carcassonne, est que je crois au bonheur. Que je suis sûr que
le bonheur est possible, que je suis voué au bonheur, et que dès aujourd’hui je
suis heureux puisque je suis aimé de Dieu, et que je cherche Dieu, et que Dieu
veut mon bonheur, mon plein épanouissement, et aussi le bonheur de tous ceux
que j’aime, et aussi de tous ceux que je n’aime pas, parce que je rbefuse de
les connaître. J’ai la certitude que nous sommes faits pour le bonheur, que le
bonheur est possible. (Philippe me disait hier soir, que cette certitude était
assez rare à notre époque. Peut-être…)
J’ai pris conscience à
Carcassonne que les différentes jeunes filles que j’ai cru aimer parce qu’elles
avaient envahi ma pensée, et faisaient tressaillir mon coeur et mon corps,
n’ont été en fait que des passions
successives, des désirs inavoués pour de nombreuses raisons (voulues par la Providence). Que je
n’ai pas connu l’amour, car je n’ai pas encore aimé une jeune fille, sans
chercher la réciproque, sans vouloir la capter, sans vouloir la capturer,
exiger qu’elle se donne à moi, alors qu’au fond de moi-même je n’étais prêt
vraiment à me donner, à me déposséder.
Que l’absence survienne, et
le désir se calme. Ainsi en rest-il de Catherine C. Au fond, j’ai identifié
l’ennemi. Cela ne veut pas pour cela que j’ai vaincu. Au contraire. Mais je
suis victime : « je suis l’esclave de mes passions » (vg. désir
effréné de mon séjour à Saint-Tropez, aujourd’hui éteint). L’amlur se construit
patiemment. Certes au départ, il erst passionné. Mais au cours des années, il
doit devenir gracieux et gratuit.
J’ai aussi découvert, que si
Dieu veut que je me marie, et que je Le cherche, avec l’appui d’une femme, et
de mes enfants, je n’aurai pas trop de mal à trouver. Car au fond, beaucoup de
jeunes filles me plaisent infiniment, 10 ou plus, c’est beaucoup… (Evidemment,
je mets Viviane à part). Je suis très sensible au charme féminin. Mais je
cherche trop à posséder, et je m’enferme dans un cercle vicieux.
* * *
Pendant ces journées de
Carcassonne, j’ai vécu comme si ma vocation ne faisait aucun doute. Du moins,
c’est l’impression que j’ai eu avec un peu de recul. Et c’est peut-être ce qui
a sous-tendu ma joie, et la facilité avec laquelle j’ai pu contempler Dieu, et
Le trouver à presque tous les instants.
J’ai eu un long entretien
avec Maman samedi dfernier au sujet d’une vocation possible. Je ne sais – je ne
me rappelle plus comment a été amené cet entretien. En tout cas, ce qui est
nouveau depuis quelques mois, c’est que je parle de tout cela à Maman.
Peut-être Dieu prépare-t-il aussi le terrain autour de moi.
Et pourtant comme je suis
infidèle. Comme ma prière est irrégulière et bâcvlée depuis mon retour à Paris.
Du coup, la liturgie reprend un sens nouveau. Elle est un souitien
indispensable de la prière. Sans elle, et toutes les structures spirituelles,
que nous impose maternellement l’Eglise, combien nous sombrerions vite.
Je suis toujours incertain
de ma vocation. Tantôit, il me paraît tout à fait invraisemblable que Dieu
m’appelle, étant donné ma vie passée (qui peut être probante aussi bien pour
que contre), mes défaits, mon attirance vers les jeunes filles, la réaction de
Maman, mon incertitude elle-même, l’avis de Boyau [2],
tantôt au contraire, le seul de réaliser l’inanité de ces raisons, de
pressentir tout ce que ma vie aurait d’incomplet et de raté sans cet appel de
Dieu et ma répoonse définitive et positive, me fait croire que Dieu m’appelle.
Je suis en pleine
incertitude. Mais je sens de plus en plus qu’il va falloir que j’en sorte. Pas
encore tout de suite. (C’est ainsi que je n’envisage un séjour à Solesmes qu’avant
Noël, et non pas maintenant où j’en aurai pourtant le temps). Il n’est pas
l’heure de répondre. Mais je suis sur que lorsque cette heure sonnera, alors ma
réponse impliquera un appel, et que cet appel me fera entendre,
irrésistiblement, comme il s’est déjà fait entendre plusieurs fois dans ma vie,
sans que je puisse faire autre chose que d’écouter, puis de coruir éperdu, à la
trace de ce musicien tôt disparu.
J’attends, et pourtant le
désir de la vocation grandit en moi. Ce désir est-il bon ou mauvais. Peut-être
est-il bon, dans la mesure où c’est au fond le prélude à tout amour, même
divin.
N’importe, je vis parfois la
phrase de Merton «
car ce désir me torturait, par opposition au désespoir soudain qui faisait rage
au plus profond de mon cœur : je me trouvais tout à coup en face d’un
doute horrible, d’une question à laquelle je ne trouvais pas de réponse :
Ai-je réellement la vocation ? »
* * *
A vrai dire en ce moment,
seul compte la joie de connaître le Christ (et aussi le sommeil qui m’envahit).
Dans la longue lettre que
m’a écrite André [3], j’ai
été frappé par le fait qu’il remette en cause (au moins intellectuellement) sa
vocation, ou plutôt qu’il choisissait à nouveau, qu’il répondait à nouveau
oui. Cela ne devrait pas m’étonner. Mais lorsqu’on regarde quelqu’un vivre, si
intensément cela, on est un peu bouleversé et stupéfait.
Dans les quelques lignes que
m’a adressées Michel, j’ai relevé ces mots, qui montrent combien il progresse
vite, et combien sa vie spirituelle s’approfondit et s’eenrichit, grâce à Dieu.
(C’est exactement ce que dit Merton de l’humilité dans les chemins de la joie) :
« … car nous sommes
humbles de notre orgueil-même ».
* * *
Demain, je passe la journée
à Chasillé, avec André. Bien près de Solesmes. Une journée de grand air,
d’affection humaine. Que de richesses à découvrir. Faites, Seigneur, que je
vous cherche avant tout autre chose, avant tout autre être. Car Toi seul est
Dieu.
A l’avenir, prendre plus
souvent des notes, plus régulièrement, quand j’en ressens la nécessité. Ne pas
écrire, quand je n’en ai pas envie. Mais me forcer à écrire quand je sens qu’il
le faut. Sinon ce cahier qui doit m’aider à parcourir cette étape de transition
et de mutation, ne sert de rien. [4]
+ [5]
Seigneur, je t’offre mon
besoin de prier. Je t’offre mon manque de prière. Je t’offre, mon sommeil, mes
joies humaines, ces joies que tu as vécues, il y a 2000 ans, et que tu revis en
moi.
Seigneur, protège la
rencontre que je vais faire avec André demain.
Seigneur, que Ta volonté
soit faite. S’il te plaît de me rappeler dès demain ou dès ce ssoir à Gtoi, peu
importe. Que je T’aime. Que Tu me donnes la force de T’aimer, de ne jamais
détourner mon visage de Ta lumière. Donne-moi de respecter les autres, pour
respecter le plan que Tu as sur eux. Seigneur, j’ai confiance en Toi. Fais de
mon Ton fils.
[1] - Michel T. de P. va
prochainement entrer dans la
Compagnie de Jésus, noviciat à Saint Martin d’Ablois, en
Novembre 1965 – l ’expression est d’Alfred Fabre-Luce
[2] -
François Boyer-Chammard, Jésuis, aumônier des « terminales » à
Saint-Louis de Gonzague, demeuré mon « père spirituel » tout le début
des années 1960 de ma sortie du collège en Juillet 1960 à mon départ en
Mauritanie en Février 1965, pour y accomplir le service national
[3] -
André L. de deux ans mon aîné, ami de Franklin et de la troupe scoute 119-121ème
Paris, se fera franciscain et sera ordonné prêtre par Mgr. Renard, évêque de
Versailles. Je ne le revis plus ensuite et il est mort à je ne sais quelle date
depuis plusieurs décennies, ayant – ai-je cru comprendre – quitté sa
congrégation sinon même l’état de vie religieuse et sacerdotale. Comme celles
de Jean-Claude C. et de Michel T. de P. j’ai suvi par leurs confidenecs
fréquentes et selon notre intiumité mutuelle, le cheminement de leurs vocations
respectives, mais pas ce qu’il en advint ensuite
[4] -
premier journal tenu régulièrement et sur un cahier d’écolier, depuis le 30
Août précédent – manuscrit, alors que je me présente au concours d’entrée à
l’Ecole nationale d’administration, sans la « prep. ENA » alors
couramment suivie par les candidats, dont beaucoup de mes aînés d’un an ou deux
depuis Saint-Louis de Gonzague et les Jésuites
[5] - croix scoute
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