Vendredi 30 Octobre
1964 18
heures 45
Je suis au Petit Collège,
dans la salle du Père Lamande. Cette salle qui se transforme et s’enrichit
d’année en année. Je viens de bavarder avec Mme Caillaux, de tout, de rien, de
Jean-Claude, de la vie des jeunes Jésuites.
Seigneur, ce désir – je ne
sais s’il vient de toi ou de moii. Fais-en ce que Tu veux. Prends-moi comme je
suis. Il fait partie de moi-même. Seigneur, fais-moi voir clair. Seigneur,
exauce-moi, calme-moi. Equilibre-moi dans Ton amour. Donne-moi une vocation,
celle que Tu veux pour moi.
De quoi vais-je parler au
Père Lamande. Que vais-je lui dire ? je n’en sais rien. Seigneur, guide
mes paroles et les siennes. Seigneur, veille sur moi, ces mois-ci. Ils sont
décisifs, car je sens qu’il va falloir que je me décide, non pas que je décide,
mais que je me décide. C’est-à-dire que ma décision engagera tout moi-même.
Seigneur, ma vocation
serait-elle une utopie, un rêve, un mythe, comme l’a été Viviane ?
Vivrai-je et penserai-je à l’envers depuis l’âge de neuf ans ? Seigneur,
si c’est une chimère, un fruit de mon égoisme, de mon ambition, dis-le moi,
mais arrache cette chimère de moi.
Si c’est vrai, Seigneur,
dis-le moi, fais que j’en pèse les conséquences et que je décide. Seigneur,
j’attends devant ta porte. Seigneur, je pleure et gémis. Seigneur, je n’en puis
plus. Tout va éclater. Seigneur parle, j’écoute. Seigneur, montre-toi.
Indique-moi la voie. Emmène-moi par la main, dans la grande allée de tes
saints. Conduis-moi au tabernacle de Ton amour. Consacre-moi à Ton service, à
ton amour, aux autres. Seigneur, oriente mes pas, dirige mon regard, vis en
moi. Seigneur, si Tu ne m’aides pas, je suis perdu. Seigneur.
*
*
*
Vu le Père Lamande, 20 heures à 23 heures
– Impression très forte.
J’ai vêcu d’elle, pendant quatre jours. Reste extrêmement apte à comprendre le
monde, les adultes et les enfants. N’est spécialisé qu’en apparence. Calme.
Force intérieure. Goût du beau : salle des catéchismes, son bureau
(peut-être un peu trop chargé), chapelle (la lumière, le son, la peinture, la Sainte Vierge, avec
son beau geste). Petit train : apprendre aux enfants à être précis,
observateurs, etc.
– Joie d’une reprise de
contact si facile. Bien que j’ai dix ans de plus. Ai pu tout de suite faire le
point avec lui.
– M’a parlé de sa vocation.
Appel amoureux. Si violent qu’il en était jeté à terre. N’est entré que tard.
Mère admirable.
– Ne s’est nullement
prononcé. Ni dans un sens, ni dans un autre. Un seul conseil : prier,
faire quelque chose qui coûte beaucoup (il m’avait cité l’exemple, de
cesser de fumer, si on en a l’habitude. Pour moi : est-ce la photo ?
c’est ce que je me suis demandé en forêt de Compiègne).
Vocation : signe,
convergence. C’est à moi de décider. Je suis le seul à pouvoir le faire.
M’a cité deux exemples :
– un prêtre, qui a été ordonné, alors que
sa famille l’avit poussé au sacerdoce. En est relevé maintenant. N’en pouvait
plus.
– un homme qui ne s’est pas marié, qui
avait le désir, la vocation, qui n’a pas su se décider. Malheureux, au possible.
Ne pas rater sa vie.
– Convergence avec
Boyau : Compagnie de Jésus allie
contemplation et apostolat (tout Jésuite a eu une vocation bénédicitine, ou à
peu près).
– Accepte de voir ce que
j’ai passé à Boyau, mais après lui. Souligne que j’écris facilement et trop.
Qu’il s’intéresse plus à ce que je dis.
– M’a sincèrement félicité
pour le boulot fait à la
Troupe. S’était posé la qustion de savoir où je voulais en
venir (au vu des journaux de camp successifs). Cela m’a fait plaisir.
(Le Père Boyer-Chammard ne
m’en a jamais parlé, sauf une fois, pour me dire, que si mes
« pécus » étaient bons, le reste l’était moins : cf. local, et
que c’était çà qui était important…)
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