jeudi 30 octobre 2014

journal d'il y a cinquante ans


Vendredi 30 Octobre 1964   18 heures 45


Je suis au Petit Collège, dans la salle du Père Lamande. Cette salle qui se transforme et s’enrichit d’année en année. Je viens de bavarder avec Mme Caillaux, de tout, de rien, de Jean-Claude, de la vie des jeunes Jésuites.

Seigneur, ce désir – je ne sais s’il vient de toi ou de moii. Fais-en ce que Tu veux. Prends-moi comme je suis. Il fait partie de moi-même. Seigneur, fais-moi voir clair. Seigneur, exauce-moi, calme-moi. Equilibre-moi dans Ton amour. Donne-moi une vocation, celle que Tu veux pour moi.

De quoi vais-je parler au Père Lamande. Que vais-je lui dire ? je n’en sais rien. Seigneur, guide mes paroles et les siennes. Seigneur, veille sur moi, ces mois-ci. Ils sont décisifs, car je sens qu’il va falloir que je me décide, non pas que je décide, mais que je me décide. C’est-à-dire que ma décision engagera tout moi-même.

Seigneur, ma vocation serait-elle une utopie, un rêve, un mythe, comme l’a été Viviane ? Vivrai-je et penserai-je à l’envers depuis l’âge de neuf ans ? Seigneur, si c’est une chimère, un fruit de mon égoisme, de mon ambition, dis-le moi, mais arrache cette chimère de moi.

Si c’est vrai, Seigneur, dis-le moi, fais que j’en pèse les conséquences et que je décide. Seigneur, j’attends devant ta porte. Seigneur, je pleure et gémis. Seigneur, je n’en puis plus. Tout va éclater. Seigneur parle, j’écoute. Seigneur, montre-toi. Indique-moi la voie. Emmène-moi par la main, dans la grande allée de tes saints. Conduis-moi au tabernacle de Ton amour. Consacre-moi à Ton service, à ton amour, aux autres. Seigneur, oriente mes pas, dirige mon regard, vis en moi. Seigneur, si Tu ne m’aides pas, je suis perdu. Seigneur.

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Vu le Père Lamande, 20 heures à 23 heures

– Impression très forte. J’ai vêcu d’elle, pendant quatre jours. Reste extrêmement apte à comprendre le monde, les adultes et les enfants. N’est spécialisé qu’en apparence. Calme. Force intérieure. Goût du beau : salle des catéchismes, son bureau (peut-être un peu trop chargé), chapelle (la lumière, le son, la peinture, la Sainte Vierge, avec son beau geste). Petit train : apprendre aux enfants à être précis, observateurs, etc.

– Joie d’une reprise de contact si facile. Bien que j’ai dix ans de plus. Ai pu tout de suite faire le point avec lui.

– M’a parlé de sa vocation. Appel amoureux. Si violent qu’il en était jeté à terre. N’est entré que tard. Mère admirable.

– Ne s’est nullement prononcé. Ni dans un sens, ni dans un autre. Un seul conseil : prier, faire quelque chose qui coûte beaucoup (il m’avait cité l’exemple, de cesser de fumer, si on en a l’habitude. Pour moi : est-ce la photo ? c’est ce que je me suis demandé en forêt de Compiègne).
Vocation : signe, convergence. C’est à moi de décider. Je suis le seul à pouvoir le faire. M’a cité deux exemples :
– un prêtre, qui a été ordonné, alors que sa famille l’avit poussé au sacerdoce. En est relevé maintenant. N’en pouvait plus.
– un homme qui ne s’est pas marié, qui avait le désir, la vocation, qui n’a pas su se décider. Malheureux, au possible.
Ne pas rater sa vie.

– Convergence avec Boyau :  Compagnie de Jésus allie contemplation et apostolat (tout Jésuite a eu une vocation bénédicitine, ou à peu près).

– Accepte de voir ce que j’ai passé à Boyau, mais après lui. Souligne que j’écris facilement et trop. Qu’il s’intéresse plus à ce que je dis.

– M’a sincèrement félicité pour le boulot fait à la Troupe. S’était posé la qustion de savoir où je voulais en venir (au vu des journaux de camp successifs). Cela m’a fait plaisir.
(Le Père Boyer-Chammard ne m’en a jamais parlé, sauf une fois, pour me dire, que si mes « pécus » étaient bons, le reste l’était moins : cf. local, et que c’était çà qui était important…)


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