Samedi 10 Octobre 1964
Canevas d’un éventuel
« essai » sur la féminité (titre à trouver)
1° Partie Charme *
Catherine M. * Viviane
Laetitia
Laurence J.
Catherine D.
Christine P.
Brigitte P.
Dominique F.
Catherine C.
2° Partie Tendresse Maman
3° Partie Accueil la Sainte Vierge
Peut-être faire quelque
chose sur mes cinq soeurs
Marie-Charlotte :
féminité
Marie-Pierre : silence
Marie-Thérèse : le blé
en herbe
Marie-Dominique :
l’appui, le repos
Marion : la divination
Faire aussi un autre Essai
« Dieu créa l’homme à son image »
1° Partie Eric DR, Philippe, Bruno, Christian, Luc,
François
2° Partie André, Michel
3° Partie Père Hermelin, Père Hôtelier
Il y aura toujours quelque
chose de neuf et d’émouvant dans la rencontre d’une jeune fille. Et pourtant
que de jeunes fills cotoyées, croisées sans que le moindre échange ait lieu.
Pourtant, que de filles me paraissent anodines, sans intérêt. Et pourtant
quelques-unes se détachent. Ou plutôt, il en est une qui s’impose à mon esprit,
avant de s’imposer à mon regard, à mon geste. C’est celle qui est présente.
C’est Catherine M. à La Baule et les devoirs de
vacancesn et la conversation sur le canapé, les yeux bleus moqueurs mais
sérieux par instant.
C’est Laetitia embellie par
les lettres, exaltée par la solitude de l’Angleterre, dont les réponses
s’emmêlent avec la correspondance que j’entretiens avec André, cherchant une
ultime fois la place où Dieu l’appelle.
C’est Laurence J. qui me
rappelle la douceur de viviane, dont je lis la copie avec émotion, que je
raccompagne chaque mercredi midi de Sciences-Po. au ministère de l’Industrie.
C’est Catherine D. dont le
visage ne m’apparaît que dans le flou, le vague d’une sentimentalité éclose,
épanouie et fânée en huit jours. Encore un fantasme de Viviane.
C’est Christine P. et le
premier avant-goût de la chair dans des slows
où l’on s’étreint avec timidité et profondeur.
C’est Brigitte P. l’autre
hiver dont les cheveux blonds me parurent la première fois, la seule différence
d’avec viviane.
C’est Dominique, silhouette
blanche traversant le chœur de la collégiale de Montréal pour me rappeler que
je l’avais injuriée à Sciences-Po. Le concerto de haendel et toute la soirée de
ce vendredi de Juin portent son nom.
C’est Catherine C., aperçue
il y a deux jours, et avec qui j’ai vêcu – avec d’autres – cette soirée :
des yeux changeant suivant la lumière, des traits qui ne sont pas jolis mais
infiniment de charme et de gaîté dans le regard.
C’est Viviane, silhouette rose,
assise sur le perron de la rue Vineuse en Juillet 1959, rire cristallin au
téléphone certain soir : « Je suis bien contente », assise près
de moi, qui commence à douter mais qui ne veut qu’elle, à l’annonce faite à Marie
ou pour le père humilié, dans sa robe jaune, certaine soirée donnée à
Riotheneuf, assise à écrire sur une petite table de fer, près de laquelle je
viens travailler, dans une matinée de soleil. C’est Viviane en qui j’ai cru et
de qui j’ai désespéré pendant quatre ans.
Depuis un an – depuis la
disparition de Viviane – , je suis plus attiré que jamais par le charme
féminin. Mais, je sais de plus en plus que ce n’est pas ma voie. J’admire
éperdûment, mais sans mot dire. Je reste gauche et maladroit. Malhabile et
timide. Mais je sais que l’amour plus parfait, m’attend, que mon bonheur n’est
pas là. Et pourtant, je regarde de tout mon être. Et pourtant, je travaille, et
la jeune fille que je viens de quitter est éternelle.
Je n’ai nulle amertume. Je
sens que je me détache de plus en plus des jeunes filles. Mais je sens aussi
que si c’était la volonté de Dieu, je m’y attacherai le plus facilement du
monde et que facilement, je chercherai et trouverai – j’en suis sûr – la femme
que je rendrai heureuse et qui me rendra heureux, et avec qui je marcherai vers
Dieu, dans le bonheur et dans la joie. Mais j’ai de plus en plus conscience que
ce n’est pas ma voie.
Tout ce que je dis là, n’a
guère d’intérêt. Mon regard est possessif. Je suis avide cueillir, de
contempler. Seigneur, donne-moi de contempler ton visage à travers celui de la
femme, ta créature. Donne-moi de Te louer dans les sentiments qu’elle
m’inspire. Donne-moi de Te chercher demain dans la joie que j’aurai d’être avec
Catherine.
Pourquoi cette manie
d’écrire. Ce livre sur les trois ans de Troupe. Ces essais dont j’ai eu
l’idée aujourd’hui, et, d’autres jours, sur des personnes que j’ai connues, et
que j’aime. Pourquoi tout galvauder, pourquoi vouloir posséder des êtres.
Ne rien écrire. Ne pas
penser à la célébrité, à un nom. Ne pas faire fructifier. Ne pas analyser. Ne
pas détailler. Vivre, au présent.
Merci, Seigneur de cette
journée.
Merci de ces sonates de
Beethoven
Merci de Catherine Coye
Merci de tout ce que tu as
semé sur ma route
Pardon de vouloir tout
posséder
Pardon de ma user de ce que
tu me donnes
Pardon de critiquer
et juger en moi-même ceux
qui m’entourent
Pardon de ne pas T’aimer
assez
Pardon de m’égarer à écrire
ce soir, alors que tu n’en avais nullement envie, et que tout cela n’est que
bavardage.
Merci de me convier à ta
table, demain matin.
Seigneur, augmente ma Foi
Fais que je joue ma vie, de
plus en plus, sur Ta parole
Appelle-moi à Ton service
Donne-moi de voir Ton visage
Donne-moi d’accueillir les
autres et de les aimer dans ton regard, comme Tu les aimes, parce que Tu les
aimes.
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