mardi 28 octobre 2014

journal d'il y a cinquante ans


Mercredi 28 Octobre 1964              22 h 30



Ce soir, scène de Vincent à table. Pour ne pas changer. D’où scène de Hugues. Le climat devient alors insupportable. Maman est de plus en plus vulnérable aux scènes ou à ce que demande Marie-Charlotte et s’effondre, trop souvent. Que c’est triste et inquiétant. Et pourtant que d’admiration j’ai pour elle. A sa place, je n’aurais plus d’espoir ou d’espérance. Elle ne croit pas encore beaucoup. Ses enfants la blessent, et la quitteront. Elle se tue de fatigue. Et les retrouvailles avec Papa sont encore éloignées, malgré un « modus vivendi » croissant [1]. Et pourtant, elle tient le coup. Grâce à vous, mon Dieu.

Je crois que mon entrée dans un ordre religieux lui causerait un coup terrible. Elle y est résolument opposée. Est-ce signe de Ta volonté, Seigneur ?

Le positif de ces derniers mois, est que j’ai pu lui en parler de façon détendue, et lui faire envisager – malgré elle – cette possibilité.

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Mon projet de week-end à la Toussaint est battu en brèche. Christian est au lit : 40° de fièvre. Philippe a un rallye (Genlis). Au fond, Seigneur, tu veux me montrer par là, que je ne puis bâtir ma vie – même à court terme – sans Toi, que je suis plus attentif à mes projets plutôt qu’à Ton projet.

Ma vocation est-elle un projet que tu réduiras en miettes, quand tu le jugeras bon, ou plutôt qui s’écroulera de lui-même. Ou bien est-ce Ton plan sur moi ?


J’ai découvert cet après-midi (en écoutant cette si merveilleuse et apaisante VIII° symphonie de Beethoven), le Ps II de Robert Brasillach, écrit à Fresnes, le 30 Octobre 1944. Dans deux jours, il y aura vingt ans… Je voudrais apprendre ce texte par cœur, le faire découvrir à d’autres.


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J’ai l’impression que la forêt de Compiègne, revêt ses plus belles robes pour me plaire, et que je ne peux manquer le rendez-vous qu’elle m’assigne. Désir !

Robert Brasillach  [2].    Poèmes de Fresnes

«  Vous avez fait le ciel pour vous-même, Seigneur.
Et la terre d’ici pour les enfants des hommes,
Et nous ne savons pas de plus réels bonheurs
Que les bonheurs cernés par le monde où nous sommes.

Nous voulons bien un jour célébrer vos louanges,
Et nous unir aux chants de vos désincarnés,
Mais vos enfants, Seigneur, ils ne sont pas des anges,
Et c’est aux cœurs d’en bas que leur cœur est lié.

Pardonnez-nous, Seigneur, de ne pas oser croire
Que le bonheur pour nous ait une autre couleur
Que la joie de la source où nos bouches vont boire
Et du feu où nos mains recueillent la chaleur.

Pardonnez-nous, Seigneur, dans nos prisons capitves
De songer avant tout aux vieux trésorss humains,
Et de nous retourner toujours vers l’autre rive,
Et d’appeler hier plus encor que demain.

Pardonnez-nous, Seigneur, si nos âmes charnelles
Ne veulent pas quitter leur compagnon le corps,
Et si je ne puis, ô tertre fraternelle,
Goûter de l’avenir une autre forme encor.

Car les enfants pressés contre notre joue d’homme,
Les êtres qu’ont aimés nos cœurs d’adolescents
Demeurent à jamais, devant ceux que nous sommes,
L’espoir et le regret les plus éblouissants.

Et nous ne pourrions pas, pétris de cette terre,
Rêver à quelque joie où ne nous suivraient pas,
La peine et le plaisir, la nuit et la lumière
Qui brillaient sur le sol où marquèrent nos pas. »

30 Octobre 1964


[1] - c’est sans doute le drame familial pour les deux générations : mes parents et nous, leurs enfants. Pour des raisons que nous n’avons jalais cherché à élucider et depuis des dates que nous ne savons pas non plus, que ne savait pas ma mère et sans que l’un quelconque d’entre nous ait jamais interrogé notre père, celui-ci s’est avéré au début de 1962 un joueur avéré, ayant perdu sa situation – qui était importante dans les réassurances sur la vie – puis en ayant retrouvé une autre, à émoluments égaux, permettant de rembourser ce que diverses liquidations immobilières de nos grands parents des deux côtés maternel et paternel n’avaient pas épongé. Les choses redevenues viables, mon père « rechuta » et la séparation de corps se confirma, ma mère tâchant de sauveharder ses meubles et de quoi subvenir à nos besoins et à des apparences qui restèrent convenables. Mais un manque profond s’instalal, une division aussi entre entre nous, les enfants, sur l’attitude à avoir vis-à-vis de chacun de nos parents. Suivant nos âges, alors, nous fûmes plus ou moins profondément perturbés, au moins trois de nos projets de mariage en furent affectés.
[2] - Robert Brasillach, défendu par M° Jacques Isorni (qui y gagna d’être l’un des avocats du Maréchal Pétain si mois plus tard), et fusillé en Février 1945 – pour ses écrits, et notamment des articles anti-sémites publiés sous l’Occupation par Je suis partout … demeure un « auteur maudit », alors Céline et Pierre Drieu La Rochelle ont les honneurs de la Pleiade. J’ai tenté à plusieurs reprises d’acquérir une collection de l’hebdomadaire dit d’extrême droite, sans succès. Je veux me rendre compte par moi-même de ces articles. C’est ma mère qui me le donna à lire : d’abord Comme le temps passe… puis ces Poèmes de Fresnes, en attente de la condamnation à mort et de son exécution, en compagnie de Chénier… François Mauriac intervint en sa faveur auprès du général de Gaulle. Il semble que le président du Gouvernement provisoire ne revint sur sa promesse faite au grand écrivain qu’en voyant dans le dossier une photo de Brasillach, en uniforme allemand. Gaston Paleswski, directeur de son cabinet, y avait glissé une photo de Jacques Doriot, la ressembance pouvait tromper… et trompa.  Edgard Pisani, ajoint du préfet de police Luizet, accueillit à la Libération sa reddition afin que ne soit pas inquiétée sa mère et tenta de le faire fuir. En vain.

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