vendredi 25 juillet 2014

poèmes au Brésil - 10 -




Hymne à l’épousée


Aux heures des moines, à celle encore de
la lune qui va des eaux aux montagnes,
quand d’autres courent des chambres et des
balcons par les couleurs de la prière déjà
jusqu’à une commune église,
je vais – moi –
des souvenirs qui ne furent pas toi aux
mille images qui précédèrent ma décision
et déjà étaient notre amour,
je vais – moi – du lit où tu n’es pas encore
au futur antérieur que tu habiteras,
aux espaces que tu combleras, à la silhouette
tienne – nôtre par mon désir – que tu as
introduite dans ma vie, à la porte que tu
refermeras du petit matin, à l’hymne que
tu placeras en mes lèvres,
je vais – moi –
te portant en mon rêve, en mon attente,
en ma décision de t’épouser comme l’enfant
ou le moine courant dans la nuit pour n’arriver
pas en retard à l’office toujours singulier
qui commence aux bougies, qui commence dans
le silence et le murmure, qui s’élèvera seulement
vers l’aurore en la certitude chantée et claire
que demain a commencé.

Toute prière a le grain des journées et des nuits
qui l’ont préparée, qui ont fait pousser dans le
cœur de l’enfant chrétien le geste et l’envie
de hausser la tête et l’esprit, de danser vers
des cieux qui ne sont plus imaginaires
depuis que l’incarnation ou la foi les ont ouverts.
La caresse a la même ferveur, elle se rassemble
des mêmes goûts, de la même sensation pointant
dans l’âme de l’amant la rosée qui aux lèvres
humecte déjà le désir, le don, l’élan des bras
vers l’épousée, celle tout à l’heure qui du seuil des
portes au dehors au seuil  à l’étage sera à bout
de corps, blanche et sommeilleuse, nue pas encore,
portée de marche en marche dans la procession de
toutes  qui la précédèrent et marquèrent sa future
ressemblance.

Il est en est qui partent, d’autres qui restent
l’anticiper, l’avoir vu avant est ma tristesse.
Immense le cortège des instants qui ont précédé
si jumeaux dans mon souvenir mais que le présent
doit couper s’il est magique.
Car elles furent nombre ces odeurs de l’attente,
ces anticipations du répons quand tour à tour
les saisons de mon enfance m’apportaient des
grands parcs d’automne aux fourrés de l’autre
printemps le sourire blond de tel fleuve du nord,
le front de moire des montagnes à notre est,
et qu’avec elle ou elle ou elle encore je
marchais dans ma ville, je marchais dans l’avenir
ne sachant déjà ni compter ni continuer et parfois
voilà des lambeaux de moi s’effilochaient à des
vents que désormais je serais seul à entendre.
J’ai su plus tard l’épaisseur et la densité
des sentiments de tes sœurs quand elles aiment
et passent au cou de l’homme – celui de leur
première fois ou celui de leur nouvelle et décisive
consolation
-         des bras nus et que dans le sourire qu’elles
allument parce qu’ elles ont déjà consenti et que
l’apparence en commence et que glisse la chemise
et la rivière du lit qui se fait à couler
blanc dans la nuit, qu’ils sont parfois hauts
ces lits des premiers instants où les corps
doivent s’épeler pour être sûrs de ne pas se
tromper de chemin ni de science.
J’ai appris de telles choses, qui amenaient
des plages et des oiseaux, des volets d’aube,
des mers du nord quand la promenade et le sable
impriment bien autrement le souvenir de l’amour,
que la vie se raconte et que l’histoire de l’une
devient la mienne et que je n’ai cette nouvelle
fois qu’à raconter les anciennes.
Tout n’eût été que rien si la durée n’avait
roulé son granite à la plage qui était toujours
vierge.
                     Elles se croient semblables
les images quand elles figurent
le corps inversé de l’extase,
l’interrogation éternelle à
                      l’amant une fois donnés tous
les fruits et la salle rallumée
et la dubitation initiée
car le rire et le sourire et
nos joies
n’ont que l’habit des premières
fois. Vient très vite la vie

J’ai repoussé les réponses croyant de ce pied
ajouter beaucoup aux instants, beaucoup du futur.
Je croyais aux arrangements et aux combinaisons
de la fée, du soleil, de l’oubli, à quelque
maladie changeant les visages s’il le faudrait
et je courais dans les champs et parmi mille fleurs.
J’ai accumulé des vies que je n’achevais pas
et j’ai dit des paroles que je ne tenais que
dans un rêve que d’autres auraient combiné,
vécu pour moi. J’ai superposé et cumulé toutes
les espérances, toutes les routes, croisé
tous les chemins, noué toutes les herbes qui
donnent au soleil passant le signe des
accueils. Je n’étais pas multiple, la couche
était la même et es pleurs au ventre ouvert
étaient de semblable eau de la reconnaissance.
Pourtant, parfois, venait une qui était seule,
parce qu’elle avait autrement commencé, elle
n’exigeait que moi, tolérait d’abord tous les
alentours pourvu qu’à cet instant de l’étreinte
qui était le propos du discours, son anthologie
nous ne fûmes qu’un.
Elle prophétisait un mariage et son départ,
S’épouvantait du désert entraperçu,
brûlant et rêche, consacré involontaire,
rien que de l’envisager comme le bout de
ma route.
Elle m’en faisait oublier – de toi seule qui
devenait l’autre vie, l’arc dressé en face
de toute alternative – celles qui avaient
l’âge de ma vie et de mes premiers sentiments,
des habitudes prises de la tendresse et de
ce que tous appellent l’amour. J’ai retrouvé
alors l’autre état, celui de l’homme qui craint
l’amant, qui rejette la part de lui-même trop
pesante pour une âme qui n’aurait pas encore
choisi son corps. J’ai connu cet état où les
couleurs et la beauté perdent leur puissance,
où le village si beau d’hier dans ses hauteurs
et ses falaises quand les autres rentrent
des filets et des poissons et que l’on attend
de là-bas et de là-haut.
Chaque pays a sa pêche, ses lumières du crépuscule
qui passent au cap et surgissent dans la nuit
maintenant pour rappeler la ligne de l’horizon
qu’on ne verra plus que demain.
Du continent à l’autre, de peuple en peuple,
Je vivais la même histoire en des mots différents
et dans cette île quatre fois identique
où j’avais rêvé d’aurores de chair sur le marbre
laissé par des siècles après une dernière découpe,
je me trouvais à de aurores que j’attendais
au seuil de chambre où l’on dormait et où je
ne rejoindrai celle qui aimait mon étreinte et
la galopade adolescente, qu’au matin pour lui
dire des aveux durs. Je saurais les effacer
comme je savais, je croyais savoir annuler des
vies ainsi qu’on frotte au tableau une image et en
dessiner une autre. Le sable se creusait
bien après d’un corps que l’obscurité et l’heure
du bateau avaient liquéfié, on tombait après le
soleil, les mains accrochées à la hâte d’une
jouissance qui ne manquerait plus jamais.
Elle avait le front bombé, enfantin, têtu,
décisif et proposa le mariage autrement.

La décision est la fin enfin de la tentation,
mais il n’est d’offrande et de séduction que
l’autre possible, et la vie différente qui à
ce chemin-ci commencerait si je le prends
est le gouffre de la volonté qui se choisirait
une âme autre.
J’ai frôlé ces précipices toute l’existence
qui m’est faite et longerai encore de tels
abysses, je le sais.
Le mariage est à côté un feu,
où s’engloutissent et se fondent les images
et les vérités, où devrait prendre sens et forme
la consécration aisée de chaque jour
quand l’habit a revêtu son épée. De cela, je me
munissais en songe quand revenu à la solitude
après les départs des pleurs ou de l’exigence,
je méditais ce qui m’était dit ou ce que j’
avais vu.
Faut-il ne pas trop voir, ne pas sentir du tout
pour ne pas aimer, ne pas prendre le risque d’autres ?
Le métal ne m’enserra qu’avec le temps
et je crus un jour
que la course s’arrêterait, car chacune
me voyait nu et d’un regard semblable.
J’étais – elles le savaient – inerte et
le plaisir même finirait ; la cathédrale qui s’écroulait
bruissait de toutes les  vies, de tous les chants
et aucun, aucune ne pouvait s’appliquer à l’
espace du ciel qui attend son vitrail.

L’instant du haut à la mer, de la dernière
respiration en ce monde à la première
sur l’autre terre, le brouillard qui d’un
coup de rideau révèle la montagne ou la plaine,
la jeune fille brune qui se donne quand on
avait déjà accepté de repartir avant minuit
et renoué la montre au poignet,
l’imprévu de la caresse une ultime fois tentée
et celle-là acceptée,
ne se connaissent jamais, ne se donnent jamais en tableau.
On est passé d’un état à un autre, et ce doivent
être cela ces épisodes hors de notre mémoire,
la naissance et la mort qu’il faut bien.
Ainsi de ce seuil aux portes du dehors à
ces marches que je monte, toi en mes bras étendus
jusqu’à l’autre  entrée entre vers les obscurités
de l’éternité initiée en miséricorde,
je ne pourrai jamais dire comment je l’ai franchi :
il fut cent fois appréhension, cent fois neige au soleil
avant que ma main à son bois, au heurtoir de tous les temps
ne se pose frémissante comme l’adolescent
qui va découvrir le mystère.

Devant les porches, l’aube largement venue mais
pas encore la précision des ombres et des attaques
que multiplie le grand jour à chacune des heures,
j’ai récité les  images de la vie future
comme si elles étaient celles d’un passé enfin unique.
Et ce n’était pas d’un corps, fut-il de science
certaine le plus beau, le plus doux, le plus enveloppant
de tous, ce n’était pas d’un regard en lac sous ce ciel
que je trouvais à m’envoûter,
pas même de cette silhouette toujours au seuil
de paysages où je promène en courant ma chaîne
d’arpenteur.
Je voyais de pavé en pavé, de statues de roi ou de saint
en bribes de l’avenir et des communions finales
où nous ne serons plus que peuple et grâce,
se développer et surgir, calmes comme de nuits légendaires,
les heures et les siècles du bonheur à luire.

Dans l’attente de celle qui contemple,
il y a le reflet de celui qui choisit.
Certains en leur enfance à peine finissante
tombent d’un coup sur le premier sourire
et s’en vont avec, immédiatement et sans soupir
vers un passé qu’ils n’auront jamais eu 
jusqu’à l’autre côté de la haie vite atteinte
et l’histoire ne dit plus rien, comme si elle
ne les avait pas même entendus dans leur premier
cri et leur seconde joie.
Elle ne revient à son récit qu’en cas du malheur
qui a souvent le front gris du départ, du moins
l’imagine-t-on car du vrai moment qui sera le dernier,
On a souvent la grâce de ne le pas connaître encore
tel, quand on le vit assuré qu’il est bien dans la
chaîne des retours.

Dans l’attente de l’épousée tout à l’heure
il y avait ce regard qui fouille les instants
et les manœuvres de l’hésitation.
C’est le secret féminin de ne jamais avouer
les brises de la timidité d’une âme qui ne se
résoud que par espérance, pas par certitude.
La femme sait parler parce qu’elle ne compte que
sur elle-même. L’homme cherchait en ses poches,
sur le comptoir, à toutes les tables les raisons
de comparer son avoir avec tous les autres possibles.
Il allait et venait du seuil presque à sortir de
la salle aux portes où l’attendait, se déplaçant
chaque fois sur sa ligne, la femme qui de toutes
façons serait sienne car il faut à l’homme ici-bas
un temps fou, du temps et de la foie pour
reconnaître ce pour quoi et ce pour qui il est fait.
Il le sait pourtant si bien – de naissance – qu’il
refuse ou dédaigne tout ce qui ne serait ni elle
ni çà.
Mais dans l’étreinte entreprise, et dont d’un sursaut
elle se dégage pour le considérer,
et gravement voir pour eux deux que  ce –
à présent –
qu’ils célèbrent, aurait pu ne jamais être,
la femme seule sait la virginité d’âme
qu’elle a dû si longtemps enchanter
pour exorciser en cet homme précis
qui va vers elle et qu’elle roulera en son ventre,
toutes les autres et tous les alentours et rivages
ayant jusqu’à cet instant
retenu de l’époux
la naissance.






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