Hymne à l’épousée
Aux heures
des moines, à celle encore de
la lune qui
va des eaux aux montagnes,
quand
d’autres courent des chambres et des
balcons par
les couleurs de la prière déjà
jusqu’à une
commune église,
je vais –
moi –
des
souvenirs qui ne furent pas toi aux
mille
images qui précédèrent ma décision
et déjà
étaient notre amour,
je vais –
moi – du lit où tu n’es pas encore
au futur
antérieur que tu habiteras,
aux espaces
que tu combleras, à la silhouette
tienne –
nôtre par mon désir – que tu as
introduite
dans ma vie, à la porte que tu
refermeras
du petit matin, à l’hymne que
tu placeras
en mes lèvres,
je vais –
moi –
te portant
en mon rêve, en mon attente,
en ma
décision de t’épouser comme l’enfant
ou le moine
courant dans la nuit pour n’arriver
pas en
retard à l’office toujours singulier
qui
commence aux bougies, qui commence dans
le silence
et le murmure, qui s’élèvera seulement
vers
l’aurore en la certitude chantée et claire
que demain
a commencé.
Toute
prière a le grain des journées et des nuits
qui l’ont
préparée, qui ont fait pousser dans le
cœur de
l’enfant chrétien le geste et l’envie
de hausser
la tête et l’esprit, de danser vers
des cieux
qui ne sont plus imaginaires
depuis que
l’incarnation ou la foi les ont ouverts.
La caresse
a la même ferveur, elle se rassemble
des mêmes
goûts, de la même sensation pointant
dans l’âme
de l’amant la rosée qui aux lèvres
humecte
déjà le désir, le don, l’élan des bras
vers
l’épousée, celle tout à l’heure qui du seuil des
portes au
dehors au seuil à l’étage sera à bout
de corps,
blanche et sommeilleuse, nue pas encore,
portée de
marche en marche dans la procession de
toutes qui la précédèrent et marquèrent sa future
ressemblance.
Il est en
est qui partent, d’autres qui restent
l’anticiper,
l’avoir vu avant est ma tristesse.
Immense le cortège des instants qui ont précédé
Immense le cortège des instants qui ont précédé
si jumeaux
dans mon souvenir mais que le présent
doit couper
s’il est magique.
Car elles
furent nombre ces odeurs de l’attente,
ces
anticipations du répons quand tour à tour
les saisons
de mon enfance m’apportaient des
grands
parcs d’automne aux fourrés de l’autre
printemps
le sourire blond de tel fleuve du nord,
le front de
moire des montagnes à notre est,
et qu’avec
elle ou elle ou elle encore je
marchais dans
ma ville, je marchais dans l’avenir
ne sachant
déjà ni compter ni continuer et parfois
voilà des
lambeaux de moi s’effilochaient à des
vents que
désormais je serais seul à entendre.
J’ai su plus tard l’épaisseur et la densité
J’ai su plus tard l’épaisseur et la densité
des
sentiments de tes sœurs quand elles aiment
et passent
au cou de l’homme – celui de leur
première
fois ou celui de leur nouvelle et décisive
consolation
-
des bras nus et que dans le sourire qu’elles
allument
parce qu’ elles ont déjà consenti et que
l’apparence
en commence et que glisse la chemise
et la
rivière du lit qui se fait à couler
blanc dans
la nuit, qu’ils sont parfois hauts
ces lits
des premiers instants où les corps
doivent
s’épeler pour être sûrs de ne pas se
tromper de
chemin ni de science.
J’ai appris
de telles choses, qui amenaient
des plages
et des oiseaux, des volets d’aube,
des mers du
nord quand la promenade et le sable
impriment
bien autrement le souvenir de l’amour,
que la vie
se raconte et que l’histoire de l’une
devient la
mienne et que je n’ai cette nouvelle
fois qu’à
raconter les anciennes.
Tout n’eût
été que rien si la durée n’avait
roulé
son granite à la plage qui était toujours
vierge.
Elles se croient semblables
les images
quand elles figurent
le corps
inversé de l’extase,
l’interrogation
éternelle à
l’amant une fois donnés
tous
les fruits
et la salle rallumée
et la
dubitation initiée
car le rire
et le sourire et
nos joies
n’ont que
l’habit des premières
fois. Vient
très vite la vie
J’ai
repoussé les réponses croyant de ce pied
ajouter
beaucoup aux instants, beaucoup du futur.
Je croyais
aux arrangements et aux combinaisons
de la fée,
du soleil, de l’oubli, à quelque
maladie
changeant les visages s’il le faudrait
et je
courais dans les champs et parmi mille fleurs.
J’ai
accumulé des vies que je n’achevais pas
et j’ai dit
des paroles que je ne tenais que
dans un
rêve que d’autres auraient combiné,
vécu pour
moi. J’ai superposé et cumulé toutes
les
espérances, toutes les routes, croisé
tous les
chemins, noué toutes les herbes qui
donnent au
soleil passant le signe des
accueils.
Je n’étais pas multiple, la couche
était la
même et es pleurs au ventre ouvert
étaient de
semblable eau de la reconnaissance.
Pourtant,
parfois, venait une qui était seule,
parce qu’elle
avait autrement commencé, elle
n’exigeait
que moi, tolérait d’abord tous les
alentours
pourvu qu’à cet instant de l’étreinte
qui était
le propos du discours, son anthologie
nous ne
fûmes qu’un.
Elle
prophétisait un mariage et son départ,
S’épouvantait
du désert entraperçu,
brûlant et
rêche, consacré involontaire,
rien que de
l’envisager comme le bout de
ma route.
Elle m’en
faisait oublier – de toi seule qui
devenait
l’autre vie, l’arc dressé en face
de toute
alternative – celles qui avaient
l’âge de ma
vie et de mes premiers sentiments,
des
habitudes prises de la tendresse et de
ce que tous
appellent l’amour. J’ai retrouvé
alors
l’autre état, celui de l’homme qui craint
l’amant,
qui rejette la part de lui-même trop
pesante
pour une âme qui n’aurait pas encore
choisi son
corps. J’ai connu cet état où les
couleurs et
la beauté perdent leur puissance,
où le
village si beau d’hier dans ses hauteurs
et ses
falaises quand les autres rentrent
des filets
et des poissons et que l’on attend
de là-bas
et de là-haut.
Chaque pays
a sa pêche, ses lumières du crépuscule
qui passent
au cap et surgissent dans la nuit
maintenant
pour rappeler la ligne de l’horizon
qu’on ne
verra plus que demain.
Du
continent à l’autre, de peuple en peuple,
Je vivais
la même histoire en des mots différents
et dans
cette île quatre fois identique
où j’avais
rêvé d’aurores de chair sur le marbre
laissé par
des siècles après une dernière découpe,
je me
trouvais à de aurores que j’attendais
au seuil de
chambre où l’on dormait et où je
ne
rejoindrai celle qui aimait mon étreinte et
la galopade
adolescente, qu’au matin pour lui
dire des
aveux durs. Je saurais les effacer
comme je
savais, je croyais savoir annuler des
vies ainsi
qu’on frotte au tableau une image et en
dessiner
une autre. Le sable se creusait
bien après
d’un corps que l’obscurité et l’heure
du bateau
avaient liquéfié, on tombait après le
soleil, les
mains accrochées à la hâte d’une
jouissance
qui ne manquerait plus jamais.
Elle avait
le front bombé, enfantin, têtu,
décisif et
proposa le mariage autrement.
La décision
est la fin enfin de la tentation,
mais il
n’est d’offrande et de séduction que
l’autre
possible, et la vie différente qui à
ce
chemin-ci commencerait si je le prends
est le
gouffre de la volonté qui se choisirait
une âme
autre.
J’ai frôlé
ces précipices toute l’existence
qui m’est
faite et longerai encore de tels
abysses, je
le sais.
Le mariage est à côté un feu,
Le mariage est à côté un feu,
où
s’engloutissent et se fondent les images
et les
vérités, où devrait prendre sens et forme
la
consécration aisée de chaque jour
quand
l’habit a revêtu son épée. De cela, je me
munissais
en songe quand revenu à la solitude
après les
départs des pleurs ou de l’exigence,
je méditais
ce qui m’était dit ou ce que j’
avais vu.
Faut-il ne pas trop voir, ne pas sentir du tout
Faut-il ne pas trop voir, ne pas sentir du tout
pour ne pas
aimer, ne pas prendre le risque d’autres ?
Le métal ne
m’enserra qu’avec le temps
et je crus
un jour
que la
course s’arrêterait, car chacune
me voyait
nu et d’un regard semblable.
J’étais –
elles le savaient – inerte et
le plaisir
même finirait ; la cathédrale qui s’écroulait
bruissait
de toutes les vies, de tous les chants
et aucun,
aucune ne pouvait s’appliquer à l’
espace du
ciel qui attend son vitrail.
L’instant
du haut à la mer, de la dernière
respiration
en ce monde à la première
sur l’autre
terre, le brouillard qui d’un
coup de
rideau révèle la montagne ou la plaine,
la jeune
fille brune qui se donne quand on
avait déjà
accepté de repartir avant minuit
et renoué
la montre au poignet,
l’imprévu
de la caresse une ultime fois tentée
et celle-là
acceptée,
ne se
connaissent jamais, ne se donnent jamais en tableau.
On est passé d’un état à un autre, et ce doivent
On est passé d’un état à un autre, et ce doivent
être cela
ces épisodes hors de notre mémoire,
la
naissance et la mort qu’il faut bien.
Ainsi de ce
seuil aux portes du dehors à
ces marches
que je monte, toi en mes bras étendus
jusqu’à
l’autre entrée entre vers les obscurités
de
l’éternité initiée en miséricorde,
je ne
pourrai jamais dire comment je l’ai franchi :
il fut cent
fois appréhension, cent fois neige au soleil
avant que
ma main à son bois, au heurtoir de tous les temps
ne se pose
frémissante comme l’adolescent
qui va
découvrir le mystère.
Devant les
porches, l’aube largement venue mais
pas encore
la précision des ombres et des attaques
que
multiplie le grand jour à chacune des heures,
j’ai récité
les images de la vie future
comme si
elles étaient celles d’un passé enfin unique.
Et ce
n’était pas d’un corps, fut-il de science
certaine le
plus beau, le plus doux, le plus enveloppant
de tous, ce
n’était pas d’un regard en lac sous ce ciel
que je
trouvais à m’envoûter,
pas même de
cette silhouette toujours au seuil
de paysages
où je promène en courant ma chaîne
d’arpenteur.
Je voyais
de pavé en pavé, de statues de roi ou de saint
en bribes
de l’avenir et des communions finales
où nous ne
serons plus que peuple et grâce,
se
développer et surgir, calmes comme de nuits légendaires,
les heures
et les siècles du bonheur à luire.
Dans
l’attente de celle qui contemple,
il y a le
reflet de celui qui choisit.
Certains en
leur enfance à peine finissante
tombent
d’un coup sur le premier sourire
et s’en
vont avec, immédiatement et sans soupir
vers un
passé qu’ils n’auront jamais eu
jusqu’à
l’autre côté de la haie vite atteinte
et
l’histoire ne dit plus rien, comme si elle
ne les
avait pas même entendus dans leur premier
cri et leur
seconde joie.
Elle ne
revient à son récit qu’en cas du malheur
qui a
souvent le front gris du départ, du moins
l’imagine-t-on
car du vrai moment qui sera le dernier,
On a
souvent la grâce de ne le pas connaître encore
tel, quand
on le vit assuré qu’il est bien dans la
chaîne des
retours.
Dans
l’attente de l’épousée tout à l’heure
il y avait
ce regard qui fouille les instants
et les
manœuvres de l’hésitation.
C’est le
secret féminin de ne jamais avouer
les brises
de la timidité d’une âme qui ne se
résoud que
par espérance, pas par certitude.
La femme
sait parler parce qu’elle ne compte que
sur
elle-même. L’homme cherchait en ses poches,
sur le comptoir,
à toutes les tables les raisons
de comparer
son avoir avec tous les autres possibles.
Il allait
et venait du seuil presque à sortir de
la salle
aux portes où l’attendait, se déplaçant
chaque fois
sur sa ligne, la femme qui de toutes
façons serait
sienne car il faut à l’homme ici-bas
un temps
fou, du temps et de la foie pour
reconnaître
ce pour quoi et ce pour qui il est fait.
Il le sait
pourtant si bien – de naissance – qu’il
refuse ou
dédaigne tout ce qui ne serait ni elle
ni çà.
Mais dans l’étreinte
entreprise, et dont d’un sursaut
elle se
dégage pour le considérer,
et
gravement voir pour eux deux que ce –
à présent –
qu’ils
célèbrent, aurait pu ne jamais être,
la femme
seule sait la virginité d’âme
qu’elle a
dû si longtemps enchanter
pour
exorciser en cet homme précis
qui va vers
elle et qu’elle roulera en son ventre,
toutes les
autres et tous les alentours et rivages
ayant
jusqu’à cet instant
retenu de
l’époux
la
naissance.
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