dimanche 27 juillet 2014

poèmes au Brésil - 12 -



Vierge de moi


Je t’ai connue vierge de moi,
je t’ai connue d’intuition, de sûre tombée
la fois prochaine que tu reviendrais,
que le palier s’ouvrirait à ton nom,
que mes bras te prendraient sur le seuil,
et que tu fondrais comme la nature le veut.

Je t’ai connue je crois bien vierge de moi,
déjà philosophe quand je me dépitais de
ne pouvoir une seconde fois tout de suite
te saisir. Il y eut les places d’Athènes,
celles qui ressemblent à Paris, et celles
uniques d’où l’on voit la mer, le Pirée et l’
Acropole comme un bateau pointant vers le large
qui est Salamine, je t’ai connue toujours m’
interrogeant, me mandant, me ressuscitant.

J’ai connu ta langue qui chante et qui épèle,
qui m’expliquait ton pays, j’ai connu ta langue
qui léchait le commun de nous deux, qui s’affairait
et souriait toute seule de ce que je ne pouvais
pas voir.
Tu rêvais de me faire parler, de me faire
crier, je rêvais de grands temps avec toi. Tu
m’exorcisais de tes prédictions quand  je serai
dans l’autre continent. Tu téléphonais, tu
vivais et tu dormais de l’autre côté de l’Acropole
comme un bateau, retenue à une ancre invisible,
tu avais ton petit garçon à la main le soir des
adieux, il portait un béret immense, il était en
bleu et la nuit qui venait, la dernière d’Athènes
l’an passé avait la même couleur profonde des
manteaux d’hiver. Tu ne bondirais plus qu’à mes
lettres, tu te convaincrais que j’étais parti de cœur
bien plus que de distance, tu me raconterais les
bancs du énième procès de ta vie finie avec K.,
et l’attente dans les salles où autrefois comme à
notre presque premier anniversaire –
maintenant – en triste et
automatique écho de toi, de ton désespoir profond dont
je t’avais un temps tirée,
tu rencontres l’amant et la future sueur des mots et
de l’amour quand les ports sont noires ?
du souvenir refusé.

Je t’ai connue encore vierge de moi,
le bonheur me disais-tu
c’était moi en m’enfonçant en toi,
je te connaissais vierge au cou de faon,
vierge au front bombé, bouclé d’adolescent
boudeur et ambigu,
je t’ai connue dans le défi et dans la joie,
le défi que tu ne me disais pas et qui
jouait notre fils suivant mon regard et
la nuit peut-être que tu passerais à mon lit,
la joie clandestine de l’île familiale
et le corps olivâtre de la pénombre
qui avait tourné le plus intimes de ses courbes
et de ses invites sombres vers le regard
que tu sollicitais tandis qu’à genoux, loin de
mon visage mais bouche à mon désir,
tu commentais pas à pas, lèvre à lèvre,
le sacrement que nous fabriquions dans l’instant,
c’étaient les siestes adultères,
les minutes de complicité,
le berceau d’un amour que nous cachions à tout le onde
pour mieux nous le dire.

Je te sais encore vierge de moi,
têtue, livide, pudique, simple et désespérée
quand tu n’as ni trente ans
ni trente mémoires,
quand l’enfant à la main qui n’est pas le mien
tu vas par la ville jusqu’à nos lieux
jusqu’à ce que tu me récitais des nuits d’hiver
et des soirs d’été
et les premières aubes où tu vins,
insecte rouge que grandissait la motocyclette
à travers les sentiers et la poussière
que j’imaginais du matin de la Pnyx à l’Agora,
de Monastiraki à Sografou,
je t’ouvrais nu et tu t’ouvrais nue,
et dans les draps de mon sommeil nous pleurions parfois
du parfait accord qui ne s’éprouve qu’à deux.


Je te sais loin à ces heures où tu dois feindre
le sommeil, le travail, parce que c’est la nuit et l’emploi,
tu vis automatiquement et ta vie est d’apparence
de ton existence. Tu n’écris plus pour moi,
peut-être pour un autre,
tu es redevenue vierge de moi
puisque tu m’attends d’une autre façon qui
n’est pas forcément un autre que moi.









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